SÉANCE

du jeudi 16 juillet 2015

8e séance de la session extraordinaire 2014-2015

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 15 h 10.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

Coût de la pollution de l'air

Mme Leila Aïchi .  - Ma question s'adressait à Michel Sapin. Notre commission d'enquête a rendu hier son rapport sur le coût économique de la pollution de l'air, salué unanimement. En qualité de rapporteure, je tiens à remercier le président Jean-François Husson pour son esprit d'ouverture et de rassemblement ainsi que tous les membres de cette commission d'enquête. Par notre vote à l'unanimité, nous avons démontré que les partis étaient capables de se rassembler.

Le coût - sous-évalué - de cette pollution atteint 101,3 milliards d'euros par an, alors que la lutte contre cette pollution rapporterait 11 milliards à l'État, soit l'équivalent de la baisse des dotations aux collectivités territoriales.

Les mesures que nous portons n'ont pas vocation à taxer de manière inconsidérée les entreprises et les Français. Nous proposons le lissage sur cinq ans des 17 centimes d'écart entre le gazole et l'essence. Personnellement, je propose aussi le doublement du bonus écologique pour les voitures électriques et hybrides essence ou encore la création de zones franches écologiques, en Île-de-France par exemple.

Que de souffrances, de malformations, de maladies de Parkinson ou d'Alzheimer pourraient être évitées ! Nous réduirions aussi le chômage en créant des emplois. Le silence et la désinvolture de MM. Sapin et Macron sont insupportables. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs au centre et à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Rapporteur de cette commission d'enquête, vous rappelez à juste titre le coût de la pollution de l'air. La loi sur la transition énergétique justement prévoit des mesures ambitieuses pour renouveler les flottes de voitures de société, soutenir la voiture électrique avec un plan d'installation de bornes électriques ; elle crée également un certificat de la qualité de l'air.

Une taxe additionnelle de deux centimes sur le gazole compense la suppression de l'écotaxe. Une réunion décidera de sa pérennisation le 21 juillet prochain. Un rapport sera remis à la ministre de l'écologie sur la gestion des pics de pollution. Elle fera des annonces la semaine prochaine. Renforcement du principe pollueur-payeur, modifications réglementaires, toutes les pistes seront explorées, sur la base de votre rapport, qui a favorisé une véritable prise de conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Inscription dans les universités

Mme Cécile Cukierman .  - Alors que le code de l'éducation précise qu'elles doivent accueillir en premier cycle tous les titulaires du baccalauréat, les universités sont de plus en plus nombreuses à se placer dans l'illégalité. Selon l'Unef, 54 universités sur 74 sélectionnent les étudiants à l'entrée de certaines de leurs filières.

Que cette sélection se fonde sur des critères élitistes ou le tirage au sort, elle remet en cause le libre accès à une formation supérieure, lequel est un droit et non un privilège. Des milliers de jeunes sont ainsi privés de formation ou contraints à des choix par défaut.

Ces pratiques sélectives sont liées à la mise en concurrence des universités entre elles dans un contexte d'autonomie budgétaire qui signifie en réalité gestion de la pénurie et affrontement pour l'attribution des moyens. Mises en place par la droite avec la LRU de 2009, ces conditions ont été confirmées par la loi Fioraso de 2013 et aggravées par un budget en berne. Les universités sont ainsi contraintes de réduire leurs frais de fonctionnement, de diminuer le nombre de formations et d'enseignants.

Liée à l'incapacité de l'université de faire réussir tous les étudiants, cette sélection par l'échec montre dans quelle impasse se trouve la démocratisation de l'enseignement supérieur. Le nombre de demandes d'inscription à l'université croît avec celui des bacheliers professionnels. Si les universités n'ont pas les moyens de répondre à l'objectif de massification, elles n'ont pas non plus les moyens d'assurer l'objectif de démocratisation.

À l'heure des négociations budgétaires, allez-vous enfin consacrer les moyens budgétaires nécessaires aux universités pour qu'elles permettent à tous et à toutes de s'inscrire dans la filière de leur choix et d'y réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Cette question est l'occasion de rappeler que l'inscription dans les universités est libre, chacun a le choix de sa filière. Notre objectif est 50 % d'une classe d'âge diplômée d'une licence.

C'est vrai, nous faisons face à une hausse démographique : trente-huit mille étudiants de plus à la rentrée précédente, davantage à la rentrée prochaine. Ce n'est pas un trop plein d'étudiants, la France a besoin de plus de diplômés. C'est pourquoi nous soutenons les universités : une spécialisation reportée à la fin du premier semestre pour permettre une meilleure orientation ; hausse de l'encadrement par mille postes supplémentaires par an.

Cette enquête de l'Unef doit être prise au sérieux : nous ferons des contrôles sur place afin de mettre fin à ces pratiques illégales.

Aux futurs bacheliers inquiets de leur sort, je dis que le logiciel Admission Post Bac (APB) fonctionnera jusqu'au 15 septembre 2015 - j'adresserai une circulaire aux recteurs pour régler les cas individuels pendants à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain)

Crise agricole (I)

Mme Odette Herviaux .  - Ce matin, à l'initiative du président Larcher, nous avons abordé l'ensemble des difficultés de la filière de l'élevage français, avec tous les acteurs concernés. Nos travaux ont été de haute tenue. (On renchérit à droite)

La crise ne saurait toutefois excuser les actions inacceptables qu'ont déployées certains. Le désespoir n'excuse pas tout, je le dis et le répéterai. Aucune solution ne naît dans la violence, dans la surenchère politicienne, dans la démagogie et les slogans incantatoires. La situation est en fait bien trop grave pour stigmatiser qui que ce soit.

Nous avons identifié ce matin de nombreuses solutions. J'espère que la présence des caméras cet après-midi ne favorisera pas les jeux de rôle.

M. Ladislas Poniatowski.  - C'est plus fort que vous !

Mme Odette Herviaux.  - Tous doivent assumer leurs responsabilités, consommateurs, producteurs, distributeurs et élus même.

Monsieur le ministre, selon quel calendrier, national et européen, accélérerez-vous la mise en oeuvre de mesures qu'attendent nos éleveurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - La crise de l'élevage, notamment celle du lait, est internationale. Mon homologue mexicain me le confirmait ce midi. La réunion de ce matin a été fructueuse. L'accent doit être mis sur les exploitants. Les cellules départementales sont en place depuis le 18 février.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Pas partout, je l'ai constaté !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Elles traiteront les difficultés des éleveurs grâce à l'effacement des cotisations de la MSA et au fonds d'allègement des charges.

Sur les prix, nous avons engagé les négociations sur le lait dès le début de l'année afin de ne pas descendre en dessous de 300 euros la tonne, avec pour objectif d'atteindre 340 euros. À nouveau, c'est une question qui dépasse nos frontières, même européennes : la principale coopérative néozélandaise va supprimer entre 15 et 20 000 emplois.

Sur le porc, mon objectif de redressement des prix est de 1,4 euro par kilogramme. Ce matin, le cadran affichait 1,39 euro par kilogramme. On y est presque ! Pour atteindre nos buts, l'implication de tous est indispensable. Depuis la table ronde du 17 juin, chacun a pris ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise agricole (II)

Mme Françoise Gatel .  - S'installent la désespérance et la révolte de nos agriculteurs asphyxiés par une crise conjoncturelle liée à la contrainte des marchés renforcée par la sécheresse.

Notre agriculture est un secteur d'excellence, envié à l'étranger : les Chinois n'ont-ils pas investi dans une usine de poudre de lait à Carhaix en Bretagne ? Pourtant ce secteur va mal : 400 éleveurs bretons sont au bord de la faillite. En Ille-et-Vilaine, une grande banque a dû dégager 10 millions d'euros d'encours en urgence. La maison brûle, monsieur le ministre. Il faut aider les agriculteurs à renforcer leur trésorerie, aider les jeunes à s'installer, valoriser la viande française, améliorer notre compétitivité, limiter l'incontinence normative. Ces agriculteurs qui ont su faire face après-guerre doivent être aidés. Pouvons-nous continuer à imposer des mesures coercitives aux éleveurs ? L'agriculture est-elle une priorité pour le Gouvernement ? Il y a enfin une forme d'indécence à défendre le bien-être animal alors que les éleveurs n'ont pas toujours de quoi vivre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - L'agriculture est-elle une priorité pour la France ? Vous oubliez que, grâce au président de la République, le budget européen de l'agriculture qui devait baisser de 20 %, a été préservé, ainsi que la PAC.

« Incontinence normative » ? Qu'est-ce qui serait aujourd'hui une surtransposition de normes ? Où avez-vous vu des normes supplémentaires ? Au contraire, une procédure d'enregistrement a été mise en place pour les installations. La loi Macron facilite l'installation des jeunes qui n'ont plus à avoir une autorisation préalable. Nous cherchons sans cesse à limiter les normes.

Le bien-être animal ? Les consommateurs y sont attentifs et nous avons toujours défendu l'excellence de nos filières. Nos agriculteurs ont été en pointe sur ce sujet. Pas de faux procès, l'agriculture est une priorité, et le restera ! Passons d'une politique coercitive à une politique incitative. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise agricole (III)

M. Gérard Bailly .  - Les agriculteurs sont inquiets. L'élevage traverse une crise dramatique. Je veux vous interroger sur les accords conclus entre les grandes et moyennes surfaces, d'une part, Auchan et Système U, d'autre part, Casino et Intermarché, auxquels il convient d'ajouter l'alliance annoncée le 5 juin dernier, entre le groupe Leclerc et le géant allemand de la distribution Rewe. Ces accords ne paraissent pas poser problème à l'Autorité de la concurrence, qui inflige 15,2 millions d'euros de sanction à 21 abatteurs de poulets pour entente, mais ne voit rien à dire à ce quasi-monopole des centrales d'achats qui tiennent 90 % du marché. Existerait-il deux poids, deux mesures ?

Voix à droite.  - Sans doute !

M. Gérard Bailly.  - Depuis dix ans, nous avons perdu 44 000 emplois dans le secteur agroalimentaire. Répondons à la détresse des producteurs ! Comment mettre fin à cette course aux prix toujours plus bas qui fragilise nos producteurs et nos entreprises de transformation et menace à terme notre sécurité alimentaire ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Vous avez oublié de rappeler que des sanctions ont été prises à l'encontre des distributeurs, dont l'une de soixante millions d'euros, frappant l'un des plus grands, qui défraie souvent la chronique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Elles sont toujours plus basses !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La loi de modernisation de l'économie que vous avez votée et qui est une bonne loi, a renforcé la grande distribution. Vous le découvrez aujourd'hui ? La loi Hamon modifie ce rapport de force entre la grande distribution et la transformation. Mettons-nous tous autour de la table pour atteindre nos objectifs de prix. Les prix d'ailleurs ont commencé à augmenter légèrement. Sur ce sujet, on ne s'en sortira que collectivement.

Arrêtons de nous renvoyer réciproquement les responsabilités. La responsabilité, elle est d'abord collective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gérard Bailly.  - Soit, mais vous venez de mettre en cause la loi de modernisation de l'agriculture !

Crise agricole (IV)

M. Jacques Mézard .  - Nous connaissons tous les difficultés de nos exploitants agricoles. Les crises, cycliques, sont de plus en plus mal vécues par nos agriculteurs. Les coûts de production sont supérieurs aux prix de vente ; personne ne peut s'en satisfaire. (On approuve à droite)

Producteurs, consommateurs, distributeurs ne sont pas placés sur un pied d'égalité. Les plus grandes fortunes sont souvent à rechercher dans la dernière catégorie, ce que nos concitoyens ne sauraient admettre.

Une ferme qui s'éteint dans le Cantal, c'est la vie qui s'en va.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Nous avons besoin de réponses d'urgence, de moyen et de long terme. L'étiquetage d'abord, pour mieux préserver notre production de viande. Ensuite, les cellules de crise que nous voyons peu sur le terrain, et dont les réponses sont attendues. Le problème de la contractualisation doit être également traité : il faut impérativement tenir compte des coûts. Enfin, pouvez-vous accélérer les mesures prises dans le cadre de la PAC ? Nous en avons besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite ; M. Simon Sutour applaudit également)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - J'ai été élu d'une commune de 250 habitants dans le canton de Loué. Elle n'est pas dans le Cantal, certes, mais je connais bien les difficultés du secteur.

On peut continuer à stigmatiser la grande distribution ; on pourrait aussi argumenter sur l'impôt de solidarité sur la fortune. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Ladislas Poniatowski.  - Vous bottez en touche !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Mais je préfère trouver des compromis avec tous les acteurs.

Les cellules de crise sont en place depuis le 18 février (On le conteste à droite) Ne dites pas non, la parole de l'État est engagée ! (Exclamations sarcastiques à droite)

Nous mobilisons 25 millions d'euros, pour l'allègement des cotisations RSA et le fonds d'allègement des charges pour les agriculteurs. Les moyens seront augmentés, notamment pour les jeunes et ceux qui ont investi et risquent de perdre leurs moyens de production.

Il faudra aussi travailler à moyen et long terme sur l'étiquetage par exemple. Le consensus fait pour l'heure défaut en Europe, mais nous agirons pour segmenter notre production et affiner les indications d'origine ; le label « viande de France » va dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Accord sur l'Iran

Mme Bariza Khiari .  - Pendant douze ans la crise du nucléaire iranien a remis en cause le traité de non-prolifération. Les sanctions ont été inefficaces mais ont pénalisé le peuple iranien. L'accord signé est solide. Je ne partageais initialement pas votre intransigeance, monsieur le ministre, mais cet accord robuste conforte votre stratégie et marque une magnifique victoire diplomatique. Vous avez toujours exigé la transparence, l'embargo sur les armes conventionnelles, la levée progressive des sanctions, qui sera suspendue si les Iraniens ne tiennent pas leurs engagements.

Certains Républicains américains, ou les tenants de la ligne « dure » incarnée par Benyamin Netanyahou restent sceptiques, mais cet accord est porteur d'espoir. Quelles seront ses conséquences sur l'Iran, nos relations bilatérales, l'équilibre international et le Moyen-Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Plutôt qu'intransigeance, avec le président de la République, nous avons choisi la voie de la fermeté constructive. Il s'agissait de savoir comment empêcher l'Iran, qui a le droit d'accéder au nucléaire civil, de disposer de l'arme nucléaire. Les questions posées étaient précises, tout autant les réponses que nous avons obtenues : le nombre des centrifugeuses est passé de 20 000 à 5 060, le stock d'uranium de plusieurs tonnes à 300 kg, et le taux d'enrichissement abaissé de 20 % à 3,67 %.

Il fallait veiller à ce que l'usine d'Arak ne se transforme pas en centre de production de plutonium à usage militaire.

Si cet accord n'avait pas été robuste, rien n'aurait empêché d'autres pays environnants, comme l'Arabie saoudite, la Turquie, l'Égypte de réclamer ensuite le droit à disposer de l'arme nucléaire. Notre fermeté était nécessaire.

À court terme, nous nous emploierons à renouer avec l'Iran - je m'y rendrai prochainement. À moyen terme, j'espère que ce pays tiendra ses engagements. Je me garderai bien de faire des pronostics. Nous jugerons sa politique nucléaire sur pièces. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise agricole (V)

M. Michel Raison .  - (Applaudissements sur les bancs de groupe Les Républicains) Ma question est grave. Je vous la pose avec sérénité, j'aimerais une réponse sur le même ton. Vous n'êtes pas la cause de la crise, vous en êtes néanmoins le médecin. Les paysans sont en souffrance, vous le savez. Ils doivent être entendus, dans toutes leurs souffrances et au-delà des difficultés conjoncturelles et répétées. Le moral d'un chef d'entreprise est important, il faut le soutenir.

Les cellules de crise sont une bonne chose. Il y a cependant dû y avoir des problèmes d'internet et de communication car dans mon département, il n'y a pas de cellule. (On renchérit à droite)

Puisque le président de la République a assuré le 14 juillet qu'il était désormais à la tête de l'Europe, (Protestations à gauche) qu'il convainque les pays du Nord de la nécessité de redresser la situation du secteur ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous ferai une réponse sereine, comme vous le souhaitiez, même si votre conclusion était quelque peu ironique.

Député européen, j'ai voté contre la suppression des quotas laitiers en 2008. Cela m'a valu d'ailleurs bien des critiques à l'époque...

M. Jacques Mézard.  - Rappel utile !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Depuis 2012, j'ai demandé qu'on inscrive à l'ordre du jour des conseils la gestion post-quotas et la régulation du marché laitier. En vain, Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Danemark, chacun espérait vendre du lait en poudre aux Chinois. Sans la coordination que je réclamais, chacun s'est mis à produire. Le résultat ne s'est pas fait attendre, en dépit de mes mises en garde répétées à mes homologues : une offre et une demande saturées. Je propose une hausse des prix d'intervention. C'est ma proposition. Si vous y souscrivez, aidez-moi donc à la défendre en Europe, auprès des parlements nationaux en particulier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs à droite)

M. Michel Raison.  - D'accord.

Crise agricole (VI)

M. Daniel Gremillet .  - C'est avec la même solennité que nos collègues que je veux m'adresser au ministre de l'agriculture. Le Sénat des territoires s'est montré constructif.

L'agriculture est un enjeu stratégique pour l'économie locale. Tous les jours, une exploitation porcine ferme ses portes, le plus souvent dans le silence.

J'ai fait partie de ceux qui se sont battus pour la PAC ; vous n'avez fait que poursuivre l'oeuvre des gouvernements précédents, monsieur le ministre et je vous en remercie. Un bon budget d'accord, mais cela ne suffit pas. Il y a les chiffres et il y a la réalité de la vie. Reste que l'embargo russe frappe les seuls éleveurs et producteurs de fruits et de légumes. Les OGM, nous y avons renoncé. La France, qui a la chance d'avoir de l'eau, souffre des ravages de la sécheresse.

Comment est-ce possible ? Comment expliquer que notre puissance agroalimentaire décline en Europe ?

Nous avons longuement parlé des souffrances du peuple grec hier et de l'indispensable solidarité. D'autres souffrances, plus proches, méritent une égale attention. Notre élevage devra-t-il se contenter d'un strapontin dans les instances de négociations européennes ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Non, en aucun cas ! Notre décrochage ne date pas d'aujourd'hui, mais de 2008-2009. (Voix à droite : « Endettement ! »)

Nous avons quelques années de retard à rattraper. Cela prend du temps. Avec la FNSEA et les professionnels, nous avons dégagé 200 millions d'euros pour combler notre manque d'investissement, pour assurer la place de notre agriculture en Europe et dans le monde. Oui, il faut retrouver le chemin de l'investissement !

Quant aux OGM, personne n'a jamais démontré qu'ils étaient source de compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

Sur la retenue de l'eau, je l'ai dit dix fois aux écologistes : il ne s'agit pas d'irriguer le maïs, mais de maintenir l'élevage et les pâturages en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Loin de moi l'idée de considérer l'élevage de France comme un strapontin, bien au contraire. Je me suis battu pour le couplage des aides et continuerai à le faire pour défendre notre agriculture de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE ; MM. Michel Le Scouarnec, Yves Détraigne et Jacques Legendre applaudissent aussi)

Loi NOTRe

Mme Stéphanie Riocreux .  - Dans quelques instants, le Sénat se prononcera sur la loi NOTRe, étape fondamentale pour notre démocratie locale. La CMP est parvenue à un texte équilibré, qui doit beaucoup à la mobilisation et au rassemblement de tous les élus locaux, ainsi qu'à la légitimité de leurs demandes...

Mme Jacqueline Gourault.  - Très bien !

Mme Stéphanie Riocreux.  - Ce texte clarifie les responsabilités. Si l'objectif était simple à formuler, sa réalisation était plus complexe. Les intercommunalités, dont le seuil est abaissé à 15 000 habitants, seront renforcées, en lien avec les départements. (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame) Les communes, dans une logique de proximité, seront seules titulaires de la clause de compétence générale, tandis que les régions seront confortées dans leur rôle de stratège économique local. Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les territoires dans la mise en oeuvre de la réforme ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Permettez-moi de saluer tout d'abord la mémoire de Jean Germain, très attaché à cette réforme, dont vous reprenez le flambeau.

Le rapport de MM. Krattinger et Raffarin (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame) avait conclu qu'il valait mieux spécialiser chaque échelon de notre territoire plutôt que procéder à de nouvelles décentralisations de compétences.

L'action publique doit rester unique, qu'elle soit conduite par l'État ou par les collectivités territoriales. Ses organes travaillent ensemble. Ainsi, aujourd'hui, les régions se tiennent aux côtés de l'État pour soutenir les agriculteurs.

Deux options étaient possibles : la fusion région/département, ou la création de grandes régions et la spécialisation des départements sur la solidarité, que nous avons retenue. Le bloc communal sera aussi renforcé. Les petites communes - les 29 000 ayant moins de 1 000 habitants - ont besoin des intercommunalités pour continuer à offrir des services de qualité à leurs habitants.

Comme le président Larcher l'a dit, l'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord inédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Je vais suspendre la séance. Elle sera reprise à 16 h 20 pour l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.