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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Port du masque au Sénat

Rappels au Règlement

Mme Nathalie Goulet

Mme Christine Lavarde

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Pierre Sueur

M. Jérôme Bignon

M. Didier Rambaud

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Prorogation du mandat des membres du CESE (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois

Mme Éliane Assassi

M. Jérôme Bignon

M. Yves Détraigne

Mme Christine Lavarde

M. Jean-Marc Gabouty

M. Didier Rambaud

M. Jean-Pierre Sueur

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Mesures de sûreté contre les auteurs d'infractions terroristes (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Colette Mélot

Mme Nathalie Goulet

M. Jean-Yves Leconte

M. Jean-Marc Gabouty

M. Arnaud de Belenet

Mme Éliane Assassi

Mme Jacky Deromedi

Explications de vote

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. Jean-Yves Leconte

Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (3) (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

M. Vincent Capo-Canellas

M. Patrice Joly

M. Jean-Claude Requier

M. Julien Bargeton

M. Pascal Savoldelli

Mme Colette Mélot

Mme Christine Lavarde

M. Roger Karoutchi

M. Olivier Dussopt, ministre délégué

Explication de vote

M. Marc Laménie

Débat sur l'orientation des finances publiques

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances

M. Jean-Marc Gabouty

M. Didier Rambaud

M. Éric Bocquet

Mme Colette Mélot

M. Jérôme Bascher

M. Patrice Joly

Mme Nathalie Goulet

Mme Christine Lavarde

M. Olivier Dussopt, ministre délégué

Ajournement du Sénat

Analyse des scrutins




SÉANCE

du jeudi 23 juillet 2020

11e séance de la session extraordinaire 2019-2020

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Deroche, M. Daniel Dubois.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Port du masque au Sénat

Mme la présidente.  - Je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l'ensemble des salles de réunion et de circulation du Sénat. Il vous est donc demandé de bien vouloir porter un masque dans l'hémicycle.

Rappels au Règlement

Mme Nathalie Goulet .  - C'est la dernière séance présidée par Mme Catherine Troendlé. Je dois vous dire combien nous avons eu plaisir à vous voir au plateau et dans cet hémicycle et combien vous allez nous manquer. Je vous souhaite bonne chance dans vos nouvelles aventures et regretterai votre bienveillance dans cette assemblée qui en manque parfois. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - Je vous remercie du fond du coeur.

Mme Christine Lavarde .  - Au nom du groupe Les Républicains, je m'associe à ces propos. Nous vous souhaitons le meilleur, merci pour votre présidence. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - Vous allez me faire pleurer...

Mme Éliane Assassi .  - Merci, madame la présidente, chère Catherine, pour votre écoute, pour tout ce que vous avez fait pour notre Haute Assemblée. Nous avons eu des relations très cordiales, même amicales ; je vous souhaite le meilleur. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - (Émue) Je vous remercie.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je m'associe, au nom de mon groupe, à ces hommages très sincères. Ici, nous n'avons pas les mêmes idées politiques mais une faculté de travailler ensemble et c'est bien pour la République. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - (Émue) Je vous remercie.

M. Jérôme Bignon .  - Au nom de mon groupe, je m'associe à ces voeux, d'autant plus que c'est pour moi aussi la dernière séance, après quarante ans de vie publique. Je suis solidaire de l'émotion que vous devez ressentir. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - Merci beaucoup.

M. Didier Rambaud .  - Au nom du groupe LaREM, je m'associe à ces propos.

Mme la présidente.  - Merci !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je m'associe à cet hommage officiel mais aussi amical. La personnalité attachante de Catherine Troendlé s'est imposée, dénuée d'artifice, riche d'humanité mais aussi de force de caractère ; elle manquera à notre assemblée.

Je veux aussi souligner votre engagement dans vos fonctions, pour représenter votre territoire, que vous ne souhaitez plus quitter, et comme législatrice : vous avez rapporté de nombreux textes à la commission des lois, dont vous avez été vice-présidente, sur de nombreux sujets : les blacks-blocs, les hooligans ; je pense aussi à votre action sur la protection civile ou encore la déradicalisation.

Nous avons toujours eu plaisir à être présidés par vous dans l'hémicycle, vous avez toujours su conduire nos travaux avec autorité et souplesse quand il le fallait. Merci.

J'espère que, derrière votre masque, nous ne vous aurons pas fait trop rougir. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - Heureusement que je le porte : l'émotion est à son comble. Merci, je vous souhaite à tous bonne continuation.

Acte est donné de vos rappels au Règlement. (Sourires)

Prorogation du mandat des membres du CESE (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Qu'il me soit permis à mon tour, madame la présidente, de vous souhaiter bon vent, des alizés au goût sucré... Merci pour votre attentisme bienveillant lors de mes premières séances au Sénat.

Ce texte est le premier que j'ai présenté au Conseil des ministres, après ma nomination. Il traduit la volonté du Président de la République de répondre à une aspiration qui couvait depuis longtemps : un changement de la vie politique laissant davantage d'opportunités d'expression et d'action à des personnes qui en sont habituellement éloignées, pour mieux la transformer.

Nos concitoyens aspirent à un renouveau et à une mutation des pratiques politiques. C'est pourquoi le Président de la République a proposé aux Français de moderniser notre démocratie en rendant nos institutions plus représentatives, plus responsables, plus efficaces.

Le projet de réforme du CESE qui vous sera proposée à l'automne en sera la traduction concrète, et l'occasion d'un grand débat démocratique.

Chargé depuis 1925 de représenter les forces économiques et sociales du pays, le CESE a vu sa composition et ses attributions évoluer. La réforme que je vous proposerai lui donnera la possibilité d'organiser des conventions citoyennes en tirant au sort des citoyens, sur le modèle de la convention citoyenne sur le climat. Le CESE deviendrait ainsi la chambre des conventions citoyennes. Il s'agira également de renforcer l'importance de ses avis dans le processus législatif et de modifier sa composition pour renouer avec sa vocation initiale de représentation de la société civile.

Ce matin, il s'agit de permettre cette discussion dans un temps long, propice au consensus. Il nous faut donc prolonger le mandat des actuels membres, fixé à cinq ans par l'ordonnance de 1958, qui prend fin en novembre 2020. Sans le texte d'aujourd'hui, il ne peut y avoir le texte de demain. Pour éviter d'avoir à nommer de nouveaux membres pour quelques mois, ce texte prolonge le mandat pour la durée strictement nécessaire à la réforme du CESE, en fixant la date butoir du 1er juin 2021. Je vous invite à adopter son article unique. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois .  - Madame la présidente, à mon tour de saluer votre engagement, notamment en tant que représentante du Sénat au sein de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Le CESE, troisième assemblée constitutionnelle de la République, a pour vocation de représenter la société civile organisée. Il a pour mission de conseiller le gouvernement, de favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et de contribuer à l'information du Parlement.

Ce texte, très simple, prolonge le mandat de ses 233 membres au plus tard jusqu'à juin 2021.

Le projet de loi organique de réforme du CESE, présenté simultanément en Conseil des ministres, nécessite un examen beaucoup plus approfondi. La réforme a été préparée par les membres du CESE depuis le début de la mandature, mais la crise sanitaire a fait prendre du retard. C'est pourquoi la commission des lois vous propose d'accepter ce texte - ce qui ne préjuge en rien de l'accord du Sénat sur la réforme elle-même.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Il est important de le rappeler.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très important !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Ce n'est nullement, pour nous, l'avant-garde d'une réforme constitutionnelle. Valider ce texte n'est pas valider le deuxième, ni l'ensemble de la réforme des institutions.

Le CESE est un lieu de débats et d'échanges pour les employeurs, les syndicats, les entreprises, les jeunes, les acteurs mutualistes, ceux du logement, dans le dialogue et la transparence. Dans un pays où les débats sont parfois violents, il cimente l'appartenance à une même communauté de destins et permet de trouver des solutions pragmatiques pour faire nation ensemble. Il corrige nos habitudes gauloises de confrontation.

Mais depuis 2017, faute de saisine par le Gouvernement, le taux d'autosaisie du Conseil est passé de 50 % à 80 %. Alors que la conflictualité sociale a été forte, le Gouvernement n'a pas saisi l'intérêt du CESE. Et il a été difficile pour le Parlement, lui-même souvent saisi en urgence, de demander l'avis du CESE.

Le 24 juin, le président Gérard Larcher s'est rendu au CESE pour entendre l'adoption de l'avis qu'il lui avait demandé sur le chômage de longue durée, illustrant notre tradition d'échanges.

Le problème, c'est que sur un sujet un tant soit peu technique, le Gouvernement trouve toujours une autre structure de concertation, plus pointue. Réformer le CESE, c'est le rendre plus lisible et plus efficace.

La commission a repoussé un amendement sur les 77 personnalités associées aux travaux du CESE, considérant que cela relevait de la décision du Gouvernement. Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ?

Deux sujets seront au coeur des débats. Si le sort des 40 personnalités qualifiées ne fait pas débat, baisser de 18 le nombre de membres pourrait poser problème au regard de la nécessaire représentation de l'ensemble des corps constitués, comme le fait de confier au pouvoir réglementaire la répartition entre ces corps.

Le projet de réforme prévoit que le CESE s'adjoigne, dans certaines conditions, des citoyens tirés au sort, qui n'en seront pas membres. C'est tout le débat entre démocratie participative et représentative.

Le numérique nous oblige à faire évoluer la manière de faire de la politique. Mais la démocratie représentative demeure la seule manière d'assurer une réelle démocratie et le contrôle par des élus de l'administration d'un État. Elle doit continuer à vivre.

Tirer au sort pour avoir un avis, c'est ce que font tous les instituts de sondage ; on ne remplace pas pour autant les élections par des sondages.

Ces débats devront avoir lieu à l'automne. Pour ce faire, il faut adopter ce projet de loi organique. Le CESE est indispensable à notre pays, pour retrouver une compréhension mutuelle au-delà de la confrontation des intérêts, mais doit se réformer. (Applaudissements sur plusieurs travées et sur le banc de la commission)

Mme Éliane Assassi .  - Cette prolongation du mandat des membres du CESE est le premier étage de la fusée qui vise à une réforme globale du CESE, assemblée qui a toujours eu du mal à trouver sa place et sa légitimité dans notre paysage institutionnel. Nous n'avons aucune raison de nous y opposer. Pour autant, notre approbation ne signifie en aucune manière un accord sur l'ensemble de la réforme proposée. Nous devrons prendre, à l'automne, le temps du débat sur le rôle du CESE.

Dans quel état d'esprit notre groupe aborde-t-il cette réforme ? Nous sommes satisfaits qu'ait été abandonnée l'hypothèse d'une fusion Sénat-CESE. Le bicamérisme est un élément important de la démocratie et contribue à la qualité de la loi.

Nous déplorons en revanche la volonté de réduire le nombre de membres du CESE, alors que nombre d'associations importantes - la Licra, ATD Quart monde, la Croix-Rouge, le planning familial, le Secours populaire - n'y sont pas représentés.

En élargissant les missions du CESE tout en réduisant le nombre de membres, nous risquons de professionnaliser la fonction.

Nous regrettons le recours aux procédures accélérées, comme à toute procédure d'exception, qui revient à limiter les débats.

Nous devons avoir un vrai débat sur les modalités de la participation citoyenne, et notamment la place du tirage au sort. Si cette procédure peut se justifier ponctuellement, elle incite à s'interroger sur les stratégies de ceux qui la proposent. Les citoyens tirés au sort ne peuvent se substituer aux forces vives et à la représentation de la société civile organisée, colonne vertébrale du CESE.

Encore faut-il que le Gouvernement écoute cette parole spécifique. La parole des citoyens ne doit pas être instrumentalisée, et leur formation devra être pluraliste.

Au-delà, le devoir d'innovation démocratique qui nous incombe touche aux modalités concrètes de partage des pouvoirs et de représentativité de nos institutions.

Nous sommes très dubitatifs sur la substitution du CESE aux organes de consultation sectoriels pour la préparation des projets de loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

Mme Éliane Assassi.  - On peut craindre que la réforme ne supprime certaines compétences d'organismes consultatifs, portant atteinte à la démocratie sociale. Le Conseil d'État a déploré un manque de clarté. Veillons à ne pas affaiblir les corps intermédiaires sous couvert de démocratie directe. Nous y serons très attentifs.

Pour aujourd'hui, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Jérôme Bignon .  - Acteur essentiel de notre démocratie sociale, le CESE est chargé, dès sa création en 1925, de représenter les forces économiques et sociales du pays.

Le mandat de ses 233 membres expire le 14 novembre 2020. Le Gouvernement a engagé un grand projet de réforme du CESE visant à modifier sa composition, adapter son fonctionnement et lui confier de nouveaux outils. Il entend faire du CESE un véritable carrefour de la consultation citoyenne - mais le projet de loi organique qui porte cette réforme ne pourra pas être adopté et promulgué avant cette date.

D'où ce texte qui prolonge le mandat des membres jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi déposé le 7 juillet sur le bureau de l'Assemblée nationale, et au plus tard jusqu'au 1er juin 2021.

Notre vote ne préjuge en rien de la position de notre assemblée sur le futur texte. Plusieurs de ses dispositions sont très délicates et méritent des débats approfondis : réduction de 25 % du nombre de membres, extension du recours à la procédure simplifiée pour la publication des avis et recours au tirage au sort. Mais comment articuler cette disposition avec le principe de l'élection, fondement de notre pacte républicain ? Peut-on renvoyer à un décret la liste des organisations représentées ?

Pour débattre de ces sujets et d'autres, il faut prolonger le mandat des membres actuels, pour qu'ils puissent participer aux travaux. Le groupe Les Indépendants votera donc ce texte.

M. Yves Détraigne .  - Le 29 juin, le Président de la République a affirmé sa volonté de transformer le CESE en « chambre des conventions citoyennes ». Le garde des Sceaux a ensuite présenté au conseil des ministres un projet de loi organique visant à accroître le rôle du CESE dans le développement de la démocratie participative.

Acteur essentiel de la démocratie sociale, le CESE peine toujours à trouver sa place dans le paysage institutionnel et ses travaux, pourtant nombreux, restent peu connus du grand public et, ce qui est plus surprenant, des pouvoirs publics. Cela tient sans doute à la concurrence des nombreux autres organes consultatifs. Pire, l'institution est peu sollicitée : 79 % de ses travaux résultent d'une auto-saisine. 

Notre troisième chambre mérite une autre place. La réforme, qui devrait intervenir début 2021, nécessite une prorogation du mandat des membres actuels jusque-là.

Tout le monde partage l'objectif de donner un meilleur écho aux travaux du CESE ; mais je suis plus réservé sur la réduction de 25 % de ses effectifs, lourde de conséquences sur la représentation de la société civile organisée, et le recours au tirage au sort. Si beaucoup louent le modèle démocratique athénien, il est en contradiction totale avec notre démocratie représentative, fondement de notre histoire politique.

Méfions-nous de cette douce chanson qui fait l'éloge de la démocratie participative et directe, fer de lance de dégagisme et du populisme.

La place réservée au tirage au sort dans le projet n'est pas scandaleuse, mais le consacrer dans la loi est un précédent qui mérite à tout le moins un débat de fond. (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.) Pour qu'il ait lieu, nous voterons ce texte.

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte fait consensus - d'abord parce qu'il est très bref (Sourires) et que le Conseil constitutionnel avait déjà admis une prolongation similaire en 2009, après la dernière réforme constitutionnelle.

Notons aussi qu'un amendement de la commission a enfin mis à jour le nom de l'institution - douze ans après, il était temps !

Le texte de réforme déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale ne pourra être adopté, covid oblige, avant le terme du mandat actuel des membres du CESE.

Le fonctionnement du CESE avait déjà été revu en 2008. Aujourd'hui, il faut s'interroger sur l'adéquation des objectifs de l'institution avec sa composition, ses procédures et ses moyens. Pour que révolution il y ait, il aurait fallu une réforme constitutionnelle : une loi organique ne changera pas tout.

Le groupe Les Républicains reste attaché au rôle dévolu à chaque chambre par la Constitution, qu'il s'agisse du Sénat comme du CESE, qui participe à l'équilibre constitutionnel.

À ce stade, laissons sa chance à la réforme, comme dit le président Bas, et votons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Ce texte repousse au 1er juin 2021 la fin du mandat des membres du CESE dans l'attente de la réforme qui doit lui donner un nouveau souffle et une nouvelle visibilité.

Le calendrier ne fait pas débat ; mais l'adoption de ce texte ne préjuge en rien de la position du Parlement et en particulier du Sénat sur la future réforme.

Avant d'envisager de nouvelles orientations, il faudrait faire un diagnostic du rôle du CESE au cours de ces dernières années. Il a trois missions : conseiller le Gouvernement, favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et contribuer à l'information du Parlement.

Le fait-il de manière satisfaisante ? Non. Il est peu sollicité par le Gouvernement et le Parlement. Ses 80 % d'auto-saisine montrent certes son autonomie, mais surtout le manque d'écho de ses travaux, d'autant qu'il est concurrencé par d'autres institutions comme la Commission nationale du débat public pour l'organisation de la participation directe des citoyens et de la consultation publique.

Le CESE ne joue aucun rôle opérationnel dans la consultation des corps intermédiaires, qui préfèrent s'adresser directement au Gouvernement et au Parlement. Quant à ses déclinaisons régionales, les Ceser, leur influence sur les politiques régionales est illusoire ou marginale et j'avais proposé leur suppression par amendements à l'occasion de la loi NOTRe.

Quant à la réforme envisagée, elle donnera lieu à des débats animés portant sans doute sur le tirage au sort pour lequel le Sénat a un goût très modéré ; pour l'heure, le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Didier Rambaud .  - Monsieur le garde des Sceaux, je vous ai beaucoup lu, écouté, regardé ces dernières années ; je n'imaginais pas qu'un jour les rôles seraient en quelque sorte inversés, ne fût-ce que quelques minutes ! (Sourires ; M. le garde des Sceaux rit.)

Le mandat des membres du CESE d'une durée de cinq ans, arrive à son terme le 14 novembre ; le calendrier ne permettra pas que la réforme projetée soit mise en oeuvre avant cette date.

De plus, le Gouvernement doit préparer les décrets d'application concomitamment à l'examen de la réforme.

D'où la prolongation de six mois et demi envisagée pour le mandat de ses membres - le Conseil d'État n'y voit pas d'obstacle constitutionnel ni conventionnel. Une précédente prorogation avait été validée dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, pour une durée qui était supérieure.

Refuser la prorogation aurait empêché tout débat sur la réforme ; l'accepter permet ce débat sans préjuger de la position du Sénat sur son contenu.

La réflexion sur le CESE est assez ancienne, et le CESE lui-même y participe. La part croissante et paradoxale des auto-saisines nous y invite en tout cas. De même que la nécessité de réaffirmer la place de cet organe consultatif dans les institutions, face à la défiance ou l'insuffisante connaissance dont elle peut faire l'objet aujourd'hui.

Le CESE a contribué à organiser la Convention citoyenne pour le climat. Je ne m'étendrai pas sur les contours de la réforme, desquels nous débattrons avec notre intelligence et notre prudence habituelles.

Je salue à cet égard la coordination nécessaire à laquelle la commission des lois a procédé.

Voter ce texte nous offre la possibilité prochaine de limer et de frotter notre cervelle contre celles d'autrui, selon la si juste formule de Montaigne, afin de trouver ensemble les modalités d'une juste conciliation entre les différentes expressions de la démocratie et de l'aspiration à la chose publique. Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je veux pour la seconde fois cette semaine remercier le Sénat de m'offrir dix minutes de temps de parole alors qu'une seule serait déjà de trop pour dire qu'il est inutile de répéter ce que mes prédécesseurs ont excellemment dit (Sourires) : il est judicieux de proroger d'un an le mandat des membres du CESE.

Je pourrais m'en tenir là...mais (L'on sourit à nouveau.) il serait désobligeant vis-à-vis de notre institution de ne pas utiliser les neuf minutes qu'il me reste (Rires), fût-ce en partie, soyez rassurés !

La position du Sénat sur la réforme n'est pas engagée par ce vote. Monsieur le ministre, c'est, dites-vous, le premier texte que vous avez présenté en Conseil des ministres, mais avez-vous eu le temps de le lire ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Oui, je l'ai lu !

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet, il propose d'offrir au Gouvernement et au Parlement un « regard tourné vers l'avenir ». (Exclamations amusées)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il était temps ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Est-ce à dire que l'Assemblée nationale, le Sénat ne seraient pas tournés vers l'avenir, alors que nous avons, au Sénat, une délégation à la prospective, présidée par Roger Karoutchi, et que nous ne cessons, en examinant les textes qui nous sont soumis, d'en envisager les conséquences, à court, moyen et long terme, donc pour l'avenir, celui des « générations qui nous succèderont », comme il est également écrit dans l'exposé des motifs - dont je sais que si vous l'avez lu, il n'est pas de votre plume...car telle est bien la préoccupation du législateur.

Deuxième point, l'article 6, est assez étrange.

Mme Assassi l'a souligné. Il prévoit que lorsque le Gouvernement consultera le CESE, sur un projet portant sur les questions économiques, sociales et environnementales, il ne procédera pas aux consultations prévues « sauf exceptions nommément indiquées ».

Ne pensez-vous pas qu'il mériterait à tout le moins des vérifications, des discussions ? Mais nous avons tout l'été pour y réfléchir... (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.)

Troisième point, le tirage au sort : j'y suis tout à fait hostile. La politique consiste à choisir des hommes et des femmes qui prennent des positions et s'engagent sur des projets - ce qui est peu compatible avec des procédures aléatoires, lesquelles relèvent, comme l'a dit le rapporteur, de la logique du sondage.

Or les sondages comportent toujours une marge d'erreur qui les prive de toute valeur prédictive.

Mais il se trouve que les instituts de sondage publient cette marge d'erreur sur un site internet que personne ne consulte - ce qui vide la loi de son sens. J'ai déposé une proposition de loi pour régler ce problème - mais là n'est pas l'essentiel.

À l'article 4, je lis : « les modalités du tirage au sort permettent d'assurer une représentation appropriée du public concerné ». (Rires) D'abord on ne sait pas quel est le public concerné... Et la représentation est appropriée à quoi, de quoi ? (Sourires) Si c'est aléatoire, comment pourrait-ce être une représentation appropriée ? (On rit derechef.)

Nous avons l'été pour le comprendre - et vous aussi, monsieur le garde des Sceaux, car le Gouvernement pourrait supprimer cela par un amendement...

Je me réjouis de la disparition des personnalités qualifiées - comme si les autres ne l'étaient pas ! Si un étudiant rédigeait un mémoire sur la sociologie de ces personnalités désignées au fil des ans par les pouvoirs exécutifs de toutes tendances, il y aurait long à dire... Il est sage que le CESE soit formé de représentants effectifs des différentes forces des réalités économiques, sociales et environnementales. (Applaudissements sur la plupart des travées)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux .  - Je répondrai brièvement aux sénateurs Leconte et Sueur.

Voix à droite. - Et les autres ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis d'accord avec tout ce qu'ils ont dit ! (Sourires) Et je ne veux pas abuser de mon temps de parole...illimité !

Les choses me semblent à ce stade assez simples.

Monsieur le rapporteur Leconte, vous savez que le choix des personnalités relève du pouvoir réglementaire et du décret simple.

S'agissant du tirage au sort, il vous vient la référence au sondage ; à moi me vient la référence au jury de cour d'assises, qui n'est pas qu'aléas.

Monsieur Sueur, j'ai entendu vos avertissements. Un homme et un ministre avertis en valent deux ! (Sourires) Pour l'avenir, je m'efforcerai de retenir vos leçons - celles du professeur de linguistique et du législateur. (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous êtes trop bon !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je souhaite apporter mon témoignage en faveur du CESE. Tant comme parlementaire que dans ma vie antérieure au service de l'État, j'ai vu combien il était une forge de dialogue social qui prenait en compte tous les arguments. À l'abri des projecteurs, les débats qui s'y déroulent, notamment en marge des séances, permettent aux organisations salariales et patronales de rapprocher des points de vue qui s'opposent dans d'autres enceintes.

C'est dire combien le général de Gaulle a eu raison de souhaiter qu'à côté du Parlement il y ait non pas une chambre ou une assemblée mais un Conseil qui représente les « forces vives » de la Nation.

Mais ce n'est pas parce qu'on est reconnaissant pour son travail qu'on devrait accepter des dérives toxiques. Le CESE ne fait pas partie du Parlement : c'est une assemblée consultative citée par la Constitution, qui est claire là-dessus. Il doit rester à sa place s'il veut que sa légitimité soit assurée, légitimité complémentaire de celle de la Représentation nationale.

Il y a un risque de dévalorisation des institutions lorsqu'on dit qu'il y a en France trois assemblées, dont les présidents pourraient être vus comme un collectif consulté à l'envi, et à égalité de dignité, par le pouvoir exécutif.

Je n'ai pas suffisamment d'imagination pour croire que le tirage au sort aurait une quelconque supériorité sur le suffrage universel. Si c'est là l'expression d'une idéologie conservatrice et réactionnaire, il faut le dire !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Républicaine, plutôt.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - J'ai trop admiré ceux qui se sont battus pour offrir à nos pères d'abord, à nos mères ensuite le droit de vote pour pouvoir m'en départir.

Le tirage au sort, qu'on a mis en oeuvre pour réunir ce qu'on a appelé si pompeusement « Convention » citoyenne pour le climat n'est pas, comme pour les jurés d'assises totalement le fruit du hasard, à cause de la sélection de ces jurés.

Surtout, les tirés au sort sont souvent massivement auto-récusés, ce qui ne laisse - si l'on me permet le terme - que le fond du panier.

Ces personnes ne représentant que 1,440 millième de la population française n'ont reçu aucun mandat et il n'y a aucune raison que le fruit de leurs travaux soit soumis à une validation par un oui ou un non dans le cadre d'un référendum, sans aucune autre forme de délibération.

Ce gadget serait une grave régression démocratique. Alors pourquoi la commission des lois incite-t-elle à voter le présent texte ? Mais parce que c'est son rôle d'accepter le débat sur ces points.

Indépendamment du tirage au sort, question qui pour moi est définitivement réglée, il y a la question de l'effectif des membres du CESE, et je ne veux pas priver le Gouvernement de la possibilité de faire aboutir cette question.

Je trouve très déplaisant à l'égard du Président de la République et du Premier ministre de croire que les nominations de personnalités qualifiées n'ont eu comme objet que de recaser des battus du suffrage universel ou de faire plaisir à des affidés du pouvoir. Je crois que ce n'est pas vrai.

Et si nous faisions ce reproche aux présidents de la République et aux Premiers ministres qui se sont succédé, il faudrait aussi le faire aux responsables des organisations syndicales et patronales qui ont nommé les autres membres du CESE. Nous ne signerons pas un chèque en blanc sur la réforme du Conseil économique et social en approuvant le report de la fin de mandat de ses membres. Je vous invite donc, au nom de la commission des lois, à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte, au nom de la commission.

1° Remplacer le mot :

relative

par les mots :

résultant de l'adoption du projet de loi organique relatif

2° Après la seconde occurrence du mot :

environnemental

insérer les mots :

délibéré en conseil des ministres le 7 juillet 2020

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Il y a déjà eu une prolongation du mandat des membres du CESE en 2009. Pour éviter toute confusion entre le présent projet de loi organique et celui qui avait procédé à cette prolongation, mon amendement précise la rédaction de l'article premier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable à cette demande de clarification.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

L'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°145 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 338
Contre     0

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 11 h 55, est reprise à midi.

Mesures de sûreté contre les auteurs d'infractions terroristes (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.

Discussion générale

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Depuis trois ans que je suis ici, chère Catherine, j'ai apprécié beaucoup de travailler avec vous. Vous êtes un modèle pour moi. Merci.

La CMP est parvenue à un accord sur ce texte dont j'ai défendu l'utilité devant vous il y a deux jours : dans les trois années à venir, plus de 150 terroristes sortiront de détention. Il nous appartenait d'agir avec célérité et efficacité. Députés et sénateurs ont travaillé à un objectif commun, c'est pourquoi l'accord en CMP sur les divergences qui subsistaient a été facile à trouver. Son absence aurait été difficilement compréhensible pour nos concitoyens.

Nous avons su concilier efficacité du dispositif et protection des libertés. La constitutionnalité de la mesure de sûreté est garantie par la limitation du périmètre de la mesure de sûreté aux personnes condamnées à plus de cinq ans de prison, comme le souhaitait le Sénat. En revanche, nous avons renoncé à la durée de deux ans pour l'application de la mesure, ayant reçu des garanties sur l'applicabilité de la durée d'un an.

Les garanties procédurales ont été conservées ; le principe de la collégialité est maintenu pour les modifications les plus importantes, mais le juge de l'application des peines (JAP) dispose d'une capacité d'adaptation. La définition de la dangerosité retenue par le Sénat a été maintenue, ainsi que le volet relatif à la réinsertion, avec l'intervention du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) à laquelle j'étais très attachée.

Le suivi des mesures reviendra au JAP antiterroriste plutôt qu'au juge territorialement compétent.

Sur le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), la CMP a rétabli la possibilité d'un cumul avec d'autres mesures comme le pointage électronique, le Sénat craignant une restriction disproportionnée de la liberté d'aller et venir.

L'inscription au fichier des personnes recherchées a elle aussi été maintenue.

Assemblée nationale et Sénat ont fait preuve de responsabilité en adoptant ce texte dans un délai court ; mais il ne se substitue pas à la prise en charge du suivi de la déradicalisation, à laquelle je suis, vous le savez, très attachée.

Je vous invite, chers collègues, à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Non, non et non, je n'ai pas été pris, soudain d'une folie liberticide et je n'ai pas du tout le sentiment de m'être renié.

Je n'aurais pas porté ce texte s'il maintenait en détention les condamnés à l'issue de leur peine.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Moi non plus !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les condamnés pour terrorisme qui sortent de détention après avoir purgé leur peine doivent se soumettre à certaines obligations prononcées par un magistrat de l'ordre judiciaire, sans quoi ils y retournent. La remise en liberté des condamnés toujours radicalisés est un problème qu'il ne faut pas ignorer, mais qu'il faut traiter pour garantir la sûreté de nos concitoyens, sans remettre en cause le pacte républicain qui repose sur nos libertés fondamentales et inaliénables.

La célérité de la CMP témoigne de l'engagement du législateur et la détermination des rapporteures, Mme la sénatrice Eustache-Brinio et Mme la présidente Braun-Pivet. Qu'elles en soient remerciées.

L'article premier permet au juge judiciaire d'imposer des mesures de sûreté en encadrant le dispositif de garanties indispensables. Le dispositif est réservé aux condamnés pour faits de terrorisme à une peine de plus de cinq ans de privation de libertés, trois ans en cas de récidive. La mesure de sûreté dure un an. Une réévaluation régulière me semble indispensable. Je me félicite que la CMP ait statué en ce sens.

C'est l'autorité judiciaire, et elle seule, qui pourra prononcer les mesures de sûreté. C'est en soi un progrès : le juge statuera à l'issue d'un débat contradictoire ; le condamné sera assisté d'un avocat et pourra faire appel.

Vous avez prévu la possibilité d'une mainlevée à tout moment.

Il sera essentiel d'évaluer les dispositifs de prévention de la récidive terroriste, dont la complexité peut nuire à l'action de l'État. Il est nécessaire de proposer une remise à plat des dispositifs existants afin que l'empilement actuel retrouve une cohérence et une lisibilité d'ensemble.

Ceux-là mêmes qui ne veulent pas admettre l'équilibre auquel vous êtes parvenus sont ceux qui critiqueront, demain, votre effroyable laxisme lorsque par malheur un condamné récidivera. Surtout, on ne les entendra plus lorsque cette loi portera pleinement ses effets, à savoir protéger les Français tout en préservant notre modèle de société, les libertés fondamentales et l'État de droit qui le fondent.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j'apporte mon soutien clair aux conclusions de vos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM et sur le banc de la commission)

Mme Colette Mélot .  - Permettez-moi de saluer avant tout Mme la présidente, avec qui j'ai travaillé au sein du groupe interparlementaire d'amitié France-Allemagne qu'elle a animé avec diplomatie et passion.

Le groupe Les Indépendants partage pleinement l'objectif poursuivi par cette proposition de loi. Le terrorisme est une menace qu'il nous faut combattre, mais nous avons quelques réserves sur les moyens prévus pour ce faire. Le plus emblématique est le bracelet électronique, qui n'est pas une géolocalisation. Il ne pourra être mis en oeuvre qu'avec l'accord des intéressés. Le gain de sécurité pour les Français nous paraît trop mineur pour justifier le coût juridique de ces mesures. Avocats et magistrats dénoncent en outre la contradiction des principes juridiques fondamentaux comme celui de non bis in idem ou encore de non-rétroactivité de la loi pénale.

Le Conseil d'État a qualifié ces dispositions de mesures de sûreté et non de peines, en admettant que la frontière est parfois peu nette - étant restrictives et non privatives de liberté, elles peuvent légitimement être rétroactives.

Notre arsenal judiciaire contre le terrorisme, fruit d'un empilement de mesures éparses, est trop complexe. Les dispositifs existants doivent être harmonisés.

Il faut aussi davantage de moyens matériels et humains pour la justice et les services d'enquête.

Enfin, il faudra réfléchir aux moyens de renforcer l'efficacité de la réinsertion des personnes condamnées. La prévention de la récidive est l'un des défis les plus importants de notre politique pénale.

Le groupe Les Indépendants s'abstiendra dans sa majorité sur ce texte.

Mme Nathalie Goulet .  - Je salue le travail de la CMP et les apports du Sénat. Le groupe centriste votera ce texte. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure, s'en réjouit.) Je n'utiliserai pas tout mon temps de parole avec le talent de M. Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous en seriez capable !

Mme Nathalie Goulet.  - Je vous remercie. Il est essentiel d'évaluer nos dispositifs existants, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Le manque d'évaluation dans votre ministère fait partie des « mauvaises habitudes » dont vous avez parlé.

Le Sénat s'est toujours montré solidaire du Gouvernement contre le terrorisme.

Enfin, alors que le Brexit se profile, il faudra se poser la question du mandat d'arrêt européen, et d'Europol. Notre politique de sécurité n'aura de sens qu'au niveau européen et, de ce point de vue, elle est mise en difficulté par le Brexit.

Lors du débat budgétaire, nous serons très attentifs à la mission « Justice », qui conditionne la mise en oeuvre des mesures présentées aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Yves Leconte .  - La lutte contre le terrorisme mérite une clarification complète des responsabilités de chacun - autorité judiciaire et pouvoir exécutif.

En 2014, nous avons créé de nouvelles infractions pour judiciariser des personnes n'étant pas encore passées à l'acte violent ; en 2015, nous avons donné la possibilité légale à nos services de renseignement de détecter les risques sur notre territoire.

Pas de mesures éparses, avez-vous dit, monsieur le ministre, mais en voici une de plus ! De quoi parlons-nous sinon d'une contrainte après la peine, prononcée au moment de la libération. Ce n'est pas une peine, dites-vous aussi, mais j'observe que plusieurs personnes avant-hier, pourtant favorables au texte, ont utilisé le mot de « peine »...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Une seule personne !

M. Jean-Yves Leconte.  - J'observe que l'on va contraindre sur la seule foi d'une dangerosité présumée. Monsieur le ministre, c'est en contradiction avec vos positions passées contre une culpabilité par la dangerosité, le code pénal laissant place à un code de la sûreté.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est caricatural.

M. Jean-Yves Leconte.  - D'autres, moins subtils que vous, seront tentés d'aller plus loin dans cette direction.

Nous ne sommes pas sur une ligne de crête : nous n'avons pas à conjuguer deux principes qui peuvent se heurter. On ne peut condamner deux fois et il n'y a pas de peine après la peine. Des mesures plus fortes que celles rendues possibles par ce texte pourront être prononcées par l'autorité administrative. De plus, le suivi sera assuré par le juge de l'application des peines, ce qui entretient la confusion.

Le groupe socialiste et républicain, pour toutes ces raisons, votera contre ce texte. L'efficacité, c'est revenir aux principes de base. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Jean-Marc Gabouty .  - La CMP a abouti à un compromis sur cette proposition originale, qui rassemble sous un régime commun des mesures administratives et judiciaires ; la Haute Assemblée y a apporté des clarifications bienvenues, alors que les mesures législatives intervenues après 2015 avaient complexifié en les diversifiant tous les moyens juridiques de lutte contre le terrorisme.

Les personnes condamnées pour faits de terrorisme à plus de cinq ans de prison seront contraintes à répondre, après leur libération, aux convocations du juge, à recevoir la visite du service pénitentiaire d'insertion et de probation, à l'avertir en cas de changement d'emploi ou de résidence, à exercer une activité professionnelle, à se former et à résider en un même lieu, ou demander l'autorisation du juge pour se rendre à l'étranger, à s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes ou de paraître en certains lieux, mais aussi - grâce au Sénat -de détenir ou porter une arme.

La commission d'enquête sur la radicalisation a montré combien certains milieux - comme le sport - étaient devenus des milieux de recrutement djihadiste.

Aucune de ces mesures ne s'apparente à une peine après la peine. Les modifications introduites au Sénat ont permis de renforcer l'objectif de réinsertion des détenus.

La réduction à un an permet un encadrement plus strict ; elle est bienvenue. La rétention de sûreté n'a été mobilisée que cinq fois entre 2011 et 2015 : nous serons attentifs à la mise en oeuvre de cette dernière mesure.

Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Arnaud de Belenet .  - Il est particulièrement agréable de constater un miracle d'intelligence collective, grâce aux efforts conjugués de la majorité de l'Assemblée nationale, du Sénat et de la Chancellerie pour protéger les Français dans le respect de l'État de droit.

La droite extrême, par la voix de son représentant, a dénoncé l'inefficacité du dispositif en s'affranchissant allègrement des contraintes de l'État de droit. L'aile gauche de notre hémicycle s'est positionnée en zélateur et gardien du temple constitutionnel.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous n'en avons pas honte !

Mme Éliane Assassi.  - Qu'est-ce que cela signifie ?

M. Arnaud de Belenet.  - Elle a dénoncé des atteintes aux libertés en s'affranchissant de l'efficacité. Peut-être le souci de faire de la politique l'a-t-il emporté sur le souci de bien légiférer ? Peut-être faut-il mettre en oeuvre la volonté de profiter d'un nouveau garde des Sceaux médiatique pour exister ? (Protestations à gauche ; Mme Nathalie Goulet proteste également.)

Le résultat, c'est un dispositif équilibré avec le bracelet électronique subordonné au consentement, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, et au respect du contradictoire ; mais aussi avec le renforcement de la mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire.

Voilà un beau texte, responsable, raisonnable, efficace.

Chacun des orateurs précédents a conclu sur le budget de la Chancellerie, dont la trajectoire laisse espérer une augmentation de 25 % - tout à fait inouïe.

Mais au-delà des moyens, un autre défi attend le garde des Sceaux : celui de l'organisation de la Chancellerie.

Merci de ce grand bonheur, à quelques exceptions près, à approuver ce texte partagé par La République en Marche.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les exceptions vous saluent bien !

Mme Éliane Assassi .  - Plutôt que de répondre aux provocations de l'orateur précédent, je veux insister sur les conditions regrettables dans lesquelles nous examinons ce texte. Il y a quelques instants, nous ne disposions même pas du rapport de la CMP.

Le texte final a très peu été modifié. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s'y oppose donc toujours. Le fait même de devoir délibérer en urgence pour pallier une sortie sèche de terroristes condamnés - 31 cette année, 62 l'an prochain - en dit long sur le manque de vision des textes que le Gouvernement nous propose avec des dispositions de circonstance.

La surveillance individuelle existe déjà, or elle reste inappliquée. La philosophie générale du texte n'est pas bonne. Certes, la commission des lois, fidèle à sa réputation de défenderesse des libertés publiques, a posé un jalon de cinq ans minimum de peine pour les condamnés et renforcé le volet de la réinsertion.

Mais, bien ancrée dans la tradition sécuritaire de la droite, elle a porté à deux ans la durée initiale des mesures de sûreté et rendue floue la notion de dangerosité.

Certes, il ne s'agit pas de rétention de sûreté, mais il s'agit bel et bien d'imposer à des condamnés qui ont purgé leur peine, d'autres mesures contraignantes au quotidien comme pour leur signaler qu'on ne leur fait pas confiance. Cela les incitera-t-il à ne pas récidiver ? On peut en douter.

Qu'en est-il des véritables réflexions pour endiguer la radicalisation ? Qu'en est-il de l'analyse des dispositifs déjà mis en place ? Le rapport que nous demandions au Gouvernement sur les quartiers de surveillance et la prise en charge de la radicalisation nous a été refusé, alors qu'il aurait été utile.

Monsieur le ministre, ne vous y trompez pas. Parmi ceux qui soutiennent ce texte, vous trouvez ceux qui continueront demain de penser que notre justice est laxiste.

Vous ne les trouverez jamais sur les travées de mon groupe. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

Mme Jacky Deromedi .  - L'ancien procureur de la République de Paris, François Molins, déclarait au lendemain des attentats de Paris, que le spectre des peines ne correspondait pas à la gravité des faits. C'est encore vrai aujourd'hui.

Dès le 17 décembre 2015, le groupe Les Républicains, à l'initiative des présidents Bas et Retailleau, avait déposé une proposition de loi pour renforcer l'efficacité de la lutte anti-terroriste qui autorisait, en son article 18, le placement sous surveillance de sûreté des personnes condamnées pour terrorisme à leur libération, si elles présentaient une dangerosité particulière et le placement sous surveillance électronique. La décision relevait de la compétence de la juridiction régionale dans la sûreté de rétention. Que de temps perdu !

La quasi-totalité des mesures de ce projet de loi aurait pu être depuis longtemps inscrite dans notre droit. Or d'après le dernier rapport du Centre d'analyse du terrorisme, les taux de récidive des djihadistes sont supérieurs à 50 %. Un islamiste terroriste a toutes les chances de continuer ses activités.

Nous saluons le compromis trouvé en CMP. Merci à Jacqueline Eustache-Brinio pour son travail. Le groupe Les Républicains votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Mme la présidente. - En application de l'article 42 alinéa 12 du règlement, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Explications de vote

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je remercie les représentants des groupes ayant apporté leur soutien à cette proposition de loi issue des travaux de la commission des lois sous la houlette de Philippe Daubresse.

Je comprends la position des opposants à ce texte, mais je comprends moins bien celle du groupe socialiste.

Si nous n'adaptions pas cette loi, les mesures disponibles seraient des mesures administratives permises par une loi sur le renseignement adoptée sous un gouvernement socialiste, pourtant très intrusives. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et LaREM)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Toutes ces mesures s'appliquent et nous en sommes fiers !

M. Jean-Yves Leconte .  - Cette loi sur le renseignement a fait ses preuves. Je ne suis pas le seul à réclamer une clarification des dispositions empilées avec des responsabilités diverses - dénoncées par le Conseil d'État dans des mots repris par M. le garde des Sceaux.

Face au terrorisme, l'important, ce sont les moyens et la proportionnalité des mesures, qui n'est pas assurée ici, compte-tenu de la confusion des responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (3) (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Discussion générale

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - L'examen du PLFR 3 s'est déroulé au pas de course. Il est passé de 19 à 73 articles ; la commission des finances l'a examiné le 15 juillet et l'examen en séance s'est déroulé du jeudi au dimanche soir. Nous avons néanmoins fait un travail long, sérieux, avec des débats approfondis.

Je l'ai dit à l'ouverture de son examen, ce troisième PLFR n'était pas une surprise vu la dégradation des comptes publics avec un recul du PIB de 11 %. Nous devions être au rendez-vous pour sauver notre économie. Malgré la réussite de la CMP, un point de désaccord demeure : nous regrettons l'absence de plan de relance. Il ne sera détaillé que dans le projet de loi de finances pour 2021. C'est regrettable, car les ménages et les entreprises ont besoin de visibilité dès maintenant pour prendre des décisions de consommation et d'investissement. Nous avons pris date.

En conscience et en responsabilité, le Sénat a voté, dès les premiers projets de loi de finances rectificative, les mesures de soutien -  Prêt garanti par l'État (PGE), fonds de solidarité, etc. Mon homologue Laurent Saint-Martin et moi-même avons travaillé dans un esprit constructif pour aboutir à ce compromis noué mardi.

De nombreux apports du Sénat ont été maintenus. Le texte de la CMP améliore ainsi la compensation des pertes de recettes des collectivités territoriales. Les départements bénéficient d'une clause de retour à meilleure fortune, et ne devront rembourser les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) que lorsque les recettes auront retrouvé leur niveau de 2019.

L'enveloppe de 1 milliard d'euros au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pourra financer des projets couverts par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Une compensation, certes imparfaite, a été prévue pour les pertes de recettes d'Île-de-France Mobilités et des établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris.

Pour Île-de-France Mobilités, le mode de calcul retenu par le Sénat tient compte des hausses de taux réalisées pour financer le pass Navigo unique. Mais nous regrettons de n'avoir pu obtenir la hausse de l'acompte versé par l'État en 2020 ; on risque de priver les transports franciliens d'investissements indispensables. Si l'absence de compensation par l'État se traduit par l'arrêt des commandes, les voyageurs et l'emploi en souffriront.

Pour soutenir les entreprises les plus fragiles, les dispositifs de remise de dette partielle prévus à l'article 18 ont été élargis aux entreprises de moins 250 salariés ayant perdu la moitié de leur chiffre d'affaires, quels que soient les secteurs d'activité. C'est une avancée significative, due au Sénat.

La CMP a conservé les crédits supplémentaires votés par le Sénat : 60 millions d'euros pour le renouvellement du parc automobile de la police et gendarmerie ; 50 millions d'euros pour le Crous, pour compenser la baisse du ticket-restaurant pour les boursiers. S'ajoutent des crédits pour l'apprentissage, pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), ou encore pour l'investissement industriel.

Nous nous félicitions des crédits prévus pour la prime à l'embauche des jeunes entrant sur le marché du travail. La CMP a repris les montants prévus par le Gouvernement ; j'espère que certaines de nos pistes seront reprises par voie réglementaire.

La CMP a également retenu le renforcement du crédit d'impôt pour abonnement à un journal, l'élargissement du label de la Fondation du patrimoine, l'extension temporaire du déblocage de l'épargne retraite pour les travailleurs indépendants, l'exonération pour les donations, le plan très haut débit, la prise en compte de la programmation pluriannuelle de l'énergie, l'extension des aides à l'embauche d'apprentis aux étudiants de master ou encore le crédit d'impôt pour l'investissement en Corse jusqu'au 31 décembre 2023.

Je suis donc satisfait du travail réalisé avec mon homologue, qui a été à l'écoute du Sénat. Nous pouvons trouver ce texte de compromis insuffisant. Le Gouvernement s'est engagé à trouver une solution d'ici l'automne pour Île-de-France Mobilités. Nous serons vigilants et attendons votre plan de relance. Espérons qu'il n'arrive pas trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, Les Indépendants et UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics .  - Quelques mots pour vous dire ma satisfaction de voir une CMP aboutir pour la troisième fois sur un PLFR. Cela démontre qu'il est possible de trouver des compromis pour sauver notre économie et protéger nos compatriotes.

Le rapporteur général a évoqué les compromis trouvés, qui sont aussi des concessions. Je veux pour ma part dire ma satisfaction sur cinq points.

Ce PLFR 3 autorise d'abord le Gouvernement à poursuivre des dispositifs qui fonctionnent comme le fonds de solidarité, le chômage partiel et tout ce qui peut amplifier nos efforts envers l'industrie. Il garantit aussi l'accompagnement et le soutien aux plus fragiles.

Ce PLFR 3 apporte également le financement nécessaire aux plans sectoriels. Il nous fallait des autorisations d'ouverture de crédits ; je pense notamment aux festivals, ou à la presse.

Ce PLFR 3 apporte des solutions aux collectivités territoriales. D'ici à l'automne nous aurons l'occasion de reparler d'Île-de-France Mobilités, soit dans un PLFR soit dans le plan de relance. Ce texte prévoit un soutien à l'investissement de 1 milliard d'euros supplémentaire et un dispositif inédit qui garantit aux communes des recettes fiscales et domaniales au moins égales au niveau moyen entre 2017 et 2019, en prenant en compte les spécificités des outre-mer.

Le soutien à l'emploi des jeunes fait l'objet d'une volonté partagée. Le soutien à l'embauche d'apprentis a été élargi aux contrats de professionnalisation, et vous avez voté les crédits pour financer la prime à l'emploi de jeunes. Nous tiendrons les engagements pris par le Président de la République et détaillés ce matin par le Premier ministre. Le PLFR finance également des dispositifs sociaux tels que l'accès à des repas de qualité à bas coût ou l'extension de bourses.

Ce PLFR tient enfin l'engagement de transformer les reports de cotisations en exonérations, pour l'ensemble des TPE ayant fait l'objet d'une fermeture administrative et pour les TPE-PME des secteurs les plus touchés - hôtels, cafés, restaurants, culture, sport et événementiel. Vous avez élargi le spectre aux entreprises de 50 à 250 salariés ; le Gouvernement s'en félicite.

Par une CMP conclusive, nous gagnons quelques jours dans l'application du texte.

Je remercie l'ensemble des sénateurs pour leur participation au débat, et le rapporteur général en particulier.

Ce PLFR aura fait l'objet de 2 400 amendements en tout, dont un peu plus de 200 ont été adoptés. C'est la preuve que chacun sait faire un pas vers l'autre lorsque les circonstances l'exigent.

J'ai entendu l'appel au plan de relance. Je vous répondrai par une pirouette : la relance, c'est dès maintenant, grâce aux plans sectoriels, pour 400 milliards d'euros.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - C'est du soutien.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous présenterons d'ici la fin août un plan de relance dont le financement sera assuré par certaines dispositions contenues dans ce texte, comme les 500 millions d'euros pour l'appel à projets sur les industries du futur, ou le fonds de participations de 20 milliards d'euros voté dans le précédent PLFR.

Ce sera complété par le projet de loi de finances initiale 2021 et, si nécessaire, un projet de loi de finances rectificative de fin de gestion. Merci pour votre travail et votre esprit de concorde. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Éric Gold et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Cette nouvelle CMP conclusive traduit l'esprit de responsabilité du Parlement, la capacité de dialogue et d'écoute des rapporteurs généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat, et augure de belles perspectives pour les futures discussions budgétaires.

Plusieurs apports du Sénat ont été retenus, notamment sur la compensation des pertes de recettes des collectivités territoriales. La clause de retour à meilleure fortune pour les DMTO sera précieuse pour les départements. L'utilisation de l'enveloppe DSIL pour des projets DETR est aussi une avancée. Nous envoyons un message à l'échelon départemental, qui a su répondre avec agilité aux besoins du terrain.

Le groupe UC se félicite aussi de l'élargissement du label Fondation du patrimoine, issu d'une proposition de loi de Mme Vérien, votée à l'unanimité, aux propriétaires dans les communes de moins de 20 000 habitants, contre 2 000 actuellement. L'État en aura un retour via l'impôt sur les sociétés et la TVA.

Nous pouvons regretter que le montant du soutien à Île-de-France Mobilités ne soit pas aussi élevé qu'espéré. Mais nous partions de zéro. L'Assemblée nationale a étendu le bénéfice du prélèvement sur recettes à l'établissement public francilien. Le Gouvernement a pris des engagements, nous serons très attentifs. Il serait paradoxal que la modernisation des transports du quotidien fasse les frais de la crise sanitaire.

Nous regrettons que le remboursement anticipé de la TVA acquittée par les collectivités locales sur leurs dépenses d'équipement au titre du FCTVA n'ait pas prospéré ; une telle mesure aurait relancé l'investissement et rendu de la trésorerie aux collectivités.

Pour l'essentiel, nos désaccords portent plus sur le calendrier que sur le fond. Nous sommes confiants pour le projet de loi de finances 2021 et le plan de relance, déjà esquissé. Nous resterons attentifs à l'emploi des jeunes, premiers à pâtir de la dégradation du marché du travail.

Le compromis sur ce texte a coïncidé avec l'accord sur le plan de relance européen. La pandémie aura peut-être eu le mérite d'accélérer la solidarité et le rapprochement entre les peuples européens. Notre réponse aux défis qui en découlent conditionne notre avenir. Saisissons les opportunités, notamment en matière de transition écologique.

Notre regard est globalement positif. La quasi-totalité du groupe UC approuvera les conclusions de la CMP. (MM. Julien Bargeton et Marc Laménie applaudissent.)

M. Patrice Joly .  - Notre pays traverse une crise économique grave, exceptionnelle. Or ni le Gouvernement ni la majorité sénatoriale n'ont fait le choix d'un budget de combat, protecteur des plus faibles, des entreprises, des collectivités territoriales et des territoires. C'est une erreur majeure d'attendre l'automne pour la relance.

Sur les 500 milliards d'euros annoncés le 14 juin par le Président de la République, les travaux du Sénat ont montré que seuls 60 milliards de crédits réels sont débloqués.

M. Julien Bargeton.  - C'est faux.

M. Patrice Joly.  - C'est 2,6 % du PIB, contre 7 % en moyenne dans les pays développés. Vous trompez les Français sur l'ampleur de l'aide et sacrifiez certains secteurs comme la culture, le tourisme ou le BTP.

Nous assistons à des stratégies pour faire reposer les conséquences de la crise sur les collectivités territoriales, les entreprises et les Français eux-mêmes. Nous aurions trouvé équitable que ceux qui ont les moyens de contribuer le fassent à la hauteur de leur capacité en revenu et en patrimoine. C'est une question financière mais aussi une question politique et de cohésion sociale. (M. Julien Bargeton s'exclame.)

Nos amendements ont été rejetés par idéologie.

Même si nous avons obtenu une meilleure compensation des charges des collectivités territoriales, une aide pour les autorités organisatrices de la mobilité, une taxation plus juste des pure players et des primes pour les salariés des structures privées de santé, le compte n'y était pas.

Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été écartées, preuve qu'en matière d'écologie, les actes du Gouvernement ne suivent pas les mots du Président.

Le choix d'un financement global par la dette sans remettre en cause la fiscalité avantageuse pour les plus aisés n'est pas acceptable. (M. Julien Bargeton s'exclame.)

Un seul des amendements de notre groupe, sur le soutien des collectivités locales aux associations, a été sauvé.

Nombre d'amendements pourtant votés à une large majorité au Sénat n'ont pas été retenus. Les articles 5 et 6 du texte sur le soutien aux collectivités territoriales ont été amputés.

Le Sénat n'a pas joué son rôle de défenseur des territoires et je m'inquiète du sort qui sera réservé à Île-de-France Mobilités à la suite du recul de la majorité sénatoriale.

Le Gouvernement semble incapable de comprendre le rôle des territoires dans l'accompagnement des plus fragiles, leur potentiel économique et écologique.

Le seul chemin possible est celui de la justice fiscale et sociale. Nous ne pouvons donc voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Jean-Claude Requier .  - Je salue le sens des responsabilités des membres de la CMP. Comme lors du deuxième collectif en avril, le Sénat et l'Assemblée nationale ont su trouver un accord à la hauteur de l'urgence.

Ce troisième PLFR aggrave le déficit public de 40 milliards d'euros par rapport au deuxième. Il y a de la frustration, au regard des délais resserrés qui ont conduit la commission à demander le retrait de beaucoup d'amendements. Sur les plus de mille déposés, peu ont été adoptés.

Notre groupe en a défendu de nombreux ; je me félicite que celui de M. Gold visant à mieux informer le Parlement sur la fraude au chômage partiel ait été retenu ; au regard des montants, il est impératif de s'assurer de la bonne utilisation des deniers publics.

On peut aussi se féliciter de la suppression de l'article 4 bis qui aurait eu des conséquences fâcheuses pour le financement des chambres de commerce et d'industrie.

Nous sommes inquiets des baisses de recettes des collectivités territoriales, que l'État compensera cependant à hauteur de 4,5 milliards d'euros. Espérons que cela suffira.

L'article 18 sur les exonérations, qui a fait l'objet de nombreux amendements, aurait davantage eu sa place dans un budget rectificatif de la sécurité sociale.

Je tiens, au nom de mon groupe engagé en faveur de la construction européenne, à saluer l'accord historique trouvé sur un programme de relance économique au niveau de l'Union.

Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Julien Bargeton .  - À mon tour de saluer le travail du rapporteur général et de la commission des finances. Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP. Le seuil de 250 salariés, à l'article 18, est de bon aloi ; j'accueille aussi favorablement les avances remboursables pour les départements, et le milliard supplémentaire pour la DSIL, qui pourra être utilisé pour des projets relevant de la DETR.

Reste un débat sur Île-de-France Mobilités. En prenant 2019 comme référence et non la moyenne 2017-2019, le Sénat ajoute 200 millions d'euros aux 450 millions d'euros déjà dans la balance.

M. Roger Karoutchi.  - Non, 400 millions d'euros.

M. Julien Bargeton.  - Ce texte crée un mécanisme inédit de garantie des ressources des collectivités territoriales, à hauteur de 4,5 milliards d'euros.

L'activité partielle, pour 31 milliards d'euros au total, est le mécanisme le plus protecteur d'Europe. Le fonds de solidarité est porté à 8 milliards d'euros.

La solidarité est au coeur de ce PLFR : 200 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, aide de 200 euros pour les moins de 25 ans bénéficiaires des aides au logement, indemnisation pour les libéraux sans assurance, prolongement des bourses...

La théorie économique nous l'enseigne, une crise appelle une hausse de la dépense budgétaire mais n'est pas le moment d'augmenter les impôts, quels qu'ils soient : cela déprimerait encore plus l'activité.

Avec 435 millions d'euros, la culture devra être au coeur de la relance.

Il me semblait logique d'attendre le plan de relance européen pour déployer le plan français. Avec 390 milliards d'euros de dépenses budgétaires dont 40 milliards pour la France, ce n'est pas l'épaisseur du trait ! On mutualise de la dette pour financer des subventions, en inventant des ressources fiscales européennes, sur le plastique ou sur les Gafam. C'est un pas dans la construction européenne qui mérite d'être souligné même s'il reste du travail. (M. Roger Karoutchi le confirme.)

La relance est déjà présente dans ce PLFR avec 500 millions d'euros pour la transition numérique et écologique de l'industrie. Une DSIL à 1,6 milliard d'euros, c'est de la relance, cela permet de construire l'avenir. L'emploi des jeunes est un sujet clé : un bon plan de relance ne laisse aucun jeune en plan. Quelque 6,5 milliards d'euros ont été annoncés ce matin, dont 800 millions d'euros dans ce texte pour l'apprentissage.

Je me réjouis que, dépassant les clivages, nous ayons trouvé à nouveau un accord sur le PLFR. Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Pascal Savoldelli .  - Les débats sur ce texte ont permis de confronter nos projets politiques. La pandémie a rebattu les cartes avec le fameux « quoi qu'il en coûte ». Mais le résultat de la CMP est pour le moins décevant. Pour le troisième PLFR, majorités sénatoriale et présidentielle, ont, main dans la main, (M. Roger Karoutchi le conteste.) rejeté toutes nos mesures de justice sociale et fiscale : rejet de la taxe Gafam, des 150 millions d'euros pour la recherche scientifique, d'une sanction pour les entreprises ne respectant pas l'égalité salariale. La droite refuse de mettre à contribution les 1 % les plus riches qui accumulent des richesses indécentes tandis que nos concitoyens se serrent la ceinture.

Le débat sur la gratuité des masques ne vient pas de nulle part ! Un groupe de 83 millionnaires a déclaré que les États devaient lever les fonds nécessaires via une augmentation permanente des taxes sur les plus fortunés de la planète - « des gens comme nous ».

M. Éric Bocquet.  - Très bien.

M. Pascal Savoldelli.  - Au lieu de les prendre au mot, le Gouvernement veut augmenter la CRDS et la CSG et raboter les salaires ! Et pourquoi pas travailler plus pour gagner moins ?

La droite sénatoriale et le Gouvernement sont tombés d'accord en CMP ; quand le Sénat adopte des contreparties écologiques et salariales sur les aides aux entreprises, le Gouvernement met son veto. De l'argent magique pour les entreprises qui polluent et qui licencient !

Vous dites vouloir relancer le fret et les trains de nuit. Pourquoi dès lors refuser de baisser la TVA sur les transports publics ? Pourquoi amputer le soutien à Île-de-France Mobilités ? Nous voulons des actes.

La clause de sauvegarde pour le bloc communal est incomplète ; la clause de retour à bonne fortune pour les départements, un moindre mal. Vous ne proposez que 4,5 milliards d'euros, quand il en faudrait 7,5.

Il faut d'autres ambitions, permettant de renouer avec une présence publique renouvelée et une redistribution basée sur la solidarité.

Notre groupe votera contre ce texte, et même si nous sommes bien loin des « Jours heureux », je vous souhaite des congés payés heureux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Julien Bargeton.  - La fin est très bien.

M. Jérôme Bascher.  - C'est vrai !

Mme Colette Mélot .  - Une séquence hors du commun s'achève aujourd'hui. Avec l'accord en CMP, le Parlement a de nouveau fait preuve de responsabilité, activant la solidarité nationale, par-delà des clivages, pour sauver notre économie. Les décisions votées dans ces trois PLFR sont lourdes de conséquences.

Les collectivités territoriales se sont enfin trouvées au coeur de nos travaux, après des mesures éparses et ponctuelles. Les réponses pragmatiques que nous leur apportons leur permettront de concourir activement à la relance, notamment grâce à la clause de retour à meilleure fortune pour les départements.

Je regrette que la CMP n'ait pas retenu le report au 15 septembre de la date limite pour voter des dégrèvements ou exonérations de taxes de séjour. On signifie ainsi que ce sont les collectivités qui doivent s'adapter aux contraintes de Bercy, et non l'inverse...

Le groupe Les Indépendants avait fait adopter un amendement sur le remboursement des achats de masques par les collectivités à compter du 1er mars ; il n'a pas été retenu.

Ce troisième PLFR amplifie les mesures d'urgence pour soutenir notre économie. Le chômage partiel, les allègements de charges et le fonds de solidarité pour les entreprises ont été renforcés.

Le Sénat a également augmenté les crédits alloués à l'Afitf, aux investissements industriels et surtout à l'apprentissage. Miser sur notre jeunesse est stratégique.

Un mot sur la culture, parent pauvre de la relance qui s'annonce. Il faudra s'en souvenir à l'automne.

Ne tardons pas à engager cette relance, après le sauvetage. L'accord obtenu au niveau européen nous permet de ne pas revoir nos ambitions à la baisse. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme Nathalie Goulet et M. Julien Bargeton.  - Très bien !

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Troisième PLFR, trois jours, trois nuits : vous noterez, monsieur le ministre, l'efficacité et la célérité du Sénat qui sait se montrer pragmatique et constructif, dans l'intérêt général.

Toutefois, le texte reprend une quinzaine seulement des 200 mesures votées par le Sénat ; je songe à l'extension de la remise de cotisations sociales à l'ensemble des entreprises de moins de 250 salariés - même si le taux ne sera que de 50 %, et non de 70 %, pour les moins de 50 salariés - , à la hausse des crédits pour le très haut débit, à l'élargissement aux étudiants à Bac+5 de l'aide au recrutement en contrat d'apprentissage, à la clause de retour à meilleure fortune des départements, à la possibilité de financer sur l'enveloppe DSIL des projets éligibles à la DETR.

Mais c'est un accord a minima qui a été trouvé. Quand nos propositions seront-elles retenues ?

J'invite M. Savoldelli à s'abonner au Figaro. (Sourires)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - Grâce au crédit d'impôt premier abonnement ! (Rires)

Mme Christine Lavarde.  - On y lit aujourd'hui que le plan d'aide bénéficiera aux jeunes qui touchent jusqu'à 2 Smic, et non plus 1,6 smic. Le groupe Les Républicains proposait 2,5 Smic.

La relance, c'est quand ?

M. Roger Karoutchi.  - Dans Le Figaro, la semaine prochaine ! (Rires)

Mme Christine Lavarde.  - PLFR 4, PLF 2021, présentation le 24 août en Conseil des ministres ? J'ai cru comprendre qu'il y aurait un PLFR de fin de gestion.

Le groupe Les Républicains accepte l'accord trouvé en CMP mais sera vigilant l'automne venu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, où est l'argent ? J'entends le Premier ministre dire que ce Gouvernement est celui de la transition écologique. Quasi j'y crois : plus vert que moi, tu meurs ! (Rires) Vous trouvez des milliards pour l'aéronautique, pour l'automobile - mais vous mégotez pour le transport quotidien de cinq millions d'usagers en Île-de-France, alors que la présidente de région déclare que la RATP et la SCNF ont perdu 2,6 milliards d'euros. Nous demandions 1 milliard, tout compris. Même cela, c'est non ! Résultat des courses : dès mardi, la SNCF annonce que 82 projets d'investissements en Île-de-France, sur le matériel roulant du RER notamment, sont arrêtés.

C'est pourtant le Gouvernement qui a demandé que les transports publics continuent pendant le confinement, avec de fortes pertes...

Certains annoncent des retours de fortune, mais beaucoup de gens hésitent encore à reprendre les transports. La RATP et la SNCF ne rentrent pas dans leurs frais.

Mme Pompili a beau donner des assurances, mais à la fin, c'est Bercy qui tranche ! Et si Bercy dit non, ce sera la catastrophe. Soit l'on donne les moyens à 5 millions d'usagers d'Île-de-France d'être transportés de manière efficace et sûre, soit on court à la catastrophe. Je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué .  - Je remercie les orateurs et souhaite apporter deux précisions. Le Premier ministre l'a exprimé au Président du Sénat et à la présidente de la région, l'État sera au rendez-vous. D'ici la fin de gestion, nous aurons une vision plus précise des pertes et des recettes tarifaires ainsi que du versement mobilité.

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a mis en place un système de versement assez avantageux pour la trésorerie d'Île-de-France Mobilités, puisque le mois de référence est février. Je précise qu'Île-de-France Mobilités a touché 50 % du versement mobilité au 22 juillet. Le plan ne relève pas de la trésorerie. Il n'y aura pas de PLFR 4. Le plan de relance de 100 milliards d'euros sera présenté le 24 août. Nous disposerons du PLFR de fin de gestion - nous en avons un chaque année, madame Lavarde - si nous avons besoin de modifier des dispositions fiscales, une fois n'est pas coutume, pour répondre à la crise.

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Explication de vote

M. Marc Laménie .  - L'examen de ce texte a duré longtemps : bravo aux collègues. Les membres de la CMP doivent aussi être salués. Je salue leur engagement. Les recettes baissent significativement, de 24,3 milliards d'euros, notamment à cause de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. Quant aux dépenses, elles sont indispensables pour la solidarité, sans oublier le prélèvement de 2,5 milliards d'euros au profit des collectivités territoriales.

Quant aux dépenses, l'avance de 800 millions d'euros pour Île-de-France Mobilités est remarquable. Quelque 2 milliards d'avances sont consentis aux départements, affectés par une baisse de DMTO. Le milliard supplémentaire pour la DSIL permettra de soutenir l'artisanat du bâtiment et l'ensemble du secteur du BTP. Il faut aussi citer le plan d'urgence face à la crise sanitaire, pour 9 milliards d'euros, ainsi que la solidarité exercée par les missions Recherche, Enseignement supérieur, Sécurité.

Je soutiendrai naturellement le texte de la CMP.

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°146 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 241
Contre   92

Le Sénat a adopté.

(M. Julien Bargeton applaudit.)

Débat sur l'orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'orientation des finances publiques.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics .  - C'est un plaisir d'introduire ce débat sur l'orientation des finances publiques. Le contexte de ce débat est particulier, comme en témoigne le texte que vous venez d'adopter. Les perspectives pour 2021 détermineront les engagements pris et la viabilité des finances publiques.

Le Gouvernement n'a pas à rougir de son action depuis 2017, avec la nette amélioration de la situation des finances publiques, une baisse des prélèvements obligatoires, une maîtrise des dépenses et de la dette publique, et une application stricte du principe de sincérité budgétaire. Les marges de manoeuvre ont été sécurisées, les réformes que nous avons menées y ont contribué, avec la baisse des prélèvements obligatoires, la suppression de la taxe d'habitation, les exonérations de charges, la baisse de l'impôt sur les sociétés.

Le taux de prélèvements obligatoires est ainsi passé de 45,1 % en 2017, à 44,8 % en 2018 et 43,8 % en 2019, taux que nous voulons conserver.

La progression des dépenses a été maîtrisée, notamment grâce à des réformes structurelles dans le champ de la politique du logement, de l'emploi et de l'audiovisuel public.

Les administrations locales se sont aussi engagées dans cet effort commun, avec un solde excédentaire permis par les contrats de Cahors et le maintien des dotations.

Nous avons maintenu les dotations de fonctionnement. La qualité de la gestion publique a été améliorée, avec un plus grand respect des autorisations parlementaires, sans aucun décret d'avance.

Jusqu'à la crise, le retour à l'équilibre du budget de la sécurité sociale était proche.

Évidemment, les améliorations sont toujours possibles, comme en témoigne le rapport de la Cour des Comptes. Le recours à trois budgets rectificatifs montre que nous savons être réactifs. En 2020, 8 milliards d'euros ont été nécessaires pour financer les commandes de masques, de médicaments, de respirateurs, mais aussi pour le versement de primes, le paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités journalières.

Nous devons redoubler d'efforts et je pense au financement de l'activité partielle, à hauteur de 31 milliards d'euros, mais aussi au fonds de solidarité, destiné à venir en aide aux entreprises les plus vulnérables, étendu à 8 milliards d'euros dans le PLFR3. L'État s'est placé en position d'assureur en dernier ressort de l'économie, par la garantie des prêts aux entreprises qui en avaient besoin.

Le compte « Participations financières de l'État » a été augmenté de 20 milliards d'euros pour lui permettre de prendre des participations dans des entreprises stratégiques.

La crise a exacerbé les inégalités. Nous y avons remédié avec de nombreuses mesures à soutenir les plus fragiles et les plus précaires, comme les chèques-services.

L'ensemble de ces mesures économiques et sociales pour faire face à la crise représente 470 milliards d'euros.

La dégradation des finances publiques était évidemment inéluctable.

Le déficit public s'établissait en conséquence à 11,4 % de PIB contre 2,2 % prévu dans la loi de finances initiale. Le solde structurel reste à 2,2 %. La dette atteint 121 % du PIB, mais nous continuons à jouir de la confiance de nos créanciers et notre crédibilité sur les marchés bénéficie du sérieux de notre gestion.

Selon nos précisions, le PIB rebondirait mécaniquement de 8 % en 2021, hors plan de relance, lequel a pour but d'augmenter ce rebond...

M. Roger Karoutchi.  - Certes !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Le Haut Conseil pour les finances publiques, a qualifié nos prévisions de prudentes et nous restons sur cette prudence en attendant que ces différentes hypothèses puissent être à nouveau et régulièrement actualisées afin de conforter la croissance.

Le plan de relance sera présenté dans les prochaines semaines ; il sera au coeur du budget 2021 et trouverait sa place dans une mission spéciale, à part des crédits ordinaires, accompagnée d'une budgétisation verte - c'est une première mondiale.

Chaque politique publique portera ainsi les crédits du budget général et du plan de relance. Le budget 2021, hors plan de relance, dont les équilibres vous sont présentés dans le « tiré à part », correspond aux engagements du Président de la République. Les armées, par exemple, dont le budget bénéfice d'une hausse de 5,2 milliards d'euros, connaîtra ainsi une augmentation supplémentaire de 1,7 milliard d'euros en 2021. Le budget de la Justice augmente de 6 %. Celui de l'Éducation nationale de 1,3 milliard d'euros et celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de plus de 300 millions d'euros.

La Transition énergétique bénéficiera au total de plus de 26 milliards d'euros, soit une hausse de plus de 550 millions d'euros.

Nous financerons d'autres priorités : la Culture verra ses crédits augmenter de 30 millions d'euros, par exemple.

Je sais la qualité de nos échanges ; j'ai donc la conviction que nous saurons continuer un budget capable de retrouver le chemin de la croissance. Le plan de relance, j'y veillerai, sera constitué de crédits supplémentaires et ponctuels, de telle sorte que nous puissions retrouver après la crise, notre niveau de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques qui ne soit pas dégradé par rapport à ce qu'il était avant la crise, tout en bénéficiant des efforts accomplis. J'y veillerai. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Le débat d'orientation des finances publiques prend un tour spécifique, étant amputé de ses perspectives pluriannuelles.

Pour 2021, - c'est dans Le Figaro auquel vous pouvez vous abonner grâce au nouveau crédit d'impôt - la croissance attendue est de 8 %, soit un niveau d'activité inférieur de 3,9 % par rapport à fin 2019, soit un niveau équivalent à celui du consensus des principaux économistes, de la Banque de France et de l'OCDE.

Le scénario de croissance gouvernemental pour 2021 apparaît donc raisonnable. Le Gouvernement continue néanmoins de croire que la crise n'aura aucun effet sur le PIB potentiel, ce qui est une hypothèse optimiste, compte tenu de l'ampleur des défaillances d'entreprises et de la hausse du chômage anticipée et de l'expérience des récessions précédentes.

La plupart des observateurs ont une vision plus prudente.

La Banque de France table ainsi sur une perte définitive de l'ordre de 1,5 point de PIB, sans perte de croissance potentielle, au contraire de la Commission européenne qui a revu à la hausse sa prévision de croissance potentielle. Le déficit serait de 5,5 points de PIB en 2021 après le chiffre catastrophique de 2020 à 11,5 %.

L'endettement atteindrait 117,5 % du PIB en 2021, après 120,9 % en 2020. Si le Gouvernement ne nous donne pas d'indication sur le niveau du déficit structurel, il s'agit, là encore, d'un point de vigilance.

Le plan de relance doit être temporaire et réversible.

Or plusieurs mesures pérennes de baisses d'impôt ou de hausse de dépenses, tels les 8 milliards d'euros pour le Ségur de la santé, ou la baisse des impôts de production aboutiraient à un point de PIB en plus. Comment ces mesures seront-elles financées ? La cacophonie sur la taxe d'habitation ne clarifie pas les choses.

Le projet de loi de finances pour 2021 gagnerait à comporter un volet pluriannuel avec une actualisation de la loi de programmation des finances publiques, qui n'a plus guère d'actualité.

Il serait contreproductif d'augmenter les impôts tant que le rattrapage du terrain perdu pendant le confinement n'est pas retrouvé.

Enfin, il faut se prémunir contre un risque de hausse des taux d'intérêt qui abolirait toute marge de manoeuvre.

Le « tiré à part » envoyé à 6 h 30 ce matin est lacunaire : il manque des perspectives d'emploi notamment.

Vous donnez certes quelques éléments sur la mission « Écologie ». Mais cette hausse de 550 millions d'euros, que vous expliquez par l'augmentation des crédits consacrés à la biodiversité, inclut-elle également la rebudgétisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs, avec 205 millions d'euros ?

Tous les objectifs de transformation de l'État ont été abandonnés - c'est dommage ! Ce texte ne dit rien de la nouvelle mission devant porter le plan de relance, à l'exception de quatre axes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous attendons donc avec impatience la présentation, après de courtes vacances, du plan de relance, qui n'a que trop tardé, pour fin août, avant la présentation du PLF 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Comme l'ensemble des finances publiques, les finances sociales sont entrées dans une zone incertaine en 2020. On constate 8 milliards d'euros de hausse des dépenses d'assurance maladie menant à une progression de 6,5 % de l'Ondam.

Le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'établit à 52 milliards d'euros, un record, très au-delà du précédent, à 28 milliards d'euros, en 2010, en pleine crise financière. La dette de la sécurité sociale devrait s'envoler, avec 123 milliards de transferts à la Cades - 31 milliards d'euros au titre des pertes passées, 92 milliards d'euros à celui des pertes à venir.

L'ensemble des administrations de sécurité sociale subit les conséquences de la crise, à commencer par l'Unedic qui devait pourtant renouer avec l'équilibre et atteindra 25 milliards d'euros de déficit et une dette de 63 milliards d'euros en 2020.

Constatons, toutes proportions gardées, que c'est l'insuffisant rétablissement des comptes sociaux avant la crise qui pose problème.

Il revient, en raison de la nature des dépenses de protection sociale, à chaque génération de s'autofinancer. On ne cesse de le répéter. Mais ce n'est pas acté.

L'expérience montre que l'équilibre des comptes - qui suppose des excédents certaines années - est très difficile à atteindre par chaque Gouvernement, qu'il soit tenté d?utiliser immédiatement d'éventuels excédents ou qu'il assèche artificiellement les finances d'une sécurité sociale que l'on ne souhaite pas trop opulente.

Nous devons avoir le courage de rompre avec cette logique et assumer la nécessité d'équilibrer les comptes sociaux, sinon nous perdrons la confiance de nos concitoyens. C'est pourquoi le Sénat plaidait pour la règle d'or dès les PLFSS pour 2019 et 2020.

Nous avons été surpris de l'opposition du Gouvernement à cette proposition alors qu'elle rejoint celle du Gouvernement pour le système universel de retraite et s'accorde avec les propos du Premier ministre le 16 juillet, souhaitant assurer la pérennité de notre système de protection sociale.

Face à ces orientations contradictoires, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la trajectoire des finances sociales ? Pourquoi vous opposer à la règle d'or ? Je relaie les propos du président Milon qui regrette le refus de tout projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). Tout s'y prêtait pourtant, avec notamment un très fort dépassement de l'Ondam, une forte révision du déficit de l'Acoss, et l'annulation de cotisations et contributions sociales débattues dans le cadre du PLFR 3.

Que vous faut-il pour un PLFSSR ? Pourquoi ce refus de passer devant le Parlement en matière sociale ? Le caractère facultatif pose un réel problème quand des milliards d'euros de dépenses supplémentaires non assurantielles à la charge de la sécurité sociale sont pris par simple arrêté ministériel.

Enfin, je regrette la présence de la mission « Santé » dans le PLFSS 2021 qui n'a plus aucun sens. (M. Jérôme Bascher approuve.) L'aide médicale d'État doit intégrer la mission « Solidarité, intégration et égalité des chances ». Le financement des différentes agences sanitaires financées par la sécurité sociale, à commencer par l'Agence nationale de santé publique devrait être rebudgétisé au sein de cette même mission.

Nous attendons une évolution de la maquette budgétaire sur ce point. (MM. Albéric de Montgolfier, rapporteur, et Marc Laménie applaudissent.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Ce débat prépare l'examen du PLF. Il ne porte pas sur le seul budget de l'État, mais sur l'ensemble de nos finances publiques. Il prépare aussi le PLFSS dont on peut regretter qu'il n'ait fait l'objet d'aucune révision cette année, alors que les finances sociales ont été affectées par la crise.

Ce débat d'orientation des finances publiques est le seul moment où nous pouvons débattre de façon consolidée. Cette année marque une désorientation de nos finances publiques, si l'on me permet l'expression.

La loi de programmation 2018-2022 avait été reportée par temps calme. Or les incertitudes sont plus grandes encore, fragilisant toute prévision.

Le rapport qui nous est soumis se limite à une évaluation de la récession de 11,4 % et une dette à 121 % du PIB.

Le « tiré à part » sur les missions budgétaires ne nous a été communiqué que ce matin - je le regrette. Le Gouvernement annonce un rebond économique fort avec une croissance à 8 % hors effets du plan de relance, et un déficit à 5,5 points du PIB. Mais, ajoute le Gouvernement, un haut niveau d'incertitude incite à rester prudent... Autrement dit, les prévisions ne valent que pour ceux qui les présentent.

De plus, le PIB en 2021 resterait inférieur de 4 % à son niveau de 2019.

Je salue l'accord trouvé au niveau européen s'il est en deçà de ce qu'on pouvait espérer : les subventions passent en effet de 500 milliards à 390 milliards d'euros, la France obtenant 40 milliards d'euros, dont une part importante sera versée en 2020 et 2021.

Les modalités de remboursement restent particulièrement floues. Nous avons peu d'informations concrètes sur le plan de 100 milliards d'euros du Gouvernement. Seule la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production en 2021 est significative, ce qui pose question quant aux priorités du Gouvernement au sujet de la « relance verte »...

Nous serons vigilants sur la réalité des moyens engagés et du soutien aux ménages.

Le Gouvernement change de cap à 180 degrés sur l'emploi public. Des 50 000 emplois supprimés dans l'État et ses opérateurs, annoncés pour 2018-2019, nous avons constaté en réalité la suppression de 7 148 ETP, et le Gouvernement annonce des créations d'emploi dans les services départementaux de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Je ne vous abreuverai pas de chiffres ou de prévisions aléatoires.

Ce débat sur l'orientation des finances publiques aurait dû avoir pour cadre la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Fin 2017, nous avions bien noté que la trajectoire retenue laissait peu de marges de manoeuvre. Personne n'avait anticipé le mouvement des gilets jaunes ou la crise sanitaire.

Le soutien à l'économie a été à la hauteur des enjeux, à 136 milliards d'euros, sans compter les PGE.

Si l'amortisseur public a joué massivement son rôle, nos équilibres financiers sont bouleversés et la loi de programmation budgétaire 2018-2022 est caduque. Dans ce contexte, il est particulièrement difficile d'établir des prévisions pour 2021, qui sera l'année où se fera sentir la baisse des recettes au titre de l'impôt sur les sociétés.

L'incertitude majeure concerne le niveau de croissance possible.

Le surplus d'épargne atteindra 100 milliards d'euros et les entreprises ont un surplus d'endettement.

Les PGE sont indispensables et vitaux. Cependant, les ajouter à un étalement de charges sur six, douze, vingt-quatre ou trente-six mois, affaiblira les structures financières des entreprises qui limiteront leurs investissements.

Les défaillances d'entreprises seront sans doute plus élevées en septembre que ces derniers mois. Le plan de relance aura donc un rôle majeur à jouer.

Il faudra une contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) XXL. Certains investissements publics peuvent être un outil de relance et correspondre aux enjeux du changement climatique.

À défaut d'être flamboyante, la trajectoire des finances publiques doit être prudente et rassurante. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Ce débat sur l'orientation des finances publiques est un moment important pour la décision budgétaire. Selon les mots du doyen Hauriou, « le budget est l'élément le plus important de la chose publique ».

Ce débat sur l'orientation des finances publiques est davantage une consultation du Parlement. Le Sénat est en prise avec la réalité des territoires et des Français.

C'est l'occasion d'un point d'étape pour constater les hausses de crédits - 1,7 milliard d'euros pour les armées, une augmentation aussi pour les missions « Sécurités » et « Justice », pour l'Éducation nationale, les transports, la prime d'activité. Alors quand j'entends un collègue dire que le compte n'y est pas, les bras m'en tombent !

La pression fiscale a baissé d'un point de PIB, soit des milliards d'euros. La LOLF nous oblige à la transparence : le contrat social et politique a changé. Ainsi, en trois PLFR, la croissance est passée de plus 1,3 % à moins 11 %, le déficit de 2,2 % à 11,5 %.

Quitte à nager à contre-courant, je suis favorable à une programmation pluriannuelle. Soit la programmation doit s'inscrire dans un mandat politique, soit elle doit dépasser la perspective politique à court terme et s'inscrire dans le temps long.

Le débat sur l'orientation des finances publiques doit être le moment où le Parlement donne son opinion sur le prochain projet de loi de finances, qui devra répondre aux enjeux du temps présent : transition énergétique, souveraineté énergétique et numérique : le déficit commercial dans le secteur de l'énergie s'élève à 46 milliards d'euros.

Le Gouvernement a annoncé la relance de l'industrie, dont la part dans le PIB est passée de 24 % en 1980 à 14 % en 2007 et 10 % aujourd'hui.

Restons humbles sur la capacité de l'État à prédire les secteurs d'avenir. Nous devons améliorer les liens entre recherche publique et privée et réduire les barrières à l'entrée sur les marchés réglementés.

Chaque investissement devra faire l'objet d'une étude socio-économique indépendante. Rendez-vous à la fin de l'été pour le plan de relance. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE

M. Éric Bocquet .  - « Quoi qu'il en coûte », a martelé le Président de la République le 12 mars dernier. Il avait prononcé ces mots forts sur lesquels nous pouvions nous accorder : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite, notre État-Providence ne sont pas des charges mais des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »

Depuis mars, nous avons multiplié les soutiens d'urgence et les exonérations de cotisations que notre groupe a votés en responsabilité.

Mais l'argent gratuit est une illusion. Comment comprendre le refus du Gouvernement d'adosser des obligations aux aides de l'État ?

Sanofi va supprimer un millier d'emplois en France alors qu'il a reçu des centaines de millions d'euros de crédits d'impôt recherche (CIR) et a distribué 14 millions d'euros de dividendes, retirés de l'économie réelle.

Autre point de l'intervention du 12 mars, c'est la prise de conscience de l'urgence d'un réinvestissement massif dans les services publics et les dispositifs de sécurité. Une nouvelle fois, les promesses n'engagent que ceux qui y croient ! Nous l'avons encore vu ce week-end, le Gouvernement ouvre dans l'urgence des crédits, ce qui ne peut être nié, mais doit être comparé aux besoins.

Le Gouvernement propose un plan d'investissement jugé historique de 5 milliards d'euros pour la recherche d'ici à 2030 ; à commencer par une augmentation des crédits de 400 millions d'euros en 2021 - soit moins que la hausse de 2020.

Dans un autre domaine, la montagne du Ségur a accouché d'une souris avec une augmentation de traitement maintenant les personnels français sous la moyenne de l'OCDE.

En matière d'éducation, la réussite exceptionnelle au baccalauréat de cette année met les universités en difficulté.

Concernant la sécurité sociale, les mesures d'urgence prises pour les entreprises ont aggravé le déficit, et la nouvelle branche devrait coûter la bagatelle de 136 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Par un tour de passe-passe, vous transférez aux hôpitaux la dette que vous étiez censés leur reprendre.

Faut-il rappeler que la moitié de la dette sociale que vous ne cessez de dénoncer est la suite logique des 66 milliards d'euros d'allégements que vous avez accordés aux entreprises l'an dernier ?

Cette même dette, alimentée par les choix gouvernementaux, sert de justification à toutes les régressions sociales, qu'il s'agisse de la réforme de l'assurance-chômage ou de celle des retraites, réforme qui indexe les pensions sur le niveau de PIB, alors même qu'on voit bien qu'une récession arrive vite.

Monsieur le Ministre, reviendrez-vous sur la CAP 2022 ? Conduirez-vous une réforme ambitieuse permettant de reprendre la main sur des pans essentiels à la vie de nos citoyens ? Où est la mobilisation exceptionnelle promise par le Président de la République ?

La dette se nourrit autant, si ce n'est plus, des investissements que du manque à gagner fiscal. Et c'est ici un énorme chantier qui doit être mené car la vérité est bien loin des caricatures qui sont faites d'une France mise à genou par l'impôt.

La France est devant le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, la Finlande, le Danemark en matière d'impôt sur le revenu. En termes de fiscalité du travail, elle est quatrième derrière la Belgique, l'Allemagne, l'Italie. En matière d'impôt sur les sociétés, elle est sous la moyenne de l'OCDE. Reste enfin la fiscalité des plus hauts revenus qui ont vu leur taux d'imposition passer de 60 à moins de 45 % en une cinquantaine d'années.

Le plan européen est moins ambitieux que prévu et recourt massivement à l'endettement et au mécanisme européen de stabilité. Cette solution ne peut qu'aggraver la crise, priver les États de leurs capacités d'investissement et réduire la voilure des services publics, sur le modèle des pays dits « frugaux  », qui ont constitué leur assise financière en devenant des paradis fiscaux et en pratiquant un dumping fiscal bien loin de l'idée d'une Europe solidaire. (M. Patrice Joly applaudit.)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Notre pays est à un moment décisif de son histoire. Alors que l'urgence climatique n'a jamais paru plus pressante, notre économie est au plus mal. Le temps nous est compté pour engager à fond la transition écologique. Mais le temps nous est aussi compté pour engager notre pays sur la voie du désendettement.

Les deux vont de pair. Sans prospérité économique, pas de transition écologique ambitieuse ; sans priorité écologique, pas de résilience économique et financière. Dette publique et dette écologique : même combat. Il n'y a pas d'alternative.

La stratégie des années à venir doit répondre à cet impératif : réduire cette double dette que nous avons laissé enfler, durant tant d'années, par notre insouciance.

Nous avons engagé des sommes colossales pour notre tissu économique ; nous aurons besoin de toutes nos entreprises pour engager la relance et accélérer la transition énergétique.

La décision de ne pas augmenter les impôts va dans le bon sens : il faut des capitaux pour innover et inventer les modèles économiques de demain.

Mais cet arbitrage fiscal nous oblige à réduire drastiquement la dépense publique, aujourd'hui supérieure à 60 % de notre PIB et largement au-dessus de la moyenne de la zone euro. Sans quoi, le rétablissement de l'équilibre budgétaire restera inenvisageable à moyen terme.

Nous ne relèverons pas le défi par une approche comptable, mais en misant sur une croissance verte. Mais une dette publique au-delà de 120  % de notre PIB n'est pas seulement une réalité comptable. C'est une réalité qui engage notre souveraineté nationale et compromet notre liberté collective. C'est un fardeau que nous laissons à nos enfants et nos petits-enfants. Que compte faire le Gouvernement pour corriger le tir ?

Il faut bâtir une trajectoire de finances publiques à la fois raisonnable en termes de discipline budgétaire et ambitieuse en termes de relance économique. Il s'agit de ramener au plus vite le pays à une situation qui l'expose moins à la volatilité des marchés financiers.

Je me réjouis que ce débat ait été reporté d'une semaine, car l'accord obtenu par le Conseil européen, moment historique dans lequel la France a joué un rôle fondamental, en change les termes. La France devrait obtenir 40 milliards d'euros, ce qui nous donne des marges de manoeuvre, mais c'est surtout un nouveau souffle. Persuadée que l'économie de l'Union va repartir de plus belle, je crois cependant que le changement d'échelle de la dette n'en change pas la nature : il faudra la rembourser.

Plus que jamais, les destins de nos nations sont liés par un engagement commun. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE et LaREM)

M. Jérôme Bascher .  - Vos orientations sont-elles bonnes ? C'est la seule question qui vaille. Or les documents que vous nous présentez sont lacunaires. Nous les avons reçus très tardivement, mais moins que l'Assemblée nationale.

Le cap que vous fixez est aventureux. Vous n'avez pas été un bon capitaine de temps calme ; nous pouvons douter de votre capacité à tenir la barre.

Le rapporteur général vient de signaler l'absence de dépenses pilotables : c'est normal, vous ne pilotez plus rien !

« Sécurité sociale 2019 : l'interruption d'une longue séquence de retour à l'équilibre », tel est le titre du rapport de la Cour des comptes, qui nous indique - petite inexactitude dans vos propos, monsieur le Ministre - qu'en 2019 les comptes étaient toujours proches de l'équilibre, mais se dégradaient un tout petit peu par rapport à 2018.

« Une dette durable fin 2019, avant même la crise sanitaire » : tel est le sous-titre et c'est là où le bât blesse, car les chiffres sont faramineux.

Aux 115 milliards d'euros de dette à la Cades, il faut ajouter la dette de court terme, qu'il a fallu financer en urgence, mais aussi la dette permanente, le régime général et le FSB - plus de 52 milliards d'euros -, la dette sous la ligne, celle des retraites dont on nous promet une réforme depuis 3 ans. René-Paul Savary vous attend l'arme au pied...

Pour cacher cette dette, vous utilisez le paquet Cades ; l'inverse du paquet cadeau car il faut payer ce qu'il y a dedans. Mais qui paiera, sinon nos enfants ? Nous finançons ainsi nos dépenses courantes grâce à ceux qui ne sont pas encore nés.

Vous reportez la réforme des retraites, de l'assurance chômage, et avec elles le retour de l'emploi et de la croissance potentielle.

La dette sociale est énorme. La dette des collectivités territoriales est beaucoup plus vertueuse car soumise à la règle d'or. La dette de l'État est colossale. Et comme dirait Don Salluste dans la Folie des Grandeurs, « Il en manque une ! » : c'est la dette européenne, qui nous permet de faire encore et encore de la dette.

Ce n'est pas soutenable. Sans doute faudra-t-il une vraie crise financière pour mener les réformes.

Certains appellent de leurs voeux une loi de programmation des finances publiques. Mais ces lois que vous créez, vous ne les respectez pas, et ce dès la première année ! En 2020, vous êtes à côté de la plaque.

La solution, ce serait la règle d'or pour la sécurité sociale et pour le budget de l'État. Mais vous n'en avez pas voulu. Nous n'investissons plus, dopés par les taux d'intérêt bas qui nous permettent de compenser la hausse de nos dépenses publiques. Il faudrait pourtant investir dans la recherche - il suffit de voir ce que fait l'Allemagne sur l'hydrogène.

La règle d'or, ce n'est pas l'austérité, c'est une volonté. Et, nous le savons depuis le Général de Gaulle, là ou il y a une volonté, il y a un chemin.

Votre manuel des finances publiques ? C'est un ancien sénateur, Victor Hugo, qui l'a écrit, c'est « Oceano Nox » :

« Oh combien de marins, combien de capitaines

Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,

Dans ce morne horizon se sont évanouis ! »

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrice Joly .  - Nous débattons dans un contexte grave, mouvant et exceptionnel. La pandémie entraîne une récession estimée à 10 % du PIB pour 2020 - un retour au niveau de 2015. Nous courons toujours après la croissance et nous la pleurons même quand elle est en recul, mais, en 2015, vivait-on réellement moins bien ?

Plus grave, le taux de chômage va dépasser les 11 %. Des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires vont être confrontés à la réforme de l'assurance chômage, certes repoussée, mais qui entrera en vigueur en 2021. La baisse des indemnisations devait concerner au moins 650 000 demandeurs d'emploi et le durcissement des conditions d'ouverture de droits devait amener la radiation de plus de 1,3 million de chômeurs.

De nombreuses entreprises baissent le rideau, avec à la clef des licenciements. Demain, sans doute, des reprises de dettes, des recapitalisations, des nationalisations seront nécessaires pour sauver les entreprises en difficulté à cause de la montée prévisible de leur endettement.

Le plan de relance est annoncé pour le 24 août : c'est beaucoup trop tard, et beaucoup trop flou. Il est question de soutenir la reprise d'activité. Mais de quelles activités parle-t-on? Des activités polluantes ? Des activités qui soutiennent l'obsolescence programmée ? Je m'étonne de la distribution massive d'argent public pour certaines entreprises qui produisent seulement 17 % de leurs voitures en France.

Vous avez fait des annonces pour les entreprises afin qu'elles soient incitées à recruter, mais vous ne prévoyez aucun filet de solidarité pour la jeunesse qui ne peut bénéficier ni du RSA ni du chômage. À part les 1 euros pour les Crous, il n'y a aucune aide !

Les bénéficiaires de l'aide au logement perdront 2 milliards d'euros, avec une série de mesures impressionnantes dont la baisse des APL de 5 euros. (M. Julien Bargeton proteste.)

L'effet cumulé des mesures fiscales et sociales sur le revenu disponible se résume en une formule : beaucoup pour les plus riches, très peu pour les plus pauvres.

Parlons souveraineté : l'État reprendra-t-il Alstom à General Electric ? Qu'en est-il de France Rail ?

Vos orientations sont sans surprise : vous colmatez les brèches avec des reports de dépenses fiscales et sociales, alors que l'Espagne a mis en oeuvre le revenu de base en un mois, l'Allemagne a engagé un plan de relance de 130 milliards d'euros dès le 3 juin, faisant de la relance intérieure la base de sa stratégie, en rupture avec ce qu'elle fait depuis cinquante ans.

Arrêtons la crispation sur le niveau de la dette publique : l'important, c'est son coût -  moins de 2 % du PIB...

Mme Nathalie Goulet.  - C'est déjà beaucoup !

M. Patrice Joly.  - D'après Jean Tirole, dettes publique et privée doivent être considérées comme un tout. Notre dette privée augmente de façon inquiétante, d'après la Banque de France. La dette publique, c'est ce qui porte nos politiques sociales, sanitaires, culturelles, économiques. La dette japonaise est à 250 % du PIB - mais détenue par les Japonais.

Vous ne prévoyez aucun mécanisme pour mobiliser l'épargne, pourtant de 5 300 milliards d'euros, soit deux fois supérieurs à la dette ; nous proposons de l'orienter vers les obligations d'État, défiscalisées si elles sont conservées à long terme. Il le faut, pour engager la vraie bifurcation économique et sociale.

Ayons recours, aussi, au pilotage maîtrisé d'une inflation douce. Défendre notre économie, c'est défendre notre industrie, nos emplois, nos territoires. « Quoi qu'il en coûte », il faut dessiner une nouvelle économie industrielle ; « quoi qu'il en coûte », nous devons soutenir nos politiques sociales.

« Quoi qu'il en coûte », nous devons soutenir nos concitoyens les plus précaires et les plus en difficulté. Le confinement a aussi agi comme un révélateur des inégalités de logement et de la précarité de ceux qui exercent des métiers exposés au coronavirus et qui ont été nos premiers de tranchée.

« Quoi qu'il en coûte », la transition énergétique doit se faire à marche forcée.

Depuis trop longtemps, on court après la croissance pour rééquilibrer les comptes, pour diminuer le chômage de masse. Résultat ? La dette publique explose, la dette privée explose, le chômage de masse ne disparaît pas.

Il faut faire sans croire à la croissance. Il faut faire sans souhaiter la décroissance. Il nous faut acter que nous sommes dans une économie en contraction, principalement due à la quantité d'énergie et de matière première dont nous disposons qui s'amenuise ou que nous devons maîtriser. Le débat doit se concentrer sur les stratégies pour préparer un avenir commun, pas pour relancer le système tel qu'il était.

Il ne s'agit pas d'ergoter mais d'agir vite en répondant à l'urgence économique, sociale et écologique et en nous extrayant des dogmes que nous avons trop longtemps suivis.

M. Yves Daudigny.  - Très bien !

M. Julien Bargeton.  - Sic transit gloria mundi.

Mme Nathalie Goulet .  - Quelques observations.

Ce débat, c'est la victoire de l'optimisme sur l'expérience, car, comme disait Henri VIII à son huitième mariage, à chaque fois qu'on prévoit quelque chose, cela ne se passe jamais comme on veut...

Il est urgent de réformer la LOLF : nous avons atteint le bout de son obsolescence. Le travail entamé à l'Assemblée nationale devrait être poursuivi dans ce domaine. (M. Patrice Joly renchérit.)

La règle d'or, nous avons bien failli la voter, à l'initiative d'Alain Lambert. Mais c'est dommage, elle n'a pas été incluse dans la révision constitutionnelle de 2008.

Vous ne souhaitez pas de mesures de contrôle a priori, pour ne pas prendre de retard. La TVA doit pourtant faire l'objet d'un contrôle. La fraude à la TVA dépasse 20 milliards d'euros en France et 137 milliards d'euros en Europe. Les logiciels de détection précoce sont utiles. Il est temps de mobiliser toute l'intelligence artificielle disponible. Un fraudeur content et satisfait est un fraudeur qui revient. Nous n'avons pas fini d'être surpris par les infractions.

Le dernier référé de la Cour des comptes de novembre 2019 devait donner lieu à un débat dans cet hémicycle. Il n'a pas eu lieu et c'est dommage. Le plan de relance n'a de réalité que si nous luttons contre la fraude.

Il serait intéressant de passer en revue des conventions fiscales qui nuisent au contribuable et au Trésor. En effet, leur priorité est censée être l'intérêt du contribuable.

Le rapport de Laurent Saint-Martin sur la dette publique l'établit, il serait utile de tenir en début d'année un vrai débat sur la dette.

Jean Arthuis le répétait suffisamment : le déficit annihile la liberté. Nous sommes menottés avec de faibles marges de manoeuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me suis intéressée à la troisième partie du tome I : « Un budget de relance et de souveraineté, au service de nos priorités écologiques et sociales ». Est-ce réellement un budget vert ?

Vous parlez d'une forte accélération du rythme de déploiement des énergies renouvelables. Mais le Parlement n'a toujours pas été saisi de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Vous annoncez une transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime versée l'année des travaux... déjà votée dans la loi de finances pour 2020. Rien de nouveau !

Vous parlez du regroupement des 9 milliards d'euros de charges pour l'énergie, mais attention, 1,5 milliard est consacré à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées - dans ces territoires, malheureusement la production reste encore très majoritairement thermique avec des centrales au charbon ou au fioul.

Vous annoncez un green budgeting. Qu'en est-il ? Vous avez effectivement révisé les indicateurs de performance pour ajouter un sous-indicateur sexué de manière à appréhender l'impact des politiques publiques sur la promotion des droits des femmes, de l'égalité femmes-hommes. Mais pas une modification sur l'écologie...

« Le green budgeting est-il autre chose qu'une opération de communication ? » s'interrogeait déjà notre rapporteur général l'année dernière. Rien n'a changé.

Nous vous proposons plutôt l'écologie du bon sens, qui consiste à produire sur place ce qui peut l'être. Vous préférez vous occuper de tout, des pistes cyclables à l'alimentation.

Comment allez-vous concilier industrie et écologie ? Avant même la fermeture de Fessenheim, nos importations depuis l'Allemagne atteignaient un pic historique depuis 2010 du fait du manque d'investissement dans notre parc nucléaire vieillissant. Ceci ne va pas dans le sens d'une « économie française la plus décarbonée d'Europe ».

Dans son rapport « Comment concilier développement économique et environnement », le Conseil économique pour le développement durable, dont certains membres ont inspiré le programme présidentiel, écrivait : « Productivité globale ou compétitivité, progrès social et politiques environnementales ambitieuses peuvent aller de pair, mais cela ne se fait pas spontanément. Les politiques publiques sont nécessaires, mais elles doivent aussi être bien conçues, cohérentes et privilégiant l'incitation sur la norme rigide ».

Le Président de la République a dit retenir 146 des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, alors qu'elles sont le plus souvent punitives.

Le Premier ministre a indiqué qu'il souhaitait étudier les questions d'écologie depuis le terrain. Mais avec quels moyens ?

Depuis plusieurs années, le Sénat vote une affectation de crédits issus de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à des projets sur le terrain, mais il n'est jamais suivi.

Qu'en sera-t-il des contrats de Cahors ? Vous indiquez qu'ils disparaissent, mais en l'absence d'une nouvelle loi de programmation, ils ne sont pas remplacés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué .  - Concernant la jeunesse, nous accompagnerons la signature de 230 000 contrats supplémentaires d'apprentis et créerons 100 000 places en plus de service civique. Nous accompagnons l'embauche d'apprentis quels que soient leurs niveaux de qualification.

Nous aurons l'occasion d'un débat sur la dette en projet de loi de finances.

Notre méthode en matière d'écologie, sur la base d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), n'est pas de tout repeindre en vert, mais d'identifier les politiques publiques qui ont un impact positif et celles qui ont un impact négatif sur l'environnement.

Les contrats de Cahors pourraient être améliorés avec une nouvelle loi de programmation des finances publiques, c'est vrai. Mais l'outil reste pertinent afin de conserver des dotations inchangées.

Le Gouvernement est ouvert à la modernisation de la LOLF - le travail engagé par Laurent Saint-Martin et Albéric de Montgolfier sera riche d'enseignements.

Monsieur le rapporteur général du budget de la sécurité sociale, j'entends votre demande d'une loi de financement de la sécurité sociale rectificative.

Nous avons fait un choix différent, l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) n'étant pas contraignant, pour des raisons de calendrier parlementaire contraint, car nous avons enchaîné déjà beaucoup de textes financiers.

Je n'en doute pas, la partie des débats du PLFSS pour 2021 consacrés à la constatation de l'exécution sera très riche cette année.

Plus généralement, le Haut conseil des finances publiques considère que nos hypothèses de perte de croissance sont prudentes et même pessimiste à moins 11 %.

Notre ambition est de retrouver le plus rapidement possible notre niveau de production de richesses, grâce à une relance faite de dépenses faciles à engager, rapides, reportables et réversibles pour que le poids des dépenses structurelles ne soit pas alourdi.

C'est dans cet état d'esprit que nous préparons la LFI.

Merci au Sénat pour le travail qui nous a réunis pendant plusieurs jours dernièrement. Je souhaite le meilleur à ceux qui se prêteront à la rentrée à un bel exercice démocratique. (Applaudissements sur toutes les travées)

Ajournement du Sénat

M. le président.  - Je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour pour la session extraordinaire.

M. le président du Sénat prendra acte de la clôture de cette session lorsque nous aurons reçu le décret de M. le Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.

Cette information sera publiée au Journal officiel et sur le site internet de notre assemblée.

Sauf élément nouveau, le Sénat se réunira le jeudi 1er octobre 2020, à 15 heures, avec l'ordre du jour suivant :

- Installation du Bureau d'âge,

- Ouverture de la session ordinaire 2020-2021,

- Allocution du Président d'âge,

- Scrutin secret à la tribune pour l'élection du Président du Sénat,

- Fixation du calendrier de la suite du renouvellement des instances du Sénat.

Bonnes vacances à toutes et tous.

La séance est levée à 17 h 20.

Prochaine séance, jeudi 1er octobre 2020, à 15 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Analyse des scrutins

Scrutin n°145 l'ensemble du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 339

Suffrages exprimés : 338

Pour : 338

Contre :     0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (143)

Pour : 140

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Catherine Troendlé, président de séance, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Pour : 71

Groupe UC (52)

Pour : 51

Abstention : 1 - M. Vincent Delahaye

Groupe du RDSE (23)

Pour : 23

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Pour : 14

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°146 sur l'ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020 (3)

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 339

Suffrages exprimés : 333

Pour : 241

Contre :   92

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (143)

Pour : 139

Contre : 1 - M. Roger Karoutchi

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Philippe Dallier, président de séance, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Contre : 71

Groupe UC (52)

Pour : 50

Contre : 2 - MM. Vincent Delahaye, Jean-François Longeot

Groupe du RDSE (23)

Pour : 15

Contre : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Abstentions : 6 - MM. Henri Cabanel, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve, M. Olivier Léonhardt, Mme Guylène Pantel

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Pour : 14

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier