Économie bleue (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour l'économie bleue.

Discussion générale

M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Je félicite tous ceux qui ont fait que cette discussion aboutisse en un temps record. Le succès de la CMP n'était pas gagné d'avance - il restait 65 articles en discussion - même si le combat pour la maritimisation est largement partagé.

La CMP a très largement entériné les propositions du Sénat pour renforcer notre compétitivité maritime. Cela passe par l'autoliquidation de la TVA dans les ports - 50% des biens à destination de la France sont débarqués dans des ports étrangers - une plus grande autonomie pour les ports, sans toutefois anticiper sur les réflexions en cours...

Sur le netwage, la CMP est parvenue à une rédaction plus satisfaisante. La disposition sur la REP navires a été conservée, mais le plafonnement de la contribution supprimée. La solution retenue par le Sénat sur les jeux de hasard embarqués a été conservée. Quant au transport de produits pétroliers, la CMP a veillé à la préservation d'une flotte complète, de gros et de petits navires.

Elle a facilité le recours à des entreprises privées de protection des navires pour mieux lutter contre le terrorisme, en supprimant le zonage qui n'a pas de sens en la matière ; clarifié le régime d'évaluation de sûreté ; facilité les contrôles de sécurité dans les ports en autorisant interpellation, garde à vue et prise d'empreintes en cas de délit d'intrusion dans une zone réservée.

Les mesures relatives à la pêche et à l'aquaculture étaient plus limitées et ont fait l'objet d'un large consensus. Je salue l'implication de M. Le Scouarnec et de la commission des affaires économiques sur ces sujets. Il faut un mode d'emploi pour diversifier les revenus des pêcheurs. L'information dans les restaurants sur les zones de capture ou de production des produits aquacoles a été de nouveau rendue facultative.

La CMP a repoussé de 2020 à 2025 l'interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués, afin de favoriser le développement d'une véritable filière de traitement et de récupération. Il faut savoir que le dragage fait déjà l'objet de procédures très rigoureuses.

La CMP a enfin supprimé des dispositions inopérantes, dont l'extension du service minimum au transport maritime qui mérite un travail juridique plus approfondi.

Merci au député Arnaud Leroy d'avoir proposé des mesures qui combleront en partie le déficit de compétitivité dont nous pâtissons. Toutes les grandes puissances font le pari de la mer. Nous devons suivre leur exemple et définir une vraie stratégie ambitieuse pour la croissance bleue. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - La volonté des parlementaires d'oeuvrer en faveur de la croissance bleue ne pouvait qu'être soutenue par le Gouvernement, qui avait déjà pris plusieurs mesures en ce sens. Cette proposition de loi est le fruit de nombreux échanges avec l'État et les acteurs concernés. Le dernier comité interministériel de la mer a décidé de mesures importantes pour renforcer l'attractivité de nos grands ports, soutenir la pêche maritime et le renouvellement de la flotte de commerce, définir une ambition aquacole pour la France et renforcer la protection de nos aires maritimes protégées. Le Gouvernement a aussi réaffirmé le caractère essentiel de la solidarité des gens de mer en soutenant le programme d'investissement de la SNSM. D'autres mesures ont été prises pour adapter nos outils de sûreté et de sécurité.

Des travaux parlementaires sont en outre en cours pour développer l'hinterland de nos ports. Nous devrons agir collectivement pour rendre à nos ports une place de premier plan dans le commerce mondial.

Le présent texte comprend des dispositions nombreuses et diverses - y compris de simplification administrative, sujet qui m'est cher. L'article 3 accorde une place plus importante aux régions dans la gouvernance des ports, prévoit la création d'une commission des investissements et l'extension de l'autoliquidation de la TVA. Les articles 5 quater A et 5 quater traite des conditions de moralité exigées pour exercer certaines fonctions sur les navires de pêche. L'article 8 étend les exonérations de charges patronales liées aux allocations familiales et à l'assurance chômage à tous les navires de commerce affectés à des activités de transport et soumis à la concurrence internationale. L'article 9 bis confie au Conseil supérieur des gens de mer un rapport sur l'évolution de l'ENIM.

La question de la délimitation des espaces maritimes, sur laquelle le Gouvernement est autorisé à légiférer par ordonnance, est cruciale.

La modification du statut de la société de pêche artisanale contribuera au renouvellement de la flotte. Enfin, les marins partis à la retraite avant le 19 octobre 1999 et exposés au feu durant la guerre d'Algérie verront leurs droits à pension doublés sur la période.

La mer est une ressource, un investissement, un espace à protéger. Comptez sur l'engagement du Gouvernement pour mettre en oeuvre ce texte, dont il soutient l'adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)

Mme Annick Billon .  - Le succès de la CMP démontre une fois encore que nos deux assemblées savent trouver des accords constructifs. Espérons que les décrets d'application suivront très rapidement.

Il est dommage enfin que nous n'ayons abordé la question de la croissance bleue que par un biais technique. C'est une stratégie ambitieuse qu'il nous faut, à la hauteur du potentiel du pays. Quelle fierté pour une élue vendéenne de voir les chantiers STX remporter encore et encore des contrats... C'est une marque d'excellence qui fait du bien en ces temps de blocages...

L'économie bleue est une source d'emplois et d'activité. II faudra à n'en pas douter attendre le prochain quinquennat pour que soit mise en oeuvre la réforme qui permettra à nos grands ports maritimes de tenir leur rang au niveau européen. Faut-il rappeler la situation inacceptable qui voit 50% des biens à destination de la France débarqués dans un port étranger ?

Il faudra aussi donner aux pêcheurs les moyens de poursuivre la modernisation de leur profession et de leur outil de travail, au service d'une gestion durable des ressources halieutiques. Nous avons de formidables professionnels, passionnés, soucieux de fournir des produits de qualité tout en préservant la ressource.

Ce texte devra aussi favoriser le développement d'une aquaculture de qualité, compétitive et respectueuse de l'environnement, ainsi que celui de biotechnologies liées à la mer et aux fonds marins.

Le report à 2018 de la constitution d'une filière de déconstruction des bateaux laisse le temps aux acteurs de s'organiser. Vos services collaboreront-ils sur ce dossier, monsieur le ministre ?

La proposition de loi apporte des précisions juridiques, utiles pour les acteurs.

La France est une grande puissance maritime et son avenir passera par la mer. Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Évelyne Didier .  - Le texte issu de la navette est assez différent du texte initial. Seul point positif, la suppression de la disposition élargissant le service minimum au secteur maritime.

Beaucoup de reculs par rapport au texte du Sénat, à l'article 22 à propos des micro-déchets solides, à l'article 19 bis AA avec le report à 2025 de l'interdiction des rejets en mers des sédiments de dragage pollués. Ces reculs montrent que la protection de l'environnement n'est toujours pas considérée comme une priorité. De même, le netwage a été rétabli : idée fausse pourtant car baisser les marges ne relance pas l'emploi ! Relancer l'emploi suppose de soutenir le pouvoir d'achat, l'investissement, la formation, mais surtout les carnets de commande. Ce que le patronat qualifie de charges sociales n'est en fait qu'un salaire différé.

Nous réclamons un seuil de marins communautaires à bord des navires pour lutter contre le dumping et les pavillons de complaisance.

Les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme n'ont cessé d'être renforcées -  telle celle autorisant le recours aux sociétés privées de sécurité. Mais il est indécent d'entretenir la confusion entre terrorisme et immigration illégale.

Nous avons été nombreux ici à insister sur l'importance pour la défense nationale de la création et du renforcement de la flotte stratégique prévue lors de la loi sur la transition énergétique. Or elle n'est définie qu'a minima, sans exigence en terme de nombre et de capacité de navires, de situation de l'équipage, de pavillon français. Ces questions sont renvoyées au règlement alors qu'elles sont éminemment politiques et stratégiques. En outre, le texte ne fait plus mention d'une obligation de capacité de transport maritime de pétrole brut, mais d'une simple faculté.

Il aurait aussi fallu renforcer les capacités multimodales des ports, comme le font Anvers ou Rotterdam.

Pour ces raisons, le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Nelly Tocqueville .  - Beaucoup de travail a été accompli depuis le rapport « Osons la mer » de 2003.

L'économie maritime représente un chiffre d'affaires annuel de 70 milliards d'euros et 340 000 emplois directs. Comme l'a rappelé le président de la République, le 6 octobre 2015, l'espace maritime est une force considérable.

Je salue l'ambition transversale de ce texte, même si la majorité sénatoriale n'en reconnaît pas les avancées, voulant même le débaptiser.

Le dernier comité interministériel de la mer du 22 octobre 2015 a tracé une feuille de route. Mme Fourneyron et M. Revet ont été chargés d'une mission sur les ports de Rouen et du Havre. Le complexe Haropa associant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, est devenu le premier complexe portuaire français, avec 18 000 emplois directs.

Je salue l'esprit de compromis en CMP, le travail de M. Leroy, qui a accepté l'enrichissement de son texte et le sens du dialogue de M. Mandelli.

Un certain nombre de ses dispositions font consensus : l'autoliquidation de la TVA dans les ports par exemple. Deux millions de conteneurs destinés à la France ne sont pas déchargés en France. Il est important de rapatrier ces flux, qui représentent 10 000 emplois et un million d'euros de chiffre d'affaires.

Autre point consensuel : l'encadrement de la moralité des capitaines de navires et des officiers mécaniciens. Le décret du 2 juin 2015 sera modifié pour préciser les infractions du bulletin n°2 compatibles avec les fonctions d'officier.

Les grands ports sont des établissements publics. Il ne fallait pas changer leur statut. Le retour au texte de l'Assemblée nationale est positif.

La commission des investissements est étendue aux investissements publics et d'intérêt public. La commission de surveillance pourra passer outre à condition de motiver sa décision.

Un compromis a été trouvé sur le netwage. Les exonérations du pavillon RIF sont élargies au premier registre, élément positif pour notre compétitivité.

S'agissant de l'extension des activités privées de protection des navires : le zonage est supprimé, mais un décret précisera les navires éligibles.

Je me félicite de la suppression du service minimum dans le maritime. Dans les transports terrestres, cette extension avait été préparée par une longue concertation. Ce n'était pas le cas ici.

Le groupe socialiste votera ce texte équilibré qui contribue au renforcement de notre compétitivité maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Ronan Dantec .  - Nous saluons les objectifs de cette proposition de loi, précédée par une longue concertation en amont. Les enjeux sont immenses pour la France, vu l'étendue de son domaine maritime.

Je suis satisfait de l'interdiction des rejets en mer des sédiments dragués même s'il faudra attendre 2025 et non 2020. C'était un engagement de la Conférence environnementale de 2013 et du Grenelle de la mer.

Dommage que nous n'ayons pas été écoutés pour interdire les nouvelles opérations minières en mer, le chalutage en eau profonde : un signal parlementaire aurait été bienvenu. Je regrette le conservatisme de parlementaires bretons. (On s'émeut sur plusieurs bancs) Je suis breton moi-même mais je ne peux toujours défendre tout ce que font les Bretons !

Je salue la constitution d'une filière REP pour la déconstruction des navires, même si elle ne sera mise en place qu'en 2018.

Le groupe écologiste est opposé à une peine de prison pour intrusion dans des zones portuaires. On voit bien qui est visé : les réfugiés de Calais. Ce n'est pas en criminalisant à tout-va que l'on règle des problèmes de fond. Comment croire que la menace d'emprisonnement peut dissuader des gens qui ont fui la guerre et le risque permanent d'être tué ?

Le groupe écologiste s'abstiendra.

M. Hubert Falco  - Ce ministre vert n'est pas suivi par ses troupes.

Mme Mireille Jouve .  - L'essor de l'économie bleue passe par la protection des milieux marins. Dans un secteur très concurrentiel, la simplification était attendue. La création du permis d'armement va dans ce sens, mais il était possible d'aller plus loin. La CMP a préservé l'équilibre du Sénat sur la gouvernance des grands ports maritimes avec la création d'une commission d'investissement avec un double collège. L'avis simple retenu par la CMP est plus équilibré.

Le netwage a été opportunément étendu à tous les navires. L'autoliquidation de la TVA renforcera la compétitivité de nos entreprises mais il faudra veiller à limiter les risques de fraude. Je regrette que la traçabilité des produits de la mer ne soit pas garantie. Notre collègue Arnell, élu de Saint-Martin, y est très sensible.

Je regrette que l'interdiction du rejet en mer des sédiments pollués doive attendre 2025 : nous voyons ces boues rouges dans les calanques marseillaises.

Le groupe RDSE votera ce texte qui contient des modifications utiles au droit en vigueur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

M. Michel Vaspart .  - Nous achevons ce soir le parcours législatif de cette proposition de loi. Je veux une nouvelle fois féliciter M. Mandelli pour son travail et son écoute.

C'est le troisième texte du quinquennat sur les activités maritimes, après celui sur les activités privées de protection des marins et celui sur la manutention. Étoffé à l'Assemblée nationale, il est presque devenu un catalogue à la Prévert : statut des gens de mer, gouvernance des ports, rôle des collectivités territoriales, aquaculture... Il témoigne aussi d'une vision fragmentée et parcellaire qui l'empêche de constituer la refondation de notre politique maritime que nous appelons de nos voeux. La France ne redeviendra la première puissance maritime du monde qu'avec le concours de tous les acteurs.

La CMP a néanmoins conservé des avancées ; en matière de gouvernance des grands ports maritimes par exemple, où les régions et autres collectivités territoriales sont mieux représentées. La présence de personnalités qualifiées est une autre bonne nouvelle, comme l'avis de la région sur la nomination du président du directoire. La CMP a toutefois rétabli l'avis conforme du conseil de surveillance.

Le double collège de la commission des investissements a été rétabli : c'était une proposition de nos collègues Retailleau et Revet. Les deux collèges demeurent égaux en droit ; le poids des investisseurs privés, renforcé, soutiendra l'investissement des ports.

La CMP est revenue sur l'avis conforme rendu par la commission des investissements au conseil de développement sur les projets structurants, le transformant en avis simple. C'est de bonne méthode, comme la publicité des avis.

L'article 3 quater élargit l'autoliquidation de la TVA aux entreprises ne suivant pas la procédure de domiciliation unique. Les règles actuelles, assez complexes et contraignantes, poussent les importateurs vers les ports étrangers dans lesquels une simple déclaration d'échange suffit. Cette disposition renforcera notre compétitivité et rapatriera une partie des taxes de dédouanement dans notre pays, ce qui améliorera les recettes fiscales de l'État.

Autre mesure phare : le netwage, qui bénéficiera à tous les gens de mer, aussi bien aux marins inscrits au RIF qu'au premier registre, c'est une autre avancée.

La filière REP pour la gestion des déchets finaux et intermédiaires dans la déconstruction des navires était attendue. Je me réjouis de l'adoption de mon amendement qui le repousse au 1er janvier 2018 : il faut éviter de déstabiliser notre industrie de construction de bateaux de plaisance, la première du monde.

L'amendement Rapin n'a malheureusement pas été retenu, si bien que persistera l'insécurité juridique des autorisations d'urbanisme délivrées par les maires des communes littorales.

Nous continuons à penser que ce texte ne va pas assez loin pour la France, qui a la deuxième façade maritime du monde. Nous le voterons néanmoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Le Sénat se prononçant après l'Assemblée nationale, il se prononcera par un seul vote. Seuls les amendements du Gouvernement sont recevables.

ARTICLE 9 TER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 27

Remplacer les mots :

, les I et II de l'article 6 ter et l'article 6 quater

par les mots :

et les I et II de l'article 6 ter

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État.  - Correction d'une erreur.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 22

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est complétée par un article L. 412-6 ainsi rédigé :

II.  -  Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 121-82-3

par la référence :

L. 412-6

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. - Même chose.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 22 SEPTIES

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer les mots :

L. 123-6 du code de la consommation

par les mots :

L. 251-1 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation,

II.  -  Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 121-82-3

par la référence :

L. 412-6

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État.  - Coordination.

M. Didier Mandelli, rapporteur.  - Avis favorable.

La rédaction de la proposition de loi, résultant de la CMP et modifiée par les amendements du Gouvernement, est définitivement adoptée.

La séance est suspendue à 19 h 25.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.