SÉANCE

du jeudi 9 février 2017

54e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Leleux.

La séance est ouverte à 11 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Rapport de la Cour des comptes

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des Comptes. (M. le Premier président de la Cour des comptes, accompagné de M. le Rapporteur général de la Cour, prend place dans l'hémicycle)

Monsieur le Premier président, monsieur le Rapporteur général, c'est avec un très grand plaisir que nous vous accueillons pour la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes.

Je connais l'attention que vous portez au Parlement et je tiens à vous remercier personnellement de votre présence parmi nous aujourd'hui ainsi que pour vos fréquentes interventions devant nos commissions.

La Cour des comptes est en effet souvent sollicitée par les commissions permanentes et délégations du Sénat, à commencer, bien sûr, par les commissions des finances et des affaires sociales.

Au cours de l'année 2016, la commission des finances a bénéficié de l'éclairage de la Cour sur des sujets aussi variés que la Journée défense et citoyenneté, l'état et la compétitivité du transport aérien, l'enseignement français à l'étranger, le financement des opérations extérieures de la France, ou encore récemment, l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.

La commission des affaires sociales a bénéficié de l'expertise de la Cour des comptes sur la prévention des conflits d'intérêts en matière d'expertise sanitaire, ainsi que sur l'adaptation aux besoins des moyens matériels et humains consacrés à l'imagerie médicale.

Ces sollicitations illustrent l'attention que porte le Sénat aux observations, constats et recommandations de la Cour.

La remise du rapport annuel est un moment attendu, pour l'analyse critique qu'elle offre de nos finances publiques. Le nombre de nos collègues présents en témoigne. Elle est d'autant plus attendue en cette année de transition où les options politiques en matière budgétaire et fiscale seront soumises au verdict des urnes.

La situation de nos finances publiques est loin d'être totalement satisfaisante, dans un contexte qui nous pousse à craindre des évolutions budgétaires difficiles.

C'est donc avec le plus grand intérêt et toute notre attention que nous allons à présent vous écouter, monsieur le Premier président.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes .  - (M. le Premier président remet à M. le président du Sénat un exemplaire du rapport public annuel de la Cour) La présentation du rapport public annuel demeure un rendez-vous incontournable, un point culminant de notre calendrier.

Ce rapport permet aux juridictions financières de rendre compte d'une partie de leurs constats, de leur impact effectif sur l'action publique et de leur activité tout en satisfaisant leur obligation constitutionnelle d'informer les citoyens.

En 2016, le champ de compétences juridictionnelles de la Cour et des chambres régionales des comptes couvrait plus de 17 000 organismes. Les chambres régionales ont publié 612 rapports d'observations définitives, auxquels s'ajoutent les avis de contrôle budgétaire et les jugements et plus de 1 000 travaux ont été conduits par les différentes chambres de la Cour. Certains d'entre eux l'ont été à la demande des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat, témoins de la bonne qualité des relations entre la Cour et le Sénat, dont je me réjouis.

Nous en suivons très attentivement les effets en analysant les suites apportées à nos recommandations. Ainsi, 72 % des recommandations émises au cours des trois dernières années ont été au moins partiellement mises en oeuvre, et près de 25 % l'ont été entièrement.

Ces constats mesurent la réalité des efforts des agents publics pour appliquer nos recommandations et le chemin qui reste à parcourir pour améliorer l'efficacité et l'efficience de nos services publics.

Les progrès constatés depuis 2010 dans la situation de nos finances publiques sont réels mais fragiles. Des efforts accrus de maîtrise des dépenses seront nécessaires pour stabiliser puis réduire le niveau de dette et respecter la trajectoire sur laquelle la France s'est engagée, à travers son Gouvernement et son Parlement.

Pour accroître l'efficacité et l'efficience des services publics, la dynamique de modernisation, amorcée dans de nombreux secteurs, demande à être amplifiée et doit concerner tous les domaines de l'action publique.

Enfin, pour accompagner et renforcer cette dynamique, les juridictions financières s'attachent à identifier les freins persistants qui l'entravent et à mettre en valeur les conditions de sa réussite.

Mon premier message concerne la situation de nos finances publiques. À première vue, on pourrait se réjouir et se satisfaire de l'évolution récente de nos grands agrégats financiers. En 2016, le déficit public devrait à nouveau se réduire selon les prévisions du Gouvernement...

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Le solde public s'établirait, pour 2016, à moins 3,3 % du PIB, soit une amélioration de 0,2 point par rapport à 2015.

Les progrès enregistrés demeurent néanmoins fragiles...

Mme Nicole Bricq.  - Oui.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - La France est avec l'Espagne, le Portugal et la Grèce, l'un des quatre pays de la zone euro encore en procédure de déficit public excessif.

Au-delà des efforts d'économies engagés, des facteurs indépendants de la volonté des pouvoirs publics ont contribué à une maîtrise accrue de nos dépenses et au respect de la trajectoire : l'évolution à la baisse des taux d'intérêt, à laquelle est due 40 % de la réduction du déficit public intervenue depuis 2011,...

Mme Nicole Bricq.  - Merci M. Draghi !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - ... et la baisse de notre contribution au budget européen. Mais le niveau de notre dette publique est toujours préoccupant. À 96 % du PIB, il est supérieur au niveau de dette moyen des États de la zone euro.

L'utilisation d'émissions sur souches anciennes par l'agence France Trésor freine dans un premier temps l'endettement, mais alourdira dans les années à venir la charge de la dette pour l'État.

S'il se stabilise, le niveau de notre dette ne se replie pas - alors que la dette de certains de nos voisins européens, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, a continué de baisser en 2016.

En 2017, selon les prévisions du Gouvernement, l'amélioration de nos comptes devrait s'accentuer sensiblement : si l'objectif de réduction de déficit était de 0,2 point en 2016, celui de 2017 a été fixé à un niveau beaucoup plus ambitieux, à 0,6 point.

Si les juridictions financières appellent à nouveau à la prudence vis-à-vis de ces prévisions, ce n'est pas par pessimisme. C'est parce qu'elles observent que, sans prévisions réalistes, il n'existe pas de choix éclairés. Or les prévisions actuelles ne leur semblent pas assez prudentes.

Elles comportent une évaluation optimiste des recettes publiques, à commencer par une prévision de croissance économique pour 2017 jugée un peu élevée par le Haut Conseil des finances publiques en septembre dernier - après une année 2016 dont la croissance devrait, selon les dernières informations communiquées par l'Insee, être en retrait de 0,2 % par rapport à la prévision gouvernementale. Les prévisions pour 2017 reposent en outre sur l'hypothèse d'une croissance spontanée des prélèvements obligatoires supérieure à ce que dicterait la prudence.

Du côté des dépenses publiques, les prévisions de déficit intègrent une nette accélération, qui s'explique par une progression de plus de 3 % de la masse salariale de l'État en 2017. La Cour estime néanmoins que cette prévision de croissance des dépenses risque d'être sous-estimée, par l'État comme par la sécurité sociale.

En définitive, l'objectif d'un déficit à 2,7 points de PIB en 2017 sera très difficile à atteindre.

Le respect de la trajectoire adoptée par notre pays dans la dernière loi de programmation des finances publiques appellera des efforts supplémentaires en matière de dépenses, d'autant plus exigeants que plusieurs tendances lourdes s'apprêtent à peser : la remontée des taux d'intérêt, en train de se concrétiser ; l'évolution de notre contribution au budget de l'Union européenne qui, selon la Commission, devrait recommencer à s'accroître ; et enfin, le choix souverain de notre pays de renforcer ses efforts en matière de sécurité intérieure et extérieure.

Maîtriser les dépenses publiques ne signifie pas sacrifier la qualité du service public offert aux citoyens.

Au contraire, le rapport public annuel met en évidence des démarches d'amélioration qui reposent sur le souci d'accroître la capacité des organismes publics à répondre aux besoins réels et parfois évolutifs des citoyens, tout en utilisant plus efficacement chaque euro dépensé.

Les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs face au défi de la modernisation nécessaire de l'action publique. Des efforts réels ont souvent été engagés par les administrations pour accroître la performance des services publics, par la formalisation d'une stratégie reposant sur des priorités et des instruments explicites et par la clarification des rôles de chacun, en évitant des dispositifs d'intervention redondants. Si ces réformes sont parfois très récentes, elles constituent des avancées dont la Cour sera attentive à suivre les effets.

J'en donnerai deux exemples.

La création du nouvel opérateur Business France, a permis de recentrer les actions de l'État en appui à l'internationalisation de l'économie française, grâce à un partage des rôles avec les chambres de commerce et d'industrie et à la définition d'axes stratégiques prioritaires.

Second exemple : l'externalisation du traitement des demandes de visa à l'étranger, qui a atteint son objectif de désengorgement des consulats tout en offrant un service de bien meilleure qualité, sans peser sur les finances publiques.

La Cour constate également, dans certains secteurs, des améliorations des processus de gestion, rendus plus rigoureux et plus efficients : les réformes des achats de maintenance et du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, ou le recours par Pôle emploi à des opérateurs privés, recommandé par la Cour dans un rapport au Parlement en 2014.

La politique d'hébergement des personnes sans domicile a enregistré des progrès notables en matière de capacité d'accueil et de conditions de prise en charge des bénéficiaires. Toutefois, la crise économique et le contexte international n'ont pas permis une adaptation suffisante à des besoins sans cesse croissants, le nombre de personnes sans domicile ayant augmenté de façon massive - de 44 % en dix ans.

Au-delà des difficultés liées à un contexte difficile, les initiatives prises pour améliorer la performance des politiques publiques se heurtent trop souvent à des obstacles, à des limites d'ordre interne, qui ont dévoyé ou limité les effets des réformes nécessaires, voire les ont empêchées.

Le premier frein est le défaut d'adaptation des missions et des objectifs prioritaires des administrations publiques : je citerai le Muséum national d'histoire naturelle, qui n'a pas su faire face à la multiplicité des sites qu'il gère et à la nécessité de choisir un axe stratégique de développement.

Le deuxième frein identifié par la Cour, c'est le caractère inadapté de l'organisation institutionnelle - autrement dit, le manque de clarté ou de pertinence du partage des responsabilités et des tâches. À cet égard, l'exemple du stationnement urbain est particulièrement significatif.

Le projet de constitution du pôle scientifique et technologique de rang mondial « Paris-Saclay », que l'État porte depuis la fin des années 2000, constitue un autre exemple d'organisation inadaptée. Celle-ci doit être revue pour atteindre la visibilité internationale recherchée.

La troisième difficulté récurrente que relève la Cour, est le choix d'instruments inadéquats pour répondre aux objectifs fixés.

Depuis nos travaux de 2013, la situation économique des débitants de tabac s'est globalement améliorée, du fait de l'augmentation des prix du tabac et de la part qui revient aux buralistes, y compris ceux dont les chiffres d'affaires sont les plus élevés. Cette mesure n'encouragera en rien l'indispensable réorientation de cette activité.

Le dernier frein, peut-être le plus important, est le défaut d'une volonté politique clairement exprimée et durable, nécessaire pour surmonter les résistances au changement et conduire les réformes jusqu'à leur terme.

Bien entendu, il n'appartiendra jamais aux juridictions financières de décider à la place des représentants du suffrage universel. Néanmoins, nombre de leurs travaux mettent en évidence les opportunités ratées, voire le coût, qu'emporte un manque de constance dans la décision.

Ce constat apparaît nettement dans le chapitre consacré à l'écotaxe poids lourds...

M. Jean Desessard.  - Et voilà !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - ... qui révèle les déterminants d'un échec stratégique et coûteux. (Mouvements divers, notamment sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Grosperrin.  - Merci Mme Royal !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - Les recettes prévues et non collectées ont été compensées de façon très insatisfaisante au regard des objectifs initiaux par un accroissement de la fiscalité pétrolière, dont le produit est inégalement réparti entre l'État et les collectivités territoriales et dont le coût a été supporté presque entièrement par les poids lourds français...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Quelle erreur ! (Marques d'approbation à droite)

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - Plusieurs autres travaux témoignent de l'immobilisme ou du retard de certains organismes face à des difficultés de gestion pourtant évidentes et dénoncées par la Cour : il en est ainsi de ceux consacrés à la situation de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) ou aux finances des hôpitaux d'Ajaccio et de Bastia, où les juridictions financières ont constaté l'abandon de toute volonté de redressement, face aux résistances rencontrées.

Quelques remèdes : d'abord, c'est une évidence, les projets réussis sont les projets bien préparés, ce qui suppose d'accorder plus d'attention aux résultats obtenus par les politiques existantes avant d'annoncer des politiques nouvelles. Cela signifie d'adopter réellement, et non pas seulement en apparence, le réflexe de l'évaluation en intégrant dans le processus de réforme le temps nécessaire pour l'examen de ses résultats. Cela requiert enfin de renforcer considérablement le contenu des études d'impact.

M. Bruno Sido.  - Voilà !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.  - Cette observation réitérée des juridictions financières est illustrée dans le chapitre sur les autoroutes ferroviaires, dont le bilan est mitigé.

Les réformes doivent être assorties d'une stratégie connue par les acteurs, reposant sur une analyse partagée des besoins, des priorités d'action et un partage des rôles clair.

C'est le sens des recommandations formulées par la Cour pour construire une politique de contrôle et de lutte contre la fraude en matière de formation professionnelle continue des salariés.

Les juridictions financières recommandent une véritable stratégie de contrôle, reposant sur une programmation annuelle et une organisation plus adaptée aux enjeux.

Deux facteurs jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre réussie d'un projet : la responsabilisation des acteurs du changement et l'instauration d'un pilotage réactif par les résultats.

Le renouvellement des moyens aériens et navals de la Douane est le contre-exemple exact d'une responsabilisation réussie des agents, en raison d'une culture autarcique et d'un déficit de contrôle.

L'exemple de l'indemnisation amiable des victimes d'accidents médicaux prouve la nécessité d'instaurer un pilotage réactif par les résultats, afin de donner l'alarme lorsque les objectifs ne sont pas remplis. Mise en oeuvre dans la foulée de la loi du 4 mars 2002, cette politique a été dévoyée. C'est la conséquence des défaillances de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), l'établissement public chargé d'indemniser les victimes.

La situation de nos finances publiques demeure fragile et vulnérable, malgré les progrès constatés. Les efforts de maîtrise des dépenses devront être poursuivis et intensifiés si notre pays veut préserver sa capacité à faire des choix souverains et à rester crédible dans le concert européen grâce au respect de ses engagements. Les rapports de la Cour des comptes et des chambres régionales montrent des marges d'efficacité et d'efficience.

Une modernisation effective de notre action publique est possible. Elle a été engagée dans plusieurs secteurs et peut prendre appui sur les compétences et la force de l'engagement de l'immense majorité d'agents publics. Elle doit se systématiser en prenant en compte les meilleures pratiques.

Enfin, le succès des démarches de modernisation dépend d'une sorte de révolution copernicienne, qui consisterait à prêter plus d'attention aux résultats effectifs de l'action publique, à l'impact des politiques publiques pour leurs bénéficiaires, et à fonder les décisions sur la mesure de ces résultats plutôt que sur le souci d'annoncer systématiquement des mesures nouvelles.

Pour accomplir cette révolution, les pouvoirs publics peuvent compter sur les juridictions financières - je l'espère - qui continueront de remplir avec une grande vigilance les missions que leur ont confiées les représentants du suffrage universel. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances .  - Le rapport public annuel est toujours une source d'informations précieuses pour les parlementaires et nos concitoyens. Ce moment solennel est aussi l'occasion de rappeler l'importance de la mission constitutionnelle d'assistance de la Cour des comptes au Parlement, dans ses travaux de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Cette mission prend des formes multiples, au-delà du rapport public annuel.

Nous avons par exemple organisé deux colloques en 2016 pour les quinze années du vote de la LOLF.

Chacun examinera avec attention les analyses et recommandations du rapport annuel pour en tirer les leçons utiles. Cette année, le suivi de ses recommandations ne fait apparaître qu'un seul constat de progrès, sur le traitement des demandes de visas.

Quelques mots sur les travaux qui font écho à ceux que nous avons nous-mêmes menés. L'abandon définitif de l'écotaxe poids lourd a été décidé dans la loi de finances pour 2017. La mise en place puis l'abandon de cette taxe ont fait l'objet de débats intenses dans cette assemblée, ses commissions permanentes, comme au sein de la commission d'enquête présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx...

M. François Marc.  - En effet !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - La Cour des comptes rejoint également le constat dressé par M. Michel Berson, auteur en mai 2016, du rapport « Réussir le cluster de Paris-Saclay », dénonçant le caractère très insatisfaisant du pilotage du projet par l'État, et l'urgence de doter l'université d'une gouvernance à la hauteur de son ambition mondiale.

La Cour des comptes rejoint également plusieurs préconisations formulées par M. Philippe Dallier dans son rapport de décembre 2016 sur les dispositifs d'hébergement d'urgence.

D'autres insertions susciteront sans aucun doute l'intérêt de nos rapporteurs spéciaux, MM. Michel Bouvard et Philippe Carcenac, qui ont travaillé sur les hélicoptères, à propos des moyens aériens et navals de la Douane, M. Vincent Capo-Canellas sur l'action sociale de la direction générale de l'aviation civile.

Les rapporteurs de la commission des finances utilisent les travaux de la Cour des comptes tout au long de l'année, sans attendre la parution du rapport public.

Les enquêtes qui nous sont remises en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances font l'objet d'une exploitation systématique, grâce aux auditions auxquelles participent les administrations et organismes contrôlés. Celles relatives au financement des OPEX ou à la compétitivité du transport aérien ont enrichi nos débats sur les annulations de crédits pesant sur le ministère de la défense ou sur l'opportunité de réviser la taxe de solidarité sur les billets d'avions et la taxe sur les nuisances sonores aériennes.

Le suivi ne se fait pas uniquement sur l'année mais dans un cadre plus long : ainsi, l'analyse par la Cour de la mise en oeuvre des Contrats de plan État-région (CPER), dans une enquête remise au Sénat en 2014, a constitué une source d'information importante pour M. Bernard Delcros.

Cette année, MM. Yannick Botrel et Alain Houpert se pencheront bientôt sur la chaîne des aides agricoles. M. Jean-François Husson se penchera avec la Cour sur le soutien aux énergies renouvelables. La Cour des comptes examinera le programme « Habiter mieux » pour M. Philippe Dallier et la question du personnel contractuel dans l'éducation nationale pour MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud. Enfin, un rapport sera remis sur les matériels et équipements de la police et de la gendarmerie à la demande de M. Philippe Dominati. Nous aurons également, en juin prochain, communication de l'enquête sur les politiques de lutte contre l'exclusion bancaire, que je rapporterai.

L'an passé, j'avais insisté sur la bonne coordination des travaux de la Cour avec ceux de notre commission des finances. C'est toujours le cas. Notre programme de contrôle budgétaire a été rendu public et transmis à la Cour des comptes. Dans le cadre de sa mission d'assistance, la Cour transmet les travaux définitifs qu'elle a réalisés sur les domaines qui intéressent les rapporteurs spéciaux et cela est précieux.

M. Philippe Dominati s'est par exemple appuyé sur le rapport de la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France de 2012 pour proposer une organisation nouvelle de la préfecture de police de Paris. C'est pour prolonger les travaux de la Cour des comptes sur la difficile mise en place de l'Institut national du cancer que M. Francis Delattre a présenté en juillet 2016 un rapport sur cet opérateur pivot des plans cancer successifs. C'est également parce que la Cour des comptes a soulevé un risque dans son rapport sur le budget de l'État de mai 2015, que le rapporteur spécial Maurice Vincent a fait le choix de mener une mission de contrôle sur la politique de dividendes de l'État actionnaire.

Les travaux réalisés par la Cour sur la gestion des enseignants et le coût du lycée ont été pris en compte par M. Gérard Longuet dans son rapport de décembre 2016, relatif aux heures supplémentaires dans le second degré de l'éducation nationale.

L'an passé, j'avais regretté que les travaux de la commission soient publiés trop tardivement. Cette année, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur l'impôt sur les sociétés nous a été présenté en janvier, et nous en ferons bon usage.

Cette année encore, le rapport public annuel est riche d'enseignements, et je veux remercier le Premier président de sa grande disponibilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs, de ceux du groupe socialiste et républicain jusqu'à droite)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Cette présentation nous offre l'occasion de saluer, cette année encore, l'apport majeur de la Cour des comptes à l'information du Parlement en général et de notre commission en particulier. Je pense aux rapports annuels sur les lois de financement de la sécurité sociale, les rapports de certification, les rapports thématiques et les enquêtes effectuées à notre demande.

Alors que la sphère sociale représente près de la moitié des finances publiques, l'ensemble des travaux de la Cour invite d'abord à la lucidité, alors que d'aucuns sont tentés par des promesses de dépenses nouvelles. Il est bien trop tôt pour se prononcer sur l'exécution des comptes du régime général de la sécurité sociale, mais, conformément à nos alertes, le respect de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2016 n'est pas assuré. L'enveloppe allouée à l'hôpital sera, cette année encore, sollicitée, ce que le Gouvernement a confirmé dans sa réponse à la Cour.

Cela traduit la faiblesse des mesures d'économie.

Pour 2017, la Cour relève l'arrêt du mouvement de réduction des prélèvements obligatoires, qui n'avait été mis en oeuvre que tardivement, à partir de 2015, et très progressivement. Malgré les annonces du pacte de responsabilité, le contre-choc fiscal n'a donc pas eu lieu.

Pour boucler l'exercice, le Gouvernement a recours à des expédients de trésorerie, en aménageant le calendrier de versement de la taxe sur les véhicules de sociétés et de la C3S. Ces mesures ne sont pas reconductibles en 2018 alors que devront être financées des mesures nouvelles à effet différé sur les comptes publics : élargissement du CICE et du crédit d'impôt sur les services à la personne.

Les économies annoncées sur l'Ondam ne sont pas davantage pérennes ni reconductibles. Notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, en avait démontré le caractère artificiel pour près d'un milliard d'euros.

Les économies annoncées sur l'assurance chômage sont aussi, comme je l'avais anticipé, fictives. Ce n'est pas en dépensant plus que nous dépenserons mieux. Nos dépenses sociales dépassent très largement celles de l'État, il n'est pas anormal que la Cour des comptes y insiste, soulignant que le niveau très élevé des dépenses publiques ne donne pas les résultats attendus. La Cour prend en exemple les politiques de logement, de la formation professionnelle ou de la santé.

Nous avons, pointe la Cour, des marges de progression dans la lutte contre la fraude en matière de formation professionnelle, et d'efficacité dans la gestion de l'Oniam et la conduite de son activité - nous auditionnerons bientôt le candidat pressenti à sa présidence.

La Cour nous appelle aussi à la vigilance sur le suivi de ses recommandations. Celles-ci étaient sévères, en 2014, sur la gestion de la Cipav, caisse qui concerne de nombreuses professions libérales. Trois ans plus tard, la Cour nous alerte sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 50 du PLFSS. Parmi les enquêtes que votre commission des affaires sociales demande à la Cour, Daniel Chasseing a été le rapporteur de celle qui nous a été remise en avril dernier sur l'imagerie médicale, et dont les recommandations ont été traduites dans la relation conventionnelle entre la profession et l'assurance maladie.

Outre la lucidité, persévérance, constance, ténacité seront indispensables pour rétablir l'équilibre de nos finances publiques.

Je souligne à nouveau la contribution que la Cour des comptes nous apporte dans le nécessaire contrôle de l'action du Gouvernement.

À chacun d'en tirer ses propres conclusions. J'y vois pour ma part une incitation à une action résolue pour retrouver les marges nécessaires à une action publique rénovée, adaptée aux nombreux défis que nous avons à relever. (Applaudissements sur la plupart des bancs, depuis les bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'à droite)

M. Gérard Larcher, président du Sénat.  - Monsieur le Premier président, je vous remercie. Merci à toutes et tous d'être venus aussi nombreux en séance pour ce temps fort. Nous en avons fini avec la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes. MM. les huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et M. le Rapporteur général de la Cour des comptes.

La séance est suspendue à 12 h 20.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.