Questions d'actualité

Mme la présidente.  - Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, celui des uns et des autres - et celui du temps de parole.

Étudiants étrangers

Mme Sylvie Robert .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous sommes ravis, monsieur le Premier ministre, de vous retrouver dans notre hémicycle. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

La hausse des frais d'inscription pour les étudiants extracommunautaires suscite l'incompréhension et le rejet de bon nombre d'acteurs concernés, en particulier des présidents d'université. Elle a été décidée sans concertation, tout comme le plan « Bienvenue en France ».

C'est un acte politique lourd de conséquences sur ce qui fait la France. Elle touche à notre diplomatie culturelle et à la francophonie. Cela méritait mieux qu'une décision prise à la hâte. Accepterez-vous de la suspendre comme l'a préconisé notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Voici, en effet, une décision éminemment politique : c'est la première fois qu'un Gouvernement a voulu faire de l'attractivité des universités un objectif. (Protestations à gauche) Nous avons préparé le plan « Bienvenue en France » pour faciliter l'accueil des étudiants et développer les formations françaises à l'international. La concertation a eu lieu : les doctorants ne seront pas concernés, et les étudiants étrangers en capacité de financer leurs études pourront, par leur effort contributif, aider ceux qui ont moins de moyens et qui seront exonérés de droits. En effet, pas moins de 21 000 bourses et exonérations seront mises à disposition, en particulier à destination des pays d'Afrique francophone. Au Kenya, en Éthiopie, en Chine, on me l'a dit : les qualités de notre accueil ne sont pas à la hauteur de celles de l'enseignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Sylvie Robert.  - L'exonération de droits est une vision court-termiste et qui heurte considérablement notre tradition d'ouverture. Considérer les étrangers plus comme une charge que comme une chance, c'est regrettable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Déploiement de la 5G par des entreprises chinoises

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Nous saluons la présence du président chinois en France. M. Xi Jinping s'est d'abord rendu en Italie - nos voisins ont décidé de s'inscrire dans le grand projet des nouvelles routes de la soie - tous les chemins ne mèneront plus à Rome mais à Pékin. (Sourires) Il s'est ensuite rendu à Monaco, qui va accueillir la 5G de Huawei pourtant soupçonnée d'espionnage - ces soupçons ont conduit les États-Unis à interdire cette entreprise sur leur sol. La Chine pratique un espionnage massif y compris à travers ses entreprises - elles doivent, depuis une loi de 2017, contribuer au renseignement. Bien qu'elle soit le deuxième partenaire commercial de l'Europe, la Chine a des différences fondamentales avec elle, notamment sur les libertés individuelles et le droit international.

Faut-il laisser la Chine dominer la Mer de Chine méridionale ou empêcher Taïwan de rejoindre l'OMS ?

La 5G chinoise ressemble comme deux gouttes d'eau au Cheval de Troie. La Commission européenne doit présenter d'ici quinze jours une position concertée sur la cybersécurité. Quelle est la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La visite du président Xi Jinping se poursuit au Sénat. C'est le cinquantième anniversaire de nos relations avec la Chine.

Face aux défis, nous avons des responsabilités communes, des liens étroits. Pendant ces deux jours, la visite se passe avec respect, amitié, sans naïveté toutefois. Le président de la République a rappelé nos préoccupations sur les droits fondamentaux.

En invitant aussi la Chancelière allemande et le président de la Commission européenne à rencontrer le président chinois, le président de la République a affirmé son engagement dans le multilatéralisme alors que l'Union européenne revoit ses cadres d'intervention. Sur la cybersécurité, nous devons nous doter d'un cadre protecteur. Mais aujourd'hui, c'est la coopération qui s'est exprimée et c'est heureux. (M. François Patriat applaudit.)

M. Joël Guerriau.  - Je regrette de ne pas avoir eu de réponse à ma question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

Fiscalité

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, souvenez-vous de ma question, le 14 novembre dernier, lorsque je citais le propos de Colbert à Mazarin - sur le défaut français de toujours taxer, imposer, contraindre - et vous pressais de ne pas faire comme Marie-Antoinette en n'entendant pas la colère monter. Je ne croyais pas si bien dire, quand je vois la révolte qui court depuis ! La première revendication des Français est de faire cesser les taxations. Ils disent : laissez-nous vivre !

Votre grand débat, véritable écran de fumée, n'a pas suffi à l'apaiser. Je suis étonné des propositions de LaREM et de vos ministres, pour toujours plus d'impôts : hausse des droits de succession, taxation des plus-values sur les résidences principales, retour de la taxe carbone - sombres perspectives ! Quand cesserez-vous cette addiction à l'impôt ? Pouvez-vous vous engager à n'augmenter aucun impôt ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Quand il s'agit d'impôt, il n'y a qu'un verbe : baisser. Les chiffres de l'Insee sont clairs : nous sommes le Gouvernement qui a le plus baissé les impôts depuis 15 ans, qui a le plus réduit la dépense publique.

M. Olivier Paccaud.  - Et la CSG ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous avons terminé l'année 2018 avec une croissance à 1,6 %.

Pour baisser les impôts, il faut baisser la dépense. (On s'exclame sur les bancs du groupe Les Républicains.) Où sont vos propositions ?

Notre pays doit payer moins d'impôts. Nous travaillons à baisser les impôts de production. Nous n'avons cessé de vous le rappeler : nous attendons vos propositions pour baisser la dépense publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Laurent Duplomb.  - Avec 76 milliards d'euros de déficit en 2018 contre 59 milliards d'euros pour l'Allemagne, avec une dette de 2 300 milliards d'euros, quand celle de l'Allemagne est de 60 % de son PIB, avec 65 milliards de déficit sur la balance commerciale quand l'Allemagne accumule 220 milliards d'excédents, on ne peut dire que la France répond à la deuxième partie de la citation de De Gaulle, selon laquelle « quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ».

Agissez et agissez vite - et cessez de ne penser qu'à puiser dans la bourse des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

présidence de M. Gérard Larcher

Accès à un Internet de qualité

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le 17 juillet 2017, le président de la République fixait un objectif de déploiement du Haut Débit (HD) d'ici 2020 et du Très Haut Débit (THD) d'ici 2022 sur tout le territoire.

La semaine dernière, UFC-Que choisir annonçait que 6,8 millions de Français étaient privés d'un accès de qualité minimale à Internet, soit 10,1 % de la population. Pour le HD, 12,8 millions de Français en sont privés, soit 19,8 % de la population. Et les disparités territoriales sont fortes : plus de 95 % des habitants des villes de plus de 10 000 habitants ont accès à Internet, mais la part passe à 65 % dans les villages de moins de 1 000 habitants.

Cette fracture numérique est insupportable. Le risque est celui d'une désincarnation de l'administration dans ces zones isolées du numérique. Quid du guichet relatif au fonds pour la société numérique ? Les collectivités territoriales avaient misé dessus pour le développement de la fibre optique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les objectifs du Gouvernement sont clairs. Avec le Premier ministre, vendredi dernier, nous avons fait le point sur l'avancée des chantiers dans le Gers, où les choses progressent grâce à l'État et aux élus locaux.

Le Premier ministre a débloqué récemment 243 millions d'euros pour huit réseaux sur neuf départements. La couverture 4G a progressé en 2018 de 45 % avec 4 000 pylônes équipés dans l'année ; cette année, ce seront des sites mobiles nouveaux qui seront déployés - et 3,2 millions de locaux auront été raccordés à la fibre optique, tant en zone urbaine qu'en zone rurale. Je vous rappelle qu'au total, le Gouvernement a consacré 3,3 milliards d'euros pour les réseaux d'initiative publique.

Pour les dernières maisons qui ne peuvent être raccordées, une aide pour recevoir Internet par voie hertzienne existe à hauteur de 150 euros par foyer.

Réforme des congés bonifiés

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) En outre-mer, nous avons appris la volonté du Gouvernement de modifier les congés bonifiés des fonctionnaires d'origine ultramarine, avantage acquis après une rude bataille. Ces congés peuvent être accordés après 36 mois consécutifs de service, pour 65 jours d'affilée, dont 35 jours bonifiés - ceci pour que les fonctionnaires ultramarins travaillant dans l'Hexagone puissent rejoindre leurs proches. Les frais d'avion sont pris en charge et les fonctionnaires reçoivent une prime de vie chère pendant leur séjour outre-mer.

Avec la réforme, soit à compter de 2020, les congés seraient moins longs mais pourraient être pris tous les 24 mois. Le Gouvernement souhaiterait faire baisser les prix des billets et mènera une concertation entre les employeurs publics et les organisations syndicales. David Lorion, député de La Réunion, a été chargé d'un rapport par la délégation à l'outre-mer à l'Assemblée nationale.

Quel contenu et quel calendrier pour cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le 28 octobre 2017 en Guyane, lors des Assises des outre-mer, le président de la République a annoncé la réforme des congés bonifiés. Le 28 juin 2018, il en a fixé le principe, à savoir des congés moins longs mais tous les deux ans.

Une concertation sera organisée avant l'été. Les conditions actuelles datent de 1978. La réforme n'entend pas remettre en cause ces congés, mais en adapter les modalités. Le régime actuel ne correspond plus à notre temps, ni à nos modes de transports ni à nos modes de prises de congés. Il s'agit de revenir plus souvent et moins longtemps en outre-mer. Ce serait le cas dès l'an prochain.

Le congé supplémentaire de 35 jours ne se justifie plus aujourd'hui et seuls les frais de transports réels seront pris en compte. La réforme n'entraîne pas de changement des sur-rémunérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Dominique Théophile.  - Merci pour ces précisions - et il faudrait à tout le moins associer les parlementaires ultramarins à la concertation.

Retrait de la bataille de Verdun des programmes scolaires

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) J'associe M. Longuet à ma question que j'adresse à M. Blanquer. Quelque 300 000 morts, 400 000 blessés, dix mois de combat : la bataille de Verdun est emblématique. Si elle est toujours étudiée en classe de première, monsieur le ministre, nous souhaitons qu'elle soit explicitement nommée dans les programmes de l'Éducation nationale, au même titre que la bataille de la Somme. Verdun, c'est un symbole de la Grande Guerre que les nouvelles générations visitent. La zone rouge de 15 000 hectares de Verdun porte encore les stigmates de la guerre avec ses neuf villages morts pour la France. Verdun est aussi devenue la capitale mondiale de la paix et le symbole de l'amitié franco-allemande.

Au lendemain de la célébration du centenaire de la Grande Guerre, il est nécessaire de rappeler le message d'universalité contemporaine que porte cette ville. Pouvez-vous nous rassurer et nous affirmer qu'elle figurera toujours dans les programmes scolaires ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je peux évidemment vous rassurer fortement. Mon grand-père s'est battu à Verdun. Je n'ai aucune raison de souhaiter que cette bataille soit occultée. C'est loin d'être le cas, car elle progresse en étant nommément inscrite dans les nouveaux programmes ce qui n'était pas le cas dans ceux de 2010. Ces programmes, progrès incontestable, ont une logique chronologique, de sorte que les élèves étudient Verdun en troisième mais aussi en première. Verdun sera étudiée, analysée, approfondie au titre de l'histoire mais aussi de la mémoire.

Je garantis que les documents d'accompagnement des programmes parleront de Verdun. Et comment imaginer qu'un professeur d'histoire parle de la première Guerre mondiale sans mentionner Verdun ?

Pour moi, Verdun n'est pas morte et c'est plutôt une deuxième victoire de Verdun que d'être célébrée dans notre mémoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

Avenir des retraites

Mme Michelle Gréaume .  - Ces derniers mois, les annonces sur la question des retraites se multiplient et se contredisent. Or, comme le dit la sagesse populaire, quand c'est flou, il y a un loup. (Sourires)

Dernière annonce en date : l'assouplissement du cumul emploi-retraite, permettant aux retraités de continuer à travailler afin d'obtenir des points supplémentaires pour leurs trop faibles pensions. Dans un contexte de révolution numérique et de chômage de masse, le système de retraites par points fera baisser les pensions ; il faudra donc travailler plus longtemps.

Vous continuez les annonces dans le plus grand flou et faites fi des concertations en cours avec les partenaires sociaux. Les Français en ont assez de voir leurs droits attaqués sous des prétextes financiers. Un sondage Harris montre que deux tiers des Français sont opposés à l'allongement de la durée de cotisations et au report de l'âge de départ à la retraite. Comment se positionne le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'objectif de la réforme des retraites est clair : un système de retraite plus juste et plus solidaire - avec les mêmes droits pour tous : à chaque euro cotisé devront correspondre les mêmes droits. (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Le mandat confié à Jean-Paul Delevoye n'a pas changé : l'âge minimal du départ en retraite restera le même. Marc Fesneau le rappelait encore la semaine dernière. L'allongement de l'espérance de vie est une réalité qu'il faut regarder en face. (Même mouvement)

Mme Éliane Assassi.  - On nous l'a déjà faite !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - En 2020, cinq millions de Français auront plus de 85 ans. C'est un défi majeur pour notre société et pour le financement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Nous devrons améliorer les conditions de travail en Ehpad.

Nous avons pris l'engagement de débattre en toute transparence, sans remettre en cause l'âge légal de la retraite...

M. Philippe Dallier.  - On n'a rien compris !

Mme Michelle Gréaume.  - Vous dites que vous ne toucherez pas à l'âge légal. Mais comment pouvez-vous affirmer que les travailleurs partiront à la retraite à taux plein à 62 ans, alors que tout indique que votre objectif est contraire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Arjowiggins

M. Jean Pierre Vogel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le ministre de l'économie prétend faire de la reconquête industrielle une priorité.

Dans la Sarthe, c'est le moment de passer des intentions aux actes. Dans quelques jours, le couperet définitif du tribunal de commerce de Nanterre devrait tomber. Ce sont près de 900 emplois industriels, des sites Arjowiggins de Saint-Mars-la-Brière et de Bessé-sur-Braye, qui pourraient être rayés d'un trait de plume.

Ce drame économique est un drame humain pour plusieurs centaines de familles de salariés. Celles de l'usine de Bessé-sur-Braye notamment, territoire à la limite de la Sarthe et du Loir-et-Cher, vivent dans un secteur extrêmement défavorisé sur le plan industriel.

Le Gouvernement ne peut pas abandonner Arjowiggins dont la BPI a été actionnaire via sa maison mère Sequana, manquant singulièrement de clairvoyance.

La présidence de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, est prête à engager la région pour sauver ces emplois. Accompagnerez-vous la région et comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'État a travaillé tout 2018 à une reprise globale des trois sites d'Arjowiggins, sans succès à cause d'un contentieux devant la justice britannique qui faisait peser un risque de 100 millions d'euros. C'est grâce à l'État que l'activité a pu se poursuivre, que des repreneurs se sont déclarés pour le site de l'Aisne, pour l'un des sites sarthois et pour les trois sites. Hélas, celui qui devait reprendre les trois sites a annoncé, il y a cinq jours, ne pas pouvoir rassembler l'argent en avril.

Nous sommes aux côtés des salariés, aux côtés des organisations syndicales, pour trouver 20 millions d'argent privé, sans garantie publique - ce sont les règles du jeu. (Exclamations à gauche) L'État n'a pas à rougir de son action pour l'emploi industriel : dans trois cas sur quatre, nous trouvons une solution (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; huées sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous avons sauvé 5 000 emplois à Arques, dans les Hauts-de-France. L'industrie crée plus d'emplois qu'elle n'en détruit : c'est un fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Labellisation « bio »

M. Joël Labbé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le marché « bio » se développe à un rythme important. Ce mode de production répond aux attentes de nos concitoyens et contribue à la préservation de la santé humaine, de l'environnement et de l'emploi. Monsieur Guillaume, vous avez salué cette évolution dans un entretien à l'AFP tout en appelant à ne pas industrialiser le bio. Je m'en félicite. Cet appel sera-t-il suivi d'actes forts ?

Le 3 avril, le Gouvernement sera appelé à se prononcer sur la production de fruits et légumes sous serre chauffée. La France a l'occasion d'envoyer un signal fort à l'Union européenne pour l'interdiction de la production à contre-saison. Ce type de culture émet dix fois plus de CO2 qu'une production respectant les cycles naturels. Interdirez-vous le chauffage des serres ? (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, SOCR et CRCE)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Votre question n'a rien de simple. Elle concerne 38 entreprises et 4 500 tonnes de produits. Le Comité national de l'agriculture bio qui s'est réuni en octobre n'a pas pu trancher. Vous dites qu'il faut interdire ce type de culture à contre-saison. La France doit-elle surtransposer ou pas ? (« Non » sur les bancs du groupe Les Républicains)

Faut-il chauffer les serres avec des énergies fossiles ? Bien sûr, non. Faut-il avoir recours au photovoltaïque ou aux énergies renouvelables ? C'est la discussion sur la table. Le monde agricole ne s'est pas encore mis d'accord. Nous devons trouver une solution de compromis. La France est un leader en matière d'agriculture bio et doit continuer à tenir ses positions.

Le Comité national de l'agriculture bio devrait proposer trois mois supplémentaires de réflexion, jusqu'à juillet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Joël Labbé.  - Ce report est désolant. Les industriels veulent s'approprier l'agriculture bio : nous devons la protéger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Pollution du littoral

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce week-end, la région Hauts-de-France a organisé une opération de nettoyage, notamment des côtes maritimes, rassemblant 50 000 de nos concitoyens. Malheureusement, cette manifestation sociale, solidaire et écologique a été entachée par une pollution à la paraffine, qui a été peu commentée, tant la marée noire du Grande America occupait les médias.

Que compte faire le Gouvernement contre les contrevenants à la biodiversité de l'un des détroits les plus fréquentés du monde ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Cet épisode de pollution à la paraffine des côtes picardes a porté de Fort-Mahon dans la Somme jusqu'à Marques-en-Calais, dans le Pas-de-Calais. Nous avons été alertés le 18 mars ; les associations étaient mobilisées dès la veille pour nettoyer les côtes, et je salue leur mobilisation qui a permis de récupérer 200 litres de paraffine.

L'État s'est mobilisé, des prélèvements ont été effectués ; les analyses sont rassurantes : pas de risques d'intoxication. Les préfectures ont rappelé les consignes de protection.

Ces rejets sont causés par le nettoyage des fonds de cuve, autorisé par l'Organisation maritime internationale sous certaines conditions. Ce n'est pas satisfaisant. Nous agissons à deux niveaux : avec la direction des affaires maritimes, en menant l'enquête pour déterminer les causes du sinistre et engager des poursuites ; avec le centre de lutte contre la pollution maritime en portant le sujet au plan européen et international.

M. Jean-François Rapin.  - Il faudrait pénaliser ces actions et utiliser le produit de ces amendes pour financer la résilience et la protection du trait de côte. Il faut agir, vite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)

Sécurité à Marseille

Mme Samia Ghali .  - Dimanche, à 14 heures, les habitants du quartier de la Bricarde se sont retrouvés sous le feu croisé des kalachnikovs d'un commando d'hommes encagoulés, porteurs de brassards de police et sortant de véhicules à gyrophares. Alertée par des mamans terrorisées par ces scènes de guerre, je suis partagée entre colère et indignation.

Les forces de l'ordre ont mis trois quarts d'heure à arriver sur place. Que sont devenues les promesses de la reconquête des zones de non droit ? Gérard Collomb n'avait-il pas dit : « plus jamais ça » après l'attaque de la Busserine, il y a un an ?

Depuis l'abandon de l'approche globale mise en place en 2012 et conduite par M. Nunez, on observe une recrudescence des trafics et des violences.

Parce que la République doit à tous la sécurité, de la Bricarde aux Champs-Élysées, je vous demande de mettre en place un comité interministériel pour la sécurité à Marseille, de réinstaurer l'approche globale, de doter la ville de 200 policiers supplémentaires et de CRS. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Voix à droite.  - Et l'armée !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le Gouvernement partage l'émoi des Marseillais après ce nouvel incident. Nous poursuivons l'action engagée sous le quinquennat précédent avec l'approche globale. Cela passe d'abord par la présence de voie publique renforcée, dans les quartiers de reconquête républicaine - nous avons augmenté les BAC, les groupes de sécurité de proximité, les brigades spécialisées de terrain. La Bricarde est la quatrième cité marseillaise en temps de présence des unités de force mobiles.

Nous menons aussi une action de démantèlement du trafic de stupéfiants - 32 réseaux ont été démantelés en 2018, en coopération avec les douanes et les gendarmes.

Nous menons aussi une politique de prévention : ainsi sept règlements de compte ont été déjoués en 2018.

Vous savez mon attachement à Marseille. Tout sera fait pour que cessent de telles scènes. Nous partageons votre émotion et saluons le courage et la détermination des policiers marseillais. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Mme Samia Ghali.  - Les enfants qui ont vécu cette scène sont allés le lendemain à l'école. Cette violence n'est pas celle d'un jeu vidéo ; c'est leur quotidien.

Fraude à la carte Vitale

Mme Claudine Kauffmann .  - Lorsqu'Emmanuel Macron était candidat, il prônait une transparence totale en matière publique. Ces déclarations d'intention n'ont guère été suivies d'effet. Ainsi, la semaine dernière, le secrétaire d'État Adrien Taquet refusait de répondre à une question de Mme Goulet sur la fraude massive aux cartes vitales.

Le nombre de numéro d'inscription au répertoire (NIR) varie de 17 millions à 100 millions. Au moins 1,8 million de ces numéros ont été attribués à la suite de l'utilisation de faux documents. Combien sont encore actifs ? Combien ont été attribués à des étrangers résidant en France ?

L'opacité singulière que vous entretenez nous interpelle. Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre cette fraude massive ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je comprends les inquiétudes que suscitent les chiffres que vous relayez. Mme Buzyn a demandé une enquête, dont il ressort que ces chiffres ne correspondent en rien à la réalité.

Il est regrettable que la diffusion de fausses informations conduise à une stigmatisation injuste des étrangers, soupçonnés d'être fraudeurs. En 2017, les cas de fraude n'ont concerné que 0,2 % des 18 millions de NIR attribués. Les médias ont extrapolé les chiffres à partir de résultats intermédiaires d'une enquête interne. Il ne s'agit pas de fraudes avérées. Dans la plupart des cas, il n'y avait aucune intention de fraude mais des documents manquants que les assurés contactés ont pu fournir.

Une mission d'évaluation et de contrôle sur la fraude à l'obtention des numéros de sécurité sociale, présidée par le rapporteur général, rendra ses conclusions dans les semaines à venir.

Je précise qu'un numéro d'inscription ne suffit pas à lui seul à bénéficier de prestations. Il faut des pièces complémentaires. Enfin, les dispositifs de contrôle sont très complets et certifiés depuis 2013. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Claudine Kauffmann.  - Votre refus de répondre clairement résonne comme une caution apportée aux fraudeurs ! Nos compatriotes dont vous avez accru la pression fiscale apprécieront.

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 55.