Composition de la cour d'assises de l'article 698-6 du code de procédure pénale (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jacques Mézard .  - Au nom du principe de réalité, notre groupe, dans sa majorité, votera ce texte. Notre pays souffre d'un manque de prospective...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous n'avions pas prévu les attentats...

M. Jacques Mézard.  - Certes, mais l'accumulation de textes visant à adapter l'institution judiciaire à la demande immédiate rend notre système pénal cacophonique et incohérent, complexifiant la tâche des magistrats.

Cela étant, il y a aussi un principe de réalité, qui impose de constater que les affaires de terrorisme se multiplient : plus 93 % entre 2015 et 2016, avec un stock qui atteint désormais 288 informations judiciaires et 287 enquêtes préliminaires - soit une hausse de celles-ci de 70 %.

La bonne solution, le bon sens, serait de disposer du nombre de magistrats nécessaires au bon fonctionnement de la justice. Or, depuis des années, chaque fois que le nombre de dossiers augmente, nous diminuons le nombre de magistrats ou sortons un domaine entier de la compétence judiciaire ! Convenez que c'est n'est pas le meilleur moyen de faire avancer la justice, d'autant que l'on prône la collégialité...

De plus, les affaires de terrorisme ne seront pas les seules concernées par cette loi, et la juridiction parisienne ne sera donc pas seule concernée.

Le Sénat réfléchit beaucoup à l'amélioration de notre justice, mais ce n'est pas en multipliant les textes sécuritaires que nous résoudrons les problèmes. Cette mesure permettra, au moins, de réduire le stock, ou d'éviter qu'il ne s'accroisse trop...

Reste la question du bon exercice de la collégialité. Clemenceau disait que « pour prendre une décision, il faut un nombre impair de personnes, et trois c'est déjà trop ! » (Sourires) Tout est dit ! Je ne crois pas, pour ma part, que le recours systématique au juge unique soit la panacée. Nous voterons ce texte au nom du principe de réalité, c'est-à-dire sans enthousiasme... (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Merci.

M. Yves Détraigne .  - Ce texte modifie la composition de la cour d'assises spéciale en diminuant le nombre d'assesseurs en première instance comme en appel. Cette instance, qui a fait ses preuves depuis 1986, est mise à l'épreuve par la forte hausse des procédures ouvertes pour terrorisme : au 1er décembre 2016, on comptait 288 informations judiciaires et 287 enquêtes préliminaires.

Le dispositif antiterroriste français se caractérise par la centralisation parisienne et la spécialisation des magistrats permanents, dont un spécialement consacré aux affaires essentiellement terroristes. La hausse des dossiers de terrorisme aura un effet chronophage, avec le délai d'un an d'audiencement et une durée d'audience qui va de six jours à plusieurs semaines par affaire.

Réduire le nombre d'assesseurs est donc une nécessité pour l'efficacité de la cour d'assises spéciale pénale. Le texte s'applique à toutes les matières de sa compétence. Ce faisant, il diminuera les délais de traitement des dossiers, pour assurer un jugement dans un délai raisonnable. Cela aura un impact sur l'activité des juridictions parisiennes, qui seront moins sollicitées.

Comme rapporteur spécial du budget de la justice, j'aurais préféré que l'on augmente les crédits et le nombre de magistrats. Mais - si j'ose dire dans une assemblée législative - nécessité fait loi !

La grande majorité des magistrats entendus par le rapporteur approuvent cette modification dont ils espèrent une entrée en vigueur prochaine. En revanche, certains représentants des avocats se sont inquiétés d'une atteinte à la solennité, voire à la qualité des décisions rendues. Notre rapporteur juge que ces inquiétudes n'ont pas lieu d'être. Le fonctionnement de la cour d'assises spéciale sera sensiblement amélioré, les conditions de travail des juridictions susceptibles d'être sollicitées aussi. Cela traduit une exigence de bonne administration de la justice, objectif à valeur constitutionnelle qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Il n'y a pas d'amendement. Le vote sur l'article vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.

L'article unique est adopté.

En conséquence, la proposition de loi est adoptée.