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Table des matières



République numérique (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

Mme Corinne Bouchoux

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Claude Requier

M. Mathieu Darnaud

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jean-Pierre Bosino

M. Jean-Pierre Sueur

Scrutin public solennel

Intervention du Gouvernement

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Questions d'actualité

Traité transatlantique (I)

M. Didier Guillaume

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Traité transatlantique (II)

Mme Sophie Joissains

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Violences urbaines

M. André Trillard

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

LuxLeaks

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

EDF

M. Jean Desessard

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Forces de police et manifestations

M. Pierre Laurent

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Situation à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Communes de montagne

M. François Calvet

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Gel des vignobles

Mme Marie Mercier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Haut-Karabagh

M. Luc Carvounas

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Mises au point au sujet de votes

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Dépôt d'un document

Débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités

M. François Baroin, au nom du groupe Les Républicains

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Claude Requier

M. Cédric Perrin

M. Vincent Delahaye

Mme Marie-France Beaufils

M. Claude Raynal

M. André Gattolin

M. Francis Delattre

M. Bernard Delcros

M. François Grosdidier

M. Daniel Chasseing

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales

Débat sur les essais cliniques

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

M. Michel Amiel

Mme Corinne Imbert

M. Olivier Cigolotti

Mme Laurence Cohen

Mme Catherine Génisson

M. Jean Desessard

M. Philippe Mouiller

Mme Patricia Schillinger

M. Jean-François Rapin

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Ordre du jour du mercredi 4 mai 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 3 mai 2016

92e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 15 h 15.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

République numérique (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.

Explications de vote

Mme Corinne Bouchoux .  - Ce texte est structurant. Sa méthode d'élaboration est originale : un groupe de travail à l'Assemblée nationale avait réuni des parlementaires et des experts, puis une vaste concertation sur internet a été lancée. Sa discussion a été très suivie par les internautes. Que tous soient salués pour leur contribution. Merci aux présidents et rapporteurs des commissions, qui ont permis une discussion approfondie. Dans une société dominée non plus par la propriété mais par les usages, la loi doit protéger et encourager les évolutions tout à la fois. C'est compliqué juridiquement, techniquement, et parfois éthiquement, comme à propos de la mort numérique. Il s'agit de construire une société inclusive, moins marquée par les inégalités territoriales.

Mais comment anticiper les usages, les techniques ? Certes l'open data créera des opportunités et des emplois ; mais la préservation des services publics n'est pas moins vitale. Notre pays ne doit pas devenir une colonie des Gafa, comme y insiste Catherine Morin-Desailly.

Plusieurs sujets cruciaux restent devant nous ? La mention « si possible » pour la publication des données des administrations ne nous convient pas, non plus que les limites à la communicabilité des codes sources. Le secret des affaires n'a rien à faire non plus dans ce texte. L'accès sur internet à la jurisprudence judiciaire et administrative est en revanche une avancée, de même que l'exception de panorama, sur laquelle un équilibre a été trouvé. Hier a été voté un statut des joueurs de jeux vidéo en ligne que nos collègues Gattolin et Durain ont défendu avec brio, pour la satisfaction des joueurs.

M. Hubert Falco.  - Très bien !

Mme Corinne Bouchoux.  - Dommage que nous n'ayons pu aboutir sur les taxis et les VTC. Soyons vigilants : ne fermons pas d'un côté ce que nous ouvrons de l'autre.

Notre débat long et pédagogique a enrichi le texte et ouvert de nouveaux droits, notamment pour les personnes en situation de handicap. Le groupe écologiste apportera son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

M. Jean Louis Masson .  - Internet bouleverse notre société et la France doit rester à la pointe du progrès. Ce texte est bienvenu dans son principe mais ne fait rien pour résister à l'hégémonie d'internet. Le Gouvernement, fidèle à sa politique du rouleau compresseur, ne tient aucun compte ni des personnes modestes, ni des personnes âgées. La dématérialisation qu'il promeut les marginalise, ainsi de la déclaration en ligne des revenus ou de la généralisation des paiements par carte bancaire ou virement. Abaisser de 3 000 euros à 1 000 euros le plafond des paiements par espèces au nom de la lutte contre le terrorisme est de mauvaise foi. Un terroriste qui achète une kalachnikov n'exige pas une facture ! Cette dictature d'internet, cette tentative de la technocratie d'imposer de nouveaux modes de vie est insupportable. Il est urgent qu'une loi protège les libertés et la vie privée des citoyens. (M. le président invite l'orateur à conclure) Je ne peux donc pas cautionner ce texte.

M. Jean-Claude Requier .  - En tant que législateurs, nous avons au cours de ce débat été confrontés à une question récurrente : le droit existant encadre-t-il suffisamment les nouvelles pratiques numériques, ou nécessitent-elles des dispositions spécifiques ? L'émergence de nouvelles techniques de communication fait renaître des controverses sur le droit des personnes, et le RDSE est tout particulièrement attentif au respect de l'intimité et des secrets légalement consacrés.

Nous ne cédons pas, toutefois, à une méfiance orwellienne vis-à-vis de la technique. Le progrès technique est une chance pour tous ; le numérique peut être une occasion de progrès social si on le règlemente.

Merci, madame la ministre, pour vos explications toujours bien argumentées. Le Sénat a trouvé des solutions à de nombreux conflits entre l'héritage juridique et les nouvelles pratiques numériques : clarification du régime de publication des données publiques dans le respect de la loi de 1978, notification des locations immobilières en ligne aux autorités des communes où le marché du logement est tendu, liberté de panorama...

Ce texte amorce aussi une régulation d'internet, gigantesque réseau où les entreprises de la Silicon Valley faisaient jusqu'ici la loi. Si les principes de liberté et d'égalité des contributeurs ont facilité l'échange et l'innovation, internet a aussi détruit des vies en permettant le harcèlement, la diffusion de théories du complot ou de propos haineux. Le RDSE se réjouit d'avoir obtenu l'encadrement du dépôt des avis en ligne, et du compromis trouvé sur les « hackers blancs », qui remplissent une mission de service public. Nous devrons nous contenter des dispositions adoptées sur le droit à l'oubli...

Dans ce réseau mondialisé, la France doit défendre son identité juridique et sa conception de la liberté d'expression. L'aggravation du quantum des sanctions prononcées par la Cnil est donc bienvenue. Un rapport britannique présenté aujourd'hui même nous place au 4e rang des puissances influentes en ligne, preuve que nos institutions ne font pas obstacle à l'innovation numérique !

Des lacunes subsistent. Les procédures d'anonymisation des données auraient dû être précisées dans la loi plutôt que renvoyées au décret. Le maintien d'un délai d'embargo au profit des éditeurs freinera la recherche. Surtout, il est nécessaire de conduire la transition numérique sur tout le territoire. Pourquoi aider à son développement à l'étranger quand on connaît la situation en France ? Le numérique pourrait aider au repeuplement des territoires laissés pour compte.

M. Alain Bertrand.  - L'hyper-ruralité !

M. Jean-Claude Requier.  - Malgré ces réserves, nous soutiendrons unanimement ce texte qui constitue un progrès, non plus technique mais législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)

M. Mathieu Darnaud .  - Oui, la révolution numérique est en marche. Le numérique transforme notre économie, redessine les espaces public et privé, tisse le lien social ; il présente une formidable opportunité de croissance. Reprenant notre rapporteur, je dirai que ce texte, sans être une révolution comme son titre le prétend, n'en comporte pas moins des dispositions utiles pour la régulation de la société numérique. Merci à nos commissions de l'avoir amélioré.

Le rapporteur voulait rassurer les acteurs économiques, inquiets que les nouvelles règles désavantagent nos entreprises par rapport à leurs concurrents européens. Le Sénat a prévu qu'elles entreraient en vigueur en même temps que le règlement européen. Il nous est apparu contradictoire que les droits sur les données personnelles s'éteignent au décès, tout en subsistant par le biais des directives laissées : c'est pourquoi nous avons supprimé la césure entre succession physique et succession numérique. Un centre relais téléphonique aidera les personnes sourdes, aveugles et aphasiques à exercer leurs droits par l'intermédiaire d'un groupement interprofessionnel.

Saluons le travail de Patrick Chaize, rapporteur pour avis, qui s'est donné pour priorité l'accélération du déploiement du réseau fixe à très haut débit et une meilleure couverture mobile du territoire. Élu rural, je sais les difficultés rencontrées sur le terrain. Le Sénat a judicieusement simplifié la création d'un syndicat de syndicats pour la commercialisation des réseaux publics, renforcé le rôle de l'Arcep dans la mise en oeuvre du statut « zone fibrée » et créé une contribution de solidarité numérique.

Il convient de rechercher un juste équilibre entre propriété intellectuelle et liberté de diffusion en matière de recherche. Il aura fallu toute l'habileté de Colette Mélot pour le trouver.

Merci enfin à M. Magras pour son amendement réduisant les surcoûts liés à l'itinérance outre-mer.

Notre groupe votera donc le projet de loi, plus près désormais de son ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements au centre) Le numérique méritait une loi. On peut se réjouir de la méthode d'élaboration choisie par le Gouvernement, avec une consultation du Conseil national du numérique, de la Cnil et de l'Arcep jusqu'aux internautes. L'UDI-UC regrette toutefois la procédure d'urgence, en particulier pour un texte aussi technique.

Nous avons eu un débat très riche sur les droits des internautes, l'ouverture des données publiques, sur la loyauté des plateformes ou la couverture du territoire, espérons que les apports du Sénat se traduiront dans les faits. De même, des équilibres difficiles ont été trouvés sur l'ouverture des données scientifiques et la liberté de panorama.

Mais c'est insuffisant, car le texte a été vidé de sa substance par d'autres projets de loi, alors qu'il faut à ces sujets une vision globale, tant le numérique est devenu un enjeu mondial, avec les questions de cyber-sécurité, d'intelligence économique, de libertés individuelles. Il est ici question de notre souveraineté. Le Gouvernement devrait développer une approche plus stratégique comme le font les États-Unis, la Russie, la Chine ou l'Allemagne.

Je regrette que notre amendement sur le haut-commissariat du numérique n'ait pas été adopté. Il aurait permis de mieux coordonner l'action interministérielle, de diffuser les savoir-faire, de participer plus efficacement aux négociations européennes et internationales sur les normes et la gouvernance du numérique.

On ne peut pas se contenter de la mainmise américaine sur les données, comme lorsque des ministères passent des accords de gré à gré avec des entreprises liées au renseignement américain, telles que Cisco ou Palantir. On pourrait au contraire favoriser le moteur de recherche Qwant, par exemple. De même, il n'y a pas lieu de se réjouir du rachat récent de Withings par Nokia : une fois de plus, une de nos pépites nous échappe.

Après le web 3.0, les objets connectés, vient le web 4.0, l'internet généticiel. Comme le transhumanisme, cela implique une réflexion profonde. Un texte comme celui-ci, essentiellement technique, devrait s'inscrire dans une pensée plus large sur la place de l'humain. Certes, ces questions doivent être abordées au niveau européen, mais la France devrait faire entendre sa voix, sans fatalisme mais sans angélisme.

Ce texte ayant été largement amélioré, le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Bosino .  - Grâce à vous, madame la ministre, et à la qualité des intervenants, ce qui aurait pu être un débat technique est devenu un débat politique, adapté aux enjeux du numérique. Car il nous faut trouver l'équilibre entre l'ouverture totale des données et une approche plus qualitative, entre gratuité et redevance, entre approche sécuritaire et libérale.

Ce projet de loi ne posait pas complètement les bases d'une République numérique. Plutôt, il organise ou accompagne la mise en données du monde. Il ne protège pas suffisamment les personnes, se contentant d'inviter les plateformes à l'autorégulation. La fiscalité, l'économie numérique, la réciprocité en matière d'ouverture des données n'ont été qu'effleurées. Bref, ce texte consolide le modèle des multinationales et ne les encadre en rien.

Certes, l'ouverture constitue un progrès pour la démocratie. Mais aux yeux du groupe CRC, la diffusion de données de masse exige de renforcer la protection des citoyens contre la domination de certains acteurs du marché. Le vote de notre amendement sur l'obligation de stockage des données en Europe est une bonne chose, mais nous savons que les négociations en cours du Tafta, envisagent d'interdire un tel dispositif...

La neutralité d'internet est incontournable. Peut-on dès lors se satisfaire de voir des opérateurs de téléphonie racheter des titres de presse, et SFR donner un accès gratuit aux journaux du groupe Altice ? La liberté de la presse est en jeu.

En dépit d'avancées, sur le secret des affaires ou l'accès des personnes en situation de handicap ou de pauvreté, la lutte contre la cyberviolence, ce texte ne change pas le logiciel. Aucun engagement financier nouveau sur l'aménagement du territoire. Pour les réseaux, le principe reste le même : la socialisation des pertes et la privatisation des profits.

Des questions restent en suspens : veut-on simplifier l'administration et faire des économies grâce au numérique, ou en faire un vrai progrès social ?

Le traité transatlantique, si on n'y prend pas garde, renforcerait la dérégulation financière, l'évasion fiscale, la marchandisation des données personnelles, l'éducation par les plateformes, en l'absence des contre-pouvoirs qui existent dans d'autres secteurs.

Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Cette loi sera une grande loi de la République. (Exclamations à droite) Elle aborde pour la première fois l'ensemble du champ du numérique, que d'aucuns considéraient comme un domaine de non-droit : pas de propriété intellectuelle, pas de protection de la vie privée, etc. Avec cette loi, le droit s'affirme, sans pour autant plaquer des dispositifs sur un secteur différent.

Merci à Yves Rome, Pierre Camani, Jean-Yves Leconte, Dominique Gillot, David Assouline et François Marc qui ont proposé des amendements retenus par le Sénat : suppression du secret des affaires, notion floue, sans que soit mise en cause la confidentialité des informations économiques et financières ; promotion du logiciel libre ; mention de la souveraineté numérique ; ouverture des décisions de justice ; protection des lanceurs d'alerte ; lutte contre le cyber-harcèlement et la revanche pornographique - merci pour cela à M. Courteau. Le groupe socialiste a aussi obtenu la définition des coffres forts numériques et de l'identité numérique, l'encadrement des jeux en ligne, l'octroi d'un pouvoir d'injonction à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) pour améliorer la couverture des zones rurales. Un droit universel à l'accessibilité du numérique a été reconnu au bénéfice des personnes souffrant d'un handicap. (Mme Dominique Gillot applaudit)

Sur plusieurs autres points, il faudra continuer à avancer. La consultation citoyenne menée avec bonheur devrait s'étendre à d'autres textes, madame la ministre. L'action de groupe n'a pas été autorisée, et les associations ne se sont pas vu reconnaître le droit de se porter parties civiles. Nous regrettons aussi le choix du Sénat sur la communication des normes Afnor et le text and data mining, universellement demandé par les chercheurs. (M. Bruno Sido confirme)

Espérons que la CMP permettra de parfaire le texte. Nous le voterons avec confiance.

Merci au rapporteur Frassa ; lui qui avait menacé de supprimer le mot de République dans le titre, a accepté qu'il demeure. Les valeurs de la République ont leur place ici comme partout ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et plusieurs bancs du groupe RDSE)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi pour une République numérique. Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des Conférences.

Je remercie nos collègues Mme Colette Mélot, MM. Jean Desessard et Claude Haut, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 30.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°213 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 323
Contre 1

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

M. le président.  - Et la République est numérique ! (Sourires)

Intervention du Gouvernement

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Merci à tous pour votre confiance. La République sera numérique ou ne sera pas, disais-je... Elle sera donc. Merci aux vice-présidents qui se sont succédé pendant le long débat, aux présidents de commission, aux rapporteurs, en commençant par Christophe-André Frassa, à tous les sénateurs ayant participé à des débats très agréables, constructifs. Le numérique ne s'arrête pas. Il fallait prendre le temps au Sénat d'appuyer sur le bouton « pause ».

Des questions fondamentales ont été abordées, et des réponses équilibrées ont été trouvées. Faut-il préférer les modèles libres ou propriétaires, l'ouverture ou la fermeture, le local ou le global, faut-il réguler ou laisser faire, protéger l'acquis ou préparer l'avenir ? Le choix a été de préparer l'avenir et de dire non au lobby de l'impuissance publique. Grace à vous, la République avance. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)

La séance est suspendue à 16 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : M. Jean Desessard.

La séance reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle dix questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat. J'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. Une autre, de laquelle je suis le gardien, est le respect de la pendule.

Le Premier ministre a tenu à me faire savoir qu'il est retenu à l'Assemblée nationale.

Traité transatlantique (I)

M. Didier Guillaume .  - Ma question, qui s'adresse à M. Fekl, concerne le traité transatlantique. (Exclamations à droite)

Depuis longtemps, l'Europe négocie, espérant retirer de ces discussions de la croissance et de l'emploi. Malheureusement, le compte n'y est pas. Je salue Nicole Bricq qui s'est occupée de ce dossier depuis 2012, et vous-même, qui affirmez avec brio la position de la France.

Faut-il encore parler de négociations, tant les États-Unis, trop souvent, fonctionnent par oukases ? En tout cas, il faut poser des conditions : la transparence, indispensable à l'heure de l'open data, (M. Jean-Paul Emorine renchérit) et la réciprocité, en termes agricoles et culturelles, en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, sur quelques bancs du groupe communiste et républicain, au centre et à droite)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Je salue votre implication (Exclamations ironiques à droite) et celle de tout le Sénat. (On apprécie, à droite)

La transparence est un impératif catégorique. Depuis le début de l'année, les parlementaires ont accès aux documents des négociations. Cela ne suffit pas, il faut la transparence pour les citoyens qui ont le droit de savoir, via l'open data.

M. Marc Daunis.  - Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Nos lignes rouges sont connues : la défense de l'agriculture, à travers la diplomatie des terroirs, et celle de notre culture, une ouverture du marché américain pour nos PME, le respect de règles sanitaires.

Le président de la République l'a dit avec force ce matin : en l'état, le traité, pour la France, c'est non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur quelques bancs à droite et au centre)

Traité transatlantique (II)

Mme Sophie Joissains .  - Ce traité nourrit des inquiétudes légitimes. Notre modèle de société est en cause. La transparence fait défaut. Les parlementaires nationaux sont bafoués. L'accès aux documents est trop restrictif : chapitres choisis, temps de consultation limité, documents en anglais alors qu'il s'agit de documents juridiques complexes. Qui ici maîtrise ce vocabulaire si spécialisé ? (Plusieurs voix : « Pas moi ! ») Ni consultation, ni transparence. Cessons ce simulacre !

J'ai demandé au président Larcher d'organiser une consultation des parlementaires qui soit digne de ce nom : les États-Unis et la Commission européenne l'y autoriseront-ils ?

Face à ce mépris affiché pour les parlements nationaux, que compte faire le Gouvernement pour rétablir une situation acceptable ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Fin 2014, la France a obtenu la transparence sur le mandat de négociation que Mme Bricq demandait depuis longtemps. J'ai aussi reformé le comité créé par Mme Bricq, afin de réunir les partis et les représentants de la société civile, les ONG, les syndicats, pour leur rendre des comptes.

La transparence reste insuffisante. Je suis favorable à l'open data en la matière. Je tiens informé régulièrement le groupe de travail du Sénat présidé par M. Lenoir. Enfin, j'ai demandé avec insistance que les documents soient traduits en français. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste, RDSE, sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur quelques bancs à droite et au centre)

Violences urbaines

M. André Trillard .  - Monsieur le ministre de l'intérieur, la violence a cours quotidiennement en France. Des agressions inadmissibles se multiplient de la part de casseurs zadistes. À Nantes, ils ont vandalisé la place de Bretagne. À Paris, la place de la République a été dépavée. Le Gouvernement assiste impuissant, complice... Les riverains n'en peuvent plus. (Indignations à gauche)

Sous couvert de démocratie, on détruit une place rénovée à grand frais. Les policiers doivent subir sans réagir les crachats et les insultes. (Indignations à gauche) L'État n'a plus aucune autorité, le laxisme règne. Quand cela finira-t-il ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - La responsabilité de ceux qui portent une parole publique est de convoquer avec rigueur la vérité, surtout en période de tension. Mes instructions ont été rendues publiques et transmises aux présidents des deux commissions des lois.

Lorsqu'il y a des casseurs, il faut les arrêter. Mille d'entre eux l'ont été, quatre personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme, quatre mises en examen, huit écrouées. Parler de laxisme est une contrevérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Quand des policiers sont blessés, on ne fait pas des théories creuses sur l'État, on leur rend hommage. (Même mouvement)

Être républicain de manière responsable, ce n'est pas interdire les manifestations. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont réaffirmé le 16 février le droit de manifestation. Je me conforme strictement à l'État de droit. C'est cela, être responsable. (Même mouvement)

M. André Trillard.  - Il n'y a pas de démocratie dans le désordre. (Indignations à gauche, applaudissements sur quelques bancs à droite)

LuxLeaks

M. Pierre-Yves Collombat .  - Monsieur le ministre chargé de me répondre (Rires)... Demain va se terminer le procès intenté par la justice luxembourgeoise contre celui qui a dénoncé les pratiques douteuses du Grand-Duché. Le monde à l'envers ! À savoir : le Premier ministre du Luxembourg d'alors étant l'actuel président de la Commission européenne.

Quand va-t-on se débarrasser de ces paradis fiscaux qui appauvrissent nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et du groupe CRC)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Comme vous le savez, nous donnerons un statut aux lanceurs d'alerte dans un prochain projet de loi. Le 8 décembre dernier, nous avons adopté la directive pour les échanges d'informations qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017. Nous agissons au sein de l'OCDE avec les accords BEPS au sein du G20. La cellule de redressement de Bercy a récupéré 21 milliards d'euros en 2015 contre seulement 16 milliards les années précédentes. Je pourrais aussi rappeler l'action de notre Gouvernement lors de l'affaire des Panama papers. Notre action globale fait reculer partout l'évasion fiscale. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je crains que vous ne vous rendiez pas compte de l'absurdité de la situation. Jean Arthuis, qui n'est pas connu pour ses bouffées de colère, disait de Jean-Claude Juncker quand il présidait l'Eurogroupe : « Il nous fait des leçons de rigueur le matin, puis nous fait les poches l'après-midi avec ses accords fiscaux ».

Alors, monsieur le ministre, mettez autant d'énergie à lutter contre ces pratiques que vous en mettez à faire les poches des collectivités territoriales. (Applaudissements vifs et prolongés à droite, au centre, sur les bancs du RDSE et du groupe CRC)

EDF

M. Jean Desessard .  - EDF a annoncé une augmentation de capital de 4 milliards d'euros à laquelle l'État participera pour 3 milliards. La dette d'EDF s'élève à 37,5 milliards ; un plan d'économies et de réduction des investissements de 13 milliards sur cinq ans a été annoncé. Le compte n'y est donc pas !

Surtout l'énergie nucléaire est la plus chère : 133 euros le mégawatt heure en 2020, quand les autres énergies seront entre 60 et 120.

Pourquoi continuer à investir massivement - 50 milliards rien que pour le grand carénage ! - dans le nucléaire, une énergie dangereuse, dépassée et coûteuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Voix à droite.  - Ce n'est pas vrai !

M. le président.  - La parole est à M. Macron.

M. Éric Doligé.  - Ah ! M. Macron nous dira la vérité.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - Si je suis votre raisonnement, monsieur Desessard, nous n'ouvririons plus que des centrales à charbon...

M. Gérard Longuet.  - En arrière toute !

M. Emmanuel Macron, ministre.  - C'est de fait l'énergie la moins coûteuse aujourd'hui à 6 euros par MWh.

M. Jean Bizet.  - C'est vrai.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Ni le nucléaire, 32 euros le KWh, ni le gaz, ni les énergies renouvelables ne sont rentables à ce compte. Le Gouvernement cherche à assurer notre indépendance énergétique, tout en conservant les emplois et en développant en parallèle les énergies renouvelables, au bon rythme et en bon ordre. Nos voisins allemands se sont mis dans la dépendance du gaz russe.

Nous avons besoin du nucléaire en complément des énergies renouvelables, que nous faisons monter en capacité progressivement. Nous avons choisi d'augmenter la part des énergies alternatives de manière raisonnée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

Forces de police et manifestations

M. Pierre Laurent .  - Monsieur le ministre de l'intérieur, les manifestations se succèdent contre la loi Travail, contestée par une majorité de Français. Vous êtes sans majorité au Parlement pour la faire voter. Les consignes données aux forces de l'ordre nous inquiètent. Depuis le 9 mars, un scénario se répète : les forces de police sont au contact des manifestants, arrêtant non des casseurs, mais de jeunes manifestants, des syndicalistes. (Exclamations à droite) Nous ne sommes pas contre l'interpellation de quelques casseurs mais contre l'usage disproportionné de la force, contre l'utilisation massive des gaz lacrymogènes ou des Flash-Ball : un jeune vient de perdre un oeil.

Allez-vous interdire l'usage de ces balles de défense, comme le préconise le Défenseur des droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Deux questions pendant cette séance : l'une qui prétend qu'il y a du laxisme, et la vôtre qui parle d'ordres de violence... Le parti de l'outrance sait se réunir. (Indignations à droite et sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Vous oubliez de parler des dix-huit mille policiers blessés l'an dernier dont huit sont décédés. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, au centre et à droite)

C'est scandaleux de préférer leur reprocher des violences. Je veux rendre au contraire hommage à tous les policiers et gendarmes de France, qui risquent leur vie pour protéger la France. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Je n'ai pas entendu de votre part un mot pour dénoncer ceux qui s'insinuent masqués dans les manifestations pour se comporter en casseurs...

Mme Éliane Assassi.  - Si !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - ... ni pour dénoncer des affiches indignes. (Applaudissements vifs et prolongés sur tous les bancs autres que du groupe communiste républicain et citoyen) La dignité, c'est de dire tout cela. Elle n'était pas dans votre question. (Même mouvement)

M. Pierre Laurent.  - Cela mérite une réponse.

M. le président.  - Vous avez épuisé votre temps.

Situation à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Durant deux semaines, Mayotte a été paralysée par une grève générale, émaillée de violences urbaines. Le mouvement social a envoyé des représentants à Paris.

Un père de famille a trouvé la mort dans les manifestations. La montée de la violence est réelle. Un tiers des actes sont imputables à des mineurs. La justice est désarmée. Le Premier ministre s'est engagé à mettre en place un plan pour l'insécurité et l'immigration qui sont devenues les deux préoccupations principales des Mahorais.

Pouvez-vous préciser ce plan sans lequel Mayotte sera gravement mis à mal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Face à la situation à Mayotte, j'ai rehaussé le niveau des effectifs de 70 agents. J'ai envoyé une mission à Mayotte - pour examiner l'articulation entre collectivités territoriales, préfecture, police et justice et réévaluer les effectifs si besoin - qui m'a rendu ses conclusions il y a trois semaines.

À la fin du mois, je vous présenterai des mesures, comme l'a annoncé le Premier ministre, et me rendrai à Mayotte dans les mois qui viennent constater sur place l'adéquation du dispositif avec nos objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Communes de montagne

M. François Calvet .  - Les communes de montagne sont fragilisées par la troisième tranche de baisse des dotations de 3,5 milliards. Il n'y a pas de dotations spécifiques pour elles, seulement une péréquation verticale. Le Gouvernement ne reconnaît plus les spécificités de ces territoires. Ils restent sous l'empire de la loi Montagne votée il y a trente ans, axée sur la protection de la nature aux dépens du développement économique. L'absence de simplification des normes est un facteur aggravant pour ces communes devenues, de plus, des déserts médicaux. Jamais un Gouvernement n'avait autant modifié notre organisation territoriale, entre élargissement des cantons et création de grandes régions... Et cela, systématiquement aux dépens de la montagne et de la ruralité.

Quand je regarde nos belles Pyrénées, je me demande si la ruralité et la montagne ne seront pas les grandes oubliées de ce quinquennat... (Applaudissements à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Rassurez-vous, les territoires de montagne ne sont pas oubliés. (Exclamations ironiques à droite) Un nouveau comité interministériel sur la ruralité sera réuni dans trois semaines. Un fonds d'un milliard a été créé. Déconcentré auprès des préfets, il fonctionne très bien.

M. Alain Bertrand.  - C'est vrai !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Le comité national de la montagne s'est réuni le 25 septembre à Chamonix en présence du Premier ministre ; une feuille de route a été élaborée.

Le Gouvernement a créé les maisons de santé pour résoudre la question des déserts médicaux : 800 seront ouvertes à la fin de l'année. Pensez aussi aux 1 000 maisons de services au public installées.

Enfin, un texte sur la montagne sera déposé à la session parlementaire de l'automne. Aucun territoire n'est laissé de côté. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Gel des vignobles

Mme Marie Mercier .  - Le gel a frappé les vignobles de nombreuses régions de France, dont la Bourgogne. Ses effets sont irréversibles : trois cents hectares en Saône-et-Loire sont perdus. À Mercurey, à Puligny-Montrachet, à Beaune, certains domaines ont perdu 100 % de leur récolte. Les assurances récoltes étant très chères, beaucoup de vignerons ne sont pas assurés.

Le Gouvernement prend-il toute la mesure de la situation ? Entend-il déclarer l'état de catastrophe naturelle, autoriser les reports de charges et de cotisation MSA, autoriser les vignerons à différer leurs remboursements auprès des banques ? (Applaudissements à droite)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - J'ai vu les yeux pétiller quand vous avez évoqué tous ces grands noms de crus de Bourgogne. Moi aussi j'ai l'amour de ces vins. Le Gouvernement est-il mobilisé ? Évidemment !

Il faudra évaluer les dégâts au moment des récoltes. Nous déciderons des mesures à prendre, reports de charges ou achats de stocks.

Nous avons connu des grêles et des sécheresses. M. César l'a dit bien des fois, nous devons progresser sur l'assurance récolte systématique. Soyez sûr que le Gouvernement est aux côtés des viticulteurs et prendra les mesures qui s'imposent.

Mme Marie Mercier.  - C'est indispensable. Les viticulteurs ne veulent pas être plaints mais accompagnés. Le Gouvernement prendrait une lourde responsabilité s'il ne le faisait pas.

Haut-Karabagh

M. Luc Carvounas .  - Dans la nuit du 1er au 2 avril, l'armée azérie a violé le cessez-le-feu en Haut-Karabagh. On a compté une quarantaine de morts, parmi lesquels des civils. Ce sont les plus lourds combats depuis 1994 ; certains observateurs parlent d'une tension comparable à 1988.

La France joue un rôle important dans l'affaire, elle copréside le groupe de Minsk. Monsieur Harlem Désir, vous vous êtes rendu les 25 et 26 avril dans la zone, pendant que le président Erdogan jette de l'huile sur le feu. Que peut faire notre diplomatie pour apaiser cette situation explosive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Vous avez raison de souligner l'importance de ce conflit. Le regain de violence, montre que le statu quo n'est pas tenable. Il faut un retour à la table des négociations. Ce ne sera pas facile car la confiance entre les deux parties est rompue. Mais la détermination de la France est entière. Je me suis rendu à Bakou et à Erevan et j'ai appelé les présidents Aliyev et Sarkissian à un compromis de paix. Ses bases sont connues, ce sont les critères de Madrid : non recours à la violence, respect de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan et droit à l'autodétermination du Haut-Karabagh. J'y ajouterai des garanties de sécurité pour l'Arménie.

En octobre 2014, le président de la République a reçu les deux présidents. La France prendra toutes les initiatives utiles pour un retour à la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 17 h 30.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 17 h 45.

Mises au point au sujet de votes

M. Maurice Vincent.  - M. Gérard Collomb souhaitait voter pour, et non contre la loi pour la République numérique.

M. Vincent Delahaye.  - Lors du scrutin n°212 sur l'amendement n°603 rectifié, M. Pozzo di Borgo souhaitait voter pour.

M. le président.  - Dont acte. Ces mises au point figureront au Journal officiel et dans l'analyse des scrutins.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

M. le président.  - Le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens. La commission des lois a été invitée à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Dépôt d'un document

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la décision de redéploiement de fonds de l'action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » vers l'action « Rénovation thermique des logements privés » mise en oeuvre par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) dans le cadre du programme d'investissements d'avenir. Acte est donné du dépôt de ce document, qui a été transmis aux commissions des finances, des affaires économiques, et de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités.

M. François Baroin, au nom du groupe Les Républicains .  - Merci à Bruno Retailleau et au groupe Les Républicains d'avoir demandé l'organisation de ce débat à quelques semaines du 99e congrès des maires de France et des présidents d'intercommunalités. Ce sera l'occasion de mettre en évidence les conséquences dramatiques de la baisse historique des dotations de l'État aux collectivités locales, décidée par le président de la République et engagée sans aucune concertation par la loi de programmation des finances publiques, pour reporter sur elles la charge des 3 % de déficit public en 2017.

Je souhaite ici tordre le cou à quelques canards qui volent encore.

Tout d'abord, le choix de 2014 porte en lui les germes de la situation dramatique de notre économie. Nous ne cessons depuis deux ans et « nous » ce sont les élus, les maires ou les présidents d'intercommunalité, de toutes sensibilités politiques, qui soutiennent ce mouvement de remise en cause des coupes brutales dans les dotations. Si ce mouvement est si profond, c'est que nous avons la claire conscience des dizaines de milliers de pertes d'emplois qui s'ensuivent du choix de 2014. Nous, donc, engageons un bras de fer avec le Gouvernement.

Premier canard qui vole un peu partout : on nous demande un effort de 28 milliards d'euros.

En effet, en 2013, le montant de la dotation globale de fonctionnement était de 41,5 milliards d'euros. À enveloppe budgétaire inchangée, les collectivités auraient donc touché entre 2013 et 2017 cinq fois 41,5 milliards d'euros, soit 207,5 milliards d'euros. Avec les baisses cumulées décidées par le gouvernement, elles ne toucheront sur cette même période que 179,4 milliards d'euros.

La différence - l'effort demandé aux collectivités - est bien de 28,1 milliards d'euros. Il n'est pas de 10 milliards ! Ne travestissons pas la réalité et prenons la mesure de l'effort qui est aujourd'hui demandé aux collectivités. Certains ont pu le prétendre.

Et c'est l'ancien ministre du budget qui vous parle. Les chiffres sont implacables : 28 milliards cumulés en trois ans, soit la moitié de l'investissement global annuel porté par un pays comme le nôtre, cinquième ou sixième puissance économique mondiale, quand il n'y a presque plus d'investissement privé ni d'investissement public d'État.

Deuxième canard qui vole, les élus, cocarde et ruban sur la veste, ne feraient qu'assister à des cocktails et inaugurer des ronds-points. Ce discours populiste, insupportable, est humiliant pour des élus qui mettent le plus souvent bénévolement toute leur énergie au service de leurs concitoyens en vertu du mandat qu'ils tiennent du suffrage universel. Qu'on arrête de dire que nous sommes responsables de la dette et de l'augmentation des impôts locaux !

Contrairement à l'État, nous ne pouvons pas faire de déficit. Sur les 2 000 milliards d'euros de dette publique, 80 % sont de la responsabilité de l'État et seulement moins de 10 % pour les collectivités locales dont 4,5 % pour les communes et les intercommunalités, ainsi que 10 % pour la sécurité sociale.

Or que faisons-nous ? Nous appliquons des contributions fiscales pour financer les services publics locaux et développer nos territoires, en versant des fonds à nos belles associations et en investissant pour nos concitoyens.

Toutes ces remarques n'ont rien à voir avec le cycle électoral de 2014. Les élus se sont retrouvés, guillotine sur la gorge, une fois aux commandes : moins 10 % de budget !

La réalité, c'est un effondrement prévisible de l'investissement public local, de 30 % d'ici 2017, alors même que les collectivités représentent plus de 70 % de l'investissement public et que les deux tiers sont assumés par les communes et les intercommunalités.

Un investissement public en baisse de 30 %, cela signifie 0,6 point de PIB qui ne seront pas réinjectés dans l'économie locale. De nombreux secteurs d'activité et des milliers d'emplois en seront directement affectés, à commencer par le BTP.

N'allez pas chercher plus loin, dans les vicissitudes monétaires, de la banque centrale européenne, des taux d'intérêt, ou l'alignement des planètes selon Bercy, les raisons du point de croissance en moins qui nous manque par rapport à la moyenne européenne. Tous les prêts de toutes les Caisses des dépôts et consignations du monde ne serviront à rien si les communes n'ont pas d'autofinancement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

À quatre semaines du Congrès de l'AMF, madame la ministre, nous voulons vous saisir officiellement ; nous vous le demandons, supprimez la tranche de réduction des dotations pour 2017. Vous donnerez ainsi une chance à notre économie et conforterez la démocratie représentative. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Louis Masson .  - En période d'économie budgétaire, tout le monde dit faire des efforts. Cela dit, l'effort doit être équitablement réparti.

On voit le président de la République distribuer en ce moment de l'argent public à droite et à gauche pour des raisons électorales. On ne voit pas pourquoi les collectivités territoriales ne seraient pas aussi bien traitées que ces catégories dont il faut tout à coup régler les problèmes.

Les communes, parce qu'elles sont tout en bas de l'échelle, sont les plus frappées. Ceux qui ont été à l'armée le savent : la sanction s'alourdit au fur et à mesure qu'elle descend dans l'échelle des grades ; le capitaine est moins frappé que l'adjudant qui l'est moins que le simple soldat qui prend tout dans la figure.

Pour les communes, c'est la double peine : réduction de leur dotation mais aussi de l'aide qu'elle recevait des intercommunalités, des départements et des régions. Leur situation est détestable. Pensons à elles, d'abord.

M. Jean-Claude Requier .  - Ainsi, la destinée des collectivités territoriales serait-elle d'être « sans cesse ballotées entre des illusions passagères et des tourments continus », comme l'a écrit Alexandre Corréard, à propos des sombres péripéties du radeau de la Méduse dont il fut l'un des quinze rescapés ?

Sans surprise, l'impôt local a enregistré en 2015 un recul de 10 %, après une baisse de 8,4 % l'an dernier. MM. Dallier, Mézard et Guené le constatent dans leur récent rapport : « certaines collectivités non seulement n'arrivent plus à investir mais ont du mal à assurer leur fonctionnement. Les hausses d'impôts deviennent inévitables, y compris dans les grandes villes, qui étaient 37 % en 2015 à avoir dû actionner le levier fiscal ». La situation financière de bien des collectivités est tout simplement intenable !

Les territoires ruraux sont les plus fragiles, leurs spécificités doivent être reconnues.

Dans cette situation, une réforme d'ensemble du financement des communes et intercommunalités est nécessaire. Le fonds d'un milliard d'euros, mobilisé par le Gouvernement pour l'investissement local, dont 800 millions pour la dotation de soutien à l'investissement des communes, et 200 millions d'euros la dotation d'équipement pour les territoires ruraux (DETR), ainsi maintenue à son niveau de 2015, sont de bonnes mesures.

Cependant, elles ne suffiront pas. Elles n'ont pas vocation à être reconduites.

Le Gouvernement a-t-il l'intention d'alléger l'effort financier demandé aux communes et intercommunalités ? Selon l'association des maires de France, l'investissement des communes et des intercommunalités chuterait de 25 % entre 2014 et 2017 si la baisse des concours de l'État se poursuivait, ainsi que l'indique le programme de stabilité, le Gouvernement prévoyant un nouveau ralentissement des dépenses des collectivités d'un milliard pour 2017.

L'excellent rapport sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017 de nos collègues Dallier, Guéné, et Mézard vous suggère de supprimer ou, a minima, de répartir sur deux ans au moins la dernière tranche annuelle de l'effort.

Les modalités de calcul de la dotation de centralité et de la dotation de ruralité gagneraient à être revues pour mieux prendre en considération les responsabilités des centres-bourgs et les réalités multipolaires de nos territoires. Il y a urgence à soulager les finances locales pour le bien-être de nos concitoyens et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Cédric Perrin .  - Vous connaissez tous la méthode Coué. « Ça va mieux ». C'est le leitmotiv des communicants de l'Élysée à un an de l'élection présidentielle. (Sourires à droite)

M. Claude Raynal.  - C'est pourtant vrai... (Exclamations amusées sur les mêmes bancs)

M. Cédric Perrin.  - Il fait bondir les élus locaux tant le décalage avec la réalité est abyssal ; recul de 8 milliards d'euros de l'investissement et approfondissement de la dette de 9 milliards d'euros. Dans ma région de Franche-Comté, 11,5 % des entreprises du BTP ont été en défaillance en 2015.

Que la baisse de la dotation entraîne une baisse des frais de fonctionnement est vertueuse ; quand elle entraîne une baisse de l'investissement, c'est qu'elle est excessive.

L'effort demandé est trop important d'autant que le Gouvernement revalorise le point des fonctionnaires pour 1,2 milliard d'euros en année pleine en 2017 et impose d'autres mesures coûteuses aux communes. Elles n'ont d'autre choix que d'augmenter les impôts locaux, pour survivre.

Il est aisé, ensuite, de parader sur les plateaux des journaux télévisés de 20 heures en annonçant des baisses d'impôts. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise ! Il est urgent de desserrer le noeud coulant qui étouffe les collectivités locales. On aura beau creuser, on ne trouvera pas de pétrole... L'histoire retiendra que ce Gouvernement est le fossoyeur des communes, celui qui aura donné la clé des mairies moribondes, en faillite, aux préfets. Il est urgent d'agir pour l'éviter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et au centre)

M. Vincent Delahaye .  - C'est mon quatrième mandat de maire, il est de loin le plus difficile financièrement. Le Gouvernement fait de nous de sacrés cumulards. Ma commune a perdu 5 millions d'euros de dotation globale de fonctionnement en quatre ans, doit donner davantage au titre de la péréquation et j'en passe. C'est beaucoup trop et, surtout, sans commune mesure avec l'effort que l'État s'impose à lui-même. Les trois quarts d'amélioration du déficit public viennent des collectivités territoriales, le rapporteur général de l'Assemblée nationale le reconnaît lui-même. Cela s'est soldé par une grave baisse de l'investissement, ce qui est très mauvais pour l'emploi.

À lire un récent rapport de Bercy, la purge serait vertueuse et les communes s'en sortiront bien. Grand bien fasse à l'excellent service de communication de Bercy, elles n'en peuvent plus ! Il est urgent de revenir à l'égalité, via un gel des baisses en 2017, ce qui sera toujours plus d'efforts que l'État.

Le parcours professionnel carrières et rémunérations (PPCR) est une bombe à retardement. Quel sera son coût à l'horizon 2020 ?

Trouvons de nouvelles recettes pour les collectivités territoriales ? Je ne crois pas à la réforme des valeurs locatives, souvent citée, jamais mise en oeuvre. Je crois plus à ma proposition d'une révision indolore à chaque mutation des biens. Gel des dotations, nouvelles recettes, voilà comment nous nous en sortirons. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-France Beaufils .  - Face au double mouvement de réduction des dotations et de transfert de charges, les associations d'élus alertent à nouveau sur le caractère insoutenable de l'effort demandé par l'État aux collectivités territoriales.

Son allègement est un préalable à toute réforme de la DGF.

On voit combien cet effort demandé aux collectivités territoriales pèse sur l'activité, en particulier le BTP, les services à la population mais aussi sur l'emploi. De l'aide aux personnes âgées au simple entretien des bâtiments publics, tout peut être remis en cause du jour au lendemain aux dépens de la population. Les collectivités territoriales sont l'un des piliers indispensables de la République, au plus près du terrain, le niveau où l'on peut faire reculer l'incompréhension et le repli sur soi.

Le groupe CRC n'a jamais varié de position : oui à la mutualisation et à la coopération entre communes. La démocratie commence dans la classe de l'école communale.

On ne répondra pas par la contrainte aux besoins. La DGF a perdu de son pouvoir d'achat. Il faudrait la majorer de 5 milliards pour qu'elle retrouve son niveau de 2013. Nous portons une proposition de loi depuis longtemps. Alors que la financiarisation de l'économie progresse, en témoigne l'affaire des Panama papers, il est temps d'agir pour une économie enfin recréatrice d'emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. Claude Raynal .  - À quelques semaines du congrès de l'AMF, notre débat peut éclairer la situation financière du bloc communal, loin des caricatures. À entendre certains, notamment ceux qui ont demandé ce débat, les communes auraient pour point commun un manque de moyens et une situation invivable. Ils oublient les 5 % de déficit budgétaire et les 90 % de dette sur le PIB que ce Gouvernement a trouvés en 2012... Selon François Baroin, entre 1 500 et 3 000 communes pourraient être « sous tutelle ». Les mots ont un sens, monsieur Baroin ! Elles ne sont que quelques dizaines ; les chambres régionales des comptes (CRC) ont été saisies de 46 collectivités territoriales au compte administratif en déséquilibre seulement.

1 800 communes en difficulté financière en 2015 - chiffre stable puisqu'il s'élevait à 1 854 en 2013.

M. François Baroin.  - Ça va mieux, alors ? (Sourires)

M. Claude Raynal.  - Les communes ont bénéficié de ressources nouvelles de 1,5 milliard d'euros, soit l'effort demandé. Et l'on parle après d'effondrement des recettes... Commentaire nuancé !

M. François Baroin.  - Ça va mieux, alors ? (Nouveaux sourires ; exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Claude Raynal.  - Les élus ont pris toute leur part dans le combat pour le redressement des finances publiques, il faut leur en rendre hommage. Que n'a-t-on entendu ! L'autofinancement devait chuter... Cependant, les élus changent, s'adaptent à cet argent devenu rare...

M. Francis Delattre.  - Heureusement !

M. Claude Raynal.  - Je vous rejoins sur un point, monsieur Baroin, finissons-en avec ce sempiternel procès fait au procès.

La baisse de l'investissement inquiète à juste titre...

M. François Baroin.  - Tout ne va pas mieux ?

M. Claude Raynal.  - On peut l'expliquer par le renouvellement des équipes municipales, la réforme de l'organisation territoriale et la réduction des dotations - tout cela doit être digéré.

Le rythme de réduction des dotations est sans doute trop brutal. Dès 2014, le groupe socialiste demandait son étalement.

M. François Baroin.  - Ah, c'est mieux... (Sourires)

M. Claude Raynal.  - Ne suivons pas l'exemple italien : 40 % de réduction de l'investissement local.

M. François Baroin.  - D'ailleurs, il n'y a plus de maire à Rome.

M. Claude Raynal.  - Le Gouvernement a décidé la création d'un fonds de un milliard, l'extension du FCTVA, la majoration de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les 100 millions pour les maires bâtisseurs.

Le paradigme financier a changé, nous devons nous adapter.

Que disent ceux qui ont souhaité ce débat de la manière dont ils comptent réaliser 100 milliards d'économies ?

M. François Baroin.  - Nous le ferons !

M. Claude Raynal.  - La réforme de la dotation globale de fonctionnement à l'étude est difficilement compatible avec la montée du FPIC et la poursuite de l'effort. Cela dit, je veux souligner combien le Gouvernement a pris la mesure de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Francis Delattre.  - Service commandé !

M. André Gattolin .  - Même si ce débat est proposé par le groupe Les Républicains, il renvoie à une constatation générale de la poursuite de la baisse de la dotation globale de fonctionnement.

M. Francis Delattre.  - Écolos, compris ?

M. André Gattolin.  - Le Gouvernement en appelle à la responsabilité des collectivités territoriales, pourquoi ne les a-t-il pas associées à l'élaboration de son programme de stabilité ? Plutôt que de responsabilisation, on peut parler d'assujettissement.

Les collectivités territoriales représentent la moitié de l'investissement public en France. Le Gouvernement, qui réduit leurs dotations, les invite à passer des partenariats public-privé dont nos collègues, MM. Sueur et Portelli, ont montré qu'ils étaient des bombes à retardement. Au total, l'investissement des collectivités territoriales a baissé de 9,6 % entre 2012 et 2015, ce qui n'est pas sans conséquence pour l'économie dans son ensemble.

À ce problème s'ajoute celui de la répartition des dotations : la baisse se fait sans tenir compte des différences de richesse, comme le rapport de MM. Dallier, Guené et Mézard l'avait souligné. La dotation globale de fonctionnement par habitant varie de un à quatre. Le groupe écologiste avait déposé un amendement lors du débat de la loi NOTRe pour y remédier. À quand des dotations pour des communes s'engageant dans des plans de transition énergétique ?

Pour le territoire Paris Ouest, où 17 millions d'euros doivent être redistribués par le Fpic, Neuilly et Levallois-Perret refusent de participer. Résultat : la ville la plus pauvre du département, Nanterre, voit son budget amputé de 9,5 millions d'euros, sans compter une perte de 4 millions de DGF !

Nos analyses divergent toutefois avec les demandeurs de ce débat, car nous n'avons toujours pas compris où ils trouveraient les 100 à 150 milliards d'économies promises... (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Alain Bertrand.  - Très bonne question !

M. Francis Delattre .  - J'ai relu les soixante engagements du candidat Hollande, ouvrage trop méconnu. L'item n°54 promettait un pacte de confiance et de solidarité avec les collectivités et un niveau de dotation stable. Arrive M. Valls, et cela s'effondre : 11 milliards d'euros de baisses de dotation, sans aucune contractualisation - contrairement à ce qu'on avait observé même sous M. Jospin. Cela s'accompagne d'une campagne de dénigrement des collectivités territoriales, taxées de dépensières. Après avoir fait les poches des Français et des entreprises, le Gouvernement fait celles des collectivités territoriales. Après le choc fiscal, le choc des reniements.

De nombreuses communes doivent ainsi augmenter leur fiscalité, réduire leurs investissements et parfois supprimer des services entiers. Avec 3,7 milliards en 2017, nous arriverons à 28 milliards de baisse sur la période - comment nier les effets délétères sur l'emploi local, non délocalisable ?

Même la Cour des comptes reconnaît que la hausse de la masse salariale des collectivités s'explique pour moitié par des décisions prises à Paris. Qui annonce les plans ambitieux de crèches et qui les réalisera ? Qui ferme des commissariats, et qui doit créer des polices municipales ?

Lors d'une réunion du groupe de travail sur la DGF, M. Baylet a dit benoîtement : « je ne vois pas le président de la République venir au Congrès des maires sans quelques annonces ». Moment de grâce ! Mais le démenti de M. Sapin est venu dès le lendemain. Pour justifier une nouvelle ponction de 3,5 milliards, le Gouvernement a prétendu que la situation financière des communes n'était pas si mauvaise et que leur capacité d'autofinancement « enflait ». Mais que dire de l'investissement ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Francis Delattre.  - L'État capte 1 000 milliards d'euros et en donne 20 milliards via la DGF. Le moment venu, nos concitoyens sauront mesurer les responsabilités des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Michel Canevet applaudit aussi)

M. Bernard Delcros .  - Le couple communes-intercommunalités joue un rôle majeur dans la vie quotidienne des Français et l'économie. Les deux niveaux ne sont pas redondants, mais complémentaires. Avec plus de 30 milliards en 2016 et malgré une baisse de 22 % en deux ans, ils portent plus de 62 % de l'investissement public local.

Mais le bloc communal doit avoir les moyens d'assumer les missions qu'on lui confie. Après trois années de baisse de la DGF, une pause est indispensable. La répartition doit mieux tenir compte de la richesse et des charges des territoires. L'autonomie fiscale des collectivités territoriales doit enfin être respectée, après tant de réformes qui n'ont fait que la bafouer. Laissons aux élus une visibilité sur les recettes, et cessons de leur transférer de nouvelles charges. Les aides à l'investissement telles que la DETR et le fonds d'initiative locale doivent être confortées et contractualisées, afin de passer d'une logique de guichet à une logique de projet.

La ruralité ne doit pas être perçue comme un problème, mais comme une chance. Alors que notre pays gagne 300 000 habitants par an, bâtissons la ruralité de demain, vivante, productive, connectée avec le monde. Donnez-lui les moyens de s'adapter au XXIe siècle. Ce n'est pas de l'assistanat, c'est préparer l'équilibre de la société dans laquelle vivront nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. François Grosdidier .  - Avec plus de 2 000 milliards de dette, la France doit redresser ses comptes. Mais l'État, qui emprunte pour payer ses fonctionnaires, représente plus de 80 % de la dette publique ; la sécurité sociale, qui emprunte pour rembourser les soins, 10 % ; les collectivités, qui n'empruntent que pour investir, moins de 10 % pour 70 % de l'investissement public. Injustement, c'est sur ces dernières que le Gouvernement fait porter l'essentiel de l'effort de redressement. L'État recrute, baisse l'impôt sur le revenu, ouvre les robinets depuis quelques temps ; les collectivités, elles, sont contraintes d'augmenter les impôts locaux. Le président Mitterrand avait initié le transfert des compétences, le président Hollande invente le transfert de l'impôt, en espérant celui de l'impopularité.

Les communes en font les frais, plus encore que les intercommunalités, et elles-mêmes davantage que les départements et les régions. Or plus une collectivité est petite, moins elle a de « gras », parce qu'elle a appris à faire plus avec moins et parce que les dépenses y sont plus visibles. Vous voulez croire que les grandes régions géreront pour moins cher les lycées ? C'est l'inverse qui se passe.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est bien vrai !

M. François Grosdidier.  - Le transfert de compétences obligatoires aux intercommunalités ferait faire des économies d'échelle ? Faux : la mutualisation peut-être utile pour les services support, mais lorsque l'on allonge les circuits de décision et d'exécution, cela revient plus cher. Pas de dogme en la matière. Ni small, ni big is beautiful, à chaque politique l'échelon adapté, dans le respect du principe de subsidiarité.

Les régions et les départements eux-mêmes réduisent leurs concours financiers aux communes, comme Mme Lebranchu le leur recommandait. Pour ces dernières, c'est la double, et même la triple peine, si l'on tient compte de la hausse des dépenses obligatoires - dépenses sociales, activités périscolaires, accessibilité, hausse de la rémunération des fonctionnaires de catégorie C... La situation est intenable, conforme aux prédictions du rapport Dallier-Guené-Mézard en novembre 2014. Le Gouvernement est resté sourd, comme aux avertissements de l'AMF. La seule variable d'ajustement est l'investissement.

Madame la ministre, nous ne vous demandons pas de respecter la parole du président Hollande et de revenir à la dotation de 2011. Nous ne demandons pas non plus de revenir sur vos réformes territoriales. Nous demandons simplement un moratoire sur la baisse des dotations et la hausse des dépenses obligatoires ; la proportionnalité de l'effort demandé à la situation locale ; l'assouplissement des règles de la fonction publique locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - 28 milliards d'euros de baisse des dotations sur quatre ans, c'est la moitié du pacte de responsabilité... Si l'on y ajoute la hausse des charges contraintes, les communes sont prises en tenaille. La mienne, avec 7 000 hectares, 120 km de routes - l'horreur ! - 1 300 habitants et un arboretum de 30 hectares, voit sa DGF déduite de 65 000 euros, baisse compensée seulement à hauteur de 35 000 euros pour les autres dotations. Sauf à rétablir les corvées d'Ancien régime, je ne sais pas faire plus avec moins de moyens : internet, maisons de santé, services publics, entretien des routes, tout cela est utile mais coûteux. Et je ne parle pas des rythmes scolaires...

La technocratie parisienne prétend que nous gérons mal. Faut-il fermer les médiathèques, les centres de presse, les clubs ? Certes, lorsqu'il n'y aura plus personne, nous ne dépenserons plus rien - sauf pour entretenir à grands frais le paysage...

Les maires n'ont d'autre choix que d'augmenter les impôts ou de réduire les investissements - qui auront baissé de 30 % en 2017, avec les effets que l'on sait sur l'emploi.

Les communes et communautés de communes doivent participer à l'effort, mais trop c'est trop. Mettons fin à la baisse des dotations, créons des zones franches et ZRR pour soutenir l'activité rurale. Après les paroles de Vesoul, des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Merci d'avoir pris l'initiative de ce débat argumenté. En 2015, la hausse des dépenses de fonctionnement des communes a sensiblement ralenti : 0,85 % au lieu de 1,82 % en 2014. De même pour la masse salariale : 1,4 % au lieu de 4 %. Dans le même temps, leurs recettes de fonctionnement ont augmenté de 1,3 %, augmentant l'épargne brute des collectivités territoriales, portée à 14,1 %. Il n'y a donc pas d'effet ciseau.

Certes, les dépenses d'équipement ont connu une nouvelle baisse de 2,8 milliards. J'entends votre interpellation, mais les collectivités ne contestent pas leur participation au redressement des finances publiques, car nous ne pouvons plus vivre à crédit. La dette publique a augmenté de 600 milliards d'euros entre 2007 et 2012, portant la dette de 60 % à 90 % du PIB. C'était insoutenable pour notre compétitivité - qui avait elle-même reculé de manière inédite entre 2002 et 2012. Les baisses d'impôt, comme celle sur les successions de 2007, étaient irresponsables car financées par le déficit.

Ancien ministre des finances, monsieur le président de l'AMF, vous dites vous-mêmes que les chiffres ne souffrent pas l'imprécision. Eh bien, peut-on cumuler comme vous le faites les baisses de DGF de plusieurs années ? Pourquoi ne pas cumuler aussi les 320 milliards de concours de l'État ?

De même, si dépenses publiques et croissance allaient automatiquement de pair, on comprendrait mal le peu d'effet des plans de relance financés à crédit par la majorité précédente.

M. François Grosdidier.  - Un plan de relance, c'est de l'investissement !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Il vous faudra de la créativité pour trouver les 100 milliards d'euros d'économies que vous promettez...

La répartition de l'effort entre les trois niveaux de collectivités serait inéquitable. C'est pourtant le Comité des finances locales qui en a décidé ainsi, en fonction du poids de chacun dans les recettes totales. de la répartition des baisses.

Monsieur Masson, vous parlez de cadeaux aux communes. Pour ma part, je crois à la créativité des communes, qui ont fait de gros efforts pour revoir leur organisation et maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Les collectivités territoriales ont augmenté sensiblement moins la pression fiscale qu'en 2009, autre année post-électorales, démontrant le sens de responsabilité des élus locaux.

Monsieur Perrin, soyons précis. La taxe d'habitation a augmenté d'1,1 milliard d'euros en 2015, soit 5,4 %, ce qui s'explique aux quatre cinquièmes par l'évolution des bases foncières. Le dynamisme de la fiscalité excède la baisse des dotations, et les communes ont des ressources plus diversifiées et plus productives à moyen terme que les autres collectivités.

L'effort demandé s'est accompagné d'une progression de la péréquation, avec une augmentation de 500 millions d'euros du fonds de péréquation en 2015 et 2016. L'effort demandé aux communes les plus pauvres a donc été réduit : 0,36 % des recettes en 2015 pour celles qui sont éligibles à la DSR, 0,30 % pour celles qui le sont à la DSU cible, au lieu de 1,84 % en moyenne. À cela s'ajoute une progression de 220 millions d'euros en 2016 du fonds de péréquation intercommunal et communal. Des communes telles que Clichy-sous-Bois, Villiers-le-Bel pour Mesnières-en-Bray ont même vu leurs dotations augmenter, grâce à un prélèvement plus important sur des communes plus favorisées comme Lacq ou Gravelines.

À l'instar de MM. Dallier, Mézard et Guené, je pense que le système actuel s'essouffle ; je pense comme M. Gattolin qu'il faut réformer une DGF qui ne prend pas assez en compte la réalité des collectivités. Réformer la DGF, c'est corriger les iniquités pointées par le rapport Germain-Pires Beaune, tenir compte des charges spécifiques des territoires vastes et peu peuplés, prendre en considération le degré réel d'intégration des intercommunalités plutôt que leur catégorie. Ce ne sont pas les petites communes qui ont financé la métropolisation, mais l'État.

Des élus se sont inquiétés des effets de la réforme, et certains points méritent examen. Ainsi des DGF négatives : il serait inacceptable de rendre de la DGF à des communes à hauts revenus. En ce qui concerne les charges de centralité, le critère de population n'est peut-être pas suffisant, surtout dans les territoires polycentriques. Nous nous interrogeons sur les mécanismes de garantie, la réforme pouvant mettre 45 ans pour produire tous ses effets. Sur les parts figées, indispensables dans certaines villes industrielles, un subtil équilibre reste à trouver. Il fallait enfin attendre les évolutions de la carte intercommunale avant de produire des simulations.

Le Parlement a donc voté les principes de la réforme dans la loi de finances 2016 et retardé sa mise en oeuvre en 2017. Depuis, le travail a repris, des groupes de travail ont été constitués au sein des deux assemblées en vue d'une « réforme de la réforme ». C'est le rôle du Parlement, et tout particulièrement du Sénat. Les simulations montrent que la réforme projetée atteint ses objectifs, y compris à moyen terme - des simulations pluriannuelles ont été transmises vendredi aux commissions des finances et aux associations d'élus. Selon le rapport de votre délégation aux collectivités territoriales, à l'horizon 2019, la DGF augmentera dans 59 % des territoires regroupant 55 % de la population. Nous disposons d'une base solide.

Le Comité des finances locales se penchait ce matin sur la péréquation. À l'été, le Gouvernement rendra un rapport présentant une simulation actualisée.

Vous avez souligné le poids de l'investissement public local dans l'économie de notre pays. Il a baissé de 6,5 % en 2015, de 9,6 % dans le bloc communal, davantage que lors des précédentes années post-électorales. Je comprends que cela suscite des inquiétudes dans le BTP. C'est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures de soutien dès la loi de finances pour 2015, avec la hausse du taux de remboursement du FCTVA et de la DETR. En 2016, le FCTVA a été étendu à certaines dépenses d'entretien des bâtiments et des routes, des mesures d'assouplissement comptable ont été prises, la Caisse des dépôts a octroyé 800 millions d'avances à taux zéro sur les remboursements de TVA, et les préfets disposent d'une enveloppe de 500 millions, le FSIL, pour subventionner de grands projets, notamment de transition énergétique. Cela répond à votre souhait, monsieur Gattolin.

Monsieur Delcros, vous proposez que ces fonds fassent l'objet d'une contractualisation, ce qui pourrait avoir du sens malgré les difficultés. Toujours est-il que ces fonds seront rapidement déployés pour débloquer des projets, M. Baylet et moi-même y sommes très attentifs. Les conditions sont réunies pour une reprise de l'investissement local, raison de plus pour ne pas retarder d'un an la mise en place des nouvelles intercommunalités !

Le Gouvernement agit aussi en s'attaquant à l'inflation normative, monsieur Grosdidier. C'est vrai pour le flux de normes nouvelles, le CNEN s'en félicite.

M. François Grosdidier.  - Nous ne vivons pas dans le même monde !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - C'est vrai aussi pour le stock : de nombreuses normes ont été supprimées dans la loi NOTRe, grâce notamment à M. Doligé, et de nouvelles simplifications ont été annoncées à Vesoul. Un bilan sera fait lors du prochain comité interministériel aux ruralités.

S'agissant de l'application des normes, le Premier ministre a adressé une instruction aux préfets le 18 janvier dernier leur demandant d'adopter une interprétation facilitatrice et d'accompagner les élus.

Le gel du point d'indice des fonctionnaires a généré 7 milliards d'euros d'économie depuis 2010. Son dégel fait partie d'une politique engagée depuis 2012 avec le PPCR. (On en doute à droite et au centre) Une étude d'impact du PPCR a bien été adressée au CNEN, qui lui a donné un avis favorable.

Je ne dis pas que tout aille pour le mieux...

M. François Baroin.  - Hé ho, ça va mieux ! (Sourires)

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - ... mais oui, les choses vont mieux, et l'on ne peut pas demander à la fois la fin de la baisse des dotations et la baisse des déficits. Notre échange aura été utile, ne serait-ce que pour poser les bases de notre débat au Congrès des maires. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. François Grosdidier.  - Si le président de la République vient avec ce discours...

Débat sur les essais cliniques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - L'événement tragique de Rennes a conduit la commission des affaires sociales à se pencher sur l'encadrement des essais cliniques, avec cinq cycles d'auditions nous permettant d'entendre toutes les parties prenantes. Je salue la mémoire de Guillaume Molinet, et rends hommage à tous ceux qui aident la recherche. Ceux qui participent aux effets cliniques le font pour que d'autres en bénéficient. Mais certains y trouvent parfois un complément de revenus. Il faut trouver l'équilibre entre sécurité et innovation.

Un cadre protecteur a été mis en place depuis 1988 ; le Sénat, grâce à Claude Huriet et Franck Sérusclat, a été en pointe dans la création des Comités de protection des personnes (CPP) qui a servi de modèle pour l'Europe. Quant à la loi Jardé, l'accord trouvé ici entre des personnalités aussi diverses que Nicolas About, Marie-Thérèse Hermange, François Autain, la conduite des négociations avec l'Assemblée nationale par notre rapporteur Jean-Pierre Godefroy nous avaient laissé espérer que ce texte, adopté finalement sans opposition, avait atteint un point d'équilibre et serait rapidement mis en application. C'était il y a plus de quatre ans. Les autorités sanitaires ont préféré attendre le résultat des négociations européennes, et peut-être ne pas bousculer les habitudes... Nous attendons encore le décret sur les modalités de saisine des comités. Le principe de la répartition aléatoire des protocoles, seul à même de garantir l'indépendance des CPP, est ainsi resté lettre morte.

Et c'est sans compter leurs difficultés financières, dans un environnement très concurrentiel. Les autorités sanitaires sont également mal outillées pour évaluer les CPP, dont les pratiques semblent très hétérogènes. L'accès des comités aux résultats des essais précliniques est encore limité par le secret industriel, alors qu'il conditionne le consentement libre et éclairé des volontaires. Selon nous, l'intérêt de la personne doit toujours prévaloir sur les intérêts de la science.

Des patients se rendraient à l'étranger pour poursuivre des programmes une fois atteint le plafond d'indemnisation. Une coordination européenne est indispensable.

Nous avons donc plusieurs questions. Quand et comment la loi Jardé sera-t-elle mise en oeuvre ? Le Gouvernement soutient-il la répartition aléatoire des protocoles, quitte à ce qu'elle se fasse entre CPP dont la compétence thématique est reconnue ? Comment entend-il garantir le bon fonctionnement et l'indépendance des comités, qui manquent de moyens ? Quelle articulation avec l'ANSM ? Comment s'assurer que les patients sont en situation de consentir librement ? Quand l'ordonnance de transposition du règlement européen sur la question sera-t-elle publiée et ratifiée ? Le cadre européen vous paraît-il suffisamment protecteur ?

L'application de la législation existante, ensuite. Une procédure judiciaire est en cours, des rapports d'inspection ont été demandés. La loi sur la publicité des essais est-elle appliquée ? Nous avons été choqués de voir Biotrial faire celle de ses essais comme étant sans risques et rémunérateurs, sur son site auquel renvoie celui du CPP de Rennes 2.

Enfin, estimez-vous que, dans un contexte concurrentiel, la recherche clinique française serait mise en péril par la réglementation que nous appelons de nos voeux ? Quels sont ses axes de développement ? Il nous faut trouver un équilibre entre sécurité et innovation, santé de ceux qui participent aux recherches et santé du plus grand nombre. Ce n'est pas facile, certes. Mais sachez notre frustration de voir une loi votée il y a quatre ans après trois ans de débat rester inappliquée... (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Amiel .  - Jean Bernard le disait, « l'expérimentation est moralement nécessaire et nécessairement immorale ». Les essais cliniques sont une étape essentielle dans la mise au point et l'amélioration des traitements. Après une pré-phase d'essais in vitro ou sur l'animal, viennent la phase I où l'on teste la pharmacocinétique de la molécule sur des personnes saines, la phase II où l'on vérifie la sécurité des patients et où l'on observe l'éventuelle efficacité du produit, la phase III où l'on augmente le nombre de patients et où l'on évalue le rapport bénéfice-risque, et la phase IV de suivi à long terme après mise sur le marché. Rappelons que 40 % des essais dans l'Union européenne sont réalisés, non par des laboratoires, mais par des universités, fondations, hôpitaux et réseaux de recherche. Cela pose la question d'une unification, ou du moins d'une coordination sous l'égide du ministère de la recherche.

La loi Jardé a défini le rôle et les pouvoirs des Comités de protection des personnes (CPP). Trois catégories d'essais ont été distinguées : recherche interventionnelle avec risque supérieur au risque minime, avec risque minime sans médicament ou recherche non interventionnelle. Cependant, était annoncée trois mois plus tard une refonte du droit européen. La directive de 2001 avait donné lieu à de telles divergences d'interprétation qu'elle compliquait les recherches, en particulier les essais cliniques multinationaux, et en renchérissait le coût.

Le nouveau règlement européen, qui s'appliquera dès la fin du mois de mai, instaure une nouvelle procédure d'autorisation simplifiée, pour limiter les coûts et harmoniser les législations en Europe.

La loi Santé consacre un chapitre entier aux essais cliniques, son chapitre IV. Le Gouvernement sera autorisé à adopter notre législation sur les CPP français par ordonnances.

Comme le rappelle la convention d'Oviedo, le consentement de la personne est fondamental, l'intérêt de l'être humain doit prévaloir sur celui de la science. L'indisponibilité du corps humain est un principe fondamental. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », disait Rabelais. (Applaudissements)

M. Jean Desessard.  - Excellent !

Mme Corinne Imbert .  - Après le drame survenu à Rennes en janvier dernier, un comité d'experts a été nommé. Son rapport a exonéré l'ANSM de toute responsabilité. Toutefois, plusieurs de ses membres avaient des liens avec l'industrie pharmaceutique, ce qui a créé le soupçon. Il faut toutefois être conscient que c?est aussi une conséquence du très petit nombre d'experts. Je regrette pour ma part que les pharmaciens soient si peu représentés parmi les experts que l'on convoque : c'est tout de même de médicaments qu'il s?agit !

Une personne qui participe à un essai peut recevoir jusqu'à 4 500 euros de compensation. Le plafond est parfois plus élevé chez nos voisins, ce qui peut inciter certains à franchir la frontière. Une harmonisation serait nécessaire ; malheureusement, le règlement européen est muet sur ce sujet.

Je regrette aussi que les décrets d'application de la loi Jardé de 2012 n'aient toujours pas été publiés. La France, qui était précurseur à la fin des années 1990, doit maintenant adapter son cadre législatif au règlement européen.

Les recherches sur l'animal aussi devraient être mieux encadrées. On ne saurait les supprimer entièrement, elles sont complémentaires aux essais in vitro sur cellules souches. Sans elles, les risques pour l'humain seraient plus importants.

Autre nécessité, modifier le protocole d'alerte. Les laboratoires ont l'obligation de signaler tout cas suspect. Je propose d'étendre cette obligation aux hôpitaux. Les changements de cohorte doivent être encadrés et non décidés arbitrairement par les laboratoires. (Applaudissements)

M. Olivier Cigolotti .  - En France, les essais cliniques ont la réputation d'être très encadrés. Ils sont réglementés par la loi Huriet-Sérusclat de 1988, et par une directive de 2001. Ils doivent respecter la convention d'Helsinki et seront bientôt soumis au règlement européen du 27 mai 2014.

À Rennes, six patients ont été victimes d'un essai clinique, l'un étant décédé. Le rapport d'enquête publié le 18 janvier est accablant pour le laboratoire qui a conduit les essais mais aussi pour l'agence. Les lésions constatées sur les animaux en amont ont été minimisés. De plus, les délais de sécurité pour les patients n'ont pas été respectés : 24heures, c'est bien trop rapide.

Derrière cela, se trouve un gigantesque business. Il y avait 20 000 personnes en France à prêter leur corps à la science ; majoritairement des étudiants et des retraités à faible pouvoir d'achat. Même si les accidents et les morts comme à Rennes sont rares, les volontaires doivent être mieux informés. Les laboratoires ont intérêt à réduire la durée des essais, très coûteux. L'ANSM a préconisé d'allonger la durée de la phase I sur l'animal. Les experts préconisent aussi de revoir le schéma d'augmentation des doses.

Mais la France ne peut agir seule ; une harmonisation européenne est nécessaire, sinon les laboratoires iront ailleurs.

L'agence européenne a renforcé la transparence sur son site et l'enregistrement des demandes des laboratoires. Toutefois des lacunes demeurent. En l'absence de réponse de l'autorité de santé dans les deux mois, l'essai est réputé approuvé. Le principe de précaution imposerait l'inverse !

L'association Eupati, qui regroupe des patients, des universitaires et des laboratoires, a mis en ligne une plateforme sur les essais cliniques, qui compte plus de 3 000 publications, pour informer les patients. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - Je salue l'autosaisine de la commission des affaires sociales après le drame de Rennes, pour déceler d'éventuels conflits d'intérêts.

Cet accident démontre que les règles actuelles ne sont pas suffisantes pour assurer la sécurité des patients. Nos agences, dont les moyens diminuent, ont-elles les moyens d'effectuer les contrôles nécessaires ?

Les affaires du Mediator, des adjuvants aluminiques dans les vaccins et de Rennes ont alimenté la méfiance. La transparence doit être renforcée pour éviter les conflits d'intérêts entre l'industrie et les chercheurs. Il y a suspicion dès qu'un lien n'est pas déclaré publiquement. Faute de financements publics dans la recherche, on se tourne vers le privé.

M. Bord, neurologue, a révélé devant notre commission que les résultats des études privées ont quatre fois plus de chance d'être positifs que ceux des études indépendantes. La question est posée : la recherche thérapeutique peut-elle s'accommoder de la logique de la rentabilité ? D'après la Cour des comptes, les dix praticiens les plus recherchés toucheraient jusqu'à 74 000 euros par an de la part des laboratoires.

Renforcer la transparence et le pilotage par les agences centrales ne résout pas la question du contrôle démocratique de la recherche. Au vrai, nous manquons de contrepoids face aux grands laboratoires, tel Sanofi qui enregistre 37 milliards d'euros de chiffre d'affaires. D'où ma proposition de créer une grande agence de la recherche publique. Pourquoi ne pas créer au sein des laboratoires un conseil réunissant des citoyens et statuant sur les recherches ?

Selon Axel Kahn, un scientifique est à la fois un découvreur, une vigie sur les risques et un citoyen. Il est urgent de renforcer la recherche publique, d'autant que, via la sécurité sociale, ce sont les citoyens qui financent les laboratoires pharmaceutiques. Il faut rechercher la complémentarité et non une concurrence mortifère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Catherine Génisson .  - La loi de 2012 définit trois niveaux : la recherche interventionnelle lourde, celle qui comporte des risques minimes et la simple observation. Le consentement doit être libre et éclairé. En tout quarante CPP ont été créés. Les protocoles devraient être répartis aléatoirement pour réduire les conflits d'intérêts mais les décrets d'application de la loi de 2012 ne sont toujours pas parus au motif que la réglementation européenne imposerait une nouvelle évolution. Je le regrette. Madame la ministre, ces décrets seront-ils bientôt publiés ?

La répartition aléatoire suscite les inquiétudes des industriels, car ils seraient contraints d'accepter tout dossier après un premier refus. Pourquoi ne pas tenir compte aussi des compétences du CPP par un tirage au sort ? Les agences régionales de santé doivent enregistrer les CPP.

Les essais sont nécessaires. Disons-le. Mais ils doivent respecter les principes éthiques. Un volontaire ne peut percevoir plus de 4 500 euros en France, mais rien ne l'empêche d'aller dans d'autres pays. Il faut donc une harmonisation européenne.

Les conflits d'intérêts sont aussi une question. L'exigence de sécurité doit l'emporter sur les enjeux de la compétition internationale. Je salue la réponse du Gouvernement qui a mis en place un comité d'experts pour tirer les conséquences du drame de Rennes. Les causes identifiées sont l'emploi de doses trop fortes - 50 mg par jour et pendant dix jours - et une progression trop rapide.

Les résultats de phase I ont été sous-estimés. Soyons attentifs aux conclusions des experts. Certes très techniques, elles sont fondamentales : les médicaments doivent avoir un but thérapeutique ; un entretien clinique et des tests cognitifs doivent être obligatoires en cas de risque neurologique ; les doses sont à ajuster en fonction des résultats constatés sur les patients, la sécurité maximale pour les volontaires doit être recherchée avant tout.

Je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre, pour faire prévaloir ces principes de bon sens au niveau national, européen et international. (Applaudissements)

M. Jean Desessard .  - La loi Jardé avait donné lieu à de longs débats en 2012. En vain : les décrets d'application n'ont pas été publiés. Je n'ose dire : « Eh oh le Gouvernement ! » (Sourires) Qu'attendez-vous ?

Trop de médicaments sont mis sur le marché sans présenter d'amélioration majeure pour le patient, quand ils ne sont pas dangereux. Pourquoi prend-on le risque de mener des essais dans ces circonstances ? Selon la revue Prescrire, quarante-trois médicaments mis sur le marché l'an dernier n'apportent rien, quinze présentant même des risques. La balance bénéfices-risques est déséquilibrée.

Les essais comparatifs sont réalisés avec un placebo et non avec un médicament de référence, ce qui relativise la portée des résultats. L'agence européenne propose d'étendre le processus accéléré de mise sur le marché, l'AMM fractionné. Celle-ci devrait pourtant rester circonscrit aux cas qui le nécessitent.

Madame la ministre, quand la loi Jardé sera-t-elle enfin appliquée ? (Applaudissements)

M. Philippe Mouiller .  - La commission des affaires sociales s'est autosaisie après l'accident de Rennes. La protection des personnes volontaires soulève des questions médicales et éthiques. La recherche a besoin d'essais sur des personnes saines pour avancer. Le code de la santé publique classe au premier plan la sécurité des volontaires ; c'est un gage de confiance.

La loi Jardé a été votée en 2012 complétant la loi de 1988. Elle n'est pas encore en vigueur. Le règlement européen entrera en vigueur le 28 mai, soit demain. À partir de cette date, rien ne s'opposera plus à son application.

L'Igas a noté trois dysfonctionnements majeurs à Rennes. Le principal est le manque de transparence. En dépit de sa gravité, l'incident n'a pas été immédiatement déclaré à l'ANSM et les autres volontaires n'en ont pas été informés. C'est une entorse au principe de consentement libre et éclairé. Un comité d'experts internationaux a été mis en place. Où en est-on madame la ministre ?

En principe, les volontaires ne peuvent participer qu'à une étude en France comme à l'étranger. Cependant, il n'y a aucun contrôle. La loi Jardé doit enfin s'appliquer. (Applaudissements)

Mme Patricia Schillinger .  - Le scandale de Rennes pose la question de la protection des volontaires d'essais biomédicaux. La protection est d'autant plus importante en phase I, juste après les essais sur les animaux, où se jouent aussi d'importants enjeux économiques.

La loi Jardé, qui a modifié la loi de 1988, a été suspendue en attente du règlement européen. L'Europe ne voulait pas demeurer en reste après cette législation novatrice qui distingue trois niveaux d'essais - recherche interventionnelle avec risque lourd, recherche interventionnelle avec risque minime et recherche observationnelle  - auxquels doivent correspondre trois niveaux de consentement. Notons que le choix du règlement est plus sécurisant ; la directive, elle, est ouverte à l'interprétation...

L'accident de Londres de 2006 avait déjà mis en lumière les effets du manque de transparence. Ce n'est qu'après l'accident que l'on a découvert que les molécules avaient déjà été testées, avec un résultat négatif. Mais que faire face à l'acharnement des laboratoires ? L'accident de Rennes soulève aussi la question de la méthodologie des essais et du rythme de progression des doses.

Rien ne permet enfin de savoir si les règles en matière de plafond des rémunérations perçues lors d'essais sont respectées. Il faudrait pour cela créer un registre européen des personnes, ce qui n'est pas anodin au regard de la protection des données personnelles. (Applaudissements)

M. Jean-François Rapin .  - Finalement, l'Académie de médecine pourrait avoir le dernier mot dans ce débat : elle a exprimé sa compassion aux victimes des essais de Rennes, en rappelant que grâce aux essais, on peut mettre au point des médicaments performants. Le risque zéro n'existe pas, nous le savons. Si la recherche doit avancer, rien ne justifie de mettre en danger des vies.

En 1928, Fleming découvrait la pénicilline après des phases que l'on pourrait reconstituer. Phase I : des essais sur quatre souris. Phase II : sur un jeune homme malade, d'un abcès à la hanche. Phase III : à grande échelle, des soldats pendant la guerre.

Depuis, on a sécurisé les essais. Le cadre législatif a accompagné la multiplication très rapide du nombre d'essais, indispensables dans de nombreuses disciplines, à commencer par la cancérologie, l'endocrinologie et la neurologie. Le droit européen prime ; il se stabilise après une phase d'hésitation en 2001. Une nouvelle loi n'est pas nécessaire pour le faire. Appliquons celle qui existe. (Applaudissements)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - J'excuse tout d'abord l'absence de Mme Touraine, retenue.

Le 10 janvier 2016 s'est produit un accident dans le cadre d'un essai de la société Biotrial : un homme est mort, cinq ont été hospitalisés. Mme Touraine s'est aussitôt rendue au chevet des victimes. Elle a saisi un comité d'experts dont on attend les conclusions.

Le 4 février, une note d'étape a été rendue publique par l'Igas sans identifier les causes directes de l'accident. L'inspection générale n'a pas considéré que les manquements constatés justifiaient la suspension, à titre conservatoire, de l'autorisation de conduire des essais accordée au laboratoire Biotrial.

Le 1er mars, Marisol Touraine a adressé une circulaire aux directeurs généraux d'ARS leur demandant de rappeler à l'ensemble des promoteurs et titulaires d'autorisations de lieux de recherche leurs obligations en matière de prise de décisions immédiates et de respect des délais de notification. Pour les essais sur volontaire sain, la ministre a demandé que tout effet indésirable grave conduisant à une hospitalisation soit considéré comme un « fait nouveau », déclaré sans délai à l'ANSM et au CPP, et que l'essai soit immédiatement suspendu.

La ministre a également saisi le commissaire européen et ses homologues européens de ce sujet, en proposant la mise en place d'un comité d'experts internationaux pour renforcer la protection des volontaires sains dans les essais cliniques.

Les 16 février et 31 mars 2016, le Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) mis en place par l'ANSM s'est également réuni. Il a confirmé que le mécanisme à l'origine de l'accident de Rennes avait dépassé la seule inhibition du neuromédiateur dont je vous fais grâce du nom et impliquait très vraisemblablement la molécule dite « BIA 10-2474 ».

Sans attendre une éventuelle mise à jour des recommandations européennes, l'ANSM a élaboré un plan d'actions, mis en oeuvre fin mars, pour améliorer la sécurité des essais cliniques via les protocoles, l'analyse des données et l'information de l'agence. Enfin, le pôle de santé du parquet de Paris mène des investigations.

Vous avez rappelé, monsieur le président Milon, l'histoire de l'encadrement des essais cliniques. Je veux saluer, bien sûr, le travail d'Olivier Jardé, mais aussi celui de Jean-Pierre Godefroy qui fut rapporteur de sa loi.

On nous reproche de ne pas avoir publié les décrets.

Ils étaient prêts, comme l'a rappelé Olivier Jardé devant votre commission, dès avril 2012. Puis un groupe de travail a été constitué à la demande de Marisol Touraine pour les relire. Ils ont été mis en concertation d'octobre à la fin de 2012.

Lorsque la réflexion européenne a débuté en 2013 - le ministère de la santé ayant participé à toutes les réunions à Bruxelles - un très large consensus s'est dégagé pour ne pas publier les textes. Modifier deux fois en trois ans, la législation sur les essais cliniques aurait fait porter un risque majeur sur la recherche française - c'était le point de vue d'Olivier Jardé.

François Lemaire, ancien chargé de mission au cabinet de Roselyne Bachelot, a déclaré devant votre commission : « la loi Jardé n'est pas en cause dans cette affaire, puisqu'elle n'a pas touché à ce qui concerne le médicament, domaine qui relevait de la réglementation européenne. La loi Jardé porte essentiellement sur les recherches observationnelles, les collections biologiques. Elle n'a pas touché au noyau dur du médicament et de la sécurité. On ne peut donc pas dire que si on l'avait appliquée avant, l'accident de Rennes n'aurait pas eu lieu ».

Par l'article 216 de la loi Santé promulguée le 26 janvier dernier, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre une ordonnance pour adapter la loi Jardé au nouveau règlement européen. Le projet d'ordonnance, actuellement devant le Conseil d'État, devrait être publié en juin prochain et le projet de loi de ratification déposé dans la foulée. Un projet de décret d'application est en cours d'élaboration, qui doit être transmis au Conseil d'État avant l'été pour une publication à l'automne.

Au-delà de ces deux textes, je tiens à répondre aux questions que vous avez posées.

Les comités de protection des personnes, au nombre de trente-neuf répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain, fonctionnent selon leurs règles propres, d'où une certaine hétérogénéité, avec des budgets allant de 50 000 à 270 000 euros.

Une Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine chargée de la coordination, de l'harmonisation et de l'évaluation des comités sera installée dès que le décret d'application de l'ordonnance sera publié. L'instauration d'une procédure de répartition des essais par tirage au sort suscite des oppositions ; le Gouvernement est attaché à un tirage au sort « intelligent », pour tenir compte des compétences des CPP.

Il lissera leurs activités, étant entendu que le Gouvernement continuera d'intervenir financièrement pour résoudre les situations les plus délicates.

Pourquoi un portail européen n'existe-t-il pas ? Cela suppose l'interopérabilité des systèmes d'information des agences et un secrétariat national des CPP. À vos questions précises, je donne des réponses précises et concrètes...

M. Jean Desessard.  - Merci, madame la ministre !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Le consentement libre et éclairé, vous avez raison, suppose d'avoir connaissance des incidents ou des faits survenus. Marisol Touraine a réaffirmé, après l'accident de Rennes, l'obligation de recueillir le consentement éclairé des volontaires et a demandé qu'une signature soit expressément demandée aux volontaires après chaque fait nouveau survenu lors d'un essai.

Vous ne m'avez guère interrogée sur la publicité. Aucune publicité ne peut être faite sur le produit de santé expérimental. Dans le cas de l'étude conduite par Biotrial, la publicité pour la recherche était conforme à la réglementation. Dès lors qu'une publicité pour promouvoir la participation à la recherche aurait un caractère non éthique, le recours au jury de déontologie publicitaire de l'autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP) vérifierait le respect des règles en vigueur.

Monsieur le président Milon, la France dispose d'atouts formidables : six instituts hospitaliers universitaires ont mené 1 500 essais thérapeutiques entre 2012 et 2014. Nous sommes leaders dans l'oncologie et les maladies rares, nous sommes moins bons sur le diabète.

La France a fortement contribué à l'élaboration du règlement européen sur les essais sur les médicaments et participe activement à l'élaboration du règlement européen sur les dispositifs médicaux. Il faut à la fois simplifier le cadre des recherches - c'est le but de la convention européenne - tout en protégeant les volontaires et en accélérant la mise sur le marché des traitements innovants. Dorénavant, les délais d'instruction technico-administrative des protocoles sont contraints à 60 jours au maximum.

Pour simplifier les procédures, Marisol Touraine a mis en place la convention unique. Depuis janvier 2015, sur 262 conventions de recherche, 255 l'ont utilisée. Les délais de signature en ont été réduit de moitié. La France est passée au 6e rang au début de l'année 2016 pour le délai de contrat des essais cliniques à promotion industrielle.

Nous encourageons les partenariats public-privé. Les fondations se multiplient, nous nous en réjouissons. Récemment, la nouvelle fondation BMS pour la recherche en immuno-oncologie a lancé son premier appel à projet. La ministre a marrainé la signature d'un partenariat entre une autre fondation tout juste créée et l'Inserm.

L'ambition du Gouvernement est d'assurer à nos concitoyens une sécurité totale pour les médicaments innovants et leur participation aux essais cliniques et, dans le même temps, faire de la France un champion de l'innovation en santé. Ces deux objectifs sont conciliables et s'inscrivent dans une même démarche d'excellence, de responsabilité et d'éthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Prochaine séance demain, mercredi mai 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 5.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mercredi 4 mai 2016

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : M. Hervé Marseille, vice-président

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac - M. Jackie Pierre

1. Débat sur les conclusions du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les femmes et les mineur-e-s victimes de la traite des êtres humains.

2. Débat sur le rôle et l'action des collectivités territoriales dans la politique du tourisme.

3. Débat sur la stratégie nationale de l'enseignement supérieur.

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 213 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :347

Suffrages exprimés :324

Pour :323

Contre :1

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe socialiste et républicain (109)

Pour : 108

Contre : 1 - M. Gérard Collomb

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 41

Abstention : 1 - Mme Nathalie Goulet

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Abstentions : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 9

Abstention : 1 - Mme Esther Benbassa

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 5

Abstention : 1 - M. Jean Louis Masson