SÉANCE

du mardi 22 janvier 2019

50e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

Secrétaires : M. Daniel Dubois, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.

Bureaux de poste dans les territoires ruraux

M. Édouard Courtial .  - Les maires, avec lesquels le président de la République a échangé directement par deux fois, ont, chacun avec leurs mots, lancé un cri d'alarme sur les territoires ruraux. Ces hussards de la République demandent le maintien des services de proximité, notamment des bureaux de poste, fermés malgré les lourds investissements que les communes ont consentis. Pourtant, le groupe La Poste, suivant une logique de rentabilité financière, réduit les horaires d'ouverture, notamment à Bury, Rieux, et La Neuville-en-Hez dans l'Oise.

Cette question ne sera pas traitée dans le grand débat national mais, madame la ministre, ne faut-il pas davantage de cohérence entre les promesses et les politiques menées pour faire de l'égalité des territoires une réalité ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Cette question, qui est effectivement d'actualité, interroge sur la définition d'un service public et de son évolution. La Poste en est un très bon exemple. La loi du 2 juillet 1990 fixe ses obligations de présence territoriale : 17 000 points de contacts, 90 % de la population doit être à moins de cinq kilomètres ou moins de vingt minutes de trajet d'un point de contact postal.

Dans l'Oise, grâce à des partenariats avec les communes, il existe 213 points de contact pour 25 000 habitants. Toutefois, comme sur l'ensemble du territoire, La Poste a dû s'adapter, en raison de la baisse considérable du courrier et de la moindre fréquentation des guichets mais aussi du développement du numérique et des colis postaux. C'est pourquoi La Poste a envisagé de modifier les horaires des bureaux de Bury, Rieux, et La Neuville-en-Hez, ce qui n'est pas contraire à sa mission d'aménagement du territoire.

Le contrat d'objectifs et de moyens de La Poste 2018-2022 confirme les orientations du contrat de présence postale territoriale 2017-2019 signé par l'État, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et La Poste. L'État s'assure que les évolutions des points de contact tiennent compte des besoins des usagers dans le cadre d'une concertation préalable approfondie avec les élus. Un aménagement des horaires d'ouverture est ainsi toujours précédé d'un dialogue approfondi avec les maires.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'État investit également dans le déploiement des maisons de services au public.

M. Édouard Courtial.  - Je vous invite à la plus grande vigilance. Compte tenu des tensions dans notre pays, tout doit être fait pour enrayer la spirale « moins d'État, plus de colère ».

Protection des chemins ruraux

M. Jean-Pierre Moga .  - Les chemins ruraux, alors qu'ils recouvrent la notion du domaine public, sont classés par la loi dans le domaine privé. Depuis longtemps, ils ont fait l'objet de multiples appropriations par des particuliers car ils gênent souvent les exploitations. Ils ont ainsi été labourés, clôturés et soumis à une prescription acquisitive.

Mon prédécesseur, Henri Tandonnet, avait déposé une proposition de loi visant à renforcer leur protection. Elle prévoyait, d'une part, la suspension pendant deux ans du délai de prescription pour l'acquisition des parcelles comportant ces chemins, et d'autre part, une procédure permettant à une commune, engagée dans une démarche d'inventaire, d'interrompre ce délai. Ce texte autorisait également les échanges de parcelles pour adapter le tracé des chemins ruraux, réaménager les parcelles agricoles et, donc, éviter les conflits.

Le Sénat a adopté cette proposition de loi en première lecture le 12 mars 2015. Elle a été transmise aux députés le 12 mars 2015, puis le 6 juillet 2017 après les élections législatives. Depuis, elle n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Quand le sera-t-elle ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les dispositions de la proposition de loi Tandonnet ont été partiellement intégrées à la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, lors de son examen durant le printemps 2016. Les chemins ruraux sont, en effet, un patrimoine à protéger.

Cependant, dans sa décision du 4 août 2016, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, considérant qu'elles étaient des cavaliers législatifs.

Le Gouvernement est favorable à la reprise de ce dispositif dans un véhicule législatif à identifier.

M. Jean-Pierre Moga.  - Je vous remercie et suis à votre disposition pour y travailler.

Transfert des compétences « eau » et « assainissement »

M. Pierre-Yves Collombat .  - La loi du 3 août 2018 prévoit que les communes membres d'une communauté de communes n'exerçant pas à titre optionnel ou facultatif les compétences « eau » et « assainissement » peuvent repousser leur transfert à l'intercommunalité au 1er janvier 2026.

Or la circulaire du 20 août 2018 prévoit que cette faculté de s'opposer au transfert au 1er janvier 2020 est « exclusivement réservée aux communes membres de communautés de communes n'exerçant la compétence en cause, y compris partiellement, à l'exception notable du service public d'assainissement non collectif ». Au final, une loi qui apportait une liberté nouvelle se voit réduite dans son champ d'application. Est-ce une interprétation abusive ou le Gouvernement reprend-il d'une main ce qu'il a accordé d'une autre ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le premier alinéa de l'article premier de cette loi est sans équivoque : seules les communes membres d'une communauté de communes qui n'exerce pas du tout les compétences « eau » et « assainissement » à la date de la publication de la loi peuvent demander le report à 2026. Par conséquent, l'emploi du terme « partiellement » dans la circulaire du 28 août 2018 est totalement conforme à la loi.

Sincèrement, je ne comprends pas bien votre question... Nous n'avons nullement repris d'une main ce que nous avions donné de l'autre. (Sourires à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Moi aussi, j'ai du mal à comprendre : des collègues qui ne détenaient pas la compétence « production de l'eau » mais qui géraient l'ensemble croyaient naïvement, comme moi, qu'ils pourraient bénéficier de cette disposition libérale. Et puis non ! C'est un grand classique de ces dernières années : on promet une chose et on en fait une autre...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je vous réexpliquerai après !

Plan local d'urbanisme et délivrance d'autorisations d'urbanisme

Mme Nathalie Delattre .  - Le plan local d'urbanisme, depuis la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU, constitue le principal document de planification et d'urbanisme à l'échelle communale, voire intercommunale. Élaboré par la commune en vue d'atteindre un juste équilibre entre urbanisme et environnement, il s'applique, sous réserve de l'approbation de l'État. Les autorisations d'urbanisme sont délivrées sur son fondement.

Or les services de l'État refusent d'accorder des autorisations d'urbanisme conformes à un PLU qu'ils ont pourtant validé. En Gironde, à Porge, l'un des héritiers d'un terrain familial a pu construire dessus une habitation principale ; un autre, quelques années plus tard, n'y a pas été autorisé. Ce n'est pas un cas isolé. À Saint-Symphorien, la direction départementale de la terre et de la mer demande systématiquement un arrêté de défrichement et une étude sur les projets de développement urbain contenus dans le PLU. Cela freine la dynamique territoriale : la création d'emplois, d'équipements et de services. Quelles mesures prévoyez-vous pour remédier à cette situation ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, le maire est l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme dans les communes couvertes par un PLU. Tel est le cas à Porge. Plusieurs possibilités peuvent expliquer que les droits à construire diffèrent sur une même parcelle, à commencer par la révision du PLU ou encore, plus certainement à Porge, l'application de la loi Littoral. Le Porge a adopté son PLU le 30 juin 2018 ; l'État lui a notifié que certaines zones, qui y étaient désignées constructibles, ne l'étaient pas en raison de la loi Littoral.

Statut des élus locaux

Mme Laure Darcos .  - Connaissez-vous un maire qui ne soit pas soucieux ? Ceux que je côtoie dans l'Essonne sont admirables de courage et de dévouement mais ils sont aussi malheureux de voir leurs conditions d'exercice se détériorer.

Ce malaise ne date certes pas d'aujourd'hui. Le Sénat a mené de nombreux travaux sur cette question, sans qu'aucun gouvernement ne s'en inspire. J'espère qu'il en ira différemment du remarquable rapport que notre délégation aux collectivités territoriales a récemment publié.

Les maires, garants de la République, sont à l'écoute de nos concitoyens. Vous comptez sur eux pour le grand débat national, il serait judicieux de ne pas les oublier à l'issue de cette consultation. Les sujets sont nombreux : régime indemnitaire, protection sociale, formation tout au long du mandat et reconversion, responsabilité pénale. Les élus attendent des réponses précises, de la considération. Notre démocratie a besoin de respirer et ceux qui la servent doivent retrouver espoir.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je n'ai pas attendu d'être ministre pour avoir de la considération pour les élus locaux - j'en étais une auparavant. Il est légitime que les élus participent au grand débat.

La détresse des maires... Certains, effectivement, sont en détresse ; pas tous. Dramatiser la situation fragilise la démocratie représentative, alimenterait une crise que plus personne ne pourrait enrayer.

Par le passé, au Sénat, et sous différents gouvernements, de nombreuses dispositions législatives et réglementaires ont été prises pour accompagner les élus locaux dans l'exercice de leur mandat. Bien sûr, beaucoup reste à faire.

Dans le cadre du grand chantier de la Conférence nationale des territoires sur le statut des élus locaux, votre délégation aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel, a présenté une étude approfondie dont les conclusions ont été présentées en septembre 2018. Depuis, le Gouvernement poursuit la réflexion. Nous allons légiférer ou prendre des mesures réglementaires. Des améliorations sont déjà effectives s'agissant du régime social : formulaire d'affiliation au régime général de la sécurité sociale spécifique ; rubrique dédiée sur le site ameli.fr ; information aux médecins pour autoriser les élus, lorsque cela est possible, à exercer leur mandat durant leur congé maladie ; clarification des modalités d'assujettissement des cotisations des collectivités aux régimes de retraite facultatifs par rente des élus ; application simplifiée des dispositions en matière de retraite complémentaire. À cela, il faut ajouter la mesure que vous avez votée en loi de finances pour alléger la fiscalité sur les élus.

Oui, il y a encore du travail devant nous mais on ne peut pas dire que nous ne faisons rien !

Mme Laure Darcos.  - Madame la ministre, sans mettre en question votre proximité avec les élus locaux, il faut restaurer, comme le président Larcher y a invité le Gouvernement, un « serment de confiance » avec les élus. Leur malaise est profond.

Dotation de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des événements climatiques

Mme Maryse Carrère .  - En juin 2018, le département des Hautes-Pyrénées a été victime, une nouvelle fois, d'une vague d'intempéries occasionnant des crues mais également des dégâts matériels pour les collectivités locales. Je salue tous les maires et équipes techniques qui ont travaillé sans relâche.

Nombre de collectivités territoriales ont demandé à disposer de la dotation de solidarité prévue à l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales. Si le fonctionnement de cette dotation a été rénové en 2016, des difficultés subsistent. Plus d'un an s'écoule entre l'évaluation des dégâts, l'estimation du coût des travaux, la première décision sur les financements ou arrêtés attributifs de subventions des dommages et le versement de cette dotation. Pour les collectivités les plus fragiles, cela est beaucoup trop long. La commune de Bourg-de-Bigorre a dû avancer près de 180 000 euros de travaux alors qu'elle dispose d'un budget moyen bien inférieur.

Quand seront versées les dotations de solidarité pour les intempéries de juin 2018 et comment pourrait être simplifié l'octroi de cette dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les Hautes-Pyrénées ont subi en 2018 des intempéries d'une violence exceptionnelle, récurrentes depuis 2013. Cela pèse sur les collectivités territoriales et les populations. L'État s'est fortement mobilisé pour leur apporter des réponses opérationnelles. La solidarité nationale doit jouer. Cette année, 40 millions d'euros sont prévus, et ce chiffre ne comprend pas le plan spécifique en faveur de l'Aude.

Pour les biens non assurables des collectivités, des subventions peuvent être versées en soutien. Le taux de subventionnement varie de 30 à 80 % selon la charge que les dégâts font peser sur le budget de la collectivité. Ce dispositif nécessite une évaluation précise des dommages réalisée obligatoirement par le conseil général de l'environnement et du développement durable. La mission du CGEDD s'est rendue dans les Hautes-Pyrénées la semaine dernière. Je m'assurerai, une fois que l'évaluation aura été terminée et le taux d'aide calculé, que les sommes soient versés rapidement aux communes.

En attendant, le préfet de département a mobilisé 374 000 euros de dotation d'équipement des territoires ruraux pour aider 23 collectivités territoriales. Cela couvre 42 % des premiers travaux à réaliser en urgence.

Mme Maryse Carrère.  - Un an, c'est long. Faire confiance aux préfectures serait préférable, elles sont les mieux placées pour évaluer les dégâts. Preuve qu'il y a un problème, l'État doit passer par la DETR...

Jumelage avec des villes du Haut-Karabagh

M. Pierre Ouzoulias .  - Une circulaire du 24 mai 2018 des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères encadre les actions extérieures des collectivités territoriales : elles ne peuvent se lier à des autorités locales étrangères non reconnues par la France. Qu'en est-il des collectivités territoriales ayant noué des chartes d'amitié avec les collectivités territoriales de l'Artsakh ? Ces chartes constituent davantage des déclarations d'ordre politique par lesquelles la France dit son attachement à l'amitié entre les peuples et au droit des peuples à disposer librement d'eux-mêmes.

Cette circulaire restrictive, je l'espère, sera appliquée avec discernement sur le terrain.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Ni Mme Gourault ni moi ne pouvons vous donner une réponse juridique. L'action extérieure des collectivités territoriales est régie par les articles L. 1115-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. La circulaire que vous mentionnez précise, s'agissant de la coopération décentralisée, que les collectivités territoriales ne peuvent se lier à des autorités non reconnues par la France. Le Haut-Karabagh n'est reconnu par aucun État.

Un acte d'amitié représente-t-il un acte juridique, qui peut faire l'objet d'un recours gracieux devant un tribunal ? Nous n'avons pas de contentieux de référence sur ce point précis.

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous reportez votre responsabilité sur une jurisprudence à venir... À mon sens, l'État devrait faire preuve de mansuétude et d'ouverture vis-à-vis de déclarations d'amitié qui n'engagent pas la France et sont fidèles à sa tradition depuis 1848, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Devenir des sapeurs-pompiers volontaires

Mme Françoise Cartron .  - Je veux rendre hommage et saluer la mémoire des deux pompiers qui ont trouvé la mort dans l'incendie de la rue de Trévise à Paris.

Le modèle français associe sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, la FNSPF, s'inquiète de ce qu'un texte transposant en droit interne une directive européenne sur l'aménagement du temps de travail le mette en question. Elle demande aux pouvoirs publics de trancher directement cette question en menant une initiative au niveau européen. Il faut un cadre sécurisant et pérenne pour sauvegarder notre modèle !

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Merci d'avoir rendu hommage à ces pompiers, le sergent Simon Cartannaz et le caporal Nathanaël Josselin, qui ont sauvé une vingtaine de vies. Leurs collègues, la Nation, les habitants du quartier, dimanche après-midi, ont aussi salué leur mémoire devant la caserne Château-d'Eau.

La jurisprudence dite « Matzak » assimile le volontariat à des conditions de travail et estime que la directive « temps de travail » doit s'appliquer aux pompiers. Cette directive est bienvenue, car elle encadre les conditions et le temps de travail de tous les salariés, mais elle menace l'organisation de la protection civile dans notre pays, car elle assimile le volontariat à du temps de travail.

Dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence, 1 % des habitants sont engagés dans le volontariat. Dans la ville que j'administrais, il n'y avait qu'un pompier professionnel.

Nous travaillerons avec la Commission européenne pour adapter l'application de la directive, sans la modifier. Les articles 17 et 22 permettent des dérogations. Nous devons les exploiter au maximum pour faire reconnaître la spécificité du volontariat dans notre pays. Aujourd'hui, il n'y a aucune menace ni de sanctions possibles sur ce sujet. Nous avons le temps de réfléchir à une solution. Je vous rassure sur ce point. Il n'y a aucune menace aujourd'hui et nous veillerons à ce qu'il n'y en ait pas demain.

Mme Françoise Cartron.  - Je vous remercie pour votre réponse. En Gironde, les pompiers volontaires jouent un rôle très important et ils sont très mobilisés. Je salue la démarche citoyenne de jeunes de moins de 16 ans qui veulent être sapeurs volontaires.

Délivrance du permis de conduire

M. Rémy Pointereau .  - Le sujet de la délivrance du permis de conduire agace de nombreux citoyens. Depuis le 6 novembre 2017, les demandes se font exclusivement en ligne pour « un gain de temps très significatif pour les usagers ». Malheureusement, ce gain s'est transformé en perte de temps à cause des nombreux bugs du site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Une personne de ma connaissance a obtenu son permis dix mois après l'avoir demandé en novembre 2017. Les réseaux sociaux sont devenus le défouloir de nos concitoyens qui perdent patience.

Certains prennent le risque d'une amende délictuelle quand ils roulent sans permis une fois la validité du feuillet temporaire caduque. Selon certains, qui conservent un brin d'humour, le plus difficile n'est plus de passer le code ou la conduite, mais de réussir la demande en ligne ! Ne faudrait-il pas conserver un service en préfecture a minima ?

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Les téléprocédures sont géniales... quand elles fonctionnent ! Il y a souvent de vrais décalages entre la théorie et le quotidien de nos concitoyens.

Nous devons veiller à leur fluidité. Les téléprocédures posent deux problèmes : la fracture numérique, tout d'abord. Plus de 300 centres ont été ouverts en France pour lutter contre l'accès insuffisant de certains de nos concitoyens au numérique. Toutes les maisons de services au public devraient en être dotées à l'avenir.

Et puis il y a la question des bugs. Plus de 4 millions de demandes en ligne ont été instruites mais, hélas, les dysfonctionnements du site de l'ANTS ont été très nombreux.

Nous avons réagi, notamment en ouvrant un numéro dédié. La création du compte ANTS a été portée de 24 heures à 7 jours afin de fluidifier les demandes. En outre, en cas de contravention, il n'y aura pas de suite si les démarches ont été effectuées - c'est bien normal si le contrevenant n'est pas responsable de sa situation.

Aujourd'hui, le traitement médian pour une inscription au permis de conduire est d'une journée et le traitement médian pour une demande de titre est de 2,7 jours. Les sous-préfets et préfets doivent veiller au perfectionnement du dispositif.

M. Rémy Pointereau.  - Merci pour votre réponse qui va dans le bon sens, mais rien ne vaut le contact physique.

La dématérialisation peut parfois être utile mais nous devons tous être égaux à l'égard du numérique. Hélas, ce n'est pas le cas de tous les territoires...

Contrats de travail à temps partiel et étudiants

Mme Catherine Procaccia .  - Aux termes de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi, tous les contrats de travail à temps partiel conclus depuis le 1er juillet 2014 doivent prévoir une durée minimale d'activité d'au moins vingt-quatre heures par semaine.

Une dérogation spécifique pour les étudiants âgés de moins de 26 ans est toutefois prévue afin que cette durée de travail soit compatible avec leurs études : vingt-quatre heures représentent trois jours et demi de travail par semaine. L'objectif était d'améliorer le niveau de vie des étudiants tout en leur permettant de poursuivre leurs études.

Certaines entreprises ou collectivités ont cependant aligné le temps minimal pour embaucher un étudiant à la durée d'un mi-temps dérogatoire, soit dix-sept heures trente, soit deux jours et demi de travail par semaine, ce qui paraît difficilement compatible avec une scolarité sereine et contradictoire avec l'esprit de la loi.

Je souhaiterais savoir si la fixation d'une durée minimale excédant la journée ou les deux jours de travail est conforme à la loi.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - L'obligation qu'ont certains étudiants de travailler constitue déjà une inégalité de fait : les résultats universitaires en témoignent. La loi prévoit une discussion par branche pour définir la durée minimale du temps partiel. Les partenaires sociaux définissent donc les durées de travail minimales applicables à chaque branche, d'où une grande diversité. S'il n'y a pas d'accord de branche, la règle des vingt-quatre heures s'applique.

Une dérogation de principe est prévue pour les étudiants : l'article L. 3123-7 dit qu'une durée de travail inférieure à la durée minimale applicable, compatible avec ses études, est fixée de droit, à sa demande, au bénéfice du salarié âgé de moins de 26 ans poursuivant ses études. Il suffit donc d'un accord conventionnel entre l'employeur et l'étudiant pour considérer que neuf heures est un bon temps de travail.

La règle de dix-sept heures trente de travail hebdomadaire ne respecte donc pas la dimension conventionnelle de la discussion qu'il doit y avoir entre l'employeur et le salarié. La liberté des entreprises et des collectivités locales est donc totale.

Mme Catherine Procaccia.  - Votre réponse est claire. Hélas, il n'existe souvent pas d'accords entre les entreprises et les étudiants. Mais cette réponse, qui sera publiée au Journal officiel, pourra servir aux entreprises et collectivités.

Nomenclature des appareils orthopédiques

M. Yannick Vaugrenard .  - En mai 2016, l'Union Française des orthoprothésistes (UFO) a lancé une mission d'audit sur le système réglementaire du grand appareillage orthopédique (GAO). Les conclusions de cet audit, paru en juin 2017, présente le GAO comme un secteur à part dans les dispositifs médicaux pour la prise en charge du handicap lourd. Il présente en effet un large spectre de fonctions pour une pluralité de pathologies, avec des parcours de soins pluridisciplinaires. Le GAO est également fortement encadré puisque la prise en charge relève quasi exclusivement de la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance-maladie, avec l'obligation d'une entente préalable à l'obtention de l'appareillage.

Dans ce contexte, l'audit relève que le système réglementaire encadrant le GAO est parvenu à ses limites : il est obsolète pour les professionnels et les projets de vie des patients. Ce système de prise en charge ne permet plus de répondre aux besoins de l'ensemble des parties prenantes.

Ce constat a été confirmé lors du Congrès annuel de l'UFO en juin 2017. La refonte de la nomenclature est donc indispensable, afin de mettre en place un outil de prise en charge médicalisé et évolutif qui comprendrait à la fois la prescription médicale, la méthodologie tarifaire et le processus d'inscription. Les professionnels ont approuvé la proposition de réaliser la refonte de la nomenclature en quatre étapes. Tout d'abord, une redéfinition de la nomenclature pour créer un guide à la prescription en fonction du projet de vie du patient. Ensuite, la fixation d'une nouvelle grille tarifaire ; la définition d'un modèle dynamique de réactualisation des lignes afin de pérenniser l'équité de la nomenclature et, enfin, la redéfinition du processus d'inscription des innovations pour l'adapter aux caractéristiques du GAO et aux besoins de compensation du handicap.

Le Gouvernement envisage-t-il la refonte de la nomenclature des appareils orthopédiques et selon quel calendrier et quelles modalités, notamment concernant la prise en charge des patients ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Les nomenclatures régissant la prise en charge des dispositifs médicaux sont particulièrement importantes : elles définissent les produits qui peuvent être pris en charge, les conditions de prescription, les modalités de délivrance.

Bien définir ces nomenclatures permet des soins de qualité, et favorise la pertinence des prises en charge.

Dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », le Gouvernement a demandé que les nomenclatures de la liste des produits et prestations fassent toutes l'objet d'une revue d'ici 2022, pour vérifier si elle était toujours à jour, ou si des évolutions étaient nécessaires.

L'année 2018 a été marquée par la révision de deux nomenclatures d'importance, celle relative à l'optique, et celle relative aux aides auditives, dans le cadre des travaux du « 100% santé » permettant de disposer d'éléments de qualité sans reste à charge.

En 2019, plusieurs nomenclatures font l'objet de travaux : celle relative aux « perruques » devrait aboutir dans les prochaines semaines, mais nous travaillons également à des révisions importantes concernant « les implants du rachis », « les dispositifs de l'incontinence urinaire et fécale », ou encore « les implants d'embolisation ».

S'agissant du grand appareillage orthopédique, l'enjeu principal à court terme est de disposer d'informations plus précises sur les produits qui font actuellement l'objet d'un remboursement. Ce champ est en effet l'un des derniers secteurs de la liste des produits et prestations où l'on ne dispose pas d'un codage numérique, ce qui ne permet pas d'avoir un suivi fin de la dépense.

Nous allons donc mettre en place un codage numérique dans les semaines à venir pour le grand appareillage orthopédique. Ce sera seulement après avoir à disposition des données plus fines de remboursement que nous pourrons mieux analyser les conditions de prise en charge actuelles, et voir si elles doivent évoluer.

M. Yannick Vaugrenard.  - J'espère que votre réponse donnera satisfaction à l'Union française des orthoprothésistes et que le codage numérique sera rapidement réalisé.

Situation du centre hospitalier de Niort

M. Philippe Mouiller .  - Le centre hospitalier de Niort sort d'un long conflit social dû aux manques de moyens et de personnels, notamment au sein de son service de psychiatrie. Ce service connaît une situation très difficile sur le plan humain, mais également en ce qui concerne les locaux d'hospitalisation, accueillant les patients les plus fragiles.

L'efficacité des projets qui y sont développés est aujourd'hui compromise alors même que la psychiatrie et la santé mentale sont élevées au rang de priorité dans le cadre du plan national « Ma santé 2022 ».

Les difficultés rencontrées par l'hôpital de Niort témoignent de l'inégalité constatée entre les territoires étant donné qu'il dispose comparativement de moins de moyens financiers pour son bon fonctionnement.

Face à cette situation, de nombreux acteurs se sont mobilisés que ce soient Jérôme Baloge, maire de Niort et président du Conseil de Surveillance, la direction, les élus locaux et bien entendu le personnel de l'établissement.

Des annonces récentes viennent d'être faites concernant de nouveaux moyens alloués. Ainsi, fin 2018, une enveloppe de 759 000 euros a été restituée, au titre des crédits dégelés. Or même si on peut saluer l'apport en trésorerie de cette somme, comptablement, elle n'a aucune incidence dans ses comptes. En effet, il ne s'agit aucunement de moyens nouveaux mais de la restitution du budget préempté en début 2018, comme chaque année et qui représente 0,7 % des tarifs de la T2A.

De plus, concernant la psychiatrie, le Gouvernement a décidé d'attribuer une enveloppe nationale de 50 millions. Sur cette enveloppe, 91 000 euros ont été délégués pour Niort, en nouveaux fonds pérennes annuels. Cette somme semble ne pas être à la hauteur des besoins nécessaires au bon fonctionnement de ce service.

Comment imaginer l'avenir dans de telles conditions ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La situation de la démographie médicale et soignante en Deux-Sèvres a été compliquée, mais le conflit social au centre hospitalier est aujourd'hui en phase d'extinction, grâce à un dialogue social de qualité conduit par la direction de l'établissement depuis septembre 2018. Ce dialogue a permis d'aboutir à la signature d'un protocole de fin de conflit partagé par trois organisations syndicales sur quatre. L'accord global permet de renforcer les équipes, en accélérant les recrutements infirmiers, de convenir des modalités de remplacement favorisant la qualité de vie au travail et de faciliter les passages en CDl pour le personnel paramédical.

S'agissant des moyens alloués au centre hospitalier de Niort, je vous confirme que l'établissement bénéficiera de 759 000 euros supplémentaires par rapport aux dotations attribuées en cours d'année 2018, au titre du dégel des crédits, annoncé en décembre.

Concernant la situation générale de la psychiatrie, vous connaissez notre engagement en faveur de ce secteur, qui s'est traduit dès la fin de 2018 par l'octroi de moyens financiers pérennes supplémentaires à hauteur de 50 millions dont 91 000 euros pour le centre hospitalier de Niort.

Notre feuille de route sur la santé mentale et la psychiatrie vise l'amélioration des conditions de vie, l'inclusion sociale et l'amélioration de l'accès aux soins et aux accompagnements. Nous favorisons une approche transversale de la politique de santé mentale. Le centre hospitalier de Niort dispose d'atouts importants pour s'approprier ces orientations et y contribuer par ses actions.

M. Philippe Mouiller.  - Vous venez de confirmer les chiffres dont je disposais. La direction de l'hôpital a négocié efficacement pour sortir du conflit, mais les moyens alloués ne sont pas à la hauteur des enjeux. Partout en France, les professionnels de la psychiatrie sont dans la rue pour réclamer plus de moyens. La copie doit être revue.

Déclinaison des mesures d'urgence du plan «Ma santé 2022 »

M. Bernard Delcros .  - Comme élu du Cantal, je mesure le décrochage de certains territoires en matière d'offre de soins, tant pour l'accès aux généralistes qu'aux spécialistes. Les délais de rendez-vous peuvent atteindre un an !

Je salue le plan « Ma santé 2022 » qui peut apporter des réponses. Mais plusieurs de ces mesures ne porteront leurs fruits que progressivement. Ainsi, la suppression du numerus clausus demandera une décennie pour en mesurer les effets concrets sur le terrain. Or certains territoires connaissent des situations d'urgence qui appellent des réponses d'urgence.

Deux dispositions pourraient améliorer la situation : la création de 4 000 postes d'assistants médicaux et le déploiement de 400 médecins généralistes salariés dans les territoires prioritaires.

Ces professionnels salariés pourront-ils exercer dans les maisons pluri-professionnelles de santé ? L'État assurera-t-il le financement de ces postes dans ces structures, notamment dans les territoires ruraux, en raison des faibles moyens des collectivités ? Il faut éviter que ces territoires soient soumis au régime de la double peine : une offre de soins réduite et la nécessité pour la conserver de financer des emplois de professionnels de santé salariés.

Enfin, quel sera le calendrier de mise en oeuvre de ces mesures ? Dans le Cantal, plusieurs territoires sont confrontés à la désertification médicale et atteignent le point de rupture.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement partage vos préoccupations.

Dans votre département, le nouveau zonage du 26 avril 2018 classe le Cantal en zones d'intervention prioritaire et des actions complémentaires doivent permettre de mobiliser tous les dispositifs incitatifs individuels et collectifs disponibles. Des mesures volontaristes sont menées sur le département afin de contribuer au maintien de l'offre de soins au travers notamment des Contrats locaux de santé (CLS). Le contrat signé le 24 avril 2018 entre l'Agence régionale de santé (ARS) et les communautés de communes Hautes Terres Communauté et Saint-Flour Communauté constitue l'illustration des démarches partenariales nécessaires pour améliorer l'attractivité des territoires. Le prochain projet de loi sera la première pierre aux restructurations des soins de proximité et à la constitution d'un collectif de soins. Des ponts et des outils de coopération seront facilités entre hôpital, ville et secteur médico-social.

L'exercice coordonné a vocation à se développer, la gradation des soins à être clarifiée et assumée, pour fluidifier le parcours des patients et améliorer la qualité, la sécurité et la pertinence des soins.

Concernant le projet de 400 médecins généralistes à exercice partagé, l'objectif est de concrétiser l'engagement présidentiel par le biais de deux dispositifs distincts : le déploiement de postes d'assistants à temps partagé ville/hôpital en médecine générale et le soutien à la création de postes salariés dans les zones sous-denses, dont le Cantal fait partie. Des actions d'information à l'attention des établissements de santé ont été réalisées afin de recueillir des candidatures potentielles.

M. Bernard Delcros.  - Il y a urgence à apporter des réponses. L'offre de soins est le premier critère d'attractivité mais aussi d'abandon des territoires. Dans le Cantal, nous sommes au bord de la rupture.

Chlordécone et cancer de la prostate aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - Lors de sa visite aux Antilles fin septembre 2018, le président de la République a reconnu la pollution des sols de Martinique et de Guadeloupe par le chlordécone comme un « scandale environnemental » dont l'État devait assumer une part de responsabilité.

Le chlordécone n'a été interdit en France que tardivement, quinze ans après les alertes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), alors que des centaines de tonnes de cette substance avaient été déversées sur les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Les travailleurs de ces bananeraies ont été surexposés à la molécule et, à travers la consommation de produits maraîchers, une grande partie de la population a été largement contaminée. Le chlordécone fait donc peser un risque sanitaire grave sur les citoyens d'outre-mer pour plusieurs centaines d'années.

Le 27 septembre 2018, le président de la République a annoncé l'ouverture d'une procédure de reconnaissance de l'exposition au chlordécone comme maladie professionnelle. Nous saluons cette initiative. Demeure la question du cancer de la prostate, dont le taux d'incidence annuel en Martinique atteint 227 cas sur 100 000 hommes et celui de Guadeloupe étant d'un niveau proche. Or les études sont encore trop peu nombreuses sur le lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate.

L'étude confiée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur le lien entre l'exposition au chlordécone et les pathologies constatées, qui constituera la base de leur reconnaissance comme maladies professionnelles, concernera-t-elle le cancer de la prostate ? Sinon, le Gouvernement lancera-t-il un appel à projets pour qu'une étude soit menée sur ce record malheureux ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le ministère chargé de la Santé copilote avec le ministère des Outre-mer, et en lien avec les ministères de l'Agriculture, de l'Environnement, de l'Économie et de la Recherche, le plan chlordécone 3. Le ministère de la Santé a contribué au financement d'une étude sur le cancer de la prostate réalisée par l'lnserm au cours de la période 2004-2007 en Guadeloupe. Cette étude était destinée à identifier les facteurs de risque environnementaux et génétiques de survenue du cancer de la prostate. Il s'agissait également d'étudier le lien éventuel entre l'exposition au chlordécone et le risque de survenue de ce cancer. Ses conclusions, publiées en 2010, ont montré la survenue du cancer de la prostate plus élevé chez les hommes dont la concentration en chlordécone dans le sang est la plus forte. Cette probabilité est influencée par l'âge, le patrimoine génétique, les habitudes alimentaires et les habitudes de vie des hommes exposés.

L'étude de cohorte KP Caraïbes, également cofinancée par le ministère de la Santé, est actuellement menée par l'lnserm afin d'évaluer en Guadeloupe, et si possible en Martinique, l'impact des expositions au chlordécone dans l'évolution du cancer de la prostate.

En outre, l'institut national du Cancer a été saisi par le ministère de la Santé en avril 2018 pour mettre en place une étude pour répondre à la question du lien entre exposition au chlordécone et survenue d'un cancer de la prostate, et d'organiser le lancement d'un appel à projet. L'INCa a réuni un comité d'experts internationaux sur cette question. L'Institut a rendu ses propositions au ministère en décembre 2018 sur la construction d'un programme de recherche interdisciplinaire sur le sujet, incluant une étude cas-témoins. La proposition est en cours d'analyse avec le ministère chargé de la recherche. Un appel à projet sera donc lancé au cours du premier semestre 2019.

S'agissant des travaux sur la reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec le cancer de la prostate et l'exposition aux pesticides, en particulier au chlordécone, le ministère de la Santé a saisi l'lnserm et l'Anses, respectivement le 24 avril et le 26 novembre 2018. Ces travaux d'expertise, qui seront rendus au cours du premier semestre 2019, seront versés à l'instruction des commissions en charge de la création des tableaux de maladies. À l'issue des travaux menés dans le cadre de ces instances, tout nouveau tableau de maladie professionnelle doit faire l'objet d'un décret du ministère de la Santé pour le régime général et d'un décret du ministère de l'Agriculture pour le régime agricole. Aussi, il convient d'attendre la fin du second semestre 2019 pour voir aboutir la procédure.

M. Dominique Théophile.  - Les études sont donc lancées. Nous suivrons leurs résultats avec attention.

Pénurie de médecins pour l'établissement de certificats de décès

Mme Martine Filleul .  - La pénurie de médecins pour l'établissement de certificats de décès est une conséquence souvent ignorée des déserts médicaux et des zones médicales tendues. Dans certains départements, comme celui du Nord, à la perte d'un proche, les familles doivent parfois attendre de longues heures avant qu'un médecin n'arrive au domicile pour établir le certificat de décès, faute de médecins disponibles.

Ce certificat, qui ne peut être délivré que par des médecins, constitue le document indispensable pour pouvoir confier le corps aux pompes funèbres. Autrefois, son établissement incombait au médecin d'état civil. Mais avec la disparition de cette profession au début des années 2000, elle a été transférée aux libéraux.

Or, sur certains territoires, ceux qui acceptent d'assurer cette mission se font rares. Sans rémunération en dehors des heures de permanence de soins, ni indemnisation des frais de déplacement, cette mission repose souvent sur la générosité et le bon vouloir des médecins traitants. Dans certains cas, les services de police n'ont d'autre choix que de réquisitionner des médecins pendant leurs consultations.

Cette situation ubuesque inflige aux familles des défunts une double peine : celle de la perte d'un être cher, à laquelle vient s'ajouter celle de circonstances inhumaines voire traumatisantes.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de mettre fin à ces situations ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le certificat de décès est un document médical. Le médecin doit indiquer les maladies ou affections morbides ayant directement provoqué le décès ainsi que les autres états morbides, facteurs ou états physiologiques ayant contribué au décès. Il peut aussi demander des investigations en cas de mort suspecte. Ainsi, la certification du décès est un processus légal par lequel sont attestés par écrit le fait, la cause et les circonstances du décès d'une personne.

C'est pourquoi il n'est pas prévu de déléguer cet acte à d'autres professionnels de santé non médicaux, telles les infirmières. Toutefois, pour faire face aux difficultés rencontrées, d'autres solutions ont été recherchées pour faire établir un certificat de décès à domicile en zones sous-dotées en médecins.

Une mesure de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 permet ainsi de valoriser la prise en charge de l'examen médical nécessaire à l'établissement du certificat de décès. L'examen nécessaire à l'établissement du certificat de décès au domicile du patient réalisé par le médecin est ainsi rémunéré par un forfait de 100 euros lorsqu'il est réalisé en période de faible disponibilité médicale : la nuit, le week-end ou les jours fériés. Cette rémunération de 100 euros s'applique tous les jours et à toute heure dans les zones sous-dotées. Cette mesure financière s'inscrit dans le contexte d'amélioration de l'accès aux soins et notamment de l'accès à un médecin.

L'objectif du Gouvernement est d'augmenter la ressource en médecine générale de ville, contribuant à une meilleure prise en charge des parcours et assurant ainsi la continuité et la permanence des soins. Ces plans permettront également de renforcer la capacité de ces médecins à pouvoir répondre aux demandes des familles d'établissement d'un certificat dans le contexte douloureux du décès d'un proche.

Mme Martine Filleul.  - Les médecins ne devraient-ils pas être obligés d'assurer cette mission ?

Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés

M. Jean-Luc Fichet .  - L'exposition aux sons dans le cadre des concerts et des festivals représentent un enjeu extrêmement important en matière de santé publique. Vous avez récemment souhaité contribuer à répondre à cet enjeu légitime en cosignant le décret du 7 août 2017, relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés. Ce décret a bouleversé la réglementation sonore applicable aux concerts et festivals ainsi qu'aux établissements diffusant de la musique amplifiée.

Le Finistère et la Bretagne sont une terre de festivals, une terre de concerts et d'animations musicales rassemblant chaque année des milliers de personnes, particulièrement des jeunes. Tous les professionnels concernés ont fait part de leurs profondes inquiétudes et attendaient que des éclaircissements et des aides leur soient apportés avant la date butoir du 1er octobre 2018, date à laquelle devait être pris l'arrêté d'application. À ce jour, il n'a pas encore été publié et de nombreuses questions demeurent sur la baisse du niveau sonore et le plafond des basses fréquences. Mêmes interrogations sur l'obligation d'un repos auditif ou sur l'étude d'impact des nuisances sonores étendue au plein air ou encore sur la mise à disposition du public de protections auditives adaptées.

Ces nouvelles dispositions demandent des évolutions techniques et technologiques et impliquent la formation des personnels. L'impact financier de cette nouvelle réglementation est considérable pour un secteur dont l'économie est déjà fragile.

Enfin, certains points de la nouvelle réglementation sont encore trop flous et sujets à interprétation.

Le Gouvernement envisage-t-il une nouvelle concertation pour préciser les mesures et accorder un délai supplémentaire ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - En 2015, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une alerte de santé publique concernant l'exposition des 12-35 ans à des niveaux sonores dangereux dans des lieux de loisirs. La prévention des risques auditifs est ainsi inscrite dans la stratégie nationale de santé. Le décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés inscrit dans le droit les recommandations formulées par le Haut Conseil de la santé publique dans son avis de 2013. Ce décret prévoit que des arrêtés des ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la culture précisent les conditions de mise en oeuvre de la protection de l'audition du public, les indicateurs à prendre en compte dans le cadre des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à un niveau sonore élevé pour préserver l'environnement et les conditions de réalisation de l'étude de l'impact des nuisances sonores pour les lieux et les activités concernés.

Depuis le 1er octobre 2018, le décret s'applique. Afin d'accompagner les différents acteurs concernés par sa mise en oeuvre, un projet d'arrêté unique a été élaboré et a fait l'objet de larges consultations ainsi que de réflexions pour déterminer les moyens techniques nécessaires à mettre en oeuvre par les professionnels du secteur des spectacles vivants.

Le décret s'applique en l'état, même en l'absence de précisions particulières. À ce stade, en l'absence d'arrêté, les services des ARS et les autres agents chargés des contrôles sont appelés à tenir compte de ce que les professionnels ont besoin de temps pour s'adapter et pouvoir mettre en oeuvre certaines dispositions. En revanche, les professionnels sont censés déjà respecter les niveaux sonores à ne pas dépasser définis par le décret. Un colloque a été organisé le 5 décembre dernier par les ministères pour accompagner les professionnels et les agents chargés des contrôles.

L'arrêté sera complété par une instruction et un guide de réalisation des études de l'impact des nuisances sonores, qui révisera le guide existant de 1998.

M. Jean-Luc Fichet.  - Nul ne conteste la nécessité d'agir en la matière, mais la situation doit être précisée pour les organisateurs de festivals.

Avenir du CHU Pasteur de Nice

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur l'avenir du centre hospitalier universitaire (CHU) Pasteur de Nice.

En septembre 2018, les médecins des services d'orthopédie et de traumatologie ont cessé temporairement leur activité à cause d'une dégradation des conditions de travail - défaut de stérilisation et manque de matériel - et pour dénoncer le manque de personnel soignant, notamment d'anesthésistes, d'infirmiers et de brancardiers.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a prévu le dégel de 415 millions d'euros destinés aux établissements de santé dont devrait bénéficier le CHU Pasteur de Nice.

En actionnant ce levier financier, les établissements de santé perçoivent l'intégralité du fonds de financement qui leur est destiné en amont des besoins pour éviter le découragement des personnels hospitaliers face aux restrictions budgétaires.

Outre ce budget national, la métropole Nice-Côte-d'Azur a adopté à l'unanimité, une motion visant à soutenir le CHU et à proposer à Mme la ministre de la Santé d'engager un dialogue conjoint avec la métropole et l'ARS pour établir une feuille de route qui permettra aux équipes du CHU de Nice, de retrouver, sans tarder, un niveau de soins le plus optimal pour tous les patients.

Quels sont les montants fléchés au CHU Pasteur de Nice suite au dégel des 415 millions d'euros dans le cadre du PLFSS pour 2019 ? Quelle a été la réponse du Gouvernement à la motion de la métropole ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le directeur général du CHU de Nice a engagé un audit sur le fonctionnement de l'ensemble des blocs opératoires. Une mission a été confiée à un praticien de l'établissement afin de réorganiser les activités anesthésiques.

L'ARS de la région PACA a conduit une mission qui a confirmé la réalité des tensions ; le CHU est engagé dans un plan de modernisation, accompagné par un cabinet spécialisé, soutenu par l'ARS PACA.

En effet, le CHU de Nice est l'établissement socle de l'organisation régionale des soins et de leur enseignement. Le financement alloué par l'État en 2018 s'est établi à 143 millions d'euros. Cette modernisation lui permettra de fonctionner, d'autant que 5,8 millions d'euros ont été alloués sur marge régionale pour des investissements et transformations. Tous les crédits - 1,674 million d'euros - ont été en outre dégelés. La dotation du CHU est proportionnelle à son activité.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il était important, après la crise de septembre 2018, que nous ayons, de votre bouche, la confirmation du dégel des crédits. Le CHU de Nice est un pôle médical et économique très important. Les patients doivent retrouver cette offre de soins.

Suivi médical des anciens salariés de la Saft-Arts Energy

Mme Nicole Bonnefoy .  - Les anciens salariés, aujourd'hui retraités, de l'usine Saft-Arts Energy de Nersac en Charente, ont des difficultés à obtenir de la caisse primaire d'assurance-maladie un suivi post-professionnel de leur état de santé, alors qu'ils ont été exposés voire surexposés, pendant de nombreuses années, dans le cadre de leur profession, au cadmium et à ses composés.

Le cadmium est considéré comme cancérogène certain pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Les cancers associés sont ceux des voies respiratoires, notamment du poumon. Le cadmium est également suspecté d'être à l'origine de cancers de la prostate et du rein. Le suivi de ces travailleurs et retraités est donc important pour la recherche médicale, pour la reconnaissance des maladies professionnelles, pour la recherche médicale, pour l'évolution du tableau des maladies professionnelles, mais aussi pour établir des responsabilités.

Pourquoi n'y a-t-il pas de suivi systématique pour ces travailleurs exposés pendant parfois trente ans de leur vie ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Les anciens salariés de cette entreprise peuvent, sur simple demande à leur caisse primaire d'assurance-maladie, obtenir un suivi médical post-professionnel. Or seuls deux d'entre eux l'ont fait.

Dans le cas où l'assuré ne peut fournir l'attestation d'exposition remplie par son employeur, c'est l'assurance-maladie qui vérifie l'exposition avant de proposer un suivi adapté.

Pour le cadmium, il y a un protocole national, le médecin traitant doit orienter son patient vers un médecin du travail ou un centre spécialisé en pathologie professionnelle, qui peut prescrire des examens cliniques biannuels ayant pour cible le foie et les reins, où le cadmium s'accumule surtout.

En 2018, le médecin-conseil de l'assurance-maladie peut prescrire en plus des tests urinaires, des scanners et des radios des os. Entre 2013 et 2017, Cinq anciens broncho-pulmonaires liés au cadmium ont ainsi été reconnus et pris en charge par l'assurance-maladie, sur 8 896 cancers professionnels indemnisés.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Vous décrivez ce qui est possible. Malheureusement, la réalité est différente. Un retraité depuis quatre ans m'a dit que son taux de cadmium était supérieur à cinq fois la norme. J'ai dû intervenir, mais le médecin du travail ne savait pas ce qu'il devait faire. Merci au ministère de la Santé de faire en sorte que les choses se passent comme vous le dites.

Inondations dans l'Aude

M. Roland Courteau .  - De terribles inondations ont plongé l'Aude, en octobre 2018, dans une sorte de chaos. Le ministre de l'Intérieur, qui a constaté sur place les dégâts, m'a fait part de sa volonté, « là où le malheur passe, de reconstruire de la fierté et de l'attachement territorial ». Il y a tant de bâtiments et d'équipements, privés, publics, à reconstruire !

Or le fonds Barnier a vocation à être mis en oeuvre pour les acquisitions de biens immobiliers, dans deux hypothèses : soit pour des biens sinistrés, soit pour des biens gravement exposés.

Dès lors, les maires des communes sinistrées souhaitent que les procédures de démolition et de reconstruction des biens privés ou publics soient engagées très rapidement grâce à ce fonds.

L'enveloppe dédiée permettra-t-elle que les opérations de démolition-reconstruction puissent être ainsi engagées le plus vite possible ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - M. Castaner m'a chargé de vous répondre. Il souhaite saluer l'engagement des maires des communes sinistrées et des services publics. Les services de l'État, pilotés par le préfet de l'Aude, sont pleinement mobilisés. Après le relogement d'urgence, vient le temps du relogement définitif. De telles précipitations pourraient se reproduire ; l'occupation du territoire doit donc être repensée. Certains sinistrés ne pourront donc pas retrouver leurs biens. Ceux qui ont été sinistrés à plus de 50 % sont indemnisés. Le financement des expropriations est également possible, les cessions amiables et les expropriations n'étant pas limitées en montant.

M. Roland Courteau.  - Le préfet et les services de l'État, les associations et les collectivités territoriales font ce qu'il faut. L'association Aude Solidarité fait face aux situations de grande détresse sociale.

Nous attendons que la phase à la charge du fonds Barnier commence.

Pôle public d'éradication de l'amiante

M. Philippe Madrelle .  - Je soutiens le projet de création d'un pôle public d'éradication de l'amiante déposé par la coordination des associations de victimes de l'amiante et des maladies professionnelles. Malgré l'interdiction de fabrication et de commercialisation de l'amiante depuis 1997 et en dépit d'une évolution législative et réglementaire, les risques de contamination professionnelle ou environnementale consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante sont toujours aussi présents ; 20 millions de tonnes d'amiante subsistent en France et 100 000 décès sont prévus d'ici à 2050.

Trop souvent, les chantiers de désamiantage répondent à une logique de rentabilité.

Deux filières existent, mais un pôle public porté par une structure indépendante s'inscrivant dans un projet de développement respectueux de l'environnement ne serait-il pas préférable ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - François de Rugy m'a chargée de vous répondre. La commission des affaires sociales du Sénat a préconisé dans son rapport n°668 de juillet 2014 une telle structure interministérielle pour assurer la coordination des actions de lutte contre l'amiante. Le plan d'action interministériel pour améliorer la prévention des risques liés à l'amiante, mis en place en décembre 2015 pour trois ans, décline la politique du Gouvernement pour améliorer la profession, accompagner la mise en oeuvre de la réglementation et mettre en place des outils de communication, de suivi et une évaluation.

Ce plan, axé sur le bâtiment, améliore la prévention des risques. La durée limitée dans le temps de ce plan a conduit à solliciter une mission d'évaluation qui formulera des recommandations au cours de 2019.

M. Philippe Madrelle.  - Madame la ministre, ce pôle public est très attendu par les associations de victimes de l'amiante.

Exploitation des carrières de Vingrau

M. François Calvet .  - La cour administrative d'appel de Marseille, en date du 14 septembre 2018, a rejeté les recours déposés par le ministère de l'Environnement et la société « La Provençale », le 3 mai 2016, à la suite du jugement du tribunal administratif de Montpellier, annulant un arrêté préfectoral, du 3 février 2015, d'autorisation d'exploitation de la carrière de marbre blanc à Vingrau et Tautavel, basée dans les Pyrénées-Orientales.

Pourtant, conformément aux dispositions du c du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'arrêté précité répondait parfaitement aux exigences environnementales : impact paysager, mesures compensatoires. En octobre 2013, une étude d'impact sur l'environnement avait d'ailleurs été déclarée recevable par la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). D'autre part, il y avait un intérêt public majeur : création et développement d'emplois.

La Fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (Frene66) se borne, dans son recours en annulation, à déclarer que la raison impérative d'intérêt public majeur n'était pas fondée, sans donner d'arguments et sans détailler en quoi l'exploitation de ladite carrière ne répondait pas aux critères de dérogation susvisés. Elle ne détaille en rien les espèces qui seraient touchées par l'exploitation de la carrière.

Or la particularité de cette carrière n'est plus à démontrer, notamment par la qualité exceptionnelle de son marbre blanc très pur nécessitant un savoir-faire spécifique. Surtout, l'importance économique de l'usine d'Espira de l'Agly, portée par la société familiale « La Provençale » a permis le développement de plus de quatre-vingts emplois stables dans un département fortement touché par le chômage et le manque d'activité industrielle.

La cessation de l'exploitation de cette carrière constituerait un mauvais signal et aggraverait la précarité économique de cette région.

En conséquence, le ministère est-il prêt à poursuivre devant le Conseil d'État la défense de l'exploitation de la carrière de Vingrau, comme l'avait fait en 2016, Mme Royal, et conforter ainsi en l'espèce l'existence réelle et impérative d'un intérêt public majeur ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - François de Rugy m'a chargée de vous répondre.

Par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 mars 2014, la société Provence SA a été autorisée à reprendre et étendre l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de roches massives, sur les territoires communaux de Tautavel et Vingrau. La cour administrative d'appel de Marseille a jugé que la dérogation accordée en raison des atteintes aux habitats ou spécimens d'espèces protégées, ne pouvait répondre à l'un des motifs énoncés à l'article L.411-2 du code de l'environnement, justifiant une raison d'intérêt public majeur.

Or le ministère considère que l'exploitation de la carrière répond bien à un intérêt public majeur. Le ministre d'État a donc formé un pourvoi en cassation contre la décision de la cour administrative d'appel de Marseille.

Projet de plateforme multimodale sur la Lys

M. Marc-Philippe Daubresse .  - La métropole de Lille s'est fortement engagée dans la préservation de l'environnement. J'ai coordonné les travaux du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'arrondissement de Lille, concernant 1,2 million d'habitants, protégeant la biodiversité et prévenant les risques d'inondation, notamment sur les rives frontalières de la Lys.

Beaucoup de temps et d'argent ont été consacrés à cette mission. Or le maire de la commune riveraine de Deûlémont m'a saisi, affolé, des projets démesurés de plateforme portuaire, dont l'autorisation dépend de la région wallonne, qui détruiraient les aménagements protecteurs réalisés du côté français et augmenteraient les rejets polluants.

Des démarches ont été entreprises auprès des autorités belges, sans succès. Le préfet du Nord a émis un avis défavorable à ces projets. S'ils devaient aboutir, le Fonds européen de développement régional (Feder) risquerait de financer à la fois la protection de l'environnement et des zones humides du côté français, et une plateforme portuaire totalement incompatible, à quelques dizaines de mètres, du côté belge ! C'est ubuesque...

Madame la ministre, pouvez-vous mettre un coup d'arrêt à ce projet qui mettrait à mal des années de coopération transfrontalière dans le domaine de l'environnement ainsi que le plan de prévention des inondations que Lille métropole est en train de mettre en place ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Mme Emmanuelle Wargon m'a chargée de vous répondre. Le ministère de la Transition écologique est mobilisé sur ce sujet qui fait l'objet de contacts réguliers avec les autorités belges.

Cette plateforme aurait en effet un impact regrettable sur une zone humide. Une enquête publique transfrontalière a été menée à Frelinghien, Comines-Warneton et Deûlémont.

Vu la forte opposition citoyenne relayée par les conseils municipaux, la France a émis un avis défavorable transmis aux autorités belges. L'État a élaboré un guide de coopération transfrontalière.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Merci d'avoir réaffirmé la position de la France. Mme Wargon pourrait se rendre à la prochaine réunion du district européen transfrontalier.

Retards de remboursement des primes à la conversion et bonus écologiques

M. Stéphane Piednoir .  - Les retards de remboursement des primes à la conversion et bonus écologiques ont des conséquences regrettables pour les professionnels du secteur de l'automobile qui les avancent à hauteur de 80 millions d'euros !

Certaines entreprises avancent 10 millions d'euros pendant plusieurs mois - c'est beaucoup trop.

Par ailleurs, les centres de destruction agréés sont congestionnés. Or le certificat de destruction et indispensable.

Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il pour ne pas mettre en péril le secteur de l'automobile ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Voici ce que M. de Rugy me demande de vous répondre. En 2029, le Gouvernement a doublé la prime de remplacement pour les plus modestes. À l'automne, un retard de paiement a été constaté, car 300 000 demandes ont été déposées, alors qu'on n'en prévoyait que 100 000.

Avec 70 000 dossiers payés en décembre, le délai a été ramené à un mois et demi fin décembre 2018. Si des centres agréés de destruction ont pu être congestionnés, cela est localisé.

Il revient aux constructeurs automobiles de revoir leurs dispositifs locaux.

M. Stéphane Piednoir.  - Merci de votre réponse. Sur les centres de destruction peut-être faut-il augmenter le nombre d'agréments ?

Liaisons ferroviaires et région Occitanie

Mme Viviane Artigalas .  - Le rapport relatif à l'avenir du transport ferroviaire, remis le 15 février 2018, sur l'avenir des petites lignes du train express régional (TER) et le développement du train à grande vitesse (TGV) en région Occitanie a beaucoup inquiété les élus locaux.

La région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée est l'une des régions les plus dynamiques au niveau national, et paradoxalement l'une des plus enclavées, en raison de l'inachèvement des projets nationaux de ligne à grande vitesse (LGV). Le raccordement de la quatrième ville de France au réseau TGV permettrait de déployer de nouveaux trains dans les zones saturées et de maintenir des trains du quotidien dans les zones plus rurales pour organiser les mobilités des habitants de ce territoire.

Il faut une politique ambitieuse de développement des transports publics et d'investissement, mais aussi un soutien au covoiturage. Il faut entretenir et réorganiser les réseaux de transports afin de rendre la vie plus simple, désenclaver et rétablir l'égalité entre les territoires.

On ne peut non plus imposer une fiscalité verte sans accompagnement juste et logique. Décentralisez davantage ces compétences de transport, en lien avec les collectivités territoriales.

La prochaine loi d'orientation sur les mobilités devra faciliter les déplacements du quotidien des Français. Quels sont les projets d'infrastructures du Gouvernement en Occitanie ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Il n'est pas question d'abandonner les petites lignes. J'ai confié au préfet François Philizot une mission pour identifier les différentes solutions pour pérenniser les dessertes fines du territoire.

Les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Béziers représentent des investissements de plusieurs milliards d'euros.

Nous commencerons par la désaturation des noeuds ferroviaires de Bordeaux et de Toulouse au profit des transports du quotidien.

Mme Viviane Artigalas.  - Nous avons les mêmes préoccupations. Nous devons trouver ensemble des réponses pour l'accessibilité de nos grandes villes.

Conséquences du changement de statut de l'école française André Malraux de Saint-Pétersbourg

M. Jean-Yves Leconte .  - Quelles conséquences aura pour l'école André Malraux de Saint-Pétersbourg et ses élèves son transfert de propriété, tel que prévu par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ? En effet, lors de son conseil d'administration du 28 juin 2018, ses membres se sont vus signifier, en réponse à une question, une décision administrative de transfert de propriété de l'activité scolaire exercée par l'AEFE. Alors que celle-ci appartenait à l'établissement en gestion directe de Moscou, cette transmission à un opérateur privé sans la moindre transparence est contestable et sans garantie pour les familles.

La situation financière de l'école a été progressivement dégradée par une gestion et une stratégie inadaptées. Présentée comme coûteuse, l'école serait cédée à un opérateur privé, avec une partie de ses recrutés locaux. Cette décision étant prise, l'AEFE a continué à assumer les coûts de fonctionnement durant l'été 2018 sur son budget. Cette façon de procéder impose de questionner le ministre sur les points suivants : la société de droit russe à qui a bénéficié le transfert est détenue par une personne autre que celle indiquée aux parents d'élèves par le conseiller culturel : celle-ci est présentée comme un « prête-nom », ce qui serait justifié par notre ambassade comme une pratique locale courante ; les licences demandées par cette société aux autorités russes pour continuer l'activité de l'école ne correspondent pas au programme d'enseignement présenté aux parents d'élèves et la base sur laquelle les détachements de titulaires de l'éducation nationale ont été mis en place dans la nouvelle structure pose problème quant à sa capacité d'offrir un statut légal répondant aux exigences du droit russe pour ces personnels. Pourquoi, pour l'AEFE, n'y a-t-il pas eu de transmission d'une école publique à une structure privée, mais juste la cession de quelques actifs mobiliers préalablement dévalorisés ? Si ce point de vue était retenu, pourquoi l'homologation de l'école à la rentrée scolaire de septembre 2019 ?

Éviter de prendre les précautions nécessaires au regard du droit russe peut engendrer de réelles difficultés aux conséquences potentiellement lourdes, y compris à Moscou. Que prévoit le Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Jean-Yves Le Drian m'a chargé de vous répondre. Malgré la volonté du Gouvernement de conserver une structure d'enseignement à Saint-Pétersbourg, il n'était plus possible de le faire en gestion directe depuis Moscou.

Le transfert a été fait en respect de toutes les législations.

Seul le transfert du bail a retardé le projet, notamment en raison des actions répétées de certains compatriotes hostiles à cette modification.

Soyez assurés de l'engagement de notre ambassade à Moscou et de l'AEFE sur ce dossier.

Retraite des vétérinaires sanitaires

Mme Nadia Sollogoub .  - J'attire l'attention de M. le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation sur le problème de la retraite des vétérinaires sanitaires. Ces professionnels de la santé animale ont effectué à la demande de l'État, avant 1990, sous mandat sanitaire, des prophylaxies collectives pour enrayer les épidémies qui menaçaient les élevages français. Pour autant, l'État n'a pas à l'époque versé les cotisations sociales correspondant aux salaires concernés qui leur auraient ouvert des droits de protection sociale et à une retraite. La décision du Conseil d'État du 14 novembre 2011 a enjoint à l'État de régulariser la situation. Il a en conséquence mis en place une procédure harmonisée de traitement des 1 600 demandes d'indemnisation. Cette procédure ministérielle transactionnelle d'indemnisation des vétérinaires sanitaires, telle que lancée en 2012, a normalement pris fin le 15 mai 2018. Environ mille praticiens ont vu leur situation régularisée. Or il apparaît que tous les cas pendants n'ont pas été réglés.

À l'heure où la profession agricole va mal, la régularisation de ce dossier serait un signal fort.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci de votre question. L'ensemble des dossiers des ayants droit se voit proposer une transaction amiable. Le Gouvernement a régularisé 1 063 dossiers dont la totalité des retraités, 246 ont été traités l'année dernière.

D'autres sont en cours d'instruction et seront réglés prochainement : des crédits suffisants ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2019.

Mais certains dossiers présentent des problèmes d'éligibilité au regard notamment de la règle quatriennale.

Le 27 juillet 2016, le Conseil d'État a décliné la disposition législative de 1968 : les vétérinaires sanitaires souffrant de sévères difficultés financières pourraient bénéficier de mesures exceptionnelles, pour garantir l'égalité devant la loi.

Mme Nadia Sollogoub.  - Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur ce terrain. Mais certains vétérinaires retraités ne se sont pas interrogés sur le cadre de leur activité, ignorant qu'ils avaient droit à un salaire - certains étaient même rémunérés en « notes d'honoraires ».... Je vous remercie de votre tolérance à leur égard.

Projet du lac de Caussade

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Le projet de création du lac de Caussade, lancé il y a vingt ans, a pour but de stocker de l'eau pour irriguer, de maintenir un débit raisonnable du Tolzac toute l'année, et de préserver l'environnement. Les tensions sont vives.

Le projet a été autorisé par la préfecture le 29 juin 2018, après un travail de tous les acteurs locaux. Enfin, après vingt ans d'atermoiement, une action utile allait être prise pour l'agriculture locale. Cependant, c'était oublier le mal qui ronge notre pays : les décisions aveugles prises depuis la Capitale. Le sentiment qu'on sait mieux dire ce qui est bon depuis un ministère parisien, plutôt qu'en écoutant les acteurs locaux...

En septembre, le projet est annulé par un arrêté préfectoral obtenu par des associations écologistes militantes. Des susceptibilités entre préfets de région et de département auraient-elles joué ?

Toutefois, les travaux ont commencé dans l'illégalité et se poursuivent encore aujourd'hui. La semaine dernière, des scellés ont été apposés sur le site et les appels aux manifestations se multiplient.

Comme le disait Nougaro, « même les mémés aiment la castagne ! ». Monsieur le ministre, venez voir ce projet sur le terrain !

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je connais bien ce sujet. Des raisons juridiques expliquent les blocages. En réponse à un référé de l'association France Nature Environnement, mardi dernier, le tribunal de grande instance d'Agen a demandé à la préfecture de faire arrêter les travaux non autorisés.

François de Rugy, en application dudit référé, et pour des raisons juridiques, a demandé de contester en justice l'illégalité des travaux. Je suis conscient des tensions, mais l'État ne peut, en aucun cas, laisser se dérouler des travaux non autorisés légalement.

L'agriculture française a besoin d'eau et de retenues d'eau, mais elles doivent être réalisées par consensus. Je viendrai dans le Lot-et-Garonne, mais pas en pleine crise.

Tout le monde est favorable. C'est pour cela que je vous demande d'apaiser les tensions, c'est votre rôle. Je ne parle pas des bureaux parisiens, mais de la réalité des problèmes. Cette retenue d'eau est-elle absolument nécessaire ? Nous devons dialoguer, dans le calme, une fois les tensions apaisées.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Monsieur le ministre, venez en juger sur place ! Le pire n'est jamais certain, mais le principe de précaution doit l'emporter sur toute autre considération.

Conditions de repli d'une appellation d'origine

M. Daniel Laurent .  - Le repli entre appellation est une stratégie qualitative importante, levier de la construction des marques - chaque année, 200 000 hectolitres de vin font l'objet de replis. Or, une décision du ministère et de l'Institut national de l'origine et de la qualité a remis en cause cette politique.

La réglementation communautaire laisse la possibilité d'intégrer certaines dispositions nationales pour obliger à la compatibilité de 100 % des règles des cahiers des charges d'une appellation repliable et d'une appellation de repli.

Il faut déterminer si la législation européenne laisse à la France la possibilité d'adopter un texte réglementaire autorisant le repli en vertu de l'article L. 644-7 du code rural et de la pêche maritime, et permettant la commercialisation d'un vin ne respectant pas 100 % des règles du cahier des charges de l'appellation de repli.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ? Qu'en est-il de cette compatibilité entre législation française et européenne ? Votre réponse est attendue par toute la profession viticole.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le repli est une pratique antérieure à la réglementation européenne, il est conforme au principe d'emboîtement des appellations d'origine.

La directive européenne ne prévoit ni cette hiérarchie des appellations ni le repli. En droit européen, un cahier des charges est attaché à chaque appellation, sans emboîtement possible ; cependant, les services de l'État examinent les conditions qui permettraient dans le contexte réglementaire européen, de favoriser le repli. Une concertation sera lancée dans chaque région viticole.

M. Daniel Laurent.  - Merci de votre réponse. Cette consultation utile, devra être rapide et efficace. C'est important pour exporter notre vin.

Appellation « Clairette de Die »

M. Gilbert Bouchet .  - Drômois, sauvons la production rosée de la Clairette de Die ! En 2018, le Conseil d'État a annulé le décret autorisant les producteurs à vinifier sous l'appellation Clairette un pétillant rosé. Puis, en 2018, la loi EGalim a été partiellement censurée, notamment une disposition abrogeant la loi du 20 décembre 1957, adoptée en termes identiques par les deux assemblées. J'ai repris cet amendement sous la forme d'une proposition de loi.

Aidez les 300 vignerons du Diois à écouler leur vin rosé ! J'appelle les viticulteurs français à plus de compréhension et de solidarité nationale, car la concurrence existe et elle est européenne !

Pouvons-nous compter sur votre soutien, monsieur le ministre, pour trouver une solution pragmatique à ce problème ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Pour être également un Drômois, je connais bien le problème et suis pleinement engagé pour sa résolution, j'y ai beaucoup travaillé en tant que président du conseil général. Le recours des viticulteurs du Cerdon, dans l'Ain, a annulé le projet d'élargissement de l'appellation.

La députée Célia de Lavergne avait fait voter un amendement en ce sens dans la loi EGalim. Hélas, le recours au Conseil constitutionnel, que vous avez signé, a débouché sur l'invalidation de cette mesure, créant une difficulté économique et une insécurité pour l'appellation Clairette de Die.

Il ne nous reste plus qu'à remettre l'ouvrage sur le métier. Célia de Lavergne a déjà mis en place des groupes de travail, il faut trouver une solution, qui passe éventuellement par un nouveau vecteur législatif. Soutenons la Clairette de Die, serrons-nous les coudes pour y arriver !

M. Gilbert Bouchet.  - J'espère que tous les députés et sénateurs de la Drôme défendront la Clairette. Le recours n'était pas contre l'appellation, puisque les deux assemblées ont voté cette disposition.

Conséquences de la suppression du régime social des indépendants

M. Jean-François Longeot .  - Depuis la suppression du régime social des indépendants (RSI) au 1er janvier 2018, la gestion sociale des travailleurs non salariés a été transférée au régime général des salariés. Or de nombreux indépendants ont rencontré cette année des difficultés avec les appels de cotisations demandés par les services de l'Urssaf, ils ont reçu des appels à cotisations élevés et erronés qui pourraient avoir pour conséquence des mises en faillite de sociétés. Le recouvrement des cotisations est compliqué en raison du système d'information en place. Ces problèmes de recouvrement des cotisations par les Urssaf seront-ils résolus rapidement afin de répondre aux préoccupations des travailleurs indépendants ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le recouvrement des cotisations sociales par l'Urssaf des indépendants se déroule de façon globalement satisfaisante, depuis plusieurs années.

Une structure de pilotage dédiée à son suivi a démontré son efficacité. Des mesures de modernisation et simplification ont été conduites en 2018, avec notamment une refonte de l'offre digitale et la dématérialisation du recouvrement et des moyens de paiement.

Cette année nous avons prévu plusieurs simplifications, en particulier la refonte de l'encadrement des recouvrements et la modulation entre décembre et mars des délais de paiement pour s'adapter aux situations individuelles, ou encore la remise de pénalités de retard. Nous mettons en place un nouveau service de modulation en temps réel et expérimentons une relation personnalisée avec les créateurs d'entreprise. La loi Essoc a généralisé le recours au médiateur.

La stratégie de surveillance des outils de pilotage informatique est également essentielle.

Si des appels à cotisations erronés ont été constatés, signalez-nous ces erreurs au cas par cas pour que nous réglions cette situation.

M. Jean-François Longeot.  - J'ai effectivement été sollicité par des travailleurs indépendants, qui ont pu vérifier auprès de l'Urssaf que l'appel à cotisations était erroné. Je n'hésiterai pas à vous saisir.

Temps de travail autorisé dans l'État de résidence pour les travailleurs transfrontaliers

M. Jean-Marie Mizzon .  - Le 17 décembre 2018, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg afin d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Cette convention fiscale, régulièrement réactualisée depuis sa signature le 1er avril 1958, a été modifiée à quatre reprises. Dans cette nouvelle convention, signée le 20 mars 2018, l'article 14 prend en compte la situation spécifique des travailleurs frontaliers, notamment des Mosellans, qui résident en France et exercent leur activité au Luxembourg.

De fait, une règle autorise ces travailleurs à rester soumis à l'impôt dans l'État d'exercice de leur activité lorsqu'ils travaillent au maximum 29 jours par an hors de leur État de résidence. Ce seuil est exclusivement fiscal. Aussi, les travailleurs frontaliers pourront-ils télétravailler plus de 29 jours par an hors de leur État de résidence. Néanmoins, dans ce cas, les rémunérations reçues à ce titre ne seront imposables que dans cet État. La règle introduite dans cette nouvelle convention fiscale constituerait donc un équilibre entre la nécessité de faciliter la mobilité transfrontalière et la préservation des intérêts du Trésor français. Pour autant, la question de la mobilité transfrontalière est loin d'être réglée. Il faut parfois deux heures de trajet, sinon plus, pour rejoindre le Luxembourg.

Or, depuis la Moselle, les autoroutes comme les transports en commun sont saturés par plus de 70 000 personnes qui traversent chaque jour la frontière pour rejoindre leur lieu de travail. Cela participe du mécontentement de ces travailleurs qui va grandissant et qu'il conviendrait d'entendre.

Si le télétravail n'est certes pas la panacée, ne pourrait-on doubler ce délai de 29 jours ? Cela relève du simple bon sens et répondrait à des considérations sociales, environnementales et économiques et donnerait satisfaction à nombre de nos concitoyens épuisés par tant de temps perdu dans les embouteillages...

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La nouvelle convention fiscale du 20 mars 2018, qui n'est pas encore en vigueur, introduit une règle de simplification administrative qui prévoit la soumission à l'impôt dans le pays où est exercée l'activité professionnelle si moins de 29 jours maximum sont travaillés par an dans le pays de résidence. Les rémunérations au-delà de ces 29 jours travaillés autorisés pour les transfrontaliers, seront soumises à impôt dans l'État de résidence.

Avec l'Allemagne et la Belgique, c'est 20 jours et 24 jours seulement qui sont autorisés. La France bénéficie donc d'un régime plus favorable. La nouvelle convention facilite les mobilités transfrontalières tout en préservant les intérêts du Trésor.

Il faut surtout développer la zone économique frontalière, nous y travaillons avec nos voisins luxembourgeois. Présent en France du 19 au 21 mars 2018, le Grand-Duc de Luxembourg a notamment signé un accord sur les transports.

Accès au numéro fiscal

M. Alain Cazabonne .  - Je vous saisis d'un cas particulier, le mien, à propos de l'accès à mon numéro d'avis d'imposition. Jusqu'à l'an dernier, l'avis d'imposition m'étant envoyé à mon domicile, j'y trouvais naturellement ce numéro. Le papier n'étant plus envoyé à partir de cette année, le numéro n'est plus accessible que sur internet. Or quelle n'a pas été ma surprise de constater que je n'y parvenais pas - l'accès à mon compte me demandant ce numéro que je n'avais pas et que, précisément, je venais chercher... J'ai téléphoné au service, suis tombé sur une machine qui ne m'a guère renseigné. J'ai fini par aller aux services fiscaux de la cité administrative de Bordeaux, où un responsable, à sa grande surprise, n'y est pas parvenu non plus ! Et c'est lui, du reste, qui m'a suggéré de saisir le ministre, m'avouant que mon cas était loin d'être isolé. Monsieur le ministre, comment obtenir cet avis d'imposition ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Votre retour d'expérience nous a quelque peu surpris. Les règles de délivrance des identifiants sont en effet stables depuis 2014 : sur simple identification de la personne, ce numéro aurait dû vous être donné, par n'importe quel canal, y compris téléphonique.

Je vais donc rappeler les règles en vigueur aux plateformes téléphoniques. Sur le site impots.gouv.fr, on peut obtenir son numéro en cliquant sur un lien.

M. Alain Cazabonne.  - Parlons-nous bien de la même chose ? Ma question concerne le numéro de l'avis d'imposition, pas le numéro d'identifiant fiscal...

Taxe sur les festivals

M. Cédric Perrin .  - Ma question concerne l'alourdissement des charges de sécurité pesant sur les festivals, au point d'en menacer l'existence, et notamment sur les Eurockéennes de Belfort.

La circulaire du 15 mai 2018 du ministère de l'Intérieur prévoit l'indemnisation des services d'ordre. Le 11 juillet dernier, j'ai interrogé le Gouvernement, sans réponse sur cette question.

Qu'envisagez-vous pour assurer la maîtrise des coûts de sécurité et pérenniser ces festivals ? Celui de Belfort est non lucratif depuis vingt-neuf ans ; or la préfecture du territoire de Belfort a décidé unilatéralement l'inverse, nous empêchant de bénéficier du « bouclier tarifaire » prévu par la circulaire dite « Collomb » : monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour régler ce problème très urgent ? L'édition des Eurockéennes 2019 est menacée...

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - M. Riester, empêché ce jour, m'a chargé de vous répondre. Le 6 juillet dernier, les ministres de la Culture et de l'Intérieur invitaient les préfets à faire preuve de discernement sur l'application de la circulaire que vous citez. Un bilan a été réalisé à l'automne, sur la base des informations fournies par les préfectures, des services publics et de la gendarmerie. Une mission parlementaire est réalisée en ce moment même.

Une méthodologie sera prochainement proposée pour appliquer la circulaire et assurer davantage d'égalité entre les festivals.

Nous voulons répondre à l'urgence très rapidement et sécuriser ces événements.

M. Cédric Perrin.  - Oui, les préfets doivent faire preuve de discernement, souplesse et pragmatisme. Comment, après vingt-neuf ans d'existence, un festival peut-il brutalement être considéré comme lucratif ? J'espère une solution rapide. Sinon, vous menacez la pérennité de ce festival, qui accueille plus de 135 000 personnes, bénéficie d'une renommée internationale et représente quelque 13 millions d'euros de retombées pour le territoire.

Effacement facultatif du casier judiciaire d'un jeune engagé dans un centre de service militaire volontaire

Mme Jocelyne Guidez .  - La France comporte six structures, accordant la possibilité à des jeunes, peu ou pas diplômés, de se construire un nouvel avenir personnel et de s'insérer dans la vie active, grâce à des centres du service militaire volontaire. Ces derniers peuvent obtenir à la fois une formation certifiée, une remise à niveau sur le plan scolaire, un accès à la mobilité par le permis de conduire, un accompagnement psychologique, mais aussi une prise en charge financière symbolique. En Île-de-France, le taux d'insertion est de 72 %. Ainsi, ces centres offrent à la République la possibilité de donner corps à son idéal et lui procurent les moyens d'aider ses enfants à surmonter les injustices de la naissance, et de donner alors vie à son objectif d'égalité des chances. En outre, parmi les jeunes les plus éloignés d'un avenir professionnel et social décent, se trouvent ceux qui ont un passé dans la délinquance. Aussi, conformément à l'article 770 du code de procédure pénale, l'effacement facultatif d'une décision prise à l'égard d'un mineur de 18 ans ou d'une personne âgée de 18 ans à 21 ans peut être demandé après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de ladite décision. Les démarches engagées entre les encadrants militaires et les procureurs de la République ne sont pas systématiques et peuvent être décourageantes. J'avais proposé un tel effacement.

Alors que la représentation nationale s'apprête à consacrer le droit à l'erreur de bonne foi, je propose de consacrer un droit à l'oubli pour des jeunes ne demandant qu'à se reconstruire une vie digne et honorable. Ce serait pour eux une seconde chance, qui les responsabiliserait, tout en leur accordant la confiance nécessaire. J'en parle en connaissance de cause, pour travailler bénévolement auprès de ces jeunes. Madame la ministre, comptez-vous faciliter une telle possibilité ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le bulletin n°1 du casier judiciaire, sur lequel figurent pendant une durée de 40 ans toutes les condamnations prononcées, est réservé aux autorités judiciaires.

Les vérifications professionnelles sont réalisées sur le seul bulletin n°2 du casier judiciaire, qui ne mentionne aucun délit commis pendant la minorité. En outre, le juge peut décider de ne pas faire figurer un délit à ce bulletin n°2 compte tenu de ses efforts de réinsertion, dont peut faire partie l'engagement dans un service militaire volontaire. Cette procédure prévient tout abus. Je demanderai néanmoins aux procureurs de la République de se montrer attentifs aux demandes qui seront formulées par ces jeunes engagés.

Difficultés de fonctionnement des tribunaux d'instance et de grande instance

Mme Pascale Bories .  - Trois postes ne sont pas pourvus aux tribunaux d'instance et de grande instance de Nîmes alors que le nombre de postes dédiés à ces juridictions est déjà insuffisant. Résultat, les dossiers ne sont pas traités dans des délais raisonnables et les délibérés, rendus en temps et en heure.

Le projet de loi finances pour 2019 prévoit la création de 1 300 postes pour la justice. Cependant, 75 % d'entre eux iront à l'administration pénitentiaire. La situation dans le Gard appelle des solutions d'urgence car aux postes non pourvus s'ajoutent les arrêts maladie. Comment venir en aide aux tribunaux ?

Je m'inquiète également des menaces qui pèsent sur le maillage territorial des lieux de justice. Le Gouvernement a affirmé ne pas vouloir départementaliser les tribunaux de grande instance. Or, au terme de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, il est prévu d'étendre le concept de spécialisation aux tribunaux limitrophes même s'ils ne font pas partie du même département. Dans ces conditions, comment assurer une justice de proximité ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les moyens consacrés à la justice ont considérablement augmenté par le projet de loi de programmation : la première étape, la loi de finances pour 2019, est de 3,9 % pour une hausse globale de 25 %. Après la création de 100 postes de magistrats en 2018, l'effort se poursuivra en 2019 avec 192 emplois dans les juridictions. À Nîmes, 2, et non 3 postes, sont vacants. Il appartient à la cour d'appel de remédier aux arrêts maladie par des postes placés.

Je le dis et le répète : nous ne fermerons aucun tribunal. La spécialisation, qui devra provenir d'un projet territorial, ne concernera en aucun cas le contentieux de masse ; elle ne vaudra que pour des contentieux hautement techniques et de faible volume. Elle sera mise en oeuvre de manière équilibrée entre l'ensemble des territoires d'un même département. La possibilité d'une spécialisation interdépartementale est ouverte pour répondre à des demandes précises - en l'espèce, celles de Belfort et de Montbéliard.

Je n'ai qu'une ambition : conforter l'ensemble des tribunaux existants.

Mme Pascale Bories.  - Effectivement, deux postes seulement sont vacants désormais, mais les arrêts maladie nombreux. Il faut rassurer les magistrats et le public, notamment dans les territoires ruraux. La justice de proximité est essentielle.

Critères de répartition académique de l'éducation prioritaire

M. Olivier Paccaud .  - Ma question s'adressait au ministre de l'Éducation nationale.

Pour définir la carte des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des REP+, tous les quatre ans, la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) utilise « l'indice social ». Cet indice se fonde sur plusieurs critères, parmi lesquels le pourcentage d'élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées, le taux de boursiers, le pourcentage d'élèves issus de zones urbaines sensibles et le pourcentage d'élèves en retard à la rentrée de sixième.

Or la limitation géographique aux « zones urbaines sensibles » est injustement discriminatoire. Dans les territoires ruraux, l'éloignement des services publics, de la culture, des équipements sportifs empêchent d'atteindre la réussite. Il n'est pas juste que sur les 1 097 collèges situés aujourd'hui en zone d'éducation prioritaire, seuls 9 soient ancrés dans des territoires ruraux. Soit, seulement 0,8 % ! Dans l'Oise, deux collèges ruraux étaient classés dans cette catégorie jusqu'en 2014 ; ils en ont été sortis au bénéfice de deux établissements urbains ce qui a été très mal vécu et a donné lieu à des manifestations d'élèves, de parents d'élèves et d'enseignants à des occupations de locaux.

L'actualité le prouve, nos concitoyens n'acceptent plus les fractures territoriales. Pour que l'idéal républicain redevienne une réalité, il faut intégrer les zones rurales sensibles dans la carte révisée de l'éducation prioritaire. Merci de m'éclairer sur vos intentions, et peut-être, de me rassurer !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Blanquer, qui accompagne le président de la République en Allemagne.

La catégorisation des établissements en éducation prioritaire dépend davantage de critères sociaux que géographiques. Nos chiffres diffèrent : à la rentrée 2018, 25 collèges de l'éducation prioritaire sont situés en zone rurale et 108 en ville isolée ; soit 12 %.

Cela étant, si la politique d'éducation prioritaire est centrale, d'autres outils existent pour remédier aux difficultés que rencontrent les territoires, dont l'allocation progressive de moyens adaptée au profil de chaque établissement.

Parce que certaines difficultés des élèves tiennent, effectivement, en zone rurale, à l'éloignement, une mission a été confiée à Ariane Azéma et Pierre Mathiot pour redéfinir la politique territoriale de l'éducation nationale. Leurs conclusions seront rendues à l'été 2020.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

M. le président.  - Le ministre ayant annoncé qu'il aurait quinze minutes de retard, je suspends immédiatement la séance.

La séance, suspendue à 14 h 31, reprend à 14 h 45.