Prorogation de l'état d'urgence (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Nous voterons, à ma demande, sur ce texte par scrutin public.

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence actuellement en cours d'examen.

Cette liste a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

Discussion générale

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, et RDSE) Cette nuit, j'étais devant vos collègues députés. Je suis devant vous ce soir avec le même but : prendre toutes les mesures utiles face au terrorisme islamiste. Le 14 juillet, celui-ci a frappé Nice, où j'ai vu des visages pleins de douleur et ressenti l'attente de tous nos compatriotes : l'attente d'une protection face à cette menace si lourde qui pèse sur notre pays.

La France est visée parce que nous sommes une grande démocratie, qui porte des valeurs universelles. Parce que nous assumons nos responsabilités de grande puissance, en engageant nos forces armées au Sahel, au Levant pour anéantir les groupes djihadistes. À mon tour, je rends hommage à nos trois militaires tombés en opération sur le sol libyen.

La France est visée parce qu'elle est ce pays si particulier avec des millions de citoyens de religion ou de culture musulmane. Et c'est ce modèle républicain, laïque, que les fanatiques ne supportent pas.

Mais la France, parce qu'elle est la France, parce qu'elle a un peuple courageux, ne se laissera pas déstabiliser.

L'État islamique perd du terrain, en Irak et en Syrie, grâce à l'offensive de la coalition. Mais précisément pour cette raison, il intensifie ses appels à répandre la mort. Cela s'est vu en Allemagne cette semaine, en Belgique il y a quelques mois, mais aussi aux États-Unis, au Bangladesh, au Cameroun, en Arabie Saoudite, en Irak, en Turquie. Certaines attaques sont diligentées par des donneurs d'ordres de l'organisation installés en Syrie ou en Irak. D'autres sont perpétrés par des individus seuls, mais ayant accès aux ressources numériques et de communication de Daech.

Cette troisième génération est un immense défi pour nos démocraties. Pour y faire face, nous devons rester unis.

Nos services de renseignement, nos forces de sécurité font face à un immense défi. Et ceux qui - avec quelle indécence ces derniers jours ! - promettent des solutions miracles et laissent entendre que tout n'aurait pas été fait, commettent une faute lourde. Ils mentent aux Français, exploitent les peurs, sèment la division, au moment même où nous devons être unis, soudés, faire bloc !

Nous devons la vérité à nos concitoyens. La vérité, c'est qu'à ce jour 2 147 ressortissants français ou étrangers résidants en France, sont connus pour leur implication dans les filières syro-irakiennes ; 680 adultes sont présents sur place, dont un tiers de femmes ; 179 individus sont en transit pour rejoindre la zone des combats ou en revenir et 203 sont revenus en France.

Cela me coûte de le dire : il y aura d'autres innocents tués. Nous faisons tout pour l'empêcher, mais il faut être lucide sur le combat à mener, les moyens à mobiliser et les dispositifs à déployer.

L'état d'urgence est l'un d'entre eux. Il a fait la preuve de son utilité : 3 694 perquisitions administratives ont donné lieu à l'ouverture de 600 procédures judiciaires. Plus de 600 armes, dont 75 armes de guerre ont été saisies. D'où ce projet de loi qui le prolonge pour six mois, que les députés ont adopté.

Lors de la dernière prorogation, les perquisitions administratives étaient exclues du dispositif. Elles ont un intérêt opérationnel, dissuasif, permettant d'ouvrir des procédures judiciaires, et de cibler les individus les plus dangereux. Ce texte les reprend et autorise l'exploitation des contenus informatiques saisis. Le Conseil constitutionnel, le 19 février dernier, avait censuré certaines dispositions relatives aux saisies : les garanties utiles sont ici apportées.

L'état d'urgence désorganise les filières, traque les individus dangereux, les empêche de passer à l'acte. Votre commission des lois a renforcé son efficacité ce matin, et j'en remercie M. Mercier.

Le recours à l'état d'urgence est encore cohérent avec les autres mesures déployées depuis 2014 - après les affaires de Toulouse et Montauban - pour tenir compte de la faculté d'adaptation de l'ennemi.

Je veux à cette occasion saluer le dévouement de nos forces de sécurité sur le terrain - nous l'avons encore constaté à Nice. Certes, toutes les critiques sont recevables. Mais être responsable, surtout lorsque l'on a été élu par un front républicain, commande de ne pas jeter d'huile sur le feu en mettant en doute la parole des ministres de la République. Le ministre de l'intérieur a répondu très clairement sur les effectifs mobilisés, à Nice, le soir du 14 juillet. Au côté des policiers municipaux, dont nous tous ici connaissons l'utilité, il y avait 185 policiers nationaux et 20 militaires de l'opération Sentinelle. Sur la Promenade des Anglais, les policiers nationaux étaient entre 64 et 92 en fonction des créneaux horaires. Des effectifs conformes à ce qui avait été annoncé

Nous n'avons pas besoin d'unité pour museler le débat, mais pour donner tort aux terroristes, qui ne cherchent que notre division.

Nous devons agir contre l'ennemi intérieur - tel que je l'appelais dès 2012 - mais aussi contre l'ennemi extérieur. D'où l'opération Barkhane au Mali et notre engagement en Irak et en Syrie : 800 frappes ont été effectuées contre Daech ; nous appuyons les Irakiens pour la reconquête de Mossoul, et déploierons à nouveau sur zone, à l'automne, le groupe aéronaval et le porte-avions Charles de Gaulle. Une réunion de coordination importante se tiendra d'ailleurs bientôt aux États-Unis.

Nous avons déjà fait voter cinq lois antiterroristes. Celle de décembre 2012 permet de juger des Français partis faire le djihad : 300 procédures sont en cours. Celle de décembre 2014 permet de bloquer les sites de propagande djihadiste. Une troisième loi, répondant à la proposition de loi de MM. Bas et Mercier, a été adoptée en 2016, ainsi qu'un texte spécifique renforçant nos services de renseignement. Sans parler de la loi Savary sur la sécurité dans les transports.

M. Roger Karoutchi.  - Et les décrets d'application ?

M. Alain Fouché.  - Ça traîne !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Nous y reviendrons. En cinq ans, 9.000 postes supplémentaires auront été créés dans la police et la gendarmerie, dont 2 100 pour les services de renseignement. Nous aurons également créé 7 000 emplois dans la justice, et 1 000 dans les douanes.

L'opération Sentinelle sera maintenue avec 10 000 militaires autour des lieux sensibles, et 15 500 volontaires de la réserve opérationnelle pourront être mobilisés pour soulager nos effectifs militaires.

Nous avons amélioré l'organisation de notre renseignement, pour capter les signaux faibles. Mais évitons les restructurations à répétition : nous avons plus que jamais besoin de stabilité et d'efficacité. L'état-major opérationnel de prévention du terrorisme, pour coordonner le suivi des individus radicalisés, le schéma d'intervention des forces spécialisées, la modernisation du matériel des équipages qui interviennent les premiers sur les lieux d'un attentat, avec des armements et des protections adaptés pour pouvoir neutraliser les terroristes mais aussi pour leur propre sécurité : en tout, ce sont 233 millions d'euros qui ont été affectés à nos services pour faire face à la menace terroriste.

PNR européen, corps de garde-frontières européen : nous avons aussi obtenu des avancées avec nos partenaires européens, reste, là aussi, à le mettre en application.

L'idéologie mortifère de Daech séduit sur fond de rupture totale avec la République, de perte de sens de nos sociétés. Sur fond, aussi, de désespérance sociale. Toutes les franges de la population sont concernées. Bien sûr, nos quartiers populaires sont touchés. C'est là, en premier lieu, que les prêcheurs de haine mènent leur entreprise funeste d'embrigadement. C'est là que le salafisme fait le plus de ravages. C'est là, en premier lieu, qu'il doit être combattu. Et l'islam de France a ici un énorme rôle à jouer. Mais le djihadisme recrute partout, dans toutes les couches sociales : parmi les Français de confession et de culture musulmane, parmi les jeunes convertis, parmi les hommes, et parmi les femmes.

C'est ce défi immense que nous devons affronter, qui dépasse la seule réponse sécuritaire. Nous devons ramener vers la République tous ceux qui s'en éloignent. Nous devons faire adhérer à son projet, à ses valeurs, en la traduisant davantage dans les faits. En opposant plusieurs puissants « contre-discours ». Il faut porter la contradiction. II faut inciter à l'autodéfense intellectuelle. Il faut déconstruire cette rhétorique. Il faut la démonter, avec audace et sens de l'innovation. Chacun doit se sentir responsable de fabriquer ces anticorps contre le poison conspirationniste.

Le combat sera long, difficile. C'est celui d'une génération. Le numéro vert mis en place a déjà permis le signalement de 5 000 individus ; 1 100 jeunes sont suivis, et 600 familles confrontées à ces radicalisations sont accompagnées. La réponse doit être professionnalisée et individualisée. D'où la création de centres dédiés, le premier ouvrira bientôt en Indre-et-Loire, et, j'en remercie la sénatrice Stéphanie Riocreux.

Dire la vérité aux Français, c'est dire que notre stratégie produit des résultats : depuis 2012, seize projets d'attentats ont été déjoués et 161 personnes interpellées. Depuis début 2016, 158 interdictions administratives de territoires ont été prises, ainsi que 80 arrêtés d'expulsion contre des imams autoproclamés - des prêcheurs de haine - et dix mosquées fermées.

Depuis le rétablissement du contrôle aux frontières après les attentats du 13 novembre, 48 millions de personnes ont été contrôlées à nos frontières terrestres, aériennes et maritimes, et 28 000 individus ont été empêchés de pénétrer sur le territoire en raison de leur dangerosité.

Ces résultats, qui ne doivent pas être masqués par les tragiques attentats auxquels notre pays a été confronté ces derniers mois, ont été obtenus grâce à des mesures respectueuses de l'État de droit.

Lutter contre le terrorisme ne doit pas nous conduire à renier notre histoire et nos valeurs. Mon Gouvernement ne sera pas celui qui créera un Guantanamo à la française, nous devons résister à cette tentation et ne pas tomber dans la surenchère.

Depuis 2015, la France fait face à une menace terrible. Les islamistes ne cherchent qu'à nous diviser, fracturer la société, dresser les Français les uns contre les autres. Les populistes attisent la haine des immigrés, des musulmans. Faisons barrage à ce courant destructeur.

La France est un grand pays que le monde entier regarde avec admiration. Parce que c'est la France, elle fera face et vaincra le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - L'attentat perpétré à Nice le 14 juillet a changé la perception que nos concitoyens ont des événements. Par effet d'accumulation, parce que de nombreuses victimes sont des enfants, parce que c'était le 14 juillet... Quelle que soit la raison, un déclic s'est produit chez nos concitoyens, qui font un amalgame entre tous les responsables politiques. Parce qu'ils nous ont élus, choisis pour diriger le pays, nous leur devons d'être à la hauteur des responsabilités qu'ils nous ont confiées. Élus, nous l'avons été parce que nous avons sollicité leur confiance et avons été choisis par eux. Ne fuyons pas cette responsabilité.

Le risque de délitement du pays est réel. Or nous sommes comptables de l'unité de la patrie. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain et du RDSE)

Ce projet de loi proroge l'état d'urgence. Certes, l'autorité administrative s'en est peu servie ces derniers mois, et nous avons voté le 3 juin un texte qui donne les moyens à nos services de sécurité d'assurer leurs missions. Mais il y a eu Nice. Nous devons proroger l'état d'urgence si c'en est un autre, renforcé. (Applaudissements au centre et à droite)

Monsieur le Premier ministre, vous en appelez au respect de l'État de droit. C'est aussi notre position. Je suis juriste, j'aime le droit, mais je sais que le droit change. Il n'est pas éthéré. Il a changé depuis l'arrêt Heyriès du Conseil d'État, en 1918, premier arrêt relatif aux circonstances exceptionnelles. L'état d'urgence évolue, comme l'État de droit, mais celui-ci demeure.

Première urgence : renforcer les pouvoirs de l'autorité administrative. Six mois, cela lui permettra d'exercer ses prérogatives. Le contrôle parlementaire est aussi nécessaire. À la rentrée, la commission des lois du Sénat publiera un rapport qui montrera que l'état d'urgence a été l'occasion pour la justice administrative de parfaire la jurisprudence protectrice des libertés. Mais il reste que l'autorité administrative doit avoir la possibilité d'interdire certains rassemblements, de procéder à des fouilles de véhicules et de bagages, à des contrôles d'identité.

Mais nous ne pouvons pas en rester là. Deux amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale ; reprenant ce que nous avions voté dans la proposition de loi Bas, ils ouvrent la voie à des mesures pérennes. Nous proposerons en outre un amendement technique autorisant le suivi en direct d'un individu, méthode très intrusive mais nécessaire.

Oui, l'état d'urgence est justifié, s'il est plus efficace, s'il renforce l'autorité administrative, l'autorité judiciaire, la République. C'est dans cet esprit que la commission des lois l'a examiné.

Je veux enfin rendre hommage à mon tour à nos soldats morts en Libye, dans le cadre d'opérations spéciales, ainsi qu'à nos policiers, pompiers, médecins et à tous ceux qui se sont mobilisés après les attentats de Nice. (Applaudissements)

M. David Rachline .  - Le terrorisme islamiste a encore frappé, l'arme des lâches. Monsieur le Premier ministre, vous avez enfin nommé l'ennemi salafiste, il était temps : après 236 victimes...

Comment ne pas être en colère lorsque l'on a mis en garde contre ce risque que nos politiques ont laissé prospérer : diplomatie hasardeuse, réduction des effectifs des forces armées, austérité dictée par Bruxelles, impunité pour les voyous, immigration massive...

Mais au-delà des paroles, rien n'a changé. (Murmures à droite et à gauche) Que proposons-nous ? Expulsion des imams radicaux et des étrangers condamnés pour faits graves, arrêt de toute immigration, sortie de Schengen, fermeture des mosquées salafistes, voilà ce qu'il faut faire.

Le chef du parti Les Républicains, pour sa part, semble avoir oublié les réductions de postes qu'il a décidées, comme la fin de la double peine et la guerre en Libye.

Nous ne voulons pas vivre avec le terrorisme islamiste. Vivre en luttant, c'est être sûr de la victoire. Si vous ne voulez pas livrer ce combat, laissez la place ! (M. Stéphane Ravier applaudit)

M. Jacques Mézard .  - L'extrémisme n'est pas le monopole des salafistes. Les discours de haine ne sont pas compatibles avec la République. Lorsque le sang des innocents coule, les mots ne peuvent suffire à apaiser. Nos concitoyens veulent des actes. Les institutions ne facilitent pas les choses - certes au cours du XXe siècle, par deux fois un grand homme s'est levé...

Daech cherche à fracturer nos sociétés ; l'approche des élections lui facilite la tâche et les médias - chaînes publiques incluses - ne s'illustrent guère. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Certains appellent à une révision constitutionnelle, d'autres font la course poursuite avec l'extrême droite. Ce n'est pas à la hauteur du défi sécuritaire qui appelle avant tout un sursaut moral, un réarmement des valeurs de la République, pour réaffirmer nos valeurs et endiguer le communautarisme

Notre État de droit a d'abord besoin de dignité ; elle existe dans notre enceinte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Il est souhaitable qu'un consensus de fond émerge sur les questions de sécurité, qui ne sont ni de droite ni de gauche.

La prorogation de l'état d'urgence est-elle nécessaire et conforme à notre État de droit ? Le groupe RDSE apportera une réponse diverse mais je ne doute pas que les deux partis dominants se soient déjà accordés sur une CMP conclusive... (Mouvements divers)

Quels sont les besoins réels de nos forces de sécurité et de renseignement et pourquoi la France est-elle ciblée ? Voilà les questions essentielles. Nos forces de sécurité n'ont pas à être critiquées mais confortées. Je suis sûr que les Français sont prêts à renoncer aux baisses d'impôts que le président de la République a annoncées, pour renforcer notre sécurité.

La justice, pour sa part, n'a pas besoin d'une avalanche de nouveaux textes mais des moyens de remplir sa mission.

Deuxième question : pourquoi la France est-elle visée ? Depuis la politique courageuse de Jacques Chirac en 2003, nous n'avons guère progressé, et les leçons de droits de l'homme de philosophes nantis s'arrêtent aux gisements de pétrole.

La République, c'est la conjugaison de l'autorité et de la liberté ; comme vous l'avez rappelé vous-même, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Je n'avais pas demandé à intervenir, mais je remercie Bruno Retailleau de me permettre de m'exprimer devant vous après l'attentat de Nice.

C'est en tant qu'élue locale, mais plus encore en tant que Niçoise depuis quatre générations, issue d'une famille italienne, que je m'exprime, avec émotion et humilité.

Après la presse, la communauté juive, la jeunesse, la police, cette fois des familles et des enfants ont été les victimes de la barbarie. Jamais, dans nos pires cauchemars, nous n'aurions pu imaginer ces 84 morts, près de 200 blessés et personnes traumatisées, dus au passage de ce camion fou. Merci à tous : policiers, pompiers, médecins, psychologues, exemplaires dans leur effort de solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC, RDSE et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain) Je sais que les Niçois surmonteront l'horreur et relèveront l'oriflamme de nos valeurs. Mais le peuple de Nice est en colère, et il a raison. Il ne suffit plus de pleurer et déposer des gerbes.

L'enquête établira les responsabilités. En attendant, je refuse de polémiquer. Cessons les petites phrases et les chicayas, quand les Français réclament plus de sécurité. Nous sommes dans une guerre totale contre la liberté. Nous ne la gagnerons que si nous sommes plus forts que nos adversaires. Cessons de subir, de préférer les mots aux actes.

Déchéance de nationalité, constitutionnalisation de l'état d'urgence, que de débats vains, que de temps perdu !

À midi, le 14 juillet, le président de la République annonçait la fin de l'état d'urgence ; le soir il parlait de le reconduire. Au nom de l'humanisme compassionnel, notre capacité de résistance nationale s'est érodée. Il faut renforcer les moyens des forces de sécurité, des magistrats, des gardiens de prison, tirer les leçons de la commission d'enquête des députés Fenech et Pietrasanta.

Oui, nous voterons ce texte si l'état d'urgence est renforcé. Il faut aussi, comme nous l'avions préconisé, décider la circonstance aggravante pour association de malfaiteurs en cas de terrorisme, en finir avec la contrainte pénale, rétablir les peines plancher, faire en sorte que les peines soient appliquées, aggraver les peines en cas de récidive... Il faut aussi faire le constat de l'échec du système éducatif, cesser la culpabilisation et redevenir fiers d'être Français. Nul ne naît fanatique dit Edgar Morin. Il est temps d'agir. (Applaudissements debout à droite et au centre)

M. Éric Doligé.  - Ce n'est pas vous qui le ferez !

Mme Éliane Assassi .  - C'est en ce jour de célébration du 14 juillet que notre peuple a été frappé à Nice, avec haine, avec rage, avec cruauté, par un individu au profil encore mal défini aujourd'hui, islamiste radical de la dernière heure. Il a tué 84 personnes parmi lesquelles 10 enfants ; des dizaines de blessés sont très gravement atteints et certains luttent encore pour la vie. À cet instant, mes pensées vont vers toutes ces familles et leurs proches. Et je veux ici saluer toutes celles et ceux : policiers, pompiers, secouristes, hospitaliers et particuliers qui ont su faire preuve d'un grand courage.

Que faire contre un assaillant isolé, sans lien évident avec une organisation terroriste, bien éloigné du profil type de l'apprenti terroriste ? C'est tout le paradoxe de ce débat. Face à l'émotion, à la colère, au sentiment d'impuissance, nombreux sont ceux qui, tout en qualifiant l'attentat de Nice d'imprévisible, voire de fatal, exigent dans le même temps le rétablissement de l'état d'urgence qui s'est avéré, en l'occurrence, totalement inefficace.

L'arrestation d'Argenteuil a été menée dans le droit commun. La victoire de Daech serait la réduction des libertés publiques. L'éradication de la menace islamiste, fascisme des temps modernes, sera longue.

Les moyens de la police et de la justice ont été réduits par M. Sarkozy. Il faut les rétablir. Mais il faut aussi recruter des éducateurs, renforcer la protection judiciaire de la jeunesse, l'éducation.

L'argent public doit être dirigé vers le vivre ensemble, et non pour faire des cadeaux au privé. Notre société va mal. Ce projet de loi sécuritaire ne résoudra rien. Le groupe CRC ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Didier Guillaume .  - Le 14 juillet 2016, la fête nationale s'est transformée en tragédie nationale. Cette date restera dans l'histoire comme une date de deuil et de colère. J'ai une pensée pour toutes les victimes, les familles meurtries, les Niçoises et les Niçois et j'adresse un salut amical, fraternel aux sénateurs des Alpes-Maritimes. (Applaudissements)

Je salue la bonne tenue de ce débat. Il faut prendre de la hauteur, la raison doit l'emporter. Je salue le sang-froid et le travail du ministre de l'intérieur. Merci pour votre action en ces moments douloureux, monsieur le Premier ministre, qui vous êtes rendu sur place ; quand la France est touchée, le Premier ministre la représente. Dans ces circonstances, insulter le Gouvernement c'est insulter la France, c'est être indigne de la représentation nationale. Ne laissons pas les terroristes nous diviser. Rassemblons-nous plutôt sur nos valeurs, évitons les polémiques indécentes, ne tombons pas dans l'irrationnel ou la surenchère qui nous conduiraient à notre perte. Un parlementaire n'est pas un commentateur, c'est un acteur qui doit assumer sa responsabilité dans l'action, comme le Gouvernement le fait, et dans la proposition. Or certains parlementaires en ont manqué.

Nous voulons lutter contre le terrorisme sans faire reculer l'état de droit. Ni Guantanamo ni le Patriot Act n'ont empêché Boston et Orlando. Enfermer les gens sur un simple soupçon, jamais ! Nous ne sommes pas en 1940 ! (Applaudissements à gauche) Je sais que la justice aura la main ferme.

Nous soutenons la coalition internationale qui frappe en Irak et en Syrie ; ceux qui voudraient s'en retirer font fausse route.

L'état d'urgence ne peut être permanent. Le groupe socialiste votera le texte proposé par la commission des lois et son rapporteur, dont je salue le travail et l'ouverture d'esprit. J'espère que la CMP aboutira, il y va de l'intérêt du Parlement. (Applaudissements du groupe socialiste et républicain au groupe Les Républicains)

Notre ennemi, ce n'est pas l'Arabe mais le djihadisme, ce n'est pas le musulman, mais l'intégrisme musulman ; notre ennemi c'est la stigmatisation, le racisme, la xénophobie. Nous devons éviter les amalgames, défendre les valeurs de la laïcité, qui sont neutralité envers toutes les religions.

Agissons au nom de la République, la faire vivre c'est faire vivre le 14 juillet, c'est mener le combat contre le terrorisme, contre tous les populismes. La grandeur des parlementaires, c'est agir au nom de l'intérêt général. Vive la République, vive la France, vive la laïcité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean Desessard .  - Comme tous les citoyens, les écologistes ont été choqués par l'horreur de la tragédie. Je salue la mémoire des victimes et je rends hommage à l'action des forces de sécurité et des services de secours.

La parole publique doit être porteuse d'apaisement. Or après les attentats, nous avons entendu des propos politiciens, déplacés. Dans l'ombre de ces querelles inutiles, l'extrême droite progresse, comme dans ce tableau de Goya où deux hommes luttent, tout à leur haine, sans voir le péril qui va les emporter tous deux.

Je sais gré au Gouvernement d'avoir tenu un discours de vérité. Défions-nous des propos guerriers... Avons-nous sur le territoire national un ennemi collectif déclaré et identifié ? Lorsque la menace est diffuse, la parole guerrière est toujours source de surenchère. Et il n'existe aucune martingale pour la parer à coup sûr. Ceux qui le prétendent, mentent.

Néanmoins nous pouvons agir. Il est légitime que le Gouvernement souhaite apporter une réponse forte à la demande de nos concitoyens ; l'exécutif fait le maximum... Mais l'état d'urgence, justifié immédiatement après le 13 novembre, atteint ses limites. Par définition, l'urgence n'a pas vocation à durer. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les moyens de lutter contre le terrorisme a fait des propositions et plaidé notamment pour une réorganisation profonde de nos services de renseignement. Des pistes doivent être explorées, sans remettre en cause nos principes fondamentaux. Que ferons-nous lors du prochain attentat si nous cédons aujourd'hui ? Le renforcement sans fin des sanctions pénales ne dissuadera pas ceux qui sont prêts à mourir.

Notre politique étrangère doit être clarifiée. Sans une vaste coalition sous l'égide de l'ONU, sans asséchement de la manne pétrolière de Daech, il sera difficile de vaincre... N'oublions pas que ces tueurs sont les abcès douloureux d'un corps malade, celui d'une société en proie au racisme, aux divisions et aux inégalités, en manque de discours généreux et mobilisateur, en attente de perspectives. Les harangues de Daech trouvent un écho facile dans l'esprit de personnes sans repères...

Le groupe écologiste est partagé. Certains voteront ce texte ; d'autres, considérant que le symbole sans l'efficacité ne justifie pas que l'on menace les libertés publiques, ne le voteront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Dans les circonstances dramatiques que nous connaissons, l'exercice collectif d'aujourd'hui est difficile. Mes pensées vont d'abord vers les 84 victimes, assassinées lâchement, à leurs familles, à nos forces de sécurité, aux secouristes, exemplaires.

Le Gouvernement propose de prolonger l'état d'urgence pour la quatrième fois. Soit, mais nous en mesurons les limites. L'état d'urgence n'a pas empêché Magnanville ni la tuerie de Nice. La difficulté est connue : lutter avec les armes de la démocratie contre les barbares qui veulent la mettre à bas.

Nous avons voté la loi réformant la procédure pénale, qui autorise l'assignation à résidence d'une personne qui revient d'un territoire de conflit ; nous l'avons votée parce que la lutte contre le terrorisme doit s'inscrire dans le droit commun. Nous ne voulons pas de loi d'exception mais nous ne devons pas nous interdire de prendre les mesures qu'exigent des circonstances exceptionnelles.

La commission des lois a amélioré le texte, reprenant des dispositions déjà votées par le Sénat, comme l'interdiction de toute réduction des peines pour les terroristes. Je salue le travail de notre rapporteur qui suit depuis des mois, avec vigilance, la mise en oeuvre de l'état d'urgence. Le texte est équilibré mais il ne suffira pas. La question des moyens est aussi posée. Cessons de nous renvoyer des chiffres à la figure, avançons pour donner à notre République les moyens dont elle a besoin. Il faut changer de posture, même si je n'ai pas le sentiment que le président de la République y soit prêt. Il faut revoir toute la stratégie de l'État, la clarifier, la faire partager ; s'engager pour un islam de France en s'interrogeant sur la faiblesse de l'État face au salafisme ; éviter la communication binaire, bannir l'autosatisfaction - comme celles de l'exécutif après l'Euro ou du ministre de l'intérieur commentant le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale....

La solution, c'est de nous rassembler. Nous ne vaincrons pas si nous sommes divisés, si nous ne nous rangeons pas tous derrière les valeurs de la République. Nous voterons ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Je salue ce débat, empreint de responsabilité, sans postures, conformément à la tradition sénatoriale. Je salue le travail du rapporteur et de la commission des lois. Le Gouvernement souhaite que la CMP aboutisse et y contribuera à la place qui est la sienne. Ce serait un signe d'union, de rassemblement des forces politiques, mais aussi de tous les Français ; chacun a fait le sien, avec beaucoup d'engagement.

Madame la présidente Assassi, je ne suis pas surpris par votre position, même si je la regrette. Il ne faut pas opposer les mesures dites sécuritaires avec la mobilisation nécessaire de la société. Le djihadisme ne peut être comparé aux mouvements que nous avons connus dans le passé, la négociation avec Daech n'est pas possible.

