Dockers (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à consolider et clarifier l'organisation et la manutention dans les ports maritimes (Procédure accélérée).

Discussion générale

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Les ports sont des maillons essentiels de notre chaîne de transport ; 40 000 emplois en dépendent directement. La loi de 2008 a garanti leur développement économique, et ses résultats sont encourageants : le trafic conteneurisé a progressé de 5,3 % depuis 2012, soit plus que la moyenne européenne.

Le développement d'un système logistique complet doit se poursuivre. Les instances de gouvernance des ports ont été renouvelées, à cette fin, et la coopération portuaire avec les ports décentralisés, sur les recommandations du rapport Henriaux, ont été encouragées.

Les investissements prévus dans le cadre du nouveau contrat de plan État-Région s'élèvent à 1,6 million d'euros contre 1,3 million d'euros dans le précédent ; 23 projets portuaires ont été portés au niveau européen, et 53 millions d'euros ont été accordés à la France - sans parler des 82 millions d'euros du projet Port Calais 2015.

Un mot sur le contexte de cette proposition de loi. Les tensions enregistrées à Port-La Nouvelle fin 2013 ont conduit le Gouvernement à mettre en place un groupe de travail destiné à réexaminer les règles relatives à la manutention. Un équilibre a été trouvé grâce à un dialogue riche, au terme de trente réunions de travail. L'enjeu était de concilier des enjeux essentiels à l'attractivité de nos ports et à leur développement économique : la sécurité des personnes et des biens, fondée sur la qualification et le professionnalisme des dockers ; la liberté d'entreprendre ; le respect des travailleurs et de leur condition d'emploi.

Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi reprenant cet accord. Elle fonde une définition de l'ouvrier docker professionnel sur l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée, soumis à la convention collective nationale unifiée « ports et manutention » (CCNU). Elle consolide le principe de priorité d'emploi pour les ouvriers dockers. Elle modernise la définition du périmètre dans lequel devrait s'appliquer la priorité d'emploi des ouvriers dockers, fondée sur le service au navire ; elle prévoit une charte nationale pour les nouvelles implantations industrielles dans les ports maritimes de commerce, comportant une obligation de négociation entre les différents acteurs de la place portuaire et des engagements réciproques de compétitivité, de fiabilité sociale et de respect des emplois portuaires et des clauses de la CCNU.

L'objectif de cette proposition de loi est de sécuriser le régime de priorité d'emploi des dockers pour pérenniser leur emploi dans un cadre modernisé : le savoir-faire de cette profession est un atout précieux en matière de sécurité pour nos ports. Avec ce texte, il s'agit d'améliorer la fiabilité et la compétitivité de nos ports, dans un environnement très concurrentiel.

L'Assemblée nationale l'a adoptée conforme. Que doit faire le Parlement face à un texte résultant d'un accord des partenaires sociaux ? N'opposons pas légitimité politique et légitimité sociale : il n'y a qu'une légitimité, celle du Parlement, représentant du peuple souverain. La question, à la vérité, est moins juridique que politique : le Parlement doit-il imposer ses propres conceptions quand les partenaires sociaux sont parvenus à un accord ?

Le respect d'un tel accord n'est-il pas la meilleure garantie de son application ? La réponse que vous apporterez sera lourde de conséquences. À l'Assemblée nationale, la droite ne s'était pas opposée à ce texte. J'espère que vous ne trouverez pas de prétexte de fond pour vous y opposer... Ce serait non seulement la disparition de l'accord, mais un signe de défiance à l'égard des partenaires sociaux.

Le Gouvernement prend acte de la position de la commission. Mais je veux faire une mise en garde : dans une société en proie au doute et menacée par les extrêmes, n'opposons pas une fin de non-recevoir au signe d'apaisement envoyé par les partenaires sociaux. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Vaspart, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Le régime actuel des dockers est issu de la loi Le Drian du 9 juin 1992. Il ne s'agit pas de remettre en cause cet équilibre. Le présent texte n'est ni une réforme des dockers, ni une réforme portuaire. Il procède du conflit de Port-La Nouvelle, où une entreprise reprochait à une autre de lui faire une concurrence déloyale en employant du personnel non-docker. À la suite de quoi, le ministre Frédéric Cuvillier a constitué un groupe de travail autour de Martine Bonny, inspectrice générale de l'écologie et du développement durable et ancienne présidente du directoire des grands ports maritimes de Rouen et de Dunkerque. Ce groupe de travail a largement consulté et fourni un rapport d'une grande qualité, proposant une série de modifications dans le code des transports. Le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale traduit fidèlement ces propositions.

La commission du développement durable est favorable au toilettage de la réglementation, indispensable. Mais tout le monde s'accorde en même temps pour ne pas déstabiliser nos ports. Or l'affaire de Port-La Nouvelle sert de prétexte pour modifier d'autres points du droit.

Il ne faut pas perturber les pratiques existantes, qui varient d'un port à l'autre. Nos ports ont besoin de stabilité et de fiabilité. Si leur activité s'améliore depuis 2011, c'est grâce à la forte baisse de la conflictualité sociale. Tout le monde revendique le statu quo et cette proposition de loi fait exactement le contraire !

Le point névralgique est l'article 6 qui vise à clarifier le périmètre de la priorité d'emploi des ouvriers dockers. Ceux-ci sont attachés à leur pré carré qui leur apporte une certaine garantie d'emploi, tandis que les entreprises peuvent être tentées d'avoir recours à une main d'oeuvre moins onéreuse. Des équilibres se sont installés dans chaque port ; pourquoi perturber ce qui a le mérite de fonctionner ? Les améliorations proposées ne font que repousser les imperfections dans la technique juridique. La charte nationale, dont nul ne voit comment la faire fonctionner, risque forte de décourager les investisseurs qui ne souhaitent pas être contraints de négocier avec les syndicats avant toute implantation industrielle. Or nos ports ont besoin d'investissements privés, que la réforme Bussereau de 2008 visait à encourager.

Ce texte crée des incertitudes. Que se passe-t-il lorsque la première amenée est effectuée par voie automatique depuis le quai jusque dans le hangar ? Faut-il faire appel à un ouvrier docker pour réceptionner la marchandise dans le hangar ? Et comment traiter la situation d'un conteneur directement chargé du bateau sur le châssis d'un camion de transport ? Les céréaliers, dont l'activité est fluctuante, ont besoin de recourir au travail intérimaire.

Le rapport de Mme Bonny fournit des pistes utiles ; mais des études d'impact auraient été nécessaires. Le Parlement ne peut être considéré comme une chambre d'enregistrement, fût-ce de projets de loi déguisés en propositions de loi entérinant les résultats du dialogue social.

S'il s'agit de se conformer au droit européen, il faudrait ouvrir le dossier de la formation des dockers. Des discussions sont prévues en 2016 au comité sectoriel européen, pour lutter contre le dumping social ; rien ne justifie d'anticiper. À la différence de l'Espagne, la France n'a pas été mise en demeure par la Commission européenne.

Nous saluons le travail de Martine Bonny mais les modifications proposées n'apporteront pas grand-chose aux grands ports et fragiliseront les petits. La commission a donc ramené ce texte à son ambition initiale en supprimant la définition des dockers occasionnels, l'article 6 relatif au périmètre d'emploi prioritaire, en récrivant l'article 7 sur la double priorité d'emploi, et en supprimant l'article 9.

Gardons-nous de la tentation technocratique de vouloir rendre le monde parfait, uniformément borné par la loi. Nous ne sommes pas là pour légiférer hasardeusement. Préservons ce qui fonctionne. Discutons, le cas échéant, d'un projet de loi en procédure normale pour améliorer l'activité, l'emploi et la sécurité de nos ports. (Applaudissements à droite et au centre)

Hommage à une délégation belge

Mme la présidente.  - Je suis heureuse de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d'honneur, de Mme Julie de Groote, présidente du Parlement francophone bruxellois, accompagnée de ses collègues MM. Serge de Patoul, vice-président, et Jamal Ikazban, premier secrétaire.

Cette visite fait suite à une réunion de travail organisée par le groupe interparlementaire d'amitié France-Belgique et Luxembourg dont le président est M. Philippe Leroy et le président délégué M. Olivier Cadic. À cette occasion, ont été évoqués des sujets entrant dans le champ de compétence du Parlement francophone bruxellois, notamment l'aide aux personnes, la formation professionnelle et l'enseignement.

Nous souhaitons à nos collègues belges la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements)