Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Interdictions de stade et accès à la fonction publique

M. Alain Duran .  - Ma question porte sur les éventuelles implications des mesures d'interdiction administrative ou judiciaire de stade pouvant être prises concernant des supporters de clubs sportifs.

J'ai été saisi du cas d'un supporter qui s'est vu retirer le bénéfice de la réussite à un concours de la fonction publique pour avoir par le passé fait l'objet de mesures d'interdiction administrative de stade, pour des faits sans violence, lesquelles n'ont pas été suivies d'une confirmation par l'autorité judiciaire.

L'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire [...] si les mentions portées au bulletin n°2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ».

Le prononcé d'une ou plusieurs interdictions administratives ou judiciaires de stade est-il inscrit au casier judiciaire et ces sanctions sont-elles susceptibles d'interdire aux personnes concernées d'intégrer la fonction publique ?

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique .  - Le juge administratif rejette tout caractère automatique de refus d'accorder la qualité de fonctionnaire à une personne dont le bulletin n°2 du casier judiciaire est porteur d'une inscription : il fait application du principe de proportionnalité et juge au cas par cas. L'interdiction préventive de stade n'est pas priori susceptible de faire obstacle à la reconnaissance de la qualité de fonctionnaire; mais l'administration peut exiger, pour certaines fonctions et sous le contrôle du juge, une moralité irréprochable en se fondant sur des faits matériellement établis, même non inscrits au bulletin n°2. En l'absence de précisions sur les fonctions visées dans le cas que vous citez, je ne saurai vous en dire plus.

M. Alain Duran.  - Merci. Ce type de refus peut avoir des conséquences dramatiques pour nos jeunes.

Conséquences pour la pêche de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne

M. Jean-François Rapin .  - Ma question porte sur les conséquences pour la pêche en Manche et mer du Nord d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Depuis le résultat du référendum du 23 juin 2016, actant la volonté des Britanniques de sortir de l'Union européenne, les pêcheurs français, notamment ceux des Hauts-de-France, sont inquiets. Si l'Union européenne a des défauts et des lourdeurs bureaucratiques, elle a instauré la communautarisation des zones économiques exclusives de ses États membres, ainsi que la négociation des totaux admissibles de capture et quotas chaque année. La politique commune de la pêche fixe un cadre commun. Or la pêche régionale française est fortement dépendante des eaux anglaises : 60 % de l'activité de la flottille régionale se situe dans les eaux anglaises et même 80 % pour les navires hauturiers qui pêchent au large de l'Écosse.

Les négociations vont s'ouvrir, il importe de s'assurer que les intérêts des pêcheurs français seront défendus. Quid de l'accès des navires français aux eaux britanniques ? Quid de l'accès des produits britanniques au marché unique ? Quid des droits historiques des pêcheurs français, qui existent depuis la fin du XIXe siècle ?

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Vidalies. Nous partageons votre légitime inquiétude. Le peuple britannique s'est exprimé, son choix démocratique doit être respecté. Mais il peut avoir des implications importantes pour nombre de secteurs, dont la pêche.

Comme cela a été indiqué lors du dernier conseil interministériel de la mer, les intérêts de nos pêcheurs seront âprement défendus durant les négociations. Le Premier ministre l'a confirmé lors de sa déclaration de politique générale.

Pour l'heure, les demandes des Britanniques ne sont pas connues. On peut supposer qu'elles porteront sur l'accès à leur ZEE et aux zones de pêche traditionnelle situées dans leurs eaux territoriales, de même qu'à la répartition des quotas. Le Gouvernement, conscient que le Royaume-Uni est importateur de produits de la mer, reste pleinement mobilisé et vigilant pour défendre les intérêts des pêcheurs français.

M. Jean-François Rapin.  - Merci. Beaucoup de questions se posent encore. Je souhaite que le Parlement soit associé à ces négociations.

Appellations d'origine bugey-cerdon et clairette de Die

M. Patrick Chaize .  - Ma question porte sur l'appellation d'origine contrôlée (AOC) bugey-cerdon délivrée en 2009.

Dans l'Ain, des générations de producteurs bugistes représentés aujourd'hui par le syndicat des vins du Bugey, reconnu comme organisme de défense et de gestion, ont oeuvré pour faire reconnaître le vin effervescent bugey-cerdon méthode ancestrale.

Le bugey-cerdon représente 50 % de la production des vins du Bugey, pour un total de 15 000 hectolitres annuels. Il s'inscrit comme il se doit dans le cadre d'un cahier des charges très restrictif.

Il s'avère que la clairette de Die, vin rosé effervescent de la vallée de la Drôme, alors qu'il est historiquement blanc, a fait l'objet d'une AOC reconnue par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), le 7 septembre 2016 et confirmée par arrêté en novembre.

Cette reconnaissance est étonnante en ce qu'elle concerne la création d'une catégorie jusque-là inexistante - nouvelle couleur de vin et nouveaux cépages au cahier des charges. Les quelques références historiques ne sauraient donner une légitimité à la clairette de Die rosé.

Cette situation est un non-sens. En effet, l'AOC bugey-cerdon a elle-même été reconnue sur la base d'us et coutumes, d'une notoriété dûment établie ainsi que d'une antériorité certaine dans sa propre région de production. La clairette de Die rosé va disposer d'un potentiel sans commune mesure avec la production de bugey-cerdon. La typicité du bugey-cerdon sera noyée dans une production plus importante et concurrencée par un vignoble voisin disposant de règles différentes. La décision de l'INAO suscite une inquiétude légitime, qui va casser la dynamique observée depuis plusieurs années.

Les viticulteurs bugistes et les élus de l'Ain sont pleinement mobilisés. Pouvez-vous me donner des explications sur cette décision, monsieur le ministre ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - L'INAO est composé de professionnels, qui décident des appellations en toute connaissance de cause. Ces sujets sont trop complexes pour que le ministre, aux pouvoirs limités en la matière, s'en mêle...

Un débat a eu lieu sur cette appellation, il a été tranché ; le ministre ne saurait désavouer les experts de l'INAO. L'appellation bugey est suffisamment solide...

M. Didier Guillaume.  - Mais oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - ...pour supporter la concurrence de la clairette de Die.

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Patrick Chaize.  - C'est vous qui signez l'arrêté ! En votre âme et conscience, ajouterais-je. Je vous ai écrit à ce sujet, vous ne m'avez pas répondu. Je suis inquiet pour tous les produits en AOC : cette décision valide la pratique de la copie !

M. Didier Guillaume.  - Mais non !

Arboriculture et brouettes de cueillette

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - En France, la filière arboricole fruitière représente 6 % de la totalité des exploitants agricoles. Les exploitations produisant des fruits mobilisent 9 % de la main-d'oeuvre agricole et 27 % du salariat saisonnier. Plus de 70 % des exploitations fruitières sont pourvoyeurs d'emploi et les exploitations produisant des fruits à pépins sont celles qui emploient le plus de main-d'oeuvre ; le premier bassin de production est le sud-est.

Dans ce contexte, la prévention du risque de chute de hauteur est une problématique omniprésente qu'il convient d'aborder au regard de la réalité de l'arboriculture. La réglementation en vigueur prévoit de réaliser des travaux depuis un plan de travail conçu, installé et équipé de manière à garantir la sécurité des personnes, c'est-à-dire depuis une surface plane, horizontale et équipée de garde-corps ; l'utilisation d'échelles, escabeaux et marchepieds est proscrite. À ce jour, deux mesures dérogatoires peuvent être prises, mais la difficulté est que les travaux doivent s'effectuer sur une courte durée et qu'ils ne doivent pas être répétitifs.

Alors que la filière arboricole fruitière traverse une grave crise, l'obligation faite aux arboriculteurs de doubler le nombre de plateformes de relève, outre qu'elle est inadaptée à la réalité des vergers, ne serait pas sans conséquence financière. Le temps de cueillette en serait augmenté et le travail saisonnier mis à mal.

Je vous demande de suspendre cette mesure et d'être attentif à l'accompagnement des professionnels d'un secteur en grande difficulté.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je mesure parfaitement la crise que traverse l'arboriculture, et suis dans le même temps très soucieux de prévenir les accidents du travail. En responsabilité, je ne saurai suspendre l'application des règles visant à limiter les chutes en hauteur, qui figurent dans le plan Sécurité au travail, même si des adaptations sont toujours possibles.

Mes services ont réalisé en mars 2015, en concertation avec les professionnels, un guide sur les règles de travail en hauteur, pour accompagner les arboriculteurs dans une démarche d'évaluation des risques et la mise en oeuvre de la réglementation. Toutes les situations concrètes de terrain sont prises en compte.

L'AFNOR travaille à son propre guide sur les adaptations techniques requises dans les vergers anciens. Voilà comment le ministère organise la satisfaction des deux objectifs que nous poursuivons.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Mme la ministre du travail a rencontré les arboriculteurs de mon département et promis une réponse rapide. Mais alors que la cueillette est terminée, nous l'attendons toujours.

Une norme européenne serait en projet. J'espère que le ministre est attentif à ce qu'elle n'ajoute pas des contraintes supplémentaires dans un secteur déjà en crise...

Procédure de permis de construire pour les exploitations agricoles

M. Alain Vasselle .  - Ma question porte sur la procédure de permis de construire pour les exploitations agricoles.

L'article L. 431-1 du code de l'urbanisme prévoit le recours obligatoire à un architecte pour établir le projet, dans l'instruction de la demande de permis de construire. L'exception prévue à l'article L. 431-3 concerne les exploitations agricoles qui modifient elles-mêmes une construction de faible importance, dont la surface maximale est fixée par décret. Depuis le décret du 29 décembre 2011, cette surface est fixée à 800 m², niveau beaucoup trop bas pour la profession agricole et notamment pour l'élevage.

Une révision des textes réglementaires paraît nécessaire. Le recours à un architecte augmente le coût des projets de 5 à 10 %, dans un contexte déjà peu propice à l'investissement. Il faudrait en outre rehausser le seuil de surface à 4 000 m².

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Avec les régions, nous avons mis en place le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Les investissements étaient estimés à 200, 250 millions d'euros. Ils seront finalement de 400 millions d'euros... C'est dire que la règlementation n'est pas un frein. Nous pouvons certes discuter de la pertinence de certains seuils, car il y a probablement des choses à faire évoluer, mais ces normes restent utiles - elles existent d'ailleurs dans tous les pays européens. Et passer de 800 à 4 000 m², c'est prendre des risques pour les paysages...

M. Alain Vasselle.  - Je donne acte au Gouvernement de son soutien à l'investissement dans les bâtiments d'élevage. Vous savez bien pourtant que là où il y a des documents d'urbanisme, les règles s'imposent aux agriculteurs. Même si le seuil de 4 000 m² n'est pas atteint, il faudrait aller au-delà de 800 m². Idéalement, il faudrait supprimer tout seuil...

Suspicion jetée sur la qualité sanitaire des produits alimentaires français

M. Gérard Bailly .  - Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé. Certains médias dénigrent sans cesse la qualité des produits alimentaires français, créant ainsi la suspicion et de l'inquiétude dans l'esprit de nos concitoyens. Il ne se passe pas une semaine sans qu'ils n'évoquent un problème de santé publique qui serait lié à notre alimentation. On ne peut laisser dire n'importe quoi, surtout lorsque les propos tenus sont malveillants et faux. Tous les produits alimentaires ont été ou sont concernés : un jour le lait, un autre jour le pain ou les oeufs, le sucre, les crustacés ou certains fruits et légumes.

La critique se focalise depuis mai sur la viande, avec pêle-mêle les gaz entériques des bovins, les conditions d'abattage, le bien-être animal et désormais la consommation d'eau. Le Progrès de Lyon, édition du Jura du 15 mai 2016, indique qu'il faudrait 15 500 litres d'eau pour faire 1 kg de boeuf, c'est-à-dire 4 650 m3 d'eau par bovin... L'article affirmait aussi que 40 % des ressources en eau du pays seraient utilisées pour nourrir le bétail, affirmation totalement fausse et qui de surcroît ne tient pas compte du recyclage de l'eau.

Je déplore que les médias relaient autant de contre-vérités et suis convaincu que l'objectif est de pousser les Français à devenir végétariens voire végétaliens...

Toutes les mesures nécessaires doivent être prises face au découragement des éleveurs, qui se battent pour maintenir leurs exploitations et leurs modes d'exploitation et offrir aux consommateurs des produits de qualité et une nourriture saine. Sans eux, de grandes parties du territoire seraient des friches.

Le dénigrement injustifié doit cesser. J'interroge Mme la ministre de la santé : y-a-t-il un danger pour la santé à manger les produits français, et si tel est le cas, quels produits posent problème ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Non, il n'y a pas de problème à manger des produits français. Oui, nous avons valorisé l'origine France (M. Gérard Bailly en convient), à tel point que des investisseurs européens s'y intéressent.

Nous avons fait des progrès pour le bien-être animal, les conditions d'abattage ; la consommation des antibiotiques a baissé de plus de 20 %, davantage qu'escompté. Il faut le savoir. On introduit dans l'alimentation animale des éléments qui améliorent la santé humaine, comme le lin et les légumineuses qui augmentent la teneur de la viande en oméga 3 et en acides gras polyinsaturés.

La qualité des produits progresse. Ce qui ne tarit pas les critiques, parfois virulentes, c'est vrai, de la part le plus souvent de végans qui vivent leur choix comme un engagement militant. Mais il faut le dire, leur logique conduit à la fin de toute espèce de domestication animale. Cela aurait des conséquences radicales, dramatiques.

En attendant, la production et l'élevage français ont fait, font et continuent à faire des progrès. Il y a 70 000 ans, les chasseurs-cueilleurs cueillaient mais chassaient aussi...

M. Gérard Bailly.  - Ma question s'adressait en réalité plus à la ministre de la santé... J'aimerais qu'elle prenne position pour combattre la désinformation médiatique. À défaut, nous ne mangerons plus que du boeuf aux hormones venu d'outre-Atlantique... Je ne remets pas en question votre parole, vous le savez bien, monsieur le ministre.

Situation des éleveurs de bovins allaitants

M. Philippe Mouiller .  - Ma question porte sur la situation économique désastreuse des éleveurs de bovins allaitants. Ces races et ces savoir-faire, qui constituent l'exemple le plus avancé du « made in France », sont aujourd'hui en péril.

Il y a les effets collatéraux de la crise laitière mais aussi la surtransposition des directives européennes et la prolifération des normes. Je regrette à cet égard que la proposition de loi du Sénat n'ait pas été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

L'élevage allaitant, les territoires, les races et les savoir-faire millénaires servent de monnaie d'échange de la politique étrangère de la France. Les conséquences de la position de notre pays à l'égard de la Russie ne doivent plus être supportées par l'agriculture et les éleveurs français. Les restrictions à l'exportation de bovins vers la Turquie relèvent davantage d'une question de géopolitique que d'une question sanitaire.

La France doit porter une stratégie concrète à l'export, une stratégie offensive. Accompagner les professionnels doit être une priorité de l'État. Et le comité export convoqué en urgence - il ne s'est pas réuni depuis octobre 2015. On ne peut laisser la main aux seuls opérateurs industriels.

Le temps est compté. Quelles mesures entendez-vous prendre ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - La création de la plateforme export procède de mon initiative, mais le ministre ne peut pas exporter à la place des exportateurs...

C'est moi, encore, qui ai rouvert le marché turc, après la visite officielle du président de la République et nous continuons à travailler pour ouvrir les marchés algérien et égyptien, et signer des contrats sanitaires à cette fin. À chaque fois que nous le pouvons, nous aidons...

Les normes sont sans doute un problème, mais lesquelles pourraient compenser un différentiel de compétitivité de 20 % à 25 % ? Dire « il suffit de... », c'est préparer des lendemains difficiles...

Les abattages de vaches laitières ont été régulés, nous travaillons à restructurer la filière, mais le ministre ne peut se substituer aux producteurs...

M. Philippe Mouiller.  - En matière d'agriculture, l'anticipation et la stratégie sont fondamentales. On ne peut se contenter de créer un outil comme la plateforme export, il faut aussi accompagner les éleveurs. La refonte de la carte des zones défavorisées ajoute des difficultés aux difficultés dans les Deux-Sèvres. Quant aux normes, il suffit de constater la complexité ajoutée par l'administration dans la surtransposition des normes européennes pour voir que votre discours selon lequel on ne peut rien faire tient du fatalisme... (M. Loïc Hervé applaudit)

Mesures de régulation aux fins de lutte contre les « déserts médicaux »

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - Il n'y a jamais eu autant de médecins en France, et pourtant les déserts médicaux en campagne et en zone périurbaine se développent ; 49 % des Sarthois, par exemple, ont vu leur accès géographique aux médecins généralistes reculer, et plus encore pour les spécialistes : 84 % pour les pédiatres, 75 % pour les ophtalmologues, 73 % pour les gynécologues.

Le 25 août 2016, une nouvelle convention entre médecins et sécurité sociale a été signée, qui comprend de nouvelles mesures pour les zones sous dotées, cependant incitatives. Le contrat d'engagement de service public ou le statut de praticien territorial de médecine générale n'ont pas permis d'inverser la tendance. Quant à la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), elle est coûteuse et met en lumière les divergences d'approches entre élus et professionnels de santé.

Augmenter le numerus clausus reste une solution à long terme au regard du temps de formation ; et hypothétique, puisqu'on n'est pas assuré que l'installation se fera en zone sous-dotée. Le conventionnement sélectif, le recours aux retraités, ont été envisagés et votés au Sénat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; il est dommage que ces pistes n'aient pas été reprises.

Quel est votre avis concernant la mise en place de mesures concrètes de régulation en complément de l'arsenal incitatif existant : par exemple, la revalorisation substantielle des aides que prévoit la convention médicale dans ses options « démographie » et « santé-solidarité territoriale » dans les zonages déterminés par les agences régionales de santé (ARS) mais aussi dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) en y allégeant les conditions ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Votre inquiétude est légitime. Le problème n'est pas nouveau... Le Gouvernement défend une ambition claire : inciter les jeunes médecins à s'installer dans les zones sous-denses et y sécuriser la pratique des généralistes ; 665 praticiens territoriaux en médecine générale se sont déjà installés, 1 750 étudiants ont signé un contrat d'engagement de service public, et notre pays compte désormais 830 maisons de santé pluridisciplinaires (MSP).La formation a été revue et le nombre de maîtres de stage universitaires augmenté. Mme la ministre de la santé fera prochainement le bilan du pacte territoire santé.

Une restriction à la liberté d'installation serait contre-productive. Un quart des diplômés ne s'inscrivent pas à l'Ordre. On risquerait une médecine à deux vitesses. La démographie médicale est un sujet complexe ; il faut refuser les mirages du court-termisme et réformer en profondeur.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Certains territoires souffrent plus que d'autres. Si les mesures générales suffisent pour d'autres territoires, ils sont insuffisants pour les Pays de la Loire, par exemple. De l'incitation, il va falloir passer à la contrainte.

Statut des médecins de secours en montagne

M. Jean-Yves Roux .  - Ma question porte sur les médecins embarqués dans les hélicoptères de secours en montagne.

En effet, 150 médecins sont mobilisés pour assurer la sécurité et la santé des personnes, dans des conditions très dangereuses. Le lieu est souvent difficile d'accès. En montagne, la distance d'un SMUR est en moyenne de 45 minutes par hélicoptère. Or certains médecins, qui ne bénéficient pas du statut de fonctionnaires, ne bénéficient pas de la bonification des points de retraite en compensation de la dangerosité, alors que tous remplissent les missions de la même façon. En application de la loi du 4 mars 2002, cette disposition s'applique à l'ensemble des civils et militaires embarqués. Comment faire en sorte que tous ces médecins bénéficient effectivement des mêmes droits à la retraite ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Les statuts des intervenants des équipes de secours sont différents, c'est vrai, et cela entraîne des différences de rémunération et d'avantages de retraite. Mais les comparaisons nécessitent de prendre en compte toutes les caractéristiques.

Certains avantages familiaux peuvent être plus intéressants dans le régime général, par exemple. La différence ne se limite pas à la retraite ; ainsi la rémunération peut être différente, avec des coefficients différents pour les services aériens.

M. Jean-Yves Roux.  - Le nombre de médecins concernés est très faible. Une prise en compte de la pénibilité et des particularités territoriales serait bienvenue...

Désertification médicale

M. Olivier Cigolotti .  - Les déserts médicaux et les refus de soin sont en hausse. Jusqu'à un tiers des Français ont des difficultés d'accès géographique à trois spécialités - pédiatrie, gynécologie, ophtalmologie - et un quart aux médecins généralistes. Au tarif de la sécurité sociale, ce sont plus de huit Français sur dix qui manquent de gynécologues et d'ophtalmologistes. Pis, l'offre au tarif opposable pour ces trois spécialités s'est réduite depuis 2012 pour plus d'un Français sur deux.

La première cause est géographique. Malgré les mesures incitatives, la répartition géographique des professionnels de santé s'est dégradée. En quatre ans, 27 % des Français ont vu leur accès aux généralistes reculer. La deuxième cause est liée aux tarifs : les dépassements d'honoraires ont continué à croître depuis 2012. En Haute-Loire, l'accès aux soins d'un spécialiste sans dépassement d'honoraires est difficile ou en situation de désert médical.

Pour mieux répartir les médecins sur le territoire, un conventionnement sélectif doit être mis en place. La mutuelle ne peut remplacer l'action publique. Madame la ministre, que faites-vous pour garantir un égal accès aux soins ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Ne vous en déplaise, les dépassements n'ont pas augmenté depuis 2012, après vingt ans de hausse ininterrompue. Ils ont au contraire diminué de deux points ! Le contrat d'accès aux soins a été rebaptisé « option pratique tarifaire maîtrisée ».

Avec votre proposition, il y aurait une minorité de médecins conventionnés et une majorité de médecins qui ne le seraient pas. Autant dire une médecine du riche, rapide, et une médecine du pauvre soumise à des délais inacceptables.

Dans la Haute-Loire, nous avons obtenu l'installation de trois médecins généralistes et de sept médecins de SAMU.

M. Olivier Cigolotti.  - Les collectivités territoriales font des efforts importants pour installer des maisons de santé pluridisciplinaires. Les mesures incitatives ont trouvé leurs limites. Il va falloir passer à des mesures coercitives pour mailler le territoire.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Stage en PME pour les diplômés

M. Yannick Vaugrenard .  - Je propose de rendre obligatoire un stage dans une petite et moyenne entreprise (PME) pour les élèves des grandes écoles.

Les PME embauchent moins de jeunes diplômés que les grandes entreprises. Pourtant, de nombreuses études montrent l'importance de ces profils pour leur développement et donc pour la croissance. Même les PME les plus dynamiques peinent à recruter des jeunes diplômés. En Allemagne, le niveau moyen d'encadrement des PME et entreprises de taille intermédiaire est bien meilleur, notamment parce que les jeunes diplômés s'y orientent naturellement. La Grande-Bretagne a mis en place des programmes particuliers associant grandes universités et PME.

Trop souvent, les étudiants des grandes écoles intègrent des grandes entreprises, publiques ou privées, ce qui ne donne pas une réelle image de la vie économique de notre pays. Nos entrepreneurs seraient preneurs et la BPI s'intéresse à ce sujet. Elle pourrait être un facilitateur. Quelle est votre position sur cette proposition ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Votre constat est juste : les PME auraient intérêt à bénéficier de l'expertise des diplômés des grandes écoles, mais aussi des diplômés de masters et des docteurs de l'Université. En vous appuyant sur des expériences étrangères, vous proposez un stage obligatoire. Je ne suis pas sûr d'aller aussi loin. Il faudrait que le tissu des PME françaises y soit prêt or ce n'est pas la tradition française. Enfin, cela heurterait le principe d'autonomie des écoles dans l'organisation de leur scolarité. En revanche, les conventions industrielles de formation par la recherche contribuent à créer ce lien. Nous pourrions travailler ensemble autour d'un rapport sur ce sujet.

M. Yannick Vaugrenard.  - Je suis satisfait que nous soyons d'accord sur le constat. Je prends bonne note de votre proposition. Nous pourrions toutefois expérimenter. Les représentants de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, avec qui j'en ai parlé, sont d'accord. Nous pâtissons, sur le plan économique, de l'ignorance du monde économique où sont nos grands décideurs. Expérimentons et évaluons.

École inclusive

M. Jean-Louis Tourenne .  - Le Gouvernement a inscrit comme objectif prioritaire l'intégration des personnes en situation de handicap. À l'école, de gros efforts ont été réalisés. Mais la question n'est pas seulement l'inclusion, c'est aussi la réussite, ce qui nécessite des moyens humains. C'est ce qui a été fait, avec les auxiliaires de vie scolaire, notamment. Ceux-ci ne sauraient toutefois être des personnes en contrat d'insertion, sans formation et sans accompagnement. Combien d'entre eux sont formés ? Quels sont les besoins ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les auxiliaires de vie scolaire jouent un rôle primordial, en effet. Le décret du 27 juin 2014 a consacré leur statut et leurs carrières, en prévoyant, au bout de six ans, une intégration dans le corps des assistants d'éducation, précisé par la circulaire du 8 juillet 2014.

Lors de la dernière conférence nationale du handicap, le président de la République a annoncé la création de 32 000 postes d'accompagnants des élèves en situation de handicap sur cinq ans par transformation de 56 000 emplois. En 2016, 6 400 emplois temps plein ont ainsi été créés, auxquels s'ajoutent 1 351 emplois pour la rentrée scolaire 2017 prévus au projet de loi de finances pour 2017.

Ces personnels suivent un module de formation de 60 heures sur leur temps de travail et pourront bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Merci pour la qualité de votre réponse. Les efforts du Gouvernement sont impressionnants. Mais apparaissent de nouveaux handicaps cognitifs qui n'étaient pas décelés, tels que dyscalculie, dyslexie, dysorthographie. Les élèves qui en souffrent pourraient pourtant tout à fait suivre des études. Or les écoles, sans une formation spécifique, ne peuvent les prendre en charge. C'est un gâchis d'intelligence.

Sportifs au baccalauréat

M. Yannick Vaugrenard, en remplacement de Mme Claudine Lepage .  - Mme Claudine Lepage, absente, m'a demandé de poser sa question à Mme la ministre de l'Éducation nationale.

L'article L. 331-6 du code de l'éducation indique que les établissements scolaires du second degré permettent, selon des formules adaptées, la préparation des élèves en vue de la pratique sportive d'excellence. Cette disposition est censée s'appliquer aux établissements scolaires français à l'étranger. Malheureusement, malgré le loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels, il est toujours aussi difficile pour les élèves membres du réseau d'enseignement français à l'étranger de bénéficier du statut de sportif de haut niveau et de s'inscrire à l'option sport de haut niveau au baccalauréat.

Un dispositif ne pourrait-il être mis en place entre le ministère de l'Éducation nationale, les établissements français de l'étranger et les postes diplomatiques afin de faciliter la signature de conventions entre les clubs sportifs locaux de haut niveau et les établissements scolaires ? Les élèves français de l'étranger doivent, eux aussi pouvoir bénéficier réellement du statut de sportif de haut niveau.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci à Mme Lepage de sa question très précise, qui appelle une réponse précise. La note interministérielle du 30 avril 2014 définit le champ concerné et les modalités de déroulement des études en France et à l'étranger. De nombreux dispositifs d'aide existent, avec dispense de la partie physique de l'épreuve d'EPS, notamment. Ceux qui étudient à l'étranger en bénéficient de droit.

Ceux qui pratiqueraient dans un club étranger auraient besoin d'une convention entre ce club et la fédération française du sport concerné.

M. Yannick Vaugrenard.  - Mme Lepage propose une autre solution : une délégation au conseiller de coopération culturelle ou au chef d'établissement.

Régénération des huiles noires

Mme Agnès Canayer .  - Malheureusement en France, la filière de régénération des huiles noires est remise en cause.

En effet, le 8 août 2016 a été pris un arrêté modifiant l'arrêté du 28 janvier 1999 relatif aux conditions de ramassage des huiles usagées. La gratuité de la collecte est temporairement suspendue sur le territoire métropolitain. Cette disposition a un double impact, économique et écologique.

Les deux seules usines de régénération d'huiles noires sont installées en Seine-Maritime. Les garages ne les approvisionnent plus et l'une des deux a dû cesser le travail.

Une question écrite de Gérard Bailly n'a pas reçu de réponse satisfaisante. Rien n'est prévu pour remplacer le soutien de l'Ademe à la filière. Comment le Gouvernement entend-il soutenir cette filière ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Plus compétente que moi en la matière, Mme Royal m'a chargé de vous répondre.

L'arrêté du 8 août était très attendu ; il réduit les incertitudes et devrait augmenter les quantités ramassées. La charte d'engagement signée le 29 septembre 2016 prévoit l'orientation prioritaire des huiles usagées vers la régénération.

La collecte payante n'est pas satisfaisante, car cela peut inciter certains à déverser les huiles dans le milieu naturel, malgré l'interdiction, plutôt que de payer un ramasseur agréé. Plusieurs pistes ont été identifiées : évolution de la TGAP, ou mise en place d'une filière de responsabilité élargie aux producteurs.

Mme Agnès Canayer.  - Il y a urgence à intervenir. Cette filière se détourne aujourd'hui vers les usines italiennes et allemandes, bien mieux soutenues.

Poste de police d'Oissel

M. Thierry Foucaud .  - Le poste de police d'Oissel qui dépend du commissariat de Saint-Étienne-du-Rouvray et de la zone de sécurité publique Rouen-Elbeuf, devait normalement fonctionner avec un effectif de quatre policiers, ce qui est peu pour une commune de 12 000 habitants. Or ce bureau connaît depuis quelque temps des dysfonctionnements dus à une insuffisance d'effectifs chronique.

En novembre 2015, il avait d'ailleurs été purement et simplement fermé ! Depuis, suite à l'intervention du maire, le poste est ouvert mais seulement le mardi et le jeudi matin, privant les habitants de la commune d'un service de sécurité à proximité.

Alors qu'aucune amélioration de la situation n'a été constatée, M. Cazeneuve s'est rendu le 17 novembre 2016 à Elbeuf où il a souligné à juste titre à cette occasion « le courage des policiers qui sont intervenus à Saint-Étienne-du-Rouvray dans un territoire qui a été durement éprouvé par le terrorisme ». Il a également annoncé la venue d'adjoints de sécurité et de gradés et gardiens de la paix en Seine-Maritime supplémentaires. Le poste d'Oissel en profitera-t-il ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - 9 000 postes de policiers ont été créés pendant le quinquennat. Le Premier ministre a annoncé la venue de quinze gardiens et gradés en plus pour la circonscription de Rouen dès ce printemps.

Dans le département, les effectifs passeront de 2682 agents fin novembre à 2720 fin mai La seule sécurité publique bénéficiera de 39 agents supplémentaires. La ville d'Oissel dispose d'un bureau qui compte trois policiers. Il sera maintenu dans la réorganisation prochaine ; il sera même renforcé d'un agent. Certes, ses horaires sont une contrainte. Mais la sécurité d'Oissel est assurée par une patrouille de seize policiers et trois auxiliaires de sécurité de Saint-Étienne-du-Rouvray, mais aussi par la brigade anticriminalité de Rouen, qui compte 50 policiers.

M. Thierry Foucaud.  - Ma question portait sur l'ouverture le matin et l'après-midi, et toute la semaine, du poste de police. Dans une ville comme celle-ci, il faut renforcer la sécurité.

Accueil des enfants placés

M. Jean-Léonce Dupont .  - De 5 000 dans les années 1970, le nombre d'enfants confiés est passé dans le Calvados à 2 250, ce qui est supérieur de 15 % à la moyenne nationale.

Le système est totalement saturé. La maison départementale de l'enfance et de la famille ne peut plus remplir son rôle d'accueil d'urgence et plus aucune place n'est disponible. Cent vingt décisions de placement ne sont pas exécutées, avec tous les risques de mise en jeu de la responsabilité pénale que cela implique.

Pourquoi ? Le manque cruel de places en institut médico-éducatif, en instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, la fermeture de ces établissements les week-ends et vacances font qu'entre 80 et 100 enfants relevant du médico-social sont confiés au département par défaut.

La prise en charge des mineurs non accompagnés et des mineurs isolés étrangers est de plus en plus difficile. Au rythme de leur arrivée, il faudra réaliser l'instruction de 500 primo-demandes de mineurs non accompagnés ou supposés en 2016. Ces jeunes, quand ils sont reconnus mineurs et pendant la procédure d'évaluation, prennent des places à la maison départementale de l'enfance et de la famille et dans les maisons d'enfants à caractère social. Outre leur coût - six millions d'euros - ces prises en charge en constante augmentation paralysent notre dispositif de protection de l'enfance.

Cette prise en charge relève de la politique migratoire, compétence de l'État ; les services départementaux du Calvados ne sont pas équipés pour assurer une mission d'évaluation de la minorité. Pour le moins, toute la période relative à la phase d'investigation et d'évaluation de la minorité devrait être prise en charge par l'État et non pas seulement les cinq premiers jours.

Une batterie de mesures a été mise en place pour faire face à cette asphyxie de notre dispositif de protection de l'enfance, mais le problème reste entier.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - J'ai porté la loi du 14 mars 2016 pour la protection de l'enfance, inspirée de la proposition de loi sénatoriale de Mmes Dini et Meunier. Elle fait évoluer la philosophie de la protection de l'enfance.

J'invite les départements et les juges pour enfants à utiliser les dispositifs comme les tiers de confiance ou ceux relatifs à la sortie des jeunes majeurs : conventions entre départements et préfectures pour l'obtention de titres de séjour pour pouvoir travailler, entre autres.

Sept à huit professionnels doivent parfois se succéder... Il faut donc mettre tout le monde autour de la table pour rationaliser ce qui peut l'être. La cellule de répartition organise la péréquation pour l'accueil des mineurs non accompagnés. L'État devrait y participer.

Les mineurs de Calais sont actuellement pris en charge par des centres spécifiques et seront progressivement orientés vers des dispositifs de droit commun.

M. Jean-Léonce Dupont.  - Je sais bien le travail que vous avez mené, madame la ministre. Mais vous devez prendre conscience que ce système est si embolisé que des mesures de coordination ne suffiront pas. Dans le Calvados, le nombre de décisions de justice est supérieur à la moyenne, les jeunes handicapés sont orientés à tort vers nos établissements.

Ayez conscience du désespoir des travailleurs sociaux devant l'inutilité apparente de leurs efforts : à peine un cas est-il résolu qu'il s'en présente dix nouveaux...

En cinq ans, la dépense départementale est passée de 1,5 million d'euros à plus de 6 millions d'euros et on m'en annonce 7 pour l'année prochaine. Ce, dans un contexte que l'on dit pudiquement « contraint » et qui est en réalité très difficile pour la collectivité départementale qui a en charge la solidarité nationale.

Guides-conférenciers

Mme Gisèle Jourda .  - Nous sommes nombreux à alerter le Gouvernement sur la situation des guides-conférenciers. Le Gouvernement nous a entendus et a accepté les amendements que nous avions déposés lors de la loi Patrimoine. Mais cela, c'était avant la réunion interministérielle, pendant laquelle a été présenté aux syndicats un projet d'arrêté qui élargit l'attribution de la carte professionnelle à toute personne disposant d'un master et une expérience professionnelle minimale de six mois cumulés sur cinq ans. Cela crée une distorsion de concurrence, alors que la qualification des professionnels était une priorité. Quel gâchis !

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - Ce projet d'arrêté avait suscité des inquiétudes. Il a été depuis amélioré, en durcissant les exigences, passant de la licence au master, et en augmentant l'expérience professionnelle requise. Les syndicats en sont convenus.

Cela garantit la qualité du service tout en offrant une troisième voie à des personnes qualifiées, qui ne représente en aucun cas une menace, mais permettra une meilleure présence sur tout le territoire.

Mme Gisèle Jourda.  - Cette troisième voie doit être regardée avec vigilance car des collectivités peuvent être tentées par la facilité, au détriment de la qualité.

Il ne faudrait pas qu'elle s'avère être une concurrence déloyale pour des jeunes qui se sont engagés dans cette voie et ont pour débouché exclusif d'assurer les visites guidées à un haut niveau.

Cartes nationales d'identité

M. le président.  - M. Yung va suppléer M. Leconte, bloqué par Uber.

M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Yves Leconte  .  - Non, par des autocars.

L'allongement de la durée de validité des cartes nationales d'identité sans qu'aucune mention ne soit portée sur les cartes pose un véritable problème de reconnaissance de ces titres dans certains États. C'est ainsi que le gouvernement belge a récemment signifié qu'il ne reconnaissait plus l'allongement de dix à quinze ans de la validité des cartes nationales d'identité, décidé en 2013 par les autorités françaises.

Prise au titre de la « simplification » - en fait, une simple mesure d'économie budgétaire - cette décision instaure un décalage entre les validités réelle et faciale d'une carte d'identité. Pour les Français qui n'ont pas de passeport, cela crée des difficultés ou des blocages lors de passages de frontières, contrôles d'identité, enregistrements dans les hôtels ou les compagnies aériennes, ou lors de démarches administratives dans un pays de l'Union européenne.

Avec la décision de la Belgique, les autorités françaises ne peuvent plus prétendre que nos partenaires reconnaissent tous cet allongement.

En outre, le refus par les autorités françaises de renouveler une carte d'apparence périmée, constitue une atteinte à la liberté de circulation au sein de l'Union européenne.

Combien de cartes d'identité en circulation ne sont pas reconnues par d'autres États et en particulier par les autorités belges ? Quel est le risque que cette décision conduise d'autres pays à prendre les mêmes positions ? A-t-on, prévu de sensibiliser les Français se rendant en Belgique ?

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - Veuillez excuser le ministre de l'intérieur. Le décret du 18 décembre 2013, entré en vigueur le 1er janvier 2014, a étendu la durée de validité des cartes sécurisées de dix à quinze ans. Cela a réduit de 30 % le nombre de renouvellement ; 7 millions de personnes sont titulaires d'une carte d'identité prorogée ; la moitié aurait un passeport valide.

Les cartes d'identité prorogées sont prises en compte au niveau européen par l'annexe de l'accord du 13 décembre 1957, qui a été modifiée. Cependant, des difficultés persistent en Belgique et en Norvège qui ont manifesté explicitement leur refus des cartes d'identité facialement périmées. Le ministère de l'intérieur travaille avec le ministère des affaires étrangères pour que le site de celui-ci informe les voyageurs potentiels. Sur ce même site, les voyageurs peuvent également télécharger un document, traduit en plusieurs langues, attestant de la décision française de prolonger les cartes d'identité. En toute hypothèse, le site du ministère des affaires étrangères recommande de se munir d'un passeport valide, document de voyage de droit commun.

Enfin, des instructions ont été données aux préfectures ainsi qu'aux consulats pour procéder au renouvellement des titres facialement périmées des voyageurs comptant se rendre dans un pays acceptant les cartes d'identité et ne possédant pas de passeport.

M. Richard Yung.  - Merci de ces précisions. Un document téléchargé sur le site du ministère des affaires étrangères n'a guère de valeur pour le responsable de la police aux frontières...

J'espère que les instructions données aux préfectures seront suivie d'effet : j'ai eu moi-même une expérience négative en Indre-et-Loire quand j'ai voulu faire renouveler ma carte facialement périmée. Heureusement que j'ai un passeport !

M. le président.  - À Orly, notre carte d'identité de parlementaire n'est plus valable ! C'est un comble, quand on sait les efforts qu'il faut fournir pour arriver dans cette Haute Assemblée !

Couverture numérique du territoire en très haut débit

M. Daniel Gremillet .  - Lors de la discussion du volet « investissement » de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le Gouvernement a expliqué que son premier objectif était de couvrir tous les territoires en 2G d'ici au 31 décembre 2016 et en 3G d'ici à la fin du premier semestre 2017. Il prenait l'engagement de définir les projets de convention qui devaient être finalisés dans les deux mois et de mettre en place un mécanisme permettant à l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) de sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements.

Le 16 avril 2015, l'engagement en faveur des zones blanches « imparfaitement mesurées » a été renouvelé, à travers un cofinancement de l'État et des collectivités territoriales et le bénéfice du fonds national pour la société numérique.

Le 24 avril 2015, les patrons des quatre grands opérateurs de télécommunications français ont été reçus pour faire le point sur le plan France Très haut débit, qui vise à une couverture intégrale du territoire d'ici à 2022 avec 20 milliards d'euros d'investissements répartis entre acteurs privés et collectivités territoriales.

Or un an après, les citoyens des territoires ruraux rencontrent au quotidien des difficultés de connexion, de débit, de coûts exorbitants d'accès.

Alors que les dotations de l'État diminuent drastiquement, il est inquiétant que revienne encore aux collectivités territoriales la charge d'investir dans le développement du très haut débit. Ce sont les territoires les plus pauvres qui doivent financer !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation .  - En 2012, le président de la République a lancé le plan France Très haut débit : 3,3 milliards d'euros en provenance de l'État, autant des collectivités territoriales, plus de 10 milliards des opérateurs privés pour un total de 20 milliards d'euros. Au Royaume-Uni, c'est seulement 500 millions d'euros... C'est dire l'ambition de ce plan, qui doit faire de la France le pays le mieux connecté d'Europe à l'horizon 2020. Il y a urgence, c'est vrai. Les objectifs de 50 % de réalisation d'ici fin 2017 auront été atteints dès la fin de cette année, mais c'est encore trop lent ; nous faisons tout pour accélérer les choses. Le plan public finance uniquement le déploiement dans les zones rurales - les zones urbaines étant laissées à la concurrence entre acteurs privés. Là encore, la France se distingue par ce choix.

Sur la couverture mobile, rien n'avait été fait avant 2012, rien ! L'urgence absolue était de résorber les zones blanches ; ce sera le cas fin 2017. Nous avons prévu des projets de convention et donné à l'Arcep le pouvoir de sanctionner les opérateurs si leurs engagements ne sont pas tenus. J'ai lancé, la semaine dernière, le plan France Mobile qui complète le plan France Très haut débit. Son principe est innovant : ce sont les élus locaux qui identifieront les besoins et les zones grises à couvrir prioritairement.

M. Daniel Gremillet.  - Les territoires ruraux décrochent. Pour répondre aux appels d'offre, entrepreneurs et artisans doivent utiliser des procédures entièrement dématérialisées ! Idem pour les agriculteurs qui doivent remplir leur déclaration PAC sur internet depuis 2016.

Ce sont bien les collectivités territoriales et, donc, les contribuables locaux qui financent la couverture numérique. Le département des Vosges y consacrent plus de 19 milliards d'euros, la grande région 20 milliards d'euros. Les territoires les plus reculés ne peuvent pas attendre 2022. Quel jeune couple, quel entrepreneur s'installerait aujourd'hui dans une zone sans couverture numérique ?

Rémunération de l'innovation

M. Richard Yung .  - L'Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE) est une association professionnelle américaine à but non lucratif qui joue un rôle majeur dans l'établissement des normes internationales dans le domaine des télécommunications. Elle a récemment modifié ses règles de fonctionnement dans un sens favorable aux grandes multinationales américaines, notamment les GAFA, dont l'objectif est de réduire le pouvoir de négociation des titulaires de brevets essentiels à l'application d'une norme (BEN).

Les nouvelles règles, qui réduisent les royalties versées aux détenteurs de BEN, font en particulier peser des risques sur les entreprises innovantes françaises. Le niveau moyen de redevance passerait de 15 % à 4 %.

En avril dernier, le Gouvernement m'avait indiqué s'efforcer de protéger l'effectivité des droits des détenteurs de brevets. Un Conseil « Industrie » s'est réuni. Selon la Commission européenne, ces règles pourraient violer l'accord de l'OMC.

Sept mois plus tard, quel bilan tirez-vous des initiatives prises pour prévenir la contagion des règles américaines et garantir une rémunération équitable de l'innovation ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation .  - Pour les acteurs privés à l'origine des développements technologiques, la contribution collective à la normalisation améliore le retour sur investissement, grâce à une diffusion plus large de l'innovation. En contrepartie, les organismes de normalisation exigent des détenteurs de BEN l'engagement de concéder des licences d'exploitation à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires.

Les nouvelles règles américaines, outre qu'elles prévoient un mode de calcul des redevances défavorable, mettent en cause l'exercice du pouvoir d'injonction par les détenteurs de BEN afin d'interdire la vente de produits contrefaits. Elles vont à l'encontre de l'esprit du projet européen de marché unique numérique en favorisant le développement d'écosystèmes fermés au sein desquels le consommateur doit prendre lui-même en charge le coût des interactions.

La position française a été communiquée à la Commission européenne : les droits des détenteurs doivent être garantis alors que s'amorce la révision de la directive sur la propriété intellectuelle. La Commission en a pris acte et rappelé l'importance d'une politique de propriété intellectuelle équilibrée. Elle a annoncé, dans une communication récente sur le passage des entreprises au numérique, une concertation avec les parties prenantes concernées.

Le Comité européen de normalisation s'est déclaré, dès septembre, opposé à toute initiative modifiant le prix des licences dans un sens défavorable aux détenteurs de BEN.

Pour ma part, je lancerai une mission sur la propriété intellectuelle qui prendra en compte ce volet et en parlerai au président de l'Arcep qui doit prendre la tête de l'organisme coiffant les régulateurs européen l'an prochain.

M. Richard Yung.  - Merci. Je me félicite de la position du Gouvernement. La dimension européenne est la bonne pour résister au modèle américain.

Réforme du code minier

M. Daniel Reiner .  - Annoncée en 2012 par le Premier ministre, discutée dès 2011, la réforme du code minier semble en panne alors qu'elle est absolument nécessaire.

Les élus appellent à une meilleure répartition des redevances minières, les associations de préservation de l'environnement à une mise en conformité avec la charte de l'environnement et les industriels à des procédures simplifiées et plus rapides.

À la suite du rapport de la mission de préfiguration, en décembre 2013, le Gouvernement a transmis un premier avant-projet de loi à l'ensemble des acteurs, suivi d'un second qui reprenait certaines de leurs propositions. C'était il y a plus d'un an, en juin 2015 : depuis, rien.

Les projets stagnent et les industriels s'inquiètent. Pour mener à bien un dossier d'extraction, il faut une lisibilité sur plusieurs années. Cette attente n'est pas un signe positif envoyé aux associations de protection de l'environnement. En résumé, les industriels doutent, les élus patientent et les associations désespèrent.

Il est dommage que le rapport Tuot, qui proposait l'établissement d'un schéma national des mines, le groupement momentané d'intérêt, la création du Haut Conseil des mines ou la répartition des redevances minières avec les collectivités territoriales, ne donne lieu à aucune avancée concrète. Il est dommage également que la mobilisation constructive des acteurs de la filière minière se heurte à de la mauvaise volonté.

Il serait dommage, enfin, de laisser penser que les mines sont un vestige d'un passé glorieux alors que de nombreux projets d'extraction pourraient voir le jour.

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation .  - Veuillez excuser M. Sirugue. La réforme du code minier est bien un objectif du Gouvernement. A cause des attentats, les priorités ont été revues, et le projet de loi n'a pas pu être présenté au Parlement.

En accord avec Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, les principes novateurs de l'avant-projet de loi ont été repris dans une proposition de loi, qui a été déposée le 23 novembre 2016. Le texte reprend, entre autres, le principe d'une évaluation environnementale stratégique pour les titres miniers, des procédures renforcées d'information et la création d'un Haut Conseil des mines. Son examen à l'Assemblée nationale est prévu fin janvier 2017 ; il sera transmis au Sénat début février.

M. Daniel Reiner.  - Le dossier a progressé, je m'en réjouis. La proposition de loi de l'Assemblée nationale reprend des mesures intéressantes du rapport Tuot. Je regrette toutefois ce temps perdu alors que la réforme était consensuelle. J'espère qu'elle aboutira avant la fin de la mandature.

Accord transfrontalier entre la France et le Luxembourg en matière de fiscalité

M. Patrick Abate .  - La convention fiscale entre le Luxembourg et la France date de 1958. Depuis, le nombre de travailleurs frontaliers atteint presque 90 000 et sera de 130 000 dans cinq ans. Il se développe un espace transfrontalier que dessine I'EPA Alzette-Belval dans le cadre d'une OIN côté français, et le Grand Projet Esch-Belval côté luxembourgeois. Tout cela ne sera pérenne qu'à condition d'une répartition plus équitable des charges et des ressources des deux côtés de la frontière. L'exemple de l'accord fiscal entre la France et le canton de Genève est parlant : c'est une manne financière qui permet aux communes limitrophes de développer des projets qui profitent à tous, dans une démarche gagnant-gagnant.

J'ai interpelé M. Désir et M. Eckert. La réponse a été bien tardive, trois jours après la conférence intergouvernementale du 21 novembre... Le gouvernement luxembourgeois aurait opposé une fin de non-recevoir à l'inscription de cette question à l'ordre du jour.

Comment le Gouvernement compte-t-il essayer de convaincre nos voisins de l'intérêt mutuel de cette discussion ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation .  - La convention fiscale entre la France et le Luxembourg date de 1958 ; elle ne prévoit pas, contrairement à nos conventions avec la Belgique, l'Allemagne ou encore la Suisse, de clause spécifique concernant les travailleurs frontaliers.

C'est donc un cas à part. Le Luxembourg a mis en place ce type de régime avec un seul de ses voisins et ne souhaite pas renégocier notre accord bilatéral. Le projet a été abordé lors de la dernière conférence intergouvernementale. Le Gouvernement français défend le co-financement de projets menés sur notre territoire. Cette démarche a porté ses fruits : la ligne à grande vitesse Grand Est, le contournement de Villerupt, l'autoroute A 321 bis, les parkings relais dans les villes frontalières françaises... C'est cette approche pragmatique, projet par projet, qui l'emporte avec nos voisins luxembourgeois.

M. Patrick Abate.  - Vous avez cité des financements communs d'infrastructures, on pourrait d'ailleurs ajouter à la liste l'installation des postes frontières de contrôle, à l'initiative exclusive du Luxembourg... L'enjeu est ailleurs. Les frontaliers, qui utilisent les services publics français, créent une richesse au Luxembourg qui ne profite pas à notre territoire. Sans cette équité, les grands projets transfrontaliers ne seront pas pérennes. Pourquoi ne pas confier cette manne financière à un organisme indépendant, comme la Caisse des dépôts et consignations, pour garantir le financement de projets mutuels ? Nous ne sommes pas des pique-assiettes. On ne peut pas se contenter de la réponse des Luxembourgeois : ils participent au financement d'infrastructures, nous aussi !

Dégradation du service de La Poste

Mme Marie-France Beaufils .  - En Indre-et-Loire, les bureaux de poste ont disparu des villages. Même des villes, comme Tours, ne sont plus épargnées ; plus de bureaux dans les quartiers ! Le conseil municipal a voté hier à l'unanimité contre les fermetures. Le nombre des bureaux de plein exercice est de 9 000 seulement, les employés sont de moins en moins des postiers ; les fonctionnaires ne représentent plus que 45 % des effectifs. La mobilisation est forte ; on l'a vu devant le Sénat le 8 décembre, mais aussi à Tours, Vouvray et Montlouis. En trois ans, 21 000 postes ont été supprimés alors que La Poste a touché plus de 1 milliard d'euros de CICE.

Les agents n'en peuvent plus : dégradation de l'état de santé, suicides - on en décompterait jusqu'à cinquante cette année ! Cela rappelle la triste situation de France Telecom...

Nombre de territoires deviennent des déserts, sans services publics. On abonde le fonds de péréquation de La Poste de 4 millions, mais qui serviront, à 35 %, à fermer des bureaux de poste !

Il faut moderniser La Poste, oui, mais pas contre les agents et les habitants. Je demande solennellement au Gouvernement d'intervenir pour que cesse cette dégradation organisée du service postal.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation .  - M. Sirugue m'a chargée de vous répondre en son nom. Vous avez dépeint un tableau sombre et humain ; la réponse sera sèche et technocratique mais je suis certaine que le ministre souhaitera s'entretenir avec vous de ces sujets graves.

Le Gouvernement est attaché à assurer un maillage territorial le plus dense possible, dans un contexte de concurrence, de baisse drastique du volume du courrier et de la fréquentation des guichets : moins 6 % en 2015. Priorité est donnée aux points de contact les plus fragiles, pour adapter le réseau aux attentes.

Il a fallu un effort financier accru : le fonds postal national de péréquation a été abondé en conséquence de plus de 12 millions d'euros pour atteindre 522 millions d'euros sur trois ans, contre 510 millions d'euros durant la période triennale précédente.

La commission départementale de présence postale territoriale se prononce après un diagnostic partagé. Dans votre département, on compte 220 points de contact - 97 bureaux, 86 agences, 37 relais poste - pour 600 000 habitants : 98,9 % de la population est à moins de cinq kilomètres et moins de vingt minutes d'un point de contact. Ce chiffre peut choquer ceux qui vivent au quotidien l'éloignement de leur bureau de poste. Pour autant, quand on effectue des comparaisons européennes, la densité du maillage territorial en France est une réalité.

La Poste continue à assurer un service de haut niveau, atteignant quatorze des quinze objectifs de qualité assignés par l'État et contrôlés par l'Arcep. Le 30 novembre dernier, un comité de suivi du contrat État-Poste a été l'occasion, pour M. Sirugue, de rappeler son attachement à la poursuite d'un dialogue social de qualité et de saluer l'ouverture de négociations sur les métiers et les conditions de travail des facteurs.

Mme Marie-France Beaufils.  - Je l'ai dit à Philippe Wahl, la qualité de la distribution du courrier se dégrade. C'est la conséquence de l'allongement des temps de parcours des postiers. La fréquentation des guichets diminue ? C'est la conséquence du recours aux automates ! Il faut raisonner globalement, et non activité par activité.

La dégradation des conditions de santé des personnels est très préoccupante : je lance une alerte. L'État qui assure une forme de tutelle de ce grand service public qu'est La Poste doit se montrer très attentif.

Conduite de tracteurs communaux

M. René Danesi .  - L'article 27 de la loi Macron issu d'un amendement sénatorial a modifié l'article L. 221-2 du code de la route, qui permet à toute personne titulaire d'un permis B de conduire tous les véhicules et appareils agricoles ou forestiers dont la vitesse n'excède pas 40 km à l'heure, ainsi que les véhicules qui peuvent y être assimilés. Cette dernière expression « véhicules qui peuvent y être assimilés » s'applique-t-elle également aux tracteurs appartenant aux communes ou exclusivement à ceux d'une exploitation agricole ou forestière ? À défaut, les agents communaux qui conduiraient un tracteur communal seraient obligés de posséder le permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule. L'AMF en fait une interprétation restrictive.

Nombre de collectivités locales possèdent des tracteurs pour le déblaiement ou le déneigement ; peuvent-elles faire conduire leurs tracteurs par leurs employés uniquement détenteurs du permis B ?

La question est certes technique, je n'ai d'autre choix que de vous la poser aujourd'hui quand mes deux questions écrites du 3 décembre 2015 et du 28 avril 2016 sont restées sans réponse.

Il nous faut une réponse claire. Si elle est évasive ou alambiquée, nous devrons de nouveau légiférer.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation .  - La réponse de M. Le Roux sera technique et précise. Le conducteur, selon la catégorie de véhicule conduit, doit être en possession du permis adéquat. Pour un tracteur, la catégorie est définie en fonction du poids total en charge du véhicule et de sa remorque éventuelle.

Une dérogation est prévue pour les conducteurs attachés à une exploitation agricole ou forestière que la loi Macron a étendue aux véhicules T, C, R et S dès lors que la vitesse n'excède pas 40 km à heure. Seul un conducteur attaché à une exploitation agricole ou forestière, à une entreprise de travaux agricoles ou à une coopérative d'utilisation de matériel agricole est autorisé à conduire ces véhicules sans permis de conduire à partir de 16 ans.

Les conducteurs qui travaillent pour une collectivité doivent être titulaires d'un permis B. Inutile de légiférer de nouveau, donc.

M. René Danesi.  - Merci pour cette réponse claire.

Zones de revitalisation rurale

M. Jean-François Longeot .  - Les effets combinés de la loi NOTRe et de la loi de finances rectificative pour 2015 vont conduire des communes à perdre leur classement en ZRR alors que leurs caractéristiques n'auront pas changé. Cela risque d'avoir un impact négatif sur l'activité ainsi que sur l'attractivité économique de ces communes accentuant la fracture que les ZRR tentaient justement de réduire.

Les ZRR ont été créées pour soutenir le développement économique des territoires ruraux en compensant par des exonérations les obstacles logistiques tels que l'éloignement ou l'accès difficile à de nombreux services.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour ne pas laisser ces territoires face à une désertification des entreprises désormais inévitable ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Veuillez excuser M. Baylet, en déplacement en Corse. Les ZRR visent à compenser le manque d'attractivité de certaines communes. La réforme que vous évoquez fait suite au rapport des députés Calmette et Vigier, et vise à mieux cibler les communes qui en ont le plus besoin.

Le nombre de collectivités classées restera globalement le même : 14 000 ; le Gouvernement y a veillé.

Le ministère a demandé à ses services de faire connaître la nouvelle carte au plus vite, en début d'année prochaine.

Pour les collectivités sortant du classement, l'exonération d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les entreprises installées courra jusqu'au 31 juillet 2025, comme cela était convenu.

Ce Gouvernement a beaucoup fait pour la ruralité : sans détailler les 104 mesures qu'il a prises, citons les 12,6 millions d'euros pour le maintien des stations-services ou l'action pour l'ouverture de 1 000 maisons de services publics, seront maintenus ou encore la prime d'aménagement du territoire qui a permis de soutenir 29 projets en 2016.

De plus, la DETR atteindra 1 milliard et 216 millions d'euros seront consacrés aux contrats de ruralité.

M. Jean-François Longeot.  - Merci pour cette réponse. Je n'ignorais pas que les exonérations d'impôt sur les sociétés seraient prolongées, mais qu'en sera-t-il pour les entreprises qui souhaitaient s'installer dans les territoires ? Il ne faudrait pas changer si souvent les règles qui s'appliquent à nos petites communes rurales. Et je ne parle pas des chefs-lieux de cantons, qui perdent leur statut et leur financement.

Financement des groupements d'associations syndicales de propriétaires par les collectivités territoriales

M. Daniel Laurent .  - Les associations syndicales de propriétaires jouent un rôle très important sur nos territoires, particulièrement en Charente-Maritime couvert de plus de 1 000 000 hectares de marais. Les interventions d'entretien et d'aménagement nécessitent d'importants moyens. L'Union des Marais de la Charente-Maritime, syndicat mixte ouvert qui fédère plus de 250 adhérents, apporte conseils et assistance autour des questions de l'eau et de la protection contre les inondations.

La loi Maptam rend obligatoire le transfert au bloc communal, à compter du 1er janvier 2018, la compétence Gemapi. Les missions des associations syndicales de propriétaires sur leur périmètre et dans le cadre de leurs statuts ont, quant à elles, été préservées. Une disposition favorable aux associations syndicales de propriétaires a été introduite à l'article 94 de la loi NOTRe. Cependant, il faudrait offrir aux groupements des associations syndicales la possibilité de continuer à bénéficier d'un accompagnement financier des départements et des régions. Pouvez-vous préciser la position du ministère sur ce sujet ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - La loi NOTRe a clarifié la répartition des compétences en supprimant la clause générale de compétence pour les départements et les régions. La faculté de financer les associations syndicales de propriétaires sera réservée, à partir du 1er janvier 2018, aux communes et EPCI qui auront la compétence Gemapi.

Régions et départements pourront continuer à soutenir financièrement les actions des associations syndicales de propriétaires dans le domaine de l'eau, à condition qu'elles ne portent pas sur le champ de la compétence Gemapi.

La loi NOTRe autorise les départements, pour des raisons de solidarité territoriale et lorsque l'initiative privée est défaillante ou absente, à soutenir les opérations d'investissement des associations syndicales. Les dépenses de fonctionnement sont exclues.

M. Daniel Laurent.  - Ces associations sont très importantes là où il y a des marais. Leurs dépenses de fonctionnement recouvrent, entre autres, des actions d'entretien. Si l'entretien n'est pas réalisé par les associations syndicales, par qui le sera-t-il ?

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.