Fourniture de gaz et d'électricité (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité (procédure accélérée).

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Je vous prie d'excuser Mme Ségolène Royal, en déplacement.

Cette ordonnance, dont le Gouvernement vous demande la ratification par ce projet de loi, accompagne la fin des tarifs réglementés pour certains consommateurs non domestiques.

Avec la suppression des tarifs réglementés au 1er janvier 2016, les contrats des consommateurs ayant une puissance électrique installée supérieure à 36 kVA ou une consommation annuelle de gaz supérieure à 30 MWh qui n'avaient pas souscrit d'offre de marché au 30 juin 2016 sont devenus caducs. Ces clients ont bénéficié d'une offre transitoire de six mois ; mais au 30 juin, plus de 10 000 clients n'avaient toujours pas souscrit d'offre de marché, malgré de nombreuses relances. À défaut du présent texte ils se verraient interrompre la fourniture d'énergie.

L'ordonnance organise ainsi l'affectation, depuis le 1er juillet 2016, de ces clients à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle organisée par la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE). Elle fixe les objectifs et les caractéristiques de cette procédure, définit les éléments principaux - et protecteurs pour le consommateur - de la relation contractuelle, précise le traitement des clients qui n'auraient pas souscrit une offre de marché dans le cas d'une procédure d'appel d'offres infructueuse.

La transition énergétique est l'outil de l'État pour remplir ses engagements internationaux en matière de lutte contre le dérèglement climatique et créer des emplois durables pour la croissance verte. Elle répond également à la nécessité d'assurer la continuité du service public de fourniture d'énergie. Le Gouvernement est attaché à accompagner les consommateurs dans le mouvement d'ouverture des marchés de l'énergie.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Cette ordonnance traite une situation très particulière. Il n'est pas question de légiférer sur la fin des tarifs réglementés - à ne pas confondre avec les tarifs sociaux, que viendront remplacer les nouveaux chèques énergie. Elle se borne à garantir la fourniture en énergie aux consommateurs inéligibles à ces tarifs qui n'auraient pas souscrit d'offre de marché dans les temps.

Sur 576 000 sites concernés par l'échéance de décembre 2015, un peu moins de 120 000 n'étaient pas passé aux offres de marché. Une offre transitoire, 5 % plus chère, avait été mise en place pour six mois. À son terme, 30 000 sites n'avaient toujours pas basculé.

L'ordonnance organise l'affectation des retardataires à des fournisseurs sélectionnés par la CRE, avec un tarif majoré de 30 % qui devrait les inciter à souscrire une offre de marché.

La CRE m'a transmis les chiffres au 11 juillet : le dispositif fonctionne puisqu'il n'y a plus que 15 500 sites qui n'ont pas basculé. Le produit de la majoration abondera le budget de l'État - mais cela ne produira pas de recettes miraculeuses, monsieur le ministre...

La CRE a désigné les fournisseurs, dont de nouveaux entrants, pour un prix moyen reversé de 19,50 euros par MWh pour l'électricité et de 8 euros par MWh pour le gaz ; 58 lots ont été déclarés infructueux.

Qui sont ces clients « dormants » ? Leurs profils sont variés : des artisans, des PME n'ayant pas de temps à consacrer à la recherche d'un nouveau fournisseur, pour 20 à 30 % des acheteurs publics imprévoyants ou des sites mal recensés - comme des gendarmeries.

La commission des affaires économiques approuve le dispositif.

Fallait-il une ordonnance ? Vu les délais, oui ! Faut-il la ratifier ? Oui. Mais compte tenu du retard avec lequel nous examinons ce texte, la promulgation n'aura lieu qu'en septembre alors que les nouveaux contrats courent depuis le 1er juillet. Mais les risques de contentieux sont faibles, la protection des consommateurs étant assurée dans de bonnes conditions.

Si l'Autorité de la concurrence avait émis des réserves, ses recommandations ont été suivies : la possibilité de basculer à tout moment et sans pénalité, la pénalisation financière de l'inertie, l'accès aux données des fournisseurs historiques, l'information individuelle des clients. L'ordonnance est bien conforme au champ d'habilitation. La commission vous propose de la ratifier sans modification.

L'histoire n'est cependant pas finie : une question préjudicielle du Conseil d'État d'un recours contre les tarifs réglementés du gaz pourrait conduire la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à juger qu'ils sont contraires au droit de la concurrence. Où en est la réflexion du Gouvernement sur cette affaire ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Bosino .  - Cette ordonnance témoigne d'un acharnement à démanteler les tarifs réglementés et les fournisseurs historiques, aujourd'hui encore en situation de monopole. Le montage complexe proposé n'a pour but que d'accroître la concurrence là où elle n'existe pas par le choix des consommateurs. Les sites sans contrat de marché sont affectés - où est la liberté contractuelle ? - à un fournisseur désigné par la CRE, qui plus est avec un contrat dégradé. Il a été interdit aux fournisseurs de candidater à tous les appels d'offres. L'Autorité de la concurrence elle-même a émis des réserves, pointant notamment les limites d'une répartition administrative des clients inertes, l'incertitude des résultats et les risques d'une rupture d'égalité en matière de tarification. Une partie des 30 % du supplément sera reversée au budget général, faisant des opérateurs des collecteurs d'impôt... Nous avions envisagé de déposer un amendement pour flécher cette recette. Mais on nous a dit qu'il serait irrecevable...

Il eut été plus simple de prolonger la période transitoire, mais la CRE a rejeté cette idée. Au 29 juin, 15 500 sites n'avaient pas encore basculé, mais leur nombre diminuait rapidement.... Aucune indication n'est donnée sur le coût de ce montage complexe. Cahier des charges, allotissement... Tout cela pour imposer l'ouverture du marché. EDF est fortement handicapée alors que les nouveaux opérateurs ne respectent pas toujours la loi, sous le regard tolérant des pouvoirs publics.

Le présent texte ne fait que renforcer notre hostilité aux ordonnances. Cette ratification empêchera tout recours devant le tribunal administratif alors que les griefs sont solides, atteinte à la liberté contractuelle, disproportion, rupture d'égalité...

Enfin, la pérennité des tarifs réglementés n'est pas assurée, à moins d'une volonté politique. Le dispositif risque d'être utilisé plus largement à l'avenir - on connaît l'appétit des fournisseurs alternatifs... Le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Roland Courteau .  - Le groupe socialiste votera la ratification de cette ordonnance, conséquence logique de la suppression des tarifs réglementés pour les gros et moyens consommateurs non domestiques, afin d'éviter les coupures d'approvisionnement...

La CRE a été chargée de désigner un opérateur pour les consommateurs résiduels qui n'avaient pas souscrit d'offre de marché. La non limitation dans le temps, par la France, des tarifs réglementés a été contestée ; notre pays a obtenu leur préservation pour les particuliers. Lors de l'examen de la loi Nome, le groupe socialiste s'était opposé à leur extinction sur injonction de la commission européenne ; celle-ci a toujours fait primer la concurrence sur toute autre mécanisme de régulation... Nous lui avions opposé que le marché ne garantissait pas forcément un meilleur prix. En témoignent les entreprises ou les hôpitaux qui, alléchés par des tarifs plus bas, les avaient vu fortement remonter, nous incitant à créer les tarifs réglementés transitoires d'ajustement du marché (TaRTAM)... Aujourd'hui les prix de marché sont inférieurs aux tarifs réglementés mais qui peut garantir que cette situation est durable ? Sur les marchés de gros, les prix sont volatils... Et les gains pour les ménages ne sont pas en proportion des baisses...

À l'heure du Brexit, nous ne souffrons pas de trop d'Europe, mais de pas assez d'Europe - je parle d'une Europe plus solidaire et plus coopérative.

En accordant au marché plus de vertus qu'il n'en possède, l'Europe s'est affaiblie. Certes, la Commission a relancé l'Europe de l'énergie avec des propositions à l'horizon 2030. La France a montré l'exemple en mettant en place une tarification carbone ; le Gouvernement a eu raison de fixer un niveau à même de réorienter les investissements vers le bas carbone. C'est la condition d'une croissance durable et socialement plus inclusive.

L'Union, qui est à la croisée des chemins, doit faire preuve de plus de volontarisme politique même si le chemin n'est pas des plus faciles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Françoise Laborde .  - Si le groupe RDSE est profondément attaché à la construction européenne, il ne l'est pas moins à la compétitivité de nos entreprises et à la sécurité de nos approvisionnements. L'ouverture à la concurrence dans l'énergie rendait indispensable la fin des tarifs réglementés pour les consommateurs moyens. Malgré les relances et un tarif légèrement majoré, un certain nombre n'avaient pas basculé alors que la liberté de choix aurait pu être une source d'économie pour eux.

La ratification de cette ordonnance apporte une solution provisoire à la situation des sites dormants, avec une majoration incitative du prix de 30 %. La France se conforme ainsi au droit européen tout en garantissant la protection du consommateur.

Les tarifs réglementés pour les particuliers et les petits professionnels sont-ils durables ? D'après un arrêt de la CJUE relatif au marché du gaz, l'intervention de l'État doit être justifiée par un intérêt économique général et conciliée avec la libéralisation du marché. Ce qui impliquerait une atteinte à la libre fixation des prix limitée dans le temps. L'Union européenne doit relancer l'idée ambitieuse d'une Union de l'énergie dans le respect des objectifs environnementaux. La coordination des politiques énergétiques est une nécessité.

Le groupe RDSE votera ce texte.

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le régime transitoire aura permis de réduire le nombre de clients n'ayant pas encore souscrit une offre de marché. Merci à notre rapporteur qui nous a rassurés sur la protection des consommateurs. Après ratification, notre pays sera en règle avec les normes européennes. Même si les consommateurs avaient été largement prévenus, un nouveau dispositif était nécessaire. La CRE a été chargée de désigner les fournisseurs après mise en concurrence.

Quelques remarques de forme, d'abord. Nous, parlementaires, entendons les arguments de technicité et de calendrier ; mais le recours aux ordonnances prive les parlementaires de débat démocratique ; c'est d'autant moins opportun que la ratification intervient postérieurement à la mise en place du dispositif...

L'ouverture à la concurrence a été positive pour les entreprises mais la variation des tarifs est facteur d'insécurité. Des discussions sont-elles en cours pour les particuliers ? Ne nous laissons pas prendre de vitesse. L'ouverture pourrait être bénéfique, mais doit être préparée et encadrée.

Après le Brexit, l'Europe prend un nouveau virage. Les États devraient réfléchir à une plus grande intégration énergétique - les grands opérateurs ont déjà une stratégie européenne.

Il y a de plus en plus de production locale d'énergie. Les tarifs seront-ils impactés par cette décentralisation ? Pour que les projets locaux soient vertueux, il faut laisser des capacités d'investissement suffisantes aux collectivités territoriales. Ces démarches de production locale peuvent répondre aux besoins énergétiques des territoires ruraux éloignés.

Le groupe UDI-UC, conscient de l'urgence, votera ce texte.

Mme Delphine Bataille .  - Chacun l'a dit, cette ordonnance met en place un dispositif pour régler le cas - fin juin - des 22 000 sites pour l'électricité et 8 000 pour le gaz qui ne peuvent plus bénéficier des tarifs réglementés. L'incitation est plus forte, le tarif étant majoré de 30 %. Et les fournisseurs sont désignés par la CRE à l'issue d'un appel d'offres.

Chaque État membre a ouvert le marché de l'énergie à son rythme. Si certains ont été très vite, la France a été aux limites du calendrier européen. Les tenants de la libéralisation voulaient mettre un terme aux monopoles existants ; d'autres, dont le groupe socialiste, avaient émis les plus grandes réserves quant à la fin des tarifs réglementés.

Ce projet de loi ne prête à aucune polémique. Ayons en revanche conscience que la politique libérale de M. Barroso a détruit les solidarités portées par le service public. Quid si de nouvelles directives concernaient les particuliers ? La régulation reste la meilleure protection des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Le vote sur l'article vaudra vote sur l'ensemble du projet de loi.

L'article unique est adopté.