Investir dans l'enseignement supérieur

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement.

Discussion générale

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteure de la proposition de résolution .  - Cette proposition de résolution européenne s'inscrit dans la continuité de nos propositions sur la démocratisation de l'enseignement supérieur. Le service public doit améliorer le niveau de connaissance et de compétences de tous.

Il y a dix-sept ans, la stratégie de Lisbonne visait à faire de l'Europe en 2010 « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». Cette stratégie a échoué. Au lieu de 3 %, l'Europe ne consacre que 1,9 % de son PIB à la recherche. En France, si les dépenses d'éducation augmentent, la part de l'État diminue depuis l'an 2000.

La stratégie Europe 2020, elle, prévoyait de rehausser le niveau d'éducation, en s'attachant à réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 %, et en portant à 40 % au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur ou atteint un niveau d'études équivalent. Au conseil « Éducation » de mai 2009, les États membres s'étaient montrés conscients du fait que la croissance des emplois à forte intensité de connaissances exigeait de démocratiser l'enseignement supérieur. Un autre objectif était de consacrer 3 % du PIB européen à la recherche.

À mi-parcours, la part des diplômés parmi les jeunes actifs est certes passée de 34 % en 2010 à plus de 38 % 2015 : l'objectif de 40 % en 2020 n'est pas hors d'atteinte. Cependant, on relève encore trop d'écarts entre les États membres. Les frais d'inscriptions en premier cycle vont de zéro à 11 000 euros. Les bourses sur critères sociaux, inférieures à 1 000 euros dans la plupart des nouveaux pays membres, atteignent ailleurs 9 000 euros. La dépense publique moyenne pour l'enseignement supérieur reste inférieure à 1,3 % du PIB de l'Union européenne. Bref, les conditions d'une démocratisation de cet enseignement ne sont pas réunies. Assez de double langage !

Dans un contexte concurrentiel, la tentation se fait jour de faire reposer le développement de l'enseignement supérieur sur les étudiants et leur famille, au risque d'augmenter les inégalités. On en voit les effets néfastes aux États-Unis, où les inégalités sont fortes entre établissements, où la logique financière prévaut et où la dette cumulée des étudiants atteint 1 160 milliards, 6 % du PIB !

L'Europe doit rompre avec cette conception de l'enseignement supérieur comme un marché. Seul un financement public garantit l'autonomie intellectuelle des universités et la démocratisation de l'enseignement supérieur. La stratégie nationale pour l'enseignement supérieur (StraNES) plaide en ce sens. Elle a fixé deux objectifs, que notre proposition de résolution reprend : porter à 2 % du PIB européen d'ici 2025 le montant des dépenses consacrées à l'enseignement supérieur, et en exclure la part publique du calcul du déficit public.

Dans ce contexte, le tardif amendement du Gouvernement prend toute sa saveur... Il confirme l'assimilation de l'enseignement supérieur à un marché. Il ne faudrait pas porter un nouveau coup de canif au pacte de stabilité ? Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, eux, continueront de défendre leur projet d'émancipation humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture .  - Cette proposition de résolution européenne pose des questions fondamentales. Quels besoins de financement en 2025 pour l'enseignement supérieur, face à la massification et à la concurrence croissante ? Quelle répartition entre financement public et privé ? Notre commission de la culture a choisi de ne pas adopter ce texte, malgré nos préoccupations communes. La proposition de résolution prévoit de reconnaitre l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir : ce point fait l'unanimité, et il n'est pas besoin de l'inscrire dans une résolution.

Vous proposez aussi de consacrer 2 % du PIB européen à l'enseignement supérieur en 2025. Les besoins sont réels, mais l'objectif paraît lointain : la France en est à 1,5 %, l'Union européenne en moyenne à 1,3 %, quand les États-Unis et le Canada ont dépassé 2,5 %. Quant à l'idée de couvrir l'essentiel des dépenses de l'enseignement supérieur par des fonds publics, elle me semble irréaliste. Selon moi, étudiants, familles et entreprises doivent contribuer, puisqu'ils bénéficient de l'enseignement dispensé.

En troisième lieu, vous proposez d'exclure les dépenses publiques d'enseignement supérieur du calcul du déficit public. Depuis 1997, le pacte de stabilité et de croissance laisse une marge d'appréciation à la Commission et au Conseil. Ainsi, en 2015, les dépenses d'accueil des réfugiés, de sécurité en France ou liées au tremblement de terre en Italie n'ont pas été prises en compte dans le calcul du déficit public des États membres. Cette latitude ne fait pas l'unanimité, et le Conseil l'a encadrée depuis la fin 2015. La commission des affaires européennes du Sénat a déploré dans une résolution la multiplication de ces exceptions qui rendent opaques l'application du pacte de stabilité. Aussi n'a-t-il pas paru souhaitable à notre commission de la culture de demander une nouvelle dérogation.

Nous proposons donc de ne pas adopter la proposition de résolution européenne. Un amendement déposé hier par le Gouvernement n'infléchit pas notre position. (Applaudissements sur le banc du groupe Les Républicains)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je reconnais la constance de Mme Gonthier-Maurin. Vous raison de souligner que l'Europe ne s'est pas fixé d'objectifs chiffrés sur les dépenses d'enseignement supérieur, mais seulement sur les dépenses de recherche. C'est en France que le comité d'expertise de la StraNES a souhaité tracer des perspectives sur dix ans, en prévoyant que 2 % du PIB seraient consacrés à l'enseignement supérieur en 2025.

Vous souhaitez que cet objectif soit étendu à toute l'Union européenne et que la part publique de ces dépenses soit exclue du calcul du déficit public.

Où en sommes-nous actuellement ? En moyenne, les dépenses de l'enseignement supérieur atteignent 1,4 % du PIB dans Union européenne, 1,6 % parmi les pays de l'OCDE. En France, la proportion est de 1,5 %. Dans l'Union, seule l'Estonie dépasse les 2 %, la Finlande et le Danemark atteignent 1,9 %, le Royaume-Uni 1,8 % quand l'Allemagne est à 1,3 % environ. L'objectif que vous proposez supposerait donc un effort important de la part de certains pays.

Les disparités sont plus grandes encore en ce qui concerne la répartition des dépenses entre le public et le privé. Dans les pays nordiques, en France et en Allemagne, les dépenses d'enseignement supérieur sont presque exclusivement publiques : 95 % dans les pays nordiques, 82 % en France et en Allemagne. À l'inverse, au Royaume-Uni, les dépenses publiques ne représentent que 40 à 45 % du total, le reste incombant pour l'essentiel aux familles.

L'objectif de 2 % du PIB est souhaitable, mais mériterait d'être affiné. La StraNES prévoyait aussi d'ouvrir la réflexion sur la prise en compte des dépenses d'enseignement supérieur et de recherche dans le déficit public. À ce stade, le Gouvernement ne souhaite pas arbitrer entre les différentes hypothèses émises : faut-il exclure les dépenses d'enseignement supérieur ou celles de recherche ? Ou encore celles qui sont consacrées à la défense et à certaines opérations extérieures ?

Nous avons donc déposé un amendement pour supprimer cet alinéa. S'il est adopté, le Gouvernement soutiendra l'adoption de la proposition. Sinon, il s'en remettra à la sagesse du Sénat.

M. Éric Bocquet .  - Le dynamisme économique suppose d'investir dans la formation à tous les niveaux, pour accroître la part des emplois à forte intensité de connaissances et stimuler l'innovation. Il suppose donc de démocratiser l'enseignement supérieur et la recherche.

C'est l'objet de notre proposition de résolution, qui demande que l'Union européenne se donne les moyens d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés dans la stratégie Europe 2020, en portant à 2 % du PIB le montant des dépenses consacrées à l'enseignement supérieur et en excluant leur part publique du calcul du déficit public, comme le Parlement européen peut le faire. À défaut, on courrait droit à la privatisation de l'enseignement supérieur.

Dans une résolution de 2012, intitulée « Moderniser les systèmes d'enseignement supérieur en Europe », le Parlement européen appelait les États membres à atteindre ce taux de 2 %. Notre proposition est donc en parfaite cohérence.

Les écarts dans les conditions d'accès à l'enseignement supérieur sont aujourd'hui considérables, qu'il s'agisse des frais d'inscription ou des bourses sur critères sociaux, Mme Gonthier-Maurin l'a rappelé. Dans un contexte de concurrence et de baisse des dépenses publiques, le développement de l'enseignement supérieur risque de reposer de plus en plus sur les étudiants et les familles. On voit ce que cela donne aux États-Unis : plus de mille milliards de dollars de dettes cumulées. Le président Obama n'a fini de rembourser son prêt étudiant qu'en 2004 !

Il serait inacceptable que l'Europe emprunte la même voie, assimilant l'enseignement supérieur à un marché. Celui-ci ne doit pas seulement former une certaine élite, mais offrir des chances de réussites à tous, favoriser la mobilité sociale. Et seul un financement public garantit l'autonomie intellectuelle des établissements comme la démocratisation des études.

Sacrifier l'avenir au nom d'objectifs budgétaires immédiats serait une erreur stratégique fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Mireille Jouve .  - Lors d'une conférence mondiale de 1998, l'Unesco appelait à intensifier le soutien public à l'enseignement supérieur et à la recherche. Ce soutien ne s'est pas démenti, mais dans certains pays, les dépenses stagnent, voire baissent, alors même que le nombre d'étudiants a doublé depuis 1975 et devrait passer de 97 millions en 2000 à 262 millions en 2025.

D'où notre proposition de résolution européenne qui vise à reconnaître l'enseignement supérieur comme un investissement d'avenir et à garantir son financement.

Le constat est partagé. Ce n'est pas un hasard si la stratégie Europe 2020 a fixé un objectif de diplômés de l'enseignement supérieur de 40 % parmi les 30-34 ans.

Certes, la compétence de l'Union européenne en matière d'enseignement supérieur n'est que d'appui, mais le processus de Bologne a montré qu'elle pouvait agir. Le programme Erasmus, dont près de 4 millions d'étudiants ont bénéficié depuis 1987, est exemplaire d'une citoyenneté européenne.

L'objectif de 2 % du PIB figure d'ailleurs dans la StraNES. Dans les pays nordiques, le financement public de l'enseignement supérieur atteint 95 %. En France, ce taux est de 82 %. Autre question posée par cette proposition de résolution européenne : faut-il créer une nouvelle dérogation au mode de calcul des déficits publics pour les dépenses d'enseignement supérieur ?

De nombreux experts du FMI à l'OCDE, considèrent que le Pacte de stabilité n'est pas un totem et qu'il doit être adapté  - des dépenses comme celles engagées contre le terrorisme après les attaques que nous avons subies depuis deux ans, ou encore celles que l'Italie a faites après les tremblements de terre, ont ainsi été décomptées des déficits publics.

À cette aune, les dépenses visant l'enseignement supérieur pourraient être considérées comme des réformes structurelles.

Le groupe RDSE, dans sa majorité, votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements au centre) Cette proposition de résolution européenne fixe un objectif de dépenses pour l'enseignement supérieur de 2 % du PIB et les exclut du calcul du déficit public autorisé par le Pacte de stabilité et de croissance. Elle pose comme principe que seul un financement public de l'enseignement supérieur garantit sa démocratisation.

Assurément, ce texte répond à de bons sentiments. Il est vrai que le nombre d'étudiants augmente et que le privé prend de plus en plus de place dans le financement de l'enseignement supérieur. Toutefois, les situations varient selon pays, entre une Europe du Nord à très forte participation publique, et une Europe du Sud où la part du privé est plus importante - sans atteindre cependant celle qu'on observe aux États-Unis ou au Japon. Études supérieures gratuites en Allemagne et dans les pays scandinaves, frais d'inscription modérée en France, frais élevés au Royaume-Uni.

La compétence de l'Union européen en la matière n'étant que d'appui, cette proposition de résolution européenne va trop loin. De plus, la Commission européenne fait preuve de souplesse depuis sa communication du 13 janvier 2015, elle prend désormais en compte de nombreux facteurs dérogatoires dans le calcul de la dette et du déficit. Cette année, le Conseil a souhaité limité les clauses de flexibilité et les dérogations, jugées trop nombreuses et opaques - il a également posé une limite, à 0,75% de PIB d'écart maximum et interdit l'utilisation d'une telle marge plus d'une fois pendant la période d'ajustement. Est-il opportun d'en créer une nouvelle ? Je crois que nous devons plutôt tendre à plus de clarté.

Le groupe UDI-UC ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Les objectifs de ce texte sont de bon sens. Sans formation de la jeunesse, sans production de savoir, l'humanité ne grandit pas. La hausse des financements s'impose face à la massification des effectifs et alors que certaines de nos universités demeurent sous-dotées. Nous souhaitons l'application de la StraNES et un budget de 2 % du PIB pour l'enseignement supérieur. À l'heure où le chef d'état-major sort de sa réserve pour réclamer une hausse des crédits militaires, cette proposition de résolution européenne offre un contrepoint utile.

Certes, nous sommes dans le cadre contraint du pacte de stabilité et de croissance, de sa rigueur ; mais nous n'oublions pas que la stratégie de Lisbonne faisait résonner connaissance avec croissance...

La commission des affaires européennes a déploré la multiplication des dérogations au pacte de stabilité. Mais chacun doit comprendre que l'Europe sera cultivée, solidaire et intelligente - ou elle ne sera plus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)

La droite défend l'autofinancement. S'il est additionnel, d'accord. S'il est conditionnel, c'est-à-dire s'il ne permet que des recherches rentables ou brevetables, alors non ! Car nous en savons alors les conséquences : abandon des disciplines peu rentables comme la botanique, l'expertise sanitaire ou les sciences sociales. On connaît déjà le risque de soumission de la recherche médicale à l'industrie pharmaceutique - saluons à ce propos les fabricants de Lyon et Angers qui ont su conserver leur indépendance.

Voyez aussi les mécènes créationnistes américains qui interdisent d'enseigner Darwin...

Certains misent sur l'augmentation des droits d'inscription. Mais cela deviendrait dissuasif pour nombre d'étudiants, sachant qu'il leur faut aussi financer leur logement et leur vie quotidienne. Certains espèrent également des marges du côté des droits d'inscription pour les étudiants étrangers ; mais, là encore, ce serait jouer contre l'attractivité de notre pays, et réserver nos universités aux seuls fils des plus riches dans les pays du sud. Parce que l'enseignement supérieur est un enjeu d'avenir et qu'il doit rester indépendant, il est juste qu'il fasse l'objet d'investissements publics ambitieux - chacun des candidats aux présidentielles devra dire ce qu'il en est pour lui.

Les écologistes voteront avec enthousiasme cette résolution. Les pays qui soutiennent l'enseignement supérieur ne doivent pas être pénalisés. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)

Mme Dominique Gillot .  - Le comité StraNES avait conclu que les dépenses d'enseignement supérieur n'étaient pas des charges mais des investissements. Le CNESR a validé cette stratégie à une large majorité, fait suffisamment rare pour être souligné. Cette proposition de résolution européenne s'en inspire. Je la soutiens. La majorité sénatoriale avait jugé impossible de supprimer la sélection entre les deux années de master, puis elle a changé d'avis. Est-il inimaginable qu'elle change d'avis également sur la StraNES ?

Pourquoi financer davantage l'enseignement supérieur ? Tout simplement parce que le nombre d'étudiants augmente et parce que le monde change très rapidement : la robotisation, l'informatique, l'intelligence artificielle sont sources de création d'emplois et de richesses, à condition que l'intelligence humaine s'en saisisse, c'est-à-dire que nous disposions des étudiants formés. Les diplômes sont un rempart contre le chômage, nous devons viser l'égalité des chances.

Les frais d'inscription cristallisent souvent les enjeux du débat. Dans le sacro-saint modèle anglo-saxon, le financement privé par les familles a des avantages, mais surtout des inconvénients : des frais élevés favorisent la reproduction des inégalités, entrainent un accroissement de l'endettement étudiant. Au Royaume-Uni, leur hausse a conduit à faire baisser le nombre d'étudiants. Aux États-Unis, l'endettement des étudiants atteint 6 % du PIB - on craint une bulle spéculative - et 40 % des étudiants ne peuvent plus le financer. Le financement public s'impose donc. Il est de 82 % en France, mais 85 % en Allemagne, et atteint 95 % en Scandinavie.

Les travaux des économistes ont montré une forte élasticité du PIB aux dépenses d'enseignement supérieur : selon la Ligue européenne des universités de recherche, un euro investi dans les universités rapporte ainsi quatre euros de valeur ajoutée, et un emploi direct créé dans ce secteur entraîne la création de 32 autres emplois.

La loi Travail a créé le compte personnel d'activité. Les établissements d'enseignement supérieur sont conscients de leur rôle social. Les entreprises aussi. Investir dans l'enseignement supérieur, c'est un moyen de soutenir la croissance. Porter le budget de l'enseignement supérieur à 2 % en 2025 est possible.

Faut-il exclure ces dépenses du calcul des déficits ? L'appartenance à l'Union européenne ne doit pas empêcher l'État d'être stratège, d'investir pour anticiper les révolutions de demain. Toute politique de croissance a un coût. La loi du marché ne suffit pas. On ne peut ignorer aussi l'irruption de géants américains. L'investissement dans l'enseignement supérieur est aussi une question de souveraineté.

Le groupe socialiste et républicain votera ce texte, qui renforcera l'Union européenne et qui sera un bon appui à notre Gouvernement dans les débats européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Colette Mélot .  - L'Union européenne a souvent rappelé l'objectif d'atteindre les 2 % du PIB pour l'enseignement supérieur : processus de Bologne, stratégie de Lisbonne... La StraNES de la France reprend cet objectif. Le nombre d'étudiants devrait doubler d'ici 2030. Mais la conjoncture de l'Union européenne en la matière, d'appui, est limitée.

Erasmus, devenu Erasmus +, dont le budget a augmenté de 40 % est doté de 14,7 milliards d'euros.

Patricia Schillinger et moi-même proposons d'amender la proposition de résolution européenne pour préciser que même si l'éducation n'est pas une compétence principale de l'Union européenne, compléter son cadre d'action est possible et souhaitable.

La Commission européenne prend déjà en compte de nombreux facteurs permettant d'assouplir le calcul des déficits publics : ainsi les dépenses d'accueil des réfugiés, de défense face au terrorisme, ou celles engagées par l'Italie après le séisme de 2016. Toutefois, beaucoup jugent que les dérogations sont trop nombreuses et opaques, comme l'ont rappelé François Marc et Fabienne Keller dans leur rapport.

Il faut rechercher de nouveaux moyens pour financer l'enseignement supérieur, pour mieux associer les entreprises. Compte tenu des réserves émises par la commission de la culture et par la commission des affaires européennes, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Patricia Schillinger .  - Nous partageons tous la conviction que l'enseignement supérieur est un levier essentiel de croissance, de compétitivité et d'emplois à forte valeur ajoutée, comme le rappelle le plan Europe 2020.

Les ambitions européennes sont élevées depuis 2010, avec un objectif de 40 % des diplômés de l'enseignement supérieur chez les 30-34 ans. Cela nécessite un effort de financement important. L'effort financier est en moyenne de 1,43 % du PIB, 1,5 % en France et entre 1,5 % et 1,7 % dans l'Europe du nord.

La Commission européenne et le Conseil européen en ont appelé les États à augmenter les dépenses d'enseignement supérieur. Ils ne peuvent que souscrire aux objectifs avancés. Le modèle européen est un financement majoritairement public : 82 % en France, 85 % en Allemagne, 77,5 % en Espagne, 90 % en Suède, 95 % au Danemark, mais 40 % au Royaume-Uni.

Cela n'exclut pas le financement privé, pourvu qu'il ne passe pas par les frais d'inscription mais le soutien aux entreprises. En l'état, un nouvel assouplissement du pacte de stabilité ne semble pouvoir aboutir. La voie à suivre est une relance en Europe. Beaucoup plaident en ce sens.

L'OFCE défend une règle d'or qui exclurait les investissements d'avenir du calcul des déficits. C'est dans cette voie qu'il faut s'engager plutôt que de créer une nouvelle dérogation. Je voterai à titre personnel l'amendement mais m'abstiendrai sur le texte.

Mme Agnès Canayer .  - Le classement de Shanghai ne compte que cinq établissements français dans le « top 200 », contre 35 établissements britanniques et 57 américains. Si les objectifs de cette proposition de résolution européenne sont louables, ils semblent peu réalistes en cette période budgétaire contrainte.

Porter 80 % d'une classe d'âge au niveau du Bac supposait une réflexion sur l'enseignement supérieur, alors que l'échec à l'université est massif. Il faut améliorer l'orientation des jeunes vers les filières d'avenir. La question de la sélection se pose aussi. Les liens entre les entreprises et les universités doivent être encouragés pour faciliter l'intégration professionnelle. L'apprentissage est un bon exemple, mais souffre malheureusement d'une mauvaise image.

L'union des industries de métallurgie de Normandie a créé une école de formation intégrée. C'est un modèle nouveau et local.

Tous les leviers qui renforcent la diversité de l'offre sur les territoires doivent être encouragés. Des demandes innovantes en Normandie ont été couronnées de succès. Après Sciences Po, l'Essec ouvrira une antenne au Havre. (Mme Catherine Morin-Desailly s'en réjouit)

Les élus doivent se mobiliser pour développer l'offre d'enseignement supérieur sur leur territoire. Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme .  - Les principes généreux de la République pour l'enseignement supérieur se sont étiolés au fil du temps. Cette proposition de résolution européenne porte à 2 % les dépenses d'enseignement supérieur. Les commissions des affaires culturelles et des affaires européennes considèrent cet objectif inatteignable pour le moment.

Ne mettre l'accent que sur les moyens est quelque peu sclérosant. « Des sous, des sous »... On croirait entendre Diafoirus, le médecin qui, chez Molière, s'exclame « le poumon, le poumon ! » et administre force saignées...

Reconnaître l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir ? Quelle nouveauté ! Quelle audace ! Voilà des années que c'est devenu un mot d'ordre, un sermon...

M. Christian Favier.  - .  - Quel mépris !

M. François Bonhomme.  - Depuis très longtemps en France, les objectifs sont ambitieux, ainsi que les crédits publics, mais les résultats ne suivent pas.

Dans le classement de Shangaï, la première université française est 39ème ! Marcel Gauchet a dénoncé les réformes molles qui poussent les chercheurs à quitter la France ; pour la première fois en 2016, le nombre de chercheurs a diminué dans notre pays ! Les objectifs généreux et incantatoires, comme ceux de la StraNES ne suffisent pas.

D'ailleurs, je déplore les conflits d'intérêts dans la composition du comité de la StraNES. Alors qu'il est censé être indépendant, la présidente de ce comité n'est autre que la belle-soeur de Benoit Hamon, qui a été ministre et le rapporteur du comité a été le deuxième de liste socialiste de la région Occitanie ! (Vives exclamations à gauche). Voilà une raison de plus de ne pas voter ce texte.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Ces insinuations sont déplorables. Je n'en dirai pas plus. Les travaux de la StraNES ont été unanimement salués. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion du texte de la proposition de résolution européenne

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Je l'ai défendu dans mon intervention.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Pierre Laurent.  - Nous ne voterons pas cet amendement qui vide la proposition de résolution européenne de son sens. Cet amendement s'inscrit dans l'orthodoxie budgétaire actuelle, alors que celle-ci est remise en cause partout en Europe : en Grèce, en Italie, au Portugal, etc...

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°87 :

Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 30
Pour l'adoption 1
Contre 29

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - Je ne doute pas que la plupart des sénateurs sur tous les bancs estiment que l'enseignement supérieur est une priorité.

Ce sujet réclame un travail en profondeur, dans le temps. Sur le texte de Jean-Léonce Dupont sur le master, nous avons pris le temps et obtenu un consensus.

Je déplore les conditions d'examen de ce texte qui a été rejeté par la commission des affaires européennes et la commission de la culture. Il aurait été judicieux d'associer la commission de la culture en amont : nous n'avons été saisis que le jour du dépôt du rapport...

Mme Éliane Assassi.  - Argument fallacieux !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Il n'en demeure pas moins que la commission de la culture poursuivra sa réflexion sur l'enseignement supérieur.

Mme Dominique Gillot .  - Les membres du groupe socialiste voteront cette proposition de résolution européenne. Je veux démentir les accusations prononcées par François Bonhomme : le comité StraNES a été mis en place en février 2014 ; Benoît Hamon a été ministre du 2 avril 2014 au 2 avril 2015 : comment aurait-il pu signer un décret de nomination en février 2014 ?

M. François Bonhomme.  - Je maintiens mes propos : la nomination à laquelle j'ai fait référence a été signée par Benoît Hamon, ministre. Pour quelqu'un qui veut moraliser la vie politique, un tel conflit d'intérêts est assez compromettant.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, la proposition de résolution européenne est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°88 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 153
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance, suspendue à 18 h 35, reprend à 18 h 45.