Hommage à Yves Guéna

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et les ministres se lèvent)

C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris jeudi dernier le décès de notre ancien collègue Yves Guéna, qui fut sénateur de la Dordogne de 1989 à 1997 et vice-président du Sénat.

Patriote, Yves Guéna fut un résistant de la toute première heure : il n'avait pas encore 18 ans, quand, dès le 19 juin 1940, il rejoignit par Ouessant le général de Gaulle en Angleterre. Il participa à la campagne d'Afrique du nord, avant de rejoindre la 2e division blindée et de combattre en Normandie, en Alsace, en Allemagne. Il fut grièvement blessé à la bataille d'Alençon et pourtant à peine rétabli, il repartit au front.

Élève de la première promotion de l'École nationale d'administration - la promotion au beau nom de « France combattante » - il fut contrôleur civil au Maroc avant d'être nommé maître des requêtes au Conseil d'État en juillet 1957. Il entra en 1958 au cabinet de Michel Debré, alors garde des Sceaux, et participa au côté de ce dernier à la rédaction de la Constitution de la Ve République.

Élu député de la Dordogne dès 1962, réélu à cinq reprises, il fut ministre plusieurs fois sous les présidences du général de Gaulle et de Georges Pompidou. Il estima bien après : « Quel regret c'eût été pour moi, non point de manquer le vain éclat de ce rang éphémère et de ce titre viager, mais de ne pas participer au gouvernement de la France sous de Gaulle ».

Figure politique nationale, il n'oublia jamais la Dordogne, résumant cela par la formule : « La tête à Paris, les pieds en Dordogne ». Maire de Périgueux de 1971 à 1997, conseiller général de 1970 à 1989, il entra au Sénat en 1989.

Membre du groupe gaulliste, membre éminent de la commission des finances puis de la commission des affaires étrangères, il fut vice-président de notre assemblée. Certains d'entre nous se rappellent sans doute sa tenue, son caractère, son sourire accueillant. Il fut, comme à l'Assemblée nationale, un parlementaire reconnu et respecté au sein de son groupe bien entendu, et bien au-delà par tous ses collègues.

C'est d'ailleurs ce respect qui lui valut que le président René Monory le nomme membre du Conseil constitutionnel. Il en devint le septième président en 2000 jusqu'en mars 2004. Il fut un gardien vigilant de la Constitution de la Ve République. « On ne doit toucher à la loi fondamentale que d'une main tremblante », écrivait-il.

Homme au parcours hors du commun, passionnément amoureux de la France, Yves Guéna aura ainsi marqué la vie politique de notre pays de son empreinte durant plus d'un demi-siècle, participant à toutes les grandes pages de notre histoire nationale, en grand Français qu'il était.

Au nom du Sénat tout entier, j'ai assuré son épouse, sa famille ainsi que ses compagnons de notre compassion sincère.

En la mémoire de ce grand Français, je vous propose d'observer un moment de recueillement. (On observe un moment de recueillement)