Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Seconde partie (Suite)

SANTÉ (Suite)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Après ce moment très dense, républicain, nous revenons au budget de la mission « Santé ». Il s'inscrit dans la continuité du budget pour 2018. Les crédits atteignent 1,4 milliard d'euros, en hausse de 3,5 %. Ils ne représentent toutefois qu'une petite partie des financements que nous consacrons à la politique de santé, l'essentiel étant retracé dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Le programme 204 est doté de 500 millions d'euros. Les deux tiers sont consacrés à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l'Agence nationale de santé publique (ANSP), l'Institut national de lutte contre le cancer et l'Anses. Ils progressent de 2,4 millions d'euros, à périmètre inchangé. En 2018, les dotations de l'Agence de la biomédecine et de l'École des hautes études en santé publique ont été transférées à la sécurité sociale, terminant ainsi le décroisement des crédits.

Au-delà des crédits retracés dans ce programme, les financements dédiés à la prévention augmentent de façon significative. Toutes les décisions que j'ai prises vont dans ce sens : 379 millions d'euros pour le Fonds national de prévention d'éducation et d'information sanitaire, en hausse de 20 % dans la COG 2018-2022 ; 100 millions d'euros pour le Fonds tabac, contre 30 millions en 2017, qui sera élargi à d'autres addictions ; 515 millions d'euros pour le Fonds d'intervention régional (FIR), en hausse de 3,3 % en 2018 et de 4,8 % en 2019 ; doublement des crédits du Fonds national de prévention des accidents du travail qui atteint 100 millions d'euros dans le cadre de la COG 2018-2022.

Tous ces crédits sont au service du plan Priorité prévention présenté le 26 mars dernier par le Premier ministre. Sa mise en oeuvre est soutenue par le déploiement du service sanitaire, qui verra 47 000 étudiants participer à des actions de prévention auprès des jeunes.

Le programme 204 porte également les crédits d'indemnisation des victimes de la Dépakine, assurée par l'Oniam. Outils et méthodes sont désormais en place, et les premiers avis seront rendus avant la fin 2018. Les reports d'un exercice sur l'autre, à hauteur de 30 millions d'euros, garantiront un financement cohérent de l'Oniam. Le Gouvernement soutiendra l'amendement du groupe LaREM permettant le réexamen des demandes d'indemnisation rejetées quand l'évolution des connaissances scientifiques le justifie.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Le programme 183 est consacré essentiellement à l'AME, dispositif à la fois humanitaire, conforme à nos valeurs républicaines, et sanitaire. Les crédits, en hausse, s'établissent à 893 millions pour l'AME de droit commun, en ligne avec la hausse attendue du nombre de bénéficiaires. Le financement des prestations de santé dispensées par nos hôpitaux évite que ceux-ci ne supportent seuls la charge. Une baisse des crédits de l'AME, tel que le propose votre commission des finances, se traduirait par un report de charge sur les hôpitaux.

Reste que nous devons progresser dans la connaissance des bénéficiaires. J'ai demandé à la CNAM de développer les remontées d'information afin d'améliorer les prévisions. La centralisation à Paris, Bobigny et Marseille de l'instruction des demandes d'AME permettra une connaissance plus fine du dispositif.

Les crédits du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante sont reconduits. C'est normal de la part de l'État employeur et relève de la solidarité nationale envers les victimes non professionnelles. Il s'agit d'une contribution annexe, le FIVA étant principalement financé par la branche ATMP, pour 260 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Examen des crédits de la mission, des articles rattachés et des amendements portant articles additionnels

Article 39

Mme la présidente.  - Amendement n°II-35, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

Protection maladie

300 000 000

300 000 000

TOTAL

300 000 000

300 000 000

SOLDE

- 300 000 000

- 300 000 000

M. Alain Joyandet.  - Cet amendement diminue de 300 millions d'euros les crédits de l'AME.

Nous ne sommes pas les méchants qui refusent de soigner les immigrés irréguliers et exposent la France aux risques épidémiologiques...

M. Yves Daudigny.  - Quand même !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Nous tentons de trouver une cote mal taillée pour revenir à une inscription budgétaire cohérente. Chaque année, les crédits de l'AME augmentent, sans discussion... Cette année encore, de 50 millions d'euros. Quand on n'y consacrait que 600 millions d'euros, les gens étaient pourtant soignés ! Sans doute faisait-on un peu plus attention...

Président pendant 23 ans, bénévolement, d'un hôpital départemental, je n'ai pas de leçon à recevoir. Quand on sait le mal qu'ont nombre de nos compatriotes à boucler leurs fins de mois, pourquoi y aurait-il une ligne budgétaire sur laquelle on ne pourrait discuter ? D'autant que les crédits du programme 204, eux, baissent !

Nous vous proposons un amendement raisonnable, pas un gel des crédits. Il maintient une AME fidèle à notre tradition, mais appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'une refonte.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable - mais je veux apporter quelques explications pour nos concitoyens qui entendent ces arguments.

Le panier de soins couvert par l'AME est beaucoup plus faible que celui de la CMU-C. Aucun soin de confort n'est pris en charge par l'AME. Seuls les médicaments remboursés à 30 % ou 60 % par l'assurance-maladie sont pris en charge, et non ceux remboursés à 15 %.

J'entends que l'on voudrait réserver l'AME aux soins urgents. Mais, en tant que médecin, je puis vous dire que toutes les maladies gagnent à être soignées tôt, avant que l'état clinique ne se dégrade : on dépensera beaucoup plus pour un patient en réanimation. Ce serait faire fi de toute la politique de prévention. Médicalement, l'argument ne tient pas.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Je ne l'ai pas avancé.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - J'agis pour rationaliser, mieux connaître les bénéficiaires, mieux piloter, centraliser l'instruction des demandes, améliorer les remontées d'information. Mais réserver l'AME aux soins urgents reviendrait à augmenter le coût pour les hôpitaux.

M. Roger Karoutchi.  - J'ai souvenir d'un débat en commission avec Marisol Touraine il y a cinq ans, alors que j'étais rapporteur de la mission « Immigration ». Je m'inquiétais que les crédits de l'AME ne finissent par atteindre le milliard d'euros ; grands cris en réponse, accusation d'alarmisme et promesses de rationalisation. Nous y sommes à présent.

Certes, il y a toujours d'excellentes raisons pour augmenter les crédits ; certes, il vaut mieux traiter au fil de l'eau que dans l'urgence...

Le vrai sujet, c'est que le nombre de sans-papiers augmentant, la charge de l'AME augmente. La ministre de la Santé entend les soigner, puisqu'ils sont là, et le ministre de l'Intérieur décline toute responsabilité. La représentation nationale, elle, est prise en étau.

C'est un amendement d'appel... à la cohérence ! Il est bien de faire des efforts de rationalisation : poursuivez-les.

M. Olivier Henno.  - C'est un amendement équilibré, je n'en critique pas le fondement. Il ne s'agit pas d'opposer approches budgétaires et sentiments humains. Mais comprenez que nous soyons partagés sur ces questions. Dans la « jungle », les risques d'épidémie sont réels. La vraie question, ce n'est pas l'AME mais les risques de l'immigration illégale.

M. Bernard Jomier.  - Un amendement d'appel n'est pas fait pour être voté ! (Sourires) D'autant que celui-ci rendrait le budget insincère. Si vous voulez réduire l'impact budgétaire de l'AME, il faut revoir le panier de soins, alors que les soins de confort n'en font déjà pas partie. Écoutez donc la commission des affaires sociales. Nous nous préoccupons tout autant de la bonne gestion des deniers publics mais soyez-en sûrs : les maladies non soignées évoluant négativement, l'AME coûtera, au bout du compte, beaucoup plus cher !

On ne peut adopter un tel amendement en responsabilité, en comptant sur l'Assemblée nationale pour revenir dessus.

Mme Nathalie Goulet.  - Chaque année, nous avons le même débat, le même scrutin public. Le groupe UC est partagé entre vote pour, contre et abstention. Pour ma part, je suis défavorable à la baisse des crédits de l'AME.

Il y a 1,8 million de faux numéros Insee, 14 milliards d'euros de fraude documentaire via le logiciel Service administratif national d'immatriculation des assurés (Sandia). De telles sommes seraient plus à leur place dans votre budget ! En cinq ans, votre prédécesseur avait éliminé 5 000 faux numéros - sur 1,8 million !

M. Sébastien Meurant.  - Oui, cette question est liée à celle de l'immigration, Roger Karoutchi l'a dit. Année après année, on nous dit : circulez, il n'y a rien à voir. Mais la sécurité sociale, notre bien commun, est en péril, et les Français s'en rendent compte. Il est de plus en plus difficile de trouver un médecin traitant, des médicaments, un spécialiste...

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Pas à cause des migrants !

M. Sébastien Meurant.  - Dans mon département, on demande aux familles des patients en réanimation d'apporter leurs propres médicaments à l'hôpital ! Nous en sommes là !

Mme Laurence Rossignol.  - Quel rapport avec l'AME ?

M. Sébastien Meurant.  - Le rapport, c'est que la générosité ne peut être illimitée ! La sécurité sociale, fruit du labeur des Français, est une construction fragile. Il est temps de regarder les erreurs du passé.

En 2014, d'aucuns ont voté une loi scélérate sur les produits structurés, invalidant une décision de justice, contraignant les hôpitaux à payer les emprunts toxiques et exonérant les banques de toute responsabilité !

M. Alain Milon, président de la commission.  - Les 14 milliards d'euros de fraude documentaire auxquelles Mme Goulet fait référence ne sont pas uniquement liés à la santé ; c'en est une infime minorité.

Consacrer quelques centaines de millions à l'AME peut paraître provocateur dans le contexte actuel de manifestations liées à la baisse du niveau de vie. C'est en réalité courageux.

Imaginez qu'un patient arrive aux urgences avec la tuberculose, ou avec un enfant souffrant de bronchiolite : le médecin va-t-il le laisser mourir ? (M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, s'exclame.) Il le soigne, naturellement. Le coût en sera pris en charge, forcément ; sans AME, cela pèsera sur la sécurité sociale ou l'hôpital. En tant que médecin, je vous garantis que la maladie coûte de plus en plus cher à mesure qu'elle s'aggrave. Je n'arriverai sans doute pas à convaincre les tenants de la rigueur financière, mais les professionnels de santé soignent les humains, quels qu'ils soient.

Le problème n'est pas l'AME mais la lutte contre l'immigration clandestine. Comme le disait Charles Pasqua : Si vous voulez lutter efficacement contre l'immigration clandestine, aidez les pays de départ pour que les gens s'y sentent mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, LaREM et RDSE et sur plusieurs bancs du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Laurence Cohen.  - Il est ici question de l'AME, non de la politique migratoire de la France.

M. Roger Karoutchi.  - C'est lié !

Mme Laurence Cohen.  - Oui, mais nous parlons de santé. Une prise en charge tardive coûte plus cher puisque la maladie s'est aggravée. La commission des finances fait de l'affichage avec cet amendement, que la commission des affaires sociales a rejeté unanimement.

Confondre l'AME et les charges de la sécurité sociale, c'est créer un faux problème. La sécurité sociale est certes un bien commun, mais ce n'est pas l'AME qui est responsable du trou, de la fermeture des hôpitaux, du manque de médecins ! Si vous voulez être logique, ne votez pas les PLFSS. Il est important de maintenir l'AME, pour la santé de la population.

M. Yves Daudigny.  - Plusieurs intervenants ont invoqué des arguments solides contre cet amendement. Je veux exprimer mon opposition résolue, non pour donner des leçons de morale mais pour exprimer une divergence politique.

Dans le contexte actuel de révolte, on entend trop souvent des allusions aux avantages dont bénéficieraient les étrangers. Ayons le courage politique de ne pas restreindre les droits mais de préserver la santé de ceux que nous accueillons, pour le bien être de ces personnes mais aussi pour la santé de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. François-Noël Buffet.  - Le budget 2019 de l'AME sera supérieur de 5 % à celui de 2018, et le nombre de bénéficiaires a plus que doublé depuis 2011. Voilà la réalité !

Je n'entrerai pas dans le débat médical, mais j'attire votre attention sur l'amendement suivant de la commission des finances, qui propose une participation financière aux soins. Mise en place en 2011, elle a été promptement supprimée par le Gouvernement de François Hollande. Dommage : c'est utile pour le budget et plus encore pour responsabiliser ceux qui bénéficient des soins. Indépendamment de l'aspect sanitaire, des réseaux sont souvent impliqués dans l'utilisation de l'AME et ils n'y jouent pas un rôle très sympathique.

Mme Véronique Guillotin.  - Le groupe RDSE votera contre l'amendement. La maîtrise des dépenses de santé veut que l'on traite le plus tôt possible la maladie : une journée de réanimation coûte très cher !

Les soignants soigneront tous ceux qui se présenteront, comme ils en ont fait le serment : c'est ce qui fait la grandeur de la politique de santé. La santé a un coût, qui sera répercuté sur le budget de l'hôpital ou du médecin. Soyons vigilants, mais demander une réduction sans en mesurer impact n'est pas acceptable.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Pour faire comprendre notre démarche, j'aurais dû évoquer les deux amendements. L'amendement n°II-43 rétablit un droit de timbre ; cela va dans le sens d'une meilleure gestion. Il y a de nombreux abus dans l'AME qui peuvent être un appel d'air pour l'immigration clandestine.

Pour en bénéficier, il faut trois mois de résidence irrégulière en France. Avec l'attestation de la préfecture, on peut ensuite se faire soigner gratuitement. Monsieur Daudigny, vous avez dit entendre qu'on donnerait plus aux étrangers qu'aux Français. Eh bien parfois, oui ! (On le conteste à gauche.) Ayons un langage de vérité, sans caricatures. C'est la noblesse du débat.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Il n'y a aucune noblesse dans vos propositions.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - On ne va pas laisser mourir un enfant de bronchiolite, ni remettre en cause la tradition humaniste française. Mais cette mission est la seule du budget dans laquelle on inscrit des crédits supplémentaires sans compter, ni réguler. La commission des affaires sociales est dans son rôle, la commission des finances aussi. Je refuse d'être taxé d'antisocial ou antihumaniste. Lorsqu'on a instauré le droit de timbre, le nombre de bénéficiaires est descendu à 600 000. Ce n'est pas un amendement d'appel ! Pas plus que l'amendement du Sénat à 2,9 milliards sur la fiscalité, qui va être confirmé par l'Assemblée nationale. (On s'impatiente sur les bancs du groupe SOCR.)

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Je maintiens donc cet amendement raisonnable. Vous pourrez considérer que le deuxième a été défendu.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Je suis consciente de l'augmentation des dépenses ; nous luttons contre la fraude, nous rationalisons l'accès à l'AME.

En effet, l'introduction du droit de timbre a entrainé une diminution quantitative du nombre de bénéficiaires, qui ont du coup attendu d'être très malades pour aller aux urgences et ont par conséquence grevé le budget des hôpitaux publics. Cela revient à réserver l'AME aux soins urgents - et ce sont les hôpitaux publics qui payent la facture.

Nous centralisons l'instruction des demandes pour mieux connaître les bénéficiaires, nous augmentons le nombre de dossiers contrôlés, nous croisons les demandes d'AME et de visa pour s'assurer que des gens ne viennent pas en France uniquement pour se faire soigner. Mais rétablir le droit de timbre est une très mauvaise idée. Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-35 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°34 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 305
Pour l'adoption 154
Contre 151

Le Sénat a adopté.

(MM. Sébastien Meurant et Henri Leroy applaudissent.)

Mme Laurence Rossignol.  - Rendez-vous l'année prochaine !

Mme la présidente.  - Amendement n°II-962, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

dont titre 2

500 000

500 000

Protection maladie

500 000

500 000

TOTAL

500 000

500 000

500 000

500 000

SOLDE

0

0

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Cet amendement tire les conséquences de l'amendement n°II-762 du groupe LaREM qui ouvre la possibilité de réexamen des demandes d'indemnisation des victimes de la Dépakine si l'évolution des connaissances scientifiques le justifie - amendement auquel la commission des finances a donné un avis favorable.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Ne faudrait-il pas d'abord examiner l'amendement n°II-762, dont celui-ci est la conséquence ?

Mme la présidente.  - L'amendement porte sur les crédits ; nous devons donc l'examiner séparément.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Soit. Très peu de dossiers d'indemnisation des victimes de la Dépakine ont été acceptés jusqu'à présent. La commission des finances a émis un avis favorable sur l'amendement qui étend les possibilités de réexamen mais s'interroge sur le chiffrage à 500 000 euros. Comment en êtes-vous arrivés à ce montant ? Sagesse sur cet amendement qui nous est arrivé la nuit dernière.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - L'amendement du groupe LaREM étend le droit de recours des victimes en cas d'amélioration des connaissances scientifiques. Actuellement, peu de victimes ont été indemnisées. La méthode d'indemnisation a été calée, les premiers dossiers commencent tout juste à être instruits, d'où cette somme relativement modérée. Les commissions d'enquête de l'Oniam qui examinent les dossiers avec une logique de guichet. Sans doute ce montant sera-t-il appelé à augmenter à l'avenir.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Compte tenu des explications, avis favorable.

L'amendement n°II-962 est adopté.

Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.

Article additionnel avant l'article 81 quater

Mme la présidente.  - Amendement n°II-43, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances.

Avant l'article 81 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  La section II du chapitre II du titre IV de la première partie du code général des impôts est complétée par un VII ainsi rédigé :

« VII : Aide médicale d'État

« Art. 963 bis.  -  Le droit aux prestations mentionnées à l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles est conditionné par le paiement d'un droit annuel par bénéficiaire majeur, dont le montant est fixé par décret. »

II.  -  Le premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par les mots : « , sous réserve, s'il est majeur, de s'être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, du droit annuel mentionné à l'article 963 bis du code général des impôts ».

III.  -  Le I et le II entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2019.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Défendu.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-43 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin public n°35 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 302
Pour l'adoption 152
Contre 150

Le Sénat a adopté.

L'article 81 quater est adopté, de même que l'article 81 quinquies.

Article additionnel après l'article 81 quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°II-762, présenté par M. Amiel et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'article 81 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 1142-24-15 du code de la santé publique, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve que le premier avis de rejet n'ait pas donné lieu à une décision juridictionnelle irrévocable dans le cadre de la procédure mentionnée au dernier alinéa, un nouvel avis peut être rendu par le comité dans les cas suivants :

« 1° Si des éléments nouveaux sont susceptibles de justifier une modification du précédent avis ;

« 2° Si les dommages constatés sont susceptibles, au regard de l'évolution des connaissances scientifiques, d'être imputés au valproate de sodium ou à l'un de ses dérivés. »

M. Martin Lévrier.  - Défendu.

L'amendement n°II-762, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

La séance est suspendue quelques instants.

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES, CRÉDITS NON RÉPARTIS, ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES, RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'administration fiscale représente trois quarts des crédits de cette mission qui accuse une légère baisse de 0,7 %.

Nous sommes à la veille d'un bouleversement inédit, du moins si l'on en croit les ambitions affichées par le Gouvernement Le rapport Action publique 2022 a donné le cap : création d'une agence unique de recouvrement regroupant la DGFiP, les douanes et les Urssaf, généralisation des téléprocédures, réorganisation territoriale pour séparer le back du front office et recours au data mining pour le contrôle fiscal. Trouve-t-on trace de ces réformes dans le budget ? Non, pourtant, elles se préparent en amont et certaines ont été lancées.

Je ne voudrais pas, pour autant, sous-estimer l'effort consenti, cette année encore, par la DGFiP. En 2019, 2 130 suppressions de postes. Cette année encore, Bercy est le principal contributeur aux réductions d'effectifs dans la fonction publique d'État, juste devant le ministère de l'Éducation nationale et très loin devant tous les autres.

Parce qu'il ressemble aux précédents, ce budget présente aussi les mêmes défauts. Premier défaut, la navigation à vue dans la réorganisation territoriale. Les services comptant moins de cinq agents étaient au nombre de 890 en 2012, ils ne sont plus que 506 ; sur les 42 services qui ne comptaient qu'un seul agent en 2012, il n'en reste que 6. Mais, ce chantier est mené de façon opportuniste, au gré des départs en retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d'ensemble et sans concertation. En pratique, chaque directeur régional est prié chaque année de rendre un certain nombre de postes pour atteindre le schéma d'emplois. M. Darmanin dit vouloir une déconcentration de proximité, mais les agents ont besoin de lisibilité. Or les tâches vont augmenter avec le prélèvement à la source, la suppression de la taxe d'habitation, l'IFI. Le Gouvernement fait preuve de légèreté, voire d'un manque de transparence.

Les systèmes d'information sont la clef-de-voûte des réformes structurelles qui s'annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l'État. Leur dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %. Faut-il rappeler le précédent fâcheux de l'opérateur national de paye ?

Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans et 80 % des dépenses d'investissement de la DGFiP vont à la maintenance d'applications obsolètes, dont certaines datent des années 1980. Rien ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer à zéro ou presque, tant les systèmes actuels sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent.

Un mot sur la gestion du patrimoine immobilier. Le Gouvernement envisagerait de mettre en location des biens non utilisés mais pour lesquels la vente n'est pas envisageable. Pouvez-vous nous en dire plus ? Une foncière publique serait utile pour valoriser les biens de l'État. Une structure de portage faciliterait la rénovation de l'immobilier pénitentiaire et les créations de places.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Depuis trois ans, la DGDDI est une exception, avec des crédits et des effectifs en hausse. En 2019, les crédits augmentent de 2,6 % pour atteindre 1,6 milliard d'euros.

Les douanes se préparent au Brexit. Pas moins de 350 postes seront créés pour contrôler voyageurs et marchandises dans les ports, à la gare du Nord et dans les petits aéroports régionaux.

Pour l'an prochain, la priorité va aussi au soutien des buralistes et à la lutte contre la contrebande de tabac, deux actions d'autant plus nécessaires que le Gouvernement a décidé de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. Le nouveau protocole 2018-2021, signé en février avec les buralistes, se traduit par 111 millions d'euros de crédits d'intervention en plus sur le programme 302 ; une partie servira à aider les buralistes, dont le rôle social dans nos territoires n'est plus à démontrer, à diversifier leurs activités en accueillant, par exemple, un point Poste. Le pendant de cette politique est une action résolue contre la contrebande. La douane travaille à la mise en place d'un système de traçabilité indépendant des fabricants.

Les résultats des douanes en matière de lutte contre les trafics sont bons, quoique très variables d'une année sur l'autre. Toutefois, je regrette que les indicateurs de performance ne rendent compte que des « dossiers à enjeu ». Cela incite les douaniers à se concentrer sur les fraudes les plus graves quand l'e-commerce est caractérisé par une multitude de petits envois.

La dernière caractéristique de ce budget est le quasi-achèvement du programme de renouvellement de ses moyens opérationnels. Sa flotte aérienne est maintenant au complet : trois des sept nouveaux avions Beechcraft sont déjà opérationnels et les autres le seront bientôt. La douane a finalement fait le choix de louer trois hélicoptères, dont deux aux Antilles. À court terme, cela libère la douane des coûts de maintenance.

Les progrès de la dématérialisation et de l'exploitation des données, le nouveau code des douanes de l'Union, le droit à l'erreur et, surtout, la création de l'agence unique du recouvrement ; si les transformations sont importantes, elles ne devraient pas avoir l'ampleur de celles de la DGFiP, ne serait-ce que parce que la douane est une administration plus petite, avec environ 17 000 agents.

La mission « Action et transformation publiques » constitue le vecteur budgétaire du plan « Action publique 2022 ». En pratique, cette mission comporte essentiellement des crédits dédiés à la rénovation des cités administratives - nos préfectures. Les besoins sont réels, tous ne pourront pas être financés.

J'en viens aux crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Dans la mesure où vous trouverez l'essentiel des informations dans notre rapport, je concentrerai mon propos sur un préalable et deux points essentiels.

Pour finir, la mission « Crédits non répartis ». La dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles est maintenue à son niveau de 2018. Les 53 millions d'euros qui restent inscrits sur la dotation provision relative aux rémunérations publiques me laissent en revanche plus circonspect. Une partie des crédits initiaux a certes été répartie, en seconde délibération à l'Assemblée, mais pas ceux concernant la revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un compte épargne temps. Pourtant, le rendez-vous salarial a déjà eu lieu il y a cinq mois.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances .  - La contribution de l'État aux régimes sociaux et de retraite, de 6,28 milliards, couvre les deux tiers des retraites versées aux pensionnés des régimes de la SNCF, de la RATP, des marins et des mineurs. Ces régimes se caractérisent par un nombre de cotisants inférieur à celui des pensionnés : le ratio est de 1,3 actif pour 1 pensionné dans le régime général, de 0,65 dans le régime de la SNCF et de 0,85 à la RATP.

La contribution de l'État couvre également des avantages dérogatoires. L'âge de départ est de 52 ans pour les agents de conduite de la SNCF et la durée de service d'une pension atteint 40 ans à la RATP, soit plus que la période d'activité.

Le CAS Pensions bénéficie de la sous-revalorisation des retraites, l'économie est de 600 millions d'euros par point d'inflation non pris en compte. Les recettes augmentent peu en l'absence de revalorisation générale du point d'indice et du nombre de contractuels en hausse : 11,8 % en 2006, 16,5 % aujourd'hui. Le solde du CAS reste très positif à 1,6 milliard.

Les soldes financiers des régimes couverts par le CAS devraient rester positifs à l'horizon 2070, au contraire du solde du régime général qui exigera que la croissance soit supérieure à 1,5 %.

Sans surprise, le niveau de vie des fonctionnaires retraités reculera par rapport à celui des actifs. La perspective du taux de remplacement pose problème puisqu'elle incite les intéressés à épargner davantage, avec des effets probablement assez discriminants.

L'adoption du pacte ferroviaire crée un nouveau régime spécial de retraite pour la SNCF, appelé à s'effacer à très long terme puisqu'il n'y aura plus de nouveaux cotisants.

L'un des objectifs de la réforme est un système de retraites plus juste, soit, mais le principe d'uniformité des rendements contributifs nécessitera le maintien d'un certain niveau de solidarité. La transition entre les deux systèmes pose plusieurs questions : quelle durée, quelle compensation, quelle prise en compte de la dangerosité et de la pénibilité des métiers ? Comment sera pilotée la valeur fondamentale du point dans le futur système ? Comment annoncer aux fonctionnaires que la valeur du point va baisser ? Je n'ai pas les réponses à ces questions mais, en toute hypothèse, la date de juin 2019 pour y répondre paraît bien proche...

Compte tenu de ces remarques, je vous propose d'adopter les crédits.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales a souligné cet automne que la sous-revalorisation des retraites - -0,3 % en 2019 et 2020  - est insoutenable. Elle générera 2,4 milliards d'euros d'économies pour la sécurité sociale et 800 millions d'euros d'économies pour l'État, principalement pour les pensions de retraite et les régimes spéciaux. Si l'on y ajoute la hausse de la CSG, votre politique a le rendement de la réforme de 2010 mais vous la menez sur le dos des seuls retraités. C'est contraire à votre discours sur une réforme qui ne serait pas financière et ne concernerait pas les retraités actuels. La réforme doit maintenir, à l'avenir, le niveau des pensions et n'exclure aucun paramètre de justice intergénérationnelle.

Seconde remarque, les régimes spéciaux. Malgré les réformes de convergence vers le régime général, trois spécificités des régimes spéciaux demeurent : l'architecture de ces régimes intégrant base et complémentaire, les règles de calcul des pensions et l'existence des catégories actives, qui correspondent aux emplois particulièrement dangereux ou pénibles.

Le débat sur la prise en compte de la pénibilité pour toute la population active doit être ouvert rapidement, il faut le faire sans stigmatiser personne et en tirant les leçons de l'échec du compte Pénibilité.

Le Sénat continuera de se montrer constructif. (M. Jackie Pierre applaudit.)

Mme Catherine Troendlé, en remplacement de Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Veuillez excuser Mme Di Folco, retenue au centre de gestion du Rhône pour les élections professionnelles. Son avis porte sur la fonction publique de l'État et plus précisément sur le programme 148, destiné à compléter les actions des ministères en matière de ressources humaines.

Le programme 148 est doté de 206,91 millions d'euros, soit une baisse de 0,91 % par rapport à la loi de finances pour 2018, à périmètre constant.

Concernant la formation interministérielle, les projets de réforme des instituts régionaux (IRA) et de l'ENA génèrent 1,92 million d'euros d'économies. La commission des lois a salué le plan de transformation de l'ENA pour un retour à l'équilibre budgétaire dès 2020.

En 2019, les aides pour le recrutement des apprentis dans la fonction publique de l'État ont été réparties dans les budgets de chaque ministère. Dommage car nous y perdons en lisibilité.

Un mot de la réduction des effectifs. Seuls 5 824 ETP supprimés en deux ans : on est loin de l'objectif de 50 000 en cinq ans.

La mise en oeuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) a pris du retard dans la fonction publique d'État ; c'est regrettable car c'est le préalable à son déploiement dans la fonction publique territoriale. Pourquoi des corps de la haute fonction publique en sont-ils exclus ?

Enfin, le recours aux contractuels exige de sécuriser les procédures de recrutement et les règles de déontologie. Les employeurs veulent de la souplesse sur les missions spécifiques, non sur les emplois fonctionnels.

M. Éric Bocquet .  - La question du recouvrement de nos impôts, les relations avec les contribuables, la qualité de nos services publics locaux et hospitaliers, tels sont les enjeux.

Le Gouvernement supprime plus de 1 800 postes à la DGFiP. La lutte contre la fraude nécessite pourtant des moyens financiers et humains, la dématérialisation ne saurait suffire ! Le prélèvement à la source non plus ne nous garantit contre la fraude. Ce sont les agents qui détectent les mensonges sophistiqués. La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales n'est pas un combat à fleuret moucheté... Elles nous coûtent 80 milliards d'euros et se concentrent sur l'impôt sur les sociétés, la TVA et l'impôt sur les revenus les plus élevés. Il faut, pour les détecter, un maillage territorial dense et des agents formés. Tout le contraire de ce que fait le Gouvernement.

En rejetant les crédits de la mission, le groupe CRCE exprime son opposition au démembrement de cette administration.

M. Jacques Mézard .  - Ces missions portent sur le pôle économique et financier de l'État, sur la politique de l'État employeur et sur la gestion de l'État propriétaire. L'Assemblée nationale a ajouté quatre articles rattachés sur l'expérimentation du compte financier unique et le transfert de la propriété de l'hôtel de la Marine de Polynésie.

Avec près de 2 millions de fonctionnaires, l'État est le premier employeur. Ses activités ont un impact sur la cohésion sociale, il n'est pas besoin de le démontrer. Près de 1 500 suppressions de postes auront lieu, d'abord à Bercy -  quoi de plus normal lorsque l'on demande des efforts aux autres.

Si les retraites des régimes spéciaux restent largement subventionnées, leur situation tend à converger vers le régime général. Le solde du compte Pensions des fonctionnaires est nettement excédentaire, à 1,6 milliard d'euros.

Retards et surcoûts semblent caractériser le déploiement des programmes informatiques dans l'administration. Cela doit changer et l'amélioration passe aussi par des organisations repensées, une meilleure gestion des ressources humaines et des carrières, une autre utilisation des compétences au sein des services et une meilleure négociation des contrats avec les prestataires.

La DGFiP connaît des changements importants avec le prélèvement à la source. La lutte contre la fraude doit rester la priorité des priorités. Les douanes sont en première ligne pour la préparation du Brexit. Dématérialisation, gestion des dossiers en back-office, agence unique de recouvrement avec l'Urssaf sont des enjeux que DGFiP et douanes ont en commun.

Le poids des indus dans le budget de l'État est considérable : plusieurs milliards d'euros. Il faut accentuer l'effort.

Sur l'immobilier, il y aurait beaucoup à dire. Il serait bon que Bercy fasse preuve de plus de célérité sur les dossiers : tout le monde s'en réjouirait, surtout ceux qui veulent bâtir.

Le groupe RDSE votera ces crédits.

M. Dany Wattebled .  - La maîtrise des effectifs doit être saluée. Avec 1 947 ETP supprimés, cette mission est le premier contributeur à la réduction du nombre de fonctionnaires. Moins de personnel pour un service toujours de qualité, voilà quel doit être l'objectif. C'est d'ailleurs l'honneur de la fonction publique d'avoir traversé les réformes successives de la RGPP à la MAP en adaptant son action pour servir avec la même excellence et la même efficacité.

Nous sommes cependant loin du but de 50 000 suppressions de postes durant le quinquennat : seulement 6 000 environ l'ont été sur deux ans. Il ne faut toutefois pas de coupes brutales, mais une réflexion d'ampleur sur les missions de service public ou les dépenses peu utiles.

Nous fondons de grands espoirs dans le processus Action publique 2022. Il devra d'abord redonner aux agents publics le goût de leur métier. Nous attendons du projet de loi qui viendra en début d'année prochaine une simplification de la mobilité, des instances de représentation et des retraites.

Les retraites, c'est justement l'objet des 6,3 milliards d'euros de la contribution de l'État aux régimes spéciaux. Ces régimes ne sont pas pérennes, nous attendons beaucoup du travail de Jean-Paul Delevoye. Cette réforme ne devra faire aucun perdant.

Nous soutenons les efforts du Gouvernement et voterons ces crédits en restant vigilants sur les résultats de l'Action publique 2022, qui se font attendre...

M. Claude Haut .  - Le service public est au coeur du pacte républicain. Le service public, c'est ce Lazare juridique, comme le dit le président du Conseil d'État Roger Latournerie, capable de renaître de ses cendres. Le service public, critiqué pour son manque d'égalité, son coût et son inadaptation aux réalités, doit renaître. Je salue les efforts du Gouvernement qui, avec la loi Essoc, veut l'adapter aux attentes des usagers.

Égalité veut dire adapter : dédoubler les classes de CP, accompagner davantage les plus précaires, ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi, que les cadres A... Étendre les horaires d'ouverture des services, dématérialiser, « dites-le nous une fois » : voici les premiers principes mis en oeuvre. Simplifier la vie des Français comme celle des entreprises, contrôler non plus pour sanctionner mais pour orienter, tout cela ne pointe pas vers le laxisme - la surveillance des trafics illégaux a été renforcée.

Les Français attendent aussi que la fonction publique évolue. Cela implique de renverser le paradigme vertical, d'inciter les managers publics à prendre des risques. Le fonds de transformation de l'action publique de 700 millions d'euros est un outil utile. Nous défendons une rémunération plus individualisée pour récompenser le travail et l'efficacité, l'ouverture aux contrats pour aller plus vite lorsque c'est nécessaire, une meilleure mobilité entre les trois fonctions publiques, un dialogue social renforcé. Contrairement à ce qu'avait fait la RGPP, les fonctionnaires, sève de la cohésion sociale, méritent d'être les parties prenantes des transformations engagées.

Le groupe LaREM votera ces crédits.

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) C'est en préparation d'une année singulière, à un moment particulier, que nous discutons du projet de loi de finances 2019. Moment particulier, car, s'expriment des craintes sur le pouvoir d'achat des Français. Année particulière, car année de réforme des retraites.

La question des régimes spéciaux en sera un élément clé. Des interrogations perdurent, notamment celle relative à l'imputation de la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles sur cette mission plutôt que sur la mission « Agriculture ».

M. Delevoye, Haut-Commissaire en charge de la réforme des retraites, a présenté les prémices de la réforme devant la commission des affaires sociales du Sénat. Il s'est montré clair et bienveillant. Mais la bienveillance et la compétence ne font pas tout. Il va nous falloir être particulièrement vigilants. La colère gronde, le mécontentement se fait jour.

Je n'imagine pas qu'une transformation aussi profonde ne fasse l'objet d'un temps de réflexion important. Je m'interroge donc sur le vote programmé pour 2019, surtout si la discussion ne démarre qu'au troisième trimestre. Une acceptation des Français sera indispensable.

Quid des carrières longues, quid de la valeur du point, de son évolution ? Il n'y a pas de petite ni de grande réforme sans concertation avec les corps intermédiaires, et le consentement de nos concitoyens est le préalable à toute réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Olivier Henno .  - Trois missions et deux comptes spéciaux... La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » rassemble l'essentiel des effectifs du ministère de l'Économie et des finances, dans un objectif de baisse des coûts de fonctionnements et des effectifs qui devrait s'accompagner d'une hausse de l'efficacité des services, dans la droite ligne de la trajectoire engagée l'année dernière dans le cadre du comité Action publique 2022.

Le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » est le seul programme en hausse, avec la création de 350 emplois supplémentaires dans la surveillance du dédouanement pour anticiper le Brexit. Dès ce PLF, nous mesurons le changement de paradigme qu'il représente, avec les surcoûts engendrés par le bilatéralisme commercial dont nous découvrons, avec la fragilisation du multiralisme, les inconvénients...

La mission « Action et transformation publiques » s'inscrit dans le renouvellement de la relation avec l'usager, avec des mesures comme le droit à l'erreur ou le guichet unique. Repensons l'action publique avec les nouvelles techniques d'information et de communication, qui ont transformé nos habitudes. Il suffit de nous voir en séance avec nos portables pour s'en convaincre...

Demain, le service public, plus numérique, sera-t-il toujours humain ?

Mme Nathalie Goulet.  - Remettons de l'humain !

M. Olivier Henno.  - Ayant déménagé ma permanence, j'ai regretté le bon vieux temps, où l'on avait affaire à des personnes chez EDF ou Orange, après avoir été balloté de plateforme téléphonique en plateforme téléphonique.

Cette transformation, bien que nécessaire, ne pourra se faire que dans une amélioration de la qualité du service rendu aux usagers. Nous serons au Sénat, notamment au groupe Union centriste, les garants vigilants et exigeants de cette mutation. La transformation de notre service public ne peut aggraver encore notre fracture territoriale. Plus que jamais, nos concitoyens ont besoin de sentir un État de proximité.

Enfin, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite », je salue le travail de nos rapporteurs. En effet, le sujet des régimes sociaux et de retraite est presque un tabou dans notre pays. À l'aube d'une réforme systémique qui s'annonce plus que difficile pour le Gouvernent, il est toujours passionnant de se replonger dans les chiffres.

Engagée depuis plus de quinze ans, la convergence des régimes spéciaux vers le régime général est encore un véritable défi pour la réforme à venir. Les dépenses de rééquilibrage, bien qu'en baisse, sont toujours très importantes, près de 7 milliards d'euros. Les régimes spéciaux font partie de l'histoire de notre pays et l'attachement culturel des assurés à leur régime spécial est très fort. Si leur existence provoque toujours de vifs débats dans notre société, il conviendra de travailler à leur évolution sans en stigmatiser les bénéficiaires. J'appelle le Gouvernement au dialogue et à la concertation pour cette réforme qui touchera au quotidien des Français.

En attendant ces débats passionnants, le groupe UC votera ces missions et comptes spéciaux amendés par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Christine Lavarde .  - Le Gouvernement s'est résolument engagé dans une transformation importante de l'action publique. Il s'est doté des moyens d'investissement nécessaires à des réformes structurelles et ambitieuses.

Je retrouve dans ces mots l'ambition du Premier ministre lorsqu'il lançait le Comité Action publique 2022 le 13 octobre 2017 : « Durant trop longtemps, on a recherché les économies avant de penser l'organisation. Notre démarche propose l'inverse : d'abord mieux s'organiser, plus simplement, plus clairement, avec de nouveaux outils pour redonner du sens à l'action publique et mieux dépenser l'argent des Français ». Au-delà des mots, j'ai cherché dans les programmes et les actions de la mission des propositions concrètes. Je note un progrès par rapport à 2018 : il y a désormais un préambule et une présentation des actions. Mais, en même temps, j'avoue une grande déception. Les trois-quarts des AE et le tiers des CP de la mission sont consacrés à la rénovation thermique et à l'accessibilité des bâtiments administratifs. Certes, ce n'est pas du luxe. Selon la direction de l'immobilier de l'État, les besoins du parc des cités administratives dépassent le montant total du programme. Ce qui est vrai pour l'État, l'est aussi pour les collectivités. Faites donc un geste en leur faveur et maintenez l'article introduit par le Sénat leur reversant une partie des recettes fiscales sur l'énergie.

Quel lien entre la maquette budgétaire et la transformation de l'action publique ? J'ai eu l'impression de revivre la déception du Comité Action Publique 2022. Les discours ne se traduisent pas en acte. Pendant plusieurs mois, les membres dudit Comité ont conduit des auditions pour faire foisonner des idées pour répondre à la modernisation de l'action publique. Mais pourquoi les faire travailler sur des sujets tels l'agriculture ou le logement alors que les projets de loi EGALIM ou ELAN étaient déjà rédigés ? Pourquoi leur avoir refusé la lecture du rapport auquel ils étaient censés avoir contribué ? La direction interministérielle à la transformation publique a fini par prendre la plume et bien au-delà dans la phase finale.

Le président de la commission des finances a dû expressément demander la communication de ce rapport. Là encore, quelle cohérence avec les propos du ministre Darmanin devant la commission des finances en septembre 2017 qui assurait que « Le Parlement se saisira de ce travail et nous pourrons alors définir collectivement ce que sont les missions de l'État, ainsi que les moyens humains et les crédits budgétaires correspondants ». Nous ne devons pas avoir la même définition du mot « collectivement » !

La transformation de l'action publique est la pierre angulaire de la stratégie budgétaire du quinquennat. Si les économies annoncées ne sont pas au rendez-vous, l'objectif de réduction du déficit structurel ne sera jamais atteint. Le chemin à accomplir jusqu'en 2022 est encore long. La présentation du PLF pour 2019 liste les premières étapes : réforme des aides personnelles au logement, réduction des contrats aidés, réforme de l'audiovisuel public, mise en place du nouveau service public de l'emploi, ou encore réorganisation des services de l'État et de ses opérateurs à l'étranger.

Il vous reste trois ans pour réduire de 50 000 le nombre des emplois dans la fonction publique d'État, l'année 2018 ayant été une année blanche. À première vue, les efforts réalisés en 2019 seront quatre fois plus importants avec une réduction de 4 164 ETP. Mais quand on y regarde de plus près et que l'on raisonne en équivalent temps plein travaillé, le solde des plafonds d'emplois sur le périmètre de l'État et des opérateurs progresse de 1 322 ETPT.

Le chemin est encore long pour transformer notre pays. Les événements des derniers jours nous rappellent que cette transformation ne pourra se faire sans concertation avec les corps intermédiaires et sans un souci de maintenir des services publics de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La baisse du plafond d'emplois est le signal inverse de celui qu'il faudrait envoyer pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale. Quand le peuple se mobilise contre l'injustice fiscale, ce serait un signal fort. Il faudrait augmenter les contrôles, or ce budget diminue le nombre de postes.

Nous assistons à une baisse du nombre de contrôles entraînant mécaniquement une baisse du taux de couverture fiscale.

Ainsi, concernant l'impôt sur les sociétés, le taux de couverture du contrôle fiscal externe est passé de 3,17 % en 2008 à 2 % en 2016. On constate une baisse similaire du taux de couverture du contrôle sur pièces sur ce même impôt passant de 7,16 % en 2008 à 3,37 % en 2016.

Cette baisse, nous la constatons aussi sur la TVA et en matière d'impôt sur le revenu pour les foyers fiscaux. Elle s'accompagne, ces dernières années, d'une baisse des droits nets notifiés lors des opérations de contrôle fiscal. Les statistiques 2018 de la DGFiP nous indiquent que les droits nets notifiés sont passés de 16,1 milliards en 2015 à 13,9 milliards en 2017. La lutte contre la fraude fiscale doit s'intensifier et ces postes ne doivent pas être supprimés. Dans la rue, on entend demander un retour du service public. Or on constate des fermetures de trésoreries.

À y regarder de plus près, ce budget comporte un fond doté de 50 millions pour soutenir les coûts de transition nécessaires à la mise en oeuvre des réformes structurelles ; en clair, des suppressions de postes et des réorganisations. Ces 50 millions sont destinés à la formation des agents et aux bilans de compétence pour les reclasser. Pourquoi ne pas utiliser cet argent pour augmenter les plafonds d'emplois afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ?

Mme Nathalie Goulet.  - Mieux que la police de Bercy !

Mme Laurence Rossignol.  - Bravo !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je ferai un point d'étape sur la transformation publique que nous entreprenons, notamment dans les deux grandes administrations : la DGFiP et la direction générale des douanes et des droits indirects.

Depuis un an et demi, nous avons remis à plat l'action publique. Sur le plan législatif, cette politique s'est traduite dans de nombreux textes, notamment la loi ESSOC, afin d'améliorer la relation avec l'usager et le droit à l'erreur. Nous avons aussi amélioré la lisibilité de notre politique fiscale, à commencer par la suppression d'une vingtaine de petites taxes.

Votre assemblée a judicieusement supprimé deux taxes supplémentaires. Nous transférons le recouvrement de certaines taxes de la DGDDI à la DGFiP pour recentrer les douanes sur leurs missions premières.

Nous avons choisi de prendre le temps de la concertation avec les agents, escamotés par certains de vos amendements qui instaurent trois jours de carence dans la fonction publique ou encore des coupes massives dans les effectifs de la DGFiP. Nous avons identifié quatre leviers d'action : simplification du dialogue social, recours accrus aux contrats qui donne plus de souplesse aux encadrants tout en améliorant les conditions de recrutements des agents contractuels, individualisation de la rémunération des agents et accompagnement renforcé des mobilités et des transitions professionnelles. Ces leviers sont essentiels pour refonder le contrat social avec les fonctionnaires. Un projet de loi relatif à la fonction publique sera présenté au cours du premier semestre de l'année prochaine.

Sur le plan opérationnel, de nombreuses réformes ont été lancées et ne correspondent en rien à la logique de rabot que vous évoquez. Parmi celles-ci, je citerai le transfert à la DGFiP du recouvrement de l'essentiel de la fiscalité relevant de l'État, avec l'objectif que la mission fiscale de la DGDDI soit concentrée sur la fiscalité proprement douanière. Ce mouvement s'inscrit dans une logique plus large d'unification du recouvrement pour les entreprises et les particuliers d'ici la fin du quinquennat, avec potentiellement la constitution d'une agence unique de recouvrement pour la sphère de l'État et la sphère sociale

Je veux aussi citer la mise en place, avec les collectivités locales, du compte financier unique qui se substituera aux actuels comptes administratifs et de gestion. Ce sera source de lisibilité et de meilleur usage des crédits.

La création de l'Agence comptable affirme le principe de la séparation de l'ordonnateur et du comptable. Enfin, notre objectif des zéro espèces dans l'administration d'ici 2022. Nous sommes ici dans une démarche expérimentale.

J'en viens à vos remarques et critiques.

Selon la commission des finances, la priorité à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ne se retrouverait pas dans le budget. Or les lois ESSOC et fraude transforment le contrôle, pour qu'il soit plus rapide, plus précis et mieux recouvré. La loi relative à la fraude fiscale renforce les instruments de détection avec la création d'une police fiscale, avec l'augmentation du montant des sanctions et le recours au name and shame. Les services utilisent de nouveaux outils comme le data mining et l'analyse risque pour mieux cibler les entreprises et les particuliers. La lutte contre la fraude est donc bien la priorité du Gouvernement.

Concernant les résultats du contrôle, certains chiffres cités sont inexacts. Le montant des droits et pénalités après les contrôles s'élève à 16,6 milliards d'euros en 2017 et non 13,5 milliards. Avec le STDR, le montant total s'élève à 17,9 milliards d'euros. Il est vrai que l'on constate une baisse de 8,2 % entre 2017 et 2018. Mais ces résultats fluctuent en fonction d'affaires exceptionnelles selon les années. Le STDR explique aussi cette baisse car les dossiers les plus importants ont été traités en début de son existence. Enfin, certains redressements finissaient au contentieux où ils pouvaient ne donner lieu à aucun recouvrement. Depuis 2017, le Gouvernement a préféré sincériser les contrôles fiscaux.

Le pilotage au rabot ne serait plus tenable, dites-vous. Une réorganisation territoriale des services est en cours, avec la multiplication des points de contact avec les usagers. Compte tenu de la taille du réseau et des enjeux, sept expérimentations pilotes seront organisées dans les départements. Vous y serez associés.

Les crédits informatiques sont en hausse de 15 millions depuis 2017, après une baisse continue entre 2015 et 2017. En 2019, 37 millions d'euros accompagnent le prélèvement à la source, et 20 millions d'euros pour la transformation du ministère de l'économie et des finances. Ce sera un levier de plus pour la transformation de ce ministère en complément des projets de transformation présentés sur le fonds de transformation de l'action publique qui s'élève à 245 millions, dont 50 millions pour le fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines et 7,2 millions pour le fonds pour l'accélération du financement des start up.

Monsieur Carcenac, la SOVAFIM fera l'objet d'une réflexion dans le cadre de la réforme de la politique immobilière de l'État avec pour objectif de mieux louer et de céder certains biens.

Enfin, la réforme des retraites des fonctionnaires s'inscrira dans le cadre de la concertation de Jean-Paul Delevoye. Cela nécessite du temps de travail et de mise en oeuvre pour plus d'équité et de transparence dans les secteurs privé et public. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Examen des crédits des missions, des articles rattachés, de l'amendement portant article additionnel et des comptes spéciaux

Article 39 (Gestion des finances publiques et des ressources humaines)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-49, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits du programme :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

2 200 000 000

2 200 000 000

2 200 000 000

2 200 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

2 200 000 000

2 200 000 000

SOLDE

- 2 200 000 000

- 2 200 000 000

M. Claude Nougein, rapporteur spécial.  - Cet amendement a déjà été adopté par le Sénat lors du PLF pour 2018. Selon l'Enquête emploi de l'Insee, la durée habituelle de travail de l'ensemble des actifs serait proche de 37,5 heures par semaine.

L'alignement du temps de travail dans la fonction publique sur cette durée se traduirait par une augmentation moyenne de la durée hebdomadaire de travail dans le secteur public de 7 %.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Comme l'année dernière, l'avis est défavorable sur le fond et la forme. Votre amendement fait peser sur la DGFiP un effort considérable. Cet amendement amputerait de 32 % sa masse salariale, ce qui serait insoutenable. La répartition des crédits ne peut être modifiée qu'à la marge.

Sur le fonds, le temps de travail des fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière est déjà aligné sur celui du secteur privé, soit 35 h/semaine.

Cet amendement est insoutenable pour la DGFiP. Avis défavorable.

L'amendement n°II-49 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-51, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits du programme :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

216 000 000

216 000 000

216 000 000

216 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

216 000 000

216 000 000

SOLDE

- 216 000 000

- 216 000 000

M. Claude Nougein, rapporteur spécial.  - Cet amendement a déjà été adopté par le Sénat en 2015, 2016 et 2018. Il augmente de 1 à 3 jours le délai de carence dans la fonction publique. Les crédits sont imputés au programme 156 et devront être répartis sur l'ensemble des missions.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Cet amendement est incompatible avec l'article 12 de la LOLF. Sur le fond, le Gouvernement est opposé à cet amendement. Les complémentaires santé sont très hétérogènes voire rares dans la fonction publique. Une mission étudie actuellement la possibilité de les étendre. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrions éventuellement envisager d'augmenter le nombre de jours de carence.

L'amendement n°II-51 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-52 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits du programme :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

45 400 000

45 400 000

 

45 400 000

45 400 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

 

 

 

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

 

 

 

 

Fonction publique

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

45 400 000

 

45 400 000

SOLDE

- 45 400 000

- 45 400 000

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Le président de la République s'est engagé à supprimer 50 000 emplois dans la fonction publique. Il reste 90 % des efforts à réaliser d'ici la fin du quinquennat.

Cet amendement l'aide en réduisant les effectifs des administrations centrales. Certes, il faut plus de médecins, d'infirmières, de policiers, de gendarmes, tous en conviennent.

Mais le service public est de moins en moins assuré sur le terrain, y compris à la DGFiP : des trésoreries ont fermé, des postes ont été supprimés.

En revanche, les effectifs continuent à croître en contrôle : nous sommes suradministrés tout en ayant moins d'effectifs sur le terrain. C'est pourquoi cet amendement maintient les effectifs là où nous en avons le plus besoin. (Mme Catherine Troendlé approuve.) Un exemple : il y a trois niveaux de contrôle pour les aides à l'agriculture : au niveau européen, au niveau national et au niveau régional.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - C'est sans doute un amendement d'appel.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Pas seulement !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - En tout cas, il porte sur la seule DGFiP, ce qui n'est pas soutenable. Nous travaillons, sur la base d'une circulaire du Premier ministre du 24 juillet 2018, à la réorganisation de l'administration territoriale de l'État en retenant l'échelon départemental comme le plus pertinent. Retrait ?

M. Marc Laménie.  - Nous sommes devant un dilemme permanent. La DGFiP est l'une des directions les plus touchées par les pertes d'emplois, notamment sur le terrain. Nous avons tous vécu les fermetures de trésorerie, interlocuteurs privilégiés des maires, des DGS et des chefs d'entreprises.

L'administration des douanes a, elle, reçu quelques centaines de postes - mais cela pèse peu au regard de la lutte contre la fraude.

L'administration centrale compte trop de fonctionnaires alors qu'il en manque sur le terrain : ce constat m'invite à voter l'amendement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - J'aurais pu déposer le même amendement, en effet, pour chacune des missions.

Les ministères de l'environnement et de l'agriculture ne produisent-ils pas trop de normes ? Quoi qu'il en soit, je veux que le débat ait lieu.

M. Dominique de Legge.  - Je voterai cet amendement, d'abord parce que je suis convaincu par le rapporteur général, ensuite parce que je suis convaincu par vous, monsieur le ministre ! Vous avez dit que votre objectif était une politique de proximité, laissant entendre qu'il fallait rééquilibrer les niveaux national et local. Pour vous y encourager, je voterai l'amendement.

L'amendement n°II-52 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-423, présenté par M. Vaugrenard, Mme Meunier, MM. Raynal et Féraud et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

3 000 000

 

3 000 000

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

 

 

 

 

Fonction publique

dont titre 2

3 000 000

 

3 000 000

 

TOTAL

3 000 000

3 000 000

3 000 000

3 000 000

SOLDE

0

0

M. Yannick Vaugrenard.  - L'immeuble Le Tripode à Nantes a été évacué en 1993 pour cause de présence d'amiante à tous les étages. Il a depuis été détruit mais l'État n'a pas encore décidé si l'immeuble est un site amianté ou pas. Il convient de mettre fin à cette situation dramatique car 1 800 personnes ont travaillé dans ces locaux, relevant à la fois du ministère des affaires étrangères, de l'Insee et du Trésor public en 22 ans d'exploitation.

Les agents ayant contracté des maladies liées à la présence d'amiante sont au nombre de 200 toujours en exercice sur les 850 agents en service lors de l'évacuation du site. Ces crédits permettraient d'accorder l'allocation spéciale amiante pour les agents nantais ayant eu à travailler sur le site en 2019.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial.  - L'article 146 de la loi de finances pour 2016 prévoit que les agents dont l'incapacité au service est reconnue et le lieu à l'exposition établi peuvent demander une cessation d'activité avec une allocation spécifique. Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Entre 1972 et 1993, ce bâtiment a accueilli 1 800 agents des ministères des finances et des affaires étrangères. Les deux chambres ministérielles ont mis en place une procédure simplifiée de reconnaissance de maladie professionnelle, un suivi médical renforcé, un dispositif de cessation anticipée d'activité et présenter une demande d'indemnisation au FIVA.

Les deux ministères ont commandité plusieurs études épidémiologiques concernant la population des agents présente au Tripode. Les trois études menées ne mettent pas en évidence un abaissement sensible de l'espérance de vie au-delà des cas cités. L'IGAS, dans un rapport du 17 mars, s'est dite défavorable au classement du site. Mais nous allons poursuivre l'expertise épidémiologique et dans l'attente de ses résultats, retrait ou avis défavorable.

M. Yannick Vaugrenard.  - Le Tripode a été détruit en 1993 après évacuation. C'est Pierre Bérégovoy qui était à l'époque ministre de l'Économie et des finances. Je vous suggère, monsieur le ministre, de rencontrer les organisations syndicales pour leur détailler votre argumentation. Jusqu'à présent, elles n'ont pas été reçues à Bercy.

L'amendement n°II-423 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », modifiés, sont adoptés.

Article additionnel avant l'article 77 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°II-50, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances.

Avant l'article 77 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l'article 115 de la loi n°2017-1837 du 30décembre 2017 de finances pour 2018, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

M. Claude Nougein, rapporteur spécial.  - Cet amendement tire les conséquences de l'amendement n°II-49 pour augmenter les délais de carence.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°II-50 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 77 bis est adopté, de même que l'article 77 ter.

Article additionnel après l'article 77 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°II-973, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 77 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 5424-1 du code du travail s'applique aux personnels mentionnés aux 1°, 2° et 5° de cet article, à l'exception de ceux relevant de l'article L. 4123-7 du code de la défense, lorsque ces personnels sont involontairement privés de leur emploi.

Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, y compris les cas dans lesquels la privation d'emploi est assimilée à une privation involontaire ainsi que les éléments de rémunération pris en compte pour le calcul de l'allocation mentionnée au premier alinéa de l'article L. 5424-1 du code du travail.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Cet amendement sécurise juridiquement le droit à l'allocation-chômage des agents publics, à la suite du vote de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En effet, un vide juridique pourrait s'ouvrir à partir du 1er janvier 2019.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial.  - L'allocation de retour à l'emploi des agents publics est financée par leur employeur, et non par l'assurance chômage. La loi du 5 septembre 2018 a accidentellement supprimé ce droit.

Avis favorable à l'amendement n°II-973 qui, bien que déposé très tardivement, est de bon sens.

L'amendement n°II-973 est adopté et devient un article additionnel.

Les crédits de la mission « Crédits non répartis », modifiés, sont adoptés.

Article 39 (Action et transformation publiques)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-445 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Piednoir, Grosperrin, Longuet, Daubresse, Karoutchi et Milon, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin et Allizard, Mme A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Chaize et Cuypers, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Dufaut, B. Fournier et Gremillet, Mmes Gruny et Imbert, MM. Laménie et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre et Le Gleut, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Panunzi, Pellevat et Poniatowski, Mme Procaccia et MM. Revet, Savary, Savin, Vaspart et Vogel.

I.  -  Créer le programme :

Rénovation énergétique des établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

300 000 000

33 000 000

Fonds pour la transformation de l'action publique

dont titre 2

Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines

dont titre 2

Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État

dont titre 2

Rénovation énergétique des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

300 000 000

33 000 000

TOTAL

300 000 000

300 000 000

33 000 000

33 000 000

SOLDE

0

0

Mme Laure Darcos.  - Cet amendement crée un programme budgétaire dédié à la rénovation énergétique des établissements publics d'enseignement supérieur. Le patrimoine immobilier des universités représente 18,6 millions de m², soit le deuxième parc de l'État.

Véritable passoire énergétique, il constitue une source de dépenses considérable, faute d'ambition politique pour l'entretenir, le réhabiliter, l'adapter aux évolutions d'usage ou le valoriser. Le coût énergétique de ces bâtiments pénalise durablement la compétitivité de nos universités.

En parachevant l'autonomie universitaire dans son volet immobilier, l'État pourra concevoir ce patrimoine comme un actif valorisable plutôt qu'une charge de fonctionnement. L'engagement de l'État portera sur 300 millions d'euros, les études opérationnelles étant réalisées en 2019 pour des travaux engagés en 2020 et 2021.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial.  - Cet amendement nous alerte à juste titre sur la situation dégradée du patrimoine des universités. Toutes les universités non propriétaires seraient concernées. Or les crédits du programme 348 ne suffiront déjà pas pour les cités administratives. Inutile de le ponctionner. Je suis défavorable à l'idée de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Je partage cet avis. Pas moins de 400 millions sont prévus dans le grand plan d'Investissement d'avenir pour les bâtiments universitaires. Le programme 348 permettra la relance des projets de rénovation énergétique dans 56 cités administratives, et de reconstruire les grandes cités de Lille, Lyon, Nantes et Amiens. Préservons ces projets. Retrait ou avis défavorable.

Mme Laure Darcos.  - Je vais le retirer mais cette question devra être traitée à l'avenir. La transition énergétique impose de rénover ces bâtiments.

L'amendement n°II-445 rectifié est retiré.

Les crédits de la mission « Action et transformation publiques» sont adoptés.

Les crédits du compte d'affectation spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État» sont adoptés.

L'article 84 ter est adopté.

Article 84 quater

Mme la présidente.  - Amendement n°II-959, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

L'hôtel du commandement de la Marine, situé boulevard Pomaré, à Papeete (Tahiti) implanté sur la parcelle cadastrée section AE n°19 est transféré

par les mots :

La parcelle cadastrée section AE n°19, située sur la commune de Papeete et sur laquelle se trouve l'hôtel du commandement de la Marine, est transférée

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Cet amendement spécifie la consistance du bien transféré, qui comprend le bâtiment de l'hôtel du commandement de la Marine de Papeete et de l'ensemble de la parcelle sur laquelle il est implanté.

Un accord a été trouvé pour que l'ancien hôtel du commandement de la Marine abrite le Mémorial des essais nucléaires.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial.  - C'est une mission de mémoire importante. Avis favorable.

L'amendement n°II-959 est adopté.

L'article 84 quater, modifié, est adopté.

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont adoptés.

Les crédits du compte d'affectation spécial « Pensions» sont adoptés.

La séance est suspendue à 19 h 40.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 21 h 15.

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Le 3 octobre, le ministre de l'Intérieur, l'homme le mieux informé de France, décrivait des quartiers sensibles aux mains des islamistes et des narcotrafiquants. Comment en est-on arrivé là ? La France paraissait paisible, il y a trente ans.

Mme Esther Benbassa.  - Vraiment ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Le budget Immigration, asile et intégration, à hauteur d'1,5 milliard d'euros, n'a aucune ambition de traiter ces immenses défis. Les trois termes de l'intitulé n'ont rien à voir les uns avec les autres ! Lier ces trois notions, c'est ne rien comprendre aux dangers que fait peser l'absence de politique migratoire.

Dans le document de politique transversale, le coût estimé de l'immigration en France est de 6,2 milliards d'euros, réparti entre neuf ministères. À France Terre d'asile, le directeur général m'a affirmé qu'il n'y a pas de crise migratoire. Les effectifs de son association sont pourtant passés de 30 en 1998 à 900 et il dit manquer de moyens !

De 100 millions d'habitants en 1900, l'Afrique est passée à 1,2 milliard d'habitants, et elle en comptera 2,5 milliards en 2050. La situation de ce continent, à nos portes, a été bouleversée. Il faut sortir du silence ! Stephen Smith, dans La Ruée vers l'Europe, considère qu'on n'a jamais connu une telle pression : 42 % des jeunes Africains veulent émigrer ! Or le budget des retours à la frontière est resté stable, à 30 millions d'euros depuis quatre ans ; et le taux d'exécution des mesures d'éloignement a chuté pour atteindre 12,5 % : que deviennent les déboutés ?

Les chiffres des demandes d'asile sont sous-évalués : estimés à 97 300 en 2017, les demandes se sont élevées à plus de 100 000. L'enveloppe de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) sera insuffisante. Au premier semestre, la demande d'asile a augmenté de 16,16 %. On enregistre en France une hausse des demandeurs d'asile sous procédure Dublin, conséquence de notre politique d'asile.

Asile, mineurs isolés, admission au séjour régulier et immigration clandestine, au total, nous dépassons 450 000 entrées. À ce rythme, sur cinq ans, nous accueillons l'équivalent de la ville de Paris. Avons-nous la capacité de les accueillir ? La réponse est dans la question.

Nous avons été élus par les Français, ne laissons pas faire ceux qui se jouent de nos faiblesses. Ayons le courage de reprendre la maîtrise de nos frontières. Le président de la République serait bien inspiré de refuser le pacte pour l'immigration. Je vous invite à refuser ce budget, insincère. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Trois minutes, c'est bref ! À périmètre constant, ce budget augmente de 12 %. Un effort substantiel a été fait, de 0,6 %. La commission des lois regrette de retrouver ici des incohérences relevées lors de la loi Asile en septembre dernier.

Des efforts : en matière d'intégration, qui est toujours le parent pauvre des politiques migratoires, les mesures d'insertion professionnelle, les cours de langue, correspondent à ce que demandait le Sénat. La création de places d'hébergement est bienvenue.

Mais les hypothèses fondant ce budget sont peu plausibles. Le projet de loi prévoit une stabilisation des demandes d'asile en 2019 et 2020. Or elles augmentent en France, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays, avec en particulier les flux secondaires en provenance d'Espagne. Les budgets alloués à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne permettront pas de tenir les délais cibles pour le traitement des dossiers, ni l'objectif d'hébergement des demandeurs.

Les demandes de séjour ont cru. La circulaire Valls représente 30 % des régularisations et n'a pas été abrogée. Près de 8 % des crédits de la mission sont consacrés à l'immigration irrégulière.

Un effort sur la rétention a été réalisé avec 450 places, mais sur l'éloignement, des efforts restent à faire. Il n'y a aucun suivi des déboutés du droit d'asile. Sur les six premiers mois de 2018, 12,6 % seulement des décisions d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) ont été exécutées. Le système de Dublin sera-t-il revu ? Il n'y a pas eu d'accord sur ce point hier. Le commissaire européen Arramopoulos est pessimiste à ce sujet ; cela nous place dans une grande difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Leconte .  - Le rapporteur pour avis regrette que la circulaire Valls ne soit pas abrogée ou révisée, mais c'est, comme toute circulaire, une simple compilation de textes réglementaires et législatifs. Il ne dit pas ce qu'il veut changer dans la circulaire. Les critères d'admission au séjour y sont plus stricts encore que dans les circulaires Sarkozy et Hortefeux...

Un éloignement coûte en moyenne 4 Smic en raison de la détention. Mais le problème est moins celui du coût que celui de la méthode : le tout rétention n'est pas efficace.

Nous ne sommes pas seuls à rencontrer ces problèmes : en Allemagne, en Turquie, en Grèce, au Maroc, on constate cette hausse.

Le rapport de la commission des finances confond les crédits de pilotage de la mission avec le coût de l'immigration. Il omet de souligner la contribution de cette population à l'économie, car les impôts, les cotisations, sont supérieurs aux dépenses sociales.

Pour lutter contre les passeurs et les trafics, mieux vaut créer un cadre de dialogue, non contraignant, à la disposition des différents États, dans le respect de leur souveraineté. C'est tout l'intérêt du pacte de Marrakech.

La France n'est pas seule. L'Europe a fait beaucoup : en 2015, il y avait 800 000 franchissements irréguliers par an de la frontière européenne ; on n'en compte plus que 150 000. C'est le résultat de politiques utiles. Le budget de Frontex a été doublé en 2018...

Monsieur le ministre, attention au budget de l'Ofpra, inférieur à trois semaines de fonctionnement de l'ADA. L'office doit pouvoir étudier les demandes d'asile rapidement, pour des raisons humanitaires et pour l'efficacité. Moins de cent jours de délai, c'est un beau résultat. Pour aller plus loin, il faudrait donner aux demandeurs le droit de travailler et veiller à l'application de la nouvelle loi en améliorant l'accueil dans les préfectures, la formation des agents, la cohérence des informations délivrées.

Les conditions de travail des agents de la police de l'air et des frontières pèsent sur les personnes retenues. L'Italie et l'Espagne manquent sans doute de solidarité, mais nous avons tous participé à cette catastrophe. Désormais, des bateaux marchands qui respectent le droit de la mer et sauvent des vies ne savent plus, ensuite, où aller déposer les naufragés recueillis. La coopération avec les garde-côtes libyens est aléatoire, et d'ailleurs à qui répondent-ils ? Nous refusons un élargissement de la procédure Dublin obligeant les demandeurs d'asile à végéter pendant dix-huit mois avant de pouvoir engager une procédure. Ce sont des conditions indignes.

Pourquoi des personnes ayant travaillé avec l'armée française en Afghanistan n'obtiennent pas plus rapidement un visa ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte.  - Avec le discours du rapporteur spécial, rien ne sera possible. La France inclusive que nous voulons n'a pas besoin d'une pluie de milliards d'euros mais d'un respect des droits, d'un refus de la discrimination, elle a besoin d'aimer et de faire vivre ses valeurs, faire que d'une génération sur l'autre, les enfants nés en France se sentent français. (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Esther Benbassa applaudissent.)

M. Guillaume Arnell .  - Les crédits de cette mission sont en hausse par rapport à 2018 de 22,7 % en CP. Mais comme d'autres missions, le périmètre de celle-ci s'est élargi : l'augmentation est de 12 % à périmètre constant. Elle vise à faire face à la progression de 17 % des demandes d'asile.

La majorité des crédits est consacrée à l'action 2, « garantie du droit d'asile ». Les crédits sont insuffisants pour traiter toutes les questions relatives à l'immigration et à l'asile. Mais la mission ne reflète pas à elle seule toute la politique d'immigration et d'asile, qui atteint 6 milliards d'euros.

Conscient qu'il faut totalement repenser notre système d'accueil, j'avais accueilli très favorablement le projet de loi consacré à ce sujet, d'autant que le populisme gagne du terrain, nourri par un sentiment de déclassement et de renforcement des inégalités.

Le projet de loi, s'il corrigeait certains dispositifs, laissait certaines questions sans réponse. Les zones frontalières et nos îles de l'outre-mer sont particulièrement touchées, comme Mayotte, la Guyane, Saint-Martin. Les migrations fragilisent les populations locales. La précarité de ces migrants s'est accrue après l'ouragan Irma.

Le récent texte ne contient cependant aucune disposition contraignante sur les réfugiés climatiques ou pour lutter contre la traite des êtres humains à laquelle se livrent les trafiquants.

Dans ce projet de loi de finances, pas de moyens supplémentaires pour traiter ces problématiques : l'augmentation des CP est un simple ajustement budgétaire pour absorber l'augmentation des demandes d'asile.

Le groupe RDSE dans sa grande majorité votera les crédits. Mais nous vous mettons en garde : le Gouvernement devra mobiliser des moyens supplémentaires à l'avenir.

M. Loïc Hervé .  - La qualité de notre politique d'intégration détermine celle de notre politique d'immigration. Nous voulons une politique plus efficace pour les migrants réguliers. Ainsi parlait le Premier ministre au comité interministériel à l'intégration l'été dernier.

Votre Gouvernement veut mettre en oeuvre l'ensemble des moyens nécessaires. Nous saluons cette volonté. Les demandes d'asile enregistrent une augmentation sans précédent. Entre 2007 et 2017, elles ont presque triplé, bondissant de 183 %. L'immigration irrégulière a été très dynamique. La nouvelle loi connaît ses premiers effets, assurant une meilleure intégration, via une formation en langue française par exemple.

Mais la commission des lois signale que les moyens programmés sont fondés sur des hypothèses irréalistes. Les délais cibles et l'hébergement de 85 % des demandeurs d'asile ne sont pas tenables.

L'action 3, lutte contre l'immigration irrégulière, ne tient pas compte de l'augmentation des demandes et des flux secondaires. Denise Saint-Pé avait déjà alerté sur les Pyrénées, nouvelle route migratoire. Monsieur le ministre, vous avez dit vouloir nommer un coordonnateur pour travailler avec les autorités espagnoles. Cela s'est-il concrétisé ?

L'effort sur les mesures d'éloignement est quasi nul, stagnant à 30 millions d'euros. Près de neuf obligations de quitter le territoire sur dix ne sont pas exécutées. C'est certes une question complexe... La France doit continuer à protéger les populations en danger qui demandent asile. Mais trouvons de nouvelles solutions pour que les déboutés ne restent pas sur notre territoire.

La baisse des crédits correspondants est en contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement de faciliter l'accès aux places de rétention partout sur le territoire, pour favoriser la sécurité et lutter contre l'immigration irrégulière.

Le groupe UC ne pourra pas apporter son soutien à ces crédits. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - La mission « Immigration, asile et intégration » voit ses ressources augmenter fortement ; les AE s'établissent à 1,7 milliard d'euros et les CP à 1,9 milliard d'euros.

Mais la crise est toujours là et les programmes de relocalisation sont insuffisants. Ne nous y trompons pas : c'est un budget d'affichage.

Je salue l'effort sur le dispositif d'accueil des migrants réguliers, d'hébergement d'urgence et les formations linguistiques. On peine toutefois à comprendre le refus d'abroger la circulaire Valls de novembre 2012. En 2017, nous avons eu 1 065 éloignements de moins qu'en 2012, alors que la pression migratoire est supérieure.

La pression migratoire s'accroît, l'exécution des OQTF recule ! À 17,6 %, nous avons atteint un plancher historique.

Pourquoi de telles mesures, quand seulement 36 % des déboutés en reçoivent la notification ? Le règlement Dublin doit être réformé. Le laxisme du Gouvernement l'empêche même d'éloigner 3 391 étrangers fichés et radicalisés.

Le groupe Les Indépendants ne votera pas ces crédits.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Malgré un environnement budgétaire contraint et un contexte difficile, le budget de cette mission augmente de 22 %. Cette hausse, cohérente avec le dispositif du Gouvernement et la loi du 10 septembre dernier, permettra de faire face aux défis.

La refonte du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile va de pair avec l'augmentation du nombre de place : 97 000 en 2019.

Certes, ce budget a été construit sur des hypothèses de stabilité des flux, mais il n'est pas insincère. Aucun décret d'avance n'a été pris - ce n'était pas arrivé depuis neuf ans !

Les crédits alloués permettront de renforcer l'insertion professionnelle et l'apprentissage du français pour les primo-arrivants.

En matière d'immigration irrégulière, l'essentiel concerne l'accueil, mais 30 millions d'euros tout de même sont fléchés vers l'éloignement. Ce n'est pas rien, quoiqu'insuffisant.

La moitié des reconduites à la frontière depuis la France sont faites à Mayotte. Ma proposition d'adaptation des conditions d'acquisition de la nationalité française a reçu l'aval du Conseil d'État et a été validée par le Conseil constitutionnel. Cela concerne 45 % des naissances à Mayotte.

Mme Éliane Assassi.  - Bravo !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ces dix derniers mois, les rapports entre autorités françaises et comoriennes se sont tendus. Le 23 mars dernier par exemple, un bateau transportant une centaine de reconduits à la frontière était renvoyé d'Anjouan à Mayotte par l'Union des Comores. Fort heureusement, le dialogue a été renoué par Jean-Yves Le Drian. Le dialogue devrait déboucher prochainement sur un document cadre visant notamment la sauvegarde de vies humaines.

J'espère que ce budget permettra au Gouvernement de mener des politiques ambitieuses.

Le groupe LaREM votera ces crédits.

Mme Esther Benbassa .  - Il y a quelques mois, la Haute Assemblée adoptait un texte facilitant les expulsions, autorisant l'enfermement des mineurs en centres de rétention administrative, alors que nous connaissons tous le terrible destin de personnes arrachées à leur pays par le réchauffement climatique, la guerre ou la misère.

Sous des apparences flatteuses, le budget cache une sombre réalité. Le Gouvernement mise sur une stabilisation très hypothétique des demandes d'asile : cette mission est en conséquence gravement sous-budgétisée. Rien d'étonnant si nous voyons apparaître des campements de fortune.

Le Gouvernement lutte contre l'immigration irrégulière, en témoignent les places créées en centre de rétention, au détriment de l'intégration des étrangers en situation régulière.

La Cimade, Coallia et tant d'autres associations pâtiront de cette politique, elles qui travaillent dans l'accès aux droits et aux soins. Le Gouvernement préfère agiter les peurs ! Pourtant, les mouvements de population au plan mondial ne sont pas prêts de s'estomper. Votre prédécesseur Gérard Collomb estimait l'Europe submergée, reprenant les termes du Rassemblement national !

M. François Bonhomme.  - Il va être content !

Mme Esther Benbassa.  - Avec les 250 millions de migrants climatiques supplémentaires, c'est le principe de frontière qui sera remis en cause. Il faut en conséquence traiter les dossiers de manière plus fluide et soutenir les associations qui font un travail remarquable. Soyons à la hauteur des enjeux et de l'histoire. Lors de l'arrivée des boat people en France, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron n'avaient-ils pas dépassé leurs oppositions personnelles pour agir ensemble ? Les 120 000 réfugiés alors accueillis s'intégrèrent parfaitement. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même à nouveau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Roger Karoutchi .  - Monsieur le ministre, nous parlons, mais vous avez sans doute l'esprit davantage tourné vers samedi... Puissiez-vous avoir la ténacité nécessaire pour assurer la sécurité des Français.

Je serai bref. Tout État a le droit de décider qui entre sur son territoire. Il y a bien sûr les obligations européennes, mais je pense qu'elles seront revues après les élections européennes ; le pacte de Marrakech n'apportera rien, à mon avis, à notre politique migratoire.

Le droit d'asile est imprescriptible et sacré, certes, mais il est détourné. Nous ne sommes plus au XIXe siècle, nous n'accueillons plus des gens fortunés, mais des personnes que la guerre, les drames climatiques ou la misère chassent loin de chez elles. D'ailleurs, plus de 80 % des demandeurs ne se voient pas reconnaître le droit d'asile.

Il serait normal que le Sénat fixe des quotas. Mais les réfugiés qui obtiennent le droit d'asile n'obtiennent en réalité pas grand-chose : un peu de cours de français par ci, un petit film par-là, qui retrace l'évolution de notre pays de la préhistoire au général de Gaulle ; et pas même d'examen. Tout cela n'est pas digne. Sursaturés, nous traitons mal tout le monde, réguliers, irréguliers, demandeurs d'asile.

Je ne voterai pas, non plus que l'ensemble du groupe Les Républicains, les crédits de cette mission.

M. François Bonhomme .  - Notre pays, comme de nombreux pays européens, fait face à une crise migratoire majeure. Cette mission est donc prioritaire. L'Espagne est devenue le premier point d'entrée dans l'Union européenne, avec 41 000 migrants début 2018, soit une hausse de 143 % par rapport à 2017.

Ces flux donnent lieu à un rebond vers la France, qui est confrontée non à un mais à des flux migratoires. Les crédits pour y faire face augmentent de 36 % en AE à périmètre constant, de 12 %.

Mais les crédits sont loin de suffire. En 2017, près de 36 % des demandes d'asile, soit 35 900, ont été formulées dans le cadre du régime Dublin, contre 22 300 en 2016.

Ne faudrait-il pas abroger la circulaire Valls ou à tout le moins la durcir ?

Or le Gouvernement a retenu une hypothèse de 10 % de flux supplémentaire en 2018 et 0 % en 2019 et 2020... Comment parvient-il à ces estimations ?

Notre groupe Les Républicains ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les crédits de la mission s'élèvent à 1,694 milliard d'euros, soit 13 % de hausse à périmètre constant, après une hausse de 26 % en 2018. C'est que la pression migratoire reste forte dans notre pays. C'est aussi la traduction budgétaire de priorités politiques claires, définies lors du comité interministériel à l'intégration de juin et inscrites dans le plan de maîtrise des flux migratoires.

Ce budget est robuste, sincère, il assume des ressources nouvelles pour éloigner les étrangers en situation irrégulière et améliore l'intégration de ceux qui ont vocation à rester en France. (Mme Esther Benbassa en doute.)

La pression migratoire est paradoxale. En 2016 et 2017, elle avait baissé de moitié dans l'Union européenne mais augmenté de 17 % en France avec 100 000 demandes. En 2017, la première nationalité des demandeurs d'asile était l'Albanie dont les ressortissants n'ont que 6 % de chance d'obtenir l'asile. Même constat en Guyane, avec la hausse des demandeurs d'asile haïtiens. En 2018, les demandes d'Albanais ont diminué de 41 %, grâce à un plan d'action négocié avec le gouvernement albanais. En Guyane, un décret a réduit à deux mois le délai d'examen des dossiers : les demandes ont baissé aussi de 49 %.

Reste que la France est confrontée à une situation migratoire délicate.

La France est prisée des demandeurs d'asile venant de Géorgie, en hausse de 289 %. Le phénomène relève aussi d'une immigration économique et n'a rien à voir avec la protection : nous ferons tout pour en tarir le flux. La France subit aussi les dysfonctionnements du règlement de Dublin, elle est très exposée aux flux secondaires. Le règlement doit être réformé ; je viens de le redire au Conseil Justice et affaires intérieures à Bruxelles.

Nous comptons respecter nos objectifs en conduisant un dialogue ferme avec les pays d'origine, en formulant des réponses aux défis migratoires, qu'il s'agisse du rebond ou de la situation en Méditerranée, en garantissant la dignité de l'accueil, en éloignant les déboutés mais en donnant à ceux qui sont reconnus comme réfugiés les moyens de s'intégrer.

Les conditions de vie dignes doivent être assurées pendant l'examen de la demande d'asile. Conformément aux engagements du président de la République, pas moins de 1 000 places sont créées en CADA et 2 500 en hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile auxquelles il faut ajouter 2 000 places en centres provisoires d'hébergement.

Ce budget met fin à une anomalie en transférant les 7 800 places d'hébergement pour demandeurs d'asile en Ile-de-France vers les programmes 104 et 303 pour 113 millions d'euros.

M. le président.  - Enfin !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Pour atteindre, fin 2019, notre objectif d'un délai de traitement de six mois en moyenne de la demande d'asile, nous allouons 170 titulaires aux préfectures et, pour tous les personnels en fonction dans les services chargés des étrangers, un plan d'attractivité ; 25 effectifs à l'OFII pour armer les équipes mobiles prévues par la circulaire du 12 novembre 2017 ; 10 ETP à l'Ofpra - qui compte 280 nouveaux collaborateurs depuis 2015 ; et, enfin, je le cite même si cela est hors du champ de cette mission, 122 ETP à la CNDA, chargé de statuer sur les recours.

Ce projet de loi prévoit la poursuite du rebasage de l'ADA, dont les crédits sont en hausse de 5,7 %.

Ce budget traduit l'attachement du Gouvernement à une politique crédible de lutte contre l'immigration irrégulière. Les éloignements ont crû de 14 % en 2017, après des années de fléchissement. La tendance se maintient en 2018 avec une hausse de 20 % mais les éloignements contraints, qui augmentent de 9 %, sont en deçà de la mobilisation, que je sais forte, des services. Nous manquons cruellement de place en centres de rétention administrative. L'engagement de 400 places supplémentaires a été tenu pour moitié depuis octobre 2017 ; il faut poursuivre les efforts, d'où le plan d'investissement dans la rétention de 40 millions d'euros. Le ministre de l'Intérieur et moi faisons du cousu main pour obtenir davantage de laissez-passer consulaires.

En parallèle, nous devons offrir des perspectives à ceux qui arrivent légalement en France pour combattre leur assignation à certaines identités, à certains quartiers que nous ne connaissons que trop bien. L'intégration passe par la maîtrise de la langue, des cours d'éducation civique en hausse de 12 à 24 heures et le travail.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Un seul chiffre pour finir : 89 millions d'euros sont prévus pour mettre en oeuvre les décisions du comité interministériel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et quelques bancs du groupe Les Républicains)

Examen des crédits de la mission et de l'article rattaché

Article 39

M. le président.  - Amendement n°II-696, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

 

20 000 000

 

20 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

20 000 000

 

20 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - Le Gouvernement augmente les crédits du programme « Intégration » de 46,3 %. C'est heureux. Grâce à ces dotations, l'OFII aura les moyens nécessaires à ses missions. La citoyenneté ne s'invente pas, elle s'acquiert. Pour ces primo-arrivants qui ont fui la guerre et le marasme économique, la priorité est de retrouver la sécurité d'un foyer. Ne laissons pas se développer sur notre territoire de nouveaux bidonvilles, comme à Calais. L'association Aurore accomplit un travail remarquable, dans le XVIe arrondissement de Paris, dans le centre Exelmans que j'ai visité. De tels dispositifs devraient se multiplier. Le Gouvernement prévoit 3 500 places dans les centres hébergements d'urgence, allons jusqu'à 7 500 places. Le droit au logement est un objectif à valeur constitutionnelle.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Avis défavorable. Diminuer les crédits destinés à la politique de l'éloignement est une mauvaise idée.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - La majeure partie des réfugiés ont vocation à accéder au logement dans les dispositifs de droit commun. Pour les plus vulnérables, nous aurons, entre 2017 et 2019, quadruplé le nombre de places en centres hébergements d'urgence, pour le porter à 8 707 places au niveau national. Priver le programme 303 de crédits serait dommage. Avis défavorable.

L'amendement n°II-696 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-697, présenté par Mmes Benbassa, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

I.  -  Créer le programme :

Fonds de soutien à la garantie de l'exercice du droit d'asile

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

 

20 000 000

 

20 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Fonds de soutien à la garantie de l'exercice du droit d'asile

20 000 000

 

20 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - Dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a retenu l'hypothèse d'une stabilisation des demandes d'asile, entraînant un risque de sous-budgétisation de la mission et, donc, d'insincérité budgétaire. L'Ofpra risque un engorgement. Cet amendement crée un fonds de soutien à la garantie du droit d'asile.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Je partage votre point de vue sur l'insincérité budgétaire mais, encore une fois, priver de crédits la politique de l'éloignement n'est pas une bonne idée. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Depuis 2015, les crédits de l'Ofpra ont augmenté de 65 % depuis 2015, pour atteindre 70 millions d'euros, et 280 emplois y ont été créés.

L'amendement n°II-697 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-698, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Créer le programme :

Fonds de soutien à l'accompagnement des troubles psychotraumatiques

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

 

10 000 000

 

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Fonds de soutien à l'accompagnement des troubles psychotraumatiques

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - Le 23 novembre, au TGI de Paris, un jeune Burkinabé de 15 ans s'est défénestré après avoir été entendu par le juge. La cécité du Gouvernement sur la fragilité psychique des migrants, qui ont subi les pires violences dans leur pays puis pendant leur traversée, nous inquiète. Les migrants souffrent de stress post-traumatique, d'amnésie post-traumatique, qui complique le travail de l'Ofpra. Sans suivi médical, les individus peuvent développer des pathologies mentales graves, comme la schizophrénie. Nous proposons de créer un fonds pour prendre en charge les pathologies de ces personnes brisées par l'exil.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Nous accueillons mal car nous accueillons trop. Avis défavorable.

Mme Esther Benbassa.  - Ce n'est pas un argument !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Les primo-arrivants font l'objet d'une prise en charge au titre de l'intégration mais aussi parce qu'il s'agit d'un impératif de santé publique. En 2018, l'État a accordé 500 000 euros à des associations qui interviennent spécifiquement dans ce champ. Les préfets bénéficient aussi de moyens supplémentaires. La création d'un fonds n'est donc pas opportune. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi.  - L'OFII a créé massivement, depuis deux ans, des postes de médecins et a développé un programme d'accueil et de contrôle médical. Je ne dis pas que c'est merveilleux et magnifique mais c'est mieux qu'avant. Laissons l'OFII continuer son travail.

Mme Esther Benbassa.  - Cela suppose un budget !

L'amendement n°II-698 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-574 rectifié bis n'est pas défendu.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ne sont pas adoptés.

L'article 77 quater n'est pas adopté.

SÉCURITÉS

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les récents dérapages que nous avons connus en matière de maintien de l'ordre démontrent l'importance de cette mission.

Le projet de loi prévoit une hausse de 1,62 % des CP et la création de 2 378 ETP. Malheureusement, ce n'est pas la même chose pour les crédits de fonctionnement et d'investissement. Les dépenses de personnel représentent 89,39 % de l'ensemble des crédits pour la police nationale, c'est 84,39 % pour la gendarmerie nationale. Il y a dix ans, le chiffre était de 80 %. Les revalorisations générales et notamment l'application du protocole d'accord de mai 2016 se traduisent par 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2018 et 92 millions d'euros en 2019.

En France, on compte un gendarme ou un policier pour 280 habitants, notre pays n'est pas en sous-effectif. Il y a un policier pour 273 habitants en Allemagne, 1 pour 220 en Italie, 1 pour 427 en Angleterre. Et encore, sans tenir compte des polices municipales ni des 7 000 militaires du plan Sentinelle.

Avec des dépenses de personnel qui représentent plus de 87 % des crédits de la mission, les crédits de fonctionnement sont insuffisants, et n'augmentent que de 0,88 %. Les crédits d'investissement, eux, baissent de 13,37 % !

Des efforts ont pourtant été faits, comme l'a montré le rapport que notre commission des finances a demandé à la Cour des comptes, sur l'équipement des forces de sécurité. Par exemple, pour que les primo-intervenants sur une scène d'attentat soient bien équipés, chaque brigade anticriminalité dispose maintenant d'une arme lourde et d'une protection assortie.

Des points noirs subsistent, à commencer par le manque de formation : en 2017, seuls 51 % des policiers et gendarmes ont effectué leurs trois séances de tir par an. Quant au vieillissement du parc automobile, le contraste entre les chiffres avancés et la réalité est flagrant : en 2017, seulement 1 500 véhicules sur les 3 000 annoncés. Depuis 2010, le nombre de véhicules achetés ne permet pas de garantir le maintien à niveau de la flotte.

L'état du parc immobilier, aussi, est très préoccupant. Dans la gendarmerie, l'état des logements influe sur le moral des troupes et, dans la police, le délabrement est tel qu'il faudrait des crédits d'investissement de 650 millions d'euros - et de 300 à 400 millions d'euros dans la gendarmerie. Or le niveau de ces crédits est respectivement de 165 et 100 millions d'euros.

Certaines réorganisations ont mis à mal les dispositifs opérationnels. La directive européenne de 2003 sur le temps de travail, applicable à la gendarmerie nationale depuis le 1er septembre 2016, implique la création de 4 000 ETPT. Seuls 2 500 sont prévus durant le quinquennat. Pour la police nationale, les protocoles de mai 2016 prévoient que les troupes peuvent disposer d'un week-end sur deux, au lieu d'un sur six. Appliquer cette vacation forte était si difficile qu'il a fallu décréter un moratoire, dans l'attente d'un rapport de l'IGA et de l'IGF prévu pour mars 2019. Elle supposerait la création de 4 160 ETPT et la mobilisation de 205 millions d'euros supplémentaires par an. Le fait qu'elle ne puisse pas être mise en oeuvre dans la région capitale, où les conditions de travail sont si dures, est révélateur, l'expérimentation menée à Boissy-Saint-Léger a été abandonnée.

Le stock d'heures supplémentaires a crû de 18 % en trois ans pour atteindre 21,7 millions. Ce problème ne concerne pas les gendarmes, qui sont sous statut militaire. C'est une véritable épée de Damoclès car ces congés qui, cumulés, peuvent représenter une année entière, sont pris avant le départ à la retraite sans que l'on puisse prévoir de remplacements.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Les tâches indues demeurent constantes. Ainsi, de la garde de 24 préfectures ou de 450 postes au palais de justice de Paris.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - La commission des finances propose le rejet des crédits de la mission « Sécurités ».

M. le président.  - Il faut terminer l'examen de la mission ce soir. J'invite chacun à la concision.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'objectif de la politique de sécurité routière est clair : réduire le nombre de morts. La valeur d'une vie brisée est inestimable, le coût matériel des accidents de la route l'est davantage : 39,7 milliards d'euros.

Comment évaluer la politique de sécurité routière ? Si nous suivons l'objectif de l'Union européenne de moins de 2 000 morts, 2017 a laissé entrevoir une éclaircie. Après trois années consécutives de hausse, le nombre de morts sur la route a diminué : 3 600 tués en 2017 sur les routes. Mais cette embellie est fragile. La France est en 14e position des pays de l'Union européenne. L'Allemagne, le Royaume-Uni affichent de meilleurs résultats.

Les crédits du programme 207, qui ne représentent que 0,2 % du montant de la mission, augmentent de 3,9 %. Les coûts d'organisation du permis en représentent plus de la moitié. L'opération Permis à 1 euro, connaît un succès relatif. Une mission de deux députés est en cours, le projet de loi LOM a été déposé au Sénat. Monsieur le ministre, quelles pistes pour aider les jeunes à décrocher leur permis, qui est indispensable pour trouver un emploi ?

S'agissant du compte spécial « Radars », l'estimation du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement me semblait frileuse : l'an dernier, l'exécution était nettement supérieure à la prévision. Mais au cours de ces trois dernières semaines, 20 % du parc a été vandalisé. Un mot sur les décisions prises lors du comité interministériel du 9 janvier 2018. J'aurais préféré que la limite de 80 km/h soit précédée d'une concertation avec les élus locaux et davantage ciblée sur les routes accidentogènes. Je note, avec satisfaction, que les propositions de Vincent Delahaye dans son rapport de contrôle budgétaire en 2017 ont été, pour partie, suivies. L'objectif des 4 700 radars et des 200 itinéraires sécurisés, qui devait être atteint le 31 décembre 2018, est reporté d'un an. Ce décalage, qui serait en partie lié à une phase d'homologation plus longue que prévue, m'interroge sur la nécessité d'augmenter encore les crédits du programme 751. Quoique, cette hausse pourrait être absorbée par la remise en état des radars détériorés. Quel en sera le coût, monsieur le ministre ?

S'agissant des collectivités locales, les crédits du programme 754, diminuent de nouveau en 2019, environ 7 %. Cette baisse est certes justifiée par l'entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant. Depuis le 1er janvier 2018, les communes et intercommunalités peuvent définir le montant du forfait post-stationnement et en recueillir le produit. Ce n'est pas le cas, cependant, des départements, auxquels incombe l'entretien de quelque 370 000 km de voiries. D'où l'amendement que le Sénat a adopté, en première partie, pour opérer un prélèvement au profit des départements ; je vous proposerai un amendement pour en tirer les conséquences.

La politique routière, pour être efficace, doit être comprise par nos concitoyens. L'architecture tarabiscotée du compte spécial ne facilite pas sa compréhension, je préconise sa refonte complète.

La commission propose les crédits de la prévention routière et du compte spécial « Radars ».

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Si l'on neutralise l'impact de l'acquisition d'avions multi-rôles, ce budget est stable en autorisations d'engagements et en baisse en crédits de paiement. Par rapport à la programmation triennale, les crédits de paiements sont inférieurs de 10 millions d'euros, ce qui s'explique par les économies réalisées à l'occasion de la passation du marché de renouvellement des Tracker.

La situation des SDIS est préoccupante. Leur activité s'accroît, de 2 % en un an, tandis que le soutien de l'État aux investissements structurants des SDIS s'affaiblit.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis.  - Exactement !

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Cette dotation de soutien aux SDIS, dont le financement s'élevait à 25 millions d'euros en 2017, n'est dotée que de 10 millions d'euros en 2019, comme ce fut le cas en 2018. La dotation sera consacrée, en 2019, au système d'information des SDIS, qui est jugé stratégique, le SGA-SGO ; elle est très insuffisante.

Outre un problème de finances, les SDIS vont devoir s'adapter aux conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2018, qui pourrait conduire à appliquer la directive de 2003 aux sapeurs-pompiers volontaires. Appliquer la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures et le repos journalier de 11 heures consécutives mettrait en cause le modèle français de secours qui s'appuie à 79 % sur des sapeurs-pompiers volontaires -  et ce chiffre s'élève à 90 % dans les départements les moins peuplés. Cela entraînerait un surcoût de plus de 2 milliards d'euros. Une initiative forte du Gouvernement français vis-à-vis de la Commission européenne est nécessaire.

Le budget 2018 est marqué par la poursuite du déploiement du système d'alerte et d'information des populations (SAIP). Je vous avais alerté sur le danger qu'il y avait à concentrer près de 80 % des crédits prévus sur le volet « sirènes » au détriment de la téléphonie mobile. Après un an de fonctionnement, l'application smartphone, dont j'avais relevé les insuffisances, a finalement été abandonnée le 29 mai 2018, sans qu'aucun projet de remplacement ne soit prévu. Le volet « téléphonie mobile » aura ainsi coûté 1,6 million d'euros sans faire preuve de la moindre utilité. Il me semble nécessaire de procéder à une réorientation stratégique plus large de ce projet avant que l'affectation des crédits de la phase 2, qui débute en 2020, ne soit effectuée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Outre les succès obtenus dans le combat contre la délinquance du quotidien et la prévention du terrorisme, la gendarmerie a montré sa capacité à répondre à des crises de grande ampleur. En témoignent l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes et son intervention aux Antilles après l'ouragan Irma.

Soulignons le rôle important de la réserve opérationnelle, une aide précieuse pour les collectivités. Elle a fait les frais de la régulation budgétaire en 2018, la suppression de 900 emplois jusqu'en septembre a constitué un handicap sérieux pour le bon accomplissement des missions de la gendarmerie.

La commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieures l'a montré ; les conditions d'exercice du métier sont difficiles du fait de relations souvent tendues avec certains publics, de tâches administratives de plus en plus lourdes et d'une procédure judiciaire devenue trop complexe. La gendarmerie n'est pas protégée contre la crise par son statut militaire.

Ce budget n'est pas à la hauteur : 2 800 véhicules légers, un plan immobilier très insuffisant. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande de ne pas adopter les crédits du programme 152.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Nos forces de sécurité sont, une fois de plus, soumises à rude épreuve, elles affrontent les agressions de personnes ou de groupes extrémistes organisés. Les travaux de la commission d'enquête sénatoriale l'ont montré : la Nation doit consentir un effort important si elle veut éviter une crise profonde. Rendons-leur hommage et témoignons-leur reconnaissance.

Or le compte n'y est pas. Les crédits de fonctionnement stagnent, 100 millions d'euros sont prévus pour l'immobilier là où il en faudrait 300. N'est-il pas temps d'envisager une loi de programmation pluriannuelle des forces de sécurité qui serait le parallèle de la loi de programmation militaire ?

La directive européenne de 2003 a fait perdre l'équivalent de 4 000 emplois à la gendarmerie nationale. Il faut en finir avec les tâches indues et opérer des mutualisations. La création de directions générales des achats et du numérique est une bonne chose à condition de préserver ce qui fonctionne bien - au sein de la gendarmerie, les innovations dans le numérique, par exemple.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La commission des lois partage le constat de nos collègues de la commission des finances. La trajectoire financière demeure déséquilibrée et insuffisante.

L'accent a été mis sur le renforcement des effectifs : 1 735 dans la police et 643 dans la gendarmerie nationale. Cela suffira-t-il ? J'en doute. Cette hausse est optique, elle ne compensera pas les conséquences de la directive européenne sur le temps de travail qui nécessiterait de recruter 8 000 ETP dans les deux forces. Cette hausse est aussi inefficiente, faute de dispositions pour alléger la charge administrative importante, complexe et fastidieuse qui pèse sur nos forces.

Ce budget n'est à la hauteur ni des annonces ni des besoins. Je déplore que les crédits d'investissements fassent office de variable d'ajustement. Vous réduisez la formation, renouvelez les véhicules mais 8 000 restent en service alors qu'ils devraient être réformés, temporisez sur la rénovation des casernes avec seulement 105 millions d'euros contre 300 millions d'euros nécessaires.

À quoi bon renforcer les effectifs s'ils manquent de moyens, d'équipements et de munitions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Je m'associe en tout point aux propos de Jean-Pierre Vogel. Le budget ouvre la voie d'une sécurité civile à deux vitesses : l'une d'État, l'autre territoriale qui est laissée en marge.

Nous partageons les choix faits pour la première. La baisse des crédits pour la seconde est inadmissible alors qu'il avait été décidé de sanctuariser la dotation aux investissements structurants des SDIS. Elle n'est plus que de 10 millions d'euros, contre 25 millions d'euros en 2017 ; c'est une véritable perte sèche pour la sécurité civile des territoires.

En première partie, le Sénat a voté à l'unanimité le remboursement d'une partie de la TICPE sur le gasoil des SDIS ; espérons que l'Assemblée nationale conserve cet apport précieux !

La commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Quelles mesures prendrez-vous pour soutenir nos SDIS, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Loïc Hervé .  - L'examen de cette mission intervient dans une actualité brûlante. Nos forces sont en première ligne, une fois encore, pour protéger nos concitoyens d'individus qui ont fait preuve d'une violence inouïe la semaine dernière. Nous rendons hommage à leur sang-froid, leur courage et leur engagement. Depuis 2015, la pression sur leurs épaules n'a cessé de croître. Aujourd'hui plus que jamais, les forces de l'ordre sont à bout.

Des efforts doivent être faits sur cette mission donc. Les dépenses de personnel représentent 89,39 % pour la police et 84,39 % pour la gendarmerie. Or ce n'est pas la seule priorité. Nos forces n'ont pas moins de personnel que nos voisins, rapportés à la population.

Des grands chantiers restent à conduire. D'abord, en réinvestissant dans le patrimoine immobilier. Ces crédits sont 450 et 650 millions inférieurs aux besoins de la gendarmerie et de la police nationales. En matière de formation continue, d'équipements, de munitions, ces crédits sont insuffisants. La Cour des comptes l'a relevé.

Autre bombe à retardement : les 21,7 millions d'heures supplémentaires non payées ayant vocation à être récupérées avant la retraite. Ne peut-on pas les racheter tant que cela est encore soutenable ? Le coût est estimé à 271 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Dany Wattebled .  - Au regard des besoins, renforcement de la lutte contre le terrorisme, sécurité du quotidien, ce budget est en trompe-l'oeil, augmentant seulement de 1,67 %, soit 300 millions d'euros par rapport à 2018. Comme en 2018, l'accent est mis sur l'augmentation des effectifs avec la création de plus de 2 300 emplois dans la police et la gendarmerie. Toutefois ce nécessaire renforcement des effectifs, s'il n'est pas accompagné d'un important redressement des crédits d'équipements et des moyens de fonctionnement des forces de l'ordre ainsi que de réformes structurelles adéquates, ne provoquera pas un effet de levier pour renforcer sur le terrain la présence des forces de sécurité.

Cette hausse apparaît également très insuffisante au vu des violences urbaines récurrentes auxquelles les forces de l'ordre sont confrontées. En outre, émerge un phénomène nouveau, les Black Bloc, ou encore des faits qui se sont déroulés à l'occasion des manifestations des gilets jaunes.

Ces hausses d'effectifs semblent, en effet, servir de prétexte pour dissimuler un manque de vision politique et une pénurie organisée car les dépenses d'investissement diminuent de près de 47 %. Dès lors, pourquoi augmenter les effectifs des forces de l'ordre si les moyens et équipements ne suivent pas ?

Je souhaite attirer votre attention sur les grands oubliés de votre ministère : les sapeurs-pompiers, dont les agressions en intervention augmentent de façon intolérable, + 18 % entre 2015 et 2016, alors qu'ils voient leurs marges budgétaires se réduire dangereusement.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis.  - Tout à fait.

M. Dany Wattebled.  - Enfin, je veux évoquer la question de la gratuité des autoroutes pour les véhicules d'intérêt général prioritaires en intervention, notamment ceux des sapeurs-pompiers, de la police et de la gendarmerie. L'année dernière, cette gratuité avait été décidée mais aujourd'hui, rien n'a changé, faute de décret d'application ! C'est inadmissible. D'autant plus que ce budget laisse en marge la sécurité civile territoriale au moment où les départements et les intercommunalités se heurtent à de graves difficultés financières. Bien que les SDIS soient financés principalement par les collectivités territoriales, le PLF pour 2019 ne prévoit pas les adaptations fiscales et les concours ciblés nécessaires à l'amélioration de leurs investissements.

Avant de conclure, je veux rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, tous les jours, souvent au péril de leur vie, assurent notre sécurité, et saluer, ici, leur engagement au service des citoyens. Je souhaite également saluer les sapeurs-pompiers dont les interventions de secours à la personne ont considérablement augmenté : 40 % au cours de ces dix dernières années, en raison de l'affaiblissement du maillage territorial du système de santé.

Ce budget n'apporte ni à la police, ni à la gendarmerie nationales les moyens, matériels et humains, à la hauteur de leurs missions et de leurs niveaux de sollicitation. Il ne prend pas non plus la pleine mesure de la dégradation du contexte sécuritaire dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Arnaud de Belenet .  - Je salue avec sobriété le professionnalisme, le dévouement, l'humilité de nos forces de sécurité et de secours. Je pense aux blessés par nos concitoyens venus en découdre, peu républicains.

Le débat budgétaire est l'affaire de tous, il doit redevenir un outil d'instruction populaire et d'information politique. Or on identifie difficilement les enjeux de ce budget, malgré les efforts de maquette.

Revenons à des marqueurs politiques consistants.

La progression des effectifs pour 2019 se fait au bénéfice des policiers et gendarmes, conformément au plan quinquennal de recrutement. Place est donnée au terrain et au lien quotidien avec la population. Les procédures indues doivent être éliminées. La procédure pénale sera révisée, rationalisée.

À ces gains de disponibilité s'ajouteront les moyens alloués à la police du quotidien et l'expérimentation des brigades territoriales et de contact. Un effort particulier des conditions de travail doit être salué. Pas moins de 137 millions d'euros seront consacrés à l'achat de 5 800 véhicules neufs, investissement le plus important depuis huit ans. Les commissariats et les gendarmeries bénéficieront de la poursuite du plan triennal 2018-2022. Le protocole de valorisation des corps, des carrières et des métiers se poursuit à hauteur de 61 millions d'euros.

Le moral des troupes dépend aussi des matériels, comme le soulignait la commission d'enquête sénatoriale relative au malaise des forces de sécurité. Outre les véhicules, 14 000 caméras et 50 000 tablettes équiperont nos policiers. En outre, le dispositif Nexis pour les sapeurs-pompiers sera déployé.

Nous prenons acte du risque terroriste et de la délinquance quotidienne. C'est un budget inscrit dans la durée des efforts passés et présents. Nous renouvelons notre confiance au ministre de l'Intérieur et voterons ces crédits.

Mme Éliane Assassi .  - Depuis de nombreuses années, les membres du groupe CRCE déplorent les conditions de travail de nos forces de sécurité. La différence est nette entre les priorités des gouvernements successifs et les moyens alloués.

Ce budget poursuit l'augmentation des effectifs constatée depuis 2013 avec le financement de 2 378 équivalents temps plein en 2019. Hausse positive bien évidemment, mais qui nourrit un déséquilibre important entre dépenses de personnel et ensemble des crédits. Cette augmentation du nombre d'emplois intervient alors même que les comparaisons internationales ne témoignent d'aucun sous-dimensionnement des forces de sécurité intérieure de notre pays, et notre parc automobile est marqué par une augmentation de l'âge moyen des véhicules et une dégradation de leur état. En outre, le parc immobilier des forces de sécurité intérieure est préoccupant.

Au-delà de ces données quantitatives, il est urgent de réfléchir à la doctrine d'emploi que nous souhaitons pour nos forces de sécurité intérieure, notamment dans le but de renouer les liens entre forces de l'ordre et populations.

La gestion de la crise actuelle lors des manifestations des gilets jaunes révèle l'état de désoeuvrement de nos agents de police, obéissant à des ordres parfois contestables... Tout en condamnant sévèrement les violences et les dégradations, nombre d'entre eux estiment que la meilleure façon de mettre fin aux violences dans les manifestations est d'accéder aux revendications légitimes des manifestants, que, d'ailleurs, beaucoup d'entre eux partagent, habités par la même colère sociale. Un syndicat de policiers déclarait hier : « Nous, salariés du ministère de l'Intérieur, sommes impactés par la baisse du pouvoir d'achat à travers le gel du point d'indice pour les fonctionnaires et l'absence de coup de pouce pour le Smic pour les contractuels, par l'injustice fiscale, et plus largement par la politique de modération salariale que nous subissons depuis plus de 20 ans [...] Pour nous le Gouvernement doit entendre et répondre positivement aux revendications des salariés, retraités, privés d'emploi, étudiants. Ç'est la seule solution pour retrouver la paix sociale ». Nous partageons cette analyse. Le rôle des forces de l'ordre n'est pas d'être le dernier rempart d'un pouvoir politique sourd aux revendications populaires, mais bien d'assurer la sécurité des personnes et des biens.

La sécurité civile territoriale continue à être sous-dotée par rapport à la sécurité civile d'État, alors que les collectivités territoriales sont fortement sollicitées.

Nous voterons contre le budget alors que l'urgence est d'assurer la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE. M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi.)

M. Guillaume Arnell .  - Après deux exercices exceptionnels de 2016 et 2017 pour le ministère de l'Intérieur, les crédits de la mission « Sécurités » traduisent la réorientation des efforts vers la sécurité des Français au quotidien.

Pourtant, la menace terroriste a muté, devenant endogène. Le cadre légal évolue, plus favorable à la lutte contre le terrorisme. Empêchons absolument la pérennisation de sentiment de défiance généralisée et rétablissons la concorde. Tel est l'objectif de l'amendement de Nathalie Delattre.

Les rapporteurs ont relayé les craintes pour l'équipement et le temps de travail des forces de police, après la décision de la CJUE qui invalide le système d'astreinte.

Le système de passation des commandes est-il suffisamment réactif ? La flotte des véhicules et les tenues ignifugées sont insuffisantes.

Il faut de nouveaux outils technologiques comme des téléphones portables équipés de logiciels spécifiques ou des caméras mobiles.

Pour répondre à la CJUE, ne faut-il pas mieux répartir le temps de travail ? Le mouvement Action publique 2022 doit réorganiser les services du ministère de l'Intérieur entre administration centrale hypertrophiée et administration déconcentrée, en métropole et outre-mer.

La réduction des tâches indues doit être recherchée pour redéployer les agents vers des actions vraiment utiles.

J'avais constaté l'importance du dispositif d'escorte nécessaire au CRA de Vincennes. Le renforcement de l'accompagnement psychologique paraît nécessaire et ne doit pas se limiter aux associations. L'évolution des attentes de la société contre les violences sexuelles et familiales doit faire l'objet d'une réflexion avec le ministère de la Justice.

Un continuum de sécurité doit être assuré avec les polices privées et les 21 500 policiers municipaux. La sécurité privée est un acteur à part entière de la sécurité de la Nation. 365 000 cartes professionnelles de cinq ans ont été délivrées entre 2012 et 2017 avec 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 165 000 salariés de la sécurité privée.

Prenons garde à ne pas sous-estimer la portée de ces changements, notamment l'extension du port d'armes. Attention à la multiplication des armes sans contrôle suffisamment rigoureux. Le recours aveugle à des agents contractuels à des fonctions support pourrait mettre en danger les effectifs des policiers et gendarmes. La plupart des membres du RDSE voteront ces crédits. Selon Clemenceau : « un homme de gouvernement qui doit agir à d'autres soucis que l'homme d'opposition dont la parole n'engage que lui et dont les théories ne s'inquiètent pas du possible ». (M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial, applaudit)

M. François Grosdidier .  - Le 19 novembre dernier, j'étais à l'enterrement de Maggy Biskupski, présidente de l'association des policiers en colère. Elle était la 33e policière à mettre fin à ses jours en 2018, comme 31 gendarmes. Sa maman m'a dit : « ma fille demandait si peu ». Je lui ai répondu : « Si peu et si juste » : des conditions matérielles minimales, un peu de considération et de respect, du soutien moral et juridique que doit tout employeur à ses employés. Entendons les policiers qui souffrent plutôt que d'envoyer l'IGPN à ceux qui expriment cette souffrance. Place Beauvau, on met depuis trop longtemps la poussière sous le tapis. (M. le ministre le confirme.) Le secret, c'est bon pour la DGSI !

Au sein de la commission d'enquête, nous n'avons rien dissimulé de la réalité ni des responsabilités antérieures : RGPP, pression par les chiffres pour la droite, faiblesse pénale et sous-investissement pour la gauche ; ce qui nous importe désormais, c'est la situation actuelle. Menons la réflexion du management. Révolution culturelle, déblocage idéologique, volonté politique pour une réponse pénale adaptée. Les policiers et les gendarmes courent de plus en plus de risque pour rien ou pas grand-chose : cela les mine. Les procédures pénales leur prennent deux tiers de leur temps. En cinq ans, vous créerez 7 500 postes de policiers et 2 500 postes de gendarmes. Vous en gagneriez des dizaines de milliers en allégeant la procédure pénale. Le projet de loi Justice ne répond qu'à un cinquième des demandes. Selon Nicolas Hulot le Gouvernement se ment à lui-même et donc aux autres. Ce budget ne résorbera pas le stock des 22 millions d'heures supplémentaires impayées qui vont continuer à augmenter, les dizaines de millions d'euros d'arriérés de loyers dus aux collectivités territoriales qui logent les gendarmes, bien mieux que l'État. Nous avons vu comment ce dernier loge ses gendarmes par exemple à Satory, dans des logements indignes, insalubres, avec baignoire sabot des années 1950 et des installations électriques pas aux normes. Vous allez envoyer samedi les blindés de la gendarmerie, 45 ans d'âge. C'est simple : quand j'étais enfant, je jouais avec des VBRG solido, c'est dire qu'ils ne sont pas jeunes ! Les hélicoptères vieillissent aussi : c'est dangereux. Les équipements les plus modernes manquent. Le courage des forces de l'ordre nous oblige. Manteaux et munitions manquent. Les crédits augmentent, certes, mais moins que l'inflation. Les parcs automobile et immobilier vont vieillir. En un an ou deux, vous ne comblerez pas une décennie de retard. En 2019, vous arriverez tout juste à stabiliser la situation.

Pour redonner le moral, il faut une loi de programmation pour la sécurité intérieure, comme la LPM. Ces investissements, sans commune mesure, sont pourtant indispensables. Les forces ont droit à la protection de la République dont elles sont le seul rempart. Nous ne ferons pas semblant de croire à ce budget en trompe-l'oeil : nous refuserons de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Plus on avance dans la soirée, plus on est condamné à redire les mêmes choses. La grande convergence des interventions me frappe.

Bien sûr, il y aura 2 260 emplois supplémentaires, 1 735 policiers et 632 gendarmes. Le président de la République a annoncé pendant la campagne électorale 10 000 effectifs de plus pendant le quinquennat.

Pendant le quinquennat précédent, 9 000 emplois ont été créés. Mais n'oublions pas que de 2007 à 2012....

M. François Grosdidier.  - Vous avez sous-investi !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... 13 720 postes avaient été supprimés : 6 930 policiers et 6 730 gendarmes.

M. François Grosdidier.  - Et avant ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne ferai pas d'archéologie.

Le nombre d'emplois augmente, mais je crains que l'annonce des 10 000 postes dans le quinquennat soit compromise. Il n'y a que 832 postes dans le projet annuel de performance (PAP), si l'on tient compte des reports de l'année précédente. Il faudra de gros efforts les années prochaines.

Les charges indues, on en parle depuis quelques décennies, profitent des créations de postes pour obtenir plus d'effectifs opérationnels. Plusieurs centaines de transfèrements judiciaires par mois mobilisent des policiers. Un accord a été conclu avec le ministère de la Justice, mais nous n'ignorons pas les problèmes de personnel de ce ministère. Je ne vois pas les effets concrets de cette reprise de charge.

Le problème, ce sont les investissements, les locaux, les véhicules, les matériels. La masse salariale augmente mais les crédits d'investissements de la police diminuent de 11,7 % en AE et 18,6 % en CP. Les véhicules sont anciens : 6 ans et 4 mois pour la police nationale, 7 ans et 4 mois pour la gendarmerie nationale. On ne peut continuer comme cela.

Nous affirmons notre total soutien et notre totale solidarité à l'égard des policiers et gendarmes. Ce n'est pas la violence qui règle les problèmes. Nous sommes dans une démocratie où il est possible de parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. François Bonhomme .  - Avec une augmentation des crédits, ce budget affiche un soutien renouvelé aux forces de l'ordre, mais il est déséquilibré.

Les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale ont augmenté de 18 % en AE et de 17 % en CP entre 2010 et 2018. L'ambition est cependant insuffisante au regard des enjeux et du contexte sécuritaire particulièrement tendu.

Leur parc automobile est préoccupant : dégradé, âgé -  l'âge moyen est passé de trois ans et huit mois à six ans et quatre mois depuis 2012. Un récent rapport de la Cour des comptes en appelait à la nécessaire remise à plat de la gestion du parc automobile.

Les logements des policiers et gendarmes n'ont pas été rénovés en moyenne depuis quarante-cinq ans. Cela illustre le déficit d'investissement de l'État. Certes, 76 opérations immobilières nouvelles sont annoncées pour les trois ans à venir, mais on n'en voit pas la trace budgétaire.

En 2019, les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont identiques à celles de 2007 dans la police. Pour la gendarmerie, ces dernières ont même été réduites de plus de 8 %. Cette évolution est préoccupante car la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure repose, outre sur le nombre de personnels actifs, sur l'aptitude de l'État à équiper et entretenir ses forces.

J'en viens à la question de la formation. En 2019, les crédits alloués au financement de la formation des forces de sécurité intérieure s'élèveront à 19 millions d'euros dans la police et à 13 millions d'euros dans la gendarmerie. Par rapport à 2018, ces crédits sont en baisse de 15 % pour la police et stagnent pour la gendarmerie. Ils ont diminué, depuis 2017, de 23 % pour la police nationale et de 1,7 % pour la gendarmerie. Eu égard au contexte sécuritaire dégradé et aux défis auxquels les forces de sécurité intérieure sont confrontées, la formation continue devrait constituer une priorité budgétaire. La commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure a relevé qu'en 2017, moins des deux tiers des agents actifs de la police nationale avaient effectué leurs séances réglementaires de tir.

Les crédits sont gravement insuffisants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Luc Fichet .  - J'évoquerai les crédits de sécurité civile. On peut se satisfaire de la légère augmentation de ces crédits, même diminués de 1,7 million d'euros par l'Assemblée nationale en première lecture. Certes, l'acquisition de six appareils multi rôle - bombardier d'eau, transport de personnes et de fret et évacuation sanitaire - avait nécessité l'ouverture de 400 millions d'euros de crédits l'an dernier.

Le budget de la sécurité civile est traditionnellement peu impactant pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) qui sont financés en quasi-totalité par les collectivités territoriales, pour un montant de près de 5 milliards d'euros.

Mais dans un contexte marqué à la fois par la hausse budgétaire et par l'augmentation constante du nombre d'interventions, je déplore la baisse de 20 millions d'euros en deux ans du soutien à l'investissement des SDIS apporté par l'État alors qu'il s'était engagé à pérenniser son engagement financier. En effet, suite à la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) intervenue en 2016, les fonds devaient être en partie réaffectés aux investissements des SDIS.

Or, après avoir chuté de 60 % en 2018 pour atteindre 10 millions d'euros, la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS subit une nouvelle baisse drastique de 10 millions d'euros et 70 % de ces crédits sont destinés au projet NexSis : seuls 3 millions d'euros seront au final destinés au financement des projets locaux retenus en 2017. Cela n'est pas acceptable.

Au-delà de ces chiffres, nos débats sont marqués par la menace que fait planer la directive européenne de 2003 sur le temps de travail, suite à l'arrêt Matzak rendu le 21 février dernier par la CJUE, qui considère le volontariat comme du temps de travail. Selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français, une application de cette directive européenne aux sapeurs-pompiers volontaires conduirait la France à se priver des pompiers volontaires exerçant une activité professionnelle à titre principal, soit environ 60 % de leurs effectifs.

Les 120 000 pompiers volontaires devraient être remplacés par 60 000 pompiers professionnels, pour un montant de 2,5 milliards d'euros soit 50 % du budget actuel des SDIS.

Cela est d'autant plus préoccupant que les sapeurs-pompiers volontaires composent l'essentiel des effectifs des SDIS, en particulier dans les zones rurales. Dans mon département du Finistère, il y a 600 pompiers professionnels pour 2 200 pompiers volontaires qui s'engagent en dehors de leurs heures de travail et qui, pour ce faire, acceptent de suivre une formation contraignante.

Nous devons à tout prix préserver notre modèle français de sécurité civile qui est internationalement reconnu. C'est pourquoi mon groupe avait soutenu l'amendement déposé par Mme Troendlé en première lecture du PLFSS 2019 et adopté par le Sénat, instaurant une exonération de charges patronales d'un montant de 3 000 euros pour toute embauche d'un employé sapeur-pompier volontaire, dans la limite de 15 000 euros par an et par structure.

Cette disposition a malheureusement été supprimée en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, suite à un amendement du gouvernement. (Mme Catherine Troendlé le confirme.)

Enfin, il convient d'améliorer les conditions de travail et la protection de l'ensemble des sapeurs-pompiers, surtout lorsque l'on sait que les agressions à leur encontre ont été multipliées par deux et demi en dix ans. Le groupe socialiste a déposé le 30 octobre une proposition de loi renforçant la sécurité des sapeurs-pompiers, qui vise à permettre l'anonymat pour les sapeurs-pompiers qui portent plainte afin d'éviter qu'ils se trouvent exposés à des risques de représailles de la part des personnes mises en cause. Cette proposition s'inspire du droit en vigueur qui s'applique au bénéfice des agents de la police ou de la gendarmerie nationale.

Dans un contexte où les sapeurs-pompiers font face à une demande croissante de secours et de protection de la population, les crédits dévolus à la sécurité civile dans nos territoires nous paraissent largement insuffisants. Nous voterons donc contre ce projet de budget.

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je tiens d'abord à remercier nos collègues rapporteurs et à saluer Mme Duranton, qui m'a confié son temps de parole sur cette mission qui me tient à coeur.

Je veux saluer les forces de sécurité : police et gendarmerie, sapeurs-pompiers, mais j'y associerai aussi les militaires, les personnels des collectivités territoriales, de santé, des douanes, du ministère de l'Économie et des finances et de la Justice.

Nos gendarmes et policiers font face à des engagements de plus en plus difficiles et dangereux.

Nous notons avec satisfaction la création de 2 378 ETP. Les policiers et les gendarmes sont de plus en plus sollicités, nous le vivons à Paris comme en province, ou en outre-mer. Gérard Larcher l'a dit : « Il faut préserver l'unité de notre Nation ».

Nos forces de l'ordre remplissent de plus en plus de missions à caractère social. Dans les Ardennes, je peux mesurer leur dévouement, et je n'oublie pas les jeunes sapeurs-pompiers : dans le cadre de la mission du Centenaire, nous avons mesuré leur implication.

La situation reste difficile : personnel épuisé, postes non pourvus, équipements en mauvais état. Il est indispensable de susciter des vocations, notamment chez les jeunes.

Le groupe Les Républicains ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Ces crédits représentent près de 80 % de ceux du ministère de l'Intérieur. Comme en 2018, ce budget est sincère, solide et réaliste. C'est pour nos concitoyens, une priorité absolue. Les évènements récents le démontrent une fois encore, si cela était nécessaire.

Fortement mobilisées dans la lutte contre la délinquance, le terrorisme et l'immigration irrégulière, nos forces doivent encore assurer l'ordre public et je veux solennellement leur rendre hommage.

Cette année, la hausse est de 2,6 %. Depuis 2015, la hausse des crédits est de 12 % soit 1,4 milliard d'euros supplémentaires. Nous accentuons les efforts en faveur de la sécurité, c'était l'engagement pris. Ce budget est donc dépourvu de surprises, en tous points conformes aux engagements pris.

Nous bénéficions des recrutements de 2 000 agents en 2018 et des 2 500 au titre de 2019. Le vivier de la réserve est de 37 000 volontaires pour la garde nationale ; 130 millions d'euros sont prévus pour la réserve dans les deux forces. Ce n'est qu'à la fin de 2019 que nous aurons reconstitué le corps d'encadrement et d'application dans la police nationale tel qu'il était en 2007.

J'entends parfois dire que le budget d'équipement n'a pas suivi. Je le conteste : 26 millions d'euros financeront le « sac à dos » pour équiper, armer et installer nos deux forces.

Les travaux de la commission d'enquête l'ont montré : il faut accentuer les efforts sur l'immobilier. La programmation est précisément renforcée jusqu'en 2020 pour améliorer les conditions de travail de nos fonctionnaires. Cette priorité à l'entretien, la rénovation voire la construction - 196 millions pour la police et 105 millions pour la gendarmerie - n'excluent pas des travaux sur le site de la DGSI ; l'objectif est de bâtir un site unique en 2019 : 450 millions d'euros sont budgétés à cette fin d'ici à 2022.

En matière d'équipements, 5 800 véhicules neufs sont prévus pour 137 millions d'euros. Avec 1 600 véhicules de plus que la moyenne de ces dernières années, c'est un effort inédit et qui nous permettra de réduire l'âge moyen du parc.

Le budget d'équipement atteindra 143 millions d'euros ; 50 000 tablettes et smartphones dans la police nationale et 67 000 dans la gendarmerie nationale pour 5,4 millions d'euros ; le plan de diffusion des caméras piétons se poursuit... Un plan d'investissement technologique sera déployé à la DGSI, et 22,5 millions d'euros seront consacrés au réseau de la radio du futur.

La première procédure pénale numérique sera expérimentée en 2019 dans les TGI d'Amiens et de Blois, afin d'alléger les tâches indues des policiers et gendarmes. Le plan concernant les extractions et non les transfèrements...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Excusez-moi !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - ...sera achevé en 2019 monsieur Sueur. L'allègement des gardes statiques se poursuivra.

La sécurité civile doit renforcer le contrat opérationnel avec la Nation. Le marché des six avions multi-rôles Dash a été complètement engagé pour un coût de 380 millions d'euros. Ils seront livrés du 1er semestre 2019 jusqu'en 2022. Nous poursuivons le renforcement des moyens nationaux avec 4,8 millions d'euros pour le déminage et les formations militaires de sécurité civile.

Le projet Nexis assurera l'interopérabilité des services des SDIS, grâce à 10 millions d'euros investis. Nous prônons la mutualisation, gage d'économies pour les SDIS, de modernisation et d'interopérabilité des services de secours avec ceux des Samu et de la sécurité publique. L'État créera en 2019 une Agence du numérique, de la sécurité civile qui lancera les premiers développements applicatifs.

Je confirme que le Gouvernement a engagé plusieurs chantiers sur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment l'exploitation des dérogations offertes par la directive et sa renégociation. Nous sommes en train d'examiner le pourcentage de sapeurs-pompiers concernés... Nous restons attachés à notre modèle. Il ne faut pas que cette jurisprudence s'applique, car elle remettrait en cause notre modèle.

En matière de sécurité routière, il est important de disposer d'un budget à la hauteur des enjeux en augmentant le plafond des crédits.

C'est un très bon budget. La sécurité compte pour la deuxième année consécutive comme la priorité du Gouvernement qui veut faire baisser la mortalité routière en-deçà de 2 000 morts par an.

Nous augmentons de 32 millions le plafond des crédits du compte d'affectation spécial utilisé pour financer les structures et dispositifs de sécurité routière et nous assurons à hauteur de 36 millions le financement des mesures d'accompagnement décidées par le Premier ministre à la diminution de la vitesse autorisée sur le réseau national secondaire.

Voilà ce que je retiens du budget de la mission « Sécurités », qui est en tous points un très bon budget. Je sais que vous saurez mesurer combien l'effort est grand, et combien il est également important que le niveau de crédits atteint en 2019 soit une base pérenne et consolidée, sur laquelle nous appuyer pour mettre en oeuvre les politiques de sécurité.

Concernant les agressions contre les pompiers, il existe dans tous les départements des protocoles pour les accompagner par les forces de sécurité sur les terrains difficiles. Nous expérimentons en outre les caméras piétons, très attendues par la profession.

Le Gouvernement a lancé un certain nombre de doctrines en matière d'antiterrorisme ou de PSQ. Nous laissons beaucoup d'initiatives aux échelons territoriaux pour construire ce partenariat avec l'ensemble des acteurs de la sécurité sur le territoire. M. Arnell a parlé à juste titre du continuum de sécurité. Je ne peux pas laisser dire qu'il n'y a pas de doctrine, madame Assassi.

Monsieur Grosdidier, oui, il y a un plan de prévention et de suivi des suicides dans la gendarmerie nationale et la police nationale. L'IGPN ne doit pas être mêlée à cela, elle assure la déontologie des services. Ne faisons pas de raccourcis !

L'investissement en matière de formation est stable, je ne sais pas d'où vous tirez vos chiffres. Pour la police nationale, il est stable par rapport à 2018.

M. François Grosdidier.  - Il était insuffisant !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Il faudra retricoter la procédure pénale, la police nationale nous le demande chaque jour.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis.  - Et le décret que je propose sur les péages ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Il est à l'étude, il souffre de quelques illégalités.

Examen des crédits de la mission et du compte spécial

Article 39

L'amendement n°II-761 rectifié bis n'est pas défendu.

Les crédits de la mission « Sécurités » ne sont pas adoptés.

Compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

M. le président.  - L'amendement n°II-612 rectifié ter, qui vide cette action de l'ensemble de ses crédits, tombera en cas d'adoption de l'amendement n°II-971 ; mais pas l'amendement n°II-610 rectifié ter, qui prélève 50 millions d'euros.

Amendement n°II-971, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

 

 

 

 

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

 

 

 

 

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

 

 

 

 

Désendettement de l'État

45 000 000  

 

45 000 000  

TOTAL

 

 45 000 000  

 

45 000 000  

SOLDE

 - 45 000 000  

- 45 000 000  

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Cet amendement tire les conséquences de l'adoption par le Sénat, en première partie, d'un amendement portant article additionnel après l'article 31 du projet de loi de finances.

Le programme 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » voit ses crédits diminuer d'environ 7 % dans le projet de loi de finances pour 2019. Cette baisse est justifiée par la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant, entrée en vigueur le 1er janvier 2018 qui permet désormais aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de fixer le montant du forfait de post-stationnement (FPS) et d'en recueillir le produit.

Par contre, les départements, auxquels incombe l'entretien d'un réseau routier de plus de 370 000 kilomètres, ne bénéficient pas directement de cette réforme.

Afin de renforcer les moyens affectés aux collectivités territoriales pour entretenir leur réseau routier et ainsi contribuer à la lutte contre l'insécurité routière, le Sénat a adopté, en première partie, un amendement n°I-1046 visant à créer un prélèvement sur recettes au profit des départements.

Ce prélèvement sur recettes serait opéré sur la fraction du produit des amendes forfaitaires - qui ne sont pas issues du contrôle automatisé - et de l'ensemble des amendes forfaitaires majorées de la police et de la circulation, versée chaque année au budget général. L'amendement permet de porter le montant de ce produit, actuellement de 45 millions d'euros, à 90 millions d'euros.

M. le président.  - Amendement n°II-612 rectifié ter, présenté par M. Raison, Mme Vullien, MM. Bas, Milon et Perrin, Mme Estrosi Sassone, MM. Dallier, Longuet, Husson, Vaspart, Cornu, Rapin, Pointereau et Darnaud, Mme Micouleau, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Louault et Maurey, Mme Deromedi, MM. Sido et Longeot, Mme Morhet-Richaud, M. Pellevat, Mme Garriaud-Maylam, MM. Chaize et Reichardt, Mmes Procaccia, Di Folco, Puissat et Gruny, M. Kern, Mme M. Mercier, M. Joyandet, Mmes Deseyne et Lassarade, MM. Charon et D. Laurent, Mmes Goy-Chavent et Canayer, MM. Courtial, Revet et Piednoir, Mmes A.M. Bertrand, Imbert, Chain-Larché et Chauvin, MM. Morisset et Regnard, Mme Sollogoub, MM. Lefèvre, Vogel, Bonhomme, Dufaut, Chatillon, Détraigne, Savary, Moga, Luche et Chevrollier, Mme Férat, MM. Gremillet, Pierre, Mizzon et Huré, Mmes Bories et de Cidrac, MM. Genest et Priou, Mme C. Fournier, MM. B. Fournier et de Nicolaÿ, Mme Duranton, M. Mayet et Mmes Malet et Lanfranchi Dorgal.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

 

 

 

 

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

 

 

 

 

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

452 435 730

 

452 435 730

 

Désendettement de l'État

 

452 435 730

 

452 435 730

TOTAL

452 435 730

452 435 730

452 435 730

452 435 730

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M. François Bonhomme.  - Notre amendement s'inscrit dans le prolongement du rapport sénatorial intitulé « Sécurité routière : mieux cibler pour plus d'efficacité » du 18 avril 2018.

Déplorant la méthode précipitée retenue par le Gouvernement et le manque de concertation préalable à sa décision de limiter à 80 km/h la vitesse maximale autorisée, le groupe de travail recommandait d'appliquer la réduction de vitesse de manière décentralisée afin de l'adapter aux réalités des territoires, c'est à dire sur les tronçons de route accidentogènes.

Il proposait une mesure affinée, concertée, responsabilisant les acteurs et surtout, empreinte d'acceptabilité sociale. Cette recommandation du Sénat n'a toutefois pas été retenue par le Gouvernement.

Si les effets de la réduction de la vitesse ne sont pas encore scientifiquement exploitables, le niveau d'acceptabilité de la mesure reste très insatisfaisant : la majorité des Français y voit toujours un prétexte sournois de l'exécutif pour financer le désendettement de l'État.

Ainsi, afin de lever ces soupçons, nous proposons de consacrer les recettes des « amendes radars » à l'amélioration du réseau routier et de ses zones les plus accidentogènes, et ainsi, favoriser les politiques de prévention, conformément aux souhaits exprimés tant par le Gouvernement que par les usagers de la route et les associations de prévention de la sécurité routière.

M. le président.  - Amendement n°II-610 rectifié ter, présenté par M. Raison, Mme Vullien, MM. Bas et Milon, Mme Estrosi Sassone, MM. Perrin, Vaspart, Husson, Dallier, Longuet, Pointereau, Darnaud et Maurey, Mme Duranton, MM. Mayet, Cornu et Rapin, Mme Micouleau, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Louault, Mmes Garriaud-Maylam et Morhet-Richaud, MM. Longeot et Sido, Mme Deromedi, MM. Pellevat, Chaize et Reichardt, Mmes Procaccia, Di Folco, Puissat et Gruny, M. Kern, Mme M. Mercier, M. Joyandet, Mmes Deseyne et Lassarade, M. Charon, Mmes Goy-Chavent et Canayer, MM. Courtial et Revet, Mme A.M. Bertrand, M. Piednoir, Mmes Imbert, Chain-Larché et Chauvin, MM. Morisset et Regnard, Mme Sollogoub, MM. Lefèvre, Vogel, Bonhomme, Dufaut, Chatillon, Détraigne, Savary, Moga, Luche et Chevrollier, Mme Férat, MM. Gremillet et Priou, Mme C. Fournier, MM. B. Fournier, de Nicolaÿ, Mizzon, Pierre et Huré, Mmes Bories et de Cidrac, M. Genest et Mmes Malet et Lanfranchi Dorgal.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

 

 

 

 

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

 

 

 

 

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

50 000 000

 

50 000 000

 

Désendettement de l'État

 

50 000 000

 

50 000 000

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

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M. François Bonhomme.  - Amendement de repli.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Je comprends l'intention de l'amendement n°II-612 rectifié ter, mais la barre est un peu haute. Ce n'est pas raisonnable et cet amendement est incompatible avec l'amendement de la commission.

L'amendement n°II-610 rectifié ter est satisfait, puisque situé dans le même ordre de grandeur que celui de la commission des finances. Le département ne bénéficie pas de la dépénalisation et de la décentralisation du stationnement payant.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°II-612 rectifié ter. Il existe une compensation des charges d'entretien. Depuis 2016, les départements sont éligibles au FCTVA pour ces charges. Une partie du produit des amendes de circulation contribue aussi au financement. Il y a d'autres ressources, comme la dotation de soutien à l'investissement des départements, instauré par le présent projet de budget : la voirie y est éligible.

Les règles d'affectation du produit des amendes sont fixées par l'article 49 de la LFI pour 2006 et ne peuvent être modifiées que par des amendements de première partie.

La limite à 80 km/h a été expérimentée. L'impact sur l'accidentalité sera évalué au 1er juillet 2020.

L'amendement n°II-971 est adopté.

L'amendement n°II-612 rectifié ter n'a plus d'objet.

L'amendement n°II-610 rectifié ter est retiré.

Les crédits du compte spécial « Contrôle de la circulation » sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 84 bis

M. le président.  - Amendement n°II-613 rectifié ter, présenté par M. Raison, Mme Vullien, MM. Bas, Perrin, Milon, Husson, Pointereau, Longuet et Rapin, Mme Estrosi Sassone, MM. Darnaud et Dallier, Mme Micouleau, MM. Vaspart et Cornu, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Louault et Maurey, Mme Deromedi, MM. Sido et Longeot, Mmes Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, MM. Pellevat, Chaize et Reichardt, Mmes Procaccia, Di Folco, Puissat et Gruny, M. Kern, Mme M. Mercier, M. Joyandet, Mmes Deseyne et Lassarade, MM. Charon et D. Laurent, Mmes Goy-Chavent et Canayer, MM. Courtial, Revet et Piednoir, Mmes A.M. Bertrand, Imbert, Chain-Larché et Chauvin, MM. Morisset et Regnard, Mme Sollogoub, MM. Lefèvre, Vogel, Bonhomme, Dufaut, Chatillon, Détraigne, Savary, Moga, Luche et Chevrollier, Mme Férat, MM. Gremillet, Pierre, Huré et Mizzon, Mmes de Cidrac, Bories et Malet, MM. Genest et Priou, Mme C. Fournier, MM. B. Fournier et de Nicolaÿ, Mme Duranton, M. Mayet et Mme Lanfranchi Dorgal.

A. Après l'article 84 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 49 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du quinzième alinéa est supprimée ;

2° Les seizième et dix-neuvième alinéas sont supprimés ;

3° La première phrase du dix-septième alinéa est supprimée.

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B. En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. François Bonhomme.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-611 rectifié ter, présenté par M. Raison, Mme Vullien, MM. Bas, Milon et Perrin, Mmes Estrosi Sassone et Micouleau, MM. Dallier, Pointereau, Rapin, Husson, Longuet, Vaspart, Cornu et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Louault et Maurey, Mme Deromedi, M. Sido, Mme Garriaud-Maylam, M. Longeot, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Chaize et Reichardt, Mmes Procaccia, Puissat, Di Folco et Gruny, M. Kern, Mme M. Mercier, M. Joyandet, Mmes Deseyne et Lassarade, MM. Charon et D. Laurent, Mmes Goy-Chavent et Canayer, MM. Courtial, Revet et Piednoir, Mmes A.M. Bertrand, Imbert et Chain-Larché, M. Morisset, Mme Chauvin, M. Regnard, Mme Sollogoub, MM. Lefèvre, Vogel, Bonhomme, Dufaut, Chatillon, Détraigne, Savary, Moga, Luche et Chevrollier, Mme Férat, MM. Mizzon, Gremillet, Pierre et Huré, Mme Bories, MM. Genest, Priou et Darnaud, Mme C. Fournier, MM. B. Fournier et de Nicolaÿ, Mmes Duranton et Malet, M. Mayet et Mmes de Cidrac et Lanfranchi Dorgal.

A. Après l'article 84 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après la troisième phrase du dix-neuvième alinéa de l'article 49 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour 2019, le montant de cette perte de recettes est calculé de sorte que le montant des versements au budget général soit égal à celui prévu par la loi de finances initiale pour 2017. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B. En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. François Bonhomme.  -   Défendu.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Avis défavorable, ces amendements sont satisfaits par l'amendement n°II-971.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Les amendements n°II-613 rectifié ter et n°611 rectifié ter sont retirés.

Prochaine séance, aujourd'hui, vendredi 7 décembre 2018, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus