Action logement (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

Discussion générale

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Je suis très heureuse de vous présenter ce projet de loi pour simplifier et rationaliser la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec). La simplification ne se traduit certes pas dans ce titre barbare (Sourires) mais nous sommes tous ici des initiés et nous savons tous qu'il s'agit d'Action logement, l'ancien 1 % logement.

Cette réforme a été voulue et conçue par les partenaires sociaux, pour qu'Action logement conduise la politique du logement équitable, mutualisée et fonctionnelle, pour produire des logements abordables et bien situés, conformément aux voeux de nos concitoyens et dans l'intérêt de la construction.

L'accès à un logement à un prix abordable doit permettre à chacun de construire son projet de vie. C'est pourquoi le Gouvernement a porté ses efforts pour relancer la construction. Celle-ci redémarre.

La Peec est au coeur de la politique de l'emploi et du logement. Elle joue un rôle dans le financement du logement social, et des aides des employeurs à la mobilité. Elle finance la nouvelle caution locative de trois ans destinée aux salariés jeunes ou précaires. Action logement apporte aussi une contribution majeure à la politique du logement, définie par une convention-cadre, selon laquelle l'organisme a souscrit 3 milliards d'euros d'emprunt pour construire des logements sociaux.

L'Association foncière logement (AFL) dispose de 3,7 milliards d'euros : 1,4 milliard d'euros destinés au financement des personnes morales, HLM par exemple, 1,3 milliard pour la rénovation urbaine, 1 milliard pour l'aide aux personnes physiques, notamment les prêts d'accession, 200 millions pour l'aide à l'accession à la propriété dans les quartiers de la rénovation urbaine.

Le nombre des collecteurs interprofessionnels du logement (CIL) est passé de 125 à 20 entre 2009 et 2012, mais il reste des tensions et une concurrence ruineuse et inutile - que ce texte vise à supprimer.

Outre supprimer la concurrence entre les CIL, cette réforme vise à renforcer les services aux entreprises et aux salariés, garantir un accès équitable aux CIL pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Oui, il s'agit d'un texte d'habilitation à procéder par ordonnances ; je n'ai pas de mal à imaginer votre manque d'enthousiasme pour cette procédure, c'est pourquoi j'insiste sur le fait que je vous transmettrai le projet d'ordonnances, conformément au souci de transparence et de concertation qui est ma méthode.

Une structure unique remplacera les CIL, avec un pôle service, chargé de collecter la Peec et un pôle immobilier, qui prendra des participations dans les organismes HLM. La collecte sera ainsi simplifiée, unifiée et plus transparente.

La création d'un organisme unique chargé de distribuer les fonds favorise aussi la transparence dans la répartition des aides entre les territoires, entre les zones tendues et non tendues. Je sais que dans votre commission comme à l'Assemblée nationale la question de la répartition territoriale des aides est au coeur de vos débats ; c'est pourquoi j'ai inscrit la dimension territoriale au coeur de ce texte. Les Comités régionaux Action logement (Cral) auront pour mission de déterminer les besoins des territoires, en lien avec les comités régionaux, les EPCI. La distribution de la Peec sera ainsi conforme à la fois aux orientations nationales et aux besoins locaux. La rationalisation de la structure dégagera des économies qui devront être réinvesties dans le logement.

L'Assemblée nationale a amélioré le texte. Un comité des partenaires réunira les HLM et les collectivités territoriales. Le délai de publication de l'ordonnance a été ramené de douze à huit mois et je ferai en sorte qu'elle soit publiée à l'automne pour être applicable au 1er janvier 2017.

La capitalisation des partenaires d'Action logement a aussi été réduite. La convention du 21 décembre 2014 limitait déjà la proposition des fonds capitalisés. L'État pourra s'opposer au cas par cas à des augmentations de capital. L'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) contrôlera aussi la répartition des emplois, dans les conditions strictes qu'on lui sait et qu'on lui reproche parfois.

Cette réforme concertée améliore la transparence, la pertinence et la performance dans le respect des engagements pris pour le logement social sur tout le territoire. C'est aussi un atout supplémentaire dans la bataille pour l'emploi. Il y a une vraie urgence sociale pour des millions de nos concitoyens, qui ont besoin de logements de meilleure qualité, plus durables, plus écologiques, plus confortables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

Mme Valérie Létard, rapporteure de la commission des affaires économiques .  - Créée en 1953 après plusieurs expérimentations locales, la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC, qu'on appelle communément « 1 % logement » est une contribution versée par les employeurs du secteur privé d'au moins vingt salariés. Cette contribution est fixée à 0,45 % des rémunérations versées.

Les partenaires sociaux ont proposé et concerté une réforme de ce système au vu des problèmes posés par la concurrence entre les CIL. Ce texte nous propose d'autoriser le Gouvernement à y procéder par ordonnances ; nous aurions préféré y procéder nous-mêmes, madame la ministre, sans préjuger du contenu de vos propositions.

La réforme annoncée ne manque pas d'avantages. Les CIL seront fédérés par un organisme collecteur unique. La structure faîtière demeurera un organisme paritaire ; elle définira les orientations générales du dispositif, pilotera et contrôlera les différentes structures mises en place. Une deuxième structure remplacera les collecteurs et distribuera la Peec. Une troisième structure recueillera les titres détenus par les organismes collecteurs et pourra acquérir des titres émis par des sociétés immobilières. L'association pour l'accès aux garanties locatives et l'Association foncière logement verront leurs compétences respectives confortées dans un champ modifié. Enfin, un comité régional Action logement (Cral) représentera Action logement dans chaque région et aura vocation à identifier les besoins dans les territoires

La concurrence entre CIL sera supprimée, les coûts seront diminués de 10 % et le réseau d'Action logement aura plus de visibilité : autant de points positifs.

Les organismes HLM étaient inquiets sur la répartition de la Peec entre les organismes HLM, sur la possibilité d'utiliser la Peec pour acquérir des participations dans des organismes HLM, sur le respect de la clause d'agrément applicable dans certaines sociétés HLM.

Des réponses ont été apportées. L'ordonnance devrait garantir l'absence de discrimination entre les organismes HLM et inscrire dans le code le principe de distribution maîtrisée des dotations en fonds propres. Enfin, elle devrait donner à l'État les moyens de contrôler la distribution des fonds entre organismes HLM et de s'opposer à des augmentations de capital.

Les besoins des territoires seront mieux pris en compte, grâce aux Cral. Toutefois, les critères de répartition entre les niveaux national et local restent incertains. Comment évitera-t-on l'application de règles uniformes mécaniques ? Construction en zone tendue, rénovation ailleurs ? Les Cral feront la synthèse de besoins locaux des salariés et passeront des conventions. Il ne faut pas que la centralisation de la collecte limite les adaptations locales.

Il importe aussi que l'Ancols, qui contrôle Action logement, soit autonome, que l'on sache quelles sommes seront collectées et comment elles seront redistribuées.

Je vous propose d'adopter ce texte mais je serai très vigilante sur tous ces points d'inquiétude : nous n'hésiterons pas à procéder aux corrections nécessaires lors de l'examen du projet de loi de ratification si nous constations un décalage entre vos engagements et le contenu de l'ordonnance. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Le groupe socialiste soutient la position de notre rapporteure. Si je n'ai jamais été favorable aux ordonnances, il est temps que cette réforme aboutisse ; nous nous souvenons de la censure de la loi Rebsamen au motif que les dispositions concernant la Peec étaient un cavalier. Madame la ministre, merci pour votre sens du dialogue et votre engagement de nous transmettre le projet d'ordonnances avant sa publication.

Le groupe socialiste et républicain est attaché au caractère paritaire de la PEEC, et opposé à sa transformation en un prélèvement obligatoire géré par l'État, qui se substituerait à des crédits budgétaires et diminuerait l'aide à la pierre. Dites-le à Bercy ! La centralisation proposée rendra le système plus efficace, plus transparent, limitant les gaspillages. L'urgence est de construire et rénover, même si je soutiens la garantie Visale...

La Peec est un dispositif général, il ne doit pas varier selon les cas. L'Assemblée nationale a bien fait de créer un comité associant les professionnels et les élus locaux. Tous les opérateurs doivent être traités à l'identique.

Pourquoi toutefois la capitalisation est-elle possible à certains et non à d'autres ? Est-il bien constitutionnel d'autoriser une capitalisation avec des fonds issus d'un prélèvement obligatoire ? Jusque-là les organismes HLM devaient disposer de fonds propres pour agir.

M. Philippe Dallier.  - C'est évident !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Avec les prêts de haut de bilan de la Caisse des dépôts et consignations annoncés par le président de la République, la capitalisation n'est plus nécessaire : je souhaite que nous allions vers son extinction.

Je salue les engagements du Gouvernement pour des solutions plus justes et plus équitables.

Deuxième sujet, la territorialisation : il est bien légitime de s'inquiéter des zones tendues, mais cela ne doit pas être une raison de délaisser celles qui le sont moins. Nous craignons qu'au nom de l'intérêt général, on oublie les besoins des territoires dans leur diversité. Les industries sont rarement dans les métropoles. Il ne faut pas les oublier, ni que les ressources qui en sont issues soient éparpillées au loin.

La création d'une structure faîtière fait craindre que les technocrates parisiens remplacent les organismes et les partenaires sociaux. J'espère qu'on évitera une centralisation excessive ; sinon, ce sera un rapport de force perpétuel. Peut-on envisager une structure de médiation pour les cas où la décision d'Action logement heurterait de front les volontés locales ?

Troisième sujet : la contractualisation, qui est trop complexe. Simplifier l'action des acteurs locaux doit être une priorité.

Le groupe socialiste votera ce texte avec en tête l'idée de simplifier et d'assurer l'égalité entre tous les acteurs et territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE et sur quelques bancs à droite)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Ce texte était attendu. L'enchevêtrement des structures, leur concurrence et les coûts de gestion, dénoncés par la Cour des comptes, étaient connus et devaient être corrigés. Une première tentative avait été faite lors de la loi Rebsamen, censurée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. Ce texte autorise le Gouvernement à procéder par ordonnances, je veux dire clairement qu'ici, au Sénat, nous ne sommes guère favorables à cette voie - et que nous aurions préféré voter un texte ad hoc... Cependant, je n'utiliserai cet argument qu'avec retenue puisqu'un certain candidat à la présidentielle présente le recours aux ordonnances comme un moyen utile pour aller vite et loin dans les réformes. (Sourires entendus)

Mme Lienemann, sénatrice parisienne, s'est heureusement montrée sensible à une répartition équilibrée du 1 % logement. Les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés ? L'Orne aussi a des besoins de construction, même au travers de petites opérations dans de petits bourgs. Les organismes HLM continueront-ils à les aider ?

Il y a ensuite la centralisation du mode de décision. Qui décidera ? Les élus doivent être associés, afin que les technocrates ne prennent pas le pouvoir, au détriment des territoires ruraux. J'ai été surpris, lors de l'examen en commission, par la levée de boucliers et les très vives inquiétudes de sénateurs de tous les bords.

Je salue, madame la ministre, votre sens de l'écoute et du dialogue, et votre engagement de nous transmettre les projets d'ordonnances.

Nous sommes attachés à ce qu'aucun territoire ne soit oublié ; que tous nos concitoyens bénéficient de cette politique. Nous comprenons l'urgence à agir. Pour gagner du temps et éviter une nouvelle lecture, nous n'avons pas déposé d'amendements. L'essentiel est que le Gouvernement entende nos préoccupations, pour le bien de tous. (Applaudissements)

M. Michel Le Scouarnec .  - Le logement est au coeur des préoccupations des Français. Ce sujet aurait mérité mieux qu'un recours aux ordonnances. Encore une façon antiparlementaire de procéder, en plus du recours au 49-3 à l'Assemblée nationale sur la loi Travail !

Cette réforme prolonge la logique de concentration engagée par la loi Boutin de 2009. Le nombre de CIL a déjà été réduit de 125 à 20 et vous allez encore plus loin. Le lien entre Action logement et les territoires sera rompu, avec le risque de voir les inégalités se creuser entre les territoires. Cette recentralisation masque en fait un désengagement de l'État. La collecte n'est pas défectueuse, madame la ministre. Mieux aurait valu revoir les finalités du dispositif ! Seul le futur nous dira si l'engagement de conserver les actifs des CIL sera tenu ! Le Gouvernement confond simplification et centralisation.

Ce texte crée une superstructure, propriétaire de 900 000 logements en France.

Les modalités de capitalisation retenues ne s'apparentent-elles pas à une aide de l'État ? Cette réforme supprime de nombreuses structures locales, au risque de nier les besoins des territoires.

Plus qu'une nouvelle garantie logement, nous proposons une réforme pour construire plus de logements. Pour cela les cotisations doivent représenter réellement 1 % de la masse salariale et non 0,45 % ; la collecte doit être possible à partir de dix salariés, et non de vingt. Enfin, le 1 % doit bénéficier à tous.

Cessons de faire financer par le 1 % l'ensemble de la politique du logement et du renouvellement urbain : un milliard d'euros pour Action logement, contre 250 millions pour l'État - mais le Gouvernement élargit les niches fiscales. Madame la ministre, les territoires demandent une meilleure gouvernance, allez-vous les entendre ?

Ce projet de loi concentre excessivement la collecte, prive le Parlement de son contrôle, s'éloigne des préoccupations locales : nous ne le voterons pas car nous n'y croyons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Rationaliser la collecte du 1 % n'a rien de choquant, même si l'usage des simplifications complexifiantes m'a rendu méfiant.

La Cour des comptes voit 320 millions d'euros d'économies possibles, c'est attirant ; cependant, pourquoi recourir aux ordonnances ? Il faudrait agir rapidement, sur ce sujet technique où les acteurs sont nombreux, avec l'accord des partenaires sociaux, tout en revenant sur la censure d'un cavalier administratif... Je ne suis guère convaincu.

Dans le fond, pourquoi m'opposerais-je cependant à un accord obtenu entre partenaires sociaux ? L'ordonnance devra être ratifiée par le Parlement trois mois après sa publication. Un contrôle sera effectivement possible.

Deux points, cependant. L'emploi des agents des CIL est loin d'être garanti. Ensuite, la répartition des ressources à l'aune de la nouvelle centralisation : l'Île-de-France a certes des besoins (M. Philippe Dallier le confirme), le Grand Paris avait pour premier objectif de régler les questions de logement.

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est pas encore fait !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous nous dites, madame la ministre, que la plus grande attention sera portée à la répartition ; cependant, le diable agit dans les détails. « Loin des yeux, loin du coeur », dit le proverbe. J'ajoute : loin du pouvoir et des lobbys, loin des subventions.

Le groupe RDSE, cependant, penche pour la présomption de confiance envers vos intentions, madame la ministre : nous voterons pour, en prenant rendez-vous pour la loi de ratification ! (Applaudissements)

M. Joël Labbé .  - Madame la rapporteure, c'est toujours un plaisir de vous entendre sur la question du logement, que vous connaissez bien - c'est aussi le cas de Mmes Lienemann et Estrosi Sassone.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Heureusement qu'il y a des femmes !

M. Joël Labbé.  - Cependant, le recours aux ordonnances ne nous satisfait pas nous non plus. Certes, il est urgent d'agir, la matière est technique et vous vous engagez à nous transmettre le projet d'ordonnances. Oui, le « choc de simplification » s'impose en la matière aussi : la concurrence entre organismes est source de complexité, des économies de fonctionnement sont louables quand elles ne font pas que supprimer des emplois - donc, oui à la transparence, à la simplification, à l'équité. Cependant, il faut rassurer les acteurs locaux, les quelque quatre mille agents ; madame la ministre, les rassurerez-vous ?

La crise du logement perdure, malgré quelques signes d'amélioration ; la nouvelle structure sera une bonne chose si elle ne centralise pas les décisions, si les particularismes des territoires peuvent être pris en compte : nous y serons très vigilants. La décision doit appartenir aux politiques, pas aux technocrates !

Dans le Morbihan, l'excellente loi SRU rencontre des difficultés à s'appliquer : des communes volontaristes se trouvent en porte-à-faux lorsqu'elles proposent de construire du logement social en centre-bourg : je vous invite à regarder cet exemple de près. Même attente de réponse précise pour les commerces en centre-ville.

Madame la ministre, vous pouvez compter sur les écologistes au Sénat ! (Applaudissements sur les bancs écologistes ainsi que du groupe socialiste et républicain)

M. Henri Tandonnet .  - Ce texte pose des problèmes à tous les groupes de la Haute Assemblée, très sensibles à la question du logement. Je salue le travail de notre rapporteure, je compte qu'elle soit notre vigie sur les ordonnances elles-mêmes.

Par définition, l'ordonnance dessaisit le Parlement, c'est regrettable. Le Gouvernement a déjà utilisé cette procédure en 2013 pour accélérer la construction du logement, sans grand succès... Je me réjouis que le délai de publication ait été réduit à l'Assemblée nationale. Quel sera votre calendrier ?

Plus généralement, les textes n'ont pas manqué ces derniers temps sur le logement : le Gouvernement traite le sujet au coup par coup, ce qui nuit à l'intelligibilité de l'ensemble - j'espère que ce n'est pas délibéré... Nous attendons un vrai bilan.

Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur la réforme d'Action logement pour améliorer le service tout en diminuant les coûts, donc rendre le dispositif plus efficace. Mais la recentralisation qui s'opère entre les mains de l'État a de quoi nous inquiéter. Attention à ce que les fonds aillent bien au logement, pas à d'autres secteurs. Ensuite, gare à l'équilibre entre les territoires, les territoires ruraux, voire hyper-ruraux - chers à M. Bertrand - ne doivent pas être oubliés ! Les collectivités pouvaient hier faire entendre leur voix, qu'en sera-t-il demain ? N'accélérons pas la désertification des bourgs-centres et des villes moyennes, qui ont besoin d'être accompagnés dans leur mutation.

Quant aux recapitalisations et prises de participation prévues, je souhaite qu'elles ne concernent pas que les gros organismes.

Le groupe UDI-UC suivra la rapporteure, avec la plus grande vigilance sur la suite ! (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain aux bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Lamure .  - Les partenaires sociaux ont entrepris de réformer Action logement pour plus d'efficacité et de transparence. Si nous partageons ces objectifs, des zones restent à éclaircir. La méthode des ordonnances, couplée à la procédure accélérée, devient habituelle et c'est regrettable. Le Gouvernement plaide l'urgence, mais il a fallu attendre un an et demi l'ordonnance sur le logement intermédiaire prévue par la loi Alur...

Surtout, la recentralisation envisagée ne doit pas se faire au détriment de l'aménagement du territoire. Il faut éviter que la concentration de la PEEC sur les seules zones tendues n'accélère la désertification des zones rurales et périphériques. Les collectivités territoriales participeront certes au comité consultatif, mais quelle sera leur poids, leur influence ? L'État a trop tendance à faire porter à d'autres la charge de politiques qu'il entend continuer à déterminer...

Ensuite, si les CRAL sont utiles, les conventions seront signées par les régions et les EPCI : quelle place pour les autres collectivités ?

Nous resterons donc vigilants. Les rôles et responsabilités sont distribués, merci d'en prendre acte, madame la ministre ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Emmanuelle Cosse, ministre .  - Vos interrogations sont légitimes, je les ai eues moi-même et les ai entendues à l'Assemblée nationale. L'État n'a pas souhaité cette réforme, ni voulu recentraliser : j'agis au nom des partenaires sociaux, pour porter la réforme qu'ils ont voulue - si l'État recentralisait, il verserait la Peec à son propre budget...

Ensuite, il faut évidemment veiller à ce que la politique du logement soit déclinée territorialement. Moi qui suis élue d'une zone très tendue, je ne méconnais pas les besoins des territoires ruraux ou périurbains, et refuse d'opposer zones tendues et détendues. Leurs besoins sont différents, en termes d'ingénierie, de crédits, de logements sociaux, d'accession à la propriété... Comment ne pas tenir compte des territoires, quand les financements viennent des territoires ? C'est le sens même des Cral et du comité des partenaires : les collectivités territoriales seront plus présentes que l'État ! Les discussions nationales prendront en compte les besoins exprimés par les Cral.

Nous venons de créer le fonds national des aides à la pierre, jamais on ne lui a fait le reproche d'ignorer les besoins locaux.

Le personnel d'Action logement n'est pas oublié ; la réorganisation a commencé, et le dialogue se poursuit.

La Peec a pour unique but la construction de logements. Est-il donc illégitime que l'État demande à Action logement d'utiliser l'argent à cette fin ? Je ne le crois pas. Le Gouvernement n'entend pas remettre en cause ce système, contesté par d'autres.

Les acteurs du logement ont fait de très grands efforts, il faut les soutenir afin de mobiliser plus efficacement la Peec : c'est notre objectif.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1°  -  Au premier alinéa de l'article L. 313-1, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix » et le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

2°  -  Aux première et troisième phrases du premier alinéa, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 313-2, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix ».

M. Michel Le Scouarnec.  - Avant de revoir le mode de collecte, il faudrait s'intéresser à l'enveloppe globale de la Peec. Depuis sa création en 1953, le 1 % logement a été malmené : baisse du taux à 0,45 % en 1992, relèvement du seuil d'assujettissement de 10 à 20 salariés en 2006... Les sommes collectées sont de plus en plus dispersées : elles financent l'Anru, l'Anah, mais aussi désormais les APL, demain la garantie locative, voire le prêt d'un milliard d'euros aux bailleurs sociaux...

Selon nous, Action logement doit se concentrer sur son coeur de métier, la construction de logements sociaux pour tous les salariés. Avec cet amendement, nous proposons de rétablir le taux de 1 % et le seuil de 10 salariés. Les entreprises doivent participer à l'effort de construction, c'est leur intérêt et celui des salariés, qui aspirent à se loger près de leur lieu de travail - ce qui réduira aussi les émissions polluantes.

Mme Valérie Létard, rapporteure.  - Si le taux est effectivement passé à 0,45 %, il faut compter avec la contribution au Fnal qui, elle, a augmenté progressivement pour atteindre 0,5 % de la masse salariale, soit au total 0,95 %. Il ne paraît pas souhaitable d'aller plus loin sans concertation avec les partenaires sociaux, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Cet amendement pose les questions plus générales du financement du logement et de la pression fiscale. Ce n'est pas l'objet de ce projet de loi. La participation totale des employeurs s'élève effectivement à 0,95 %, et si les entreprises de moins de 20 salariés sont exonérées, celles qui emploient de 10 à 19 salariés bénéficient cependant des aides d'Action logement. Avis défavorable.

M. Philippe Dallier.  - La France est désormais championne d'Europe. De football ? Non, des prélèvements obligatoires, qui s'élèvent à 45,7 % du PIB. De grâce, stop ! Nos entreprises n'en peuvent plus, ni les particuliers !

M. Henri Tandonnet.  - Nous voterons contre, telle n'était pas la démarche des partenaires sociaux, que nous devons respecter.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Les articles premier, 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

M. Philippe Dallier .  - Je voterai ce texte sans état d'âme.

M. Roger Karoutchi.  - Moi aussi !

M. Philippe Dallier.  - Souvenons-nous des critiques envers Action logement ! Voilà un organisme qui s'autoréforme, dans la concertation, il mérite notre soutien. On s'inquiète pour la territorialisation, mais 60 % des crédits vont déjà aux zones non tendues et la contribution des entreprises vise à construire près des emplois. Si nous constatons des dérives, nous pourrons y revenir.

Sur le Fnal, madame la ministre, je proposais d'aller beaucoup plus loin : que le Fonds s'autogouverne et que l'État cesse de s'arroger une minorité de blocage. Je suis, moi, pour la responsabilisation des acteurs, quitte à corriger le tir si nécessaire.

M. Martial Bourquin .  - Le groupe socialiste votera ce texte. La question centrale sera effectivement celle de l'équité territoriale. Bien sûr, il faut construire près des entreprises. Mais n'oublions pas les villes moyennes, souvent situées près de secteurs d'activité, où l'on compte tant de logements vétustes et où le taux de vacance atteint des sommets. De vastes chantiers de réhabilitation sont devant nous.

De même, certains quartiers hors Anru, où la sociologie est pourtant beaucoup plus difficile, ont besoin de notre solidarité.

S'agissant enfin de la ruralité, des opérations extraordinaires ont été menées dans des centres-bourgs et des villages, qui y ont ramené la vie.

M. Michel Le Scouarnec .  - Tout notre débat le montre, nous manquons cruellement de moyens pour le logement. Il y a tant à faire ! Pour avoir été maire pendant dix-sept ans, et pour avoir beaucoup construit, je sais combien le logement est une question cruciale, pour l'emploi bien sûr, mais surtout pour le bonheur des gens.

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 12 h 20.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 14 h 40.