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Table des matières



Échec en CMP

Dépôt de rapports

Adaptation de la société au vieillissement (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Georges Labazée, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Gérard Roche, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

M. Jean Desessard

M. Gilbert Barbier

M. Alain Milon

M. Dominique Watrin

Mme Stéphanie Riocreux

Mme Élisabeth Doineau

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 45 (Pour coordination)

Modernisation de notre système de santé (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Deroche, co-rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Alain Milon, co-rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Aline Archimbaud

M. Gilbert Barbier

Mme Laurence Cohen

Mme Catherine Génisson

Mme Corinne Imbert

M. Gérard Roche

Question préalable

M. Alain Milon, co-rapporteur

M. Yves Daudigny

Modification de l'ordre du jour

Ordre du jour du mardi 15 décembre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du lundi 14 décembre 2015

46e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Claude Haut.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Échec en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre : le rapport relatif à l'accueil social sur les exploitations agricoles et à l'affiliation au régime agricole ; le rapport sur l'autonomie financière des collectivités territoriales au titre de l'année 2013.

Acte est donné du dépôt de ces rapports qui ont été transmis, à la commission des affaires économiques et à celle des affaires sociales pour le premier, à la commission des finances et à celle des lois pour le second.

Adaptation de la société au vieillissement (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement.

Discussion générale

M. Georges Labazée, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous sommes fiers avec Gérard Roche d'être parvenus à un accord avec les députés le 2 décembre. Ce texte de compromis doit aussi beaucoup à la rapporteure de l'Assemblée nationale Joëlle Huillier. Les conclusions de la CMP reprennent de nombreux apports du Sénat.

La deuxième lecture avait déjà permis de rapprocher les points de vue sur la conférence des financeurs et les conseils départementaux de la conférence et de l'autonomie (CDCA).

Concernant la première, seules pourront en être membres les personnes physiques ou morales qui contribuent effectivement au financement ; ainsi les acteurs privés ne pourront pas se désintéresser des actions de prévention de la perte d'autonomie tout en continuant à siéger.

Quant à la composition de la CDCA, elle comprendra tous les acteurs de l'autonomie au niveau local, y compris les organisations syndicales et les associations de retraités, comme le souhaitait M. Watrin.

Le Haut Conseil sera celui de la famille, de l'enfance et de l'âge, comme le voulait l'Assemblée nationale ; néanmoins sa formation spécialisée sur l'âge a pour mission de se rapprocher du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur toutes les questions relatives à la politique de l'autonomie.

Ce rapprochement est bienvenu : l'autonomie ne fait pas encore l'objet d'une cinquième branche de la sécurité sociale, mais sa spécificité est reconnue, tout comme la nécessité de traiter ensemble les sujets du handicap et du vieillissement. La formation mènera également une réflexion sur l'assurance et la prévoyance pour anticiper la dépendance, conformément à l'amendement de M. Cardoux adopté au Sénat.

Les établissements ont été différenciés entre résidences-autonomie, copropriétés avec services et résidence services. Conformément au texte du Sénat, toutes les résidences pourront bénéficier du forfait autonomie, y compris celles qui perçoivent le forfait de soins courants.

À l'article 22, la CMP a préféré la rédaction de l'Assemblée nationale, plus large, pour définir les personnes de confiance.

En revanche, le seuil de 32 500 euros sur les assurances vie a été supprimé pour sécuriser les actions récursoires des départements sur leurs aides à l'hébergement des personnes âgées.

Cette loi, attendue, s'appliquera dès janvier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gérard Roche, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Mettez un texte sénatorial équilibré, ajoutez-y une Assemblée nationale ouverte au dialogue ainsi qu'un Gouvernement à l'écoute, et vous aurez les ingrédients d'une CMP réussie.

M. Labazée et moi avons travaillé dans une entente parfaite. Merci à la rapporteure de l'Assemblée nationale et à la ministre pour nos échanges fructueux. Finalement, 28 % de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) sera affecté aux conférences des financeurs pour des actions de prévention. De même le fléchage du produit de la Casa pour la réforme de l'APA, même s'il est maintenu à 55,9 % en 2016 et 70,5 % les deux années suivantes pour rassurer les présidents de départements, a été assoupli.

Enfin est créé au sein du budget de la CNSA une section pour le soutien à l'investissement, dotée de 100 millions d'euros par an jusqu'en 2018. Après quoi il faudra trouver une ressource dédiée.

La refondation de l'aide à domicile a été centrale : la CMP a prévu un régime d'autorisation unique qui entrera en vigueur dès la promulgation de la loi. Les services d'aide à domicile, parce qu'ils exercent une mission d'intérêt général, ne sauraient relever du secteur marchand. Le Sénat s'est rallié à une mise en oeuvre rapide, pour éviter l'afflux de demandes d'agrément dans l'intervalle, phénomène déjà à l'oeuvre.

Une tarification nationale aurait pu avoir des effets non désirés : le Sénat a donc accepté le principe de tarifs nationaux non opposables, le texte prévoyant la définition d'une méthode pour les élaborer.

Avec Georges Labazée, nous sommes prêts à assurer le service après-vente de cette loi, auprès des élus locaux notamment. À plus long terme, il faudra régler la question du reste à charge dans les Ehpad. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Je salue le travail remarquable de MM. Labazée et Roche qui se sont investis pour faire aboutir ce texte. Binôme réjouissant tant sur le plan humain que politique. Merci aussi au président Milon, et à tous ceux qui ont participé à nos échanges.

Ce texte marque une étape fondamentale dans la prise en charge collective de la perte d'autonomie ; 700 millions d'euros supplémentaires seront affectés à cette politique, c'est un effort conséquent. Le Parlement a transformé le congé de soutien familial en congé de proche aidant et a créé le droit au répit. Ce sont là des avancées bienvenues pour mieux accompagner les aidants - y compris en sensibilisant à ce problème le monde de l'entreprise - et prendre aussi soin d'eux ! Les structures d'hébergement temporaire obtiennent une reconnaissance juridique.

Je salue aussi la diversification de l'offre à destination des personnes âgées : les résidences-services sont une solution intermédiaire pour ceux dont l'état ne justifie pas une prise en charge en Ehpad. Les pratiques contractuelles entre gestionnaires et résidents ont été sécurisées.

MM. René Vanlerenberghe et Dominique Watrin avaient travaillé sur l'aide à domicile et les services médico-sociaux. Leur travail a nourri la refondation du secteur. Le Gouvernement a renforcé la transparence et l'égalité de traitement, tout en laissant aux départements leur rôle pilote.

Grace à la bonne intelligence entre le Sénat et l'Assemblée nationale, un accord a pu être trouvé. Un Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) sera créé. J'ai entendu vos réticences, apaisées par la formation spécifique, qui a vocation à devenir une référence pour la prospective.

Le régime d'autorisation renové entrera en vigueur dès le 1er janvier 2016. Je prends acte aussi de votre souhait de répartition des crédits : le forfait autonomie sera réparti entre toutes les résidences services, sans exclure celles éligibles au forfait soins courants. Le Gouvernement voulait éviter le saupoudrage des crédits ; vous voulez, vous, que toutes les résidences s'investissent dans la prévention de la dépendance.

Le Gouvernement a aussi entendu votre volonté de faciliter, pour les départements, le recours en récupération de l'aide sociale sur l'hébergement, sur les contrats d'assurance-vie dès le premier euro sur les primes versées après 70 ans.

De nombreux textes d'application de ce projet de loi, actuellement soumis aux instances compétentes, seront pris dans les premiers mois de 2016, sinon dès le 1er janvier. L'enjeu sera maintenant d'informer les citoyens sur leurs nouveaux droits : je pense, en particulier, à la revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), au droit au répit des aidants et à l'aide à l'adaptation des logements.

Avec cette belle et grande loi sociale, nous construisons une société plus juste, portant un nouveau regard sur la vieillesse. Je vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

M. Jean Desessard .  - Un an et demi après le dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, nous examinons enfin les conclusions de la CMP. Les longs mois de discussion ont été constructifs. L'Assemblée nationale et le Sénat ont apporté leur touche pour aider notre société à anticiper le vieillissement massif de notre population. Du fait de l'arrivée à la retraite des baby-boomers et de l'accroissement de l'espérance de vie, les 60 ans et plus formeront 31 % de notre population en 2035. Ce texte représente un pas pour une société plus juste et inclusive.

L'APA est relevée. Une allocation de 500 euros par an est créée pour financer l'accueil temporaire des personnes âgées dans un établissement et soulager les proches aidants.

Au cours de la navette, les désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat se sont aplanis. Ainsi, nous nous félicitons que le Haut Conseil ne se réduise pas aux personnes âgées, notre société a besoin de transversalité et de décloisonnement.

Comme au Japon, il est temps qu'une personne qui donne son temps pour aider une personne âgée puisse bénéficier de tickets « Motsi » (monnaie temps solidarité intergénérationnelle), crédit qu'elle pourra utiliser à son tour lorsqu'elle deviendra dépendante. Celui qui conduira une vieille personne trouvera aussi un chauffeur pour l'accompagner dans ses déplacements quand il ne pourra plus conduire.

Les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gilbert Barbier .  - Nous sommes parvenus à un texte consensuel grâce à la navette parlementaire, preuve de son utilité dans une période où le Gouvernement a de plus en plus recours à la procédure accélérée. Quelque 25 articles ont été adoptés dans la rédaction du Sénat, preuve, là aussi, de l'utilité du bicamérisme.

En 2060, un tiers des Français auront plus de 60 ans. Face à ce défi de taille, ce texte paraît une réforme a minima, loin de la création du cinquième risque annoncée par le président de la République.

De même, quand le coût de la dépendance sera de 35 millions en 2060, contre 22 milliards d'euros aujourd'hui, les financements seront insuffisants. D'autant que les départements sont déjà asphyxiés par la hausse des dépenses sociales.

Pour autant, ce projet de loi est un bon compromis. Je me félicite du maintien du fléchage de la Casa et de la stabilisation de la contribution de l'État aux départements, ainsi que de la création d'une section dédiée à l'investissement dans le budget de la CNSA.

Il était temps d'aider les aidants, qui donnent tant pour accompagner leurs proches. Ils souffrent souvent de troubles du sommeil, de dépression, de maladies cardio-vasculaires ; certains d'entre eux meurent avant le proche qu'ils soutiennent. Pour eux, le droit au répit est créé.

Le groupe RDSE salue le lancement d'une réflexion sur l'assurance et la prévoyance en matière de dépendance. Nous voterons ce texte.

M. Alain Milon .  - Nous examinons trop de textes en procédure accélérée, alors que la navette parlementaire favorise le consensus, comme on le voit ici. Le projet de loi santé, que nous examinerons ensuite, le démontre en creux. Je salue le travail de nos rapporteurs. L'Assemblée nationale a repris nombre de nos rédactions in extenso.

Le texte ne suscitait pas de controverses. Il contient de nombreuses mesures utiles, même si, mises bout à bout, elles ne forment pas une réponse suffisante aux besoins actuels et à venir. Le groupe Les Républicains a cherché à améliorer le texte, soutenant ainsi, à l'article 32 bis, le régime unique d'autorisation pour les services à la personne. Le rapport de MM. Vanlerenberghe et Watrin, comme la Cour des Comptes, avaient préconisé cette solution. Les entreprises privées d'aide à domicile ont obtenu des assurances. Et le texte réaffirme le rôle du département pour organiser l'offre sur son territoire.

Le groupe Les Républicains votera le texte de la CMP. (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain à ceux du groupe Les Républicains)

M. Dominique Watrin .  - Le groupe CRC a cherché tout au long de la navette à améliorer ce texte, présenté le 3 juin 2014 en Conseil des ministres. Il a présenté de nombreux amendements. Ainsi, les syndicats et les associations de retraités siégeront-ils au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge. Dommage qu'il en aille différemment pour les conférences des financeurs, dont les retraités, via la Casa, sont pourtant les premiers contributeurs.

Je salue la création du régime unique d'autorisation pour les services d'aide à domicile. Je regrette toutefois que l'étude nationale sur les coûts et les prestations ne soit toujours pas publiée. Souhaitons que les deux assemblées poursuivent ensemble un travail sur le sujet. Avancer au 1er janvier 2016 la date d'entrée en vigueur de l'autorisation évitera aux départements de subir un effet inflationniste.

En dépit de ces aspects positifs, le groupe CRC ne votera pas ce texte qui n'apporte pas une réponse à la hauteur des enjeux : 700 millions, c'est peu quand il faudrait 10 milliards... Le financement de la solidarité doit reposer sur toute la société. Nous avons proposé, en vain, de taxer les dividendes ou de doubler la Casa.

Le texte de la CMP envoie un mauvais signal en confiant au Haut Conseil une mission de réflexion sur l'assurance et la prévoyance sur le risque de dépendance. Jusque-là le Gouvernement et la gauche étaient restés fermes sur ce sujet.

De même, l'augmentation de 8 euros mensuels pour les personnels soignants, qui sont à 98 % des femmes, est très insuffisante. Faites le calcul, cela donne à peine un quignon de pain par jour. En moyenne, ces personnes vivent avec 832 euros par mois.

Le groupe CRC s'abstiendra.

Mme Stéphanie Riocreux .  - Même si le groupe Les Républicains s'est abstenu en CMP, la majorité de la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de ses conclusions, texte d'équilibre et de compromis, qui comporte des mesures très concrètes en faveur des personnes dépendantes et des aidants.

Je salue le travail de nos rapporteurs et l'action du Gouvernement qui a su mener la concertation nécessaire. Le groupe socialiste considère que ce texte annoncé depuis longtemps est ambitieux - 700 millions d'euros de plus ! - et responsable, car aucune hausse de fiscalité n'est prévue. C'est une étape importante.

La population française vieillit avec l'allongement de la durée de vie et l'arrivée à la retraite des baby-boomers. En 2060, un tiers de la population aura plus de 60 ans, et la France comptera plus de 100 000 centenaires... Nos modes de vie ont changé, nos structures d'accueil et l'organisation du travail en entreprises n'y sont plus adaptées. Quelque 16 % des salariés en France aident un proche dépendant et doivent réaménager leur temps de travail.

Des initiatives viennent explorer ce continent de la perte d'autonomie. Ce texte les encouragera avec un Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, transversal, intégrant la problématique de l'âge dans tous les aspects de la vie quotidienne, du transport aux logements - seuls 6 % de ces derniers sont adaptés à la perte d'autonomie.

Adapter la société au vieillissement, valoriser et refonder le secteur de l'aide à domicile dont le rôle est fondamental. Un second souffle est en outre donné à l'APA avec sa revalorisation et le fléchage du produit de la Casa.

Le statut de proche aidant est reconnu avec la création d'un droit au répit indispensable pour des personnes atteintes d'épuisement physique et psychique.

Enfin, ce texte renforce la prévention de la dépendance. Le basculement dans l'APA est trop souvent tardif, occasionné par un événement brusque. Le système Monalisa facilitera le repérage de la perte d'autonomie.

Les convergences entre les deux assemblées ont été nombreuses, du forfait autonomie au maintien de l'aide à l'investissement. Après ce texte, beaucoup restera à faire. Le groupe socialiste sera aux côtés du Gouvernement pour approfondir cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Élisabeth Doineau .  - À mon tour de saluer le travail de MM. Roche et Labazée, nous leur devons le succès de la CMP qui conserve de nombreux apports du Sénat. Essayons de travailler désormais dans cet esprit de dialogue, les contre-exemples sont encore trop nombreux.

Seuls 35 articles restaient en navette. Point important, le financement. Depuis le début, le Sénat a défendu un fléchage précis de la Casa ; le texte de la CMP est acceptable : 28 % du produit à la prévention de la perte d'autonomie et 55,9 %, puis 70,5 ¨% à la réforme de l'APA. Les conseils départementaux auront ainsi davantage de latitude. Mais on sait que les besoins, 21 milliards de dépenses publiques en 2011 pour la prise en charge de l'autonomie, vont augmenter.

Si l'Assemblée nationale nous a entendus sur le financement, nous avons fait une concession sur le Haut Conseil, qui sera aussi de la famille et de l'enfance ; cependant, sa formation sur l'âge travaillera globalement sur la question de l'autonomie, et échangera avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées - c'est essentiel, puisque de nombreux conseils départementaux ont déjà adopté leur schéma de l'autonomie.

Si nombre de sujets restent à traiter, notamment celui du reste à charge, ce texte marque une étape vers une société plus fraternelle. Le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements au centre)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Le Sénat examinant le texte de la CMP après l'Assemblée nationale, il se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE 45 (Pour coordination)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les projets de création, de transformation et d'extension des centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés à l'article L. 348-1.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Cet amendement opère une coordination avec la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

M. Gérard Roche, co-rapporteur.  - Avis favorable, même si nous aurions aimé examiner cet amendement avant la deuxième lecture...

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Et moi donc !

À la demande de la commission, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°115 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 324
Contre      0

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Je me réjouis que ce texte sur lequel le Sénat a tant travaillé soit adopté pour le bénéfice des plus vulnérables. Désormais, nous pourrons parler de la loi en l'invoquant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Bricq.  - Bonne ministre !

Modernisation de notre système de santé (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Pour la dernière fois, nous allons débattre de ce projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui poursuivra son cheminement à l'Assemblée nationale.

Il y a deux mois, le Sénat adoptait ce texte. Si vous l'aviez indéniablement enrichi, il avait perdu en cohérence ; et plusieurs mesures clés avaient disparu. Les députés se sont appliqués à lui rendre son ambition d'origine : une santé plus accessible avec la baisse des restes à charge pour les patients et la réduction des inégalités territoriales. Le Pacte territoire-santé s'est traduit par la création de 800 maisons de santé, l'installation de 500 nouveaux médecins dans les zones sous-dotées. Je viens de lancer le Pacte II avec le numerus clausus relevé dans dix régions, 40 millions d'euros pour la télémédecine en ville et le renforcement des aides à l'installation des jeunes médecins.

Sans revenir sur le détail de ce texte, insistons sur ces grands axes. D'abord, une politique de prévention innovante et cohérente pour tous les Français : médecin traitant dès l'enfance, parcours éducatifs santé, étiquetage des aliments, généralisation du paquet neutre, dépistage des MST, ouverture des salles de consommation de drogue à moindre risque. (M. Gilbert Barbier en doute)

Ensuite, une politique de proximité autour du médecin traitant généraliste quand notre système de santé a été trop longtemps hospitalo-centré. Concrètement, nous engageons le virage ambulatoire.

Enfin, nous créons de nouveaux droits avec l'action de groupe en santé, le droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer, l'exploitation des données anonymisées de la sécurité sociale par les chercheurs, le renforcement de la transparence des relations entre professionnels de santé et industrie...

En première lecture, les apports du Sénat ont été réels. Il a confirmé des mesures fortes, comme la contraception d'urgence pour les élèves du second degré, les dispositions relatives à la santé environnementale et au travail ou celles en faveur de l'accès à l'IVG. Là où les débats avaient été vifs à l'Assemblée nationale, vous n'avez pas cédé aux sirènes conservatrices toujours fortes quand on touche aux droits des femmes, notamment celui à disposer de leur corps. Le Sénat a en outre enrichi le texte de dispositions que l'Assemblée nationale a confirmées, telles le droit à l'oubli ou l'association des maires à l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque.

Cependant, votre refus du tiers payant généralisé et du paquet neutre ont affaibli la cohérence du texte. L'Assemblée nationale les a rétablis. À mon sens, l'immobilisme et la résignation condamneraient notre protection sociale et éroderait la force de la promesse républicaine.

L'accord est, je le crains, hors de portée. Je veux pourtant saluer la contribution du Sénat à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur de la commission des affaires sociales .  - En nouvelle lecture, 120 articles demeurent en navette. Le texte est extrêmement divers tout en renvoyant à des ordonnances sur des sujets importants. La commission des affaires sociales déplore que les députés aient élargi le champ d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, en particulier sur les missions de la HAS.

Nous pouvons difficilement accepter que l'Assemblée nationale ait rétabli son texte sur des points majeurs, que le Gouvernement ait déposé des amendements de dernière minute au Palais Bourbon et imposé la procédure accélérée.

Le Sénat s'était efforcé de préserver la qualité de la loi en supprimant les dispositions d'ordre réglementaire, sans portée normative ou trop détaillées et en écartant celles que le droit en vigueur satisfaisait, sur la santé à l'école. L'Assemblée nationale pour l'essentiel les a rétablies... (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Deroche, co-rapporteur de la commission des affaires sociales .  - L'Assemblée nationale a accepté de mieux associer les maires à la création de salles de consommation de drogue à moindre risque mais supprimé les conditions que nous avions posées - intégration à une structure hospitalière et supervision par une équipe pluridisciplinaire. Je regrette qu'un accord ne puisse intervenir sur ce sujet sensible.

Sur le tabac, le Sénat s'était montré moins restrictif sur le vapotage dans les lieux publics. L'Assemblée nationale l'a cependant suivi sur la majorité des articles ; mais le désaccord n'est sans doute pas si profond sur le paquet neutre puisqu'il a été rétabli à l'Assemblée nationale, après une suspension de 25 minutes, à une courte majorité de deux voix... Mieux aurait valu attendre une harmonisation européenne plutôt que de privilégier une solution à l'efficacité et à la sûreté juridique douteuses. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Milon, co-rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Je centrerai mon propos sur l'organisation sanitaire. En matière de soins ambulatoire, l'Assemblée nationale a privilégié des structures nouvelles tandis que nous avons affirmé la nécessité d'un minimum de stabilité - les communautés professionnelles territoriales de santé remplacent inutilement les pôles de santé.

Nous avions complété le service public hospitalier, auquel nous sommes favorables, par le maintien de la possibilité donnée aux cliniques d'exercer des missions de service public à tarifs opposables ; l'Assemblée nationale a rétabli leur exclusion, ce qui est à nos yeux sans justification.

Pourquoi avoir supprimé la participation des élus dans les comités stratégiques des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) ? Cela rendra encore moins acceptable les restructurations proposées.

De même, au lieu d'un numéro unique, gratuit et national, alternatif au 15, l'Assemblée nationale a fait le choix de la complexité en matière de permanence des soins ambulatoires.

Elle a supprimé la précision que nous avions introduite sur l'articulation, dans la permanence des soins, entre la médecine libérale et les établissements de santé ; les ARS pourront donc continuer de supprimer la PDSA entre minuit et huit heures... L'Assemblée nationale est également revenue à son texte sur le dossier médical partagé, faisant fi de l'accord du patient. C'est profondément contraire au droit des malades.

Enfin, sans surprise, les députés ont rétabli le tiers payant généralisé avec une modification qui n'est pas anodine : le rapport sur la faisabilité du dispositif est repoussé d'un mois, signe que la réforme n'est pas aussi simple qu'on nous le dit...

Au total, même si l'Assemblée nationale a conservé certains de nos apports, le désaccord subsiste sur des points majeurs. C'est pourquoi la commission des affaires sociales a rejeté le texte et déposé une question préalable. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Génisson.  - Ce n'est pas bien !

Mme Aline Archimbaud .  - Certaines des propositions des écologistes ont été reprises, entre autres l'introduction du concept d'exposome. En revanche, rien sur le bisphénol A ou les perturbateurs endocriniens alors que les maladies à cause environnementale prospèrent.

Des mesures très attendues ont disparu de ce texte, et particulièrement l'automaticité du bénéfice de la CMU-c pour les personnes allocataires du RSA socle. Je pense aussi à la remontée systématique des rapports sur l'amiante - on sait que celui-ci fera 100 000 morts d'ici 2050. Les ministères doivent s'engager résolument dans la prévention et l'information des travailleurs. Je regrette ainsi le coup de canif à la loi Évin sur la publicité pour l'alcool.

Mon groupe déplore le refus du tiers payant généralisé. Selon la Dres, entre 21 et 36 % des Français renoncent aux soins pour des raisons financières. Contrairement à ce qu'on entend, ce système ne met nullement en cause la médecine libérale. Idem sur le paquet neutre : les chiffres du tabagisme en France sont accablants, les jeunes sont très sensibles au marketing.

M. Gilbert Barbier .  - Le Gouvernement nous présente une loi qui étatise notre système de santé. Madame la ministre, vous mettez avec satisfaction en oeuvre les mesures que vous défendiez lorsque vous étiez députée... Ce texte est empreint d'idéologie, voire de sectarisme. J'observe cependant que vous avez renoncé sur l'ordre infirmier. Le rendez-vous que devait être cette loi est manqué ; manqué avec les médecins, manqué avec les acteurs privés, manqué avec une partie du monde associatif. Mais tel n'était pas votre objectif : vous passez en force, parfois même contre votre majorité.

Nous nous sommes voulus pragmatiques. Comment ne pas être consterné par l'attitude méprisante, suffisante des députés, y compris sur des sujets qui devraient être consensuels ? Le tiers payant sera votre trophée, symbole de votre victoire sur le monde libéral... Tout cela est idéologique, et procède d'une volonté d'étatiser, de contrôler. Vous allez briser le dialogue singulier et préparez une médecine à deux vitesses.

On voit votre volonté à l'oeuvre à l'article 18, aussi à l'article 26 - alors qu'une appendicectomie coûte deux à trois fois plus cher à l'assurance maladie dans un CHU que dans une clinique privée... L'idéologie prime sur le bon sens, au point que les députés ont même supprimé des dispositions introduites par la minorité sénatoriale.

Les articles 37 et 46 ter concernant la recherche sur l'embryon et les dons d'organe sont inconstitutionnels ; ils auraient dû être intégrés dans une loi de bioéthique révisée.

À quoi bon poursuivre le débat ? Votons la question préalable. Je crains que les grands perdants de votre entêtement ne soient les patients les moins avertis !

Mme Laurence Cohen .  - La commission des affaires sociales a voté la question préalable, j'y vois la confirmation que nos institutions démocratiques sont à bout de souffle. Il est temps de passer à une VIe République qui respecte le Parlement et rende la parole au peuple.

Est-il opportun de poursuivre les GHT après les attentats du 13 novembre ? Faut-il entériner la fin de sectorisation en psychiatrie et la toute-puissance des agences régionales de santé ? Nous avons eu le bleu de la police, le blanc de la santé et le rouge des pompiers.

Depuis la loi de 2010, les réformes ne cessent de démanteler notre système de santé. Les fusions et les restructurations d'établissements détruisent encore plus le lien entre la médecine et les territoires.

Les mesures de bon sens que contient ce texte ne suffiront pas pour lutter contre les refus de soins.

Le tiers payant généralisé appelle de nouveaux financements. Nous défendons, nous, une protection sociale à 100 %. Comment prétendre que 400 millions d'euros d'économie supplémentaires n'auront pas de conséquence sur le personnel, qui subit déjà les efforts de l'austérité ?

Il faudrait supprimer les franchises médicales, les forfaits, les dépassements d'honoraires. Hélas, ce n'est pas à l'ordre du jour ! La prévention est ainsi le parent pauvre de ce texte.

Contre l'avis du Gouvernement, des parlementaires sont revenus sur la loi Évin, cédant aux sirènes des lobbys.

Nous attendions une loi-cadre. Notre frustration est grande devant ce rendez-vous manqué. Le groupe CRC ne pourra pas voter ce texte en l'état.

Mme Catherine Génisson .  - Cette discussion est virtuelle puisque notre commission des affaires sociales a adopté une question préalable. Il est regrettable que nous ne puissions confronter nos idées, de manière républicaine. L'opposition systématique de la majorité sénatoriale au tiers payant généralisé a empêché tout accord.

La France peut s'enorgueillir d'un des meilleurs systèmes de santé au monde. Pourtant, il ne corrige pas les inégalités sociales ou territoriales. L'espérance de vie d'un ouvrier reste inférieure de sept ans à celle d'un cadre.

La prévention est le pilier de ce texte. Je salue ainsi les mesures en faveur de la contraception d'urgence, l'IVG, contre les refus de soins.

Nous avons eu des débats passionnés sur la lutte contre le tabac. Le groupe socialiste le dit avec force : seule une harmonisation européenne donnera une pleine efficacité au paquet neutre. Le Gouvernement doit également se soucier du sort des buralistes. La prévention partagée, introduite par un amendement sénatorial, doit être soutenue.

Le deuxième pilier de ce texte place le médecin traitant au socle de notre système de soins. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi le président Milon a dénigré les communautés territoriales de santé.

La majorité des Français sont favorables au tiers payant généralisé. L'argent ne doit pas être un obstacle à l'accès aux soins. Toutefois, cette mesure ne saurait remplacer une modernisation de notre régime de sécurité sociale.

Le service public hospitalier est le gage de l'accessibilité et de la permanence des soins. Malheureusement, la majorité du Sénat a voulu revenir à des définitions de service public hospitalier de la loi de 2010.

La démocratie sanitaire est renforcée : actions de groupes, open data, droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer. Nous avons eu un débat riche sur l'article 46 ter et son implication éthique. La majorité sénatoriale a préféré couper court à la discussion en nouvelle lecture.

Notre pays est au troisième rang mondial pour les brevets de robotique médicale. Nous pouvons être fiers de notre système de santé, de nos médecins, qui ont fait preuve une fois encore de leur efficacité lors des attentats de novembre.

Le groupe socialiste votera contre la question préalable.

Mme Corinne Imbert .  - Le groupe Les Républicains soutient sans faille la position des rapporteurs.

Mme Nicole Bricq.  - Dommage :

Mme Corinne Imbert.  - On ne peut que déplorer l'esprit de fermeture du Gouvernement. La seule mesure sénatoriale phare qui a échappé au couperet de la majorité gouvernementale est la promotion des régions viticoles portée par notre collègue César !

On ne modernise pas notre système de santé en adoptant à la va-vite des dispositions éthiques fortes ; je pense à la suppression des délais de réflexions pour une IVG ou encore au don d'organe. Moderniser, ce n'est pas créer des inégalités de traitement entre établissements. Les établissements privés qui remplissent des missions d'intérêt général ne pourront plus pratiquer de dépassements d'honoraires. Ce n'est pas énoncer dans la loi des dispositions qui existent déjà ! Le pacte territoire-santé II est déjà à l'oeuvre. Je regrette que nos propositions sur les territoires sous-dotés n'aient pas été retenues.

Le paquet neutre a été adopté à deux voix près à l'Assemblée nationale : cette surtransposition d'une directive encouragera la contrebande, au détriment des buralistes. L'Australie, souvent cité en exemple, est le seul pays à avoir adopté ce paquet neutre mais en fixant le prix du paquet à 14 euros. C'est plutôt d'une harmonisation fiscale que nous avons besoin et d'une politique globale de prévention dont les crédits baissent. Quelle contradiction entre les actes et les discours !

Le tiers payant généralisé prive la médecine de sa liberté. Les médecins appliquent déjà le tiers payant pour leurs patients les plus défavorisés. Le risque aussi est celui d'une surconsommation médicale, car le service apparaîtra comme gratuit.

Le groupe Les Républicains avait proposé de construire notre système de santé avec les médecins, et non contre eux. Ces propositions allaient dans le sens de l'intérêt des patients. Nous n'avons pas été entendus. Dès lors nous voterons la question préalable.

M. Gérard Roche .  - La CMP ne pouvait réussir sans volonté de parvenir à un consensus. Le Sénat, que certains qualifient de rétrograde, avait pourtant accepté les salles de shoot ! Comme pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales a voté une question préalable.

Nous étions contre la généralisation du tiers payant, qui banalise l'exercice médical, et risque de désinciter les jeunes médecins à s'installer dans certains territoires. Nous aurions aimé discuter du recentrage des soins primaires autour des généralistes ou du paquet neutre. Pourquoi aller plus loin que la directive européenne ?

Une loi-cadre était attendue. La santé n'est ni de droite ni de gauche. L'échec de la CMP est une grande déception, porteuse d'amertume. Puisque certains ont fait la sourde oreille, nous choisissons aujourd'hui de rester muets. Nous voterons la question préalable.

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1 présentée par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon au nom de la commission des affaires sociales

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,

Considérant que la généralisation du tiers payant n'est pas nécessaire socialement dès lors qu'il est déjà pratiqué pour les populations les plus précaires et considérant qu'il remet en cause l'exercice libéral de la médecine ;

Considérant que la volonté d'imposer le paquet neutre, sans avoir préalablement expérimenté des avertissements sanitaires harmonisés au niveau européen, va au-delà des exigences européennes et expose la France à des risques de contentieux sur la propriété intellectuelle sans bénéfice évident pour la santé publique ;

Considérant que les conditions d'expérimentation des salles de consommation à moindre risque doivent faire une place prédominante au soin ;

Considérant que l'organisation des soins primaires doit s'appuyer sur l'existant, en particulier les pôles de santé, et ne pas placer les initiatives des professionnels sous la tutelle des agences régionales de santé ;

Considérant que l'obligation de négocier sur les installations en zones sous-denses et sur-denses lors du renouvellement de la convention médicale est un moyen nécessaire pour répondre à l'existence des déserts médicaux ;

Considérant que la permanence des soins doit être organisée sur l'ensemble du territoire de manière simple et accessible ;

Considérant que les missions de service public dans les établissements de santé sont un moyen de reconnaître l'implication des cliniques au service de tous les malades ;

Considérant que la suppression de la participation des élus au comité stratégique des groupements hospitaliers de territoire (GHT) rompt le lien nécessaire avec les territoires ;

Considérant que le consentement présumé au don d'organes n'est pas une solution pour remédier au manque de greffons dans notre pays ;

Considérant que le champ des habilitations données au Gouvernement pour légiférer par ordonnance est de nature à dessaisir le Parlement de questions essentielles pour la bonne organisation des soins ;

Considérant que le texte comporte un grand nombre de dispositions de faible valeur normative ou sans valeur ajoutée par rapport au droit actuel et qu'il est donc de nature à dégrader la qualité de la loi ;

Considérant enfin qu'après avoir engagé la procédure accélérée, le Gouvernement, en demandant à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur ce texte avant la fin de la présente semaine, prive celle-ci de toute possibilité pratique de prendre en compte les propositions que le Sénat pourrait formuler en nouvelle lecture ;

Le  Sénat s'oppose à l'ensemble du texte du projet de loi de modernisation de notre système de santé, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 209, 2015-2016).

M. Alain Milon, co-rapporteur .  - Les désaccords avec l'Assemblée nationale concernent le paquet neutre, l'encadrement des salles de consommation de drogue à moindre risque, l'obligation de négocier dans les zones sous dense, le tiers payant généralisé, la participation des élus dans les CHT que certains refusent avec la même volonté qu'ils veulent supprimer le Sénat, le champ des habilitations à légiférer par ordonnances et j'en passe.

En première lecture, nous avons pris le temps de la discussion : vingt réunions de commission, deux semaines de débat en séance publique. Quand bien même nous ferions de nouvelles propositions, l'Assemblée n'aurait pas le temps matériel de les étudier, le Gouvernement n'ayant prévu que 48 heures entre l'adoption définitive de ce texte à l'Assemblée nationale et notre vote. Une seule réponse : le rejet. Et ne nous reprochez pas le scrutin public : toutes les majorités sénatoriales l'utilisent en de pareilles circonstances. Les citoyens, en particulier les médecins, sauront ainsi qui a voté quoi.

M. Yves Daudigny .  - Voter la question préalable donnera l'impression que nous repoussons l'ensemble du texte. Pourtant en première lecture, le Sénat a adopté conforme 60 articles, dont la facilitation de l'IVG ou le droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer. Le bicamérisme est plus que jamais nécessaire quand certains députés jugent catastrophique notre système de santé auquel il vient d'être rendu hommage après les attentats.

Le désaccord en CMP est l'illustration d'une divergence de position, notamment sur le service public hospitalier ou le tiers payant généralisé. Pourtant la généralisation de celui-ci est inévitable, conforme à une évolution engagée depuis vingt ans. Les pharmaciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes, les sages-femmes fonctionnent en tiers payant, comme 77 % des gastro-entérologues, 92 % des radiologues et 98 % des laboratoires de biologie. Comment expliquer que les généralistes le refusent ? La réalité est d'ailleurs qu'un grand nombre d'entre eux le pratiquent déjà. Les patients ne seront pas déresponsabilisés. Bien des pays l'appliquent déjà. Loin d'être inflationniste, le tiers payant est un mode de paiement plus juste.

Le texte comporte en outre des garanties tant sur les délais que les paiements. Je ne souhaite pas que le Sénat donne une image caricaturale alors que 70 % des Français sont favorables au tiers payant généralisé.

Le groupe socialiste votera contre la question préalable.

Au lendemain du séisme électoral que nous venons de vivre, couper court au débat est source de malaise. Le débat respectueux est le seul moteur de la démocratie.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le Gouvernement regrette cette question préalable. J'ai écouté vos arguments. Comme en première lecture, j'ai l'impression que les désaccords sont peu nombreux.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Mais majeurs !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Chacun en convient : l'hospitalo-centrisme qui a fait la force de notre système de santé fait désormais sa faiblesse ; le virage ambulatoire, dont chacun parle depuis des années sous une forme ou sous une autre doit s'engager. Les inégalités entre territoires ne sont plus supportables.

Alors que les échéances électorales sont passées, nous aurions pu, renonçant aux postures politiques, trouver le chemin d'un compromis.

Chacun souhaite adapter notre système aux attentes des Français, des professionnels, anticiper l'arrivée des nouvelles technologies. Nous poursuivrons le travail ensemble. Je regrette cette occasion manquée.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - « Nous voici au terme d'un long processus qui nous laisse un goût amer », disiez-vous, madame la ministre, en 2008 à propos de la loi HPST. Nous ne saurions dire mieux !

Tout à l'heure, nous avons voté le texte sur le vieillissement car le Gouvernement nous avait écoutés. Hélas ce n'est pas le cas sur ce texte-ci.

Alors que nous rendions obligatoire une négociation lors du renouvellement des conventions médicales, votre texte ne prévoit rien de nouveau pour lutter contre les déserts médicaux.

Nous sommes aussi hostiles au tiers payant généralisé, ou au paquet neutre, qui pénalisera les buralistes, sans compensation.

Je ne comprends pas votre opposition à la question préalable madame la ministre. On vous rend service : l'Assemblée nationale doit adopter définitivement le texte le 17 décembre. Comment aurait-elle fait si nous avions adopté des amendements ? Les députés auront le dernier mot et les patients en pâtiront.

M. Dominique Watrin.  - Nous aurions voulu porter la voix de ceux qui nous ont interpellés. Je regrette donc que nos amendements sur l'amiante, comme la création d'une plateforme d'information sur les risques, ne puissent pas même être discutés.

L'article 42 ter est dangereux en termes éthiques. Nous regrettons le manque de concertation sur la réforme de l'établissement du sang. Nous aurions aussi voulu interdire le bisphénol A dans les jouets. Nous plaidons pour un pôle public du médicament.

Le groupe CRC votera contre la question préalable, tout en réaffirmant son opposition à la poursuite de l'austérité.

M. Jean-Claude Requier.  - Comme M. Barbier, je regrette la procédure accélérée sur ce texte. En revanche, je ne voterai pas la question préalable. Je suis contre la politique de la chaise vide. À cause d'elle mon amendement supprimant le paquet neutre part en fumée ! (Sourires)

Mme Catherine Procaccia.  - Certains ont ressenti du mépris envers le travail du Sénat en découvrant le texte qui nous revenait de l'Assemblée nationale. Je regrette très profondément cette absence de dialogue que le Gouvernement organise à coups de procédure accélérée. Elle est destructrice pour notre médecine libérale.

Mme Élisabeth Doineau.  - On a senti lors de la CMP un refus très net du dialogue, pour ne pas dire de l'autisme. Quelque part, cela me frustre. Cependant, à quoi bon disserter quand l'accord est hors de portée.

Monsieur Daudigny, les Français que j'ai rencontrés durant la campagne des régionales sont très angoissés par l'idée de ne plus trouver de médecins près de chez eux. Or il n'y a rien dans ce texte sur les déserts médicaux.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très juste !

Mme Élisabeth Doineau.  - Le rêve des uns ne doit pas devenir le cauchemar des autres ; ainsi du paquet neutre et des buralistes ; ainsi du tiers payant et des médecins. Ce projet de loi divise. Le groupe UDI-UC votera la question préalable.

À la demande de la commission des affaires sociales, la question préalable est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 188
Contre 155

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - En conséquence, le Sénat a rejeté le projet de loi.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Malgré le sort funeste que le Sénat a réservé à ce texte, je voulais vous remercier pour votre travail et vous souhaiter avec un peu d'avance d'excellentes fêtes de fin d'année. (Applaudissements)

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - L'adoption de cette question préalable entraîne des conséquences pour l'ordre du jour du reste de la semaine.

Cet ordre du jour s'établit désormais comme suit :

MARDI 15 DÉCEMBRE

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 18 heures

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre

MERCREDI 16 DÉCEMBRE

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne

- Désignation des vingt-cinq membres de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte

- Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016

- Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2015

-  Deux conventions fiscales avec l'Allemagne, d'une part, et le Luxembourg, d'autre part

JEUDI 17 DÉCEMBRE

À 10 h 30 et, éventuellement, à 14 h 30

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part

- Deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République socialiste du Viêtnam, d'autre part

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public

Il en est ainsi décidé.

Prochaine séance demain, mardi 15 décembre 2015 à 16 h 45.

La séance est levée à 17 h 40.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 15 décembre 2015

Séance publique

À 16 h 45

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : MM. Philippe Adnot et Jackie Pierre

1. Questions d'actualité au Gouvernement

À 18 heures

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Claude Bérit-Débat, vice-président

2. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 108 sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, dans la rédaction du texte proposé par la commission mixte paritaire.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :324

Pour :324

Contre :0

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.

Scrutin n° 116 sur la motion n°1, présentée par Mme Catherine Deroche au nom de la commission des affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation de notre système de santé.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :188

Contre :155

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.