Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Immigration, asile et intégration

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Pourquoi ne suis-je pas un rapporteur spécial heureux ? Alors que j'ai voté avec bonheur les crédits de la mission sécurité, les crédits de l'immigration, asile et intégration n'ont pas été remis à plat. Certes, le Gouvernement fait des efforts ! Il crée des places en Cada, augmente un peu les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra)...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - « Un peu » ?

M. Roger Karoutchi.  - Mais face à la vague migratoire, nous restons loin du compte. La France accueillera sans doute 80 000 demandeurs d'asile en 2015, soit 15 000 de plus qu'en 2014.

L'État a une grosse dette à Pôle emploi au titre de l'Allocation pour demandeur d'asile (ADA). En dépit de ses moyens supplémentaires, l'Ofpra n'aura pas les moyens de tenir les délais d'examen de tous les dossiers.

Quant à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), on a ajouté ici ou là des moyens mais en réalité très peu au regard des besoins. L'Allemagne, elle, met 10 milliards de plus.

Le ministre de l'économie suggère un fonds franco-allemand pour les réfugiés. J'ignore ce qu'il compte en faire...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Rien, bien sûr...

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - ...mais cela ne suffira pas. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pour le moment, je ne vois pas arriver les hot spots ni les mesures de contrôle des flux et des entrées. On ne traitera pas la crise migratoire avec des crédits passant de 700 à 800 millions d'euros. Nous le savons déjà, la sous-budgétisation nous obligera à voter des rallonges d'autant que l'État a une dette envers Pôle emploi. Je ne m'explique pas que vous vous refusiez à réévaluer le nombre de réfugiés que nous devons de toute façon accueillir et intégrer : ils seront nécessairement 90 000 ou 95 000 en 2016. Rien n'est tout blanc ni tout noir.

Tout en reconnaissant l'effort du Gouvernement, je ne peux pas recommander l'adoption de ces crédits.

Mme Esther Benbassa, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l'asile .  - Ce budget est marqué par ce qu'il est convenu d'appeler la crise migratoire mais aussi par la réforme du droit d'asile.

Plus de places en Cada mais aussi de postes à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et à l'Ofpra. À cette occasion, puis-je déplorer le temps d'attente, en Ile-de-France, pour obtenir un rendez-vous en préfecture ?

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits, sous réserve qu'ils soient abondés en cours d'exécution si l'afflux de personnes était supérieur à ce qui est anticipé.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'immigration, l'intégration et la nationalité .  - Ce budget a été élaboré selon des principes très différents de ceux des années précédentes. La progression des crédits dédiés à l'asile s'accompagne d'une hausse des moyens consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière et pour l'intégration. Cette évolution est en partie liée à l'anticipation de la réforme du droit des étrangers.

Une remarque, l'immigration familiale reste la première source d'immigration régulière, avec une part de 47 % ; l'immigration économique ne représente que 9 % du total, proportion stable dans le temps.

Comme chaque année, je regrette le faible recours à la vidéo-conférence et aux salles d'audience délocalisées, notamment celles de Roissy ; notre piètre connaissance de l'efficacité de la politique d'éloignement, faute d'une évaluation prenant en compte le nombre de décisions prononcées ; et l'insuffisance de moyens de l'Ofii.

Sous ces réserves, la commission des lois a donné un avis favorable à ces crédits.

Mme Natacha Bouchart .  - L'immigration ne recouvre pas totalement la problématique de la sécurité. Fille d'immigrés polonais et arméniens, je sais ce que représente la contribution d'étrangers venus le coeur plein du respect de la République et de la volonté de réussir leur vie. Maire de Calais, je sais aussi les contraintes que fait peser une immigration incontrôlée sur nos territoires.

Il y a quelques semaines, on dénombrait 6 000 migrants à Calais, contre 500 il y a trois ans. Ils sont aujourd'hui 4 400. Je ne peux pas nier l'action du Gouvernement : 26 filières démantelées en 2015 - dont 24 par la police de l'air et des frontières. Nos forces font un travail remarquable, même si les réseaux albanais subsistent.

Je ne nie pas non plus les efforts de l'État pour aménager les conditions d'accueil des réfugiés à Calais avec la signature d'une convention.

Toutefois, nous devons aussi nous donner les moyens d'enregistrer les empreintes de ceux qui stationnent ou résident dans notre pays. (Mme Nathalie Goulet approuve) Devant le défi de la sécurité et de la crise migratoire, pouvons-nous nous en remettre au hasard ? Cette politique d'enregistrement systématique suppose des moyens qui manquent aujourd'hui. Elle dit s'accompagner d'une politique ferme de reconduite à la frontière et l'expulsion sans délai des no landers, étrangers qui attisent la discorde dans notre pays. Ce sont les mêmes qui ont jeté le trouble place de la République à Paris ce week-end : les expulser immédiatement est impératif. (Applaudissement sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Dans un entretien à un grand quotidien allemand, le Premier ministre a demandé que l'Europe cesse d'accueillir des réfugiés en raison de la crise des djihadistes, car deux des tueurs du 13 novembre seraient parvenus sur notre sol en se fondant parmi les migrants. L'amendement du Gouvernement sur cette mission confirme cette attitude. Les crédits, augmentés de 14 millions d'euros, viseraient notamment à renforcer l'armement de hot spots en Italie et en Grèce. Si nous nous réjouissons de la hausse du budget de cette mission, nous ne pouvons pas souscrire à cette politique qui télescope sécurité et immigration. Ne l'oublions pas, si quelques terroristes se sont glissés dans le flux des migrants, la majorité des réfugiés fuient la guerre et la misère et demandent l'asile. Si cette action est dotée de 7,4 % des crédits de la mission, elle reste sous-budgétée.

De manière générale, nous déplorons que l'accent soit mis sur la lutte contre l'immigration irrégulière aux dépens du droit d'asile, dans la lignée de la politique du gouvernement précédent. La création de 3 500 places d'accueil en 2016 et 2 000 en 2017, portant le nombre total de places à 33 000 en 2016 pour 70 000 demandes d'asile, et un traitement des dossiers par l?Ofpra ramené à 200 jours, seront bien insuffisants au regard des enjeux.

Le président Hollande s'était engagé à ne plus placer d'enfants en Centre de rétention administrative (CRA) ; sa promesse n'est pas respectée. En matière d'intégration et d'accès à la nationalité, la logique du gouvernement précédent n'est pas non plus remise en cause, bien que les crédits de cette action progressent de 20 % pour atteindre 10 % du total de la mission. Le contrat d'intégration ne change pas d'esprit.

Le groupe CRC, déplorant l'insuffisance des crédits et le virage idéologique qui se dessine, ne votera pas ces crédits.

M. Jean-Yves Leconte .  - Apprendre par SMS qu'une bombe a explosé, attendre impuissant des nouvelles de ses proches, nous l'avons vécu vendredi dernier. C'est le quotidien de ces réfugiés qui tentent de nous rejoindre. Voilà comment il faut aborder cette belle politique humaniste de l'asile.

Ce budget traduit la réforme du droit d'asile de juillet 2015. Elle donne des fruits : le taux de reconnaissance à l'Ofpra est passé de 44 à 77 % et en première instance, la baisse du stock est de 20 %, le nombre d'agents est passé de 420 à 525.

Je salue ce qui a été fait à Calais depuis un an et l'instruction des demandes par notre réseau diplomatique - on pourrait faire mieux pour décharger l'Ofpra. En revanche, j'exprime des regrets sur les plateformes de premier accueil en région et l'insuffisance des moyens de la CNDA.

Comment ce budget évoluera-t-il si la France est confrontée à la hausse de la demande d'asile constatée en Europe ? Où en est-on du déploiement de la politique européenne ? Il y aurait des difficultés sur les hot spots. Il devrait y avoir un continuum entre la sortie de la Grèce et l'entrée en Macédoine.

Enfin, la sécurisation des frontières : il faut un enregistrement systématique des migrants. Est-ce positif que si peu de migrants se tournent vers la France ? Aucun budget ne peut répondre à notre devoir d'intégration, ayons-en conscience.

Le groupe socialiste votera ces crédits.

M. Guillaume Arnell .  - Selon Frontex, plus de 500 000 hommes, femmes et enfants ont été dénombrés aux frontières de l'Union européenne durant les huit premiers mois de l'année 2015. Défi de sécurité mais aussi défi humanitaire pour notre pays, et qui nécessite une approche globale, au nom du pacte républicain. Nous continuons de souscrire à la politique du Gouvernement.

Nous devons à la fois maîtriser les flux migratoires, renforcer notre attractivité et lutter contre la traite des êtres humains. La maîtrise des flux migratoires est la condition d'un bon accueil des réfugiés. En 2016, 12 % des crédits du programme 303 y sont consacrés. L'établissement d'une liste de pays sûrs, d'une procédure accélérée pour les demandes dénuées de lien avec un besoin manifeste de protection, la réduction des délais d'éloignement, tout cela va dans le bon sens.

L'immigration irrégulière touche depuis longtemps les territoires ultra-marins. À Saint-Martin, on vient d'arrêter trois hommes en possession de faux passeports néerlandais, ils sont suspectés de provenir de Syrie. Le problème de la liberté de circulation se pose sur l'ensemble du territoire national.

La France doit rester un pays d'accueil où les étrangers sont accueillis dignement. L'effort doit être soutenu. À Saint-Martin, la population a triplé en vingt ans avec l'arrivée d'Haïtiens et de Dominicains. Leur intégration ne sera réussie que si nous sommes capables de bâtir un projet commun.

En s'interrogeant sur les moyens dévolus aux collectivités territoriales qui créent des places d'accueil, le groupe RDSE votera ces crédits. N'oubliions jamais que, derrière les chiffres, il y a toujours des êtres humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Nathalie Goulet .  - Comme Mme Bouchart, je suis issue de l'immigration. L'équation politique et budgétaire après les attentats me donne une envie folle de m'exprimer sur ce sujet. On a même entendu dire à cette tribune que les immigrés d'hier étaient les terroristes d'aujourd'hui : inacceptable...

Nous devons créer des bureaux communs avec l'Espagne ou l'Italie pour traiter les dossiers dont le nombre ira croissant ; et des antennes de l'Ofpra dans des points de passage importants comme Nice et Strasbourg.

La non-budgétisation systématique des crédits dévolus à l'hébergement d'urgence et aux allocations est inacceptable. M. Karoutchi l'a dit. Les crédits sont systématiquement inférieurs de 40 % à la consommation constatée l'année précédente...

Où en est-on de l'identification des réfugiés provenant de Syrie et d'Irak ? Je posais cette question dès le 22 octobre 2015, bien avant les attentats. Nous devons y répondre, sans quoi les partis non démocratiques s'engouffreront dans cette brèche. Et l'on prévoit déjà un score fleuve pour le FN aux prochaines élections... Nous n'en voulons pas.

Mme Esther Benbassa .  - Nous devons réussir la réforme du droit d'asile, dont le groupe écologiste se réjouit, dans une situation budgétaire difficile.

La sous-budgétisation des crédits d'hébergement d'urgence pèse sur l'accueil des réfugiés. Il est regrettable que le Conseil d'État ait dû condamner la France pour avoir à Calais, dans la « jungle », laissé vivre des personnes dans des conditions s'apparentant à des traitements inhumains et dégradants.

Très exactement, 134 personnes ont été transférées au CRA de Vincennes. Le dernier convoi date du 15 novembre. Les Syriens, Irakiens et Erythréens demeurent seuls enfermés. Ils sont arrivés là alors qu'ils étaient sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) délivrée par la préfecture du nord ; mais le ministre Cazeneuve justifie leur maintien en rétention par la nécessité d'établir leur identité ! Les personnes de ces nationalités ne sont en outre pas expulsables. Seul un réfugié albanais a été éloigné. Alors pourquoi les retenir ? J'espérais une réponse de M. Cazeneuve, mais peut-être pouvez-vous me la fournir, madame Valter ?

Malgré ses réserves, le groupe écologiste votera les crédits de cette mission.

M. André Trillard .  - Avant les évènements tragiques du 13 novembre, nous faisions face à une crise migratoire d'une ampleur exceptionnelle. S'il est difficile d'anticiper les inflexions de la politique européenne, les frappes contre la Syrie provoqueront de nouvelles vagues de migrants, rendant obsolètes les hypothèses sur lesquelles ce budget est construit. Comment vous préparez-vous à ces nouveaux flux ?

La générosité des Français envers les réfugiés appelle de la part de la commission des finances une politique plus résolue contre l'immigration irrégulière. La réforme du droit d'asile ne crée-t-elle pas un appel d'air ? La France dépense 13 000 euros par réfugié avant l'obtention du droit d'asile, 5 500 euros par débouté. Les Français ne veulent plus d'une politique laxiste. Comment le Gouvernement compte-t-il renforcer l'effectivité des mesures d'éloignement ? Le groupe Les Républicains a fait nombre de propositions au rang desquelles l'immigration familiale plus encadrée, une assignation à résidence renforcée, des quotas annuels votés par le Parlement. En vain...

En refusant de développer une vraie politique commune, l'Europe a perdu de son leadership et s'est mise sous la coupe des trafiquants... Le trafic des migrants est le troisième trafic mondial après celui de la drogue et des armes.

Pour l'heure, l'Europe n'a ni politique migratoire commune, ni droit d'asile unifié, ni même de budget pour l'accueil. Sa seule intervention consiste à financer la lutte contre l'immigration clandestine avec Frontex et l'opération Triton. La reconstitution des allées et venues des terroristes du 13 novembre a montré avec quelle efficacité ! En quinze ans, 13 milliards ont été consacrés à cette politique par Bruxelles sur un budget de 142 milliards d'euros : c'est peu...

Il faut, à l'évidence, revoir Schengen, sans regret pour le passé, puisque même sans libre circulation en son sein, l'Europe serait la principale destination des migrants, pour d'évidentes raison géographiques et économiques. Il est urgent de renforcer la sécurisation de nos frontières maritimes et terrestres, faute de quoi chaque État fermera les siennes et nous reculerons !

Cela suppose de s'entendre sur une liste de pays sûrs. Il faudra aussi harmoniser les délais de validité de nos titres de séjour. Pourquoi dix ans pour l'asile politique en France contre cinq ans ailleurs ? Sur tous les sujets, nous attendons votre éclairage, madame la Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Kaltenbach .  - J'insisterai sur le volet immigration/intégration. Le budget témoigne que le Gouvernement a pris toute la mesure de la question ; la politique est équilibrée, entre l'accueil et l'intégration de l'immigration régulière d'une part, la maîtrise des flux et la lutte contre l'immigration clandestine d'autre part.

Les crédits d'intégration progressent de 20 %, au service d'un objectif ambitieux, concrétisé par un contrat d'intégration renouvelé ; celui-ci insiste sur la maîtrise de la langue française - niveau A1 la première année, A2 au bout de cinq ans -, sur les valeurs de la République et personnalise l'accompagnement vers la formation et l'emploi. Les cartes de séjour pluriannuelles sont la preuve de la volonté du Gouvernement de favoriser une amélioration de l'intégration.

Certains partis comme le FN continuent à faire des immigrés des boucs émissaires. En réalité, 80 000 des 200 000 annuelles sont le fait du regroupement familial, pour l'essentiel d'étrangers rejoignant leur conjoint français, 60 000 sont le fait d'étudiants, et bien peu, quelques milliers, relèvent de motifs économiques, le reste correspondant à un accueil humanitaire.

L'immigration liée au travail s'est presque tarie depuis 1974, mais cela n'empêche pas certains de stigmatiser les nouveaux arrivants, à des fins électoralistes...

L'OFII voit ses crédits augmenter de près de 10 % ; ceux destinés aux actions d'accompagnement progressent de 15 %. Il faut s'en féliciter.

S'agissant de la maîtrise des flux, et de la lutte contre l'immigration irrégulière, les 76 millions d'euros dédiés - en hausse de 20 % - permettront de rendre plus effectives les reconduites à la frontière et les assignations à résidence qui en sont parfois le préalable.

Le ministre de l'intérieur a rappelé les actions conduites pour démanteler les réseaux...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Kaltenbach.  - Le groupe socialiste votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - La République est confrontée à des défis majeurs, dont la situation migratoire sans précédent. Le législateur a adopté d'importantes réformes en 2015, que ce budget traduit concrètement.

Le Gouvernement fait de plus de cette mission une réponse à la menace terroriste et je vous proposerai un amendement traduisant le pacte de sécurité voulu par le président de la République.

Le Gouvernement, pour accueillir 30 700 réfugiés, conformément à ses engagements européens, dotera l'Ofii et l'Ofpra de 126 et 100 postes supplémentaires, les préfectures et la direction générale des étrangers en France bénéficieront respectivement de 30 et de 10 renforts.

La France mettra 18 personnes à la disposition du bureau européen de l'asile et 60 de Frontex pour l'armement des hot spots.

La loi du 29 juillet 2015 a réformé notre système d'asile : 23 100 places d'hébergement seront créées d'ici 2017. Les crédits dédiés augmenteront de 7,8 % en crédits paiement et 9,6 % en autorisations d'engagement.

L'État soutiendra exceptionnellement les communes volontaires, comme je l'ai annoncé à 700 maires le 12 septembre, à hauteur de 1 000 euros par place d'hébergement créée - soit 15 millions d'euros au total - et au moyen d'un fonds de soutien à l'investissement local de 50 millions d'euros.

Les crédits du programme accueil et intégration augmenteront de 20 % et ceux de l'Ofii  de 40 % pour renforcer le programme d'accueil et d'apprentissage de la langue française. Les moyens dédiés à la sécurisation des frontières et à la lutte contre le terrorisme seront également renforcés, conformément au souhait du président de la République, à hauteur de 13,8 millions d'euros.

Face à la menace, nous devons garantir à nos services les moyens de mener une politique d'accueil et d'intégration, essentielle à l'affirmation de nos valeurs républicaines.

Madame Bouchart, le ministre de l'intérieur est très attentif à la situation de Calais. Les maraudes et patrouilles ont été multipliées ; cinquante procédures sont engagées chaque jour ; l'effort de surveillance n'est pas relâché.

Monsieur le rapporteur spécial, l'Ofpra bénéficie de 100 renforts, l'Ofii de 126, qui seront utiles dans la mise en place des hot spots. Notre amendement les porte respectivement à 115 et 135.

Madame Goulet, la prise des empreintes est réalisée dans le pays d'entrée en Europe, qui effectue en parallèle un criblage par rapport aux fichiers internationaux. La France procède de même à l'égard des demandeurs d'asile, en vérifiant également le fichier des personnes recherchées.

Madame Benbassa, la préfecture du Pas-de-Calais a pour pratique de ne pas éloigner les personnes de nationalité syrienne avérée ; mais celle-ci n'est parfois pas démontrée, voire arguée de manière frauduleuse. La France a la durée de rétention la plus brève en Europe ; celle-ci fait l'objet d'un contrôle juridictionnel et les personnes visées peuvent toujours faire une demande d'asile.

ARTICLE 24 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-255, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

12 825 590

 

12 825 590

 

Intégration et accès   à la nationalité française

941 755

 

941 755

 

TOTAL

13 767 345

 

13 767 345

 

SOLDE

+ 13 767 345

+ 13 767 345

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le président de la République devant le Congrès, le Gouvernement souhaite accélérer l'effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de notre pays ; cet amendement crée 5 000 postes supplémentaires d'ici 2017 au sein de l'ensemble des services du ministère de l'intérieur qui concourent à la sécurité de nos concitoyens.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - J'ai proposé à la commission des finances de s'abstenir sur cet amendement ; elle l'a adopté. Or il ne correspond pas à ce que nous attendons : la mission reste sous-budgétée, compte tenu de la hausse du nombre de migrants. Quelques millions d'euros de plus ? Pourquoi pas, ai-je envie de dire, mais cela ne suffira pas.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suivrai le rapporteur spécial : les points à renforcer ne le sont pas vraiment. On ne refusera pas des crédits supplémentaires que l'on réclame, mais leur sous-budgétisation et leur ciblage insuffisant emporteront notre abstention. Il conviendrait de travailler plus profondément sur la rupture du lien citoyen, et donc de renforcer l'intégration.

Mme Esther Benbassa.  - « Le renforcement des systèmes d'information et la sécurisation des frontières » justifient cet amendement, selon le Gouvernement. Mais le groupe écologiste s'interroge sur l'affectation exclusive de ces nouveaux moyens au seul volet sécuritaire, alors que l'arrêt récent du Conseil d'État a fait de la crise sanitaire de la jungle de Calais une crise judiciaire...

Que faut-il entendre, par ailleurs, par « armement » des hot spots ?

M. Richard Yung.  - Ces 13 millions d'euros ont vocation à aider la mise sur pied des hot spots. Il est normal que nous aidions l'Italie et surtout la Grèce à instaurer ces points de contrôle.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je voterai aussi cet amendement, mais ces 13 millions pour renforcer le contrôle et la sécurisation des frontières ne remplaceront jamais une bonne coopération européenne, au moyen d'un PNR par exemple.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La France, corédactrice originelle de la Convention de Genève sur la protection des demandeurs d'asile, a une certaine expérience de leur accompagnement.

Nous craignons que ces choix budgétaires fassent de l'Ofpra l'auxiliaire des politiques sécuritaires. Au risque de dénoter dans ce concert d'approbation, nous voterons contre.

L'amendement n°II-255 est adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les crédits de la mission, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.

Administration générale et territoriale de l'État

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'administration préfectorale s'est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement de réforme profond, qui se poursuivra et s'amplifiera en 2016. Le nombre de régions est passé de 22 à 13 ; les conséquences pratiques et budgétaires de cette réorganisation sont encore incertaines. La carte des sous-préfectures est également floue : où en est le calendrier de cette réforme, madame la ministre, dont la concertation a été interrompue par les élections régionales ?

L'importance de la présence de l'État dans les territoires infra-départementaux a été pourtant unanimement soulignée...

Les missions des préfectures continueront également d'évoluer, dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » présenté le 9 juin 2015, qui désengage les préfectures des missions de « guichet » relatives à la délivrance de titres, comme les certificats d'immatriculation des véhicules ou les permis de conduire, grâce au recours à des tiers de confiance, à des procédures dématérialisées, et à la création de plateformes régionales d'instruction des demandes. Tout cela doit permettre de renforcer quatre missions prioritaires, dont la sécurité et l'ordre public.

Au lendemain des attentats, il a été annoncé que 185 postes sont créés en préfecture pour lutter contre la radicalisation. Mais au total, ils diminuent car le projet de loi de finances prévoit la suppression de 200 postes ! J'imagine que les postes créés ne remplaceront pas ceux qui sont supprimés...Pouvez-vous nous apporter des précisions, madame la ministre ?

L'absence d'élections en 2016 justifie une forte réduction des crédits consacrés à leur financement. J'ai présenté récemment à la commission des finances les conclusions du contrôle budgétaire que j'ai mené sur le coût de l'organisation des élections. J'ai proposé d'expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale à l'occasion de l'élection présidentielle de 2017. Je reste en revanche attaché à l'envoi papier pour les élections locales, par nature moins médiatisées. Il me paraît également urgent de revoir le système d'inscription sur les listes électorales, source de nombreux dysfonctionnements et d'incohérences, et de dématérialiser totalement les demandes de vote par procuration.

Les réductions d'effectifs sur les missions support nous inquiètent. Pouvez-vous préciser l'emploi des crédits ?

Sous ces quelques réserves, la commission des finances a proposé d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration territoriale .  - Cette mission retrace des moyens indispensables au fonctionnement de l'État dans les territoires que nous représentons ici ; fonder un jugement argumenté en trois minutes tient de la gageure...Aussi m'en tiendrai-je, en moins de temps encore, à la conclusion de la commission.

Estimant que ce budget pose plus de questions qu'il n'apporte de réponse, la commission des lois a émis un avis défavorable. Pour plus de détails, je vous invite à vous reporter au rapport écrit et à attendre ma brève contribution au nom, cette fois, de mon groupe... (Rires)

M. Christian Favier .  - Faire des économies sur les dépenses publiques : tel est le leitmotiv de ce débat, placé sous l'injonction permanente de la Cour des comptes et le regard sourcilleux de la Commission européenne, alors que les missions de l'État sont constamment rognées par la RGPP, les « schémas d'emploi » et à présent la « modernisation des administrations publiques ».

Plusieurs chantiers affectent directement cette mission : la loi de « modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles » et celle portant « nouvelle organisation territoriale de la République », remanient profondément les missions des collectivités territoriales.

La remise en cause de la carte régionale, donc de celle des préfectures et sous-préfectures, casse les équipes, oblige une partie du personnel à déménager du jour au lendemain - à ceux qui décrient volontiers le statut de la fonction publique, je demande : comment une telle mutation pourrait-elle être conduite dans le privé en respectant le code du travail ?

Je doute que ce budget, en baisse de 1,7 %, relève le défi de l'amélioration des services rendus aux administrés censé être l'objectif du plan « préfectures nouvelle génération ». Mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

Je regrette enfin que de telles réformes, bien que non législatives, mais qui ont des effets si directs dans nos territoires, puissent être engagées sans même que le Sénat en soit saisi. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et RDSE)

M. Philippe Kaltenbach .  - Les crédits destinés au soutien à la vie politique, cultuelle et associative subissent une baisse importante mais justifiée.

Sur la propagande électorale, je reste favorable à des documents imprimés et envoyés par courrier. Prôner sa dématérialisation revient à sous-estimer ou ignorer la fracture numérique et à nuire à l'accès au droit de vote de nos concitoyens.

Sur la conduite et le pilotage de la politique de personnel du ministère de l'intérieur, l'affectation des crédits aux priorités décidées dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme explique l'essentiel des modifications : ainsi, 67 postes sont créés pour sécuriser les systèmes d'information des préfectures, mais aussi pour renforcer le contrôle et la traçabilité des armes.

Le budget de l'administration territoriale de l'État mobilise des moyens nouveaux au service de la lutte contre le terrorisme. Ce sont 185 postes qui sont dédiés, en préfecture, à ces actions, notamment à la lutte contre la radicalisation et la fraude documentaire.

La mise en place de plateformes régionales, inter-régionales et nationales des titres permettra de mutualiser des fonctions dans le domaine des cartes d'identité, des passeports, des permis de conduire ou des cartes grises.

La rationalisation, la dématérialisation et la numérisation de ces services permettra de déployer des personnes sur le terrain, et de renforcer la spécialisation métier.

Les sous-préfectures seront supprimées là où les conditions démographiques l'exigent ; certaines seront créées là où les besoins l'imposent.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est l'effet Matthieu !

M. Philippe Kaltenbach.  - Bref le maillage des services territoriaux est amélioré...

Mme Nathalie Goulet.  - Ce n'est pas sûr !

M. Philippe Kaltenbach.  - Il faudra bien sûr tenir compte des fusions régionales et des spécificités territoriales dans la refonte de la carte administrative.

Ce budget permet à l'État de se recentrer sur son coeur de métier et d'adapter son maillage à la réalité du territoire - grâce aux missions de service public. Le groupe socialiste votera ces crédits.

M. André Gattolin .  - Je profite des crédits dédiés à la sécurisation informatique pour rappeler l'urgence à doter les préfectures et les administrations de moyens adéquats pour parer les attaques informatiques. Nous en avons subi ; elles pourraient se reproduire avec des conséquences accrues à cause du développement de l'e-administration.

En 2015, le budget consacré aux élections s'est élevé à 361 millions d'euros. Dématérialiser la propagande électorale, c'est ignorer la réalité de la fracture numérique. Il faudra passer d'une logique de pull à une logique de push, comme l'on dit en langage informatique.

L'abstention a progressé de vingt points en trente ans, et l'inversion du calendrier électoral favorise la bipolarisation de la vie politique au détriment du pluralisme. Conséquence : les ressources publiques allouées aux petites formations se sont réduites comme peau de chagrin... (MM. François Marc et Pierre-Yves Collombat applaudissent)

Mme Nathalie Goulet .  - Un mot sur la fraude documentaire d'abord. Une convention signée avec la Turquie dort depuis cinq ans dans les tiroirs de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale présidée par Mme Guigou. Sa ratification permettrait d'avancer sur le trafic de faux vrais passeports, prélevés sur des soldats Syriens morts au combat, endémique en Turquie. J'en suis la rapporteure, j'attends son examen comme les enfants attendent Noël !

Ma deuxième observation, en un temps aussi court, concerne l'action n°6 du programme 232. Je déposerai un amendement destiné à mieux encadrer l'activité des associations d'accompagnement des familles de jeunes radicalisés. Je suis vigoureusement hostile à la formation des imams en dehors de nos frontières. Nous voulons un islam en France qui soit un islam de France. La loi de 1905 nous permet d'agir : traçons plus efficacement la viande hallal, dont les circuits opaques concernent trois mosquées, travaillons avec le Conseil français du culte musulman (CFCM) pour former dans notre pays des ministres du culte conscients de nos valeurs, connaissant nos institutions, notre société et accessoirement, notre langue. Ainsi, nous ne ferons pas peser sur les 99,9 % de la communauté musulmane qui est parfaitement à sa place dans notre République une stigmatisation d'autant plus injuste qu'elle est due à une poignée de radicalisés, dont 30 % sont des convertis.

Dotons-nous d'un islam de France, d'imams connaissant nos principes et nos valeurs. C'est aussi un moyen de lutter contre la stigmatisation.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je me limiterai à deux sujets. D'abord, la réorganisation des services de l'État. Elle s'est faite dans l'ignorance des futurs conseils régionaux. Dans le but - louable - de réduire les pertes de capital symbolique, le Gouvernement a tourné le dos aux économies d'échelle en maintenant certaines équipes dans les anciens chefs-lieux, et en dispensant ainsi les implantations géographiques...

Cette organisation multi-sites laisse songeur. Par exemple, un courrier adressé à l'auteure bordelaise de la direction régionale des affaires financières, installée à Limoges, arrivera d'abord à Poitiers, avant d'être envoyé à Bordeaux pour validation, puis d'arriver à Limoges... C'est l'occasion de basculer vers une administration 3.0 nous dit-on : qu'est-ce à dire ?

La réforme du statut de la fonction préfectorale ignore le lien avec les territoires et leur population. Nous ne cessons de réclamer la suppression de la position hors cadre, et des nominations dans ce corps à la discrétion du Gouvernement. Dans les trois mois précédant le passage au grade hors cadre, on compte parmi les préfets nommés : le chef de cabinet et conseiller spécial du président de la République, le chef de cabinet du Premier ministre, le chef du Service d'information du Gouvernement, etc.

Sur les quatorze nouveaux préfets, cinq seulement sont issus du corps de sous-préfets. Et au 1er octobre 2015, la moitié des préfets seulement ont une affectation territoriale.

En matière d'adéquation des talents et des besoins et de République irréprochable, on peut faire mieux ! (Applaudissements sur tous les bancs autres que socialistes)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - Le Gouvernement a engagé une réforme d'envergure avec le plan préfecture nouvelle génération, qui vise à renforcer les moyens d'actions des préfectures au quotidien, comme pour faire face aux crises.

Pour la première fois depuis 2006, nous recréons par notre amendement des postes dans l'administration préfectorale : 3 700 postes avaient été supprimés entre 2009 et 2012, date d'interruption de la baisse des effectifs.

La réforme s'articule autour de quatre axes : la lutte contre la fraude, le contrôle de légalité, la sécurité et la coordination interministérielle des politiques locales.

Un effort de formation substantiel sera lancé. Des plateformes seront créées pour accompagner la dématérialisation des délivrances de titres. Il s'agit de mieux répondre aux besoins des usagers. C'est pourquoi nous augmentons le nombre de postes.

Le plan antiterroriste donne lieu à la création de 33 postes supplémentaires au service de la direction des systèmes d'information. De même 30 ETP sont créés au sein des préfectures et 10 au sein de la direction générale des étrangers en France pour faire face aux demandes d'asile. Les services de contrôle des armes sont aussi renforcés. Au total, 370 EPT en plus dans le réseau territorial en deux ans, dont 185 dès 2016. Une négociation sur les parcours professionnels et les carrières des agents est en cours.

Le programme de conduite et pilotage des politiques de l'intérieur augmente de 1,4 % pour atteindre 614 millions. Le centre de formation de Lognes sera rénové ; 11,5 millions sont consacrés à la sécurisation des sites du ministère.

Ainsi le Gouvernement renforce les services de l'État aux niveaux central et territorial. La réforme de la carte des sous-préfectures sera menée à bien le 1er janvier 2017. Le Gouvernement entend conserver une présence de proximité de l'État, en articulant sous-préfecture, maison des services publics, services départementaux de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-252, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territorialedont titre 2

4 909 900

4 483 475

4 909 900

4 483 475

Vie politique, culturelle et associativedont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurdont titre 2

13 404 983

2 330 548

13 404 983

2 330 548

TOTAL

18 314 883

18 314 883

SOLDE

+ 18 314 883

+ 18 314 883

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Cet amendement rend possible la création de 252 postes, 185 au profit du programme «Administration territoriale » et 67 au profit du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

D'autre part, il ouvre des crédits pour le fonctionnement courant associés à la création de 185 postes et pour le développement et le renforcement des systèmes d'information et de communication.

M. Hervé Marseille.  - Avis favorable à des crédits supplémentaires mais ils resteront insuffisants.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis.  - On ne peut qu'accepter cet amendement, mais il reste insuffisant pour assurer la présence de l'État sur les territoires. C'est aussi une question de symboles. La présence d'un préfet incarne l'État. Le corps préfectoral est aussi le symbole de la méritocratie, la promotion par le talent et la connaissance et non par la naissance.

M. André Gattolin.  - Je me félicite de cet amendement qui renforce la cybersécurité des services de l'État. Il faudra aussi améliorer la coopération concernant les start up innovantes. Les entreprises sont désireuses, dans le contexte actuel, de participer à l'effort national.

Toutefois, je regrette le manque de visibilité des efforts de l'État en la matière car les crédits sur la sécurité informatique sont ventilés entre différentes missions.

M. Marc Laménie.  - Je rejoins la position du rapporteur spécial. Les élus locaux se sentent de plus en plus isolés et sont attachés au maillage territorial de l'État. Mais les moyens humains dans les sous-préfectures s'amenuisent, les horaires d'ouverture sont plus étroits... Je voterai cet amendement.

M. Christian Favier.  - Cet amendement rétablit 252 postes. Nous le soutenons. Néanmoins, les missions de l'administration territoriale excédent le seul volet sécuritaire et le solde net de postes reste négatif, alors qu'il faudrait au contraire sortir du carcan austéritaire. L'effort reste insuffisant pour sortir l'appareil d'État de sa misère et lui redonner les moyens d'assurer toutes ses missions.

L'amendement n°II-252 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-278, présenté par Mme N. Goulet.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territorialedont titre 2 

Vie politique, culturelle et associativedont titre 2 

150 000

150 000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurdont titre 2

150 000

150 000

TOTAL

150 000

150 000

150 000

150 000

SOLDE

0

0

Mme Nathalie Goulet.  - Pardon de revenir à la charge mais, si l'on n'éradique pas le djihadisme à la source, sur notre territoire, inutile de frapper Daech en Syrie !

Cet amendement crée un outil d'évaluation des résultats obtenus par les centres et associations de déradicalisation ; il faudra notamment faire attention aux effets d'aubaine. Ne laissons pas seuls les professionnels compétents et tous ceux qui font preuve de bonne volonté, comme Latifa Ibn Ziaten, qui vient de recevoir le prix de la fondation Chirac.

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial.  - La somme prévue est à la fois trop et pas assez importante. La déradicalisation s'inscrit dans une politique globale. Retrait.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Chacun est attaché à favoriser la déradicalisation.

Le ministre de l'intérieur s'est engagé à venir présenter devant le Parlement les résultats de son action. Les mesures de déradicalisation sont confiées à des associations et financées par un fonds interministériel de prévention de la délinquance, sur la base d'appels à projets. Dans ce cadre, les services procèderont à des évaluations. Indirectement, les informations fournies par nos services de renseignement constituent un élément d'évolution.

Aujourd'hui, 234 jeunes sont dans un processus de désengagement, et 50 sont repentis. Retrait ?

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai bien noté l'invitation du ministre à venir rencontrer ses services. En attendant, je retire mon amendement.

L'amendement n°II-278 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Il nous est proposé de doter cette mission de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards en crédits de paiement. Soit une contraction sensible par rapport à 2015.

Le budget 2016 est peu marqué par le plan de soutien à l'élevage : les mesures devraient être financées par le dégel de la réserve de précaution pour 2015. Le dégel a porté sur 110 millions seulement à la fin de l'été. Où en est le financement de ce plan ?

Ce dernier semble en tout état de cause insuffisant. Le Gouvernement n'en dit rien, et je déplore l'absence de toute réforme structurelle. Nous avons en conséquence déposé une proposition de loi sur la compétitivité de l'agriculture. Elle sera examinée ici le 9 décembre. Comme l'avaient diagnostiqué les auteurs d'un rapport sénatorial en 2013, notre agriculture reste trop peu compétitive et trop peu tournée vers l'export. La balance commerciale du secteur, hors vin et alcool, ne cesse de se détériorer, elle est devenue négative. Le soutien à l'export devrait être une priorité du Gouvernement, qui n'y consacre que 5,85 millions d'euros, contre 10,2 millions en 2015.

De même, les moyens alloués à la gestion des crises et des aléas ont presque disparu, passent de près de 30 millions d'euros à moins de 4 millions d'euros. Le Gouvernement fait valoir le transfert du financement de la gestion des risques, notamment l'aide à l'assurance récolte, au second pilier de la PAC mais la sincérité de la prévision me semble douteuse. Ce doute est renforcé par le niveau de nos refus d'apurement communautaires.

Ces corrections ont atteint 429 millions d'euros en 2014 et devraient s'établir à 871 millions d'euros en 2015, puis à 360 millions d'euros au moins en 2016 et 2017. Début 2015, 1,1 milliard d'euros de corrections dues pour l'année en cours et pour les deux exercices suivants ont été identifiés ; le Gouvernement a choisi de faire porter le coût des deux tranches 2015 et 2016 sur l'exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017. Pourquoi ce choix, monsieur le ministre, qui n'était pas celui présenté à la Commission européenne ? Au-delà de ces acrobaties budgétaires pour améliorer le solde en 2016, je regrette que le Gouvernement continue à recourir à des mouvements ex post pour couvrir ces dépenses, au lieu d'inscrire les dotations en loi de finances initiale.

Pour conclure, une remarque positive sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit Casdar. Je me félicite de l'augmentation du financement d'actions par des appels à projets : ils représentent 29 % des crédits du compte, contre 12,82 % en exécution 2014. Je plaide pour la poursuite de cette orientation. Mais la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abondement par les organisations par lesquelles ils transitent.

En conclusion, la commission des finances vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais d'adopter ceux du compte spécial.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Ma conclusion sera différente : le budget est fiable et répond globalement aux responsabilités du Gouvernement en la matière.

M. Didier Guillaume.  - C'est beaucoup plus objectif !

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.  - Alain Houpert et moi-même avons rendu récemment un rapport sur la filière bois, dont les conclusions restent d'actualité ; l'audition des responsables du pôle de compétitivité Xylofutur l'a confirmé.

Les crédits du programme 149 « Forêt » sont quasi-stables en 2016, la légère diminution s'expliquant par la réduction de la subvention à l'Office national des forêts (ONF). Justifiée par le redressement des cours du bois, celle-ci n'est pas entièrement compensée par la réinscription au budget de la subvention au Centre national de la propriété forestière (CNPF). Ce dernier n'avait pas bénéficié de dotation en 2015 et avait dû se financer sur son fonds de roulement, largement excédentaire.

Le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ONF fait l'objet d'une négociation anticipée et devrait être signé avant la fin de l'année. Les objectifs de l'opérateur en termes de mobilisation de la ressource bois seraient revus à la baisse, ce que je regrette ; toutefois, la nouvelle direction se fixe des objectifs qu'elle juge réalistes et atteignables. Le nouveau COP prévoit une stabilisation des moyens en personnel et le retour à l'équilibre financier.

À la fin de l'année 2015, le CNPF, autre opérateur majeur du programme « Forêt », pourrait faire face à des problèmes de trésorerie. Au Gouvernement d'anticiper ces difficultés.

Les onze dépenses fiscales rattachées au programme 149 représentent un coût total de 113 millions d'euros. Les deux plus coûteuses sont les exonérations au titre de l'ISF et les droits de mutation à titre gratuit, 20 millions d'euros chacune. Le coût du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (Defi) devrait être de 9 millions d'euros. Son efficacité est soulignée par les professionnels. Il serait pertinent de rééquilibrer progressivement les soutiens publics vers les mesures incitatives, Defi ou compte d'investissement forestier et d'assurance (Cifa).

Les actions du programme 206, consacré au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Anses seront reconduites. Ce budget comprend la création de 60 postes de contrôleur sanitaire et phytosanitaire. En deux ans, 120 postes auront été créés. Le Gouvernement ne réduit pas son exigence en matière de sécurité sanitaire.

La tuberculose bovine fait peser un risque sur l'agrément de nos produits à l'export. Le financement de ces mesures se ferait à enveloppe réduite par rapport à 2015. Or certains éleveurs ont été frappés à deux reprises par des contaminations, leur cheptel ayant dû être éliminé à chaque fois. Leur situation est insuffisamment prise en compte dans l'indemnisation et les procédures demeurent trop lourdes.

Pour conclure, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte spécial.

M. Daniel Raoul.  - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Le budget s'inscrit dans une crise majeure des filières d'élevage : embargo russe et fin des quotas pour le lait, concurrence sévère et parfois déloyale de nos partenaires européens sur le porc, contraction de la demande de viande bovine... Les crédits chutent de 300 millions en autorisations d'engagement et de 200 millions d'euros en crédits de paiement. Ce qui, rapporté aux 3 milliards de la mission, n'est pas rien.

Mais la faiblesse de ce budget résulte aussi de choix politiques, sur le fonds d'allègement des charges (FAC), notamment. Et si la crise se prolonge ?

Les crédits d'intervention de FranceAgrimer sont en apparence maintenus, mais beaucoup dépendent du compte d'affectation spéciale comme le Casdar. Il risque ainsi de manquer 10 millions d'euros, tandis que FranceAgrimer a encore 100 millions d'engagements à honorer...

Je regrette la timidité de ce budget, alors que les Assises de la fiscalité agricole ont dégagé des pistes intéressantes et consensuelles. Elles ne trouvent aucune traduction budgétaire ici.

Le budget de la mission pour 2016 manque d'ambition et la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à son adoption.

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Presque toutes les filières sont en difficulté. Les prix mondiaux des céréales sont ceux que vous connaissez, la crise de l'élevage est celle que vous savez... Or pour la cinquième année consécutive, ce budget est en régression.

Les agriculteurs demandent de la régulation, des garanties, des règles simplifiées, de la médiation. La gestion des risques climatiques et économiques aurait dû être votre priorité. Le fonds national de garantie des risques agricoles n'est toujours pas opérationnel. Il faudra donc subventionner le recours aux assurances à la bonne hauteur, 65 % ; or les crédits européens sont insuffisants pour financer le développement de l'assurance. Pour la promouvoir, il faudra plus que 100 millions d'euros en 2016 !

Les menaces sanitaires sont toujours vives. La précédente crise de la fièvre catarrhale ovine (FCO) avait coûté 50 millions par an ; il faudra aussi se prémunir contre le retour de la grippe aviaire.

Gardons enfin les yeux ouverts sur le Casdar, dont rien n'assure la pérennité. (Applaudissements au centre ; M. Jean-Claude Lenoir applaudit également)

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Les crédits européens représentent 9 milliards d'euros, trois fois plus que les crédits budgétaires. Les collectivités contribuent à hauteur de un milliard. C'est la mobilisation de tous les acteurs qui permet de répondre à la crise et de prendre des mesures structurelles.

Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles est ainsi financé par l'État, les régions et les collectivités, 350 millions d'euros par an sur les trois prochaines années, pour lever un milliard d'euros. Le PIA affecte 120 millions d'euros à la montée en gamme dans les filières et la transformation - une partie de l'enveloppe sera affectée aux abattoirs, une autre aux serres. Il faudra aussi avancer vers l'agroécologie, qui associe excellence économique et excellence environnementale, un nouveau modèle durable et de proximité. C'est le rôle du Casdar.

L'installation des jeunes agriculteurs a un rôle stratégique. Le département des Pyrénées-Orientales est particulièrement attractif, grâce à la mobilisation des crédits européens et des prêts bonifiés. La commission des affaires économiques est défavorable à l'adoption des crédits mais j'estime que c'est un bon budget, qui ne sacrifie aucune des priorités du quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Le Scouarnec .  - C'est un constat : l'agriculture souffre d'un déficit de compétitivité structurel. Malheureusement, les autorités ont abdiqué devant les grandes centrales d'achat et le vaste mouvement de dérégulation européenne et mondiale. Alors que la volatilité des prix s'aggravait, les outils de régulation des marchés ont peu à peu été abandonnés ; il ne faut plus compter que sur ses seules performances pour tirer son épingle du jeu. Le libéralisme est une course sans fin aux prix les plus bas.

Le désarroi règne. Or les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins, quand il faut une vraie réorientation en faveur de l'agroécologie, assurant production de qualité et revenu digne pour les agriculteurs.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une baisse de 9 % des autorisations d'engagement et de 6,5 % des crédits de paiement. Le budget représente 20 % des concours publics en faveur de l'agriculture. Les crédits de gestion des crises et des aléas sont sérieusement amputés, alors que nous venons de vivre une sécheresse, la crise sanitaire de la FCO et la chute des prix. Comment comprendre que l'on abandonne tous les outils que l'on devrait conforter ?

La hausse des crédits européens compense-t-elle la baisse des crédits nationaux ? Peut-être, mais la nouvelle PAC sera dépourvue de moyens de régulation. La Confédération paysanne a déposé des recours devant le Conseil d'État remettant en cause les planchers de la PAC. Le budget 2016 ne met pas à la disposition du monde agricole les outils de sa survie.

Dans le programme 149, les crédits dédiés à la forêt baissent, ce qui va à l'encontre de tous les rapports remis depuis des années. L'État se désengage et fait supporter les coûts par d'autres acteurs. L'ONF, asphyxié, est en situation de survie. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois est sous-doté. Alors que se tient la COP21, la France aurait dû montrer l'exemple. Nous ne voterons pas ces crédits. Je viens d'apprendre que l'Éthiopie plante des millions d'arbres. Voilà ce qu'il faut faire. (Applaudissements sur les bancs communiste républicain et citoyen ; M. Didier Guillaume applaudit également)

M. Joël Labbé .  - Le président Guillaume me le disait à l'oreille : M. Le Souarnec a un discours écologiste ! Je m'en félicite.

M. Didier Guillaume.  - Je m'inquiète pour vous : il grignote votre fonds de commerce !

M. Joël Labbé.  - Tant mieux. Pour nous, l'avenir de l'agriculture est à l'exploitation familiale respectueuse de l'environnement, à la relocalisation alimentaire, à la remise en place de la polyculture associée à l'élevage, etc... Monsieur le ministre, j'ai suivi avec attention vos réponses à l'Assemblée nationale. Néanmoins, pouvez-vous préciser les nouvelles modalités du soutien des départements aux agriculteurs en transition vers le bio ? Attention à la rupture d'égalité entre agriculteurs de départements différents, car tous ne voudront pas contractualiser avec la région.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Certes...

M. Joël Labbé.  - Dans les arbitrages budgétaires, les mesures qui nous tiennent à coeur sont préservées, mesures environnementales et climatiques, pour 72 millions, revalorisation du Casdar, renforcement de l'Agence bio et du Fonds d'avenir bio, aide à l'installation de 6 000 agriculteurs par an, tout cela est fondamental.

Les nouveaux projets alimentaires territoriaux auraient mérité un financement spécifique, pour des montants importants. Je renouvelle mon souhait que le Gouvernement se penche sur les aménités positives et les externalités négatives de chaque type d'agriculture - pollution de l'air, de l'eau, pollinisateurs, etc...

Mme Blandin a questionné Thierry Mandon sur l'Institut agronomique vétérinaire et forestier de France. Il nous a renvoyés vers vous concernant la définition des missions. Avec 688 500 euros, cet opérateur est bien peu doté.

La transition agricole devra être accélérée. L'agroécologie est la solution d'avenir, tant pour nourrir la planète que pour lutter contre les dérèglements climatiques.

Vous présenterez demain à la COP21, monsieur le ministre, le programme « 4 pour 1 000 ». La réhabilitation des sols vivants par les pratiques écologistes se développe partout. Nous serons vigilants pour éviter une récupération par les entreprises de l'agrochimie et de l'agrobusiness, qui promeuvent notamment une prétendue « agriculture climato-intelligente »... Les productions agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres. J'espère que nous avancerons vers une gouvernance mondiale de l'alimentation. Si ce budget n'est pas trop écorné lors du débat, nous le voterons.

M. Jean-Claude Requier .  - L'agriculture mondiale est partie prenante du défi climatique : à la fois sur le plan du développement durable, et en tant qu'elle nourrit la planète. La France est déjà passée du deuxième au septième rang mondial. Pour endiguer le recul, il faut donner à notre agriculture les moyens de sa modernisation.

Les concours publics à l'agriculture doivent rester dynamiques, notamment pour faire face aux crises. Dans ce budget, le ministère de l'agriculture participe au redressement des comptes publics, sans en rabattre sur ses priorités.

Le verdissement des aides est une chose, mais la PAC doit aussi relever le défi de la compétitivité. Le projet de loi de finances pour 2016 ne traduit que partiellement le plan décidé par le gouvernement pour l'élevage, ce que l'on peut regretter.

Les transactions sur le porc ont repris dans la douleur sur le marché de Plérin, puisque le prix reste inférieur à 1,4 euro par kilogramme, seuil qui permettait aux plus endettés de s'en sortir. Pour la viande bovine, le marché est tout aussi morose... Les crises sanitaires touchent aussi les filières caprine et ovine.

Autre urgence : la lutte contre les rats taupiers, plus communément appelés campagnols, qui font des ravages dans le Lot ou le Cantal et qui sont vecteurs de maladies transmissibles à l'homme. Soutenons la recherche qui permettra de s'en débarrasser.

Appréciant l'effort global que représente ce budget, le groupe RDSE votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Henri Cabanel .  - Derrière les chiffres du budget de l'agriculture, il y a toujours des volontés, des choix politiques. À l'État d'indiquer des axes, mais il ne saurait se substituer aux filières, qui doivent se mobiliser pour faire bouger les lignes. On ne peut pas tout attendre des aides de l'État ni de l'Europe !

La volonté du Gouvernement s'est traduite dans la loi d'avenir, maintenant dans le budget, et bientôt dans le collectif. Elle ne se résume toutefois pas à ces crédits. La Casdar, de 147 millions d'euros, doit être pris en compte, de même que les crédits de l'enseignement scolaire destiné aux établissements agricoles. Ces crédits budgétaires ne fournissent que 10 % de l'aide publique à l'agriculture.

Nous ne pouvons cautionner le toujours plus de crédits pour remédier à des fragilités structurelles. Lors de la crise de 2009, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, rien n'a été résolu. Aujourd'hui, je me réjouis que des mesures d'urgence et des mesures structurelles de compétitivité - inscrites dans le projet de loi de finances rectificative - soient prises.

Quant à l'accompagnement aux filières et à la transformation, le plan en faveur de la modernisation des exploitations a été porté de 200 à 350 millions par an.

La baisse des crédits de cette mission ne compromet aucune priorité de notre politique agricole. Les aides à l'installation sont maintenues, en partie transférées sur les crédits européens. L'indemnité compensatoire de handicap naturel passe de 232 à 256 millions. Les mesures agro-environnementales sont confortées, avec 57 millions et les contributions du Casdar. Les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) concernent déjà 1 500 installations.

La sécurité sanitaire reste une priorité, grâce au programme 206, avec la création de 60 postes dans les services vétérinaires. L'effort est conséquent, justifié par les épisodes tels que celui de la FCO.

On ne saurait réduire la mutation de notre agriculture à des crédits supplémentaires. Le monde paysan est une force pour notre économie. N'enfermons pas nos agriculteurs dans une dépendance aux aides publiques, eux qui ont l'énergie de s'engager dans un nouveau modèle. Je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Marc .  - En vingt ans, le nombre d'exploitations a chuté de moitié. Le secteur agricole doit faire face à la concurrence de nombreux pays émergents. Or ce budget témoigne d'une vision étriquée ; les crédits ne sont pas à la hauteur des besoins à venir ni des mesures d'urgence prises l'été dernier. L'inflation normative, qui résulte en partie de la sur-transposition des textes européens, soumet nos exploitations à des normes plus strictes qu'en Allemagne. Attention à ne pas se lancer dans la compétition internationale avec des boulets aux pieds !

Ce budget peu ambitieux et peu volontaire ne contribuera pas vraiment à redresser notre agriculture, à lui rendre un rôle moteur dans le développement de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Canevet .  - Plus de 450 000 exploitations agricoles employant près d'un million de personnes : l'agriculture est un secteur fondamental.

Le budget est-il de nature à restaurer la confiance chez les acteurs du monde agricole ? Non, hélas. Dans le Finistère, plus d'un tiers des quelque 5 000 éleveurs sont en grande difficulté.

Rien dans ce budget ne les aidera à surmonter la crise. Les aides financières ne sont pas à la hauteur des besoins : 1,5 million d'euros pour le FAC, 1,85 million pour Agridif, c'est notoirement insuffisant. Il faudrait mettre en oeuvre des mesures fiscales plus accentuées.

La dotation pour aléa a aidé plus de 11 000 entreprises en 2014 pour un coût de 39 millions d'euros. Le dispositif doit être étendu pour aider les entreprises à surmonter les catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses.

Autre sujet, la compétitivité de nos entreprises agricoles, confrontées à la concurrence de pays à bas coûts. Hors vins et spiritueux, notre balance commerciale agricole est devenue négative.

Il est nécessaire de baisser les charges, en échange, pourquoi pas, d'une hausse de la TVA. Seul le soutien à l'investissement permettra d'augmenter la valeur ajoutée.

Autre chantier urgent : la simplification des normes et des procédures. La traçabilité des produits est une notion essentielle. Le consommateur veut et doit être mieux informé de l'origine des produits. L'Union européenne a décidé, le 11 novembre, que l'on peut étiqueter les produits alimentaires provenant des colonies juives de Cisjordanie, pourquoi ne pas le faire pour nos propres produits, fabriqués en Europe ?

La traçabilité rejoint la problématique sanitaire. Une soixantaine de postes de contrôleurs sanitaires ont été créés. Leur tâche en sera simplifiée. Ils devront assurer leurs missions. La devise de ma ville est Neb ne had, ne vet ket, « Qui ne sème ne récolte ». Pour pouvoir récolter demain, le budget devrait être amélioré. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Franck Montaugé .  - Les deux premiers enjeux de ce budget, qui sont de politique agricole, sont d'obtenir une amélioration structurelle de la performance économique, sociale et environnementale de notre agriculture, tout en répondant à des crises d'apparence conjoncturelles, en réalité structurelles, compétitivité et en contribuant à la restauration progressive de nos comptes publics. La PAC - 2014-2020 - sera maintenue à 9,7 milliards. La France consacre 19,9 milliards à l'agriculture.

La contribution de l'agriculture à l'équilibre des finances publiques est de 1 %. Un milliard est consacré à la modernisation des exploitations. Les charges baisseront de 1,7 milliard en 2016, ce qui profitera à hauteur de 734 millions aux exploitations, et de 966 millions aux coopératives et entreprises agro-alimentaires, réduisant le différentiel de coût avec l'Allemagne. La politique salariale allemande, soyons honnêtes, y contribue aussi. Le dispositif des travailleurs saisonniers a été reconduit. Au total, les aides passeront de 2,42 à 4,216 milliards en 2016.

M. Didier Guillaume.  - C'est énorme !

M. Franck Montaugé.  - Autre volet, le soutien à court terme : remboursement anticipé des dettes, accompagnement auprès des banques, aides de trésorerie. 300 millions ont été consacrés à la baisse des charges, la simplification.

D'autres mesures se situent en dehors de ce budget proprement, comme l'exonération à partir de 2016 de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) accordée pour les projets pionniers de méthanisation agricole, la pause dans le prélèvement des chambres d'agriculture effectué par la taxe additionnelle à la TFNB : la baisse sera donc plafonnée à 2 % alors qu'initialement elle devait progressivement atteindre 6 % d'ici 2018.

Quant à l'extension aux associés des coopératives d'utilisation du matériel agricole (Cuma) du dispositif de suramortissement, qui n'était accessible jusqu'ici qu'aux entreprises soumises à l'IS ou à l'IR, il pourrait être accessible à nos grandes coopératives, notamment vinicoles, qui contribuent à notre balance commerciale, comme celle de Plaimont dans le Gers, que vous connaissez, monsieur le ministre.

L'action 13 du programme 154, destiné à assurer la pérennité de l'agriculture est en hausse de 31 % par rapport à 2015, à 19,16 millions d'euros, afin d'assurer le renouvellement des générations, conformément à l'engagement du Gouvernement : 6 000 nouvelles installations ont ainsi été financées.

Tout cela démontre la volonté du ministre de restaurer la compétitivité de ce secteur d'excellence française, l'agriculture. La réussite de ce projet dépendra aussi de la répartition de la valeur ajoutée entre tous les acteurs de la filière, à commencer par l'État bien sûr, mais aussi les agriculteurs et leurs organisations et la grande distribution.

Le Parlement aura son rôle à jouer et nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. Jean-Marie Morisset .  - Mes propos porteront sur le maintien et le développement de l'agriculture collective. La crise structurelle de cet été appelle des solutions pragmatiques. Dans de nombreuses régions, l'agriculture a besoin de regrouper ses moyens pour partager les matériels, le temps, l'espace, les investissements.

Les GAEC constituent une forme de mutualisation intéressante.

Un décret prenant en compte les critères européens de transparence a été publié. Mais son application varie selon les régions. Vous prônez une mutualisation du matériel agricole pour les Cuma, qui sont 11 545 représentant 224 300 adhérents. Vous indiquiez récemment que « la mutualisation du matériel agricole par l'intermédiaire des Cuma concourt à l'objectif de limitation de la consommation des espaces agricoles, avantage auquel s'ajoute l'intérêt économique pour les exploitations qui peuvent ainsi réduire leurs charges opérationnelles ».

Mais celles-ci, considérées comme des prestataires de services agricoles, ne peuvent construire des bâtiments de stockage en secteur agricole. Elles doivent les implanter en zones artisanales peu adaptées au passage des engins agricoles.

En mars dernier, vous m'indiquiez dans un courrier que « les services déconcentrés étaient sensibilisés à cet enjeu », « qu'une jurisprudence récente avait considéré que les projets des Cuma visant au stockage de matériel agricole étaient bien nécessaires à l'activité agricole et pouvaient donc être implantés dans des zones agricoles », et « que les secteurs de taille et de capacité d'accueil limités, les Stecal, mis en place par la loi Alur, permettaient ces installations ».

Enfin vous annonciez « un travail en cours de finalisation avec les services du ministère chargé de l'urbanisme conduisant à une modification réglementaire ».

La jurisprudence est source d'incertitudes. Les Stecal nécessitent de revoir les documents d'urbanisme. Cela pourrait être long. Où en est - on de la mise à jour de la réglementation ?

Les silos des coopératives seront-ils visés ? Il serait intéressant de les autoriser à s'installer en zones agricoles. De même, les agriculteurs se diversifient vers le tourisme. Mais la loi interdit de réhabiliter ou de construire des bâtiments en zones agricoles pour accueillir cette diversification. Soyons pragmatiques, simplifions notre droit et associons tous les partenaires agricoles. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Raison .  - Faut-il rappeler l'importance économique de l'agriculture en France ? Au-delà de son emprise territoriale, l'agriculture est, par ses produits, d'une qualité sanitaire incomparable, mais aussi par son rôle dans l'aménagement de l'espace, une vitrine de notre pays. On lui doit à ce titre 50 % du chiffre d'affaires de notre tourisme.

Le ministre de l'agriculture est un chef d'orchestre qui doit concilier la politique française et la PAC, dont le budget avoisine les 10 milliards d'euros. Votre propre budget, monsieur le ministre, au-delà de la seule mission examinée ce soir, est de l'ordre de 4,4 milliards d'euros. Il baisse de 2,8 %. En d'autres temps, que n'entendait-on, pour des baisses bien moindres, sur les bancs où vous siégiez ! Depuis 2012, votre budget a perdu un milliard d'euros...

M. Didier Guillaume.  - De combien a augmenté la PAC ?

M. Michel Raison.  - Je salue toutefois le maintien du budget de l'enseignement agricole, qui ne fait pas partie de cette mission, de même que la progression de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), sans laquelle l'agriculture ne pourrait se maintenir dans certaines zones. Quant à la sécurité sanitaire, si les crédits de l'Anses sont maintenus, ses missions sont élargies...

Autre inquiétude, la baisse de 40 % des crédits de soutien à nos exportations, et la baisse des dotations dans de nombreuses collectivités qui aidaient nos agriculteurs à exporter. C'est évidemment dangereux pour notre solde commercial, qui serait négatif s'il n'était pas équilibré par les produits viticoles.

Il est vrai que tout ne dépend pas du Gouvernement, monsieur le ministre, les agriculteurs doivent se prendre en main. Cet été, avant que vous vous rendiez compte qu'il y avait une crise, le Sénat a organisé une table ronde et préparé une proposition de loi pour allonger de 5 à 6 ans la durée de l'exonération de charge pour les jeunes agriculteurs. J'espère que le Gouvernement nous soutiendra. C'est ainsi que nous ferons avancer la ferme France. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Monsieur Raison, vous avez bien exprimé la particularité de ce budget : pour un ministre de l'agriculture, le premier sujet est la PAC. Son niveau impacte fortement notre budget. C'est pourquoi nous avons tant bataillé pour la conserver. Son montant s'élèvera à quelque 9 milliards d'euros l'an prochain, un peu moins en 2017. Son but devrait être de garantir la pérennité de l'agriculture en compensant les handicaps.

La deuxième préoccupation est la défense de la compétitivité coût et hors coût, la stratégie des filières. Souvenez-vous de l'impasse dans laquelle la viticulture se trouvait dans le Languedoc-Roussillon, il y a trente ans. Voyez le redressement !

Le pacte de compétitivité consiste à baisser les dépenses de 50 milliards d'euros pour investir 40 milliards d'euros dans l'économie au moyen d'allègements de charges dont 4 milliards tout de même pour l'agriculture - soit autant que le budget de l'agriculture lui-même ! C'est ce pacte, cet effort considérable pour alléger les charges, qui a permis de soutenir la compétitivité de nos exploitations. N'oubliez pas cet effort ! Certains proposent de baisser le budget de la Nation de 100 milliards d'euros. L'enjeu est plutôt de savoir comment utiliser l'argent. Nous avons choisi de soutenir résolument l'investissement.

Ensuite, il faut gérer les crises. En 2008, souvenez-vous, monsieur Canevet, les prix du lait étaient tombés au plus bas, encore plus bas qu'aujourd'hui, conséquence de la mondialisation et de la dérégulation. Qui étaient, à l'époque, les ardents défenseurs de ce mouvement ? Il est facile d'accuser aujourd'hui le Gouvernement, mais ce n'est pas lui qui a choisi de sortir des quotas ! Chacun doit assumer ses responsabilités...

M. Didier Guillaume.  - C'est exact !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - L'eldorado chinois s'est retourné et la crise est arrivée. Nous entrons dans l'ère de la volatilité généralisée.

Il en va de même pour le porc : sa crise ne date pas d'hier. Le marché de Plérin vient de rouvrir : 6 000 porcs ont été échangés à un prix de 1,08 euros contre 1,40 euros auparavant. Tous les acteurs sont responsables. Il ne s'agit pas de jouer au bonneteau. L'enjeu est de savoir si tous les acteurs savent se regrouper au nom de l'intérêt supérieur de la filière. Je proposerai, dans cet esprit, dès la fin de l'année des pistes, comme le développement de la contractualisation, non pas seulement avec la grande distribution, mais avec toute la distribution.

Je me suis rendu compte, en retraçant les travaux de Lucien Bourgeois, statisticien, chargé d'études à l'APCA, en lui remettant la Légion d'honneur, combien l'agriculture est le secteur économique qui transfère sa valeur ajoutée aux autres secteurs. Oui, depuis les années soixante-dix, la question est inchangée : l'agriculture transfère tous ses gains de productivité aux autres filières et au consommateur. La loi de modernisation agricole n'y a rien changé...

M. Rémy Pointereau.  - Et la loi d'avenir ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - J'y viens. Une réflexion sur la contractualisation est nécessaire. La loi d'avenir a ouvert des pistes, comme l'agro-écologie. (Exclamations à droite) Les grandes entreprises s'en emparent, on le voit à la COP21 où certaines communiquent à ce propos. Pourtant, ce sont les agriculteurs qui devraient le faire ! Oui, Joël Labbé a raison ! (Marques d'enthousiasme sur divers bancs)

L'exemple des « Enherbeurs » de l'Hérault, que j'ai rencontrés, atteste cette dynamique positive qui associe agriculture et économie, avec des gains de compétitivité.

J'ai défendu les Groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC). Ils peuvent bénéficier des paiements redistributifs dès lors qu'ils sont de plus de 50 hectares. 8 000 GAEC seront agréés.

M. Michel Le Scouarnec.  - Et les Cuma ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les Cuma aussi ! Les stratégies collectives sont les stratégies payantes. C'est l'agriculture de demain. En attendant, il faut gérer l'urgence. C'est le but du fonds de soutien à l'élevage. Au total, quelque 22 000 à 23 000 exploitations, éleveurs comme céréaliers, se trouvent en difficulté.

Les cellules d'urgence ont été installées dès février. Nous n'avons pas attendu l'été ! Dès le mois de juin, j'ai annoncé, à Ploërmel, des allègements de charges et de cotisation à la MSA. Le plan de soutien prévoit des allègements de charges de 155 millions d'euros et des allègements MSA de 190 millions d'euros. Ces sommes sont disponibles immédiatement. Il ne s'agit pas d'attendre un an ou deux comme ce fut le cas dans le passé. Je tiens d'ailleurs à saluer la réactivité de la MSA.

Ainsi, l'aide à l'agriculture excède largement le budget de la mission agriculture. Les efforts se poursuivent en 2016. Le montant des charges des petites exploitations a été ramené au niveau de celles des travailleurs indépendants. Les aides à l'investissement sont augmentées de 86 millions d'euros. Au total, on atteint 350 millions d'euros d'aides annuelles en 2016 et en 2017, soit, avec les emprunts, un effet de levier, d'un milliard, correspondant à ce qu'a annoncé le Premier ministre. L'investissement est multiforme : il porte aussi sur les économies d'énergie, les progrès pour le bien-être animal, la consommation et la distribution de nourriture, etc.

Il est temps de faire en sorte que les gains de l'agriculture ne partent pas vers les autres filières. Ainsi, j'ai demandé aux producteurs de produits phytosanitaires de baisser les prix de 20 %. Baisser les intrants, c'est améliorer la compétitivité des exploitations.

Les apurements des comptes européens s'élevaient initialement à 3 milliards d'euros. Après négociations, ils ont été ramenés à un milliard, dont le paiement sera étalé sur trois ans.

L'État compensera les pertes de fonds en cas d'aléa climatique. Les agriculteurs bénéficient ainsi d'une baisse de leurs primes d'assurances.

Oui, l'État s'engage : il sera au rendez-vous. Ce budget vise à soutenir l'agriculture française à laquelle, comme vous, je suis très attaché. (Applaudissements à gauche)

ARTICLE 24 État B

M. le président.  - Amendement n°II-118, présenté par M. César.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

15 000 000

7 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

15 000 000

7 000 000

TOTAL

15 000 000

15 000 000

7 000 000

7 000 000

SOLDE

0

0

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Les crédits de paiement pour des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) pour 2016 sont insuffisants au regard des autorisations d'engagement. Ils sont de 28 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016 par rapport à 35 millions d'euros qui pourraient être engagés en 2015 au regard des autorisations d'engagement 2014 et 2015. Cela signifie qu'en l'état du projet de loi de finances, il manque au moins 7 millions d'euros pour payer en 2016 la totalité des agriculteurs ayant souscrit une mesure en 2015.

Nous proposons d'augmenter les crédits des actions 12 et 14 du programme 154 et de diminuer à due concurrence ceux du programme 215.

M. le président.  - Amendement identique n°II-222 rectifié, présenté par MM. Raison, Bizet, Panunzi, D. Laurent, Revet, Pellevat et Perrin, Mme Micouleau, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Cornu et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Milon, Calvet et Grand, Mme Lopez, MM. Lefèvre, Vogel, Genest, Darnaud, Chasseing, Houel, Pointereau, Grosdidier, G. Bailly et Kennel, Mme Duchêne, M. B. Fournier, Mme Primas, M. Pierre, Mme Gruny, MM. Huré et Mandelli, Mmes Mélot et Canayer, MM. Vasselle et Gremillet, Mme Lamure et MM. Emorine et Longuet.

M. Michel Raison.  - C'est le même.

M. le président.  - Amendement n°II-280 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Détraigne et Luche, Mme Morin-Desailly, MM. Tandonnet et L. Hervé et Mme Gatel.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

7 500 000

3 500 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

7 500 000

3 500 000

TOTAL

7 500 000

7 500 000

3 500 000

3 500 000

SOLDE

0

0

M. Michel Canevet.  - Sans attendre les 60 millions d'euros annoncés par le Gouvernement, il convient d'abonder l'enveloppe des moyens prévus pour permettre la concrétisation des opérations et mobiliser les ressources du FEADER.

Les crédits des actions 12 et 14 du programme 154 sont augmentés par une diminution à due concurrence des crédits de l'action 1 du programme 215.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Sagesse. Le Gouvernement s'est engagé à financer les MAEC. Le Gouvernement confirme-t-il ses engagements ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - 72 millions d'euros seront consacrés tous les ans aux MAEC. Dans le cadre du plan de soutien à l'élevage, 15 millions supplémentaires ont été ajoutés. Le Gouvernement tient ses engagements. Avis défavorable.

Les amendements nosII-118 et II-222 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°II-280 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°II-295, présenté par M. Gremillet, Mme Deromedi et MM. Raison et Pierre.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

10 000 000

10 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2 

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement d'appel diminue les crédits de l'action « Moyens de l'administration centrale » du programme afin d'augmenter les crédits de l'action « Gestion des crises et des aléas de production » de 10 millions d'euros.

Dans le cadre de la PAC, les subventions aux assurances climatiques peuvent représenter au maximum 65 % du coût de l'assurance.

Jusqu'en 2015, la France cofinançait 25 % de ces subventions aux assurances climatiques, les 75 % restants étant cofinancés par des fonds européens.

À compter de 2016, la totalité de l'aide à l'assurance est financée sur crédits européens par un transfert du premier pilier vers le deuxième pilier.

Depuis 2013, dans le cadre de la PAC, la France cofinance également les fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux. Pour 2016, le budget consacré à la gestion des risques dans le cadre du second pilier de la PAC est fixé à 123,7 millions d'euros. Cette consolidation va dans le bon sens mais elle est encore insuffisante pour une prise en charge à la fois des primes d'assurance récolte à hauteur de 65 % et des programmes du fonds de mutualisation sanitaire et environnemental. L'enveloppe communautaire actuelle doit donc être complétée par des fonds nationaux.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Retrait, même si je partage les motivations des auteurs de cet amendement d'appel qui majorent de 10 millions d'euros les subventions aux assurances récolte. Est-il possible, monsieur le ministre, de compléter des fonds européens par des crédits nationaux ? Je crains que cela ne déstabilise la mission.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Oui, en effet. Retrait. On a construit un contrat socle, déjà en place dans l'élevage. Le transfert depuis le premier pilier européen sera à négocier. Les assurances européennes s'élèvent à près de 120 millions d'euros en 2016, à comparer aux 97 millions d'euros de 2013, signe de la montée en puissance du dispositif.

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement d'appel anticipe sur les futures négociations de la PAC. Je partage la réponse du ministre ; concrètement, cela veut dire que le budget national ne contribuera plus du tout. C'est une question de stratégie d'exposition aux risques. Je le retire toutefois.

L'amendement n°II-295 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-116, présenté par M. César.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

4 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

4 000 000

TOTAL

4 000 000

4 000 000

 

 

SOLDE

0

M. Gérard César.  - Après un recul sans précédent en 2013 et une nouvelle baisse en 2014 et 2015, les crédits dédiés au dispositif relatif aux agriculteurs en difficulté sont reconduits à l'identique, soit 1,8 million d'euros. Cet amendement les porte à 4 millions, comme en 2012.

M. le président.  - Amendement identique n°II-221 rectifié, présenté par MM. Raison, Bizet, Panunzi, D. Laurent, Revet et Pellevat, Mme Micouleau, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Cornu et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Milon, Calvet et Grand, Mme Lopez, MM. Lefèvre, Vogel, Genest, Darnaud, Perrin, Chasseing, Houel, Pointereau, Gremillet, Grosdidier, Kennel et Bouchet, Mme Duchêne, M. B. Fournier, Mme Primas, MM. Bas, Pierre et Savary, Mme Gruny, MM. Huré et Mandelli, Mmes Mélot et Canayer, MM. Vasselle et G. Bailly, Mme Lamure et MM. Emorine et Longuet.

M. Michel Raison.  - C'est le même.

M. le président.  - Amendement n°II-279 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Détraigne et Luche, Mme Morin-Desailly, MM. Tandonnet et L. Hervé et Mme Gatel.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

2 200 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

2 200 000

TOTAL

2 200 000

2 200 000

SOLDE

0

M. Michel Canevet.  - Un pan de notre agriculture risque de s'effondrer, il faut en avoir conscience.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Je partage les motivations des auteurs de ces amendements. Le dispositif Agridiff est faiblement doté et je trouverais plus sincère un budget prévoyant suffisamment de crédits pour faire face aux aléas. Sagesse.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je comprends vos inquiétudes. Mais 155 millions d'euros d'allègements de charge, 180 millions sur la MSA, 86 millions d'euros l'an prochain sur l'assiette des cotisations sociales et 40 millions d'euros sur le mode de calcul... Tout cela est sans commune mesure avec les crédits Agridiff : on est déjà bien au-delà de vos 4 millions d'euros supplémentaires. Retrait ?

Les amendements identiques nosII-116 et II-221 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°II-279 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-294, présenté par MM. Gremillet, Raison et Pierre et Mme Deromedi.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

1 000 000

1 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2 

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

 

0

 

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement diminue les crédits de l'action Moyens de l'administration centrale du programme n° 215 afin d'augmenter les crédits alloués à FranceAgriMer qui joue un rôle clé dans l'organisation des filières, dans le soutien aux investissements de modernisation des exploitations et dans l'innovation, autant de leviers.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Je partage votre préoccupation. FranceAgriMer gérera plus de 20 000 dossiers supplémentaires en 2016. Inflation normative, inflation de contrôle... Toutefois, l'effort est fourni surtout en 2015. Sagesse, donc.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - FranceAgriMer a été conforté par la loi d'avenir de l'agriculture ; cet opérateur joue un rôle majeur, avec ses formations sectorielles. Nous appliquons toutefois à FranceAgriMer les normes applicables à tous les opérateurs : - 4 % en fonctionnement, comme au ministère de l'agriculture, du reste.

M. Michel Raison.  - Le rabot ne saurait être passé partout de manière uniforme. FranceAgriMer est un outil indispensable, plus indispensable que jamais même, du fait de la dérégulation.

L'amendement n°II-294 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-285 n'est pas défendu.

À la demande du groupe Les Républicains, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°81 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 155
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

Les crédits du compte d'affectation spéciale sont adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 63

M. le président.  - Amendement n°II-312, présenté par M. Labbé.

A. - Après l'article 63

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le sixième alinéa de l'article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une fraction de 0,1 % du produit de la taxe est affectée au compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural afin de financer des programmes « 0 Phyto » visant à développer des formes d'agriculture performantes sur les plans économique et environnemental et répondant aux principes de l'agro-écologie. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B.  -  En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Développement agricole et rural

M. Joël Labbé.  - Enfin un amendement qui va faire consensus ! (Sourires) Tout le monde s'inquiète de la stabilisation du Casdar. Cet amendement y consacre une partie de la taxe sur les produits phytosanitaires, conformément aux attentes des agriculteurs et aux objectifs du plan Ecophyto II, qui visent la généralisation et l'optimisation de systèmes de production économes et performants. Il est nécessaire de faire le choix de la durabilité et de rendre les exploitations agricoles plus compétitives. (M. Gérard César s'exclame) Et puis, nous sommes en pleine COP21 !

M. le président.  - Amendement identique n°II-317 rectifié, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

M. Michel Le Scouarnec.  - Le plan Ecophyto était destiné à encourager les mesures de lutte contre la dépendance aux pesticides.

Le Casdar est un levier essentiel pour accompagner l'évolution des pratiques des agriculteurs. Faisons le choix de la durabilité.

M. Joël Labbé.  - Très bien !

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Ces amendements sont identiques à la virgule près. Vous avez dû vous concerter pour les rédiger... (Sourires)

Avis défavorable, car ils n'affectent au Casdar que 0,1 % du produit de la taxe sur les produits phytosanitaires. J'y vois donc des amendements d'appel et je donne la patate chaude au Gouvernement, pour qu'il nous présente les actions qu'il mène dans ce domaine.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les 41 millions de cette taxe seront directement affectés au plan écophyto : pourquoi passer par le Casdar ? Ses moyens sont complémentaires, tout simplement.

M. Joël Labbé.  - Je ne peux pas retirer un amendement de consensus !

M. Daniel Raoul.  - Voilà qui fera consensus... contre cet amendement !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous soutenons le Gouvernement !

Les amendements identiques nosII-312 et II-317 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-296, présenté par M. Gremillet, Mme Deromedi et MM. Pierre et Raison.

I.  -  Après l'article 63

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

La première phrase de l'article L. 820-3 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « orientés en priorité sur l'élevage ».

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Développement agricole et rural

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement est essentiel pour les territoires d'élevage. Les programmes 775 et 776, dont l'objectif est d'assurer la diffusion des fruits de la recherche agronomique, des progrès techniques et de l'innovation doivent être des facteurs d'espoir pour nos territoires.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Je comprends vos motivations, mais vois cet amendement comme un amendement d'appel. Focaliser le Casdar sur l'élevage de manière structurelle pour répondre à une crise conjoncturelle n'est pas opportun. Et si la prochaine crise est céréalière ? Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le Casdar est déjà fléché à environ 60 % vers l'élevage, via en particulier les chambres d'agriculture. Cet amendement est donc largement satisfait. Retrait ?

M. Daniel Gremillet.  - L'élevage reste une question stratégique. N'oublions pas que l'élevage est le premier consommateur de produits végétaux. La crise de ce secteur entraine des conséquences en chaîne. Il s'agit de se projeter au-delà de la conjoncture. Je maintiens l'amendement.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Modifier le code rural n'est pas possible ici... d'où ma demande de retrait.

L'amendement n°II-296 n'est pas adopté.

Prochaine séance, demain, mardi 1er décembre 2015 à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques