Loi de finances rectificative pour 2016 (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics .  - C'est le dernier texte financier que j'aurai à vous présenter ; c'est le douzième, depuis avril 2014. Douze textes qui nous ont mobilisés de longues heures, parfois la nuit, parfois le samedi. J'ai essayé de faire preuve d'écoute, de pédagogie.

Depuis un peu plus d'un an, j'étais désarçonné par l'attitude du Sénat... (Exclamations ironiques à droite)

M. Jean-Claude Carle.  - Il vous en faut peu !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - L'an dernier, pas de solde, pas d'article liminaire... Cette année, un projet de loi de financement de la sécurité sociale sans Ondam, sans tableau d'équilibre... Puis un projet de loi de finances - que vous n'avez pas examiné du tout.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Il était trop mauvais !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Vous dites avoir beaucoup travaillé - mais de façon bien contemplative, en regardant passer les articles... Puis, sur ce projet de loi de finances rectificative, vous avez ajouté quantité d'articles, comme si vous regrettiez votre attitude sur le projet de loi de finances. Attitude dangereuse, à mes yeux, vu l'image qu'elle donne à nos concitoyens, qui constateront que vous ne proposez pas d'alternative. Vous les avez sans doute sur étagère, mais avez préféré avancer masqués... Dommage.

Qu'avons-nous fait durant ces cinq années ? Quels ont été les résultats de ce Gouvernement, en matière budgétaire ? En 2012, les déficits atteignaient les 6 % du PIB, nous avions les huissiers à la porte, l'avenir de l'État n'était pas assuré. Après la Grèce, l'Espagne et le Portugal, c'était peut-être au tour de la France !

Nous avons réduit les déficits. Cela m'irrite toujours de vous entendre prétendre le contraire ! Oui, la dette a continué à augmenter, mais quatre fois moins vite que sous le précédent quinquennat. Pourquoi ? Aucun pays n'amortit sa dette, puisqu'on ne rembourse que les intérêts !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - C'est bien le problème !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Il n'est propre ni à ce Gouvernement ni à la France. Si le PIB augmente plus vite que la dette, le pourcentage de dette par rapport au PIB diminuera, certes. Mais on ne peut décemment dire que la dette aurait explosé durant ce quinquennat.

Oui, le fonds de solidarité vieillesse reste en déficit, de 3,8 milliards - contre 4,1 milliards en 2012. Mais les autres branches de la sécurité sociale seront à l'équilibre. Vous pouvez contester nos méthodes, le rythme des réformes - mais pas tromper les Français sur la réalité des faits. Les déficits de l'État et de la sécurité sociale se sont réduits, sans négliger nos priorités.

La première, c'est l'Éducation nationale. Élus de terrain, vous savez ce qu'il en est des rentrées scolaires, comment elles se préparent dès l'hiver. Qui peut dire qu'elles ne se sont pas bien passées ? Qui peut nier que 60 000 postes d'enseignant ont été créés ? Peut-être avons-nous mis trop de postes en Seine-Saint-Denis, pas assez en Lozère... mais globalement, les choses se sont bien passées.

Deuxième priorité, la sécurité, au sens large : police, gendarmerie, justice, armée. Qui peut nier que, pour la première fois depuis longtemps, une loi de programmation militaire a été votée, modifiée à la hausse, respectée. (M. Cédric Perrin s'exclame) La diminution des effectifs dans l'armée n'a pas été décidée en 2012, mais bien avant. Nous avons infléchi cette trajectoire, comme la baisse des crédits pour les armées.

Troisième priorité, la formation professionnelle, avec le plan 500 000 formations.

Au ministère du budget, nous avons travaillé sur six réformes en profondeur, sur lesquelles personne ne reviendra. Nous avons mis en place des mesures fortes de lutte contre la fraude, grâce à la décision de Bernard Cazeneuve de mettre en place le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), qui a permis d'identifier 30 milliards d'euros d'avoirs et d'encaisser en trois ans plus de 4,5 milliards d'euros d'impôts et de pénalités. Avec la fin du secret bancaire presque partout au 1er janvier 2018, avec les devoirs de communication des contribuables ayant un compte à l'étranger, nous avons fait un pas immense.

Deuxième chantier : la modernisation de notre administration, avec des télédéclarations, le paiement d'amendes en ligne... pour des services plus conviviaux, si j'ose dire.

Troisième réforme : la déclaration sociale nominative. Une révolution ! Je m'en entretenais ce matin avec le président de l'Ordre des experts-comptables. Cette réforme n'est pas de droite ni de gauche - elle a été entamée avant que n'arrivent les affreux socialistes ! (Sourires à droite)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - C'est vous qui le dites !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Quelques réglages restent à faire, mais la déclaration sociale nominative permettra d'économiser 3,5 milliards d'euros de dépenses pour les fiches de paye, les cotisations, etc.

Quatrième réforme : avec votre soutien, celle de la valeur locative des locaux professionnels. Un travail de bénédictin pour l'administration, une avancée en termes de justice et d'équité. Nous avons entamé, avec votre appui, la réforme de la valeur locative des locaux d'habitation. Un travail pour une nuée de bénédictins ! Mais nos concitoyens ne comprennent plus les écarts, parfois du simple au double voire davantage encore, dans des valeurs locatives qui datent des années 1970.

Cinquième réforme : l'économie collaborative. Son développement est attendu, même souhaité ; cela représente de la valeur ajoutée, mais aussi une forme de distorsion de concurrence entre les nouveaux services et les métiers traditionnels. Nous avons progressivement, collectivement, mis en place une méthodologie, sans doute pas encore aboutie, mais nous avons posé les jalons d'un retour vers plus d'équité sans nuire au secteur.

Dernier point : le prélèvement à la source, qui mettra la France au niveau de tous les pays du monde. Seule la Suisse et Singapour résistent encore...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Des pays bien gérés !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Vous votez l'impôt alors que l'année s'achève, d'où une rétroactivité permanente. L'impôt sur le revenu sans le prélèvement à la source est systématiquement rétroactif. Je salue le travail colossal de la Direction de la législation fiscale, de la Direction générale des finances publiques et de mon cabinet. Enfin, nous avons mis un texte derrière une formule. Certains en ont fait un enjeu politicien, c'est dommage, car ce n'est pas une réforme de droite ou de gauche.

M. Francis Delattre.  - Il fallait la faire dès le début !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Usine à gaz ? Pas selon le président de l'Ordre des experts-comptables.

M. Francis Delattre.  - Vingt amendements à l'Assemblée nationale !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Je voulais vous faire partager mon sentiment de fierté, de sérénité, au terme de ces trois années de réforme, à la veille des joutes verbales et des propos caricaturaux qui nous attendent...

M. Loïc Hervé.  - De part et d'autre !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Certes.

Je suis fier de ce travail. Vous y avez pris votre part, même si elle aurait pu être plus importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Que le ministre se rassure, le Sénat travaille aussi dans la sérénité. Je ne vais pas vous livrer un testament : pour nous, ce projet de loi de finances rectificative n'est sans doute pas le dernier de notre mandature. Cet été sans doute...

La commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un texte commun, tant les points de désaccords sont importants.

D'abord, l'exécution du budget 2016 se caractérise par l'ampleur des mesures nouvelles, des sous-budgétisations qui ont conduit le Gouvernement à prendre des décrets d'avance sans précédent, contre notre avis.

Ensuite, les dépenses ont dérapé, notamment celles liées à la masse salariale de l'État. S'il y a des économies, elles ne sont que de constatation. Les dotations aux collectivités locales et le prélèvement au profit de l'Union européenne baissent respectivement de 800 millions et 1,2 milliard d'euros. La charge de la dette baisse de 2,9 milliards d'euros du fait de la faiblesse des taux : ces économies de constatation s'élèvent à 4,9 milliards d'euros.

Sur 138 articles restant en discussion, l'Assemblée nationale en a adopté 40 conformes mais en a modifié 33, rétabli 19 et supprimé 46 de ceux introduits ou modifiés par le Sénat.

Je pense à l'article 12 qui ratifie les trois décrets d'avance de l'année auxquels la commission des finances avait émis des avis défavorables ; à l'article 34 qui crée un nouvel acompte de C3S ; à l'article 35 qui crée une nouvelle contribution au droit d'accès à la justice. L'Assemblée nationale a rétabli l'article 51, contraire à l'article 53 de la loi organique relative aux lois de finances. Nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira.

L'Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur des sujets qui nous étaient chers ; ainsi, elle n'a pas élargi le Malraux, comme nous le proposions. Elle n'a pas souhaité baisser les impôts, comme la taxe sur les billets d'avion ou sur les spectacles ; c'est dommage. Je ne pourrais citer tous les articles additionnels, nombreux, que le Sénat avait introduits et que l'Assemblée nationale n'a pas retenus. Enfin elle a supprimé l'article 35 quater B sur l'imposition des élus locaux comme l'article 23 septies sur la valeur locative des établissements industriels. Sur ce dernier point, le problème reste entier.

Elle a heureusement repris certains apports du Sénat, sur l'amélioration du compte PME innovation, l'information du Parlement, la contribution au service public de l'électricité à Wallis et Futuna, l'attribution à la métropole des amendes de radars, les paris hippiques ou les casinos flottants. Plusieurs amendements relatifs à l'outre-mer ont été repris.

Les députés ont achevé l'examen de ce texte ce matin à 2 heures ; nous l'examinions en commission mixte paritaire à 9 heures. Un nouvel examen complet en nouvelle lecture ne saurait manifestement pas de nature à faire évoluer la position de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je vous propose d'adopter une question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Bocquet .  - Ce collectif est marqué par l'affaissement de la croissance. Le Gouvernement a donc usé de recettes classiques, dans un contexte facilité par la faiblesse des taux et le bas prix des matières premières. Avec l'élection de Donald Trump et l'arrivée au pouvoir de Theresa May, les choses vont peut-être changer...

La France a interrompu les versements au gouvernement grec, pour 326 millions d'euros en 2016, au mépris de ses engagements. Plus de 90 % des fonds mobilisés par le FMI, l'Union européenne et ses États membres ont servi à amortir les pertes des banques ! L'Union européenne n'a rien à gagner à maintenir sous tutelle un pays étrangement conseillé par Goldman Sachs... La réalité est que l'Europe n'avance plus - et finit donc par reculer.

Quelques mesures positives dans ce projet de loi de finances rectificative, comme la lutte contre la fraude fiscale. Il faudrait toutefois mieux protéger les informateurs, comme les lanceurs d'alerte.

La récente censure par le Conseil constitutionnel de la publicité des états comptables des entreprises est regrettable, d'autant qu'une directive européenne rendra cette disposition bientôt applicable à tous... Ne nous privons d'aucun moyen pour lutter contre la fraude.

Autre satisfaction : le retard dans le versement des pensions, qui pénalise fiscalement certains retraités, notamment dans ma région, sera rattrapé.

L'État n'a pas à se défausser sur les élus locaux de ses décisions. Attention à ne pas dédouaner les employeurs qui abusent de la provision licenciement PME.

Nous voterons contre ce projet de loi de finances rectificative comme contre la question préalable, qui dissimule mal les sombres intentions du candidat de la droite. La recherche du salut par la douleur est rarement la bonne solution ; le budgétarisme déflationniste accroît le désordre, sacrifie l'investissement et prépare de grandes difficultés - ce sont les mots de Henri Guaino, dans Le Monde de ce jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Claude Requier .  - Ce projet de loi de finances rectificative n'est pas un petit texte. Le Sénat a adopté quelque 60 nouveaux amendements ; 58 ont été adoptés conformes par les deux assemblées. Sans surprise, la CMP a échoué.

Un projet de loi de finances rectificative procède à des ajustements techniques pour tenir compte de l'évolution de la conjoncture, en légère amélioration. En valeur absolue, le déficit s'établirait à 69,9 milliards d'euros, soit une amélioration de 50 millions d'euros. Les ouvertures de crédits dans les domaines prioritaires - Éducation nationale, Opex, agriculture - s'imposaient.

La création du compte PME innovation encouragera les entreprises à investir le produit de cession de titres dans les entreprises innovantes. Les députés ont repris un certain nombre de nos propositions, je ne les cite pas. Je regrette toutefois la suppression de la disposition du Sénat sur le droit de visite fiscal, le rachat de vendanges pour les vignerons, la méthanisation des déchets agricoles ou sur les finances départementales. L'adoption de la motion de question préalable ne nous permet pas de reproposer ces amendements. Fidèles à notre position constante, l'ensemble du groupe RDSE votera contre la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Canevet .  - Nous avons été sensibles au bilan que le ministre a tiré de ses trois années à Bercy. Nous avons tous apprécié les débats passionnés qui nous ont parfois opposés et saluons son engagement.

La question préalable nous paraît justifiée par les conditions d'achèvement des travaux sur ce projet de loi de finances rectificative. Nous avons parfois regretté votre absence dans l'hémicycle, monsieur le ministre. Si vous n'aviez pas dû vous faire remplacer, nous n'aurions pas eu un certain article dans un journal très attendu le mercredi... (Sourires entendus)

La situation ne s'est guère améliorée par rapport à 2015 : 600 millions de déficit en moins seulement. Les efforts d'assainissement n'ont guère porté leurs fruits. On est loin de l'engagement n°9 du candidat Hollande: le retour à l'équilibre des finances publiques en 2017... Il y a encore bien des efforts à faire.

Le contexte aurait pourtant permis d'aller plus loin. La charge d'intérêts, par exemple, a baissé de 3 milliards, les économies de FCTVA ont représenté 800 millions - grâce à la baisse de l'investissement local - sans parler des économies réalisées sur les crédits d'aide au logement ou fléchés vers l'outre-mer.

Les évaluations de la conjoncture n'étaient pas bonnes : les économistes prévoient une croissance d'1,2 % ou 1,3 %, soit bien moins que ce que le Gouvernement escomptait. Les finances de l'État en pâtiront, de même que le niveau de l'emploi, hélas, qui ne s'améliore pas. Des mesures de lutte contre le chômage plus vigoureuses que la création de postes de fonctionnaires devant être prises.

Pour ajuster ses comptes, le Gouvernement recourt à des mesures one shot, comme le prélèvement des excédents de certains établissements publics, c'est regrettable.

Des réformes ont été faites, c'est vrai. Au groupe centriste, nous approuvons, par exemple, les mesures de lutte contre la fraude fiscale. Il y avait, il faut dire, beaucoup à faire après les agissements de votre prédécesseur à Bercy, monsieur le ministre...

Sur les charges sociales, il fallait aller plus loin. Le CICE ne suffit pas, c'est en baissant les charges de manière généralisée que nous répondrons aux besoins de nos entreprises.

Le groupe UDI-UC votera la question préalable - il y va de notre crédibilité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Gattolin .  - Durant cette séquence budgétaire, la majorité sénatoriale a beaucoup taxé... le Gouvernement d'insincérité. Elle l'accuse de visées électoralistes. Pas à l'intention de l'électorat écologiste, en tout cas, puisque le dernier budget du quinquennat restera de notre point de vue celui de l'abandon définitif de l'écotaxe poids lourds : symbole affligeant, alors que le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) indique que les émissions de gaz à effet de serre des transports routiers ont crû de 0,9 % en 2015, après dix années de baisse.

Le Gouvernement a préféré se féliciter de l'augmentation du trafic routier... Cela se paiera cher, d'un point de vue environnemental et sanitaire. En dépit de l'accord de Paris, nous restons sur un vieux modèle de développement. La preuve : 609 millions de crédits alloués à l'écologie ont été annulés - le ministère de l'écologie figure systématiquement dans les premiers concernés par de telles mesures, jetant le doute sur la sincérité de la loi de finances.

La taxe sur les installations nucléaires de base, lors de leur mise à l'arrêt définitif, déjà dérisoire, au regard de l'estimation par l'IRSN du coût d'un accident nucléaire, soit 70 milliards d'euros pour un accident modéré, et 600 à 1000 milliards pour un accident grave - une paille ! - risque que personne ne veut assurer, sauf l'État, est encore diminuée... ce qui laisse perplexe alors que la radioactivité perdure pendant des décennies et que le coût du démantèlement est significativement sous-évalué par EDF à 31,9 milliards d'euros et pas du tout provisionné.

L'accord de Paris a consacré le rôle incontournable des collectivités territoriales. Mais les politiques traduisant cet accord ambitieux nécessitent des financements ! Or l'Assemblée nationale a rejeté notre amendement, voté au Sénat, avec l'accord du Gouvernement. Celui-ci accepte d'aider les entreprises, mais ne peut trouver 40 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales ? L'affectation d'une part de la CCE au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » n'est pas un progrès, puisqu'aucune mesure nouvelle n'a été ainsi financée. L'État éponge ses dettes vis-à-vis d'EDF... La fiscalité énergétique sert à financer le pacte de compétitivité.

Nous aurions aimé débattre de toutes ces questions avec vous, monsieur le ministre. Aussi regrettons-nous la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE ; Mme Évelyne Yonnet applaudit également)

M. Maurice Vincent .  - Certaines questions techniques ont fait l'objet d'accords : répartition de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), financement des plans climat-énergie, etc. Voilà qui illustre l'intérêt du bicamérisme. Le refus du dialogue de la majorité sénatoriale est d'autant moins compréhensible...

Votre refus de ratifier des décrets d'avance, du prélèvement à la source, et l'aggravation du déficit auquel vous aboutissez par vos amendements sont incompréhensibles.

Tous les gouvernements procèdent en cours d'année à des ajustements dictés par la conjoncture, et personne, pas même nous, ne peut douter de l'utilité des mesures prises pour aider les agriculteurs et lutter contre le risque terroriste.

Il est dans l'intérêt de la Nation tout entière de réduire ses déficits. Et le Gouvernement y est parvenu sans rogner sur notre modèle social, qui donne la priorité aux plus modestes. Contrairement à ce que l'on observe dans les pays voisins, il a réussi à améliorer notre situation financière tout en améliorant l'accès aux soins et l'équité fiscale !

La proposition de la majorité sénatoriale pour la prochaine échéance électorale, à l'inverse, s'inspire du libéralisme anglo-saxon des années 1980... Mettre en oeuvre un tel programme pèsera dès 2017 sur notre système de protection sociale en le privatisant et en limitant son périmètre. Au-delà des seules questions budgétaires, c'est de choix de société qu'il s'agit ici. Pour notre part, nous soutenons ceux traduits dans le présent texte, et tenons à saluer votre travail, monsieur le ministre, et votre pédagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Francis Delattre .  - Pas de réformes structurelles, pas d'économies réelles sur les dépenses publiques, une dette qui explose, un déficit qui reste important... On est loin des promesses d'équilibre en 2012 faites par le candidat Hollande !

Baisse des déficits et stabilisation de la dette, voilà deux objectifs majeurs non atteints. À vous entendre, pourtant, nous y sommes !

Le déficit avait certes augmenté au cours des premières années du quinquennat précédent, du fait de la crise économique de 2008 : faut-il vous rappeler que le produit de l'impôt sur les sociétés était alors passé de 49 milliards à 19 milliards d'euros ?

Mais ensuite, le déficit s'était réduit de 7,2 % en 2009 à 5,1 % en 2011, soit 2,1 points en deux ans, contre 1,5 point d'amélioration ces quatre dernières années !

Entre 2007 et 2012, la dette française a augmenté un peu moins vite que la moyenne européenne : un peu plus de 600 milliards d'euros comme en Allemagne, mais depuis 2012, elle augmente beaucoup plus vite : 500 milliards d'euros alors qu'elle a diminué de 50 milliards en Allemagne. Vous allez plus loin en prétendant que vous avez stabilisé la dette. Or elle atteint 98,4 % du PIB, bientôt 100 %...

Vos discours ne sont pas sérieux, et laissent les observateurs froids. Nous avions stabilisé les comptes sociaux. En juin dernier, 23,5 milliards d'euros de dette de la sécurité sociale ont été déplacés de l'Agence Centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), et l'Acoss n'en peut toujours plus... Bref, le progrès social est financé par la dette. Dans ces conditions, on se saurait se targuer d'avoir sauvé le système de protection sociale.

Surtout que le système de retraites a été sauvé par la réforme Fillon ! Faire financer les retraites par les personnes au chômage, pour un gouvernement socialiste est un comble. Le vrai trou de la sécurité sociale est de 136 milliards, regardez les comptes de la Cades pour vous en convaincre !

Et je ne dis rien des chômeurs nouveaux, ni des jeunes chômeurs toujours nombreux. Ni les entreprises ni les ménages n'ont vu leurs charges allégées. Les grandes entreprises ont certes été ciblées dans un premier temps, mais vous n'avez pas oublié les autres, d'où les mouvements des pigeons, des poussins, des moutons tondus ou sacrifiés et autres petites entreprises qui ne demandent qu'à créer des emplois.

La prévision de croissance a été rectifiée à 1,2 % par l'Insee. Sérieux budgétaire, dites-vous ? Voilà 4 milliards d'euros de recettes en moins. En 2011, la croissance était supérieure à 2 % ! Quelque chose a dû, depuis, la casser... Les gouvernements de François Hollande n'ont jamais pu saisir les opportunités.

Le groupe Les Républicains votera la question préalable, pour sanctionner une gestion que même la Cour des comptes vilipende. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également)

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par M. de Montgolfier, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,

Considérant que si le projet de loi de finances rectificative pour 2016 maintient un objectif de déficit public inchangé malgré la révision à la baisse du taux de croissance de l'année, cette révision fragilise encore davantage la tenue des objectifs fixés dans le projet de loi de finances pour 2017 ;

Considérant que l'exécution du budget 2016 se caractérise par les nombreuses mesures nouvelles annoncées au cours de l'année et par l'ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, qui ont conduit le Gouvernement à prendre des décrets d'avance pour un montant sans précédent malgré les avis défavorables de la commission des finances du Sénat ;

Considérant que malgré les dérapages en dépenses concernant notamment la masse salariale, des économies de constatation permettent à l'État d'afficher une maîtrise du déficit public grâce à la révision à la baisse des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et à la réduction de la charge de la dette ;

Considérant que l'Assemblée nationale a rétabli les articles que le Sénat avait supprimés en première lecture, notamment l'article 12 procédant à la ratification des décrets d'avance, l'article 34 créant un nouvel acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés, l'article 35 créant une contribution pour l'accès au droit et à la justice et l'article 51 procédant à la ratification d'un avenant à la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal ;

Considérant que sur ces dispositions comme toutes celles restant en discussion il n'y a pas lieu de penser qu'un examen complet du projet de loi de finances rectificative pour 2016 en nouvelle lecture conduirait l'Assemblée nationale à modifier sa position en lecture définitive ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général .  - Je l'ai défendue tout à l'heure...Ses considérants sont explicites.

M. Maurice Vincent .  - J'ai dit quant à moi pourquoi nous soutenions ce collectif tel que venu de l'Assemblée nationale. Nous voterons donc contre.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement était prêt à travailler sur ce texte...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Chiche !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - ... mais lorsque l'on continue à confondre l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), cela n'est guère engageant. Le Gouvernement est défavorable à cette question préalable.

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°83 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 183
Contre 155

Le Sénat a adopté.