Projet de loi de finances pour 2017 (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Yvon Collin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Je me joins aux regrets exprimés jeudi par Jean-Claude Requier de ne pouvoir examiner en détail ce budget. Le Sénat devrait contribuer au débat économique avec des propositions de réforme crédibles, innovantes, justes.

La place singulière du RDSE lui permet de se tenir à distance des oppositions trop caricaturalement partisanes et de tenir un discours équilibré. Avec une prévision de croissance revue à la baisse par le FMI, les hypothèses du Gouvernement risquent de se révéler trop optimistes, et le déficit pourrait ne pas être ramené en deçà de 3 %. Le prochain gouvernement devra enrayer la hausse des dépenses publiques, en évitant une austérité trop brutale et récessive. N'aurait-il pas intérêt à s'imposer à lui-même la règle de l'article 40 ?

Le seul vrai levier réside dans l'allègement des normes, des contraintes administratives.

S'agissant des déficits, la gauche radicale reproche au président de la République de ne pas avoir tenu parole en ne renégociant pas le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Mais en pratique, la France n'en respecte pas les règles, notamment la limitation du déficit structurel à 0,5 %. Il faudrait soit respecter ces règles, soit les dénoncer...

Notre dette publique frise les 100 % du PIB ; c'est beaucoup plus qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas. Mais ce n'est pas tant son montant que la nature des créanciers qui détermine sa soutenabilité. Or on sait que les deux tiers de notre dette sont détenus par des non-résidents : nous n'avons plus de souveraineté sur elle... La dette publique est à 80 % celle de l'État ; la part de la dette sociale augmente, celle des collectivités territoriales est moindre, bien qu'elles aient beaucoup contribué au redressement des comptes via la baisse des dotations.

Une solution passe peut-être par le recours modéré à l'inflation, pour alléger la charge et dégager des marges de manoeuvre.

Un mot du budget de l'agriculture, en ce contexte de crise. La semaine dernière, lors du débat sur l'élevage, nous avons souligné que si le secteur du lait se redressait, sous l'effet des mesures européennes, la filière viande demeure fragile. Le nombre d'exploitations a baissé de 10 % depuis 2010. J'approuve la volonté du Gouvernement de consolider les plus fragiles via des plans de soutien et des mesures fiscales, mais je regrette que les crédits pour la gestion de crises soient insuffisamment abondés, ce qui obligera à des redéploiements. Je pense aussi aux crédits dédiés à la sécurité sanitaire, alors que des cas de grippe aviaire se sont manifestés récemment...

J'évoquerai aussi la mission « Aide au développement », dont je suis rapporteur spécial. L'aide publique au développement des pays de l'OCDE a atteint en 2015 131,6 milliards de dollars, montant historique qui découle d'un effort particulier pour traiter l'afflux de réfugiés porté notamment par l'Allemagne, qui en espère un bénéfice pour son industrie. Malgré une hausse de 2,8 % en 2015, la France ne consacre que 0,37 % de son RNB à l'aide publique au développement en 2016 contre 0,5 % en 2010, encore loin de l'objectif de 0,7%, ce que je déplore.

Les crédits sont toutefois en croissance de 133 millions d'euros en 2017. L'Assemblée nationale a affecté en sus 270 millions issus de la taxe sur les transactions financières - mais 36 millions ont été rabotés en seconde délibération. Espérons que ces sommes n'iront pas, comme l'an dernier, au Fonds de solidarité pour le développement mais bien à l'aide bilatérale.

Mme Fabienne Keller.  - Absolument.

M. Yvon Collin.  - Les crédits de l'Agence française de développement (AFD) progressent de 80 millions d'euros pour les prêts et de 30 millions pour les dons ; ses fonds propres seront renforcés dans le projet de loi de finances rectificative. Si le traitement des dettes diminue, certains pays africains risquent tout de même le surendettement...

Enfin, j'espère que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et de consignations (CDC) se conclura rapidement, pour plus de synergies. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Au nom du groupe UDI-UC, je déplore l'absence de nos collègues socialistes : ce sont eux qui refusent le débat !

Les recettes sont surestimées, la prévision de croissance de 1,5 % étant, d'après tous les économistes, trop optimiste. Certes 1,1 point de croissance semble acquis, mais si la croissance a été de 0,6 % au premier trimestre, elle a reculé de 0,1 % au second. Le FMI l'estime à 1,25 %, l'OCDE à 1,3 % et la Commission européenne à 1,4 %.

Il y a pourtant des facteurs favorables : le prix du pétrole, les taux d'intérêt très bas, qui permettent de financer la dette à moindre coût. Toutefois, ceux-ci remontent très légèrement ; il faut rester vigilant.

Autres facteurs à prendre en compte : le déficit de notre commerce extérieur, qui est de 4 à 5 milliards d'euros par mois ; le nombre de demandeurs d'emploi, passé de 4,6 millions en mai 2012 à 5,76 millions en octobre 2016, et notamment les demandeurs d'emploi de longue durée, qui sont 732 000.

En réponse, le Gouvernement a proposé - bien tardivement - de développer les formations en alternance, avec un objectif de 500 000 personnes en formation d'ici 2017. Or ils n'étaient que de 280 000 l'an dernier. L'objectif du président de la République ne sera donc sans doute pas atteint. Là aussi, les errements politiques de ce quinquennat ont empêché de parvenir à des résultats.

Nous déplorons la baisse continue des moyens des organismes consulaires, ponctionnés de 60 millions d'euros cette année. C'est préjudiciable à la mobilisation des forces vives pour l'emploi et le département.

La pression fiscale ne baisse pas, au contraire. Le produit de l'impôt sur le revenu est passé de 59 à 78,3 milliards d'euros, comme l'a montré le rapporteur général. Bref, on continue à ponctionner les contribuables. Sans parler du cadeau fiscal d'un milliard d'euros fait à certains ménages, qui a pour conséquence que ce sont toujours les mêmes qui contribuent. L'UDI-UC souhaite l'imposition, fût-elle faible, de tous les contribuables.

La réforme de l'impôt, avec le prélèvement à la source, permettra-t-elle d'y aboutir. J'en doute. Connaîtra-t-elle le même sort que la réforme promise de la DGF ?

Il faudrait privilégier la proposition du rapporteur général d'une imposition contemporaine sur le revenu.

L'objectif de 500 000 nouveaux logements fixé par le président de la République s'est soldé par seulement 314 000 constructions en 2015, malgré des dépenses considérables.

En matière de défense nationale, la sous-budgétisation des Opex demeure.

Le budget de la culture, lui, voit les dépenses augmenter de 4,1 %, malgré les débudgétisations. En quoi la rénovation du Grand Palais relève-t-elle du Programme d'investissements d'avenir (PIA) ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - En rien !

M. Michel Canevet.  - Que dire du budget de l'éducation nationale ? Malgré des moyens considérables, la France reste 25e au classement Pisa. À la sortie de primaire, nos élèves sont les plus mauvais en mathématiques de tous les pays de l'OCDE !

Mme Françoise Férat.  - C'est vrai.

M. Michel Canevet.  - C'est sans doute la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf) elle-même qu'il faudrait revoir, car nous manquons d'un véritable outil de contrôle parlementaire. Faute de pouvoir proposer un budget alternatif, nous souscrivons à la solution de la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Mme Esther Benbassa .  - La majorité sénatoriale a décidé de rejeter le projet de loi de finances sans même le discuter. Ce déni de démocratie est tout à fait inacceptable. (Exclamations au centre et à droite)

Je m'attacherai aux crédits consacrés à l'exercice du droit d'asile. Après la réforme issue de la loi du 29 juillet 2015, ce projet de loi de finances s'efforce de réduire le délai de traitement des demandes d'asile, dans un contexte de forte hausse de celles-ci.

Les moyens de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) augmentent. Ils passent de 597,4 millions en 2016 à 687,4 millions en crédits de paiement, soit une augmentation de 15 %. Ceux de la CNDA augmentent, eux, de 9,3 %, passant de 23,7 millions à 25,9 millions d'euros. Cet effort mérite d'être salué.

La réduction du délai de traitement engendre mécaniquement des économies sur le coût de l'accueil des demandeurs, mais reste tributaire de l'évolution des demandes. Je rappelle que le droit d'asile est garanti tant par la Constitution que par nos engagements internationaux. Après une baisse de 2,2 % en 2014, l'Ofpra a enregistré une hausse des demandes de 23,6 % en 2015, pour atteindre 80 075, dont 59 335 premières demandes. Cette hausse devrait se confirmer en 2016.

Le projet de loi de finances pour 2017 a été construit sur une hypothèse de hausse de 15 % à 20 % en 2016 et 2017. Les moyens alloués sont, en conséquence, en augmentation. La situation des réfugiés sera au coeur de la campagne électorale, mais la majorité sénatoriale a refusé d'en débattre, ce que je regrette profondément car la situation en Syrie, en Irak ou en Érythrée ne sera pas réglée en 2017. Nous déplorons ces postures électoralistes !

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements à droite) Au nom du groupe Les Républicains, je regrette les propos déplacés du président Guillaume, qui s'en est pris au président du Sénat. Les motions de procédures sont un droit, pour la majorité comme pour l'opposition. Les socialistes en ont d'ailleurs usé lorsqu'ils étaient majoritaires, y compris contre des lois de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Avec ce dernier budget de la législature, l'heure du bilan a sonné. Comparons donc les résultats aux objectifs fixés en 2012. Lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2013, Pierre Moscovici, alors ministre de l'économie, annonçait que le Gouvernement ferait porter l'essentiel des efforts sur 2013, que la courbe de la dette serait inversée dès 2014, que l'équilibre structurel des comptes publics serait atteint en 2016 et 2017. L'échec est patent.

La dette publique a progressé de 500 milliards d'euros. Le déficit public demeure toujours au-dessus des 3 %. Quant à la courbe du chômage, le président de la République promettait, le 9 septembre 2012, sur TF1, de l'inverser en un an...

M. Ladislas Poniatowski.  - Il a dit ça ?

M. Philippe Dallier.  - Fin 2013, devant la dégradation de la situation, il amorçait son soi-disant tournant social-libéral.

Pourquoi, monsieur le ministre, en êtes-vous arrivé là ? Nouvelle crise financière majeure, flambée de l'euro, envol des taux d'intérêt ? Non ! (On renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est votre seule politique d'assommoir fiscal qui a provoqué ce trou d'air. En 2012, vous écrasiez d'impôts les entreprises et les particuliers, et vous vous étonnez que la croissance ne soit pas revenue ?

Vous avez d'abord été dans le déni. Selon le Premier ministre Ayrault en 2012, neuf Français sur dix ne devaient pas être concernés par la hausse des impôts. Pourtant, entre la hausse du forfait social, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, la hausse du plafond du quotient familial, le gel du barème de l'impôt sur le revenu, ce fut un choc de 16 milliards d'euros, auquel s'ajoute la hausse des impôts locaux rendue nécessaire par la baisse des dotations.

Seuls 44 % des Français paient l'impôt sur le revenu. C'est, comme le décrit le géographe Christophe Guilluy, la disparition des classes moyennes.

Nous avions voté, certes tardivement, la TVA compétitivité pour réduire les charges en 2012 ; vous les avez augmentées de 12,5 milliards !

Le 20 août 2013, Pierre Moscovici s'est dit sensible au ras-le-bol fiscal. Que de temps pour le comprendre. Votre choc fiscal a été récessif, l'OFCE l'a démontré : il a amputé la croissance de 0,8 point par an en moyenne entre 2012 et 2017.

Fin 2013, le président de la République a alors annoncé un changement de cap avec le CICE et un plan d'économies de 50 milliards. Mais le CICE, compliqué et mal ciblé, ne compense pas la hausse des charges et impôts de 2012. Toujours pas de croissance en 2014 et 2015, alors que nos partenaires faisaient beaucoup mieux.

Au printemps 2016, la loi El Khomri fut malheureusement vidée de sa substance par la majorité de l'Assemblée nationale.

Après la tempête de 2008-2011, le Gouvernement n'a pas su profiter de ses cinq années de tranquillité. Le retour de la croissance est annoncé depuis cinq ans, or on ne voit rien venir. « Pas de bol ! » dit le président de la République... La France ne se remet toujours pas du péché originel de 2012.

Le projet de loi de finances 2017 devrait se fonder sur deux principes : la sincérité, or les dépenses sont sous-évaluées, et la prudence, or les recettes sont surestimées.

Il devrait poursuivre deux objectifs : le retour de la croissance et la réduction du déficit budgétaire. Les objectifs, vous les affichez, mais vous ne nous donnez pas les moyens de les atteindre.

Sans croissance, nous n'avons pourtant aucune chance de faire reculer le chômage, sauf à coup d'emplois publics aidés ou de formations peu qualifiantes qui ne font que ruiner l'État.

Mais la croissance ne se décrète pas, elle résulte d'un environnement économique favorable et d'une forte compétitivité des entreprises. L'environnement économique est favorable : qu'attendez-vous pour améliorer la compétitivité des entreprises, en leur donnant plus de flexibilité ? La France fait toujours moins bien que ses partenaires, nous sommes à la traîne de nos partenaires et bientôt à la remorque de l'Allemagne - où c'est bien un Gouvernement social-démocrate qui a su prendre les lois Hartz, très critiquées chez nous mais qui, prises avant la crise, portent leurs fruits aujourd'hui.

Personne ne croit que nous atteindrons vos objectifs affichés de croissance. Les hypothèses du budget sont trop optimistes : plus 5 milliards de TVA en 2017, rien que cela... Vous augmentez artificiellement pour l'an prochain, au détriment de 2018, les recettes d'impôt sur les sociétés et de Taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), ce n'est vraiment pas sérieux.

Côté dépenses, vous présentez un budget électoral pour amadouer certaines catégories d'électeurs : hausse du point d'indice de la fonction publique et réforme de la grille des salaires feront augmenter la masse salariale de l'État de 4 milliards. Vous dites aux fonctionnaires qu'ils ont perdu du pouvoir d'achat, mais c'est faux quand on prend en compte le GVT ! De l'autre côté, vous dites aux retraités que l'absence d'inflation préserve leur pouvoir d'achat et qu'il n'y a pas lieu d'augmenter les pensions... Les fonctionnaires sont censés voter à gauche, les retraités à droite : on soigne son électorat comme on peut... (Protestations à gauche)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics.  - Surveillez vos propos, monsieur le sénateur, vous êtes enregistré et vos arguments pourront se retourner contre vous ! (M. Philippe Dallier proteste)

M. Philippe Dallier.  - Vous faites les fonds de tiroirs sans hésiter à discréditer gravement la parole de l'État, quand vous débudgétisez des PIA pour financer les dépenses générales de l'État, ou encore quand vous retirez 130 millions d'euros à Action Logement. À cela s'ajoutent 12 milliards de cadeaux fiscaux, et 5 milliards de recettes en moins. Vos successeurs paieront la note, sans doute...

Vous sous estimez les dépenses de 12 milliards d'euros...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - N'importe quoi !

M. Philippe Dallier.  - Vos hypothèses sont excessivement optimistes, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et les prévisionnistes le disent !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Qu'a dit la Commission européenne ?

M. Philippe Dallier.  - 2 200 milliards de dette publique : le chiffre est énorme.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Prenez-en votre part ! Pompier pyromane !

M. Philippe Dallier.  - Jérôme Cahuzac, en janvier 2012, dénonçait la perte de souveraineté nationale résultant de cette soumission à nos créanciers, et pointait le danger de faire financer des dépenses de fonctionnement par les générations futures... qui le contredirait ?

Ce quinquennat se termine en roue libre. Comment pourrions-nous accepter de voter ce budget, et même de le discuter ? Nous ne le ferons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christian Favier .  - Les collectivités territoriales ont contribué significativement à l'effort de redressement des comptes publics. Cet effort se poursuivra l'an prochain ; la baisse de dotation globale de fonctionnement (DGF) représente un manque à gagner de 10 milliards d'euros sur trois ans. Cette cure d'austérité pénalise surtout les départements, qui se préparent à une nouvelle diminution de 11 %, soit 1,1 milliard de la DGF.

Or les dépenses sociales explosent, notamment celles de RSA. Le dernier rapport du Secours catholique sur la pauvreté en France rappelle qu'il faut plus que jamais renforcer la solidarité : et l'on continue à tuer les départements à petit feu.

Le dispositif le plus marquant des années passées est le renforcement de la péréquation horizontale. C'est toutefois une usine à gaz, qui abrite un moyen par lequel l'État se défausse de ses responsabilités. Le transfert par l'État aux collectivités territoriales de la prise en charge des allègements fiscaux qu'il a décidés est un autre motif d'inquiétude - pour quelque 500 millions d'euros, les associations d'élus locaux s'y opposent unanimement. Les maires hors-la-loi seront favorisés au détriment des maires bâtisseurs, et surtout au détriment de l'investissement public local, qui a encore baissé de 10 % cette année, avec des conséquences directes sur l'emploi local.

Le coût du CICE, lui, s'élèvera à 1 % du PIB l'an prochain. 20 milliards, sans avoir créé le moindre emploi, quel gâchis !

Dans ce PLF, les principales ressources sont les impôts payés par les ménages, avec plus de 30 milliards d'euros de taxes foncières, plus de 20 milliards d'euros de taxe d'habitation. Et le produit des taxes sur les consommations énergétiques dévolu aux collectivités représente le double de la contribution foncière des entreprises, elle-même quasiment rattrapée par l'augmentation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères !

Enfin, vous envisagez de financer les nouvelles compétences régionales en matière économique par une fraction de la TVA, et de supprimer à terme la DGF des régions. Or la TVA est un impôt injuste : quand les ménages dont les revenus sont inférieurs à 20 000 euros par an lui consacrent 10 % de leur budget, ce taux descend à 6 % pour les ménages les plus riches ! Avec votre réforme, vous demanderez aux personnes les plus modestes, à celles et ceux qui ont du mal à terminer les fins de mois, de payer les renoncements de l'État à une véritable réforme de la fiscalité locale.

Nous déplorons cinq ans de renoncements, cinq ans d'affaiblissement des collectivités et du pouvoir des élus locaux. Cinq ans d'une République qui ne répond que de moins en moins aux besoins quotidiens des Français. C'est une tout autre politique que les élus locaux revendiquent pour la mandature à venir !

Loin de la dérégulation libérale vantée par François Fillon, nous avons besoin de redonner sens à l'action publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Bertrand .  - Je suis au groupe RDSE mais plus que socialiste, puisque je suis fléchiste ! (Sourires)

M. François Bonhomme.  - Cela existe encore !

M. Alain Bertrand.  - La preuve ! La campagne électorale nous prive malheureusement de débat : la droite sénatoriale n'a pas voulu exposer ses divergences. M. Fillon sera sans doute candidat à la présidentielle...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Oui, en effet !

M. Alain Bertrand.  - ...comme d'autres : Mme Pinel, par exemple. Le président Larcher avait annoncé vouloir faire entendre la voix du Sénat dans la République, dans les territoires, et défendre l'autonomie du Sénat. J'y souscris, mais alors pourquoi refuser le débat ? La gauche, dont une partie est absente...

M. Éric Doligé.  - Une petite partie !

M. Alain Bertrand.  - ...avait pourtant dit tout le bien que le Gouvernement a fait : réponse aux attentats, Opex, création de 60 000 postes dans l'éducation nationale, redémarrage de l'emploi, redressement des comptes publics, un budget de l'assurance-maladie à l'équilibre, 80 000 postes de policiers, les contrats de ruralité, le mariage pour tous, le plan prisons, le regroupement des intercommunalités...

M. Éric Doligé.  - Les cars Macron !

M. Alain Bertrand.  - ...la baisse de la dette...

M. Michel Bouvard.  - Quelle baisse ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Tout va mieux !

M. Alain Bertrand.  - ...Bref, je regrette que l'on ne puisse en parler sérieusement.

Un mot sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) : elles sont très étendues. Transformons-les en zones prioritaires, avec une baisse de l'impôt sur les entreprises.

La dotation de solidarité rurale devrait, elle aussi, être renforcée : 57 euros de DSU pour les urbains contre 27 euros de DSR pour les ruraux, c'est inadmissible ! 180 millions pour chacune, voilà qui rattraperait le retard.

Les zones blanches sont une autre source de préoccupation.

Je regrette, enfin, monsieur le ministre, que vous ne teniez guère compte de mon rapport sur l'hyper-ruralité, car la ruralité est, à n'en pas douter, une clé pour faire la France de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Marie Bockel .  - Le PLF est un outil majeur pour le financement de nos armées, même si celui-ci dépend dans ses grandes lignes des lois de programmation militaire.

Il y a deux ans, le Sénat avait rejeté le budget de la défense, le jugeant insincère. Il faut savoir gré au ministre d'avoir pris la mesure des difficultés.

Les crédits sont là, mais le budget des Opex demeure sous-évalué. C'est une faiblesse grave, alors que nos forces sont sollicitées aussi sur le territoire national. Le financement de notre défense est arrivé à un tel point de tension que le moindre choc exogène pousse le budget dans l'ornière. Il a fallu des interventions urgentes de nos commissions pour l'en sortir, modifier la loi de programmation militaire, en poussant à des arbitrages fondamentaux.

À la suite des attentats, le schéma de programmation est devenu obsolète, tant est si bien que le rapporteur pour avis, Yves Pozzo di Borgo a proposé de rejeter les crédits dédiés aux capacités opérationnelles, malgré la tradition de la commission qui consiste plutôt à soutenir le ministre de la défense.

Deux points méritent une attention spécifique : d'une part, la garde nationale, rendue possible par la montée en puissance de la réforme, mais qui pourrait être améliorée. L'objectif de 40 000 réservistes est intéressant, mais l'essentiel - soulager nos forces actives - reste devant nous.

D'autre part, la montée en puissance de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) est à saluer. La cyber-sécurité est un enjeu incontournable pour notre pays. Toutefois, nous manquons toujours de formations adéquates à l'attention de nos fonctionnaires civils et militaires, et de synergies avec l'université.

Malgré ces efforts, le cadre B de notre défense est trop fragile. Le groupe UDI-UC s'associera au vote de la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Joël Labbé .  - Les écologistes, encore présents, regrettent cependant eux aussi l'absence de discussion du PLF.

Le budget de l'agriculture, en hausse de 15 %, s'établit à 5,12 milliards d'euros, en raison notamment de la prise en charge de la baisse de 7 points des cotisations sociales.

Selon la MSA, plus de 30 % des exploitants ont des revenus inférieurs à 350 euros par mois en 2015.

Le 18 novembre, un accord-cadre a été signé par le ministre, Pôle Emploi et les professionnels pour les aider à s'en sortir. Pour beaucoup, il faut aider 15 % des agriculteurs à s'arrêter pour aider les autres à sortir la tête de l'eau, ce serait même la seule solution... Nous préférons, nous, la conversion !

Le ministre a annoncé le renforcement du Plan ambition bio ; c'est une bonne chose, mais cela suffira-t-il ? Le dernier rapport conjoint de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab), que j'ai sollicité en juin 2015 via une question d'actualité, mérite l'attention. La conversion vers le bio est certes une dépense dans un premier temps, mais la dépollution de l'eau fait faire entre 260 et 360 millions d'euros d'économies par an, ce serait entre 120 et 360 millions d'économies pour les nitrates... et l'on pourrait multiplier les exemples. Les services écosystémiques comme la pollinisation et la richesse microbienne des sols, en profitent. L'agriculture bio est en outre plus intensive en emplois. Le coût de chômage évité par la collectivité est de 19 à 37 euros par hectare.

Bref, l'effet de levier économique de l'agriculture bio est très fort. Cette étude souligne l'importance de la recherche en agro-écologie, et la possibilité de rémunérer les aménités de l'agriculture bio. Posons-nous la question avant même la prochaine PAC ! Ce serait certainement plus rentable que l'accumulation de plans d'urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. François Baroin .  - Ce projet de loi de finances, qui porte sur une année électorale, devait être l'occasion d'achever un programme politique et de préparer l'avenir, de dresser un tableau sincère de nos finances pour que la prochaine majorité puisse se mettre au travail dès le premier jour. Au lieu de cela, une fuite en avant, une tentative désespérée de travestir la réalité économique et financière de notre pays et de jouer aux apprentis-sorciers avec la fiscalité.

Au premier rang des promesses non tenues de François Hollande, l'inversion de la courbe du chômage, qui se fait attendre depuis 2012. Toutes catégories confondues, le chômage a considérablement progressé, pour atteindre le niveau historique de 10,5 %. La seule réponse apportée par les gouvernements de François Hollande fut les contrats aidés. Près de 203 000 nouveaux emplois aidés étaient prévus en 2016, s'y sont ajoutés 150 000 emplois par décret d'avance, alors que nous savons tous que ces emplois aidés ne sont qu'un cautère sur une jambe de bois.

Le retour du déficit en deçà de 3 % du PIB, promis par le candidat François Hollande, n'a été pas tenu en 2013, ni en 2014, ni en 2015, ni en 2016... et, si vous l'annoncez pour 2017, ce résultat est jugé plus qu'improbable par le Haut Comité des finances publiques.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Que dit la Commission européenne ?

M. François Baroin.  - La dette n'a cessé de progresser de 91,3 % à 98 % du PIB, malgré des taux d'intérêt très bas.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Parole de connaisseur !

M. François Baroin.  - Nous avions eu, nous, à affronter la plus grave crise financière depuis 1929, et avons eu à faire une relance budgétaire, comme tous nos voisins européens.

Grâce au traité budgétaire, nous revenions à une gestion rigoureuse. Hélas, l'élection de François Hollande est passée par là...

Le plan d'économies de 50 milliards n'a jamais été appliqué. La dépense publique française, elle, a progressé trois fois plus vite qu'en moyenne dans l'OCDE.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Mais tellement moins vite qu'avant !

M. François Baroin.  - La prévision de croissance du Gouvernement, 1,5 %, n'est pas plausible, et vous le savez bien.

Le consensus des économistes est de 1,3 %, le FMI et l'OCDE parient sur 1,2 % à 1,3 %, et votre politique va encore faire refluer la croissance au premier semestre.

Des recettes de 2018 sont avancées d'un an grâce à des artifices budgétaires, pour 1,2 milliard. Des postes de dépenses sont, en revanche, grossièrement sous-évalués : il manque 500 millions au budget de la santé, 1,6 milliard au financement du CICE, autant pour l'allègement de l'impôt sur les sociétés...

C'est indigne et irresponsable. Le Gouvernement socialiste tente de sortir du restaurant par l'arrière, en laissant son ardoise ! Tant pis pour les Français qui paieront l'addition.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure !

M. François Baroin.  - Et combien de cadeaux budgétaires ?

Que dire de cet écran de fumée qu'est le prélèvement à la source, qui conduira les entreprises à faire le travail de l'administration.

Ce budget, insincère, ne sera pas exécuté. (Applaudissements à droite)

Mme la présidente.  - J'appelle à être tout aussi rigoureux dans le respect des temps de parole. Tous les groupes ont dépassé leur temps de parole (Protestations sur les bancs du groupe écologiste) ... sauf les écologistes !

M. Thierry Foucaud .  - Le service public est le capital de ceux qui n'en ont pas. Nous voulons donc réhabiliter le concept même de dépense publique. Ceux qui critiquent l'investissement dans l'éducation ou les hôpitaux sont beaucoup moins regardants sur les crédits d'impôt au profit des plus riches !

On nous a rabâché qu'il fallait réduire le déficit jusqu'à 3 % du PIB. Et maintenant qu'il a été réduit à 3 %, on continue à nous chanter la même sérénade !

M. Fillon et la majorité sénatoriale prônent la suppression de 500 000 emplois publics, c'est-à-dire la casse du service public. Ils en attendent 15 milliards d'euros d'économies. Ont-ils intégré les baisses de recettes fiscales et sociales provoquées par la hausse conséquente du chômage ? Songent-ils que ce sont les couches moyennes qui soutiennent l'activité de bien des secteurs ?

Ce thatchérisme mettrait la France à genoux.

Ce n'est pas que nous approuvions le projet de budget du Gouvernement. La caisse de retraite des agents des collectivités territoriales est mise à mal. Par ricochet, c'est aussi le cas du Régime social des indépendants (RSI) et du régime agricole.

Cette austérité ne répond pas aux besoins des Français. L'investissement dans la transition écologique, c'est de la dépense publique !

Il y a mieux à faire, avec les 20 milliards d'euros du CICE, les 30 milliards d'exonération de cotisations sociales et les 6 milliards du Crédit d'impôt recherche (CIR). Assez de cadeaux à de grandes entreprises qui préfèrent payer des dividendes à leurs actionnaires et rehausser la rémunération de leurs dirigeants, plutôt que d'embaucher !

Il nous faut une dépense publique renforcée au service de la transition écologique, du logement pour tous - et non de promoteurs requins. Une dépense publique tournée vers l'investissement général : c'est la voie de l'avenir, celle que nos concitoyens attendent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Michel Amiel .  - Mon intervention paraîtra bien dérisoire, face à ce non-débat, ce déni de bicamérisme que je regrette profondément.

Je m'en tiendrai au budget de la santé, dont l'architecture a été transformée par la création d'une grande agence chargée de la veille sanitaire et de la prévention.

Le programme 204 accompagnera la modernisation de l'offre de soins. L'action 12 est essentielle - je déplore l'abandon de l'intitulé « Éducation à la santé ». Notre pays, dans ce domaine, est en retard ! La bonne santé d'un adulte se prépare dès le plus jeune âge. Je me félicite en revanche de la mise en place d'indicateurs précis de prévention. Les maladies infectieuses, en particulier, restent un enjeu de santé publique.

Les crédits de l'action 14 sont en augmentation - hélas, car cela signifie que de plus en plus de Français sont concernés par la santé mentale et la lutte contre les addictions.

Le programme 183 finance l'Aide médicale d'État (AME) et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Si le budget de l'AME est en hausse, celle-ci est inférieure à l'augmentation du nombre de bénéficiaires. L'AME répond à une nécessité humanitaire, pour une médecine humanitaire ; soigner est un devoir, mais aussi à l'impératif de protéger la population entière de la contagion.

J'aurais aimé pouvoir débattre de ces sujets, de manière ouverte et sincère. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)