Création de l'Agence nationale de santé publique et diverses dispositions relatives aux produits de santé (Conclusions des CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé et sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires .  - Les deux CMP réunies le 17 janvier dernier au Sénat ont abouti à un accord.

S'agissant de l'ordonnance simplifiant les procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et comportant diverses dispositions sur les produits de santé, restait en discussion l'article 2 relatif à l'obligation de déclarer les quantités de médicaments exportés, obligation que l'Assemblée nationale avait étendue à tous les acteurs du système et non aux seuls grossistes répartiteurs. Nous avons suivi cette position.

L'article 3 qui transpose une directive relative à l'importation des tissus et cellules a fait l'objet d'un travail de coordination entre nos deux assemblées.

L'article 4, qui transfère le Comité technique de vaccination (CTV) à la Haute autorité de santé (HAS), répond au rapport de notre commission sur la politique vaccinale. La CMP a entériné les précisions rédactionnelles apportées par l'Assemblée nationale.

Je vous propose d'adopter ces conclusions qui ne font guère débat.

S'agissant du projet de loi portant création de l'Agence nationale de santé publique (ANSP), un seul article restait en discussion.

Le Sénat, favorable à la rationalisation, a d'emblée soutenu la création de l'ANSP, issue de la fusion de trois agences préexistantes.

La commission des affaires sociales avait néanmoins émis une réserve sur la méthode : avant même sa ratification, l'ordonnance a été modifiée par la loi de finances pour 2017 qui supprime son financement par l'assurance maladie. Cette instabilité est regrettable.

L'article 2 restant en discussion concernait l'inclusion de l'ANSP dans le champ de l'habilitation donnée au Gouvernement sur la mutualisation des fonctions support de divers organismes. Nous avons étudié la proposition du Gouvernement sans a priori, en demandant simplement en quoi il était nécessaire de revenir sur la loi Santé et quels étaient les projets de mutualisation envisagés. Nous n'avons obtenu que des réponses évasives, changeantes voire contradictoires.

Nous ne sommes pas opposés par principe aux ordonnances, mais il faut justifier d'une nécessité juridique et d'un minimum de transparence vis-à-vis du Parlement. C'est pourquoi le Sénat a supprimé cette habilitation ; la CMP s'est rangée à son avis.

Le lendemain, le Conseil des ministres adoptait l'ordonnance dont nous supprimions le fondement législatif... Il est étrange que le Gouvernement ne tienne pas compte des débats parlementaires en cours. Le texte publié est certes différent du projet initial, mais n'a pas non plus pour objet de faciliter les mutualisations. Plutôt, il opère un transfert définitif de compétence du pouvoir législatif au réglementaire. Dans ces conditions, le projet de loi de ratification ne pourra être adopté en l'état - il ne serait pas infondé qu'une initiative parlementaire vienne supprimer les dispositions en cause.

Je vous propose d'adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Lors de la réunion du 17 janvier dernier, les deux CMP sont arrivées à des accords ; leurs conclusions ont été adoptées par l'Assemblée nationale.

L'ANSP réunit l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut nationale de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). Quelques mois après sa création, elle est pleinement intégrée dans le paysage sanitaire français. Elle est pleinement compétente, du stade de la production de connaissances jusqu'à la réponse aux menaces, sans oublier la prévention. L'épidémie de grippe de cet hiver a montré l'intérêt d'avoir un opérateur de l'État.

Le Gouvernement a soutenu la volonté des rapporteurs d'associer la représentation nationale au conseil d'administration de l'Agence. Sur l'article 2, il ne peut que regretter que la CMP ait retenu la version du Sénat. En adoptant définitivement ce texte, vous supprimerez a posteriori l'habilitation accordée au Gouvernement dans la loi Santé. Il vous appartiendra de ratifier ou non l'ordonnance prise sur son fondement...

Sur le deuxième texte, la CMP a conservé la totalité des amendements adoptés au Sénat comme à l'Assemblée nationale. C'est donc un texte amélioré, de consensus. Il modernise les procédures de sécurité sanitaire et renforce notre arsenal de lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments, notamment de vaccins.

L'article 2 avait suscité des débats et je me souviens que des sénateurs avaient relayé les inquiétudes des professionnels. Je me réjouis que la navette ait pu rassurer les grossistes-répartiteurs, rendu l'expérimentation plus cohérente et garanti la confidentialité des données. Je lis d'ailleurs la satisfaction sur les visages !

Comme le Gouvernement s'y est engagé, le tiers de confiance sera désigné en concertation avec tous les acteurs. Cette mesure complètera l'action de Marisol Touraine contre les ruptures d'approvisionnement et pour une plus grande transparence sur les stocks.

Le Gouvernement se félicite du large consensus qui a accompagné la ratification de ces ordonnances. La représentation nationale aura démontré une fois de plus son attachement aux agences sanitaires, maillons essentiels de la politique de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Élisabeth Doineau .  - Rapporteur de la loi Santé, j'avais accueilli avec réserve le grand nombre d'habilitations prévues et proposé d'en supprimer plusieurs, vu la sensibilité des sujets. Le Parlement ne saurait être une chambre d'enregistrement. Le Sénat est dans son rôle en refusant des habilitations indues.

En première lecture, j'avais affiché ma prudence sur le projet de loi de ratification relatif à la création de l'ANSP, au motif que le Gouvernement utilisait cette habilitation pour opérer un transfert définitif de compétence du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire concernant les mutualisations.

Je me réjouis que Gilbert Barbier ait été entendu. Le Parlement ne doit pas céder au Gouvernement, quel qu'il soit, quand il tente de circonscrire ses compétences.

La France a connu dix fois plus de ruptures d'approvisionnement de médicaments d'intérêt thérapeutique majeurs en 2014 qu'en 2008. Chaque jour, 5 % des médicaments et 10 % des vaccins manquent. Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait élargi l'obligation de déclaration des volumes exportés, en espérant que cela permettra de mieux comprendre l'origine des ruptures d'approvisionnement.

Le groupe UDI-UC votera ce projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hervé Poher .  - Le groupe écologiste est très favorable au regroupement, au sein de l'ANSP, de trois institutions - à condition que les moyens financiers et humains ne soient pas diminués.

Sur l'autre projet de loi, nous sommes plus partagés, voire réservés. L'article premier simplifie certes les procédures, mais le transfert de responsabilité du ministère de la santé vers le directeur de l'ANSM, notamment en matière de bonnes pratiques de pharmacovigilance, est un sujet sensible, tant les enjeux sont importants et les lobbies puissants. Dépakine, Mediator, les scandales ont été nombreux. Le mot magique de « simplification » réunit tous les suffrages, mais la simplification ne va pas sans interrogations.

Comment notre société libérale marchande peut-elle être confrontée à des ruptures d'approvisionnement de médicaments ? Dans une société où on peut se procurer quoi que ce soit en 24 heures, c'est incroyable ! Comment ne pas penser à un complot du grand capital, surtout quand on sait les profits des groupes pharmaceutiques...

Certains d'entre nous sont opposés par principe à toute marchandisation du corps humain, et en particulier à l'importation de tissus et cellules de pays extérieurs à l'Union européenne. Certes, l'article 3 transpose une directive en renforçant la sécurité mais la philosophie reste la même. Personnellement, j'estime cela normal - mais il faut une vraie réflexion. Jusqu'où ira-t-on ?

Récemment, des expériences aux États-Unis ont permis de développer des cellules humaines dans des embryons de porc. Heureusement, l'éthique est là, mais elle est parfois élastique : mettons des garde-fous, quitte à renoncer à la simplification.

L'article 4 transfère le CTV à la HAS : c'est bien, mais il faut surtout redonner à nos concitoyens confiance dans la démarche de vaccination et répondre aux questions sur les adjuvants.

Malgré quelques doutes, le groupe écologiste votera ce deuxième texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)

Mme Catherine Génisson .  - En réunissant trois agences, la création de l'ANSP répond au manque de lisibilité dû à un trop grand nombre d'agences créées en réaction à des crises, sans cohérence d'ensemble.

La nouvelle agence fera de la veille sanitaire et pourra s'emparer de nombreux sujets : tabac, nutrition, inégalités de santé, prévention, à l'image de la récente campagne « un mois sans tabac ».

Je me réjouis que la CMP ait adopté sans modification l'article 1er bis qui associe les parlementaires au conseil d'administration de l'Agence.

Sur l'article 2, le rapporteur redoutait un dessaisissement du pouvoir législatif au profit du réglementaire sur les mutualisations. Le groupe socialiste, soucieux du consensus, votera les conclusions de la CMP.

Le deuxième texte vise à alléger la charge administrative de l'ANSM. L'Assemblée nationale ayant étendu l'obligation instaurée à l'article 2, tous les acteurs de la chaîne du médicament - laboratoires, titulaires d'une autorisation de mise sur le marché, distributeurs en gros à l'exportation  - devront déclarer à un tiers de confiance les volumes de médicaments qu'ils exportent, afin de mieux mesurer en temps réel la quantité de médicaments à disposition et d'identifier les flux.

L'article 3 transpose la directive européenne du 8 avril 2015 sur les normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés ; avec l'accord du Gouvernement, notre rapporteur a souhaité interdire toute importation en provenance de pays extérieur à l'Union européenne.

Le groupe socialiste approuve le transfert du CTV vers la HAS. C'est un sujet d'actualité, après l'avis du Conseil d'État sur les vaccins. Nous voterons les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Yves Daudigny.  - Très bien.

Mme Corinne Imbert .  - La création de l'ANSP répond à un souci de simplification et de rationalisation avec la fusion de trois instituts : InVS, Inpes et Eprus.

Le Sénat avait supprimé l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la mutualisation des fonctions support ; la CMP a suivi notre rapporteur. Nous ne sommes pas contre les mutualisations des fonctions support, mais elles doivent être lancées une fois le rapprochement bien engagé. La position de la CMP est sage, d'autant qu'elle conserve au législateur toute sa compétence.

Le deuxième texte propose, dans son article 2, une expérimentation pour mettre fin aux ruptures d'approvisionnement de médicaments. Élargi à tous les acteurs de la chaîne du médicament, alors que le texte initial ne concernait que les grossistes-répartiteurs, il permettra de mieux connaître la situation des stocks.

Selon l'ANSM, les déclarations de ruptures se sont multipliées par dix en cinq ans, y compris pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.

La transposition de la directive sur l'importation de tissus et de cellules et le transfert des compétences vaccinales à la HAS n'appellent aucune remarque particulière. Le groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Laurence Cohen .  - Nous ne sommes pas favorables à la procédure d'examen en commission qui amoindrit les droits des parlementaires en limitant nos discussions - même s'il s'agit d'ordonnances, procédure que nous désapprouvons également.

Notre groupe a dit ses réserves sur l'ordonnance relative à l'ANSM.

La marchandisation de tissus et des cellules provenant de pays tiers devrait être interdite, au nom de l'éthique et pour préserver notre modèle transfusionnel gratuit et bénévole. Les amendements de l'Assemblée nationale ne sécurisent pas tout à fait les choses.

Nous nous réjouissons que l'obligation de déclaration des exportations concerne désormais également les laboratoires ; espérons qu'il en résultera un meilleur approvisionnement des pharmacies. En 2015, 391 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur étaient signalés en rupture d'approvisionnement ! On ne peut continuer ainsi.

Je me félicite de la décision du Conseil d'État du 8 février qui demande au ministère de la santé de rendre disponibles les trois vaccins obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). J'espère que le Gouvernement mettra rapidement en oeuvre cette décision alors que les industriels avaient organisé l'arrêt de la production des vaccins DTP non associés à d'autres. À Mme Touraine de prendre les mesures nécessaires permettant de garantir la disponibilité de ces vaccins, si possible sans adjuvant aluminique. Elle peut sanctionner les laboratoires qui n'auraient pas de plan de gestion de la pénurie, décider de licences d'office ou saisir l'ANSP. Pôle public du médicament et licences d'office, c'est ce que nous préconisons.

L'ANSP a dû gérer l'hiver dernier sa première épidémie de grippe, qui a fait 14 300 morts. Il est indispensable de disposer d'une expertise globale pour la protection sanitaire de la population.

Après la diminution de 3,1 % de la subvention aux agences sanitaires, l'État a réduit sa contribution de 7 % en 2017 avec 7 millions d'euros et 40 emplois en moins. Il va falloir sortir l'ANSP du carcan des restrictions budgétaires.

Les politiques de santé vont à l'encontre des missions de service public. La multiplication des déserts médicaux, le manque de spécialistes, l'engorgement des urgences, la souffrance des personnels plaident pour plus de moyens !

Notre groupe s'abstiendra sur ces deux ordonnances qui ne règlent ni la question des moyens ni ne lèvent le flou qui demeure - abstention pour tenir compte des avancées apportées par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Mireille Jouve .  - Un an après la loi Santé, nous sommes appelés à ratifier deux ordonnances, sur lesquelles la commission mixte paritaire est arrivée à un accord.

Trop d'acteurs interviennent en matière de prévention et de veille sanitaire, la fusion de trois instituts en une agence nationale de santé publique est donc une très bonne chose. La France se dotera ainsi d'un établissement d'excellence, à l'image des agences américaine, britannique et canadienne.

Je me réjouis que la CMP ait suivi le Sénat en supprimant l'habilitation à procéder par ordonnance pour mutualiser les fonctions support : il s'agissait en réalité pour le Gouvernement de transférer définitivement une compétence du pouvoir législatif vers le pouvoir réglementaires. L'étude d'impact est claire, éloquente : la conséquence était bien d'élargir le champ de l'ordonnance.

S'agissant du second texte, je ne reviendrai pas sur l'article premier, auquel nous souscrivons pleinement. L'ANSM est un acteur indispensable de la sécurité sanitaire.

L'article 2 imposait aux grossistes-répartiteurs l'obligation de communiquer les stocks exportés ; les députés ont à bon droit étendu cette obligation à tous les acteurs de la chaîne du médicament, laboratoires, titulaires d'autorisation de mise sur le marché et distributeurs en gros à l'exportation. Cela permettra de lutter contre les ruptures d'approvisionnement, enjeu majeur de santé publique. L'ordre des pharmaciens a recensé 200 000 déclarations de rupture de stock entre mars 2015 et février 2016 !

Suivant le rapporteur, le groupe RDSE approuvera ces deux textes.

M. Guillaume Arnell.  - Très bien !

La discussion générale est close.

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble de chaque texte.

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est définitivement adopté.

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 18 h 50.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 19 h 5.