Projet de loi de finances pour 2019 (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2019.

Compte tenu de l'heure tardive à laquelle le texte de l'Assemblée nationale nous a été transmis, je vous propose de repousser le délai de dépôt d'amendements à la fin de la discussion générale.

Il en est ainsi décidé.

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Cette nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire, est l'occasion de saluer votre travail sur le projet de loi de finances pour 2019 : vous avez déposé près de 2 000 amendements, introduit 101 articles et adopté 120 conformes sur les plus de 350 articles que comporte désormais ce texte.

Elle est aussi l'occasion de revenir sur les annonces du président de la République pour répondre à l'urgence économique et sociale. Je vous remercie d'avoir accepté, en seconde délibération, d'avancer la date de la revalorisation de la prime d'activité. Je pense, ensuite, à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, à la défiscalisation des heures supplémentaires ou encore à la mesure sur la CSG des retraités, qui font l'objet d'un texte ad hoc que vous étudierez vendredi.

Si la commission mixte paritaire a échoué, il y a eu des convergences entre les deux assemblées. Sur l'impôt sur les sociétés, le Sénat a adopté conforme un article modifiant les règles de calcul des acomptes afin de mieux répartir les quotités d'impôt sur les sociétés dues par les entreprises. Idem pour l'article 17 qui facilitera la croissance des entreprises en leur proposant un dispositif de révocabilité de leur passage de l'imposition sur les revenus à l'imposition sur les sociétés.

Certains articles sur la fiscalité agricole ont fait consensus, notamment l'étalement de l'imposition sur cinq ans lors du passage de l'impôt sur le revenu à l'impôt sur les sociétés.

Quant à la transition énergétique, les deux chambres se sont accordées sur la réduction du taux de TVA à 5,5 % pour l'énergie solaire thermique ou encore la création d'une réduction d'impôt pour la mise à disposition de vélos pour les salariés. Surtout, le Premier ministre a annoncé devant vous l'annulation de la hausse des taxes sur les carburants au 1er janvier prochain. Cette mesure, que vous aviez votée à l'initiative de votre commission des finances, ouvre le dialogue sur le rythme de la transition écologique et son financement.

De la même manière, un certain nombre d'amendements du Sénat, que le Gouvernement avait soutenus, ont été confortés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Je pense à celui de M. Antiste exonérant de TVA les locations de navires de grande plaisance de courte durée à partir de la Guadeloupe ou de la Martinique...

M. Roger Karoutchi.  - Un amendement clé, assurément ! (Sourires)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - ... à celui de M. Cadic étendant l'exemption de la taxe à la réception aux équipements de protection individuelle et collective pollués par les fibres d'amiante ou encore aux amendements de votre rapporteur général pour harmoniser les obligations déclaratives des collecteurs de la taxe de séjour.

Sur la seconde partie, les députés ont adopté conformes plusieurs articles introduits par le Sénat : l'annexe budgétaire relative au financement de la recherche rendra compte des montants consacrés à la recherche fondamentale sur la lutte contre le cancer pédiatrique, comme l'a voulu Mme Darcos ; le document de politique transversale concernant la lutte contre la fraude inclura désormais la fraude sociale, comme l'a proposé M. Patriat.

Je me réjouis du dispositif que vous avez introduit, à l'article 13 bis, pour lutter contre les montages effectués sur les dividendes révélés par l'affaire CumEx Files. L'Assemblée nationale l'a repris pour le rendre conforme au droit européen et aux conventions fiscales qui pourraient le neutraliser.

En dépit de ces convergences, il subsistait des désaccords majeurs entre les deux chambres. Je dois dire mon incompréhension face à certaines de vos critiques. Là où vous dénoncez l'utilisation du « super rabot » par le Gouvernement, nous menons des réformes structurelles sur le recouvrement de l'impôt, l'audiovisuel public ou encore le regroupement de nos réseaux à l'étranger.

Second désaccord, et non des moindres, le Sénat a rejeté les crédits de six missions, ce qui réduit fictivement les dépenses de 56,7 milliards d'euros.

M. Jean-François Husson.  - On avait raison !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - On a toujours tort d'avoir raison trop tôt !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Nous n'avons visiblement pas la même appréciation de la raison... On ne peut pas à la fois reprocher au Gouvernement de ne pas aller assez loin dans une politique et rejeter ses crédits.

Le texte que vous avez adopté en première lecture met en cause les engagements du président de la République et de la majorité gouvernementale.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Lesquels ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Nous avons cependant assisté à des prises de position responsables qui pouvaient laisser espérer un consensus.

Nos débats pourraient être écourtés par une question préalable. Je veux donc remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains) Merci, monsieur le ministre, de reconnaître que le Sénat vous a ouvert des pistes, notamment sur la TICPE. Si le Sénat n'avait pas pris position par un vote, vous n'auriez pas pu, à cause de la règle de l'entonnoir, donner raison aux Français.

Nous sommes théoriquement réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2019. Mais avons-nous affaire au même texte ? En ouverture de la discussion budgétaire, le 22 novembre, Bruno Le Maire affirmait : « Nous sommes sortis de la procédure de déficit en passant sous la barre des 3 %. » Raté ! Et M. Darmanin de nous promettre plus de sincérité et de lisibilité dans les comptes publics. Raté ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains)

Les équilibres financiers ont été considérablement bouleversés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, et ils le seront encore par le texte que le Gouvernement a adopté ce matin en Conseil des ministres et que nous examinerons vendredi. Plus de 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, ce n'est pas rien.

Le Gouvernement a fini par rejoindre le Sénat sur la hausse de la taxe sur les carburants, que nous avions supprimée dès 2018. Idem sur le gazole non routier, l'inclusion des fenêtres dans le crédit d'impôt transition énergétique, le PFU, le régime Dutreil, la taxe de séjour ou encore les friches commerciales, le mécénat des PME et l'imposition des non-résidents. C'est dire l'apport de la navette parlementaire et l'utilité du Sénat.

Cependant des divergences fondamentales demeurent. Au niveau macroéconomique, d'abord sur le taux de croissance, le taux de prélèvement obligatoire que nous considérons trop élevé comme les Français qui le font savoir de manière parfois violente, sur l'effort à fournir pour réduire la dépense publique - pas de réformes structurelles, il sera plus difficile encore l'an prochain de rétablir nos finances publiques. Avec 3,2 % de déficit public, nous sommes bien loin de l'objectif initial et nous le serons encore plus avec les 6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires décidées ce matin.

Nous regrettons que l'Assemblée nationale ait rétabli des mesures auxquelles le Sénat est fermement opposé : la suppression de l'exonération de taxe spéciale sur les conventions d'assurance sur les garanties décès des contrats d'assurance emprunteurs, qui renchérira le coût des emprunts immobiliers, la définition des locaux industriels pour la détermination de leur valeur locative, le renforcement de la composante carbone de la TGAP qui entraînera une augmentation de la taxe sur les ordures ménagères pour tous les ménages dans les prochaines années.

Le Gouvernement a aussi refusé de nous entendre sur le quotient familial, une vraie mesure de pouvoir d'achat, sur le maintien du prêt à taux zéro pour l'acquisition de logements neufs partout. Quant à la taxation du loto du patrimoine, bel exemple de bêtise technocratique : on taxe une ressource pour la restauration du patrimoine rural !

Enfin, l'Assemblée nationale a repris notre dispositif contre l'arbitrage de dividendes, fruit d'un travail transpartisan, mais nous n'avons pas la même analyse.

Même si le Sénat rétablit son texte, il ne serait pas en mesure de faire évoluer l'Assemblée nationale et le Gouvernement. De toute façon, le calendrier ne nous le permet pas puisqu'il y a télescopage avec le projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales. Nous attendons aussi, puisque le Gouvernement souhaite finalement une taxe sur les GAFA dès le 1er janvier, un projet de loi de finances rectificative qui devra aussi comporter les mesures annoncées sur les entreprises.

Bref, ne prolongeons pas le plaisir, ou plutôt, le supplice et adoptons la question préalable que la commission des finances présentera ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Emmanuel Capus .  - La nouvelle lecture du projet de loi de finances intervient dans un contexte bouleversé, un contexte politique quasi insurrectionnel à peine apaisé par les annonces du président de la République. J'espère que le grand débat national ramènera de la sérénité, notre pays en a besoin.

Nos corps intermédiaires doivent reprendre la main, c'est la seule façon de sortir de la crise par le haut. Le référendum d'initiative citoyenne est le nouvel avatar de la défiance à l'égard de la démocratie représentative. Gaulliste libéral, je ne suis pas hostile au référendum mais, pour reprendre les mots du président Larcher, nous refusons « la tyrannie de la minorité ». L'urgence est que les citoyens réinvestissent le champ démocratique, s'inscrivent sur les listes électorales. Le Gouvernement gouverne et le Parlement légifère dans le sens de l'intérêt général, c'est l'esprit de nos institutions.

Le Sénat n'a pas à rougir de son rôle pendant la crise. Il a su proposer des mesures de bon sens comme le gel de la TICPE, indispensable pour rétablir l'ordre. Le groupe Les Indépendants préconisaient aussi la suppression de la hausse de la taxe sur le GNR, le Sénat ne l'avait malheureusement pas suivi totalement sur ce point. Au total, 4 milliards d'euros viendront gonfler le pouvoir d'achat des ménages et la marge des entreprises et le Sénat n'y est pas étranger.

Ce texte sert désormais de véhicule aux mesures pour le pouvoir d'achat annoncées par le président de la République : revalorisation de la prime d'activité, extension du chèque énergie.

M. Jean-François Husson.  - Ça a failli sauter !

M. Emmanuel Capus.  - Nous nous interrogeons toujours sur la manière dont seront appliquées et financées ces mesures.

Le plus dur reste à faire pour le Gouvernement : réduire la dépense publique sans renoncer aux réformes vitales promises aux Français. Le plus dur, pour le Sénat, sera d'éviter la critique caricaturale pour aider le Gouvernement à sortir le pays de l'ornière. Nous n'avons pas le droit à l'erreur, nous sommes au bord du précipice. Si nous étions aux commandes, je suis persuadé que nous nous heurterions aux mêmes difficultés que le Gouvernement. Dans ce contexte de crise, nous ne nous opposerons pas à la question préalable bien que ce ne soit pas dans notre tradition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe UC)

M. Julien Bargeton .  - Le budget est toujours un marathon, celui-ci s'est doublé d'une course de haies. Nous avons vécu une séquence inédite : aux modifications apportées par la navette se sont ajoutées les réponses apportées au mouvement des gilets jaunes. En est sorti un effort inégalé depuis dix ans en faveur du pouvoir d'achat des Français avec un peu plus de 10 milliards d'euros.

Dans une note récente, l'Insee révise la croissance à 1,5 point ; la baisse, pour 0,1 point, serait liée au mouvement des gilets jaunes mais certains la mettront évidemment au passif du Gouvernement. Le ministre veut-il bien nous dire où nous en sommes des indemnisations des commerçants qui ont subi des pillages inadmissibles à Paris, Bordeaux et Nantes. Tous les chiffres doivent être examinés. Parmi eux, je note que la France recrée des emplois dans le secteur privé si bien que le chômage sera inférieur à 9 % l'an prochain ; c'est encore trop mais c'est mieux.

Ce projet de loi de finances accélère la revalorisation de la prime d'activité. La France compte trop d'actifs pauvres. Au-delà de cette mesure, ce sujet devra être retravaillé.

Évidemment, la question du financement reste entière. Je regrette que l'on ne tienne pas mieux compte des évaluations du Sénat et de la Cour des comptes pour réduire la dépense publique. Réduire la dépense publique, tout le monde en est d'accord ; cela va moins bien dès qu'il s'agit de préciser quelles dépenses réduire...

Le grand débat national qui s'ouvre ne doit pas être la porte ouverte aux propositions démagogiques. Saisissons cette occasion pour revoir nos procédures budgétaires arides et abstraites, pour nous ouvrir à ce que Nicolas Colin et Henri Verdier appellent « l'âge de la multitude », aux réseaux sociaux qu'ont su si bien utiliser les gilets jaunes. La France a besoin d'ambition, pas d'aventure : regardons ce qu'il se passe en Belgique, en Italie, au Royaume-Uni, aux États-Unis.

Il ne faudrait pas que l'agenda social fasse oublier ce que nous faisons pour construire l'avenir de notre pays. Je suis fier du budget de l'Éducation nationale, du dédoublement des classes. L'urgence est économique et sociale mais aussi écologique. La COP 24 a évité le détricotage des accords de Paris, le Sénat a voté le gel de la hausse de la taxe sur les carburants mais nous ne pouvons pas en rester au statu quo écologique.

Poursuivons le travail. Ce projet de loi de finances est l'un de ceux qui a été le plus modifié par le Sénat. Le groupe LaREM ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Alors que le pays cherche de nouvelles voies, nous demeurons dans un carcan budgétaire suranné. Le projet de loi de finances est déjà caduc et déconnecté de la réalité. Avec les gilets jaunes ont fait irruption dans le débat les enseignants, les artisans, les jeunes, les salariés privés d'emploi, les retraités ; bref, la démocratie sociale s'est manifestée. Chacun, avec ses mots, dit la même chose : « Ça suffit ! ». Ils dénoncent la hausse des inégalités, l'effacement des services publics, osent revendiquer une hausse du pouvoir d'achat et, avec les élus locaux, ces premiers de corvée, le dogme fou de la réduction de la dépense publique utile. Ah, on se sent à l'aise dans ses baskets au CRCE !

Nous avons des propositions à faire, et beaucoup, sur la façon de réduire le coût de vie pour nos concitoyens tout en répondant à l'urgence climatique. Le chèque énergie ne suffit pas ; ce qu'il faut, c'est réduire la TVA sur les factures EDF et GDF qui ne cessent de flamber. Cessez de plomber les budgets des collectivités territoriales qui innovent et financent la carte de transport des jeunes et des précaires, voire la gratuité pour tous !

M. Vincent Delahaye.  - Avec quel argent ?

M. Pascal Savoldelli.  - Vous choisissez d'épargner les plus fortunés en supprimant l'ISF ; vous faites payer plus les PME, moins les grands groupes qui tirent le plus parti des 165 milliards d'exonérations et de dégrèvements en faveur des entreprises.

La question préalable évitera à la majorité sénatoriale de s'expliquer sur ses choix...

M. Vincent Delahaye.  - C'est déjà fait !

M. Pascal Savoldelli.  - Comme au Gouvernement !

Ce projet de loi de finances reste marqué par une fiscalité indirecte punitive : la TVA est à un niveau jamais atteint, la fiscalité écologique augmente pour se substituer à d'autres impôts. Naturellement, le groupe CRCE votera contre ce projet de loi ; il s'abstiendra sur la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Patrice Joly applaudit également.)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous constatons comme un petit changement d'attitude du Gouvernement et de l'Assemblée nationale envers les apports du Sénat. Encore un petit effort, et la navette parlementaire refonctionnera !

Malheureusement, pour l'instant, on observe encore des détricotages. Meilleur exemple : le mécanisme de lutte contre la fraude après le scandale des CumEx. Six groupes politiques l'ont construit, le groupe de la majorité gouvernementale l'a voté et voici que l'Assemblée nationale en réduit la portée. C'est incompréhensible !

Le Gouvernement s'est rallié à la position du Sénat sur la hausse des taxes sur les carburants mais le ralliement était tardif. Lui qui dénigrait les positions du groupe socialiste durant les débats, ses marches arrière sont cocasses. Marche arrière sur le gazole non routier, dont la majorité sénatoriale ne voulait pas non plus. La niche Copé, quel mauvais signal politique que son élargissement ! La majorité sénatoriale l'avait voté sans sourciller alors qu'elle n'en connaissait pas le coût : 200 millions d'euros ! Le financement de la transition écologique par les grandes entreprises, il n'en était pas question. Finalement, ce sera 1,8 milliard à leur charge et, du reste, à force de dumping fiscal, on en viendra à une taxation zéro sur les entreprises et à un transfert vers la taxation des revenus salariés ; sur la taxe sur les GAFA pour laquelle, finalement, il n'est plus besoin d'attendre une réglementation européenne qui ne vient pas.

Il aura fallu une crise politique majeure pour dessiller les yeux du Gouvernement. Après les annonces, il sera jugé sur ses actes. L'incroyable improvisation d'hier sur le chèque énergie ne nous rassure guère : suppression le matin, réintroduction l'après-midi... (M. Roland Courteau approuve.) La trajectoire budgétaire ne sera pas respectée, les mesures seraient partiellement financées par des baisses de crédits de certaines missions. Lesquelles ? Pourquoi ne pas demander un effort supplémentaire aux grands groupes ? Le président du Medef a exprimé son soulagement dans la presse quand on lui a présenté la somme de 1,8 milliard d'euros ; l'an dernier, vous n'aviez pas hésité à demander 5 milliards pour le remboursement de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés.

Les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat déposeront une proposition de loi référendaire rétablissant l'ISF. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Sa suppression a été un élément essentiel du sentiment d'imposture fiscale qui aurait été encore plus fort si le Gouvernement avait également supprimé l'IFI comme le préconisait la majorité sénatoriale. Le Gouvernement et la majorité ont joué les pompiers pyromanes. La question n'est pas celle du niveau de la fiscalité, qui sert à financer les services publics, c'est celle de sa juste répartition !

Chers collègues de la majorité sénatoriale, pour racheter vos erreurs passées (Protestations amusées à droite), je vous propose, en guise de rédemption, de cosigner notre proposition de loi référendaire sur le rétablissement de l'ISF... (Mêmes mouvements)

Nous restons opposés à ce projet de loi de finances malgré l'intégration de certaines de nos suggestions. Ce n'est sans doute ni subtil ni intelligent mais notre groupe ne s'opposera pas à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) L'adoption probable de la question préalable entraînera le rejet de ce texte. Elle est dictée par des questions d'agenda, et non d'ordre politique. C'est dommage, le Sénat ne pourra pas défendre ses positions.

Chaque année, le RDSE déplore les conditions ubuesques dans lesquelles nous examinons le projet de loi de finances ; a fortiori, cette année car nous ne pouvons pas faire abstraction du projet de loi que nous examinerons vendredi pour régler la crise actuelle.

La hausse des prix des carburants n'a été qu'un symptôme d'un mal plus profond. L'intervention du président de la République a apporté des réponses concrètes à l'urgence politique et sociale. J'espère que le Gouvernement veillera à leur mise en oeuvre rapide. Oui, la loi est l'expression de la volonté générale et la haute administration n'en a pas le monopole.

Un grand débat a été lancé, sous l'égide de la CNDP. J'espère que les élus, meilleurs connaisseurs des réalités du terrain, y prendront toute leur part.

Ce projet de loi de finances, après les récents événements, apparaît en décalage. Le déficit passera à 3,2 %. Le déficit public est revu à la hausse de 0,1 point pour 2018 et de 0,4 point pour 2019.

Nous ne pouvons pas faire abstraction du Brexit, de la crise en Belgique avec la chute du gouvernement sur la question migratoire, de ce qu'il se passe en Italie. Notre débat budgétaire subit les contrecoups des tensions internationales et en Europe.

Nous, qui incarnons la démocratie représentative, sommes tenus d'agir pour l'intérêt général, corollaire de la confiance que placent en nous nos concitoyens. Certes, cette confiance varie dans le temps ; néanmoins, rien ne serait pire que de diluer les corps intermédiaires, au premier rang desquels se trouvent les maires.

Je me réjouis de la reprise de certains de nos amendements par les députés : sur le maintien de la taxe sur les friches commerciales pour lutter contre l'étalement urbain, sur le rétablissement du régime fiscal des sociétés d'intérêt collectif et, c'est l'aboutissement d'un combat historique, sur le plafonnement de l'exonération d'impôt sur les hauts revenus de journalistes, rédacteurs et critiques ! Je regrette évidemment le refus de nos propositions sur la méthanisation des déchets, les redevances de concessions hydroélectriques, ou encore le refinancement du Fisac. Nous continuerons le travail, n'en doutez pas !

Le RDSE, ouvert à la discussion et au dialogue par tradition, ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Philippe Adnot .  - Je ne commenterai pas l'exercice budgétaire... dont l'actualité démontre le caractère éphémère.

Mais si le Sénat avait été mieux entendu, notamment sur les taxes et le diesel-bashing, nous n'en serions pas là. (MM. Antoine Lefèvre et Albéric de Montgolfier, rapporteur général, applaudissent.)

M. Roger Karoutchi.  - C'est clair !

M. Philippe Adnot.  - Les mesures proposées dans l'urgence ne satisferont pas des demandes très hétérogènes - sans parler de celles qui n'étaient nullement réclamées.

J'étais opposé au traitement des heures supplémentaires sous Sarkozy ; je le suis toujours. Pourquoi celui qui n'a pas la chance d'en faire serait-il plus imposé, proportionnellement, que ses collègues ? Laissons les salariés volontaires faire leurs heures supplémentaires en leur fichant la paix, sans créer de charge nouvelle pour l'État.

Rien n'a été dit sur le financement de ces mesures. Les Français n'ont pas envie d'être roulés dans la farine. La suppression de la taxe d'habitation est injuste financièrement, n'augmentera pas le pouvoir d'achat de ceux qui ne la paient pas et profitera surtout à ceux qui ont de grands appartements dans les beaux quartiers. Cela coûtera plus de 20 milliards d'euros. Elle devait coûter 500 euros par foyer fiscal : plafonnons-la à 250 euros, nous dégagerons ainsi les 10 milliards nécessaires pour financer les récentes annonces sans creuser le déficit !

À mon tour de rendre hommage aux forces de l'ordre, remarquables de maîtrise. Que les casseurs et pilleurs soient traités sans faiblesse : ils ont nui aux gilets jaunes, à la société, à l'image de la France.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Adnot.  - Quant au grand débat national, la confusion des idées est propice à l'instrumentalisation. La France n'a pas besoin de parlote mais d'actes concrets. Créer de la richesse et des emplois, telle devrait être la priorité de tout gouvernement. (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le groupe UC aborde ce projet de loi de finances dans un esprit constructif.

M. Julien Bargeton.  - Très bien.

M. Michel Canevet.  - La fracture sociale qui s'est révélée appelle des réponses. Il est nécessaire de prendre en compte tout le monde.

Néanmoins, nous regrettons la méthode et surtout les délais qui nuisent à la qualité du travail parlementaire et à la lisibilité de la loi. Il faudra faire mieux, à l'avenir, pour répondre aux besoins sans perdre de vue l'objectif du développement et de la qualité de vie.

La version corrigée du projet de loi de finances accroît significativement le déficit prévu, de 100 à 110 milliards d'euros. Alors que nous avions réussi à descendre à 2,6 %, nous passons la barre fatidique des 3 % pour nous situer autour de 3,2 %.

S'il faut répondre aux aspirations des populations en difficulté, l'équilibre budgétaire doit aussi être respecté. D'où la nécessité d'accentuer les mesures d'économie pour contenir le déficit, comme le préconise M. Delahaye.

Il faut aussi trouver des recettes supplémentaires, même ponctuelles.

Les perspectives de croissance sont assombries : nous n'atteindrons pas les 1,7 % cette année, on attend plutôt 1,5 % voire 1,3 % en 2019. Le retour à l'équilibre des comptes en sera plus difficile. Cependant, d'après l'Insee, le pouvoir d'achat devrait augmenter de 3 %, conséquence des mesures de relance mises en oeuvre.

Pour le groupe UC, l'équilibre des comptes publics et le respect de la règle des 3 % sont des impératifs. Sur la trajectoire carbone, que de temps perdu ! La baisse des charges sociales sera précieuse pour la compétitivité de nos entreprises et pour réduire le déficit de notre balance commerciale, qui atteint 5 à 6 milliards d'euros par mois.

Claude Raynal préconise le retour à l'ISF ; nous n'y sommes pas favorables.

M. Claude Raynal.  - Quelle surprise !

M. Michel Canevet.  - C'est une proposition archaïque, alors que notre fiscalité a besoin de lisibilité. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les bancs du groupe UC et Les Républicains ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Roland Courteau.  - Mieux vaut en rire !

M. Michel Canevet.  - Nous proposons pour notre part une révision globale de la fiscalité, notamment de l'impôt sur le revenu et des droits de succession sur l'habitation principale.

Je me félicite de la suppression de certaines petites taxes, pour laquelle je me bats depuis longtemps. Il faudra poursuivre dans cette voie, c'est une question de compétitivité.

Enfin, je regrette que les mesures de lutte contre la fraude documentaire défendues par Nathalie Goulet n'aient pas été reprises par l'Assemblée nationale. Il y a là pourtant un réel gisement de ressources.

La majorité du groupe UC votera la question préalable ; une partie s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 19 décembre restera comme un moment surréaliste. Vous défendez un budget pour la France dont personne ne sait ce qu'il sera dans trois semaines. Vendredi, nous voterons d'autres mesures dont l'impact financier n'a pas été prévu.

Monsieur le ministre, c'est dommage que cela tombe sur vous ! (Rires et applaudissements à droite et au centre) Dans l'ancien temps, on aurait dit : Dieu et le roi vous en remercient. Vous avez été impeccable, j'espère que Jupiter s'en souviendra ! (Mêmes mouvements)

Vous n'y êtes pour rien, les chiffres sont implacables : 45 % de prélèvements, 1,5 % de croissance et 3,4 % de déficit, voilà l'état de la France. Nous sommes responsables et le groupe Les Républicains votera les mesures qui seront présentées vendredi, comme il a voté les 600 millions d'euros supplémentaires la semaine dernière.

Mais il faut être responsable pour deux ! Le Gouvernement est resté désespérément à l'écart des réalités. Il y a un an, Jean-François Husson vous prévenait déjà que la trajectoire de la fiscalité carbone serait impossible à tenir, que vous vous exposiez à un mouvement du type bonnets rouges... Le Gouvernement répondait : faites-nous confiance, les intelligents et les subtils sont de notre côté, nous savons. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Bien avant le début du mouvement des gilets jaunes, les différents groupes du Sénat avaient avancé des solutions. Un Gouvernement à l'écoute entend la diversité des propositions, d'où qu'elles viennent. Sinon, il n'y a plus de démocratie. Le Gouvernement s'est enfermé dans ses certitudes. Le ministre des Comptes publics qualifiait de désastre nos amendements à 5, 10 ou 20 millions d'euros ? Là, on lâche 10 milliards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Impossible d'annuler la hausse de la taxe sur les carburants, nous disait le Gouvernement, écologie oblige ! Vous auriez aussi pu reprendre les amendements que nous avions votés sur les GAFA ou sur les dividendes, qui sont des mesures de justice et de recettes. Vous avez répondu que ce n'était pas dans vos arbitrages.

En théorie, le Gouvernement représente les Français. En pratique, on ne sait plus où vous êtes.

M. Jean-François Husson.  - Et eux non plus !

M. Roger Karoutchi.  - J'étais au Gouvernement en 2008 lorsque nous avons dû faire face à une crise financière et bancaire exogène. Un texte pour sauver le système financier français a été voté dans l'urgence : Conseil des ministres le lundi, l'Assemblée nationale le mardi, Sénat le mercredi. Le samedi précédent, le président de la République m'appelait car il souhaitait rencontrer tous les présidents de groupes parlementaires ; il a dialogué pendant deux heures avec eux pour leur expliquer ce qu'il allait faire. C'est cela, le respect du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Yvon Collin applaudit également.)

Vous ne pouvez pas considérer le Parlement comme une gêne, une source de retard, les élus locaux comme une charge à réduire. Certains ministres ne se présentent plus devant le Sénat, d'autres partent un peu vite. Ce n'est pas une manière de travailler. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement, pas l'inverse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Si vous continuez à vous couper de tous les relais - Parlement, maires, élus locaux - ne vous étonnez pas que l'exécutif se retrouve seul face aux gilets jaunes. Depuis dix-huit mois, vous n'écoutez pas ce qui remonte du terrain. Certes, le malaise ne date pas d'hier...

M. Julien Bargeton.  - Ah !

M. Roger Karoutchi.  - Personne ne dit le contraire, même si nous ne sommes pas aussi subtils et intelligents que vous ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains)

Vous suivez le mauvais cap, non pas économique mais politique ! L'unité de la Nation, l'écoute, la représentation et la défense des Français passent avant la technocratie et les pseudo-équilibres de Bercy - d'ailleurs bien vite balayés.

Vous êtes, disons-le, dans une situation catastrophique et vous n'êtes pas, dirons-nous, dans une dynamique performante pour 2019. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains) Mais puisque vous avez entamé l'exercice de contrition, changez la donne, parlez au Parlement, et pas seulement pour lui faire la leçon !

Reprenez les propositions du Sénat, au lieu de les écarter. Malheureusement, l'Assemblée nationale n'est plus un centre de débat.

M. Bruno Sido.  - Des godillots, oui !

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est même plus une courroie de transmission pour le Gouvernement... Le Sénat, lui, a fait son travail, dans le respect, de manière équilibrée ; nous vous avons fait des propositions, que vous avez refusées car ce n'était pas la ligne de Bercy. Maintenant, il faut sauver le pays.

Le groupe Les Républicains votera la question préalable car le jeu n'est plus à l'équilibre. Vous ferez ce que vous souhaitez à l'Assemblée nationale. Vendredi, en responsabilité, nous voterons conformes les mesures annoncées car les Français ne doivent pas se sentir trahis, dupés. Nous, Parlement, sauvons ainsi le Gouvernement car nous voulons que la parole du président de la VRépublique ait encore du sens. C'est cela, la France. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE ; M. Claude Raynal et Mme Claudine Lepage applaudissent également ; de nombreux sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent pour applaudir.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État .  - Je remercie M. Karoutchi... au moins pour le début de son propos !

Le déficit prévisionnel envisagé s'établit à 3,2 % soit 0,4 point au-dessus de la prévision initiale. Mais 2019 est une année de transition, avec la transformation du CICE en allègement de charges et l'apurement de la dette de l'État envers les entreprises au titre de 2018, qui représentent un effort de 0,9 point de PIB. Le déficit réel, selon nous, sera donc de 2,3 %. Charge à nous de démontrer, en 2020, que la trajectoire budgétaire prévue reste structurellement en dessous des 3 %.

S'agissant du financement des mesures annoncées, Gérald Darmanin a précisé à l'Assemblée nationale que la taxe sur les GAFA serait intégrée au projet de loi Pacte. J'avais indiqué au Sénat qu'à défaut d'accord européen ambitieux, le Gouvernement agirait au niveau national. L'accord en voie d'être passé avec l'Allemagne étant insuffisant, c'est ce que nous faisons.

L'atténuation de la trajectoire de l'impôt sur les sociétés pour celles dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros figurera dans le projet de loi de finances rectificative. Nous gardons en tête la nécessité de réformer la fiscalité, avec la réforme de la taxe d'habitation.

L'amendement sur les dividendes adopté par le Sénat a fait l'objet de modifications substantielles à l'Assemblée nationale. Il fallait en effet tenir compte de contraintes juridiques internes et communautaires ainsi qu'opérationnelles. Mais notre objectif est bien le même : lutter contre la fraude fiscale.

Le dépôt de la question préalable traduit un désaccord politique entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale. Je note qu'un des considérants mentionne l'absence de modification par l'Assemblée nationale des crédits des missions rejetées par le Sénat : ce n'est pas exact, les crédits ont été modifiés sur les missions « Solidarité », « Cohésion des territoires », « Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État » ou encore « Écologie ».

Par anticipation, par définition et par cohérence, le Gouvernement est défavorable à la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°I-9, présentée par M. de Montgolfier, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;

Considérant que, si l'Assemblée nationale a confirmé le gel de la hausse des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à compter de 2019, qui a été adopté par le Sénat en séance publique dès le 26 novembre dernier et avait déjà été voté par lui l'an dernier dans le cadre de l'examen de la loi de finances initiale pour 2018, et conservé en nouvelle lecture plusieurs mesures de fond issues des travaux du Sénat, de nombreuses divergences demeurent entre les deux assemblées ;

Considérant, en particulier, que la baisse des prélèvements obligatoires n'est possible qu'accompagnée de celle des dépenses publiques, alors que la stabilisation de ces dernières tarde à se concrétiser et que l'essentiel des efforts annoncés par le Gouvernement restent à faire en termes de réformes structurelles ;

Considérant, en outre, que le redressement des comptes publics n'est pas assuré, tandis que la France se trouve désormais très isolée dans la zone euro en termes de niveau de déficit ;

Considérant que l'Assemblée nationale a modifié l'article liminaire en nouvelle lecture, pour tenir compte uniquement des mesures nouvelles que contient le projet de loi de finances, telles que la suppression de la hausse des tarifs de la TICPE, l'augmentation des crédits consacrés à la prime d'activité, ou encore la renonciation aux nouvelles dispositions prévues au titre de l'exonération partielle des plus-values de cessions intragroupes de titres de participations éligibles au régime de long terme, mais en aucun cas des dispositions prévues dans le projet de loi présenté en conseil des ministres ce mercredi 19 décembre pour concrétiser les autres mesures annoncées par le Président de la République lundi 10 décembre dernier et qui auront pourtant un impact direct sur le solde des administrations publiques ;

Considérant que cet article liminaire prévoit ainsi un déficit public de 3,2 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2019, sans que, par ailleurs, aucune mesure concrète de recette supplémentaire ou de moindre dépense ne soit confirmée, rendant ainsi cette prévision incertaine, au même titre d'ailleurs que les montants indiqués à l'article 38 du projet de loi de finances, qui fixe pourtant l'équilibre général du budget de l'État ;

Considérant que le Sénat soutient évidemment les mesures adoptées en faveur du pouvoir d'achat des ménages ainsi que le versement d'une prime exceptionnelle de 300 euros aux policiers et militaires ayant participé aux récentes opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, conduisant à majorer la mission « Sécurités » de 33 millions d'euros en nouvelle lecture, tout en rappelant toutefois la nécessité de maintenir un équilibre budgétaire permettant d'assurer la soutenabilité de nos finances publiques, ce à quoi le Gouvernement semble avoir renoncé ;

Considérant que l'Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture certaines mesures auxquelles le Sénat s'était fermement opposé, telles que la suppression de l'exonération de taxe spéciale sur les conventions d'assurance sur les garanties décès des contrats d'assurance emprunteurs ou la définition des locaux industriels pour la détermination de leur valeur locative ;

Considérant que l'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, rétabli sa rédaction, sous réserve d'une précision et d'un aménagement adoptés par le Sénat, concernant le renforcement de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) relative aux déchets, sans qu'il soit tenu compte des déchets qui peuvent réellement être recyclés et en alourdissant le poids des taxes reposant sur les collectivités territoriales pour l'avenir, au risque de créer une nouvelle pression à la hausse de la fiscalité locale ;

Considérant que, dans sa nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2019, l'Assemblée nationale a supprimé la proposition du Sénat de relever le plafond du quotient familial, alors même qu'il s'agit d'une mesure en faveur du pouvoir d'achat des familles et de justice fiscale après plusieurs années de hausses d'imposition lors du précédent quinquennat ;

Considérant qu'elle n'a pas non plus retenu plusieurs dispositions du Sénat qui avaient pourtant été adoptées à l'unanimité ou à la quasi-unanimité, à l'instar du maintien du prêt à taux zéro pour l'acquisition de logements neufs sur l'ensemble du territoire, de l'exonération de fiscalité des sommes misées dans le cadre du loto du patrimoine ou encore de la publication, en annexe de chaque projet de loi de finances, du code source informatique correspondant aux dispositions fiscales proposées ;

Considérant que le Sénat a adopté six amendements identiques instituant un mécanisme complet de lutte contre les opérations d' « arbitrage de dividendes » mises en lumière par la presse, en s'inspirant de dispositifs existants aux États-Unis et en Allemagne qui ont fait leurs preuves et représentant un surcroît important de recettes potentielles ;

Considérant que, si ce dispositif a été en partie repris par l'Assemblée nationale, il a en réalité été vidé de l'essentiel de sa portée, avec la suppression de son volet relatif aux instruments financiers et de son volet « externe », qui concerne les cessions temporaires d'actions, au moment du versement du dividende, à un résident d'un pays lié à la France par une convention fiscale prévoyant une retenue à la source de 0 % ;

Considérant enfin que l'Assemblée nationale n'a pas modifié les crédits des six missions rejetées par le Sénat de façon à faire évoluer la position de ce dernier, à savoir les missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Cohésion des territoires », « Écologie, développement et mobilité durables », « Immigration, asile et intégration », « Sécurités » et « Sport, jeunesse et vie associative », ni n'a donné suite à ses propositions d'économies en dépenses, notamment par l'augmentation du temps de travail dans la fonction publique ;

Considérant que l'examen en nouvelle lecture de l'ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2019 ne conduirait vraisemblablement ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement à revenir sur leurs positions ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 218 (2018-2019).

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général .  - Monsieur le ministre, nous ne disons pas que l'Assemblée nationale n'a pas modifié les crédits des missions rejetées par le Sénat mais qu'elle ne les a pas suffisamment modifiés pour nous faire changer d'avis.

Nous avons des désaccords de fond - sur le déficit, sur les crédits, sur les amendements qui n'ont pas été repris. Le calendrier pose en outre problème : comment inscrire à l'ordre du jour une nouvelle lecture alors que les 70 jours que la Constitution accorde au Parlement pour examiner le projet de loi de finances expirent samedi ? Ne serait-ce que sur le plan matériel, le Gouvernement aurait pu émettre un avis de sagesse ! Sans compter que cette nouvelle lecture se télescope avec le projet de loi de finances ou de financement rectificative qui nous est arrivé ce matin !

Une idée de recettes, pour finir : taxer les tweets des ministres ! Le ministre de l'Écologie vient en effet de se réjouir, dans un tweet, que l'Assemblée nationale ait élargi le CITE au changement des fenêtres. Mesure à laquelle, au Sénat, vous aviez donné un avis défavorable ! Pourquoi ne pas avoir repris l'amendement Grémillet, sous-amendé par la commission des finances ? Un peu de décence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE et SOCR)

M. Vincent Delahaye.  - Demander une deuxième lecture serait surréaliste compte tenu du calendrier, mais aussi du fond. Depuis les annonces du président de la République et les nouvelles prévisions de l'Insee, nous savons que ce projet de loi de finances n'a plus aucune réalité. La situation est rocambolesque.

Nous ne pouvons que déplorer l'attitude fermée du Gouvernement par rapport aux propositions du Sénat. Nous avions fait beaucoup de propositions sur la fiscalité du carburant - que le Gouvernement aurait été bien inspiré de suivre ! - mais aussi sur la fraude fiscale et sociale, à l'initiative de Mme Goulet. Nous ne comprenons pas l'attitude de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.

Nous étions prêts à siéger même le jour de Noël, mais à quoi bon si le Gouvernement ne fait montre d'aucune ouverture, alors que ce texte est déjà dépassé ?

Une majorité du groupe UC votera cette question préalable ; certains s'abstiendront. Nous reviendrons prochainement sur ces sujets, sachant qu'une réforme fiscale et une baisse des dépenses s'imposent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Pascal Savoldelli.  - Nous nous abstiendrons sur la question préalable. M. Karoutchi l'a bien dit, le parti pris est davantage politique que financier. Cependant, si vous aviez voté la motion que le CRCE avait déposée au début de l'examen du texte, une deuxième lecture aurait été possible. Notre diagnostic était juste.

On nous dit en France que rien n'est possible. Pourtant en Espagne et au Portugal, les gouvernements ont augmenté le SMIC de 22 %, de même que les pensions.

M. Julien Bargeton.  - Eh bien, mettons-nous au même niveau !

M. Pascal Savoldelli.  - Et ils n'ont pas eu recours à des combines, des gadgets, pour cela. Ils savent ce qu'est un salaire, et ils assument ! La France n'aurait-elle pas des moyens comparables à ceux du Portugal et de l'Espagne ?

Mme Agnès Buzyn vient de confirmer à l'Assemblée nationale que selon Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, nous n'étions qu'à 2,3 % de déficit public au sens européen.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Pascal Savoldelli.  - Cela nous donne de la marge ! Un exemple...

Mme la présidente.  - Vous avez dépassé votre temps de parole.

Mme Catherine Conconne.  - Le Gouvernement a pris une décision illégitime et scélérate en supprimant un abattement de 30 % sur l'impôt sur le revenu qui datait des années 60, et qui était plafonné à 5 000 euros. Il concernait des populations dont les revenus et les conditions de vie n'ont rien à voir avec ceux de l'Hexagone.

Monsieur le ministre, aujourd'hui 19 décembre, je vous préviens : l'État devra payer très cher cette décision ! Vous frappez les classes moyennes ultramarines, pourvoyeuses de pouvoir d'achat. Vous les avez qualifiées de « riches ». C'est oublier que le coût de la vie en outre-mer est supérieur de 40 % à celui de l'Hexagone. Attendez-vous à voir augmenter le chômage, la pauvreté, à voir disparaître des centaines de petits emplois... Vous verrez dans trois ans : les 70 millions d'euros dont vous privez nos populations se répercuteront sur l'aide sociale.

Face un tel désordre et à de tels revirements, nous ne pouvons que nous abstenir sur cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

La motion n°I-9 est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°41 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 211
Pour l'adoption 188
Contre   23

Le Sénat a adopté.

Mme la présidente.  - En conséquence, le projet de loi de finances pour 2019 est rejeté.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance, vendredi 21 décembre 2018, à 16 heures.

La séance est levée à 16 h 20.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus