Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 8 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°93, présenté par M. Antiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 743-2 est abrogé.

M. Maurice Antiste.  - Le Défenseur des droits a recommandé l'abandon de cet article, en se référant notamment à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire « I.M. c. France » du 2 février 2012, selon laquelle « l'effectivité du recours garantie par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme suppose, en cas de refoulement susceptible de faire naître un risque de traitements contraires à l'article 3, l'existence d'un recours de plein droit suspensif ».

Or les modifications introduites par l'article 8 reviendraient à priver de caractère suspensif la plupart des recours introduits par des demandeurs d'asile en procédure accélérée, alors que la réforme de 2015 avait consacré le caractère suspensif du recours.

C'est pourquoi cet amendement supprime l'article L.743-2 du Ceseda.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur.  - Même avis.

À la demande de la commission, l'amendement n°93 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°148 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 94
Contre 248

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°230 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Rachid Temal.  - Je regrette qu'exil et immigration aient été associés dans ce texte.

Le projet de loi prévoit que le droit au maintien sur le territoire, garantie introduite par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile, prendra fin à compter de la date de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA, et non plus à compter de la notification de la décision. Le demandeur étant rarement présent lors de la lecture de la décision, il ne pourra prendre connaissance ni du sens de la décision, ni du contenu de sa motivation. Même si le demandeur est présent, le simple affichage du résultat ne lui permet pas de connaitre les motifs exacts de la décision. En conséquence, cette mesure altère son droit à un recours effectif puisque, en cas de rejet de sa demande, il se trouve dans l'incapacité de faire valoir ses arguments. Elle doit être supprimée.

M. le président.  - Amendement identique n°561 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Cette disposition va à l'encontre de la notion de notification qui impose un envoi mais aussi une réception, dont il faut attester. De fait, elle prive les demandeurs d'un droit de recours effectif.

M. le président.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mme Deseyne, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. P. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Vogel et Mme Lamure.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut, en attendant cette date, faire l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence.

M. Roger Karoutchi.  - Lorsqu'un demandeur débouté par l'Ofpra sait qu'il le sera aussi par la CNDA, généralement il disparaît sans laisser d'adresse. C'est pourquoi cet amendement donne la faculté à l'autorité administrative d'assigner à résidence le débouté du droit d'asile. En aparté, le rapporteur m'a dit que c'est déjà possible : s'il me le confirme, je retirerai l'amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos230 rectifié bis et 561 rectifié, qui vident cet article de son contenu. Les garanties individuelles des demandeurs sont préservées.

Je confirme à M. Karoutchi que son amendement est satisfait. Concernant les recours suspensifs : un demandeur d'asile pourra faire l'objet d'une expulsion pour motif d'ordre public. Dans ce cas, il pourra être assigné à résidence ou placé en rétention en vue de son éloignement. Quant aux recours non suspensifs, un demandeur d'asile peut faire l'objet d'une OQTF, et être assigné à résidence en vue de son éloignement. Retrait ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Les amendements nos230 rectifié bis et 561 rectifié vident le texte de son contenu ; avis défavorable. Quant à l'amendement n°56 rectifié, je confirme qu'il est satisfait : retrait ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'est pas absurde de laisser un demandeur rester sur le territoire jusqu'à ce que la décision lui soit notifiée. En quoi ces amendements vident-ils le texte de son contenu ?

M. Roger Karoutchi.  - Vous le savez bien !

M. Didier Marie.  - Là encore, on cherche à réduire les délais. La démarche du Gouvernement et de la majorité sénatoriale est assez claire.

M. David Assouline.  - Les coups de rabot sur chaque droit laissé au demandeur sont inquiétants. Avec cet article, le demandeur est expulsable dans l'instant, avant même de recevoir la notification.

Nous parlons de gens en détresse, fragilisés par des épreuves où ils ont échappé à la mort. Le journal, hier, a publié les noms des 34 000 morts en Méditerranée. Notre pays n'est pas sans procédure, ceux qui arrivent doivent faire de nombreuses démarches, mais on leur complique encore la tâche, on rabote chacun des droits qui leur restent : c'est cela, la France ?

M. Karoutchi dit lui-même (M. Roger Karoutchi lève les yeux au ciel.) que la loi de 2015 a renforcé les capacités de l'Ofpra et réduit les délais. C'est comme ça qu'il faut procéder, pas en réduisant les droits. Cet article est proprement scandaleux.

M. Roger Karoutchi.  - Puisque l'on me parle, je dois répondre... Tout est question d'équilibre. Selon la Cour des comptes, seuls 4 à 8 % des déboutés du droit d'asile sont raccompagnés aux frontières. C'est un problème budgétaire, mais aussi - c'est l'objet de mon amendement que je vais retirer - que certains demandeurs d'asile, qui ne sont pas considérés comme tels par l'Ofpra ou la CNDA, n'attendent pas le jugement et disparaissent dans la nature.

Si l'on veut garantir le droit d'asile pour ceux qui le méritent, il faut des règles strictes et respectées. Je suis pour une meilleure intégration de ceux qui ont reçu le statut de réfugié parce qu'ils le méritent.

Si tout le monde reste, c'est tout l'équilibre qui est menacé. Le droit d'asile n'a plus aucun sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Rachid Temal.  - Oui, c'est l'équilibre qu'il faut chercher. Mais ce texte fait le contraire, en réduisant les délais et, maintenant, en se dispensant de notification. Mieux intégrer ceux qui relèvent du droit d'asile ? Tout le monde est bien d'accord, mais ce n'est pas l'objet de ce texte.

Les amendements identiques nos230 rectifié bis et 561 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°56 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°562 rectifié, présenté par Mme Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Alinéas 3 à 8

Supprimer ces alinéas.

Mme Josiane Costes.  - La Commissaire aux Droits de l'Homme auprès du Conseil de l'Europe a jugé que l'article 8 était susceptible de remettre en cause « l'effectivité de ce recours, laquelle suppose sa disponibilité et son accessibilité, non seulement en droit, mais aussi en pratique. » Nous sommes attachés au droit à un recours effectif.

M. le président.  - Amendement n°231 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Rachid Temal.  - Lorsque la demande d'asile est qualifiée de demande de réexamen, le demandeur ne bénéficie pas des mêmes droits et garanties que lors d'une « première » demande. Nous voulons limiter dans le temps cette situation de moindres droits, car entre une première et une deuxième demande, la situation dans le pays d'origine a pu changer en profondeur.

M. le président.  - Amendement n°232 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Rachid Temal.  - Cet amendement supprime certains des cas où le droit au recours suspensif ne s'applique pas : décision de rejet pour une demande examinée en procédure accélérée pour pays d'origine sûr, demande de réexamen ou cas de menace à l'ordre public.

Avec ces exceptions, le caractère suspensif du recours deviendrait un droit résiduel. La France se placerait là en contradiction avec le droit européen qui garantit le principe du droit au recours.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°562 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos 231 rectifié bis et 232 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°233 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement supprimait le recours devant le juge administratif introduit par le Gouvernement, en parallèle avec la procédure devant la CNDA, construction baroque qui a pour seul but d'éviter une condamnation par la CEDH après la suppression du caractère suspensif du recours.

Je le retire toutefois, en indiquant que le groupe socialiste votera contre cet article.

L'amendement n°232 rectifié bis est retiré.

M. David Assouline.  - Cet article 8 est proprement scandaleux. Les arguments de fond, échangés en cours de débat, méritent qu'on s'y arrête. Pour M. Karoutchi, la notification serait inutile puisque le débouté étant de mauvaise foi, il n'attendrait pas la notification pour disparaître dans la nature. Mais concrètement, qu'est-ce que cela change ? Avec ou sans notification, le débouté de mauvaise foi échappera aux autorités. Ce qui change, en revanche, c'est pour les demandeurs de bonne foi, qui veulent aller jusqu'au bout des procédures et qui gardent de l'espoir dans cette voie. Avec ces nouvelles mesures, le débouté de bonne foi sera mis en difficulté. Le principe est le même pour toutes les lois : il y a des fraudeurs, mais ce n'est pas une raison pour diminuer les droits en multipliant, comme ici, les tracasseries inutiles.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 8 BIS

M. le président.  - Amendement n°442 rectifié, présenté par MM. Karam, Mohamed Soilihi et Hassani.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article L. 5223-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La composition du conseil d'administration assure une représentation des départements et collectivités d'outre-mer, en tenant compte de leurs flux migratoires. »

M. Antoine Karam.  - Qu'il s'agisse d'hébergement ou d'interprétariat, les droits des demandeurs d'asile sont menacés outre-mer. Cet article associe les collectivités territoriales aux travaux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Vu les difficultés spécifiques outre-mer, cet amendement associe au comité d'administration de l'OFII une représentation des collectivités d'outre-mer.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable. Le conseil d'administration de l'OFII est aujourd'hui composé de dix-huit membres dont un président nommé par décret, huit représentants de l'État, cinq personnalités qualifiées, deux parlementaires et deux représentants du personnel.

À mon initiative, la commission des lois a intégré des représentants des élus locaux. C'est justifié au vu des difficultés spécifiques de ces territoires.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Sagesse.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il faut toutefois que la représentation d'un territoire ne s'effectue pas au détriment d'un autre. Nous y serons attentifs au cours de la navette.

L'amendement n°442 rectifié est adopté.

L'article 8 bis, modifié, est adopté

ARTICLE 9

Mme Cécile Cukierman .  - La loi prévoit que toute personne en situation de détresse a droit à un hébergement d'urgence, où elle trouvera un accompagnement personnalisé et où elle pourra demeurer jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. L'article 9 contrevient à ce droit inconditionnel pour les demandeurs d'asile. En effet, il reprend la circulaire du 12 décembre 2017 qui a prévu un échange d'informations entre l'OFII et le service intégré d'accueil et d'orientation, c'est-à-dire la création d'un fichier recensant les personnes en centre d'hébergement d'urgence pour déterminer leur situation administrative et vérifier si ces personnes ont toujours droit à l'hébergement.

Or, comme l'a souligné le Défenseur des droits, les missions d'accompagnement des travailleurs sociaux sont difficilement compatibles avec des missions de sélection ou de contrôle. Ces dispositions servent la politique du chiffre en matière d'expulsions et organisent la surveillance et le contrôle des migrants dès le début de leur parcours en France, au détriment de l'accueil et des droits fondamentaux des personnes.

Ce fichier porte atteinte aux droits fondamentaux des demandeurs d'asile.

M. Guillaume Gontard .  - Cet article renforce le caractère directif du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile, qui seront orientés vers une région précise avant le traitement de leur demande. Le contrôle est renforcé, de nouvelles conditions de suspension ou de retrait des conditions matérielles d'accueil sont édictées, en particulier si le demandeur a fait plusieurs demandes ou bien s'il a quitté sa région d'affectation sans en informer l'OFII - avec retrait immédiat de l'hébergement et des allocations.

Le Défenseur des droits estime que la mise en oeuvre du schéma national d'hébergement ne doit pas se faire au détriment des droits ni conduire à une pré-rétention administrative - et qu'il suppose un accroissement dans l'offre d'hébergement.

La directive Accueil dispose que, si les États peuvent restreindre la liberté de circulation des demandeurs d'asile, la règle est que « les demandeurs peuvent circuler librement sur le territoire de l'État membre d'accueil ».

En excluant du bénéfice des aides matérielles à l'accueil ceux qui sont hébergés chez des particuliers ou dans leur famille, cet article va au-delà du droit européen, et crée une confusion entre hébergement et rétention.

Mme Esther Benbassa .  - L'enjeu est ici celui de l'accueil inconditionnel. Les exilés sont démunis, vulnérables et dans le besoin. Ils doivent connaître leurs droits pour pouvoir engager les démarches nécessaires. Or le texte rend plus coercitives et directives les dispositions du Ceseda. Rien n'est prévu pour les requérants souhaitant être hébergés dans leur famille ou chez un tiers. L'échange d'informations entre l'OFII et le SIAO est une mesure de surveillance. De toute évidence, cet article bafoue les droits des exilés et des personnes en détresse.

M. Xavier Iacovelli .  - J'aborde une question qui n'est pas traitée par ce texte, une de plus : la langue constitue une barrière pour les demandeurs d'asile. Au-delà des cours de langue, l'apprentissage de la langue et l'intégration peuvent aussi passer par la culture, le théâtre, le sport. C'est une demande forte des associations. J'avais déposé un amendement pour prévoir des cours de langues : il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Il importe de faciliter l'intégration par tous ses vecteurs, mais le texte ne va pas dans ce sens.

M. Yvon Collin.  - Le texte rend plus directif le schéma national d'accueil et d'hébergement. 60 % des demandeurs sont concentrés dans quatre régions : l'Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, les Hauts-de-France et Grand Est.

L'objectif justifié est de mieux répartir les demandeurs sur le territoire et d'éviter l'engorgement des structures d'accueil dans certaines zones. En conséquence, l'hébergement directif doit se faire vers des structures équipées pour un accompagnement effectif, décent et adapté à la vie privée et familiale de chacun - garantissant aux demandeurs d'asile le respect de leur dignité.

Il faut aussi une réponse européenne coordonnée pour que chacun assume ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Je l'ai dit, cet article est problématique.

La dernière réforme du droit d'asile en juillet 2015 avait déjà obligé le demandeur d'asile à accepter l'hébergement qui lui est proposé, sous peine d'être privé de l'ensemble des conditions matérielles d'accueil. Le Gouvernement renforce ce caractère directif puisque le demandeur est désormais orienté vers une région précise où il est obligé de résider. Plus grave, cet article légalise la circulaire Collomb du 12 décembre 2017, ce qui pose un grave problème éthique.

D'où cet amendement de suppression de l'article 9 qui contrevient au droit inconditionnel à l'accueil et au maintien en hébergement d'urgence, quelle que soit l'origine de leur détresse.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable. Madame Benbassa, depuis 2012, et avec 7 800 places créées en 2018 et 2019, le dispositif national d'accueil aura été doublé. Quant à l'hébergement d'urgence, 138 000 places d'hébergement seront disponibles : là encore, c'est un doublement de la capacité.

C'est un juste équilibre que nous recherchons et qu'il faut atteindre, faute de quoi l'opinion publique ne comprendra pas et refusera tout en bloc. Preuve que nous essayons d'accueillir davantage et mieux, tout en mettant fin à une situation insoutenable.

Mme Esther Benbassa.  - L'opinion publique, c'est vous qui la formez, par l'absence de pédagogie notamment. Non pas vous personnellement, mais le Gouvernement, et les médias. Il est facile de s'en prévaloir comme d'un alibi, ainsi que vous le faites par votre réponse.

M. Didier Marie.  - Je me félicite que la commission des lois, sur notre insistance, ait réintroduit le principe d'une garantie d'hébergement dans le cadre de l'orientation directive. Le texte du Gouvernement vise à parquer les demandeurs. Or le respect de l'orientation conditionne l'octroi des aides matérielles.

En fin de compte, la suppression de ce droit fait peser une menace sur les demandeurs d'asile. Il faut leur conserver des garanties minimales ; les schémas départementaux doivent prendre en compte les situations individuelles.

M. Bernard Jomier.  - Monsieur le Ministre, vous prenez un pari : celui d'enrayer l'arrivée des migrants pour freiner les populismes. Mais vous êtes un homme de culture : vous savez que cela ne marche pas et le prix à payer, c'est la restriction de ces droits fondamentaux qui fondent le caractère social de notre République. Cela ne freinera en rien la montée du populisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Marc Laménie.  - Nous sommes sensibles aux problèmes humains, tout en faisant confiance à la commission des lois. Le lien social est fondamental, nous le constatons dans nos départements. La culture, la lecture jouent un rôle dans l'intégration.

Je ne voterai pas l'amendement me ralliant à la commission, mais il est important de faire passer des messages. Les procédures sont trop complexes.

M. Stéphane Ravier.  - Depuis le début de ces débats, j'écoute avec une attention toute républicaine. Les débats sont très techniques. Chers collègues, vous connaissez la question puisque vous êtes collectivement responsables de cette politique d'immigration. (Protestations à gauche)

Pour le reste, c'est la commedia dell'arte (Même mouvement) -  Oui, l'humanisme, les droits de l'homme, l'éthique, la prise en compte de toutes les souffrances - sauf celles du peuple français, victime d'une immigration de remplacement, voire de grand remplacement. (On proteste derechef sur les bancs du groupe CRCE.) Ce peuple que vous refusez d'entendre, refuse à plus de 55 % d'accueillir de nouveaux bateaux. Les Français n'en peuvent plus de cette politique, je suis là pour le faire savoir. (Même mouvement ; Mme Claudine Kauffmann applaudit.)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est pour ça qu'ils ne vous ont pas élu au second tour de la présidentielle.

M. Rachid Temal.  - Voilà donc la bête immonde, comme le disait un chanteur célèbre...

Les termes de grand remplacement sont extrêmement choquants. On parle d'hommes, de femmes, d'enfants obligés de quitter leur pays. Ce que les Français veulent, ce n'est surtout pas rejoindre l'axe que certains pays prétendent former.... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Guillaume Gontard.  - Depuis vingt, trente ans, on applique une politique qui a échoué. L'autre politique, c'est l'accueil. M. Ravier a prétendu parler au nom du peuple français. Je représente un territoire de montagne qui a connu des vagues d'immigration, des Huguenots, jusqu'aux Algériens, en passant par les Italiens. Ses 10 000 habitants ont récemment accueilli 80 personnes, et cela se passe très bien... Être pragmatique, c'est mettre en place une politique de l'accueil qui fonctionne. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. David Assouline.  - L'intervention de M. Ravier devrait sonner comme une alarme. Depuis des années, on nous répète que le principal problème des Français est l'immigration. Il y a eu un moment de résistance à ces discours, sur tous les bancs. M. Ravier parle de grand remplacement ; d'autres ont parlé de submersion... Attention : si vous continuez, les Français vont se tourner vers le FN. Nous sommes un peuple de 66 millions d'habitants. Si l'accueil était organisé, planifié sur tout le territoire, il serait accepté. (Marques d'impatience à droite)

M. Stéphane Ravier.  - C'est bien la submersion que vous souhaitez organiser !

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'y a pas de submersion !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Il est naturel, sur un tel sujet, que les points de vue s'opposent, avec passion, enthousiasme, parfois avec véhémence. Ce sujet nous engage, dans nos convictions profondes. Je le dirai avec tout le tact possible : quand les choses ont été dites, on peut les répéter une fois, mais dix, quinze fois...

Mme Esther Benbassa.  - C'est l'art de la pédagogie !

M. Stéphane Ravier.  - Les Français doivent savoir !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous avons le devoir de faire aboutir ce débat ; or nous n'y parviendrons pas sans le contenir dans des limites raisonnables, pourvu que tout soit dit. Le plus important, pour cette assemblée, est de se déterminer. Les Français attendent du Sénat qu'il se prononce sans emportement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe RDSE)

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°10 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°149 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 92
Contre 252

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°234 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions matérielles d'accueil sont également proposées au demandeur d'asile de bonne foi qui en fait la demande. » ;

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement permet à un demandeur d'asile de bonne foi de solliciter le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en cours de procédure. Il ne suffit pas de lui laisser la possibilité de le faire seulement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable ; restons-en au texte.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Eh bien !

M. Xavier Iacovelli.  - Pour quel motif ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Je voterai l'amendement puisque le rapporteur et le ministre ne nous donnent pas les motifs de leur refus.

M. le président.  - Nous allons procéder à un scrutin public. (Protestations sur les bancs du groupe CRCE, où l'on désigne les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Esther Benbassa.  - C'est inadmissible ! Tout ça parce que des membres du groupe Les Républicains sont partis déjeuner !

Mme Laurence Rossignol.  - Moins parler pour plus de scrutins !

M. Patrick Kanner.  - Ce n'est pas très glorieux...

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°150 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 92
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.