Monsieur Rachline, votre discours pourrait avoir un début de cohérence si vous n'aviez cessé de voté, ici, à l'Assemblée nationale, au Parlement européen contre les lois contre le terrorisme, contre la loi renforçant les moyens du renseignement, contre le PNR... (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC) Vous ne parlez que d'immigration...

Madame Estrosi-Sassone, nous avons tous été touchés par votre émotion et votre sincérité. Vous êtes profondément niçoise, vous avez été la voix digne d'une ville martyrisée, d'une ville qui s'est construite par l'immigration. La dignité dont vous avez fait preuve, nous devons tous la préserver et ne jamais nous habituer à la barbarie. Nous devons être à la hauteur des citoyens que nous représentons et au nom desquels nous agissons. (Applaudissements du groupe socialiste et républicain au groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 18 h 45, reprend à 19 h 10.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été publiée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire : titulaires, MM. Philippe Bas, Michel Mercier, Mme Catherine Troendlé, MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Mme Éliane Assassi ; suppléants, MM. Félix Desplan, Christophe-André Frassa, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Yves Leconte, Jacques Mézard, François Pillet, André Reichardt.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que j'en aurai été informé.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut également y être mis fin par le Parlement qui apprécie, à la demande de droit d'un(e) président(e) ou d'un groupe parlementaire, si les conditions fixées à l'article premier de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 précitée demeurent réunies.

M. Christian Favier, rapporteur.  - L'état d'urgence suspend en partie la séparation des pouvoirs en permettant à l'exécutif, en lieu et place du juge, de prendre des mesures restrictives des libertés. La moindre des choses a été, lors de la première prorogation, de prévoir une information du Parlement - d'où les comités de suivi des commissions des lois. Mais l'information n'est pas le contrôle. C'est le sens de notre amendement.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cette proposition n'est pas constitutionnelle : avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.  - Même avis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les terribles événements de Nice exigent une vision globale de la lutte contre le terrorisme. Rien ne sera possible tant que la fragilité républicaine de la société ne sera pas guérie. J'ai toujours voté l'état d'urgence mais si je m'abstiens aujourd'hui, ce n'est pas pour critiquer l'action du président de la République et du Premier ministre, mais parce que, si les conditions juridiques d'une action durable ont été assurées, les moyens manquent. Je propose que nous adoptions une loi de programmation de sécurité intérieure, comme nous l'avons fait pour nos armées. Nos concitoyens, les élus s'interrogent : les efforts de la nation sont-ils suffisants ? Les surenchères sur le droit n'ont aucun sens, seuls comptent les moyens pour faire appliquer la loi en vigueur.

M. Pierre Laurent.  - Nous ne voterons pas cet article.

M. Roger Karoutchi.  - On le sait !

M. Pierre Laurent.  - L'état d'urgence a été prorogé trois fois, les données en sont connues grâce aux commissions des lois, aux syndicats, aux acteurs de la société civile : toutes les analyses relèvent les limites du dispositif, nos collègues députés ont noté dans le rapport de leur commission d'enquête qu'aucun spécialiste n'a mentionné les mesures prises pendant l'état d'urgence comme jouant un rôle particulier dans la lutte contre le terrorisme. Qui plus est, vous prorogez de six mois au lieu de trois, sans véritable justification. L'état d'urgence devient permanent...

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté, de même que l'article premier bis.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par MM. Rachline et Ravier.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « fixe, », la fin du deuxième alinéa l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est ainsi rédigée : « pouvant aller jusqu'à vingt-quatre heures par jour. »

M. David Rachline.  - Cet amendement porte la durée d'assignation à résidence pouvant être ordonnée par le ministre de l'Intérieur de 12 à 24 heures. La durée de 12 heures n'est absolument pas suffisante pour assurer un contrôle efficace des individus radicalisés. La facilité déconcertante avec laquelle des combattants de l'État islamiste sont relâchés invite à une telle mesure. On ne peut admettre une surveillance à mi-temps.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cette mesure privative - et non restrictive - de liberté ne saurait être décidée par l'autorité administrative sans violer la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 22 décembre 2015.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis : cette proposition est contraire à l'article 66 de la Constitution.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER TER A

M. Jean-Pierre Sueur .  - La commission des lois a précisé, avec le premier alinéa, les motifs pouvant entraîner la fermeture des lieux de culte. Nous serons très vigilants à son application, quel que soit le culte. Le racisme, la xénophobie, l'appel à la haine, l'apologie du terrorisme sont déjà réprimés. La loi, toute la loi, rien que la loi.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - Cet article inséré par la droite permet d'interdire des manifestations quand l'État n'a pas les moyens d'en assurer la sécurité. Symbolique des surenchères post-14 juillet, c'est une intrusion de l'état d'urgence dans la vie démocratique, un amalgame honteux entre manifestants et terroristes, une tentative de mettre au pas le mouvement social dans une période où la contestation du libéralisme prend de l'ampleur.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Nous avons, comme l'a dit M. Sueur, précisé cet article, dans le sens profond de la loi de 1905, celui de l'apaisement.

Ensuite, nous prévoyons la possibilité d'interdiction d'une manifestation lorsque l'autorité administrative estime qu'elle ne peut assurer la sécurité des manifestants, ce n'est pas la même chose que l'ordre public - qui fait l'objet de mesures par ailleurs. Il ne s'agit nullement d'interdire des manifestations. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La loi de 1955 et le code de la sécurité intérieure permettent déjà aux préfets de fermer provisoirement un lieu de culte ; dix mesures de fermeture ont déjà été prononcées depuis janvier.

L'interdiction d'une manifestation sur la voie publique lorsque les conditions de sécurité ne peuvent être assurées est également possible. Sagesse.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le second alinéa de l'article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est supprimé ;

M. Christian Favier.  - L'interdiction de réunions et de manifestations est l'une des mesures les plus fortes contre les libertés publiques, une menace contre l'exercice du droit politique : c'est insupportable au moment où la population se mobilise contre la loi Travail, il y va des droits de l'homme et du citoyen.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le second alinéa de l'article 8 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les commissions des lois des deux chambres du Parlement se prononcent sur l'opportunité de telles interdictions en amont de toute mise en oeuvre. »

M. Christian Favier.  - .  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Comme précédemment, avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. La plupart des manifestations ont eu lieu, le Gouvernement ne remet nullement en cause la liberté de manifester pendant l'état d'urgence : on nous a d'ailleurs suffisamment reproché les débordements...

M. Pierre Laurent.  - (On murmure à droite) Le danger existe. Il a fallu que deux secrétaires généraux de confédérations syndicales se déplacent pour obtenir la levée de l'interdiction. Qu'en sera-t-il demain si le pouvoir est en d'autres mains ?

L'amendement ns8 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 9 rectifié

L'article premier ter A est adopté.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

I. - Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas

II. - Après l'alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...°Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La perquisition donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République, auquel est joint, le cas échéant, copie du procès-verbal de saisie. » ;

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Amendement de cohérence rédactionnelle.

M. le président.  - Sous-amendement n°26 à l'amendement n°22 de M. M. Mercier, au nom de la commission, présenté par Mmes Assassi et Cukierman et M. Favier.

Amendement n°22, alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une copie de l'ordre de perquisition est remise à la personne faisant l'objet d'une perquisition.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ce texte aggrave le déséquilibre au détriment de la personne assignée, qui n'a bien souvent pas connaissance de son droit de recours ; pour rétablir l'équilibre, nous proposons que la personne perquisitionnée reçoive systématiquement une copie de l'ordre de perquisition.

L'amendement n°6 est retiré

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le sous-amendement est incohérent. Ce n'est pas une personne mais un lieu qui est perquisitionné et la loi de 1955 prévoit déjà la présence d'une personne dûment identifiée et la notification de ses droits : avis défavorable. Avis favorable à l'amendement n°22.

Le sous-amendement n°26 est adopté.

L'amendement n°22, ainsi sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9, deuxième phrase, alinéa 11, première et deuxième phrases, alinéa 12, troisième et quatrième phrases

Remplacer les mots

vingt-quatre

par les mots :

quarante-huit

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Nous détaillons les dispositions initiales du projet de loi, prévoyant un délai de jugement de 48 heures pour le juge des référés appelé à se prononcer sur la régularité de la saisie et la possibilité, pour l'autorité de police, d'exploiter les données ou matériels saisis lors de la perquisition.

L'amendement n°20, accepté par la commission, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 14-1 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La condition d'urgence est présumée remplie pour le recours juridictionnel en référé d'une mesure d'assignation à résidence. »

Mme Éliane Assassi.  - La nouvelle prorogation de l'état d'urgence est l'occasion d'aménager encore la loi de 1955. Des assignés à résidence se sont vus contester la condition d'urgence de leur recours en référé ; nous proposons de l'inscrire dans la loi.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement est conforme à la position du Conseil d'État du 11 décembre 2015. Avis favorable à cette grande avancée.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°7 est adopté et devient article additionnel.

L'article 2 bis est adopté.

L'amendement n°17 rectifié est retiré.

ARTICLE 3

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Murmures à droite) Cet article nous vient de notre commission des lois, à l'initiative de notre rapporteur, et plus loin de la proposition de loi Mercier-Bas, à laquelle nous nous étions opposés. Dès lors que les députés ont supprimé toute automaticité de la remise de peine en matière de terrorisme, cet article n'a plus lieu d'être et notre groupe votera sa suppression.

M. Jean-Yves Leconte .  - Nos valeurs et notre droit sont attaqués, mais cet acte de folie et de haine amène toute la nation à se remettre en cause sur le fond. Les mesures sécuritaires sont indispensables, nous les avons prises en prorogeant l'état d'urgence, mais le faire hors des principes de notre État de droit alimenterait le terrorisme.

Avec ce titre II, il s'agit maintenant d'adopter de nouvelles mesures restrictives de liberté, en quelques jours : pourquoi devrions-nous le faire, dans de telles conditions, avec des risques d'inconstitutionnalité, de question prioritaire de constitutionnalité, d'incohérence juridique ? Ceux qui veulent proroger l'état d'urgence, ne se résolvent pas à cette deuxième partie : nous déplorons ce cavalier ! Il était convenu que, pour gagner du temps, ce projet de loi ne soit pas déféré devant le Conseil constitutionnel...

M. Jacques Mézard .  - Effectivement, ce titre II n'a plus rien à voir avec l'état d'urgence. Ces mesures nous sont présentées dans des conditions qui ne respectent pas le moment d'union, le consensus que nous devrions rechercher. Il n'est pas opportun d'ajouter de telles dispositions. Bien sûr, nous sommes tous contre le terrorisme, mais on n'arrête pas de faire des textes censés renforcer la lutte contre lui - avec l'efficacité que l'on constate.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Christian Favier.  - Nous sommes, nous aussi, contre cet article cavalier.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Nous complétons effectivement le code pénal, mais c'est parce que nous débattons du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, qui a ajouté cette partie avec le soutien du Gouvernement.

Va-t-on plus loin que les députés, comme le dit M. Sueur ? Nous verrons cela en CMP. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Thierry Foucaud.  - Comme l'a dit Robert Badinter, les terroristes nous tendent un piège politique et ce n'est pas par des mesures d'exception qu'on se défendra contre cet ennemi.

Cet article crée un délit autonome de séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'en est-il des personnes qui reviennent de ces « théâtres » ou qui ont su en réchapper ? Qu'en est-il des membres d'organisations humanitaires ?

Avec cet article, on sort du contexte de cette prorogation de l'état d'urgence. Nous sommes vertement opposés à cette surenchère politicienne.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - L'assignation à résidence prévue par la loi du 3 juin 2016 pour ceux qui reviennent de théâtres d'opérations, ainsi que la possibilité d'incrimination pour entreprise terroriste, suffisent. Favorable à l'amendement de suppression.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté, de même que l'article 6.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure est supprimée.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Nous proposons de supprimer la durée maximale de deux années au-delà de laquelle il n'est actuellement pas possible d'interdire à un Français de quitter le territoire.

Le risque d'un départ à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ou sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français, peut perdurer au-delà de deux années, privant ainsi l'autorité administrative du pouvoir de faire échec à un tel départ.

L'interdiction de sortie du territoire constitue par ailleurs une mesure de police administrative, distincte des mesures prononcées par l'autorité judiciaire, dont l'objet est de prévenir un risque pour la sécurité publique et dont la mise en oeuvre doit être rendue possible dès lors que ce risque demeure.

Le dispositif est proportionné dès lors que la mesure doit être réexaminée tous les six mois en vue de son renouvellement afin que l'autorité administrative s'assure que les conditions sont toujours réunies. Elle doit être levée dès que les conditions ne sont plus satisfaites.

L'amendement n°23, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient article additionnel.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Christian Favier.  - Issu initialement de la proposition de loi de MM. Bas, Mercier et Retailleau, cet article propose d'augmenter les durées de détention provisoire pour les mineurs mis en examen pour acte de terrorisme. Nous déplorons une telle surenchère pénale à l'endroit des mineurs qui n'ont d'ailleurs pas encore été jugés. La justice devrait avoir les moyens de statuer sur leurs cas dans un délai d'un an, ce qui est déjà long.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable. Les mineurs de 16 à 18 ans peuvent faire l'objet d'investigations longues, difficiles. Il y a aujourd'hui dix cas, la justice a besoin de temps : les magistrats nous le demandent, nous devons tenir compte du principe d'efficacité.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. Le retour des mineurs de théâtres d'opérations sera un enjeu très important des prochains mois. Donnons aux juges les moyens d'exercer leurs missions.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l'article 421-5, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « trente » ;

2° L'article L. 421-6 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « vingt ans de réclusion criminelle et 350 000 » sont remplacés par les mots : « trente ans de réclusion criminelle et 450 000 » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « trente ans de réclusion criminelle et » sont remplacés par les mots : « la réclusion criminelle à perpétuité et de ».

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement qui résulte lui aussi de mes consultations avec les magistrats, récrit l'article 8 ; sa rédaction initiale reprend les dispositions de l'article 11 de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le terrorisme adoptée par le Sénat le 2 février dernier. N'allons pas emboliser les cours d'assises !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°24 est adopté.

L'article 8 est ainsi rédigé.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Christian Favier.  - La rétention de sûreté revient à priver de liberté des personnes pour des infractions qu'elles n'ont pas commises... Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a elle-même souligné que ces personnes avaient moins de droit que les détenus. Revenons sur cette mesure phare du quinquennat Sarkozy, que le candidat Hollande avait promis de supprimer, ce qu'il n'a pas fait, ouvrant un boulevard à la droite.

M. le président.  - Amendement identique n°21, présenté par le Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - C'est le même.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La rétention de sûreté est contraire au principe fondamental de notre droit qui veut qu'une peine effectuée est définitivement purgée. Nous offririons une victoire aux terroristes en renonçant à ce principe fondateur de l'État de droit.

M. Jacques Mézard.  - (Impatience à droite) Mettre la rétention de sûreté dans ce texte est une provocation. La ligne jaune est franchie. Chacun a le droit d'exprimer ses convictions - je le dis à l'attention de ceux qui s'agacent du temps que prennent nos débats : leur comportement augure mal des mois à venir. Ce n'est pas avec de telles dispositions inopportunes que nous pourrons nous rassembler. Ce n'est qu'un moyen de nous diviser.

Notre position est claire, nette et précise : tant que cet article figurera dans le texte, nous ne pourrons le voter.

Les amendements identiques nos13 et 21 ne sont pas adoptés.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par MM. Rachline et Ravier.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus

par les mots :

à titre définitif

M. David Rachline.  - Nous avons suffisamment d'ennemis extérieurs pour ne pas y ajouter d'ennemis intérieurs : ceux qui ont été accueillis en France et qui y commettent des actes terroristes, ne doivent pas y remettre les pieds.

Repoussé par la commission et le Gouvernement, l'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

L'article 11 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 511-5 du code de la sécurité intérieure, les mots : « lorsque la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, » sont supprimés.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement assouplit les conditions dans lesquelles le préfet peut autoriser l'armement d'une police municipale.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis très favorable.

L'amendement n°25 est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Troendlé.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au III de l'article L. 852-1, le mot : « nécessaires » est remplacé par le mot : « associés » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 863-2, le mot : « échanger » est remplacé par le mot : « partager ».

Mme Catherine Troendlé.  - Cet amendement opère diverses modifications rédactionnelles de dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au renseignement, en clarifiant les dispositions applicables aux données de connexion recueillies dans le cadre d'une interception de sécurité d'une part, et, d'autre part, en précisant la possibilité donnée aux services de renseignement de partager les informations dont ils disposent.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis très favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L'article L. 411-7 est ainsi modifié :

a) Après le 1°, il est inséré un 2° ainsi rédigé :

« 2° De personnels justifiant, lors de la souscription du contrat d'engagement avoir eu la qualité d'adjoint de sécurité pendant au moins trois années de services effectifs ; »

b) Le 2° devient le 3° ;

2° L'article L. 411-9 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « en qualité de volontaires » sont remplacés par les mots : « au titre des 2° et 3° de l'article L. 411-7 » ;

b) Au dernier alinéa, après les mots : « police nationale » sont insérés les mots : « et les réservistes visés au 2° de l'article L. 411-7 » ;

3° L'article L. 411-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnels visés aux 2° de l'article L. 411-7 peuvent assurer, à l'exclusion de toute mission à l'étranger, les missions exercées par les retraités des corps actifs de la police nationale. » ;

4° L'article L. 411-11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « réservistes volontaires » sont insérés les mots : « et les réservistes visés au 2° de l'article L. 411-7 » ;

b) Après le 2°, il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° Pour les réservistes visés aux 2° de l'article L. 411-7, cent-cinquante jours par an. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Dans un contexte de renforcement de la réserve opérationnelle, nous aurons besoin des adjoints de sécurité.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°19 est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et J. Gautier.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les durées maximales d'activité dans les réserves militaire, de sécurité civile, sanitaire, ou de la police nationale prévues à l'article L. 4251-6 du code de la défense, au 11° de l'article 34 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, au 12° de l'article 57 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et à l'article 41 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière sont prolongées de la durée totale de l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

M. Roger Karoutchi.  - Les militaires ou gendarmes réservistes doivent pouvoir effectuer des périodes plus longues.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Plutôt favorable, mais qu'en pense le Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis défavorable, car cela désorganiserait le fonctionnement de l'administration dans le cadre de l'état d'urgence.

M. Alain Richard.  - La réserve repose sur un équilibre : les réservistes et leurs employeurs ont signé un contrat qu'il faut respecter.

M. Jean-Marie Bockel.  - Atteindre les 40 000 réservistes opérationnels suppose une montée en puissance ; certes, les relations avec les entreprises peuvent en être affectées, mais la situation l'exige. Cet amendement rejoint certaines des conclusions de nos travaux au sein de la commission de la défense.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet amendement n'augmente pas le nombre de réservistes, mais seulement la durée de la réserve avec le risque, en désorganisant le travail en entreprise - publique ou privée - de décourager les vocations, donc de diminuer le nombre de réservistes.

M. Roger Karoutchi.  - Une fois n'est pas coutume, je soutiens le président de la République. Jacques Gautier, cosignataire de cet amendement et spécialiste des questions militaires, considère que les réservistes les plus indiqués sont les anciens gendarmes et militaires. Allonger leur période de mobilisation augmentera mécaniquement les effectifs disponibles. S'ils sont volontaires et mieux formés que les autres pour exercer ces fonctions, pourquoi être contre ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je vais de ce pas informer le président de la République du soutien que lui apporte M. Karoutchi et lui demander ses instructions. (Rires)

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'attache à prévenir les dérives en matière de diffusion de contenus violents, qui pourraient porter atteinte au respect de la dignité humaine ou inciter à la haine ou à la violence dans la communication audiovisuelle, en particulier dans le traitement médiatique consécutif à un attentat. »

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Certaines chaînes d'informations, y compris publiques, se sont livrées à des dérives inacceptables en jouant avec la douleur indicible et choquante des victimes - et au risque, en glorifiant les actes terroristes, d'encourager de nouvelles vocations. Le nombre croissant de chaînes d'informations en continu alimente cette surenchère. Renforçons par conséquent le rôle du CSA et promouvons l'élaboration de chartes de bonnes pratiques.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa de l'article 15 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité » sont supprimés.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 15 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel élabore un code de bonne conduite relatif à la couverture audiovisuelle d'actes terroristes. »

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos14 et 16, trop éloignés de ce texte, et favorable à l'amendement n°15.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je retire les amendements nos14 et 16. L'amendement n°15, s'il est adopté, permettra d'avancer.

M. Jean-Claude Requier.  - Le CSA a autorité sur les chaînes publiques, mais quid des chaînes privées ?

M. le président.  - Nos collègues députés viennent de rendre un rapport sur un sujet connexe.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - L'amendement n°15 s'applique à tous les acteurs de l'audiovisuel.

Les amendements nos14 et 16 sont retirés.

L'amendement n°15 est adopté et devient article additionnel.

L'article 12 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Impatience à droite) Nous avons débattu dans un temps raisonnable : je peux donc m'exprimer un instant supplémentaire.

Le fait que nous votions ce texte ne signifie pas que nous approuverions à présent les dispositions auxquelles nous nous sommes opposés. Nous sommes favorables à la prolongation de l'état d'urgence mais pas aux remises en cause de dispositions fondamentales de notre droit.

Nous souhaitons vivement que la CMP réussisse.

Mme Sophie Primas .  - Nous voterons ce texte, fruit d'une intéressante co-construction.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous adressiez aux maires une note sur le traitement que nous devons réserver aux attestations d'accueil : que devons-nous faire dans cette période de l'état d'urgence ? Nous n'avons pas les moyens de savoir, en particulier, si les personnes partent au terme de leur période d'accueil ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Esther Benbassa .  - Le pays se déchire et, en cette veille de primaires à la présidentielle, la parole raciste se libère, l'État islamique sort victorieux de nos querelles, tandis que les endeuillés continuent de pleurer leurs morts. Heureusement, au Sénat, nous tenons notre rang, loin du bruit et de la fureur. Nous avons besoin d'un travail humble et de longue haleine.

Nous offrons à Daech le visage d'un pays démuni, affaibli, paniqué, dirigé par des responsables politiques l'oeil rivé sur le FN et les élections à venir. Alors que le terrorisme change de visage, qu'il nous surprend toujours plus, nous, responsables politiques, restons dans nos certitudes, avec des solutions du passé qui n'auront pas d'effet. Les fronts communs de façade ne suffiront pas, les Français ont besoin de mots justes et d'actes concrets. Si nous continuons ainsi, le chaos qui suivra ces attentats sera plus incontrôlable encore que le terrorisme. Cessons de faire de la publicité aux tueurs de masse, cessons de stimuler leur propagande auprès d'esprits fragiles qui peuvent basculer !

Je voterai contre cette prorogation, une fois de plus, et pour la démocratie, pour les forces vives de notre pays. C'est un non clair au terrorisme, une façon d'honorer ses victimes.

M. Jacques Mézard .  - Le vote des membres du RDSE seront divers. Certains contestent le principe de l'état d'urgence depuis le début, d'autres s'abstiendront qui ne peuvent accepter certaines dispositions et notamment la rétention de sûreté.

Je rends hommage à l'habileté du rapporteur, dont la conception du droit est évolutive... Nous verrons si la situation évolue encore en CMP...

Revenir sans cesse sur les dispositions en vigueur est un signe de faiblesse et affaiblit la confiance que nos concitoyens place en nous.

M. Bruno Retailleau .  - Je veux remercier le ministre, le rapporteur et l'ensemble des membres de la commission des lois, qui ont été à la hauteur des enjeux. Le Sénat a montré une nouvelle fois qu'il a le sens des responsabilités.

Le groupe Les Républicains votera bien sûr cette prorogation. D'une part, car nous devons être à la hauteur des exigences de protection exprimées par les Français ; d'autre part, car sécurité et liberté ne sont pas des soeurs ennemies, mais des soeurs siamoises.

L'unité nationale, elle se construit, notamment par l'écoute des propositions de l'opposition, monsieur le ministre. La riposte ne peut être seulement sécuritaire, Dominique Estrosi-Sassone l'a dit. Nous avons besoin d'un réarmement moral, pour que l'esprit de résistance habite chaque Française et chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Nos débats ont été à la hauteur, ils honorent la démocratie parlementaire. Le Sénat a joué son rôle avec rigueur.

Nous avons introduit des dispositions utiles et pérennes. Le groupe UDI-UC le votera unanimement et nous avons, en cet instant, une pensée pour les victimes. La force de la démocratie, c'est la capacité de rassemblement. Nous souhaitons que la CMP aboutisse et que son texte soit largement voté pour que soit affirmée notre unité autour des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Éliane Assassi .  - Nous sommes conscients que la menace terroriste est là pour longtemps, mais ne croyons pas que l'état d'urgence soit la réponse adaptée, encore moins sa prorogation qui n'est qu'une facilité. La dimension internationale du problème ne doit pas être occultée. Le groupe CRC rejettera ce texte.

M. Louis Nègre .  - Sénateur des Alpes-Maritimes, je voterai bien sûr la prorogation de l'état d'urgence, j'approuve le renforcement de la réserve opérationnelle mais tout cela n'est pas à la hauteur... Regardez ce qui se passe, massacre après massacre : après Charlie, les Français étaient main dans la main, puis il y a eu le Bataclan et maintenant Nice : entendez à présent la révolte, la sourde colère du peuple ! Nous appelons à quelque chose de plus grand, de plus ambitieux, un véritable réarmement moral. Il faudra rétablir un récit national, et faire le bilan de notre système éducatif. Avoir des valeurs, c'est bien, encore faut-il les défendre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Ressortir des mesures sécuritaires à chaque occasion n'est pas la solution. Notre arsenal juridique est aujourd'hui suffisant. Ce qui manque, ce sont les moyens concrets, opérationnels. Alors chacun prendra ses responsabilités... J'entends certains annoncer des suppressions massives de postes dans la fonction publique... Combien dans les forces de police, dans les services de santé, dans la justice ? Il faudra être cohérent...

Les mots ont un sens : nous n'avons pas besoin d'un réarmement moral - l'expression est tout sauf neutre -, mais d'un réarmement républicain. Nous avons entendu ces derniers temps des dérapages qui percutent la République et dont les effets peuvent être délétères.

Nous avons besoin d'une politique active sur le terrain et forte de ses principes. Nos concitoyens doivent savoir où, combien, comment sont affectés les forces de police, les moyens de la justice, ceux du renseignement. Je le redis : nous avons besoin d'une loi de programmation de sécurité intérieure.

M. Marc Daunis .  - Je partage l'émotion que beaucoup ont exprimé, bien sûr, très forte, j'ai encore en mémoire votre lettre, monsieur le président... Mais en tant que parlementaires, nous devons dépasser l'émotion, être capables, dignement, de ne rien céder à la démagogie. J'ai ressenti de la fierté pendant ce débat, il est important que nous ayons été collectivement à la hauteur.

Je remercie mon groupe d'accepter de voter un texte en dépit de l'opposition que suscitent en son sein certaines de ses dispositions, et j'espère que la CMP tracera la voie d'un accord et du rassemblement.

L'image de dignité que nous avons donnée aujourd'hui est à l'honneur de la République, du respect dû aux victimes et à ceux qui se sont mobilisés à leur secours. Merci monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues. (Applaudissements)

M. le président.  - En application de l'article 60 du Règlement, j'ai demandé que l'ensemble du texte soit mis aux voix par scrutin public.

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°442 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 309
Contre 26

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Avant de lever la séance, je veux remercier M. le ministre ainsi que le rapporteur, le président de la commission des lois et tous les orateurs, pour la qualité du débat et l'image qu'ils ont donné du Sénat ; c'est celle que je me fais de la démocratie représentative. (Applaudissements)

Mme Isabelle Debré.  - Une belle dignité !

Prochaine séance, demain, jeudi 21 juillet 2016, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 55.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus