Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle trente-six questions orales.

Développement de la méthanisation en Seine-et-Marne

M. Pierre Cuypers .  - La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe des orientations de développement du biométhane à dix ans.

La Seine-et-Marne possède des atouts grâce auxquels elle est devenue l'un des départements précurseurs avec une dizaine d'installations en fonctionnement et de nombreux projets qu'elle souhaite développer. Le schéma de développement de la méthanisation, mené par le département en partenariat étroit avec la chambre d'agriculture, vise à diminuer très significativement sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles tout en développant une économie verte et circulaire.

Or la PPE revoit à la baisse la part du biogaz dans la consommation de gaz à l'horizon 2030, soit 7 % au lieu de 10 % tels que prévus par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Dans les faits, la PPE privilégie les projets les plus compétitifs pour l'adjonction au réseau assortie d'une demande de baisse rapide des coûts de production, la réalisation de projets uniquement dans le cadre d'appels d'offres au-delà d'une certaine taille, une baisse du prix de rachat bien inférieur au prix actuel ainsi qu'une baisse pour les projets hors appels d'offres.

Ces dispositions, tout en valorisant la filière industrielle, freineront la filière agricole.

De nombreuses unités de méthanisation se développent à la ferme, en Seine-et-Marne et ailleurs. Si rien n'est entrepris, il est certain que les investissements réalisés par la profession agricole seront en péril.

Madame la ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour encourager le développement du biométhane en milieu agricole et permettre à la Seine-et-Marne de conserver son avance en ce domaine ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - M. de Rugy m'a chargée de vous répondre.

La PPE prévoit un effort financier inédit de l'État pour accompagner le développement de la filière de production du biogaz, notamment la filière de méthanisation agricole : 8 milliards d'euros dans les dix prochaines années.

La maîtrise de cet effort financier implique une adaptation au rythme de la baisse des coûts de production. Une baisse des coûts inférieure à celle espérée ne conduira cependant pas à un arrêt brutal de la filière mais à un ralentissement de sa croissance. La cible est d'atteindre une moyenne de 67 euros par MWh en 2023 et de 60 euros en 2028.

Pour les projets de méthanisation de petite taille, une obligation d'achat à tarif réglementé est prévue. Le Gouvernement soutient également les agriculteurs dans la réduction de leurs coûts de production. Le groupe de travail sur la méthanisation a identifié des pistes, dont le dispositif de réfaction des coûts de raccordement des installations de méthanisation aux réseaux de gaz naturel et celui de « droit à l'injection ». Le dispositif de facilitation de l'accès au crédit pour la méthanisation agricole a pour ambition d'accompagner la réalisation de 400 nouveaux projets dans les cinq prochaines années pour un coût de 100 millions d'euros.

M. Pierre Cuypers.  - Compte tenu de notre totale dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, tout projet de méthanisation sera heureux. Or il faut deux ans pour monter un dossier de méthanisation en France, contre six mois en Allemagne. Le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour raccourcir les délais et alléger les contraintes. (Mme Marie Mercier applaudit.)

Homologation des véhicules agricoles

M. Yannick Botrel .  - Les véhicules agricoles qui empruntent les voies ordinaires de circulation doivent répondre à une homologation nationale accordée par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Les prescriptions techniques qui régissaient cette homologation ont été modifiées par l'arrêté du 19 décembre 2016 relatif à la réception des véhicules agricoles et forestiers, qui prévoit qu'à partir du 1er janvier 2020, tous les véhicules neufs commercialisés pour la première fois et homologués selon les anciennes dispositions soient réhomologués selon les nouvelles prescriptions techniques.

Cette disposition aura certainement de lourdes conséquences. En effet, les entreprises ne disposent que de onze mois pour répondre aux nouvelles prescriptions d'homologation puisque les dossiers administratifs doivent être mis à jour selon un nouveau format de « dossier type » qui a été mis à disposition en janvier 2019 seulement.

Il existe un risque d'engorgement administratif : de très nombreux dossiers d'homologation seront transmis à chacune des Dreal d'ici à la fin de l'année.

Enfin, la conséquence est économique. Pour de nombreux constructeurs, tant que l'homologation d'un modèle de véhicule n'est pas prononcée, la production en série ne peut être lancée. Les pertes financières potentielles associées - arrêt de production, chômage technique - pourraient mettre en péril l'équilibre économique de certaines entreprises.

Le Gouvernement envisage-t-il de reporter au 1er janvier 2021 l'obligation de réhomologuer les véhicules agricoles ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - M. de Rugy m'a chargée de vous répondre.

L'homologation des véhicules agricoles et forestiers relève d'un règlement européen de 2013. L'arrêté du 19 décembre 2016 le précise ; son contenu, connu depuis sa publication au Journal officiel le 30 décembre 2016, pouvait être anticipé par les constructeurs.

Pour présenter les évolutions qu'il apporte, les services du ministère ont organisé cinq journées de formation en région en 2018. Au cours de ces journées, le Centre national de réception des véhicules, en présence de la direction générale de l'énergie et du climat, a présenté des modèles de justificatifs réglementaires à destination des constructeurs.

La majorité des dossiers requiert une simple mise à jour administrative, sans nécessiter de nouveaux essais en laboratoire. À ce stade, il n'est pas envisagé de report mais nous serons attentifs aux remontées d'informations des Dreal.

Interdiction de la vente des chauffages au bois non performants

M. Didier Rambaud .  - L'épisode de canicule que nous venons de connaître pose de manière aigue la question de la pollution aux particules fines.

Dans son arrêt du 12 juillet 2017, le Conseil d'État enjoint au Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites dans le délai le plus court possible.

Sans attendre le projet de loi relatif au climat et à l'énergie qui viendra dans quelques jours au Sénat, de nombreuses collectivités ont multiplié les initiatives en faveur de l'amélioration de la qualité de l'air. La métropole grenobloise a ainsi doublé la prime air-bois afin d'accélérer le renouvellement des appareils de chauffage individuel au bois non performants.

Le chauffage au bois, et en particulier le chauffage au bois individuel non performant, est à l'origine de 55 % des émissions annuelles de particules, et cela atteint jusqu'à 75 % en période de pic de pollution hivernal. Le remplacement d'un appareil non performant par un appareil de niveau Flamme verte 7* divise par 8 les émissions de particules selon Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.

Ne serait-il pas possible d'interdire la vente d'appareils de chauffage individuel au bois non performants et de rendre obligatoire, à l'occasion d'une vente ou d'une mise en location, la réalisation d'un diagnostic des appareils de chauffage individuel au bois ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - M. de Rugy m'a chargée de vous répondre.

Une des objectifs de la PPE est 9,5 millions de logements chauffés au bois en 2023 avec un appareil de niveau Flamme verte. C'est l'objet des fonds air-bois déployés par l'Ademe et les collectivités territoriales.

Des efforts restent à fournir : la moitié des appareils ont plus de douze ans et ne répondent pas aux nouvelles normes proposées par les fabricants.

En 2017, 81 % des appareils vendus étaient labellisés Flamme verte, grâce, notamment, au crédit d'impôt Transition énergétique.

La réglementation européenne pour I'écoconception des produits liés à l'énergie généralisera le niveau de performance Flamme verte 7* pour tous les appareils mis sur le marché à partir du 1er janvier 2022. D'ici là, la filière doit continuer de faire progresser la performance des appareils proposés. Pour y concourir, le label Flamme verte ne sera plus délivré qu'aux appareils Flamme verte 7* à compter du 1er janvier 2020.

Dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère, le préfet peut interdire l'utilisation des appareils les plus polluants.

Fermeture de bureaux de poste dans le Calvados

Mme Sonia de la Provôté .  - Sujet très symbolique de la fracture territoriale, la baisse de la présence postale. Dans le Calvados, les fermetures partielles ou définitives se multiplient. C'est un grand classique : quand on veut réduire un service, on le rend inadapté à la demande, avec une offre peu fiable et décalée.

Les projets récents de réduction des horaires des bureaux de poste concernent déjà treize communes pour une mise en place début 2020 : à Trouville, le bureau ne sera plus ouvert que quatre matins par semaine ; à Mézidon, Saint-Pierre-sur-Dives, fermeture les mercredis après-midi ; à Livarot, ouverture uniquement les après-midi en semaine ; à Bretteville-sur-Odon, c'est le matin. Comment s'y retrouver ? Et je ne parle pas des fermetures inopinées causées parfois par l'absence d'une seule personne, comme à Cabourg.

Tout cela va à rebours des attentes que les citoyens et les élus locaux ont exprimées lors du grand débat. Certes, La Poste n'est plus une administration et elle a dû s'adapter. Mais c'est un service public essentiel qui assure la distribution du courrier et des colis, le lien social et des services bancaires.

La nouvelle convention de présence postale pour 2020-2022 est en préparation. Que compte faire le Gouvernement pour enrayer la désertification postale avant qu'il ne soit trop tard ? Car quand c'est trop tard, on ne peut plus rien faire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le Gouvernement est très attentif à la présence postale, un sujet qui est effectivement ressorti lors du grand débat.

La loi du 2 juillet 1990 a fixé à La Poste une obligation de maintenir un réseau d'au moins 17 000 points de contacts répartis de sorte que 90 % au moins de la population de chaque département dispose d'un point de contact postal à moins de cinq kilomètres ou moins de vingt minutes de trajet en voiture. Cette règle est respectée dans le Calvados où 95,2 % de la population a accès à l'un des 190 points de contact que compte le département.

Là comme ailleurs, La Poste doit s'adapter. Comme la loi l'y autorise, elle peut être amenée à remplacer certains bureaux de poste de faible activité par des points de contact en partenariat avec la commune ou avec un commerçant. Cela se fait après un dialogue préalable et avec l'accord du maire. Dans les prochains mois, La Poste envisage un seul projet de transformation de bureau en agence postale communale dans le Calvados.

Concernant les fermetures inopinées, notamment à Caen, La Poste a reconnu de grosses difficultés début 2019. La situation est revenue à la normale depuis.

Dans les discussions autour du nouveau contrat de présence postale, le Gouvernement a réaffirmé son attachement au maintien d'un service postal de qualité sur l'ensemble des territoires et à une concertation approfondie avec les élus locaux tout en veillant à la nécessaire adaptation du réseau de La Poste.

Relance de la politique minière

M. Jean-Pierre Sueur .  - Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est l'organisme public français de référence dans la gestion des ressources et des risques liés au sous- sol. Son action est orientée vers la recherche scientifique, l'appui aux politiques publiques et la coopération internationale. Or depuis plusieurs années, il ne mène plus de grands projets d'exploration minière.

Alors que les réserves mondiales en métaux stratégiques diminuent, il faut diversifier et sécuriser notre approvisionnement à l'instar des États-Unis, de la Chine et du Canada. Cette politique pourrait consister à nouer des partenariats privilégiés avec le continent africains dont les sous-sols sont moins explorés que l'Australie seule. Le BRGM travaille déjà avec le Maroc, la Guinée, le Tchad, le Cameroun et le Mozambique sur leur cartographie minière. Son expertise pourrait être mobilisée dans le cadre d'une politique africaine d'exploration minière, si tant est que le Gouvernement le dote des moyens nécessaires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le Gouvernement partage votre souci de sécuriser nos ressources minières. La relance de l'activité minière sur le territoire ou à l'étranger avec l'appui du BRGM fait partie des solutions ; il y en a bien d'autres. Le Gouvernement analyse les dix-huit recommandations qu'ont fait Nathalie Homobono et Denis Vignolles dans leur rapport sur l'analyse de la vulnérabilité d'approvisionnement en matières premières des entreprises françaises.

Le domaine minier français, encore mal connu en dessous de 300 mètres, recèle des métaux stratégiques comme le tungstène, l'antimoine, le germanium, le lithium. Nous avons besoin d'un cadre de décision modernisé pour permettre la réalisation effective de l'exploration puis de l'exploitation si les conditions techniques, économiques et environnementales sont réunies. La réforme du code minier sera examinée en conseil des ministres en décembre prochain.

Concernant l'approvisionnement à partir de mines à l'étranger, le comité des métaux stratégiques amplifiera ses travaux, dans lesquels le BRGM tiendra toute sa place.

« Fabrication détachée »

M. Martial Bourquin .  - Les marchés publics les plus importants sont traités en entreprise générale. Une fois les marchés obtenus auprès des acteurs publics, les entreprises sous-traitent à des entreprises étrangères européennes à bas coûts sociaux, souvent en Espagne, au Portugal ou en Pologne, sans que l'acheteur public en ait connaissance. Non seulement cette pratique entraîne une perte de recettes fiscales, que l'on estime à 10 % de la valeur du marché sous-traité, mais cela fragilise aussi bien des secteurs, dont la construction métallique, en mettant à mal leur savoir-faire et leurs emplois.

Madame la ministre, pourrait-on légiférer en faveur de la production sur notre territoire et des emplois français ? Au Luxembourg, les entreprises générales doivent indiquer dans leur offre les noms des entreprises sous-traitantes avec lesquelles elles se sont associées et conserver ces mêmes entreprises après avoir remporté le marché.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Avec la loi relative à la sous-traitance, récemment codifiée dans le code de la commande publique, une entreprise qui envisage d'avoir recours à des sous-traitants pour l'exécution d'un marché doit déclarer, soit au moment du dépôt de son offre soit en cours d'exécution du contrat, la nature des prestations sous-traitées, le nom et l'adresse du sous-traitant, le montant maximal des sommes à lui verser et les conditions de paiement prévues dans le sous-traité.

En cas de sous-traitance occulte, l'acheteur a l'obligation de mettre en demeure son cocontractant de régulariser la situation.

Lorsque le montant des prestations sous-traitées est anormalement bas, l'acheteur peut exiger que le sous-traitant justifie son prix. Si la justification est insuffisante, l'acheteur est tenu de refuser le sous-traitant.

L'ensemble de ces dispositions visent à éviter toute situation de concurrence déloyale. Elles doivent être désormais utilisées dans leur plénitude.

Si l'idée d'imposer au titulaire de marché public de conserver les entreprises sous-traitantes présentées dans leur offre semble intéressante, sa mise en oeuvre se heurte à la nécessité de la souplesse pour faire face aux différents aléas qui caractérisent les relations d'affaires.

L'Observatoire économique de la commande publique se penche sur la question de la sous-traitance, j'assisterai à ses travaux le 15 juillet prochain.

M. Martial Bourquin.  - Ce qu'a fait le Luxembourg, nous pouvons le faire ! Ce n'est pas contraire à la réglementation européenne.

Les deux grandes entreprises françaises chargées de construire l'hôpital de Belfort-Montbéliard ont engagé des dizaines de sous-traitants européens, laissant nos PME sans travail !

Protection des marques de territoire

Mme Annick Billon .  - L'institut national de la propriété industrielle (INPI) a récemment rejeté l'opposition introduite par la communauté de communes de l'île de Noirmoutier à l'encontre d'une marque au motif que l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n'est pas une collectivité territoriale au sens de l'article 72 de la Constitution et qu'elle n'est donc pas habilitée à agir en application de l'article L. 712-4 du code la propriété intellectuelle.

En 2012, une proposition de loi avait été déposée pour modifier cette disposition du code, elle a été rejetée. Cela est regrettable car les collectivités en ont besoin pour protéger l'identité de leur territoire, défendre ses spécificités culturelles et économiques et, par conséquent, soutenir leur économie locale. Le Gouvernement entend-il revenir sur cette position ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Depuis la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, les collectivités ont un droit d'opposition contre les dépôts de marque qui porteraient atteinte à leur nom, leur image ou leur renommée ainsi qu'en cas d'atteinte à une indication géographique qui comporterait leur nom. Un droit d'alerte gratuit a également été créé.

Le droit de former opposition sera étendu aux EPCI par l'ordonnance qui transposera à l'automne la directive Marques du 16 décembre 2015. L'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance est inscrite à l'article 201 de la loi Pacte.

Mme Annick Billon.  - Une réponse claire sera donc apportée à la communauté de communes de Noirmoutier par une ordonnance à l'automne.

Fiscalité des syndicats informatiques

Mme Maryse Carrère .  - Sous forme mixte et ouverte, les syndicats informatiques diffusent, à moindres coûts, des logiciels dans les territoires. Nombre d'entre eux comme l'Agence de gestion et de développement informatique (Agedi) sont en danger du fait de la volonté récente du Gouvernement de les assujettir aux impôts commerciaux.

Ces syndicats ne proposent pas des prix garantissant une rentabilité maximale, mais des cotisations calculées en fonction de la taille des collectivités membres, ils n'exercent pas leur activité de la même manière qu'une société commerciale. Il apparaît donc anormal de les soumettre à l'impôt sur les sociétés.

Le 17 juin, les responsables de l'Agedi ont été reçus à Bercy, on leur a promis qu'ils seraient bientôt fixés sur leur sort fiscal. Une décision a-t-elle été prise ? Quelles sont les pistes législatives et réglementaires pour soutenir ces syndicats si importants pour nos petites communes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - En 2017, l'Agedi a fait l'objet d'un rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France.

L'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne dépend pas du statut, mais du caractère lucratif de l'activité. Les syndicats mixtes constitués de collectivités territoriales peuvent être exonérés d'impôts commerciaux s'ils rendent un service indispensable aux besoins collectifs de la population. Le régime fiscal applicable est déterminé selon un examen au cas par cas.

Le secret fiscal m'empêche d'être plus précise sur le cas que vous évoquez, mais je voulais vous rappeler le cadre général.

Mme Maryse Carrère.  - Ces syndicats assurent un service public là où l'offre privée n'est pas abondante. Merci d'en tenir compte.

Obligation de dépôt des comptes pour les entreprises outre-mer bénéficiaires d'un avantage fiscal

M. Michel Magras .  - Le code général des impôts subordonne l'octroi de l'avantage fiscal des investissements productifs outre-mer au respect de l'obligation de dépôt des comptes dans le délai de trente jours prévu aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce.

L'administration applique cette règle selon une interprétation particulièrement restrictive conduisant à une multiplication des redressements fiscaux. Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en cause cette obligation et la conditionnalité de l'aide fiscale mais de tenir compte du fonctionnement des greffes des tribunaux de commerce outre-mer. En l'état actuel, un entrepreneur de bonne foi et un entrepreneur négligent sont traités de la même façon alors que le droit à l'erreur vient d'être inscrit dans notre droit. Une lecture bienveillante de cette règle est-elle concevable ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Il n'est pas envisagé de modifier l'obligation de publicité des comptes, elle garantit la sécurité juridique des investisseurs et des exploitants.

Concernant les difficultés pratiques de dépôt des bilans auprès des greffes des tribunaux de commerce, rappelons que les sociétés peuvent déposer leurs comptes par voie électronique, dans un délai de deux mois suivant leur approbation. Si l'obligation n'est pas satisfaite en raison de dysfonctionnements avérés du greffe du tribunal, l'avantage fiscal ne sera pas remis en cause.

La direction générale des finances publiques se chargera de mettre en oeuvre cette solution et d'en assurer la publicité.

M. Michel Magras.  - Il ne s'agit pas de ne pas appliquer la loi mais de l'adapter à l'outre-mer. J'ai déjà déposé deux amendements en ce sens en loi de finances ; je recommencerai s'il le faut. En 2018, M. Dussopt avait déjà promis un assouplissement de la doctrine fiscale. J'espère que le Gouvernement respectera sa parole.

Pêcheurs des lacs alpins en péril

Mme Annick Billon, en remplacement de M. Loïc Hervé .  - M. Loïc Hervé, retenu par la préparation de la CMP sur le projet de loi de transformation de la fonction publique, souhaitait évoquer la tarification des autorisations d'occupation temporaire (AOT) du domaine public délivrées aux pêcheurs professionnels des lacs alpins.

Le montant de la redevance due par le titulaire est fixé par la direction départementale des finances publiques (DDFiP). Depuis 2015, à la part fixe s'ajoute une part variable indexée sur le chiffre d'affaires.

L'évolution de la redevance menace fortement la pérennité de petites exploitations qui font la renommée de la gastronomie haut-savoyarde. Le directeur de la DDFiP attend les suites données à cette question pour se prononcer.

Gardiens des ressources naturelles des lacs alpins, les pêcheurs professionnels des lacs alpins sont souvent de jeunes passionnés, que la rudesse, la précarité et la pénibilité du travail n'ont pas découragés. Ils ont besoin d'être soutenus ; déjà, certains restent à quai.

Envisagez-vous de reconsidérer le bien-fondé économique et social de cette taxation ? Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste pense qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. Quelle direction va prendre le Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Vous m'avez interrogé sur la situation des pêcheurs des lacs alpins, sur laquelle mes services m'ont à plusieurs reprises sensibilisé. Il est bien question ici d'appliquer à ces pêcheurs une redevance domaniale, qui constitue une simple contrepartie financière de l'utilisation privative du domaine public.

La redevance domaniale, qui permet à l'État de valoriser son domaine public naturel, est constituée d'une part fixe et d'une part variable. La redevance permet d'appréhender les avantages qui sont procurés à ceux qui exploitent le domaine public, en l'occurrence pour les pêcheurs alpins, le lac Léman et le lac d'Annecy.

C'est en ce sens que depuis plusieurs années, et dès lors qu'il est question d'une activité économique, une part variable, indexée sur le chiffre d'affaires, est appliquée lors du calcul des redevances par les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

La fixation des redevances relève de la compétence locale des directeurs départementaux des finances publiques. Je leur ai donné la consigne de faire preuve de discernement en tenant compte des conditions d'exercice de l'activité économique. Une concertation a ainsi eu lieu dans le département de la Haute-Savoie entre le directeur départemental des finances publiques et la douzaine de pêcheurs professionnels dont la situation a été signalée. Cette concertation a permis de fixer des taux allant de 0,75 à 2,5 % de leur chiffre d'affaires pour la part variable. Ces taux sont très favorables par rapport à ce qui est préconisé.

Pour des raisons d'équité entre les utilisateurs du domaine public, je ne peux aller au-delà de ces taux mesurés, et encore moins supprimer la part variable.

Mme Annick Billon.  - Votre réponse demeure insuffisante au regard du contexte économique et social et de la situation plus favorable des pêcheurs suisses. Ils n'ont pas besoin d'un coup d'épée dans l'eau mais d'un horizon !

Mode de scrutin dans les communes de moins de mille habitants

M. Alain Cazabonne .  - Je veux être le porte-parole d'un certain nombre de maires de petites communes.

Avec la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral, le nombre d'habitants nécessaire pour passer au scrutin de liste avec la parité a été abaissé de 3 500 à 1 000 habitants.

Les maires ruraux ont du mal à constituer des listes paritaires. Dans mon département, une vingtaine de maires n'arrivent pas à constituer une liste complète et paritaire. Pourrait-on modifier la loi électorale pour augmenter le seuil d'habitants ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - En étendant l'application du scrutin de liste paritaire à toutes les communes comptant 1 000 habitants et plus, la précédente majorité voulait favoriser l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller municipal.

Depuis que les listes de candidats doivent obligatoirement respecter le principe de parité, la proportion de femmes parmi les conseillers municipaux s'est considérablement accrue. De 33 % après les élections de 2001 et de 35 % après celles de 2008, elle s'élève désormais à 40 % après le renouvellement de 2014.

L'impact sur la parité amène certains à proposer d'abaisser encore le seuil d'application du scrutin de liste, pour l'appliquer à toutes les communes de France.

L'autre objectif de la réforme était de renforcer le lien entre les citoyens et les EPCI. En effet, les conseillers communautaires sont désormais élus au suffrage universel, par fléchage lors des élections municipales au scrutin de liste, ce qui améliore la lisibilité de leur élection et accroît leur légitimité démocratique. Le dispositif de fléchage au moment des élections municipales a ainsi remplacé la désignation des conseillers communautaires par et parmi les conseillers municipaux.

Ce processus garantit à la fois la pleine expression du suffrage universel direct et le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. C'est pourquoi le scrutin de liste a été étendu pour les élections municipales à l'ensemble des communes de 1 000 habitants et plus.

Vous soulignez les difficultés qu'a parfois engendrées cette évolution législative, notamment pour les communes les plus rurales. Ces difficultés sont réelles mais elles demeurent limitées. En 2014, seule une commune de France, dans le département de la Gironde, s'est trouvée dépourvue de candidats. Le préfet a nommé une délégation spéciale, chargée d'administrer la commune et d'organiser de nouvelles élections, à l'issue desquelles le conseil municipal a pu être renouvelé.

Ainsi, l'abaissement du seuil à 1 000 habitants a permis d'atteindre les objectifs poursuivis tout en représentant un équilibre tenant compte des réalités locales que le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause.

M. Alain Cazabonne.  - Je comprends votre logique statistique mais les difficultés demeurent dans les communes très rurales.

Levée du moratoire sur les machines à voter

M. Yves Détraigne .  - J'appelle votre attention sur les suites à donner au rapport d'information intitulé « Réconcilier le vote et les nouvelles technologies » que j'ai corédigé et présenté, au nom de la commission des lois du Sénat, le 24 octobre 2018.

Depuis 2008, les préfets n'autorisent plus de nouvelles communes à s'équiper de machines à voter et l'État n'agrée plus aucune machine, ce qui altère la sécurisation du dispositif. Pourtant, au cours des travaux de la mission d'information, aucun acteur institutionnel ni aucun informaticien n'a pu démontrer le manque de fiabilité des résultats électoraux dans les communes qui les utilisent.

Aussi, et en complément de la levée du moratoire recommandée par le rapport sénatorial, nous avons suggéré la mise en place d'un groupe de travail tripartite pour améliorer la sécurisation des machines à voter, en réunissant le ministère de l'Intérieur, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et les communes utilisatrices.

Ce groupe de travail pourrait notamment participer à l'actualisation du règlement technique de 2003, compte tenu des évolutions technologiques constatées depuis quinze ans. En outre, des procédures supplémentaires pourraient être envisagées pour sécuriser l'opération de paramétrage des machines à voter.

Les représentants des communes utilisatrices se sont tous déclaré pleinement satisfaits par les machines à voter lors des auditions que nous avons menées.

Je vous demande de mettre en place ce groupe de travail pour avancer, enfin, sur ce dossier.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - En 2007, à l'issue d'un travail approfondi, associant le Conseil d'État, des représentants des collectivités territoriales et des usagers, le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale et le ministère de l'Intérieur, un moratoire a gelé le périmètre des communes autorisées à se doter de machines à voter.

Depuis une dizaine d'années, leur usage suscite des interrogations croissantes en France mais également chez nos partenaires européens.

Le rapport que vous avez corédigé avec Mme Deromedi préconise de mettre un terme au moratoire pour permettre à de nouvelles communes de s'équiper de machines à voter. Cette contribution enrichit des débats d'experts aussi nourris que divergents dans leurs analyses.

Si des avantages indéniables que présentent ces dispositifs en termes de facilitation du processus de dépouillement sont soulignés, il existe également des inconvénients majeurs avérés des machines à voter, à l'instar des conclusions du rapport de la mission sénatoriale sur le vote électronique rédigé par MM. Anziani et Lefèvre il y a cinq ans. Cette mission mettait notamment en cause l'impossibilité pour l'électeur de contrôler la réalité de l'expression de son suffrage et l'altération du rituel républicain qui associe les citoyens aux opérations de dépouillement. Ces réserves justifiaient la pérennisation du moratoire. Le rapport récent de l'Observatoire du vote sur les scrutins présidentiel et législatif de 2017 souligne quant à lui une fragilité des machines dans le décompte des voix.

Ces études ne préjugent pas de la décision qui sera prise mais montrent la complexité du sujet. Cette complexité est d'ailleurs accrue avec le niveau élevé des risques cyber, risques renforcés par l'obsolescence technique d'une part prépondérante du parc, ainsi que l'importance du risque inhérent attaché aux opérations de paramétrage des machines, préalable aux opérations de vote à proprement parler.

Soucieux à la fois de « réconcilier le vote et les nouvelles technologies », pour reprendre le titre de votre rapport, et de préserver la confiance des citoyens dans les conditions d'exercice du droit de vote, le Gouvernement poursuit son travail d'examen du cadre applicable aux machines à voter.

M. Yves Détraigne.  - J'aimerais que l'on ne se contente plus de réfléchir mais que l'on avance ! Les autres pays qui les ont expérimentées n'ont rencontré aucun problème ! Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage... Il faut vivre avec son temps !

Situation des mineurs étrangers non accompagnés

M. Guillaume Gontard .  - Depuis la loi Asile et Immigration le 10 septembre dernier, les mesures de répression des demandeurs d'asile se sont multipliées. Parmi les dispositions les plus choquantes, le doublement de la durée maximale de rétention, passant de 45 à 90 jours. Aucun gouvernement français n'avait jusque-là proposé une telle durée de privation de liberté pour décourager les demandeurs d'asile. Plus grave encore, cette politique répressive s'applique également aux mineurs. Depuis 2017, ce sont plus de 500 mineurs étrangers innocents qui ont été enfermés dans des centres de rétention administrative en France métropolitaine, chiffre qui fait froid dans le dos. Dans cette folie sécuritaire, le Gouvernement semble avoir oublié un principe fondamental : avant d'être des étrangers, des exilés, il s'agit d'enfants ! Des enfants que nous devons protéger comme nos enfants. La France se rend ici coupable d'une violation caractérisée des droits de l'enfant comme en attestent les six condamnations, prononcées par la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2012 à l'endroit de notre pays pour des mesures d'enfermement de mineurs.

Nous pourrions pourtant accueillir dignement ces enfants en leur apportant un accès rapide et effectif à leurs droits, en faisant de la protection de l'enfance une priorité et en aidant les départements à renforcer les moyens dédiés à l'aide sociale à l'enfance aujourd'hui à bout de souffle. Ces difficultés d'accès aux droits conduisent parfois à des situations dramatiques de maltraitance caractérisée. Je l'ai dénoncé récemment en saisissant le Défenseur des droits sur de graves dysfonctionnements constatés dans un centre d'hébergement pour mineurs du Rhône.

Comment comptez-vous protéger ces enfants dans le respect de nos droits fondamentaux et comment comptez-vous garantir à ces enfants et adolescents un accueil digne, une information à leurs droits, un hébergement, un accès aux soins et à la scolarité, en conformité avec la loi et les engagements internationaux de la France ? Comment comptez-vous répondre aux difficultés soulevées par les institutions en charge de la protection de l'enfance confrontées à une lourdeur administrative doublée d'un manque de moyens criant pour mettre à l'abri et accompagner ces enfants ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le nombre de personnes évaluées comme mineures non accompagnées et confiées aux services de protection de l'enfance a fortement augmenté ces quatre dernières années, passant de 5 590 en 2015 à 17 022 en 2018.

Mais ces chiffres ne rendent qu'imparfaitement compte de la situation. Ainsi, en 2017, les départements ont estimé avoir procédé à 54 000 évaluations de minorité pour moins de 15 000 personnes en besoin de protection, la plupart des demandeurs étant évalués comme majeurs. La quasi-totalité des départements ont fait part de la saturation de leurs dispositifs d'évaluation et de prise en charge, avec des incidences sur la qualité du service rendu par les services de la protection de l'enfance.

Un dialogue entre l'État et les départements a permis d'aboutir le 17 mai 2018 à un accord qui renforce l'engagement financier et opérationnel de l'État à leurs côtés. Ainsi, il apportera une aide financière concentrée sur la phase d'accueil et d'évaluation avec 500 euros par jeune à évaluer. S'y ajouteront 90 euros par jour pour l'hébergement pendant 14 jours, puis 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour. L'État apportera également un appui à l'évaluation de la minorité, dont vous n'avez pas parlé dans votre question, alors qu'il s'agit du coeur du problème.

Le décret du 30 janvier 2019, pris après avis public de la CNIL, prévoit un traitement de données biométriques des personnes se déclarant mineures. Cet outil permettra ainsi de lutter contre les personnes majeures se présentant dans différents départements. Le dispositif présente toutes les garanties de nature à protéger les données personnelles des personnes concernées. La procédure d'évaluation sera fiabilisée, et les délais réduits pour accélérer le placement des mineurs et éviter le détournement de la protection de l'enfance afin de recentrer les moyens sur ceux qui en relèvent effectivement.

L'État mène les actions nécessaires pour traiter la problématique de manière globale, de la lutte contre les filières à l'admission au séjour des jeunes qui sont pris en charge. Chaque personne évaluée mineure bénéficie d'une prise en charge par les services de l'Aide sociale à l'enfance pour faciliter son intégration dans la société française.

Enfin, l'État organise une répartition des étrangers reconnus mineurs. Il apporte un financement complémentaire dans le respect de la politique décentralisée de la protection de l'enfance.

Enfin, je vous rappelle que les conditions de détention des mineurs sont extrêmement encadrées et demeurent tout à fait exceptionnelles.

M. Guillaume Gontard.  - Je l'ai constaté en effet sur place ! Pour l'heure, l'État continue à mener une politique d'une fermeté aveugle. Il est temps que soit interdit l'enfermement des mineurs, comme le prévoit la Convention internationale des droits de l'enfant et que l'on protège leurs droits. Notre politique se distingue mal de celle menée de l'autre côté des Alpes...

Prise de rendez-vous à la préfecture du Val-de-Marne

Mme Catherine Procaccia .  - Ma question porte sur les difficultés que rencontrent les étrangers pour prendre rendez-vous en ligne sur le site internet de la préfecture du Val-de-Marne.

Qu'il s'agisse de déposer une première demande ou de proroger un titre de séjour, d'obtenir un nouveau visa étudiant ou de demander la nationalité française, les messages sont toujours les mêmes : « Aucun rendez-vous n'est disponible actuellement pour le motif sélectionné. Veuillez vous reconnecter ultérieurement. Il est inutile de vous déplacer. » Et ce, quelle que soit l'heure et le jour de connexion... Je l'ai testé moi-même avant de vous poser la question.

Certes, la mise en place de rendez-vous par internet a évité les immenses files d'attente qui existaient auparavant plusieurs heures avant l'ouverture de la préfecture, mais ce système ne permet pas aux étrangers de bonne volonté de se mettre en conformité avec les règles de séjour.

À plusieurs reprises, je suis intervenue auprès des préfets successifs qui m'ont à chaque fois répondu que les plages de rendez-vous étaient régulièrement rouvertes mais qu'elles sont liées à la capacité d'accueil des guichets et au traitement des dossiers.

Comment adapterez-vous le système, monsieur le ministre, à la très forte demande ? Comment lutter contre la revente des rendez-vous au marché noir ? Qu'allez-vous faire pour adapter ce système à la spécificité de mon département ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La préfecture du Val-de-Marne traite un volume important de dossiers, 500 000 par an, et les flux représentent en moyenne 1 500 usagers par jour. Cette activité génère encore des conditions d'accueil insatisfaisantes, ce qui est le cas dans d'autres départements de la petite couronne.

Aussi, depuis 2018, a été mené un important travail d'amélioration des conditions d'accueil à la préfecture du Val-de-Marne. Les horaires du pré-accueil de la préfecture ont ainsi été modifiés pour renforcer la capacité de traitement des courriels, réduire les délais de réponse, et créer de nouvelles plages de rendez-vous.

En outre, la préfecture du Val-de-Marne va expérimenter le nouveau dispositif « Démarches simplifiées » sur les procédures de délivrance des titres de voyage pour réfugiés et des passeports « talent ». Via une plateforme dédiée, l'usager pourra déposer en ligne son dossier, lequel pourra être directement traité par l'agent instructeur. Le nombre de passages au guichet en sera ainsi limité et le dialogue avec la préfecture facilité.

Le module de prise de rendez-vous mis en ligne a évolué pour améliorer les conditions d'accueil sur les trois sites, grâce à une meilleure gestion des files d'attente depuis novembre 2018. Les plages de rendez-vous sont mises en ligne, pour une période de quatre semaines glissantes. Ainsi, les guichets concernés accueillent chaque jour, au maximum de leur capacité, les usagers qui ont pris leur rendez-vous en ligne sur ce module.

S'agissant du phénomène de captation massive des rendez-vous via des robots ou des particuliers rémunérés à cet effet qui s'accompagne de la vente illégale des créneaux de rendez-vous, un dispositif anti-robots a été mis en place début mai afin de sécuriser le module actuel.

Le ministère travaille également à la conception d'un nouveau module de rendez-vous plus performant.

Enfin, de nombreuses mesures ont été prises pour limiter les déplacements des usagers, tout en sécurisant leur situation administrative. La durée du premier récépissé est ainsi passée de trois à six mois et le développement des titres de séjour pluriannuels a été encouragé. Ainsi, 9 232 cartes de séjour pluriannuelles ont été délivrées en 2018 par la préfecture du Val-de-Marne.

Les agents de la préfecture restent pleinement mobilisés pour assurer leurs missions de service public.

Mme Catherine Procaccia.  - Je n'en doute pas ; le problème, c'est l'afflux de demandes !

Je me réjouis de la mise en place d'un nouveau système, mais n'est-il pas temps de décentraliser les demandes et d'orienter les étrangers vers d'autres préfectures moins engorgées, où les contrôles pourraient être faits ?

Il faudrait aussi créer un délit de revente d'un service gratuit.

Agressions de sapeurs-pompiers

Mme Michelle Gréaume .  - Sept syndicats de sapeurs-pompiers représentant 85 % du personnel ont lancé une grève reconductible jusqu'à la fin août. Leurs revendications sont nombreuses : augmentation des effectifs, revalorisation des salaires et des primes, amélioration des conditions de travail, santé et, bien entendu, sécurité.

Un rapport de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a ainsi établi que 2 280 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ont subi des agressions de toutes sortes en 2017 contre 1 939 l'année précédente, soit une hausse de 17,6 %. Agressions physiques ou verbales, jets de projectiles, menaces de mort parfois, blessures physiques ou morales, arrêts de travail, dommages matériels affectent l'organisation des secours.

La très forte progression de ces actes est aussi à mettre en rapport avec l'augmentation du nombre des interventions. Depuis 2018, celles-ci ont augmenté de 15 %. Dans la même période, le nombre d'agressions a triplé. Les effectifs, eux, ont diminué de 1 %. En outre, c'est la nature même de ces interventions qui a profondément évolué. Les sapeurs-pompiers interviennent aujourd'hui en lieu et place d'autres services de santé ou de sécurité. Dans bien des endroits, ils sont en première ligne et le seul service public qui reste face à la détresse sociale, à la détresse, à la colère des habitants.

Ces chiffres en progression constante interrogent sur l'efficacité des mesures déjà en vigueur, et n'ont pas eu les effets attendus. La Fédération française des sapeurs-pompiers de France, les organisations syndicales, les SDIS ont, depuis longtemps, formulé des propositions globales pour améliorer la protection des personnels et commencer à endiguer ces phénomènes. Toutes ne relèvent pas du pénal ou du sécuritaire. Ces propositions mériteraient d'être étudiées et retenues.

Nul doute que les conclusions des travaux de la mission d'information sénatoriale sur la sécurité des sapeurs-pompiers les confirmeront et les enrichiront.

Il y a urgence à écouter et à proposer des solutions, monsieur le ministre.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Chaque jour, les sapeurs-pompiers sont mobilisés et parfois victimes d'agressions en intervention. II s'agit de coups et blessures volontaires, de menaces et d'outrages lors des missions de secours à personne, à la suite de différends familiaux, de conflits de voisinage ou d'accidents de la circulation, souvent en raison d'un état alcoolique, de souffrance ou de détresse psychologiques. Ainsi, 888 agressions ont été recensées en 2018.

Plusieurs mesures ont été prises pour garantir la sécurité des sapeurs-pompiers. En premier lieu, le Parlement a adopté la loi du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. Elle permet d'étendre l'expérimentation du port des caméras mobiles aux sapeurs-pompiers dans le but de mieux prévenir les agressions. C'était d'ailleurs une demande des sapeurs-pompiers.

Dès 2006, des protocoles opérationnels ont été mis en place par certains préfets, pour améliorer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention. Les instructions du ministère de l'Intérieur, renouvelées régulièrement, prévoient notamment de renforcer la formation des sapeurs-pompiers à la négociation et aux techniques de défense simple, à faciliter le dépôt de plainte et la protection fonctionnelle, à renforcer la coordination opérationnelle avec les services de police et de gendarmerie, en élaborant des procédures spécifiques dans les secteurs urbains sensibles comme les points de regroupement.

Enfin, face à ces agressions, la réponse pénale doit être ferme et exemplaire. La France a ainsi renforcé son cadre juridique en aggravant les sanctions pénales à l'encontre des auteurs de violences contre les sapeurs-pompiers :

Le Gouvernement est très attentif à cette situation et le ministre de l'Intérieur a adressé récemment une circulaire aux préfets pour leur rappeler tous ces dispositifs et veiller à leur application.

Dispositifs d'alerte des populations dans les communes concernées par le périmètre du plan particulier d'intervention

M. Rémy Pointereau .  - Ma question concerne les dispositifs d'alerte des populations dans les communes concernées par le périmètre du plan particulier d'intervention (PPI), ce qui est le cas dans plusieurs des communes de mon département du Cher.

Le 26 avril 2016, Mme Royal a décidé l'extension de ce périmètre, passant de 10 à 20 kilomètres. Cette extension s'est traduite par l'entrée de plusieurs communes du département, à l'image de Saint-Satur, dans le PPI de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, autre commune du Cher.

Un exercice cadre d'incident dans cette centrale nucléaire a récemment été mené par les services de la préfecture du département. À cette occasion, les élus ont fait ressortir un certain nombre de problèmes liés au traitement de l'alerte des populations et notamment de la prise en charge par le maire, conformément à ses prérogatives de police, de doter son administration municipale d'un système moderne d'alerte automatisée tel l'envoi de SMS.

Toutefois, un tel système a un coût que les plus petites communes ne peuvent supporter.

Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place, avec l'éventuel concours d'EDF, un accompagnement financier pour l'installation de nouveaux systèmes d'alertes ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La responsabilité des systèmes d'alerte des populations incombe à l'État, aux collectivités territoriales ou à certains exploitants, en vue de couvrir des risques particuliers dans le cadre des PPI, notamment certains aménagements hydrauliques ou installations nucléaires.

Tout exploitant d'une installation nucléaire doit assurer la mise en place et l'entretien des moyens de diffusion de l'alerte d'urgence auprès des populations voisines des installations. Dans ce cadre, chaque exploitant assure et maintient deux systèmes : des sirènes PPI couvrant la zone de mise à l'abri dite « réflexe », et un système téléphonique d'alerte des populations en phase réflexe appelé SAPPRe.

Au-delà de ce périmètre, la responsabilité de l'alerte incombe aux maires et à l'État.

Les communes comprises dans le rayon d'un PPI doivent ainsi élaborer un plan communal de sauvegarde (PCS), lequel doit prévoir les moyens d'alerte.

L'alerte des populations demeure une responsabilité du maire face à tout événement pouvant menacer la sécurité des habitants de sa commune, quelle que soit la situation et même en l'absence d'obligation d'élaborer un PCS.

S'agissant des moyens de l'État, le système d'alerte et d'information des populations comprend des sirènes installées sur des bassins de risque et déclenchées à distance. Aujourd'hui 1 900 sirènes sont installées et raccordées soit plus de 75 % du total des sites à installer d'ici fin 2021.

D'autres vecteurs sont également utilisés : les dispositifs d'automates d'appels vers les maires, le recours aux médias radio et TV, le recours aux réseaux sociaux, via les comptes des préfectures et un compte du ministère dédié à l'alerte sur Twitter : @Beauvau-Alerte.

S'agissant de l'alerte sur les téléphones mobiles, l'article 110 de la directive européenne du 11 décembre 2018 impose aux opérateurs de communications électroniques de diffuser les messages d'alerte et d'information transmis par l'État aux populations concernées.

Ces dispositions, qui doivent être mises en oeuvre d'ici juin 2022, sont en cours de transposition. L'ensemble de ces moyens d'alerte et d'information par les services de l'État a toutefois vocation à compléter les moyens mis en oeuvre par les communes et les exploitants d'une installation nucléaire dans le cadre de leurs obligations réglementaires.

M. Rémy Pointereau.  - Qu'en est-il du financement de ces systèmes d'information ? EDF aurait refusé de participer au financement de ce système, ce qui pénalise les communes, notamment les plus petites. Qui commande paie ! Qui produit le besoin fournit les moyens...

Assistants médicaux

Mme Nadia Sollogoub .  - Il se trouve que, habitant à côté de la centrale de Belleville-sur-Loire, j'appuie la question de M. Pointereau.

Le 18 septembre 2018, lors de son allocution sur les stratégies de transformation du système de santé, le président de la République a présenté plusieurs mesures phares dont la création de 4 000 assistants médicaux afin de répondre aux enjeux de santé publique et aux besoins de la population. Ces nouveaux professionnels devraient seconder les médecins et libérer du temps médical.

De nombreuses zones d'ombre entourent toutefois cette fonction : quelles activités vont être confiées à ces professionnels et quelles compétences devront être développées au terme de quel parcours de formation ?

Pourquoi réserver ces postes uniquement aux maisons pluridisciplinaires alors que certains cabinets médicaux en zone déficitaire en ont cruellement besoin ?

Comment ces postes seront-ils financés sur le long terme ? Ces nouveaux métiers d'assistants médicaux assureraient des activités relevant de la compétence en soins infirmiers. La profession infirmière se sent parfois menacée. À juste titre ?

Les professionnels de santé de premier recours s'interrogent ainsi également sur l'impact de ce nouveau métier dans la lisibilité des parcours de soins.

Pouvez-vous nous préciser les choses, monsieur le ministre ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La création et le déploiement des fonctions d'assistants médicaux est une des mesures les plus importantes de la stratégie « Ma santé 2022 ». Elle a pour objectif principal de libérer du temps médical afin de permettre aux médecins de ville de suivre un plus grand nombre de patients, de mieux les prendre en charge et de s'engager plus fortement dans des démarches de prévention.

À cette fin, l'avenant à la convention médicale signé par trois syndicats de médecins libéraux permet à ces médecins libéraux de percevoir une aide conventionnelle forfaitaire à l'embauche d'assistants médicaux dans leurs cabinets, et ce, dès le deuxième semestre 2019.

Même si les signataires se sont accordés pour laisser une certaine marge d'appréciation aux médecins, trois domaines d'activités ont été identifiés pour les futurs assistants médicaux : premièrement, des tâches administratives comme par exemple créer le dossier informatique du patient ou enregistrer les informations administratives et médicales dans ce dossier. Deuxièmement, des missions en lien avec la préparation et le déroulement de la consultation : accueillir le patient, l'aider au déshabillage et à l'habillage, aider à la réalisation d'actes techniques. Enfin, des missions d'organisation et de coordination avec les autres professionnels de santé et services sociaux pouvant intervenir auprès des patients en aval des consultations.

Quel que soit le profil soignant ou administratif de la personne recrutée, cette dernière devra valider une formation professionnelle qualifiante dans les trois ans suivant son recrutement.

La durée et le contenu de cette formation seront déterminés dans le cadre de la convention collective des personnels des cabinets libéraux et ne seront bien sûr pas les mêmes pour un infirmier, un aide-soignant ou un secrétaire médical. Nous partageons votre volonté de ne pas confondre les exercices professionnels.

Pour les médecins éligibles, le financement prévu par la convention est pérenne avec une dégressivité jusqu'à la troisième année. Par exemple, dans le cas où un assistant est engagé par un groupe de trois médecins, il est de 12 000 euros par an et par médecin la première année et de 7 000 euros à partir de la troisième année. Il s'agit d'un effort financier important et une évaluation est prévue dans le cadre de la convention médicale avec un premier bilan d'impact à deux ans en termes d'organisation et d'accès aux soins.

Toutes les spécialités médicales sont potentiellement éligibles à l'aide au recrutement d'un assistant médical. Une priorité est accordée aux médecins généralistes et aux autres spécialités en tension au plan démographique ainsi qu'aux 30 % des départements les plus en difficultés en termes de densité médicale.

Mme Nadia Sollogoub.  - Il s'agit bien d'une participation financière au recrutement. Il serait intéressant de savoir si 4 000 personnes ont été recrutées.

La notion de médecins éligibles à cette aide m'inquiète : dans nos territoires ruraux, nombre de médecins sont dans un exercice isolé : ils devraient être prioritaires mais je crains qu'ils soient exclus du dispositif. Or ils appellent à l'aide !

Arrêts maladie des élus municipaux

Mme Nicole Duranton .  - La situation d'élus municipaux, et plus particulièrement d'adjoints au maire et de conseillers municipaux délégués, placés en arrêt maladie dans le contexte de leur activité professionnelle, est préoccupante. Ces élus en arrêt de maladie continuent à exercer leur mandat.

Lorsque les élus locaux qui exercent une activité professionnelle sont placés en congé maladie, ils perçoivent naturellement des indemnités journalières qui peuvent se cumuler. Le bénéfice de ces indemnités journalières est subordonné au respect des dispositions de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale : le bénéficiaire placé en congé de maladie doit observer les prescriptions du médecin, se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical, respecter les heures de sortie autorisées par le praticien et s'abstenir de toute activité non autorisée.

Un élu qui exercerait une activité professionnelle dont le régime social ne lui ouvre pas droit aux prestations en espèces devra cesser ces deux activités pour percevoir les indemnités journalières dues au titre de son mandat, sauf autorisation du médecin.

Si la poursuite de l'activité du mandat électoral n'a pas été autorisée expressément et préalablement par le médecin, l'élu peut effectivement se voir réclamer le remboursement des indemnités journalières. La jurisprudence applicable en la matière place le médecin au coeur de la décision. En effet, il doit inscrire sur l'arrêt de travail que l'exercice du mandat d'élu est autorisé pour que ce dernier n'ait pas à verser de pénalités sur les indemnités journalières qu'il a perçues. Il y a un vrai déficit d'information de la part des caisses d'assurance maladie auprès des médecins et des élus.

De plus, il existe un problème d'ordre juridique. Un salarié d'une collectivité locale ne peut pas être élu dans ladite collectivité et pourtant des cotisations sociales sont appliquées sur les indemnités des élus, on assimile le mandat exercé par l'élu à un travail salarié. Il y a exigence de remboursement des indemnités journalières perçues alors qu'elles ne peuvent pas avoir été perçues au titre de l'exercice d'un mandat qui n'est pas un travail salarié.

Comment pallier ce déficit d'information et résoudre cette anomalie juridique qui a des conséquences financières pénalisantes en termes d'absentéisme des intéressés au sein des organes délibérants ? Un salarié local en arrêt maladie peut-il continuer à exercer son mandat électif dès lors que cet exercice aura été préalablement autorisé par un médecin ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a clarifié les règles applicables aux élus locaux en les affiliant au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques. Cette loi a aussi assujetti les indemnités de fonction de ces élus aux cotisations et contributions de sécurité sociale dès lors que leur montant total dépasse la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 1 689 euros par mois en 2019, ou que l'élu cesse toute activité professionnelle pour l'exercice de son mandat. En effet, si la mission d'élu ne constitue pas un travail salarié, il est normal qu'à partir du moment où les élus perçoivent une rémunération, quelle que soit la dénomination de celle-ci, ces revenus, comme tous les autres revenus perçus par la personne en activité, soient soumis à cotisations sociales.

En contrepartie, les élus locaux cotisants acquièrent désormais des droits à prestations pour l'ensemble des risques. Ainsi, les élus locaux peuvent bénéficier d'indemnités journalières en cas d'arrêt de travail au titre de la maladie ou de la maternité. Lorsque l'élu local est en situation d'arrêt de travail et que le médecin ne précise pas sur le formulaire de l'avis d'arrêt de travail que cette activité est autorisée, la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à récupérer les indemnités journalières servies à ce titre. La Cour de Cassation est venue confirmer l'application de cette règle dans un arrêt du 15 juin 2017. En revanche, lorsque le médecin a mentionné la possibilité d'effectuer les tâches d'élu local, les indemnités journalières sont versées sans possibilité de récupération.

À la suite de difficultés rencontrées par des élus locaux relatives à leur affiliation, la Caisse nationale d'assurance maladie a récemment dédié une page sur son site internet afin d'apporter des informations pratiques aux élus locaux. Les services du ministère vont se rapprocher de cet organisme afin d'enrichir les informations délivrées aux élus locaux notamment en ce qui concerne les indemnités journalières.

Aide à domicile

Mme Martine Filleul .  - Les Français souhaitent très majoritairement vivre le plus longtemps possible dans leur domicile et y finir leurs jours.

Mais aujourd'hui, près de 10 % des demandes formulées par les personnes âgées dépendantes en ce sens ne peuvent être honorées intégralement, faute de personnel et de moyens financiers suffisants.

Le secteur de l'aide à la personne nécessite 1,7 milliard d'euros de financements d'urgence. D'ici 2050, la France comptera près de 5 millions de plus de 85 ans, contre 1,5 million aujourd'hui.

Il est donc urgent de définir une politique qui prenne pleinement en considération ces évolutions et ces besoins croissants, en plaçant l'humain au centre du dispositif : les personnes âgées elles-mêmes bien sûr, mais aussi les indispensables 226 000 professionnels qui vivent paradoxalement souvent au-dessous du seuil de pauvreté.

Par ailleurs, malgré quelques expérimentations, le secteur de l'aide et du soin à domicile est fortement cloisonné entre personnes âgées et handicapées par exemple. Cela entrave la bonne coordination des services aux plus fragiles, et, par conséquent, les rend moins efficaces, au détriment des usagers.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin d'apporter à nos aînés et aux générations à venir des solutions adaptées à leurs besoins et aspirations ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement partage votre préoccupation sur le financement et la situation des salariés du secteur de l'aide à domicile, qui connaît un fort déficit d'attractivité.

L'aide à domicile constitue l'une des priorités de la réforme du grand âge et de l'autonomie, afin de respecter la préférence exprimée par nos concitoyens de pouvoir continuer à vivre chez eux.

Pour répondre à cet enjeu majeur, nous allons prendre plusieurs mesures. La première d'entre elle trouvera sa place dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. II s'agit d'amorcer une réforme structurante du financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile qui permette réellement d'améliorer la qualité du soutien à domicile tant pour les personnes accompagnées que pour les professionnels.

La promotion de modèles intégrant l'aide et le soin à domicile est également au coeur de ces réflexions. C'est pourquoi nous travaillons sur une consolidation des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) qui permettent aux acteurs du soin et du domicile de mieux travailler ensemble.

Enfin, comme vous le soulignez, les professionnels sont au coeur de l'intervention auprès des personnes. C'est pourquoi la ministre des Solidarités et de la Santé a souhaité qu'une mission sur les métiers du grand âge et de l'autonomie puisse proposer de réelles avancées sur ces questions. Ce projet, confié à Myriam El Khomri, concernera pleinement les services d'aide et d'accompagnement à domicile.

Tous ces éléments constitueront un pilier important de la réforme plus globale du grand âge et de l'autonomie que le président de la République et le Premier ministre ont annoncé comme un des enjeux majeurs de la suite du quinquennat.

Mme Martine Filleul.  - J'attends avec impatience le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour débattre avec la ministre. Si de nombreux postes restent vacants, c'est qu'il y a un problème de salaire et d'attractivité. Dégageons des moyens financiers massifs.

Hôpitaux du sud de l'Oise

Mme Pascale Gruny, en remplacement de M. Édouard Courtial .  - Autrefois acquis indiscutable, l'accès aux soins de proximité se délite. La restructuration annoncée des services de l'hôpital de Beaumont-sur-Oise et la fermeture de l'hôpital de Carnelle situé à Saint-Martin-du-Tertre en sont un symptôme.

La menace de pénurie de médecins dans le sud de l'Oise inquiète, notamment pour la ville de Chambly et la communauté de communes Thelloise qui compte plus de 60 000 habitants. Pour lutter contre la désertification médicale qui pénalise d'abord les plus fragiles et les moins mobiles, la ville de Chambly crée une maison de santé pluridisciplinaire. Or ce projet ne s'entend qu'avec le maintien des services hospitaliers de proximité.

Les communes ne doivent pas être les seuls investisseurs, d'autant que l'hôpital de Saint-Martin-du-Tertre a bénéficié de 35 millions d'euros d'investissement depuis 2005. Que comptez-vous faire ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Les problèmes financiers, architecturaux et d'attractivité du groupement hospitalier de territoire Nord-Ouest Val d'Oise ont donné lieu à une réorganisation de l'offre, validée en janvier 2019. Elle vise à atteindre un équilibre médico-économique, à rationaliser l'utilisation de ressources médicales rares et conforter le rôle de proximité de l'hôpital de Beaumont-sur-Oise.

Si la fermeture du service de réanimation de Beaumont est confirmée, l'offre de proximité est maintenue voire renforcée dans les autres services. Ainsi la maternité reste de niveau 2 A, les urgences sont assurées 24 heures sur 24, l'offre en consultations avancées de médecine de spécialité et de chirurgie est renforcée. La permanence des soins est donc assurée.

L'établissement de soins de suite et longue durée de Saint-Martin du Tertre pourrait être transformé en Village Répit Famille, pour les familles aidants-aidés - offre actuellement inexistante en Île-de-France.

Le GHT a également un projet ville-hôpital sur son site de Pontoise reliant les médecins libéraux et le plateau technique de l'hôpital ; il pourra être étendu au site de Beaumont.

Mme Pascale Gruny.  - Votre réponse technique ne rassurera pas totalement nos concitoyens. Si « la santé, c'est le silence des organes », comme le disait Paul Valéry, n'attendons pas les râles mécontents des Oisiens !

Hôpital Saint-Claude à Saint-Quentin

Mme Pascale Gruny .  - L'ARS des Hauts-de-France prévoit de ne plus financer les urgences de l'hôpital privé Saint-Claude à Saint-Quentin les nuits, dimanches et jours fériés. D'autres cliniques des Hauts-de-France sont également concernées.

Le régime indemnitaire obtenu en 2007 était une juste reconnaissance de la participation au service public des médecins et des investissements consentis par l'établissement.

Une telle décision impacterait un territoire déjà fragilisé par le manque chronique de médecins et engorgerait encore les urgences du centre hospitalier, qui peine à recruter et doit recourir à des intérimaires, pour un coût exorbitant. Impossible pour l'ARS de garantir une permanence des soins en comptant uniquement sur le secteur public. Quant aux médecins généralistes, déjà sur-sollicités, ils se retirent des gardes.

Nous n'avons que des engagements oraux ; l'ARS va-t-elle confirmer la pérennité de ses financements ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je veux vous rassurer sur ce sujet, qui appelle néanmoins quelques explications techniques.

Les urgences bénéficient d'enveloppes de financement spécifiques et non des crédits régionaux de PDSES qui sont destinés à la permanence des soins post-urgences.

L'ARS des Hauts-de-France avait fait le choix de financer des lignes de gardes d'urgence de médecins libéraux. Mais depuis le 1er janvier 2018, en application de la nouvelle convention médicale, les médecins libéraux peuvent facturer de nouveaux tarifs de consultations et valoriser certains actes avec majoration de l'assurance maladie. C'est pourquoi le financement des gardes des urgences privées n'est pas reconduit.

Cela n'engendre pas la suppression de ces gardes : la présence d'un médecin urgentiste en permanence reste une obligation réglementaire et les services d'urgence privés sont désormais financés par le forfait annuel urgence.

Nous sommes attachés au maintien d'un accès à des soins de qualité dans les Hauts-de-France. Un groupe de travail régional associant les médecins de l'hôpital de Saint-Claude et les autres acteurs s'est déjà réuni afin de sécuriser l'organisation des urgences.

Mme Pascale Gruny.  - Certes, le sujet est technique, mais nous devons être vigilants et pragmatiques. Supprimer ces lignes ne représente qu'une économie de 0,8 %. Nous avons des professionnels engagés, j'espère un engagement pérenne pour nos territoires sous-dotés.

Transports assurés par le SDIS

M. Antoine Lefèvre .  - Ce sujet a fait l'objet de questions écrites en décembre 2016 puis en juillet 2017, puis d'une interpellation le 4 avril 2018...

Dans les régions rurales, les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) effectuent des trajets pour le compte des hôpitaux, qui doivent régler la prise en charge. Le SDIS de l'Aisne facture 346 euros forfaitairement par trajet - mais sans être jamais payés. La dette du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) s'élève à 1,2 million d'euros par an, sur un budget de 40 millions.

Dans sa réponse du 19 avril, la ministre renvoie au code de la santé publique et dit avoir sensibilisé les ARS au respect du cadre réglementaire et a saisi l'IGA et l'IGAS d'une mission sur le sujet. Hélas, le problème n'est toujours pas réglé et les sapeurs-pompiers de l'Aisne ont saisi le tribunal administratif.

La fracture entre territoires ruraux et urbains se creuse. Les SDIS doivent percevoir leur dû. Comment comptez-vous remédier à cette situation qui coûte très cher au département ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le code de la santé publique prévoit que les SMUR peuvent conventionner avec les sapeurs-pompiers, des transporteurs privés ou des associations agréées.

Dans votre territoire, SDIS et SMUR ne sont pas parvenus à un accord financier. Le tarif de 346 euros par intervention est jugé trop élevé par le SMUR, qui, en l'absence de convention signée, n'a pas honoré les factures présentées. Il est donc poursuivi devant le tribunal administratif. Je déplore cette situation de blocage, unique en France.

L'ARS des Hauts-de-France travaille activement, en associant SDIS et SMUR, pour bâtir un cadre conventionnel commun afin de retrouver la sérénité nécessaire à la collaboration entre services.

Pénurie de médicaments

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Ces derniers mois, la cortisone, anti-inflammatoire indispensable pour de nombreux patients, était en rupture de stock.

Au-delà, la pénurie de médicaments est loin d'être rare. Le sujet a d'ailleurs fait l'objet d'une mission d'information du Sénat. Un quart des Français y ont déjà été confrontés pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, contre le cancer, l'épilepsie ou la syphilis, ou encore pour des vaccins... Cette pénurie récurrente serait due aux stratégies financières des industriels, essentiellement tournées vers le profit au détriment de la production et de l'approvisionnement continu. Que compte faire le Gouvernement pour y remédier ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le circuit du médicament est régulièrement touché par des dysfonctionnements qui concernent un nombre croissant de pays européens. Les causes en sont multiples.

La prévention de la pénurie est une priorité du ministère, qui présentera prochainement sa feuille de route 2019-2022. Ses principaux axes : promouvoir la transparence et la qualité de l'information afin de rétablir la confiance et la fluidité entre les acteurs ; lutter contre les pénuries par de nouvelles actions sur tout le circuit ; renforcer la coordination nationale et la coopération européenne ; mettre en place une nouvelle gouvernance, dès septembre 2019, avec l'ensemble des acteurs, à commencer par les associations de patients.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Que le problème ne soit pas propre à notre pays n'est guère rassurant. La mission sénatoriale comme les associations d'usagers ont fait des préconisations de bon sens. Espérons que la feuille de route envisagera des mesures coercitives à l'encontre des industriels s'il le faut !

Avenir de l'unité SOS Main du Diaconat de Mulhouse

Mme Catherine Troendlé .  - Le service des urgences de la main du Diaconat de Mulhouse, créé il y a trente ans, a été reconnu par l'ARS d'Alsace en juillet 2013. Depuis, celle-ci lui verse environ 500 000 euros par an.

Or ce statut de structure d'urgences est menacé depuis la fin 2018 et l'existence même de cette activité remise en cause pour un simple motif réglementaire : l'administration considère qu'il s'agit d'une activité spécialisée de prise en charge, or la réglementation ne reconnaît que les urgences polyvalentes. Aussi est-il imposé au Diaconat de regrouper les urgences de la main et les urgences polyvalentes sur le site pour prétendre conserver les aides de l'État. Or, pour des raisons techniques, ce regroupement est impossible.

La disparition de cette activité dans le Haut-Rhin irait à l'encontre de la volonté du président de la République de maintenir une offre de soins de proximité de qualité dans les territoires.

L'ARS Grand Est aurait accepté de prolonger le versement des aides pour l'année 2019, au titre de la permanence de soins, mais quid des années suivantes ?

Aussi je vous demande d'intervenir en faveur du maintien de l'activité SOS Main au Diaconat de Mulhouse, au besoin en autorisant l'ARS à intégrer dans le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec le Diaconat, un volet reconnaissant la spécificité de cette activité et garantissant le versement d'aides à hauteur des aides actuelles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'intérêt de cette offre de soins ne fait aucun doute, et est pleinement reconnu par l'ARS. Cependant, il convient de faire évoluer le vecteur de financement pour l'adapter à la réglementation en vigueur : l'activité ne relève en effet pas d'un service d'urgence, dont le financement spécifique vise à couvrir la permanence d'accueil pour tout patient et la présence continue d'urgentistes.

D'autres vecteurs de financement, tels que la permanence des soins en établissement de santé ou les soutiens à l'amélioration de la qualité de l'offre de soins régionale peuvent être mobilisés.

L'ARS prépare, en lien avec l'établissement, une solution pérenne de financement pour l'activité SOS Main, qui sera mise en oeuvre en 2020.

Coparentalité effective

M. Stéphane Piednoir .  - Ma question s'adressait à la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le principe de coparentalité, introduit par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, établit qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents, séparés ou non. Or 40 % des enfants issus d'une séparation ne voient plus ou très rarement leur père. Après séparation, 73 % des enfants vivent uniquement chez leur mère, 7 % uniquement chez leur père et 17 % seulement en résidence alternée. On est loin de l'égalité réelle entre hommes et femmes.

Ne pourrait-on faire de la résidence alternée un principe de base, comme dans d'autres pays, afin de rééquilibrer la place des deux parents auprès de l'enfant ? Une présomption de résidence alternée permettrait à de nombreux enfants de grandir dans un climat plus serein. La coparentalité pourrait être la règle. Que comptez-vous faire pour éviter qu'un enfant soit privé de l'un de ses parents en cas de séparation ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Veuillez excuser Marlène Schiappa. Du reste, votre question relève davantage du ministre de la Justice.

Le Gouvernement soutient le principe de coparentalité. Aux termes de l'article 373-2 du code civil, le juge aux affaires familiales fixe la résidence de l'enfant lors de la séparation. La continuité et l'effectivité du maintien de la relation avec chacun des parents doivent être assurées.

En cas de désaccord entre les parents, le juge doit être attentif au maintien de la coparentalité mais avant tout à l'intérêt supérieur de l'enfant, qui ne se situe pas toujours dans la résidence alternée. Chaque enfant, chaque histoire, chaque famille, est différent : c'est pourquoi le juge doit trancher au cas par cas.

M. Stéphane Piednoir.  - On ne peut se satisfaire que des milliers d'enfants s'éloignent progressivement de l'un de leurs parents. L'absence d'un parent est le plus souvent préjudiciable, voire à l'origine de troubles. Rendons la résidence alternée plus systématique.

Instruction des permis de construire

M. Henri Cabanel .  - La loi ALUR du 24 mars 2014 a acté la fin de la mise à disposition des services de l'État au bénéfice des communes pour instruire les permis de construire et documents d'urbanisme, faute de moyens après des années de RGPP. Depuis ce désengagement de l'État, ce sont les communautés de communes qui instruisent les demandes et facturent ce service aux communes adhérentes. Les EPCI se dotent de services compétents, dans un esprit de décentralisation, mais la facturation pèse sur les finances des petites communes exposées à la pression foncière, notamment autour de métropoles comme Montpellier.

Dans l'Hérault, certaines communes ont décidé de demander une contribution financière aux demandeurs de permis de construire, ce qui a été refusé par le préfet.

Sous quelles conditions le Gouvernement pourrait-il envisager de soutenir les petites communes pour l'instruction des permis de construire ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Veuillez excuser l'absence de Julien Denormandie. L'instruction des actes d'urbanisme est une compétence des collectivités territoriales, le maire demeurant signataire de l'acte. La loi ALUR n'a pas supprimé l'aide des services de l'État mais l'a réservée aux communes appartenant à des EPCI de moins de 10 000 habitants depuis 2015.

Une facturation peut être pratiquée par les EPCI mais l'organisation mutualisée du service instructeur au niveau supra-communal permet des économies d'échelle et garantit la continuité du service. La dématérialisation réduira aussi les coûts. Enfin, le réseau « urbanisme et numérique » a été lancé par l'AMF et la AdCF le 25 avril pour préparer l'échéance de 2022.

Le ministère souhaite faciliter l'interopérabilité des différents outils pour l'instruction des demandes. La mutualisation entre collectivités territoriales, notamment en matière d'urbanisme, sera aussi traitée par le prochain projet de loi Engagement et proximité.

M. Henri Cabanel.  - La facturation s'établit à environ 300 euros par permis instruit, ce n'est pas totalement négligeable pour des communes à petit budget. Nous y reviendrons lors de l'examen du projet de loi Engagement et proximité, car les petites communes ont besoin d'aide.

Grands syndicats d'eau et d'assainissement

M. Guy-Dominique Kennel .  - Lors du grand débat, le président de la République a plaidé pour une intercommunalité choisie. Or certaines dispositions pénalisent les grands syndicats d'eau et d'assainissement ainsi que les EPCI à fiscalité propre membres. Incarnation d'une intercommunalité à taille départementale, les grands syndicats assurent une mutualisation à large échelle et des réponses adaptées à chaque territoire, pour un coût moindre que dans le privé. Ils doivent être maintenus et renforcés.

La loi de finances pour 2019 intègre la redevance d'assainissement dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale (CIF) des communautés de communes en 2020, et la redevance d'eau potable en 2026. L'augmentation de la valeur du CIF permet à l'EPCI de bonifier sa dotation d'intercommunalité - à condition d'exercer lui-même les compétences, quitte à les reprendre aux syndicats existants.

Les redevances eau et assainissement devraient être intégrées dans le calcul du CIF, que la compétence soit exercée par l'EPCI ou par un syndicat. Cette anomalie doit être corrigée, dans un objectif d'efficacité, de mutualisation et de différenciation territoriale. Seriez-vous favorable à un réexamen des dispositions qui pénalisent les grands syndicats et les EPCI à fiscalité propre ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - La délégation de la compétence eau et assainissement pourra être transférée à une commune qui le gère en régie ou à un syndicat. Nous y reviendrons dans le projet de loi Engagement et proximité.

Lors du dernier projet de loi de finances, les députés ont, à l'unanimité, fait entrer la redevance dans le calcul du CIF ; les sénateurs ont souhaité décaler cette intégration.

Les services de la DGCL en expertisent les effets potentiels ; il s'agit d'éviter les effets de bord. Je vous donnerai des éléments plus précis et concrets lors du prochain projet de loi de finances.

Lutte contre l'occupation illégale de logements et locaux vacants

M. Gilbert Roger .  - Dans le cadre de l'occupation illégale d'un logement ou d'une propriété entière, le délai de flagrance retenu est de 48 heures. Dans la pratique, c'est très court, l'effraction pouvant être discrète et la date de l'effraction difficile à prouver.

Des propriétaires ainsi spoliés peuvent se retrouver dans une situation dramatique. À Bagnolet, un couple de propriétaires qui avait quitté son logement quelques jours avant la conclusion de la vente de leur bien a vu celui-ci occupé. Alors que le produit de la vente devait solder leurs dettes, l'impossibilité de conclure celle-ci a conduit à une saisie du bien à vil prix, laissant le couple surendetté.

Allonger le délai de flagrance à huit jours, prolongeable d'autant, comme pour un vol aggravé, permettrait de mieux faire respecter l'ordre public. Le Gouvernement est-il prêt à l'envisager pour adapter les moyens d'action de la puissance publique à la lutte contre l'occupation illégale des logements vacants ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - La lutte contre ce phénomène est une priorité du Gouvernement, qui a renforcé les règles applicables en la matière dans la loi ELAN.

L'infraction de violation de domicile, prévue par le code pénal, a été précisée par la loi du 24 juin 2015. C'est un délit continu : tant que la personne se maintient dans les lieux, une enquête peut être diligentée dans le cadre de la flagrance ; l'officier de police judiciaire peut exercer les pouvoirs coercitifs prévus par l'article 53 du code de procédure pénale. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux, prévue par la loi de 2007, n'est pas suivie d'effet, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement.

En revanche, sauf dégradations graves, l'occupation illicite d'un logement vide ne peut donner lieu à de telles mesures dans le cadre de la flagrance ; la décision du juge est nécessaire pour obtenir l'expulsion. Le délai peut être court, et le bénéfice de la trêve hivernale peut être réduit ou supprimé quand l'occupant est entré par voie de fait.

Le droit en vigueur offre donc divers outils aux propriétaires pour obtenir l'expulsion des squatteurs dans des délais raisonnables. Il ne semble pas nécessaire de modifier le cadre légal.

M. Gilbert Roger.  - Lorsqu'un logement laissé vacant quelques jours est squatté, la trêve hivernale est inadmissible : il faut obtenir l'expulsion sans délai.

Financement des urgences par des intercommunalités

Mme Sylviane Noël .  - Thonon Agglomération et les communautés de communes du Haut-Chablais et de la vallée d'Abondance et pays d'Évian ont délibéré, en février 2019, pour accorder une subvention de 1,25 million d'euros aux hôpitaux du Léman dans le cadre de la rénovation du service des urgences. Or le préfet de la Haute-Savoie considère ces délibérations illégales car prises en-dehors de leurs compétences statutaires.

Il s'agit de réhabiliter et de mettre aux normes l'accueil des urgences, surchargées en raison de la raréfaction des généralistes et de la hausse de la population.

Les intercommunalités justifient cette subvention par leur compétence d'aménagement du territoire et de développement économique, les hôpitaux du Léman représentant un élément structurant et l'un des premiers employeurs du Chablais.

Il existe de nombreux précédents au sein du département qui n'ont jamais posé de problème aux services de l'État. Pourquoi cette politique à géométrie variable ? Si l'État n'est pas en mesure de porter lui-même ce projet vital, il ne saurait en priver les élus et habitants du Chablais ; ce serait la double peine !

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - L'ARS est mobilisée pour la rénovation et l'investissement de cet établissement.

Les collectivités territoriales ne peuvent agir que dans le cadre des compétences que la loi leur reconnaît. Seules les communes ont la clause de compétence générale - mais la loi doit parfois les autoriser à procéder à d'investissements spécifiques, on l'a vu pour Notre-Dame.

La compétence développement économique d'une intercommunalité ne peut donc être utilisée pour financer cet investissement, puisque la santé publique relève de l'organisation des services publics administratifs d'urgence.

J'ai demandé à la DGCL d'expertiser un montage juridique qui ne soit ni baroque ni lâche juridiquement. On ne saurait demander aux préfets de fermer les yeux sur le contrôle de légalité.

Nous veillerons, dans la future loi de décentralisation, à mieux associer les conseils départementaux aux politiques sanitaires.

Mme Sylviane Noël.  - Si les collectivités territoriales sont conduites à intervenir, c'est parce que les ARS n'ont pas le budget pour le faire ! J'espère que les instructions données à la DGCL permettront aux élus d'intervenir en cas de carence de l'État.

Arboretum national des Barres

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - Ma question porte sur le devenir de l'arboretum national des Barres et la nécessité de préserver ce joyau du patrimoine loirétain, l'une des plus riches collections botaniques européennes, internationalement reconnue.

Véritable source d'inspiration pour les forestiers, pépiniéristes et concepteurs d'espaces urbains à l'heure des changements climatiques, où il faut construire les espaces verts de demain, c'est aussi un lieu d'accueil sans pareil pour sensibiliser les futures générations à l'environnement.

Depuis plusieurs années, ce site, bientôt bicentenaire, créé par Philippe-André de Vilmorin en 1821, qui a obtenu le label « jardin remarquable » en 2004 pour ses 380 hectares et ses 2 600 espèces d'arbres et d'arbustes, est confronté à de difficiles décisions qui le mettent en péril : désengagement progressif de ses partenaires ; rapport de 2014 de la Cour des comptes recommandant à l'Office national des forêts (ONF), gestionnaire depuis 2009, déjà plombé par une dette importante, de se retirer totalement...

La solution provisoire trouvée localement en ce début d'année est évidemment à saluer. Mais que mettra en oeuvre le Gouvernement de manière pérenne pour préserver ce site, qui fêtera dans deux ans son bicentenaire, lui trouver un modèle économique viable et sanctuariser cette collection, véritable « bien commun » auquel l'ensemble des associations de patrimoine arboricole est particulièrement attaché ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - L'ensemble des parlementaires du Loiret, dont M. le député Jean-Pierre Door et M. le sénateur Jean-Pierre Sueur, tout comme le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, sont très attachés à ce que l'ONF joue son rôle de conservation d'un site remarquable, unique.

Cette mission est inscrite dans le Contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 de l'ONF, au titre des missions d'intérêt général ; l'Office assure aussi d'autres missions, qui ne sont pas inscrites dans ladite convention, telles que l'accueil du public, l'éducation à l'environnement, la reproduction d'espèces ornementales.

En 2018, l'ONF a décidé de mettre fin à l'accueil du public. Le préfet de région s'est employé à trouver une solution d'urgence, en confiant cette activité pour deux ans à la communauté de communes Canaux et forêts du Gâtinais avec le soutien financier d'autres collectivités territoriales, et une subvention de 50 000 euros de l'État par le biais du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire.

Le conseil régional va lancer une étude pour écrire de nouveaux scénarios d'aménagement, notamment pour faire de ce site un lieu d'éducation à l'environnement. L'État est mobilisé, avec le préfet et le ministère.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Merci. J'espère qu'en 2021, l'arboretum des Barres sera remis sur de bons rails, pour son bicentenaire.

Gestion des prairies dans les Hauts-de-France

M. Frédéric Marchand .  - Le maintien des prairies permanentes est un enjeu économique, sanitaire et environnemental important pour l'agriculture des Hauts-de-France. Ces prairies sont propices au maintien d'une agriculture diversifiée, force pour la région. Ces milieux abritent aussi des habitats riches de biodiversité, qui préservent la qualité de l'eau et préviennent certains risques naturels, dont l'érosion.

Dans le Nord, la Sambre-Avesnois fait face à un phénomène nouveau. En manque de terre, les agriculteurs belges et néerlandais s'installent sur ce territoire pour produire intensivement des pommes de terre pour alimenter les usines de frites surgelées, la production de chips ou la fabrication de sacs plastiques recyclables.

Cette agriculture intensive nécessite beaucoup de terre pour respecter la rotation des cultures. Les conséquences sont l'arrachage des haies, l'utilisation massive de pesticides et d'intrants chimiques mettant en danger la biodiversité, la pollution des nappes phréatiques, la destruction des paysages bocagers. À cela s'ajoutent les conséquences possibles sur la santé des habitants, et des conséquences économiques avec une montée exponentielle du coût des surfaces agricoles.

L'ensemble de la production n'est pas destiné à la consommation locale, mais réexpédié vers la Belgique et les Pays-Bas. Les pesticides, carburants, plants de pommes de terre, sont eux importés du pays d'origine des agriculteurs.

C'est le cas dans la commune d'Anor, située en zone parc régional et Natura 2000, entourée de prairies. Si ces dernières sont retournées massivement et subissent l'épandage de pesticides dont la traçabilité reste à déterminer, la production « bio » du territoire risque d'être perdue. Plus grave, dans cette commune se trouve une parcelle sur laquelle sont régulièrement cultivées des pommes de terre avec l'épandage de pesticides importés de Belgique ; cette parcelle se situe à moins de 100 mètres d'un établissement scolaire qui reçoit 90 enfants de 2 ans à 5 ans.

Cette école est l'une des premières construites en respectant les normes environnementales - elle est notamment dotée d'un récupérateur d'eau de pluie qui sert à un jardin pédagogique.

Les élus et les habitants d'Anor sont inquiets des conséquences de ces nouvelles pratiques auxquelles ils doivent faire face.

La sous-location des terres se répand, qui soulève de nombreuses interrogations. Comment mieux contrôler l'activité des agriculteurs belges et néerlandais dans les Hauts-de-France ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Cette question est très sérieuse. Elle...ennuie profondément les agriculteurs de votre territoire. Je le dis tout net : la situation n'est pas tenable, et nous ne pouvons pas accepter cette distorsion de concurrence. Mes services évaluent, en ce moment même, les surfaces mobilisées dans les Hauts-de-France, notamment les retournements de prairies pour cultiver des pommes de terre, et diligentent des contrôles. Je leur ai demandé une attention particulière au respect des règles sanitaires. Ils effectuent des prélèvements à cette fin. Je souhaite qu'ils veillent spécialement aux méthodes de pulvérisation et au traitement des parcelles dans le voisinage des établissements scolaires. Je vous remercie de me donner ici l'occasion de m'exprimer publiquement pour la première fois sur ce sujet. Le ministère, sachez-le, est totalement en phase avec vos interrogations.

M. Frédéric Marchand.  - Merci. Je ferai part dès demain de votre réponse à Anor. Là où il y a une volonté, il y a un chemin.

Le loup en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat .  - Monsieur le ministre, lorsque vous siégiez sur nos bancs, comme président de notre groupe, vous avez plusieurs fois posé la question : que faire face à la présence du loup, qui s'attaque de manière répétée aux troupeaux ? En l'occurrence, il s'agit d'un phénomène nouveau pour la Dordogne.

Récemment, 30 bêtes ont été attaquées, à moitié dévorées, laissées ainsi dans les champs, dans un rayon de trente kilomètres autour de certaines communes du nord du département. Les éleveurs sont en colère et se sont constitués en association de défense, notamment à Jumilhac-le-Grand. La situation est bien différente en Dordogne de celles des piedmonts alpins ou pyrénéens. Le préfet a certes réactivé la cellule Loup et mis en place des référents, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. On n'a pas la preuve formelle que le loup est responsable de ces dégâts, mais il y a peu de doute.

Comment indemniser les éleveurs concernés, ce qui n'a pu être fait jusqu'à présent, et faire face à ces attaques ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Oui, je me bats depuis des années sur le dossier, vous le savez. Rappelons au préalable d'abord que nous sommes très attachés à la biodiversité.

Cela dit, pour apaiser la conversation, j'ai été le premier ministre à déclarer officiellement que la population de loups a franchi les 500 individus en France. Nous avons donc réactivé le plan Loup, en augmentant le taux de prélèvement de 10 % à 17 % de prédateurs, et prévu une enveloppe de 30 millions d'euros d'indemnisations, ce qui est considérable, et pourrait être utilisée aisément ailleurs. Car les éleveurs ne veulent pas être indemnisés, ils veulent vivre de leur métier, et c'est cela ma priorité.

Mais qui attaque les troupeaux ? Sont-ce des loups, des hybrides ou des chiens errants ? Le préfet coordonnateur, M. Pascal Mailhos, travaille à faire la lumière sur la question.

Je m'engage, pour ma part, à continuer à travailler pour le bien-être des éleveurs, que je privilégierai toujours face aux prédateurs.

M. Claude Bérit-Débat.  - Le nord de la Dordogne et la Haute-Vienne ne sont pas habituées à la présence du loup - qui n'a certes pas été formellement identifié, mais un individu a déjà été abattu en Dordogne, par un brave grand-père, dans son poulailler.

Il faut faire plus, car les patous ne peuvent être déployés en Dordogne comme ils le sont dans les Alpes et les Pyrénées.

Vote par internet pour les élections consulaires de 2020

Mme Jacky Deromedi .  - Le vote par internet est un dispositif essentiel pour les Français de l'étranger, pour les élections des députés les représentant et pour les élections consulaires.

Cette possibilité constitue une garantie essentielle pour ces Français qui doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre aux urnes. En pratique, ils utilisent massivement le vote par internet : plus de la moitié d'entre eux ont voté en ligne lors des élections législatives de 2012.

Il serait bon d'éviter l'échec des élections législatives de 2017 où l'État et son prestataire n'étant pas parvenus à garantir l'intégrité de la plateforme de vote, avaient supprimé, à deux mois du scrutin, cette modalité d'expression démocratique. Quelles mesures ont été prises pour garantir le vote par internet pour les prochaines élections consulaires de 2020 ?

Augmenter le nombre de tests grandeur nature et s'appuyer sur la directive interministérielle du numérique figurent parmi les solutions, que nous avions préconisées, avec Yves Détraigne, dans notre rapport, après dix mois de travaux de la mission d'information sur le vote électronique. Nous insistions aussi sur la nécessité de sécuriser l'identification des électeurs participant au vote par internet, en créant une véritable identité numérique, le cas échéant à partir d'outils biométriques.

Où en sommes-nous, monsieur le ministre ? L'échéance approche à grands pas : il reste dix mois pour que nos compatriotes puissent s'exprimer de la manière la plus adaptée pour plus de la moitié d'entre eux !

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Veuillez excuser le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Le vote électronique doit être sécurisé, condition qui n'était pas remplie en 2017. Elle le sera toutefois pour les élections consulaires de 2020, comme pour les élections législatives de 2022, car le pilotage et le suivi du prestataire ont été renforcés ; la nouvelle plateforme a fait l'objet de travaux dès 2018, et leur calendrier est pour l'heure respecté. Sa robustesse a été améliorée et l'ergonomie du système permettra de voter en moins d'une minute.

Nous avons présenté ces projets en mars dernier devant l'Assemblée des Français de l'étranger. Mes équipes passent à l'échelle supérieure avec un test grandeur nature du 5 au 8 juillet 2019 ; un autre aura lieu, si besoin, en octobre.

Une étude très exigeante, lancée en juin, nous permettra d'apprécier les risques numériques et de traitement, afin de corriger d'éventuelles failles en amont.

L'homologation de la plateforme sera faite en janvier 2020.

Mme Jacky Deromedi.  - Merci. La voix des Français de l'étranger compte autant que celle des Français de métropole et d'outre-mer.

Décrochage de Metz dans l'université de Lorraine

M. François Grosdidier .  - Le Premier Empire avait créé deux facultés, l'une de sciences à Metz et l'autre de lettres à Nancy. Lors de l'Annexion en 1871, l'intelligentsia quitte Metz la francophone pour Nancy, le bastion le plus avancé de la francité. Le IIe Reich assèche la vie intellectuelle et condamne toute activité universitaire à Metz. Il investit exclusivement à Strasbourg. La République française, légitimement, investit massivement à Nancy, le bastion universitaire le plus avancé de la francité aux marches de l'Est.

Il faudra attendre la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur, dite loi Faure, pour créer quatre établissements publics d'enseignement supérieur en Lorraine. Metz reste toutefois sous-dotée par rapport à son bassin de population. Metz a accepté la fusion pour créer l'université de Lorraine car elle était convaincue qu'ensemble, les sites universitaires de Lorraine seraient plus forts et se développeraient d'autant mieux. Cependant, le risque était fort pour Metz, en acceptant cette fusion, de figer cette disproportion entre les deux sites, voire de l'accroître. Ce risque se vérifie.

Metz a toujours un site universitaire sous-dimensionné par rapport à ses bassins de vie et d'emploi. L'organisation de cette université ne profite manifestement pas à Metz. Son siège est à Nancy, ainsi que l'ensemble du personnel de la direction. Le président siège à Nancy, et 64 % des vice-présidents sont nancéiens. Sur les onze directions opérationnelles, une seule siège à Metz. Seuls 31 % des étudiants sont implantés en Lorraine-Nord.

Le Gouvernement a-t-il conscience de l'accroissement des inégalités ? Une scission est-elle possible ? Metz doit-elle chercher les voies de son développement auprès des grandes écoles ou des universités étrangères ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Vidal. La fusion des universités de Nancy et de Metz témoigne de l'intérêt de la création de ce grand établissement d'enseignement supérieur et de recherche. Il ne revient pas à l'État de remettre en cause les décisions d'une université, désormais autonome. Le ministre ne partage pas votre point de vue. Le siège de Nancy a été choisi en raison de la place du rectorat.

Formation et recherche ont été rapprochées des entreprises par le biais d'une technopole où les UFR de mathématiques, d'informatique et de mécanique et cinq laboratoires de recherche associés ont été installés et ont bénéficié d'un investissement de 38,7 millions d'euros. Les contrats doctoraux sont gérés sans distinction entre les sites de Nancy et de Metz.

Quant au projet Mista (management, ingénierie et sciences des technologies avancées), ambitieux et complexe, il a été décidé de prendre davantage de temps pour en étudier les contours. Cela n'enlève rien à votre diagnostic, partagé. Metz connaît un regain de croissance économique nécessitant davantage de formation d'ingénieurs et de techniciens spécialisés. Mme Vidal demandera que le site de Metz prenne en compte ces enjeux, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion qui sera généralisé à toutes les universités, dès la rentrée prochaine.

Carrières et retraites des anciens instituteurs

Mme Marie-Pierre Monier .  - Avec Claude Raynal, nous constatons que les conséquences de la mise en place du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) pour les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles posent problème.

Les anciens instituteurs ne sont plus éligibles aux rendez-vous de carrière qui permettent d'accéder à la hors classe de professeur des écoles. Quinze ou vingt ans d'une vie professionnelle au service de l'État sont rayés du calcul des possibilités d'avancement. L'ancienneté de service n'est plus un critère !

La méritocratie républicaine, dont ils sont les premiers gardiens, ne trouverait pas à s'appliquer pour eux. L'idéal de la fonction publique, basé sur la promotion interne, le plus souvent par concours, se trouve mis à mal par des règles comptables ! La pratique diffère selon les académies, renforçant ainsi les inégalités.

Cette inégalité de traitement s'accompagne de conséquences à long terme, sur le montant des retraites. Des fonctionnaires qui ont, par vocation, consacré leur vie à l'intérêt général, se retrouvent avec des retraites inférieures à celles de leurs collègues.

Au-delà de l'aspect financier, c'est un problème humain. Ces professeurs des écoles, qui ont gravi tous les échelons, ressentent cela comme un profond mépris, une séparation entre les « vrais professeurs des écoles » et ceux arrivés plus tardivement.

Quelles sont les solutions envisagées pour remédier à cette situation ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Je parlerai au nom de Jean-Michel Blanquer. La création du corps des professeurs des écoles s'est accompagnée de l'intégration progressive des instituteurs. Fonctionnaires de catégorie B, recrutés au niveau du bac, ils ont rejoint le corps de catégorie A des professeurs des écoles par voie de concours interne ou de liste d'admission. Mais la reprise d'ancienneté n'est pas totale, même si les instituteurs sont éligibles à la hors classe en 2017 et à la promotion dès leur intégration dans leur nouveau corps.

Depuis, le protocole a été modifié en 2017. Le vivier des agents promouvables a été resserré mais le taux de promotion a été augmenté de 5,5 % en 2017 à 13,2 % en 2018. Il sera augmenté à 15,5 % en 2019 pour atteindre la convergence avec le taux des professeurs du second degré.

S'agissant de leur évaluation professionnelle, les ex-instituteurs promouvables à la hors classe, qui n'avaient pu bénéficier d'un rendez-vous de carrière, ont reçu, lors de la campagne 2018, une appréciation sur leur valeur professionnelle, fondée sur l'avis des inspecteurs.

Ils ont donc été intégrés à l'exercice de promotion à la hors classe qui repose sur l'examen de deux critères : l'appréciation professionnelle et l'ancienneté.

Les instituteurs devenus professeurs des écoles peuvent également accéder au 3e grade créé par le PPCR, dénommé « classe exceptionnelle ». Les conditions de passage sont favorables aux professeurs des écoles ex-instituteurs : lors de la campagne de promotion 2018, ils constituaient en effet moins d'un tiers du vivier des promouvables mais représentaient plus de la moitié des promus.

Ainsi, les instituteurs qui ont intégré le corps des professeurs des écoles ont un déroulé de carrière qui leur permet de partir à la retraite dans des conditions plus favorables que celles qui auraient été les leurs dans le corps des instituteurs.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Sur le terrain, la situation est bien différente ! Il y aurait à redire sur l'appréciation des inspecteurs, que vous avez mentionnée. Notre République promeut l'égalité de traitement entre tous les individus, qu'elle la réalise pour son personnel !

Sous-effectifs chroniques au sein des juridictions

Mme Brigitte Lherbier .  - L'administration judiciaire, et plus particulièrement le corps des magistrats, souffre d'un manque constant de personnels.

À Lille, le tribunal de grande instance (TGI) dispose aujourd'hui d'un effectif réel de 216 équivalents temps plein (ETP) fonctionnaires. Mais ses besoins, estimés à partir des outils d'évaluation de l'administration centrale, croissent d'année en année, à raison des réformes et de l'augmentation de la demande, pour atteindre 280 ETP à la fin 2018.

Le TGI de Lille aurait donc besoin de 280 emplois de fonctionnaires, là où il n'en a aujourd'hui que 216, soit un manque de 64 emplois, c'est-à-dire 23 % de l'effectif.

En dépit de l'attention de l'administration centrale, l'effectif de fonctionnaires reste inadapté aux charges de travail, si bien que le ratio de performance des fonctionnaires du TGI de Lille est le plus élevé du groupe rassemblant les douze juridictions les plus importantes de France.

Vendredi dernier, je me suis rendue au troisième conseil de juridiction. Il y a une surcharge de travail excessive par manque de personnel. Vingt-six juridictions sociales françaises connaissent une réforme qui s'ajoute à Lille, à l'activité initiale.

L'activité pénale y a augmenté de 16 %. Le nombre de greffiers doit être augmenté. La situation est grave. Comment le Gouvernement entend-il remédier à cette situation ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Je vous prie d'excuser l'absence de la garde des sceaux, ministre de la Justice. La programmation quinquennale 2018-2022 prévoit la création nette de 184 emplois de greffiers. Déjà 750 greffiers ont été recrutés en cinq ans, et seront également répartis entre les juridictions, en fonction de leur charge de travail. La fusion des greffes de première instance permettra une meilleure répartition.

La circulaire de localisation des emplois (CLE) constitue le cadre annuel de gestion des effectifs, en fonction des demandes des cours d'appel. La charge de travail importante du TGI de Lille a été identifiée par l'administration centrale et a conduit à une augmentation des effectifs depuis cinq ans. Vingt-six emplois ont été créés, soit une augmentation de 11 %, contre 2 % à l'échelle nationale.

Désormais, 238 agents travaillent au TGI de Lille. En 2019, quatorze postes ont été créés pour absorber le transfert du contentieux social. La cour d'appel de Douai, elle, a bénéficié de cinq emplois supplémentaires. Ces efforts se poursuivront dans les prochaines années.

Mme Brigitte Lherbier.  - J'ai toujours travaillé étroitement avec les magistrats et les greffiers, qui méritent cette considération, tant leur dévouement est grand.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.