Développement de l'assurance récolte

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte.

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de résolution .  - En pleine crise sanitaire, la filière agroalimentaire a permis aux Français d'accéder à une diversité de produits. Dans leur grande majorité, les agriculteurs ont assuré la production malgré les risques et les difficultés, garantissant la chaîne alimentaire.

Ce secteur est éminemment stratégique - souvenez-vous des stocks faits par nos concitoyens au début de la crise. D'où l'impérieuse nécessité de préserver notre richesse agricole. En effet, la France est riche de ses agriculteurs, mais pour combien de temps encore ? Chaque semaine, deux cents fermes mettent la clé sous la porte. Ceux qui restent font preuve de courage, voire d'abnégation, face aux problèmes sanitaires, à la volatilité des marchés, aux aléas climatiques, qui se cumulent parfois.

L'aléa climatique est au coeur de la proposition de résolution du groupe RDSE. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) s'attend à ce que le réchauffement climatique provoque des évènements météorologiques extrêmes plus intenses, tels que les sécheresses, pluies diluviennes et des ouragans plus fréquents.

En 2018, la sécheresse atypique de l'été s'était prolongée durant l'automne. L'année dernière, quelque 86 départements étaient concernés par des restrictions d'eau, et quantité de vergers avaient été dévastés par la grêle. Cette année, ce n'est guère mieux.

Les exploitants cherchent à protéger leurs champs, par exemple avec des filets anti-grêle. Mais parfois, le désastre arrive, les récoltes sont parfois anéanties.

En moyenne, un agriculteur subit une perte de revenu de 20 % tous les trois à quatre ans, le niveau et la fréquence passant respectivement à 30 % et 3,6 ans pour les arboriculteurs. Cela pose la question de l'efficience du système d'assurance et d'indemnisation des dommages.

Le système repose sur deux piliers : le régime des calamités agricoles, financé par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). En cas d'intempérie, les élus attendent avec fébrilité l'arrêté ministériel qui reconnaît l'état de calamité agricole...

Depuis 2005, les agriculteurs peuvent recourir à l'assurance récolte. Aujourd'hui, les assureurs proposent un contrat-socle par lequel l'agriculteur est couvert au niveau d'un prix de vente calculé sur les trois dernières années ou sur la moyenne olympique des cinq dernières années. Ce premier niveau, déclenchable à partir d'un seuil de 30 % de pertes, bénéficie d'une subvention publique au taux maximum de 65 %.

Un second niveau de couverture, subventionnable jusqu'à 45 %, permet une indemnisation sur la base du chiffre d'affaires.

Un troisième étage, non soutenu par des aides publiques, propose des garanties complémentaires.

L'Union européenne participe aux deux premiers niveaux de garantie via les aides du second pilier de la PAC.

Malgré ce soutien, la diffusion de l'assurance récolte progresse lentement et inégalement : 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couvertes par un contrat multirisques climatiques, tandis que le taux de couverture est très marginal dans l'arboriculture et nul pour les prairies. Par conséquent, de nombreux agriculteurs se trouvent démunis face à un sinistre.

Les exploitants jugent le coût des primes comme l'exigence d'un taux de perte de 30 % trop élevés. L'indemnisation au titre des calamités agricoles est lente, les seuils sont inadaptés, notamment en cas de polyculture, le zonage et le calcul du prix de vente sur la moyenne olympique aussi.

En outre, pour l'arboriculture et les prairies, assurance récolte et régime des calamités agricoles entrent parfois en concurrence, et un agriculteur assuré peut se retrouver moins bien indemnisé que celui qui est dédommagé par le FNGRA.

Certes, d'autres outils existent pour faire face à un sinistre, comme le système de déduction pour épargne de précaution (DEP) - qui suppose d'avoir de la trésorerie et une capacité à épargner sur plusieurs années.

Le Gouvernement a lancé en juillet dernier une concertation entre le monde agricole et les assureurs pour mieux couvrir les risques. Où en est-on ? Les pouvoirs publics doivent rester mobilisés. Le Sénat, vigilant, y travaille. La mission d'information sur la gestion des risques climatiques a fait des propositions pour que les agriculteurs aient un avenir mieux sécurisé en retour de leur investissement qui fait de notre pays une grande nation agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC, SOCR, Les Républicains, Les Indépendants et LaREM)

Mme Agnès Constant .  - Depuis une dizaine d'années, l'agriculture française subit des évènements climatiques d'ampleur : excès d'eau en 2016, gel en 2017, grêle en 2018, sécheresse en 2019... Si la recharge hivernale a été bonne cette année, la sécheresse menace. Ces aléas ont des conséquences sur les volumes de production et sur les cours, de plus en plus volatiles.

L'assurance récolte est un outil reconnu de gestion des risques. Selon le programme national de gestion des risques et d'assistance technique, l'assurance récolte est tarifée de manière justifiée. Pourtant, seulement 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couverts par un contrat multirisques climatiques.

Le régime des calamités agricoles, conçu comme un dispositif de solidarité nationale, ne permet pas toujours de relancer le cycle de production de façon satisfaisante.

Nous sommes face à un problème d'attractivité de l'assurance. Je ne crois pas à l'assurance récolte obligatoire, mais à un mélange entre aides publiques et privés, pour un système généralisé, mutualisé et incitatif. Nous devons privilégier la simplification, l'adaptation et la modernisation et prévoir des financements innovants, notamment européens.

Une meilleure évaluation des pertes et une indemnisation plus rapide renforceraient l'attrait de l'assurance récolte. Il faut aussi faciliter la création d'associations d'agriculteurs pour accroitre leur pouvoir de négociation face aux assureurs.

Concernant la viticulture, il est urgent de revoir les bases de rendement sur lesquelles on indemnise l'exploitant : la moyenne olympique sur cinq ans est inadaptée.

En juillet, le Gouvernement a lancé une vaste consultation sur la gestion des risques en agriculture. Avec un ratio de plus de 100 % entre les indemnités versées et les cotisations encaissées, le marché de l'assurance récolte n'a pas atteint son équilibre. Il y a un risque d'anti-sélection et de moindre couverture des exploitants les plus exposés.

Le Conseil de l'agriculture française a proposé une évolution vers un modèle à l'espagnole, en constituant un pool national de marché réunissant tous les assureurs. Bénéficiant des subventions, ce pool fixerait des dispositions communes et d'autres spécifiques à chaque assureur. La prime de risque bénéficierait de la mutualisation de tous les aléas de la Ferme France, limitant l'effet de leur volatilité. La gouvernance associerait agriculteurs, assureurs, réassureurs et l'État.

Le groupe LaREM votera cette proposition de résolution. Faisons de l'assurance récolte un véritable outil de soutien à un secteur stratégique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, Les Républicains et UC)

M. Fabien Gay .  - La récurrence d'événements climatiques extrêmes de plus en plus rapprochés ne laisse pas de répit aux agriculteurs. Les sinistres se multiplient. Ce qui hier était l'exception devient aujourd'hui la règle, un coup de massue climatique à des exploitations fragilisées économiquement.

Le GIEC craint que cette pression n'entraîne l'émergence de pathologies et une perte de biodiversité, notamment des pollinisateurs. En 2019, la France a connu des épisodes de gel tardif, de grêle, de canicule, une absence de précipitations pendant cinq mois, concentrant les principales vulnérabilités de notre agriculture. La gestion des aléas climatiques est complexe mais indispensable.

L'assurance récolte est une question cruciale, notamment pour l'autonomie alimentaire.

Alors que le régime des calamités agricoles a été affaibli par la loi de 2010, l'assurance récolte ne s'est pas suffisamment développée : 30 % des surfaces viticoles, 26 % des grandes cultures sont couvertes, mais très peu d'exploitations d'arboriculture et quasiment aucune prairie.

Le coût des primes, l'exigence d'un taux de perte de 30 %, le coût de l'assurance multirisque pour les assureurs eux-mêmes posent problème.

Quelle est la pertinence de cet outil ? Dans un contexte de baisse du budget de la future PAC, tout nouveau soutien public à l'assurance privée se fera au détriment des autres objectifs, comme le soutien aux zones défavorisées ou à la transition agro-écologique. (M. François Bonhomme approuve.)

M. Yvon Collin.  - Pas faux.

M. Fabien Gay.  - Les conditions générales de l'assurance récolte prévoient de nombreuses exclusions de garantie comme les pertes de qualité, les pertes de rendement causées par des maladies ou des ravageurs, même consécutifs à l'aléa garanti... La proposition de résolution n'y fait pas référence, de même qu'elle ne mentionne pas la multiplication des accords de libre-échange. Monsieur le ministre, avez-vous la date de ratification du CETA ? (M. François Bonhomme s'amuse.)

L'assurance n'est pas la solution miracle. Il faut sensibiliser les agriculteurs à l'adaptation au changement climatique. La préservation du potentiel de production passe notamment par la prévention, le stockage de l'eau. Il est impératif de renforcer la résilience de notre système agricole. La nouvelle PAC doit prévoir des aides aux investissements de transition et d'adaptation des pratiques dans le deuxième pilier.

Enfin, il faut une relance des opérations liées à l'organisation commune des marchés, avec une régulation de l'offre, une aide au stockage privé et une limitation des importations.

Nous aurons une abstention progressiste et constructive. (Sourires à droite ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Franck Menonville .  - Je salue l'initiative du groupe RDSE. Depuis dix ans, l'agriculture française est confrontée à des événements climatiques exceptionnels, sans compter la volatilité des prix des matières premières.

Depuis quatre ans, les événements climatiques extrêmes se sont succédé, provoquant pour deux milliards d'euros de dégâts.

Il est nécessaire de prévenir les dommages, de réduire les impacts et de compenser les préjudices.

Aux côtés du régime des calamités agricoles, l'assurance récolte privée peine à convaincre : un tiers seulement des surfaces agricoles sont couvertes.

Le groupe RDSE propose de développer l'assurance récolte. La France ne peut laisser son agriculture ainsi exposée.

L'assurance récolte est un outil de gestion des risques reconnu et efficace mais avec un ratio de 100 % entre les indemnités versées et les cotisations, il n'a pas atteint son équilibre technique et financier.

Le système actuel n'est pas équilibré et ne s'appuie pas suffisamment sur la mutualisation des risques et sinistres. La diffusion est plus importante dans la viticulture et les grandes cultures, mais quasi nulle dans l'arboriculture et les prairies.

Cette disparité est due au coût très élevé pour nombre d'agriculteurs. Il faut rendre le dispositif plus efficient et attractif.

Repensons son architecture, ses paramètres techniques, les seuils de déclenchement et le financement. Simplifions le dispositif.

Les trois niveaux de garantie à des taux de subvention variable sont trop complexes. Mieux vaudrait un seul niveau de garantie subventionnable pour toutes les cultures, toutes les régions et tous les risques. Simplifions le prix subventionnable en le définissant comme un prix maximum correspondant au prix de vente moyen.

La France doit intégrer les possibilités offertes par le règlement Omnibus qui permet d'augmenter le taux de financement de l'assurance récolte de 65 % à 70 % et de baisser le seuil de déclenchement de 30 % à 20 % de perte de rendement.

La réforme de la PAC doit être l'occasion de mieux intégrer la gestion des risques. Il faut des choix stratégiques pour garantir notre souveraineté alimentaire. Or les dernières annonces de la Commission européenne sont déconnectées des réalités stratégiques et à contre-courant des autres grandes puissances...

Nous comptons sur le ministre de l'Agriculture. La gestion des risques ne se limite pas à l'assurance récolte, mais comprend aussi l'épargne de précaution, la dotation pour amortissement (DPA), la recherche agronomique et variétale et la gestion de l'eau.

Nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM)

Mme Nadia Sollogoub .  - Face aux excès climatiques, la recherche de mécanismes de protection des cultures est une impérieuse nécessité. Dans ce contexte, l'assurance récolte devrait se généraliser, or ce n'est pas le cas.

La proposition de résolution du RDSE est bienvenue. Elle nous amène à nous demander comment mettre de l'huile dans les rouages. Elle propose une simplification et une harmonisation, plus de réactivité dans les aides, des taux bonifiés, de nature à rendre ces assurances plus attractives.

Comment avoir confiance dans un système qui apparaît lointain, inadapté et inéquitable ? Les exploitations ayant une trésorerie limitée ne peuvent pas se permettre des dépenses aléatoires.

J'ai vent d'un sentiment d'injustice de la part d'agriculteurs assurés, exclus de l'indemnisation pour calamité agricole, au contraire de ceux qui n'étaient pas assurés.

Les événements météorologiques excessifs deviennent la règle ; les années de référence étant toutes mauvaises, les prises en charge deviennent ridicules. Comment assurer ce qui n'est plus un risque mais une certitude ? Quel assureur voudra promouvoir des contrats sur lesquels il perdra à coup sûr de l'argent ?

La réponse réside dans la prévention et la diminution du risque. Il faut apprivoiser le risque, retrouver la rentabilité en l'intégrant. Il faut apporter une aide technique ciblée aux exploitants, du conseil, de l'investissement, les aider à adapter leurs pratiques à des changements inévitables. Au lieu de couper les vivres aux chambres d'agriculture, donnons-leur des moyens.

Et puis il y a la question de la gestion et du stockage de l'eau.

M. François Bonhomme.  - Sivens ! Caussade !

Mme Nadia Sollogoub.  - Il est urgent de lever les freins réglementaires et politiques aux aménagements hydrauliques. (Applaudissements sur les travées des groupeUC, Les Républicains, RDSE et LaREM)

M. François Bonhomme .  - Nos agriculteurs sont de plus en plus confrontés à des événements climatiques extrêmes. Entre 2017 et 2018, 51 communes du Tarn-et-Garonne ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, au titre de phénomènes de sécheresse pour 36 d'entre elles, à la suite de pluies diluviennes pour 15 autres.

L'agriculture est l'un des secteurs économiques les plus exposés au dérèglement climatique, notamment dans l'arboriculture. Dans mon département, les producteurs de prunes s'inquiètent des conséquences des hivers anormalement doux, suivis de coups de gel tardifs.

Un accident climatique engendre aussi souvent des problèmes sanitaires, avec à la clé des pertes économiques considérables. Un agriculteur subit une perte de 20 % de revenu tous les trois à quatre ans.

Cela nous amène à questionner l'efficience du système de gestion et de couverture des risques climatiques. Le régime des calamités agricoles est particulièrement lent. Il faut parfois plus de dix-huit mois pour être indemnisé ! Il entre, en outre, parfois en concurrence avec l'assurance et un agriculteur non assuré peut être mieux indemnisé qu'un agriculteur assuré.

Cette proposition de résolution met à juste titre le doigt sur les obstacles actuels. Je rejoins son esprit. Il serait bienvenu d'encourager financièrement l'assurance récolte et de supprimer les effets de seuil, car sa diffusion est très lente et très inégale : 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont assurées ; la couverture est très marginale dans l'arboriculture et quasi nulle pour les prairies.

Il faut en faire bénéficier l'ensemble des secteurs de production, dont l'élevage, sur le modèle espagnol.

Le développement des assurances passe par un soutien financier des pouvoirs publics et la mise en place de produits attractifs. L'assurance récolte est un outil efficace et responsabilisant.

Je voterai en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et UC)

M. Franck Montaugé .  - L'assurance récolte peine à progresser. Depuis 2016, le groupe socialiste et républicain a été force de propositions sur le sujet - le propos que nous tenions alors, avec Henri Cabanel et Didier Guillaume, n'a pas pris une ride.

La France et l'Europe ne pesant pas réellement sur les cours, il convient d'aider les agriculteurs. Les deux textes votés au Sénat en 2016 préconisaient une véritable politique contra-cyclique, dans une perspective de soutien du revenu. Nous proposions d'encourager les filières à travailler ensemble pour mutualiser le risque économique et être plus résilientes.

Le dispositif de l'assurance récolte devait être plus attractif financièrement, disions-nous. Nous préconisions la mise en place d'un fonds de stabilisation des revenus agricoles ; nous financions nos mesures par une hausse de la taxe sur les surfaces commerciales de plus de 2 500 m2, une taxe sur les transactions financières sur les marchés des matières premières agricoles et une augmentation des droits de mutation sur les terrains nus rendus constructibles.

Notre proposition de loi, adoptée au Sénat le 30 juin 2016, n'a pas terminé sa navette. En juillet 2019, toujours à l'initiative du groupe socialiste et républicain, une mission d'information rendait des préconisations qui rejoignent notre débat d'aujourd'hui.

Nous proposions notamment d'allonger la durée de calcul de la moyenne olympique.

Cette proposition de résolution du groupe RDSE rejoint, voire reprend, nombre de propositions de notre groupe. Nous nous réjouissons d'avoir ouvert la voie. Nous devons unir nos forces pour soutenir l'agriculture française. Mais pourquoi ces outils ne prospèrent-ils pas ?

Les États membres de l'Union européenne peinent à se mettre d'accord. Le green deal rebattra les cartes de l'ensemble des politiques européennes. Que deviendront les budgets sectoriels ? Pourra-t-on affecter des aides publiques significatives dans le cadre d'une PAC dont le budget diminue ? Ne devrait-on pas taxer les transactions financières pour abonder les ressources ?

La PAC a atteint la plupart de ses objectifs mais n'a pas répondu à la question du revenu du producteur, pas plus que la loi EGAlim.

L'assurance récolte doit être développée, cela ne fait aucun doute, mais comment compenser la baisse des aides à la transition agroécologique ? (M. Yvon Collin approuve.)

Comment aider les agriculteurs qui veulent souscrire une assurance mais n'en ont pas les moyens ? Ne faut-il pas encourager prioritairement ceux qui investissent pour l'environnement ? La gestion des risques en agriculture est-elle pratiquée et maîtrisée par tous les chefs d'exploitation ? L'assurance récolte est un moyen, sans doute plus évident, mais d'autres outils de gestion des risques agricoles concourent à une véritable résilience. Maximisons l'efficacité globale de la ferme France ! Sans une adhésion large des agriculteurs, rien de significatif ne pourra se faire.

En 2019, Didier Guillaume se disait favorable à une assurance récolte généralisée et mutualisée.

Quel que soit l'outil, la part de financement de l'État devra être importante. Mais il faudra prouver aux agriculteurs qu'ils ont plus à y gagner qu'à y perdre. Le contrat socle de 2016 était une étape importante ; il faut engager une seconde étape.

Je salue les auteurs de la proposition de résolution que le groupe socialiste et républicain approuvera. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, RDSE et LaREM)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Il y a quatre ans, avec Franck Montaugé et Didier Guillaume nous débattions déjà de ce sujet. Ce dernier est devenu ministre de l'Agriculture et peut donc oeuvrer pour l'assurance agricole.

Les mentalités ont évolué. Le contexte a changé et les crises se sont multipliées, transformant l'exception en évènement régulier. À la grêle et à la sécheresse s'ajoutent les tornades ou les pics de canicule inouïs. Il a fait 46° dans l'Hérault et dans le Gard avec un effet chalumeau qui a détruit dans certains secteurs la production dans sa quasi-totalité.

Les éleveurs ont aussi été frappés de plein fouet par les maladies : après la vache folle, la grippe aviaire, plus de 9 000 canards abattus par précaution dans le Gers en 2018.

La chance ne suffit pas. Tout peut être détruit. S'ajoutent les aléas économiques comme le Brexit ou les mesures de rétorsion américaines.

Les tarifs des polices d'assurance sont parfois prohibitifs. Pour inciter, il faut expliquer.

En juillet 2019, le ministre de l'Agriculture a initié une co-construction. C'est la bonne méthode car on ne peut pas passer en force. Les aléas climatiques nécessitent des adaptations de la production. Il faut des aides à la prise de risques de l'évolution des pratiques. Je préconise une baisse du coût de l'assurance si l'exploitant s'engage à un changement de méthode en faveur de l'environnement, avec un cahier des charges précis. Nous devons également nous tourner vers les nouvelles technologies, comme les mini-stations météo connectées. La profession se tourne vers des satellites et la méthode Airbus pour évaluer les pertes en fourrage dans les prairies.

Les aménagements hydrauliques sont également précieux, dans l'objectif de tirer profit des pluies abondantes pour les utiliser lors des sécheresses. Nombre d'acteurs dont la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et le Crédit agricole vous ont transmis des propositions. L'État doit conserver une responsabilité dans la politique de gestion des risques, qui doit être pilotée par une instance paritaire ; toutes les exploitations, toutes les productions doivent être prises en compte. Le cadencement des décisions s'impose pour une mise en oeuvre progressive et une acceptation par tous.

L'État peut agir pour améliorer les mécanismes actuels, par exemple en baissant le seuil de perte de 30 % à 20 % conformément au règlement Omnibus. Certes, ces mesures auront un coût. Mais la situation tendue de la crise sanitaire nous renvoie à des choix politiques. Quel prix pour notre indépendance alimentaire ?

La pandémie aura des conséquences dramatiques avec des pertes de revenus, notamment chez les éleveurs. Vous connaissez mon combat contre le suicide des paysans. Cela peut y contribuer. Chaque jour, un paysan met fin à sa vie. Il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Pierre Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La première assurance, c'est d'accompagner les moyens techniques de prévention : stockage de l'eau, filets contre la grêle, protection contre le gel. Face au changement climatique et aux difficultés de plus en plus grandes qu'ont les agriculteurs à gagner leur vie, il faut un système à l'américaine d'assurance universelle gratuite.

Aujourd'hui, il faut pérenniser le FNGRA avec une mise en commun des fonds d'assurance.

La vache folle a été une catastrophe pour nombre d'éleveurs : l'assurance ne doit pas prendre en compte les seuls risques climatiques.

Avec l'assurance volontaire, les résultats ont été décevants. Avec une assurance universelle, si l'on apporte 30 %, on doit recevoir le double. Si l'on n'apporte rien, on reçoit une contribution de base. Le système serait ainsi beaucoup plus vertueux. Aujourd'hui, les agriculteurs n'ont pas beaucoup d'argent pour leur assurance.

Un des moyens de limiter les risques, c'est de diversifier les cultures. Lorsqu'on assure la totalité de la production sur toute l'exploitation, les risques sont beaucoup moins grands et on peut prévoir des paliers de perte par production. C'est d'ailleurs ce que font les Américains.

L'Europe devra, un jour ou l'autre, remettre en cause le système de paiement à la surface. Trouvons un système simple qui ne soit pas une usine à gaz. Pensons efficacité, simplicité et n'ayons pas peur d'aller plus loin. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) D'ici 2040, les sinistres agricoles dus aux aléas climatiques auront doublé.

Près de 70 % des surfaces des grandes cultures, des vignes, et presque la totalité des prairies et des maraîchages ne sont couvertes par aucun contrat d'assurance.

Il devient urgent de développer, comme aux États-Unis, un contrat d'assurance universelle afin que chaque exploitation puisse survivre en cas d'évènement extrême.

En 2009, le contrat aléas climatiques a été créé pour les cultures céréalières et viticoles contre les risques de grêle, de sécheresse, de températures et d'inondations. Les cotisations sont financées à 65 % par le deuxième pilier de la PAC. En cas de sinistre, la franchise de 30 % semble trop élevée à tous les acteurs de la profession.

En parallèle, le fonds de calamité agricole continue d'indemniser ces aléas pour les prairies, arboricultures, maraîchages et autres. La cotisation de 5,5 %, prélevée sur l'ensemble des contrats agricoles est restée inchangée bien que les risques assurables soient dorénavant exclus de toute indemnisation.

Aujourd'hui, seul un tiers des surfaces agricoles est assuré, mais la proportion était plus importante avant 2016, année où les subventions ont été versées avec plus d'un an de retard.

On observe une chute de la rentabilité de ces contrats pour les assureurs. Chez les assureurs, la rentabilité est calculée selon un rapport entre les sinistres et les primes. Alors qu'il doit être inférieur à 65 %, ce rapport s'élèverait en 2019 à 120 % chez Groupama et à 150 % chez Pacifica. Pour les autres compagnies telles qu'AXA, MMA, Suisse grêle ou Allianz, il est situé entre 70 et 85 %. La différence s'explique par une sélection des risques moins draconienne chez les mutualistes et des expertises moins rigoureuses. Les assureurs mutualistes estiment qu'une fraude de 20 % est probable.

Le système actuel n'est plus tenable d'autant que les agriculteurs y souscrivent moins et que les assurances se désengagent de ce marché.

Les assureurs travaillent à une assurance récolte universelle, avec une franchise de 50 % et des cotisations entièrement subventionnées - la franchise pouvant être réduite jusqu'à 10 %, mais les cotisations seraient alors à la charge de l'agriculteur.

Les assureurs estiment que le montant des subventions se situerait entre 780 et 900 millions d'euros. La subvention PAC sur les contrats aléas climatiques s'élevant à 120 millions d'euros et le FNGRA à 120 millions par an, il reste donc 600 millions d'euros à trouver.

L'avantage de cette CRU serait d'offrir un interlocuteur unique à l'agriculteur; tant pour les cotisations que pour les sinistres. La concurrence permet d'atteindre des conditions saines et équilibrées pour chaque partie. Je pense que la moyenne olympique doit être réduite sans pour autant disparaître à terme.

Les Républicains voteront pour cette proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Paul Émorine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci au groupe RDSE pour son initiative. L'agriculture couvre 50 % du territoire français et représente une part significative du PIB via l'agroalimentaire.

Mais l'agriculture est sujette aux aléas climatiques, sanitaires, économiques et le revenu moyen d'un tiers de nos agriculteurs est inférieur à 500 euros.

En 2005, je présidais la commission des affaires économiques lorsque nous avons mis en place le système assurantiel. En 2009, alors que Bruno Le Maire était ministre de l'Agriculture, nous avions tenté de convaincre l'État de s'engager en faveur d'un système de réassurance sachant que cet engagement n'était que pour cinq ans, le temps de mettre en marche le système. Nous avions l'accord du Président Sarkozy mais l'alternance avait mis fin à ce projet.

Sur les 400 000 exploitations les plus importantes, il n'y a que 60 000 contrats d'assurance récolte souscrits. Pourquoi si peu ? Il s'agit d'exploitations à risque et les compagnies d'assurances estiment que le retour par rapport aux cotisations d'assurance n'est pas équilibré.

Alors qu'il y a en moyenne un sinistre tous les cinq ans dans chaque exploitation. Les subventions financeraient 65 % de la prime de base et 45 % de la complémentaire, mais la franchise à 30 % resterait trop élevée ; le taux 10 % serait donc préférable.

Si vous voulez généraliser le système assurantiel à l'ensemble des exploitations, je vous propose de supprimer la déduction pour épargne de précaution : les exploitants souscriraient ainsi à une assurance.

Les régions pourraient être mobilisées pour une subvention supplémentaire.

M. le président.  - Concluez.

M. Jean-Paul Émorine.  - Le système assurantiel est indispensable pour l'avenir de nos agriculteurs (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci pour cette initiative qui permet d'aborder un débat d'actualité. Nul ne conteste plus le dérèglement climatique, dont on parlait moins il y a dix ans.

La grêle dans la Drôme, la sécheresse dans le Gard, les orages dans l'Aude nous rappellent l'urgence sans compter les inondations de 2016 dans le Loir-et-Cher que je connais bien.

Le qualificatif de tempéré semble s'appliquer moins aujourd'hui qu'hier à notre climat. Les épisodes sont variés et fréquents. Plusieurs dispositifs accompagnent les agriculteurs, mais étaient-ils assez ambitieux ? Le Sénat a très tôt pris la mesure de ce problème. L'auteur de cette proposition de résolution avait déposé, il y a dix ans, une proposition de loi visant à généraliser l'assurance récolte obligatoire.

Le groupe de travail installé en juillet 2019 sur ce sujet présentera ses conclusions à la mi-juillet.

Un consensus s'est dégagé autour de l'idée qu'une bonne exploitation est une exploitation plus résiliente, c'est-à-dire capable de faire face aux aléas. Cela suppose des outils adaptés - tels la dotation pour l'épargne de précaution, mais aussi la diversification des productions et l'évolution des pratiques.

Il convient également de poursuivre les dix projets de territoires de gestion de l'eau qui ont vu le jour en 2019 et 2020, notamment dans le Gard et l'Ardèche.

M. François Bonhomme.  - C'est peu !

M. Marc Fesneau, ministre.  - L'assurance récolte pose la question de l'articulation avec le régime des calamités agricoles, surtout si les deux outils étaient amenés à se superposer ; je pense à l'arboriculture et aux prairies. Le régime assurantiel n'a pas vocation à s'y substituer s'il y a perte de fond - c'est-à-dire destruction de l'outil de travail.

Des éléments de votre proposition de résolution suscitent toutefois l'interrogation du Gouvernement. Dans le cadre de la future PAC, la France porte l'ambition d'un allongement de la période de référence pour le calcul des rendements à huit ans. Votre proposition de dix à quinze ans est excessive.

Le Gouvernement veut dissiper des malentendus : le versement des aides à l'assurance récolte financées dans le cadre de la PAC. Ces versements sont revenus à la normale depuis 2018 ; ils interviennent désormais en février de l'année suivante.

Nous divergeons aussi avec les taux de subvention : porter à 70 % du contrat et abaisser le seuil de déclenchement de 30 % à 20 % engendreraient un surcoût de 450 millions d'euros par an : ce n'est pas raisonnable alors que les actions pour 2020 et 2021, années de transition de la PAC, sont déjà engagées.

Vous n'abordez qu'en partie, dans cette proposition de résolution, le nécessaire développement de la prévention et d'évolution des modes de production. Un agriculteur qui a investi dans un système de prévention doit être plus indemnisé qu'un autre qui ne l'aurait pas fait.

Comme vous, le Gouvernement souhaite un système d'indemnisation plus simple, plus efficace et plus attractif.

Au vu des négociations en cours sur l'avenir de la PAC, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Cette proposition de résolution permet d'identifier des points de convergence, mais aussi des points sur lesquels nous devons travailler à nouveau.

L'agriculture devra compter avec d'autres aléas, comme ceux de marchés.

Je vous remercie pour ce débat. Le calendrier est devant nous pour avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM)

La proposition de résolution est adoptée.

M. le président.  - Belle unanimité des votes exprimés.

La séance est suspendue quelques instants.