Congé pour le décès d'un enfant

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant.

Discussion générale

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - La perte d'un enfant est une tragédie sans équivalent. Nous avons le devoir de mieux accompagner les parents, confrontés à d'inextricables démarches administratives, doublées d'inégalités territoriales inacceptables.

L'émotion suscitée par le sort de la proposition de loi du député Guy Bricout a mis en lumière l'ampleur des difficultés et montré la nécessité d'un système de protection complet apportant une réponse à la hauteur des besoins des familles endeuillées, reconnaissant pleinement la douleur des parents. Les familles « ne sont pas toutes égales dans leurs ressources de résilience », dit justement une association.

Le texte a été considérablement enrichi par rapport à sa version initiale, grâce à un travail inédit de co-construction, des amendements miroirs ayant été déposés par le Gouvernement.

Loin des polémiques, nous avons été collectivement guidés par la volonté de créer le plus rapidement possible des droits nouveaux. Je salue l'esprit digne de la rapporteure et des membres de la commission des affaires sociales. La même dignité a présidé aux concertations avec les partenaires sociaux, que nous avons menées conjointement avec Adrien Taquet, ainsi qu'à celles menées avec l'Assemblée nationale et le Sénat, avec Martin Lévrier et les rapporteurs, que je salue, dans le prolongement des Assises du deuil accueillies par Mme Deroche, le 2 juin dernier, au palais du Luxembourg.

Cette proposition comporte cinq axes forts : la création d'un congé de répit universel ; le renforcement de la protection contre le licenciement ; la fin de l'arrêt brutal des prestations familiales et la facilitation du parcours administratif ; la création d'une allocation relative aux frais d'obsèques, et le renforcement de l'accompagnement psychologique des parents.

Nous instaurons un congé de deuil pour tous : la douleur insondable de la perte d'un enfant ne doit pas être différenciée en fonction de statuts. Salariés, agents publics, indépendants, demandeurs d'emploi auront tous 15 jours ouvrés de répit, qui n'excluent pas qu'un arrêt de travail pour maladie prenne le relais.

Le délai de carence pour le versement du complément employeur sera supprimé par un décret, dès l'entrée en vigueur de la proposition de loi.

Deuxième axe, l'amélioration des conditions de retour à l'emploi. Pendant les treize semaines suivant le décès de l'enfant, le salarié sera protégé contre le licenciement.

Le maintien du mécanisme de don de jours de repos entre salariés, porté par la députée Sereine Mauborgne et voté à l'Assemblée, concrétisera l'élan de solidarité qui s'exprime entre collègues lors ces évènements tragiques. Les associations ont exprimé de fortes attentes auprès des partenaires sociaux, sur le retour à l'emploi des parents endeuillés.

Les accords d'entreprise ou de branche pourront créer une allocation de frais d'obsèques et renforcer l'accompagnement psychologique.

Nous porterons les nouveaux droits créés par ce texte à l'échelle européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ainsi que sur le banc de la commission)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - (Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales, applaudit.) La pire des prisons, c'est la mort de son enfant : celle-là, on n'en sort jamais.

Le deuil d'un enfant n'exige rien d'autre qu'écoute et humilité. Muriel Pénicaud et moi-même avons donc écouté les nombreuses associations qui se mobilisent pour les parents endeuillés, que je salue ici : le sourire de Lucie, Grandir sans cancer, Naître et vivre, Eva pour la Vie, Aidons Marina, Association Lea, SOS Prema, Apprivoiser l'absence, Mieux traverser le deuil, Empreinte, Jonathan Pierre vivante, le Point rose ou encore France victimes.

Tout n'a été que dignité, placidité, sensibilité dans ce dialogue. Nous avons touché à l'incapacité des pouvoirs publics à accompagner cette absence. Nous avons donc voulu imaginer un accompagnement à la hauteur de la dignité des parents.

Le congé de répit sera ainsi porté à quinze jours - sept jours portés par l'employeur, huit pour la solidarité nationale, via la branche famille de la sécurité sociale - et ce pour tous les parents, salariés, agents de la fonction publique, travailleurs indépendants.

Les demandeurs d'emploi seront quant à eux dispensés de recherche pendant cette période et continueront de percevoir leurs allocations.

Il fallait élargir la réflexion pour penser un accompagnement global des familles, administratif, financier, psychologique, mais aussi réfléchir au regard de la société.

Le versement des prestations liées à l'enfant, dont l'allocation enfant handicapé, sera prolongé de trois mois. Son arrêt brutal du jour au lendemain constitue une violence supplémentaire.

Par un amendement du sénateur Lévrier, l'enfant sera automatiquement pris en compte dans le calcul du RSA pendant un an, ainsi donc que la prime d'activité.

Les frais de funérailles n'ont pas été oubliés ; nous avons reçu des témoignages poignants, nous montrant l'importance du soutien des associations aux parents endeuillés. Il appartient à la solidarité nationale d'être à leurs côtés. Une prestation forfaitaire et universelle sera versée automatiquement aux allocataires des caisses et sera très facile d'accès, sur simple demande, pour les autres.

Les caisses d'allocations familiales accompagnent les parents dans le cadre du parcours de deuil ; elles leur simplifieront les démarches administratives pendant cette période. Un tel deuil est le drame d'une vie qui touche toute la famille, au premier rang les frères et soeurs. Aussi un accompagnement psychologique de plein droit lui sera proposé.

Nous pouvons faire aujourd'hui de la France un pays en pointe dans ce domaine, inspirant ses voisins dont la Belgique qui en débat actuellement.

Le député Bricout l'a dit : il faut « du temps pour se reconstruire. Cette épreuve est la plus difficile que puisse rencontrer un parent au cours d'une vie. La perte d'un enfant crée un vide, un grand vide. Il faut du temps pour l'apprivoiser, accepter que l'enfant que l'on a aimé ne reviendra plus et réapprendre à vivre ».

Je remercie les associations pour leurs propositions, ainsi que les parlementaires. Nous contribuons à faire tomber un tabou, celui de la mort d'un enfant. Nous faisons tous ensemble sortir de l'ombre des milliers de familles. Peut-être n'avions-nous pas perçu ce que la société tout entière peut comprendre aujourd'hui : « quand on est parent, on l'est pour la vie, par-delà la mort. » (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et UC ; Mmes Catherine Conconne et Michelle Meunier applaudissent également.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Je salue les associations qui ont défendu cette proposition de loi. Rien n'est pire que de perdre un enfant.

La proposition de loi Bricout présent aujourd'hui dans notre hémicycle fait écho à l'histoire de Pascaline, une maman endeuillée. Malheureusement, son texte n'a pas fait l'unanimité à l'Assemblée nationale, suscitant une indignation compréhensible.

Le Gouvernement a donc repris la copie, avec une célérité inhabituelle pour un texte n'émanant pas de la majorité. Réjouissons-nous : le sujet méritait une ambition transpartisane et unanime.

La commission des affaires sociales du Sénat a abouti, avec l'accord du Gouvernement, à un texte améliorant l'accompagnement des familles.

Le texte d'origine était simple, et non, comme on a pu le dire, mal ficelé, mais contraint par l'article 40 de la Constitution. Le texte transmis par l'Assemblée nationale comportait deux articles.

L'article premier autorisait le salarié à prendre, à la suite du décès, le solde de ses congés annuels et RTT si une convention de branche l'autorisait. Cela posait cependant quelque problème, notamment pour ceux qui ont déjà pris leurs congés annuels.

L'article 2 facilitait le don de jours par les collègues ; mais il était difficile à mobiliser immédiatement et exigeait une démarche du salarié concerné, au succès incertain, risquant d'entraîner des inégalités en fonction de la taille de l'entreprise.

Le Gouvernement a bien pris conscience de l'insuffisance du texte finalement voté à l'Assemblée nationale et trouvé une sortie par le haut en contribuant utilement au travail de la commission des affaires sociales.

Le texte issu de notre commission comporte neuf articles ; le Gouvernement a levé les irrecevabilités financières.

À l'article premier, la commission est revenue à l'esprit initial du texte, tout en allant plus loin. Désormais, tout travailleur, salarié ou indépendant, qui perd un enfant de moins de 25 ans aura droit à quinze jours de congés dont sept rémunérés par l'employeur ; les huit suivants pourront être pris de manière fractionnée dans l'année qui suit. Le terme de « répit » n'a pas fait l'unanimité au sein de la commission.

L'article premier bis, issu de la commission des lois, met en place un dispositif équivalent pour les fonctionnaires.

À l'article 2, nous avons précisé le dispositif de don de jours de congé, étendu aux fonctionnaires par un amendement de la commission des lois.

L'article 3 est issu de travaux menés par Catherine Deroche ; il étend la perception de certaines prestations familiales pendant trois mois, les frais ne disparaissant pas brusquement à la mort de l'enfant.

L'article 4, proposé également par Catherine Deroche, crée une allocation forfaitaire pour les frais d'obsèques, modulée sur les revenus du foyer.

L'article 5, issu d'un amendement de Martin Lévrier, propose une mesure similaire pour le RSA et la prime d'activité.

L'article 6 expérimente la prise en charge de la souffrance psychique de la famille de l'enfant décédé.

L'article 7 protège le salarié concerné contre le licenciement pendant treize semaines - soit une durée analogue à celle concernant les jeunes mères.

L'article 8 supprime le délai de carence pour le premier arrêt maladie qui suit le décès d'un enfant, et ce pour la même durée de treize semaines.

Outre trois amendements de coordination, je proposerai un amendement modifiant l'intitulé du texte, pour le mettre en cohérence avec son contenu.

Restons modestes : la loi ne peut pas tout. Il faut un réel parcours de deuil pour accompagner les familles. Le parcours de deuil doit être personnalisé car chacun ne vit pas le deuil de la même manière.

Il faudra aussi sensibiliser et former les caisses d'allocations familiales, les unions départementales des associations familiales (UDAF), les associations, les communautés éducatives, les collègues de travail, les entreprises et les professionnels de santé.

Je me réjouis du consensus après la polémique. Je forme le voeu que les débats soient sereins.

« Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, « je partirai. »

Victor Hugo, cité par M. Bricout lors de la présentation de sa proposition de loi, avait sa place ici dans notre hémicycle, où résonne encore sa voix. (Bravos et applaudissements sur la plupart des travées)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) La commission des lois a souhaité se saisir pour avis de la proposition de loi afin de permettre aux agents publics de bénéficier des mêmes garanties que les salariés de droit privé, face à une situation particulièrement douloureuse.

Lorsqu'ils perdent un membre de leur famille, les agents de la fonction publique ont droit à une ASA - autorisation spéciale d'absence - de trois jours ouvrables -  dans la fonction publique d'État - pour le décès d'un enfant, auxquels deux jours peuvent s'ajouter pour le temps de transport. Dans les versants hospitalier et territorial, la durée des ASA est laissée à la libre appréciation des employeurs. Chaque collectivité territoriale délibère sur sa propre doctrine.

Ces autorisations ne sont pas des droits, mais une mesure de bienveillance, accordée à titre facultatif, contrairement au secteur privé.

Bref, les quelque 5,33 millions d'agents publics qui constituent 21 % de la population active ont moins de droits que les salariés du privé.

Le premier amendement de la commission des lois proposait un recours aux ASA y compris pour les contractuels, de cinq jours ouvrés sans fractionnement quel que soit l'âge de l'enfant, et de dix jours fractionnables sur six mois si l'enfant a moins de 25 ans.

Aucune prime ni cotisation ne pouvait être supprimée, non plus qu'aucun droit à congé puisque ces ASA étaient prises en compte comme du temps de travail effectif.

Finalement, les critères retenus par la commission des lois ont été amendés par la commission des affaires sociales, de telle sorte que la première ASA serait de cinq jours ouvrables lorsque l'enfant a au moins 25 ans, portée à sept jours ouvrés si l'enfant a moins de 25 ans, et la seconde ASA serait de huit jours, fractionnables, à prendre dans un délai d'un an. Je m'en remets à la décision de la commission des affaires sociales.

Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les conditions retenues par le Gouvernement pour la fonction publique ?

Le concept d'enfants à charge, particulièrement important pour les familles recomposées, de plus en plus nombreuses, a été pris en compte dans mes amendements mais certains ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Je remercie le Gouvernement qui a finalement intégré ce concept dans ses amendements.

Le don de jours de repos, sur lequel porte un second amendement de la commission des lois, pourrait être simplifié dans son application dans la fonction publique, qui sera précisée par un décret en Conseil d'État. C'est ce que je proposerai au cours de l'examen des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées des groupes RDSE, UC et sur le banc de la commission)

M. Jean-Louis Tourenne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Il est ainsi des moments de grâce que l'on ne saurait bouder. Dès que le rejet de la proposition de Guy Bricout a été connu, nos concitoyens de tous bords ont exprimé leur incompréhension et leur générosité. Ils se sont exprimés par milliers, avec le coeur que la Nation doit tourner vers ceux qui sont dans la détresse, pour défendre la prise en charge de tout ce qui complique douloureusement une situation déjà tragique.

La loi El Khomri, en s'inspirant d'une proposition de loi rapportée au Sénat par Jérôme Durain, portait le congé pour décès d'un enfant de trois à cinq jours. La proposition de loi Deroche, l'an passé, portait sur les conséquences sociales et économiques pour les familles.

La mission de la rapporteure n'était pas, loin s'en faut, des plus simples. Il fallait élaborer un texte à la hauteur des attentes à partir d'une version édulcorée, votée à l'Assemblée nationale, en évitant la surenchère et les bonnes intentions parfois toxiques ou intrusives.

Il fallait éviter l'article 40 de la Constitution. L'un de nos amendements n'y a pas échappé, qui indexait l'allocation forfaitaire sur l'évolution du salaire moyen pour en préserver la valeur et non sur l'inflation.

La commission des affaires sociales partait du vide aseptisé du texte d'origine inopérant de l'Assemblée nationale, dans lequel ne subsistait que le droit des salariés désemparés, opposable à l'employeur, de prélever une partie des congés ou des RTT.

Faute de disposer du pouvoir de générer des recettes, le Sénat risquait de voir toutes ses initiatives repoussées. C'est tout à l'honneur de la rapporteure que d'avoir négocié avec persévérance et obtenu que le Gouvernement par le dépôt d'amendements identiques garantisse, alors, le financement nécessaire.

Des moyens cohérents et humains, qui recueillent notre adhésion pleine et entière, ont ainsi pu sortir du néant.

Le texte de la commission des affaires sociales est consensuel. Le congé est porté à douze jours, dont le financement est partagé.

Le versement prolongé des prestations familiales est une marque de délicatesse pour les familles endeuillées. On conviendra que l'extension jusqu'à 25 ans est parfaitement justifiée par le nombre de décès des 13-24 ans qui atteint 45 % du total.

Hélas, la prise en charge de l'accompagnement psychologique a été oubliée par le Gouvernement, malgré ses déclarations. L'artifice utilisé pour combler cette lacune a été de proposer une expérimentation. La loi ne peut pas tout dire. Espérons que les accords d'entreprise ou de branche y pourvoiront.

Tirons-en les leçons : il n'est pas simple pour l'équilibre de nos institutions que le Gouvernement s'approprie les propositions du Parlement, à l'image de la retraite minimum de 1 000 euros pour les agriculteurs, proposée par le groupe CRCE, adoptée à l'unanimité et pourtant bloquée, alors que ce minimum sert d'argument publicitaire au système à points, pourtant inapplicable en l'espèce !

La proposition de loi sur l'aide aux aidants de Jocelyne Guidez, votée à l'unanimité au Sénat, a été rejetée par le Gouvernement au motif qu'il proposerait son propre texte... qui compte une économie substantielle. Notre pays est au bord de l'explosion, il n'en peut plus des déclarations grandiloquentes aux effets dérisoires, il n'en peut plus du mépris à l'égard du Parlement auquel on présente un texte plein de trous, sans en révéler le coût monstrueux ni les profondes injustices sociales. Est-ce un hasard si l'on interrompt les débats par un 49-3 brutal... (Protestations sur les travées des groupes LaREM et UC)

M. Claude Kern.  - Hors sujet !

M. Jean-Louis Tourenne.  - ... juste avant d'aborder la valeur du point et le taux de rendement ?

Notre assemblée légifère avec sérieux, sens de la mesure, elle démontrera encore combien elle est essentielle à la démocratie. Elle a toujours montré sa liberté de penser. Le Général de Gaulle, qui avait pourtant donné au Sénat ses prérogatives et ses lettres de noblesse, en a fait l'amère expérience : notre volonté d'indépendance ne se négocie pas.

Le Sénat sait dépasser les clivages, et c'est bien ainsi. La Boétie en 1576 écrivait : « Ils ne font guère mieux ceux d'aujourd'hui, qui avant de commettre leurs crimes les plus graves, les font toujours précéder de quelques jolis discours sur le bien public et le soulagement des malheureux. » Toute ressemblance... (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Stéphane Artano .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Loin des polémiques, restons-en au sujet d'aujourd'hui. (Applaudissements des travées du groupe LaREM jusqu'à celles du groupe Les Républicains) Quelque 4 500 enfants meurent chaque année avant d'avoir atteint la majorité.

La perte d'un être cher est une peine incommensurable. Les démarches administratives, l'organisation des funérailles s'y ajoutent. Nul parent n'est capable de revenir travailler au bout de cinq jours.

Un temps de répit est indispensable. C'est pourquoi Guy Bricout a souhaité prolonger le congé, aidant ainsi les parents à régler toutes leurs démarches. Même si de nombreux salariés bénéficient de la bienveillance de leurs chefs ou collègues, certains n'ont d'autre choix que de prendre des jours de congé ou demander un arrêt maladie.

Nous déplorons l'adoption par l'Assemblée nationale, le 30 janvier, d'un texte ne répondant pas convenablement aux intentions de son auteur, ce qui a suscité l'émotion des parents et l'indignation de la classe politique et de l'opinion publique.

Le Président de la République a appelé à faire preuve d'humanité, qualité qui est un marqueur du Sénat. Le groupe du RDSE se félicite que la commission ait adopté à l'unanimité un texte répondant à la motivation initiale.

Le texte proposé aux députés était juridiquement simple et opérant. Il est vrai que le coût reposait uniquement sur l'employeur. Il n'était pas judicieux de renvoyer à un accord d'entreprise ou de branche.

Madame la ministre, vous avez reconnu une erreur collective et annoncé des mesures de soutien aux parents en deuil.

La commission des affaires sociales du Sénat a fait preuve d'humanité. Elle a porté de cinq à sept jours le congé pour décès d'un enfant de moins de 25 ans et y a ajouté un congé de répit de huit jours, financé par des indemnités journalières de la sécurité sociale.

Elle a pris en compte le cas des travailleurs indépendants, des non-salariés agricoles, des agents de la fonction publique. Elle a souligné que le mécanisme de don de jours de congé n'était pas facilement mobilisable. Elle a donc défini une période d'un an durant laquelle ce don pourrait être employé au profit de parents endeuillés. Elle a aussi garanti un temps de répit concret. Nous réagissons tous de manière différente. Cela doit être pris en compte.

Le groupe RDSE est favorable au texte de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM)

M. Martin Lévrier .  - « Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d'un amour absolu », écrit Christian Bobin. C'est pourquoi la mort d'un enfant est une douleur absolue. La proposition de loi de Guy Bricout prolongeait le congé pour décès d'un enfant jusqu'à douze jours successifs.

Je comprends l'émoi suscité par les débats à l'Assemblée nationale. Mais qui sommes-nous pour juger des maladresses exprimées alors ? Pour imaginer que certains sont insensibles à la mort d'un enfant ? Cet épisode a mis en lumière les difficultés sur ces questions.

Les associations ont souligné à quel point les démarches administratives ajoutent de la souffrance à la souffrance et combien les pouvoirs publics sont absents dans ces moments.

Un groupe de parlementaires ainsi que les ministres Muriel Pénicaud et Adrien Taquet ont mené une concertation avec les associations, les organisations syndicales et patronales. Il en a résulté de nombreuses avancées : répit de deuil de quinze jours ouvrés, aide au règlement des obsèques, parcours administratif facilité, accompagnement psychologique, protection contre le licenciement et adaptation des conditions de travail, sensibilisation au deuil.

La commission des affaires sociales a acté l'allongement de cinq à quinze jours du congé pour le deuil d'un enfant de moins de 25 ans, pour tous les parents, salariés ou non.

L'aide financière sera universelle, mais modulée par les CAF.

Les parents devront pouvoir entamer un travail de deuil sans être accaparés par les difficultés administratives.

Je souhaitais inviter les partenaires sociaux à réfléchir au retour à l'emploi. La commission des affaires sociales n'a pas retenu ma proposition. Néanmoins cette proposition de loi montrera combien la Nation doit accompagner ceux qui subissent cette indicible souffrance. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Michelle Gréaume .  - Il est peu de dire que cette proposition de loi aura fait couler beaucoup d'encre et suscité un émoi important en raison de l'attitude peu glorieuse, le mot est faible, du Gouvernement et des députés LaREM.

Ce texte aura été vidé de son contenu et renvoyé à notre commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas dupes de la volonté du Gouvernement de se rattraper mais nous saluons le travail remarquable de la rapporteure Élisabeth Doineau.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Michelle Gréaume.  - Nous portons depuis très longtemps l'instauration d'un congé de deuil pour le décès d'un enfant comme une exigence d'humanité. En témoigne la création dans la fonction publique, par Anicet Le Pors en 1983, d'une autorisation spéciale d'absence de deux jours, pour les parents endeuillés. En 2016, c'est notre groupe qui a souhaité inscrire dans la loi Travail l'allongement de deux à trois jours pour le congé après décès du conjoint ou d'un membre de la famille.

Les modifications apportées en commission des affaires sociales donnent à ce texte une dimension législative qui démontre l'intérêt du bicamérisme et de l'initiative parlementaire.

Nous espérons que les collectivités territoriales et les entreprises maintiendront leurs dispositifs complémentaires lorsqu'elles le pourront.

Les huit jours restants, ceux du congé de répit, seront pris en charge par la sécurité sociale. Nous alertons sur ce fait que le Gouvernement doit compenser intégralement les exonérations de cotisations sociales. À défaut, ce texte ne sera qu'une coquille vide.

Suppression des jours de carence, prestation forfaitaire de 1 500 euros pour les frais funéraires sont d'autres bonnes mesures, comme le maintien des prestations familiales pendant trois mois suivant le décès d'un enfant.

Peut-on vraiment parler d'une erreur commise par le Gouvernement ? N'est-ce pas plutôt un révélateur de sa politique, qui favorise toujours le financier sur l'humain ? Déjà à l'automne dernier, il voulait priver les personnes âgées d'une exonération de cotisations sur l'emploi d'une aide à domicile.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Osez me regarder dans les yeux !

Mme Michelle Gréaume.  - Le groupe CRCE votera néanmoins ce texte.

(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)