Débat sur la montagne

Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur la montagne, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 4 décembre, un décret du Premier ministre interdisait l'accès du public aux remontées mécaniques. Ce n'était pas une surprise mais les conséquences sont désastreuses pour les territoires de montagne. La filière représente 18 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Cela se traduira par des pertes économiques sèches, comme l'a reconnu le juge des référés du Conseil d'État.

Le 7 janvier avait été fixé pour une éventuelle réouverture - échéance repoussée malgré les données épidémiologiques encourageantes dans les stations de ski des pays voisins.

Il faut fixer une date de reprise, nous dire si nous allons vers une saison blanche, sachant que les territoires de montagne comptaient énormément sur cette saison hivernale pour rattraper le retard.

Tous les acteurs sont concernés : sans touristes, l'économie de la montagne est à l'arrêt ; les taux d'occupation de certaines stations atteignent à peine 10 %, les domaines skiables ont déjà perdu 20 à 30 % de leur chiffre d'affaires annuel... La filière d'excellence des sports d'hiver anticipe une baisse des investissements de 50 %. Les aides ne suffiront pas si la fermeture s'éternise.

Pour éviter la catastrophe, le Gouvernement doit mettre en oeuvre les propositions de bon sens demandées par les acteurs et les élus de la montagne. Au printemps, il sera trop tard.

Notre courrier au Premier ministre est resté sans réponse. Nous proposions notamment deux mesures qui ne coûtent rien : d'une part, étaler les vacances d'hiver sur six semaines et non quatre, d'autre part différencier les restrictions sanitaires selon les départements, en fonction du taux d'occupation des lits.

Il faut adapter les normes aux spécificités des territoires de montagne. La commission de l'aménagement du territoire a adopté un rapport le 15 juillet 2020 en ce sens.

Des expérimentations spécifiques seraient un premier pas, notamment pour lutter contre la désertification médicale et l'illectronisme.

Une proposition de loi sur l'eau et l'assainissement a aussi été déposée.

Le réchauffement climatique bouleverse le modèle économique des territoires de montagne. Depuis les années cinquante, les températures annuelles moyennes dans les Alpes ont augmenté de deux degrés. Si le risque de disparition des sports d'hiver est limité à horizon 2040-2050 au-dessus de 1 800 mètres d'altitude, l'ensemble des stations sont confrontées au manque d'enneigement.

Il faut trouver des solutions pérennes, écologiques et moins coûteuses que la neige de culture. Même sans neige, la montagne doit rester attractive. Il faut accompagner le développement d'un tourisme des quatre saisons, avec le VTT, la randonnée, les loisirs d'eau vive...

Des plans stratégiques d'adaptation au changement climatique pourraient être élaborés à l'échelle des comités de massif. Cela suppose un concours de l'État et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Il faudrait créer un fond spécifique d'adaptation au changement climatique en montagne pour restructurer les activités économiques. J'avais proposé dans le projet de loi de finances pour 2021 une dotation de 15 millions d'euros par an pendant deux ans.

Il conviendrait également de prolonger la possibilité pour les remontées mécaniques de recourir à l'activité partielle. La problématique doit être durablement traitée.

À quel horizon pouvons-nous espérer une réouverture des remontées mécaniques ? Comment l'État compte-t-il compenser les pertes des professionnels ?

Les spécificités des territoires de montagne seront-elles prises en compte dans le projet de loi 4D ? Je connais votre attachement aux territoires de montagne, Monsieur le ministre : nous comptons sur vous pour plaider leur cause ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité . - Merci d'organiser ce débat au Sénat, chambre des territoires. Vous le savez, je suis un ancien élu de la montagne, elle est chère à mon coeur. Depuis 1985, la politique de la montagne recherche l'équilibre entre préservation du patrimoine naturel et développement économique. La loi Montagne a été la première à consacrer le droit à la différenciation.

Les zones de montagne, ce sont 5 000 communes et 15 % de la population. Maire de L'Argentière-la-Bessée pendant plus de trente ans, président du comité de massif des Alpes, j'ai noué des solidarités transpartisanes. Les élus de la montagne sont inventifs, ingénieux et persévérants. Ils sont les premiers à avoir créé les maisons de service au public, devenues maisons France Services. Leur devise est « aide-toi et le ciel t'aidera », plutôt que « tout ce qui tombe du ciel est béni » car le ciel est trop souvent parisien...

Certains me qualifient de ministre de la montagne mais je n'oublie pas la ruralité sans pente. L'Agenda rural et ses 181 mesures profiteront aussi aux territoires de montagne.

Beaucoup de questions dépassent le périmètre du ministère de la cohésion des territoires, mais je m'efforcerai d'y répondre, quitte à apporter un complément par écrit.

Le covid nous pose à tous des problèmes, avec un risque de troisième vague et de nouveau confinement. Nous retrouvons le variant britannique y compris à 2 040 mètres d'altitude dans les Hautes-Alpes. Nous n'en avons pas fini avec les privations.

Je suis en contact quotidien avec les acteurs du secteur touristique en montagne, dont je relaie les inquiétudes. Je pense aux exploitants des remontées qui réalisent 1,4 million d'euros de chiffre d'affaires sur quatre mois, alors que les coûts pèsent sur toute l'année.

Nous discutons avec la Commission européenne d'une aide spécifique ; le dispositif sera évolutif, pour s'adapter à un éventuel nouveau confinement. Les commerces dans les stations et les vallées sont intégrés dans le plan Tourisme ; ils pourront bénéficier d'une aide jusqu'à 10 000 euros, avec une prise en charge totale de l'activité partielle. Je tenais beaucoup à ce que ces mesures soient territorialisées, car les pertes économiques concernent toute la vallée, pas les seules stations.

Les moniteurs de ski peuvent accéder au fonds de solidarité et être compensés jusqu'à 10 000 euros ou 20 % de leur chiffre d'affaires sur la même période l'an dernier. Les autres activités touristiques et hôtelières sont intégrées au plan Tourisme.

Dès le 30 novembre, le Gouvernement a octroyé une aide à l'activité partielle pour les saisonniers, et les remontées mécaniques ont déjà embauché 95 % de leurs salariés saisonniers. Nous arrivons petit à petit à faire comprendre au Conseil d'État que les modèles économiques ne sont pas tous les mêmes...

Il faut mieux appréhender la pluriactivité, sujet dont nous avons saisi Bercy.

Les acteurs de la montagne demandent moins des aides que des certitudes sur le calendrier. Je suis le premier à le souhaiter, mais la plus grande prudence est hélas de mise, à l'heure où de nombreux pays reconfinent.

Cette crise met en lumière la dépendance de certains territoires à l'activité de sports d'hiver. Le programme Montagne, élaboré avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), sera le premier plan d'envergure depuis le plan Neige des années 1960-1970. Élaboré en concertation avec les acteurs de la montagne, ce sera du cousu main, avec pour but de construire des projets à partir des territoires, en leur apportant l'ingénierie nécessaire.

En 2018, la Cour des comptes a appelé à faire évoluer la gouvernance des domaines skiables.

Mme la présidente. - Veuillez conclure.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. - Nous avons en commun l'amour de la montagne ; ce n'est pas un sentiment mais un devoir républicain d'équité et de cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC et sur quelques travées du groupe RDSE)

M. Guillaume Gontard . - À l'heure de l'absence de perspectives pour une profession à l'agonie, du réchauffement climatique en particulier en montagne, de l'assèchement des réserves d'eau, notre responsabilité est immense.

Les territoires de montagne ont toutefois démontré leurs capacités de résilience. Nos massifs sont d'abord un réservoir de biodiversité et une ressource hydrologique. Or, d'ici la fin du siècle, la plupart des glaciers situés à moins de 3 500 mètres d'altitude auront disparu.

Il faut s'adapter rapidement.

Les Français sont attachés à la montagne, ils ont besoin de nature et de grands espaces.

Appuyons-nous sur les femmes et les hommes de la montagne qui construisent un modèle durable et respectueux de l'environnement. Il est urgent de bâtir une politique de transition pour la montagne sans réduire les territoires de montagne à la seule question de la diversification touristique.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La politique de la montagne n'est pas vierge : Agenda 21, plans énergie climat, territoires à énergie positive pour la croissance verte concernent aussi la montagne.

Il faut en effet trouver les capacités de résilience des territoires plus fragiles.

Nous sommes en concertation avec les territoires pour bâtir notre programme Montagne. Les ministères de la Transition écologique, du Tourisme, des Sports, la Banque des territoires, l'Ademe participent au débat. Les bonnes pratiques des différents massifs seront diffusées. L'objectif n'est pas de mettre la montagne sous cloche mais d'améliorer la qualité de vie des habitants dans un modèle plus respectueux de l'environnement. D'où l'intérêt d'un fonds de résilience du tourisme en montagne pour associer relance et écologie.

M. Guillaume Gontard.  - Je connais votre attachement à la montagne mais je doute de la capacité de votre Gouvernement à engager les transitions qui s'imposent. La montagne est notre bien commun. Appuyez-vous donc sur les travaux du cluster national de la transition des territoires de montagne. Nous avons besoin d'une montagne vivante, inspirante et résiliente.

M. Bernard Buis .  - Parlementaire de la Drôme, bordée notamment par le Vercors, je me réjouis de ce débat. Ma question porte sur le droit de l'urbanisme qui ne convient pas aux petites communes, mais aux grandes villes.

Les procédures pour élaborer un plan local d'urbanisme sont longues, coûteuses, fastidieuses et sources de contentieux. C'est pourquoi la plupart des communes de montagne sont régies par le règlement national d'urbanisme.

J'ai en mémoire un refus de permis de construire à Montclar-sur-Gervanne, alors que trois maisons avaient déjà été construites, et que la commune avait installé les réseaux. Adaptons le code de l'urbanisme dans le projet de loi 4D pour soutenir ces territoires ; accordons plus de souplesse, plus de latitude et de confiance aux élus.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Il faut des outils adaptés aux spécificités des territoires de montagne. Les amendements parlementaires seront toujours les bienvenus pour adapter le projet de loi 4D aux zones de montagne.

Le règlement national d'urbanisme permet des adaptations. L'accompagnement de l'État doit être renforcé ; nous avons sanctuarisé les effectifs des directions départementales des territoires afin d'assurer la consolidation des projets.

La mutualisation en matière d'urbanisme peut être facilitatrice - même si le voisin est parfois un concurrent.

Dans le cadre du programme Montagne, il sera possible de disposer d'une aide en ingénierie en matière d'urbanisme.

M. Bernard Buis.  - Merci pour votre réponse. Nous devons améliorer les textes car dans les petites communes, personne ne souhaite construire sur un terrain de 300 mètres carrés !

M. Jean-Yves Roux .  - À quelques semaines des vacances de février qui comptent pour un tiers des déplacements de nos concitoyens à la montagne, je suis inquiet pour les communes des Alpes-de-Haute-Provence et solidaire des inquiétudes des montagnards.

L'économie touristique est meurtrie ; des vies quotidiennes locales sont bouleversées. L'activité montagnarde ne s'arrête pas aux remontées mécaniques. Il faut que les locaux pratiquent leurs sports, que les pisteurs sécurisent les pistes, que les commerçants soient aidés à passer ce cap. Les saisonniers et les loueurs doivent bénéficier d'aides spécifiques.

Accélérons aussi les mutations des stations pour anticiper les effets du changement climatique. Pour que la montagne attire en toute saison, il faut des investissements de long terme. Or les collectivités territoriales de montagne, très dépendantes, doivent aborder le choc et elles n'en ont pas les moyens.

L'article 4 de la loi Montagne II du 28 décembre 2016 dispose que la DGF et le FPIC intègrent « les surcoûts spécifiques induits par les conditions climatiques et géophysiques particulières à la montagne ». Comment soutenir davantage les collectivités territoriales pour entretenir ce bien commun ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je vous répondrai également par écrit car votre question est très large.

Nous avons financé une partie des charges fixes des remontées mécaniques. En outre, la pratique des sportifs de haut niveau et des jeunes est parfaitement autorisée. Les stations de ski ne sont pas fermées, les remontées si. Les cas de refus d'entraînement des chasseurs alpins ou autres sont des cas rares que j'ai signalés : le dialogue entre les préfets et les maires doit être renouvelé.

Les pharmacies de stations sont inscrites dans la liste ouvrant droit à une indemnisation. De même pour l'accès au chômage partiel. Mme Berthet m'a transmis une liste précise.

Mme Cécile Cukierman .  - Merci au groupe Les Républicains pour ce débat sur les montagnes qui sont très diverses. Les communes de montagne ont en commun l'altitude - qui parfois est vécue comme un handicap.

Certes, la loi Montagne II de 2016 a apporté des progrès mais des défis restent à surmonter. Comment développer, sécuriser l'emploi, maintenir l'accès aux services publics en toute saison - je pense notamment au coût du déneigement ? Les communes manquent d'ingénierie.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. - J'ai déjà annoncé la politique d'aide à l'ingénierie de l'ANCT. Les volontaires territoriaux en administration (VTA) seront d'un grand secours dans les communes dépourvues de moyens.

Car il y a la montagne pauvre mais aussi la montagne riche !

Mme Cécile Cukierman. - Chez nous, c'est plutôt pauvre.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je connais bien votre département ainsi que celui de l'Allier.

Je crois à l'ingénierie mais il faut que celle-ci renforce l'équilibre entre les exploitants et les communes.

Nous devons travailler ensemble sur le programme national Montagne en prenant en compte le rapport de Cyril Pellevat. Il faudra inclure tous les sujets importants, comme les risques naturels en montagne et les services publics adaptés à ces territoires.

M. Loïc Hervé .  - Monsieur le ministre, vous connaissez et vous aimez la montagne.

Je vous alerte sur la situation financière des communes et intercommunalités de montagne en 2021 et 2022.

Je ne méconnais pas les efforts de l'État, confortés par le Sénat. Les communes touristiques de montagne risquent de voir leurs recettes fondre comme neige au soleil. Elles ont de nombreuses dépenses et un faible nombre d'habitants permanents. Sur un tableau de Bercy, elles sont considérées comme riches !

J'avais proposé la suppression du FPIC dans le projet de loi de finances. Ces communes vont avoir besoin de mesures spécifiques. Pouvez-vous rassurer ces communes et leurs EPCI ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Les communes de montagne bénéficient de mesures de compensation prévues dans les PLFR successifs.

Le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales prend en compte les pertes de taxe de séjour et de taxe sur les remontées mécaniques. Si les recettes s'avèrent inférieures à la moyenne des trois dernières années, l'État verse la différence, sans même que les communes aient à déposer un dossier.

Sur la taxe de séjour, la seule année 2019 est prise comme référence - grâce à un amendement dont j'ai été l'auteur en tant que rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale - pour tenir compte de la forte dynamique de l'imposition.

Plus de 300 communes de montagne ont reçu un acompte en novembre, le solde sera versé d'ici le 31 mai.

M. Loïc Hervé.  - Je regrette que les deux minutes soient écoulées ; j'attends votre réponse écrite.

Trois communes dont Chamonix et Megève m'ont saisi. Elles ont des partenariats économiques avec des acteurs du territoire, mais leurs recettes n'ont pas été compensées. Il faut un suivi spécifique et des mesures ad hoc.

Mme Viviane Artigalas .  - Dans les Hautes-Pyrénées, les professionnels calquent leur activité sur le rythme des saisons. Il faut accompagner ces territoires vers un tourisme des quatre saisons pour fidéliser le public et les saisonniers.

Le Conseil d'État a pointé les injustices de la réforme de l'assurance chômage, qui va avoir un fort impact sur les saisonniers. Avec la covid-19, un million d'entre eux ont perdu leur emploi et seront victimes de cette réforme.

Il faut décréter une année blanche pour les saisonniers et extras et abandonner la réforme de l'assurance chômage. À quand un vrai statut des saisonniers ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Les dispositions transitoires sur les saisonniers s'appliquent de manière indifférenciée selon le statut des stations. Certaines étaient en régie sans autonomie juridique.

Nous devons trouver des équilibres avec le Conseil d'État pour pérenniser les mesures mises en oeuvre.

Il faut également prendre en compte les régies sans personnalité juridique relatives aux thermes. Les collectivités territoriales fragiles doivent être indemnisées. Nous avons réussi à l'obtenir.

Dans le cadre de la crise actuelle, nous sommes en train d'apporter des réponses aux saisonniers qui n'étaient plus protégés par les textes.

Mme Viviane Artigalas. - Je connais vos efforts, mais ils sont insuffisants. Écoutez le Conseil d'État et abandonnez la réforme de l'assurance chômage !

Développez le tourisme quatre saisons pour pérenniser l'emploi en montagne. Prenez la mesure de la crise qui va fragiliser nos professionnels pour longtemps !

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Si les deux lois Montagne ont permis d'adopter des mesures spécifiques à l'urbanisme en montagne, il reste des contraintes.

Le rapport d'évaluation de l'Assemblée nationale sur les lois Montagne évoque une « asphyxie » des constructions dans ces zones, alors que des aménagements nécessaires à l'économie et à la vie quotidienne sont nécessaires.

Comme dans les vallées de la Roya, de la Vésubie dans les Alpes-Maritimes et dans la Tinée, les exigences de reconstruction à l'identique doivent être assouplies, pour que les constructions soient plus en hauteur.

Ces assouplissements figureront-ils dans le projet de loi 4D, pour continuer à développer ces communes ? C'est une forte attente des élus et des habitants.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Les lois Montagne I et II sont parvenues à un équilibre entre aménagement et protection de ces zones.

La différenciation est au coeur de la loi 4D, qui prévoit des exceptions sur les unités touristiques nouvelles. On pourra construire ponctuellement sans continuité.

Pour les communes relevant du règlement national d'urbanisme, les marges de manoeuvre sont plus limitées et la continuité reste la règle. Je connais votre implication, comme le prouve votre récente proposition de loi.

Un réseau « Montagne et urbanisme » a été créé par la circulaire Mézard. Je vais le faire vivre, pour qu'il soit efficace.

Si la reconstruction à l'identique n'est pas possible, pourquoi vouloir construire à nouveau en zone à risque ? Nous devons trouver des solutions pragmatiques et cousues main.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Les élus en ont assez des groupes de travail. Ils savent ce dont leurs territoires ont besoin.

Dans la loi ELAN, nous avions assoupli la loi Littoral. Faisons de même pour la loi Montagne, en comblant les dents creuses par exemple.

Le groupe Les Républicains fera des propositions en ce sens dans le projet de loi 4D. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Médevielle .  - Élu de la Haute-Garonne, qui compte de belles stations de ski, je vous alerte sur la crise actuelle, après une saison passée calamiteuse.

De nombreux emplois saisonniers sont touchés.

La situation est grave. Nous avons besoin de concertation entre le local et le national et de visibilité sur l'ouverture des remontées mécaniques. Les territoires de montagne sont sous tension. L'accès aux soins ne doit pas être facultatif. Les transports sont perturbés.

Les jeunes peinent à s'installer, notamment comme bergers. Ces vingt dernières années, nous avons perdu 50 % des surfaces d'estives et de pâturages, ce qui va accroître le risque d'incendie. Le pastoralisme est un fragile équilibre, avec des bienfaits économiques, écologiques et sociaux. Que comptez-vous faire ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. - Oui, il faut encourager le pastoralisme qui valorise les paysages et l'économie...

Je me rendrais dans deux jours dans l'Aveyron, qui détient le record d'installation de jeunes agriculteurs, souvent hors cadre familial : il faut dupliquer cette méthode ailleurs.

Les projets alimentaires territoriaux (PAT) ont contribué à maintenir des agriculteurs sur les territoires et à limiter l'agribashing. S'y ajoute notre action pour les cantines scolaires. Cela permettra une reconquête des territoires en déshérence.

M. Pierre Médevielle. - Votre exemple de l'Aveyron est très intéressant. Ce département a réussi à faire classer l'intégralité de son territoire en zone de montagne : ils en ont donc les avantages sans en avoir tous les inconvénients. Les débouchés du Roquefort sont un atout. La perte d'estives et de pâturage est une catastrophe écologique. On voit des villages entourés par les ronces. Il y a urgence.

M. Jean-Michel Arnaud . - La montagne est à l'arrêt, elle souffre, elle meurt. Je regrette le prolongement de l'arrêt des remontées mécaniques annoncé le 7 janvier, qui pénalise tous les acteurs. La situation est insoutenable. Dans les Hautes-Alpes, les réservations ont baissé de 71 % après cette annonce.

Les professionnels de la montagne ont travaillé pour mettre en place des mesures sanitaires : laissons-les travailler ! Une commune utilise un cheval de trait à la place des remontées mécaniques.

Quid des vacances de février ? Quel est le calendrier gouvernemental ? Nous n'en savons toujours rien. Le Gouvernement a pris conscience des périls économiques et sociaux mais certains acteurs, comme les régies publiques de remontées mécaniques adossées à de petites communes, ne sont toujours pas éligibles aux mesures de soutien. Celles-ci doivent être amplifiées et élargies. Il faut des mesures d'urgence.

Mme la présidente. - Il y a un tropisme haut-alpin de dépassement du temps de parole !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. - « Non capisco il francese », dirais-je si j'étais un touriste italien... (Sourires)

Le 20 janvier, une annonce sera faite et je ferai tout pour qu'elle soit positive. Je pense notamment aux médecins de montagne. Des cabinets risquent de fermer faute de touristes. Il faudra soit rouvrir les remontées mécaniques, soit prévoir des indemnisations.

Sur le chômage partiel, tout est réglé. Quant aux aides, elles ont été notifiées à la Commission européenne en tant qu'aides d'État ; le décret ne peut pas être publié avant son retour. Ma vigilance sera totale pour aider les stations de sport d'hiver.

M. Jean-Jacques Michau . - L'importance du pastoralisme n'est plus à démontrer. Le maintien des montagnes vivantes passe par le maintien d'une activité économique. Or les attaques de prédateurs qui se sont déroulées en Ariège posent problème. Le pastoralisme régresse car les éleveurs sont découragés.

L'ours est protégé par la convention de Berne qui date de 1979. Depuis, les choses ont beaucoup changé : à l'époque, le CEE comptait neuf membres, l'ours était alors en voie de disparition. Aujourd'hui, la France s'escrime à introduire des ours slovènes, tandis qu'en Slovénie on les chasse... Ne faudrait-il pas revoir ces mesures de protection ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. - J'ai participé il y a fort longtemps à une mission d'enquête sur les prédateurs avec Henriette Martinez, députée des Hautes-Alpes, et me suis rendu dans votre département à cette occasion.

En matière de prédation, deux ministères sont compétents : celui de l'Agriculture et celui de la Transition écologique. Je suis plutôt la position du ministre de l'Agriculture. En 2019, 362 dossiers dans les Pyrénées ont fait l'objet d'une indemnisation au titre de l'ours ; votre département paye le plus lourd tribut.

Pour répondre à la colère des éleveurs de l'Ariège, une mission d'audit a été lancée par les ministères de l'Écologie et de l'Agriculture et une feuille de route a été établie en juin 2019 avec un certain nombre de mesures que vous connaissez. Je m'attache à les mettre en oeuvre.

M. Jean-Jacques Michau. - La perception que nos concitoyens ont de ce problème dépend de leur lieu de résidence. Plus on s'éloigne de la montagne, plus l'ours ressemble à la peluche de notre enfance... Mais il reste un animal dangereux. Faut-il attendre des drames pour agir ?

M. Laurent Duplomb .  - Notre administration est parfois trop jacobine et prend peu en compte les spécificités de la montagne - et de la ruralité de manière plus générale. Dans le plan de relance, l'aide à la relance de la construction durable prévoit ainsi une densification de l'habitat, afin de mettre un terme à l'artificialisation des sols. Dans un village de 800 habitants, un maire a acheté un corps de ferme pour y créer des logements. Or il ne touchera pas l'aide de 100 euros par mètre carré prévu par le plan de relance car l'administration calcule l'aide sur la base de la surface cadastrale.

En zone urbaine, cette surface, c'est l'emprise de la maison. En zone rurale, elle prend en compte toute la surface, et pas seulement le bâti.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je suis incapable de vous répondre sur ce cas particulier et je vous invite à me transmettre les éléments précis de ce dossier afin que je vous réponde par écrit. Mais je ne peux pas vous laisser dire que le plan de relance oublie les territoires de montagne : 2 milliards d'euros sont prévus en 2021 et 2022 au titre de la rénovation énergétique des bâtiments privés, 4 milliards d'euros au titre de celle des bâtiments publics ; la rénovation énergétique des logements sociaux, c'est 500 millions d'euros pour 2021 et 2022.

L'ANCT a également signé des conventions qui intègrent vos préoccupations.

Mme Florence Blatrix Contat .  - Élue de l'Ain et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, je suis sensible à ce débat. Dans son rapport, Cyril Pellevat soulignait l'importance de maintenir des activités économiques en zone de montagne.

Nous devons nous projeter au-delà de la crise actuelle pour aller vers un développement économique et humain durable des zones de montagne. Certaines filières, comme celle du bois, sont en difficulté. Le changement climatique a des effets sur nos massifs montagneux. Les acteurs tentent de mettre en place des stratégies alternatives centrées sur le tourisme quatre saisons. Que fera le Gouvernement pour les soutenir ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Nous n'arrivons pas en terre vierge puisque des politiques européennes et nationales sont déjà mises en oeuvre. Je pense notamment aux conventions de massifs. J'ai aussi mis en oeuvre un programme pour la filière bois. Nos filières sont malheureusement insuffisamment intégrées mais il y a des initiatives intéressantes, notamment dans le Jura et dans le Morvan.

La montagne ne se limite pas aux stations de sports d'hier. Dans le cadre du programme national montagne et de l'agenda rural, l'État pourra intervenir dans de nombreux projets structurants, sur la culture, la gastronomie, l'artisanat, la beauté des paysages, etc.

Mme Florence Blatrix Contat.  - N'oublions pas l'écotourisme !

Mme Sylviane Noël .  - En montagne, l'espace constructible est particulièrement contraint et le prix du foncier peut atteindre des sommets. C'est le cas dans les stations de ski renommées ou dans les communes frontalières, où le bâti est de plus en plus consacré aux résidences secondaires. Le prix au mètre carré peut atteindre 11 000 euros, mais cela fait fuir les habitants ; les services se réduisent et les écoles se vident. Les élus sont démunis pour y faire face ; ils ont besoin d'être aidés. M. Éric Fournier, maire de Chamonix, a pris des mesures courageuses. Il y a quelques mois, j'avais proposé un abattement sur les droits de succession en cas d'engagement de l'héritier à rester sur la commune. D'autres mesures seraient également bienvenues. Il y a urgence. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je partage votre analyse, notamment pour les Alpes du Nord. Je pense ainsi au bassin économique de Genève avec la problématique de l'artificialisation des sols. La pression foncière est forte dans certaines stations comme à Megève ou à Chamonix où les prix au mètre carré sont supérieurs à ceux de Lyon.

Il existe des zones tendues en montagne. Des travaux sont en cours pour faire évoluer le système Pinel. En outre, le plan de relance renforce le financement du logement social. Ces dispositifs pourraient être renforcés dans la loi 4D. Souvent, il faut une stratégie de territoire à l'échelle du SCOT.

Mme Sylviane Noël.  - Je vous remercie mais tiens à signaler la situation très préoccupante de ces communes dont le tissu économique se délite. Les mesures d'urbanisme et les SCOT risquent de ne pas suffire.

M. Cédric Vial .  - En montagne, suite à la pandémie, il va falloir panser et réparer, puis penser et investir. Je salue l'effort du Gouvernement, mais des situations restent encore sans réponse.

Je pense notamment aux agriculteurs pluriactifs, qui travaillent comme moniteurs, pisteurs ou dameurs et qui ne bénéficieront d'aucune aide. Une grande partie de notre agriculture de montagne risque de s'effondrer avec eux. Ces situations vont-elles être prises en compte ?

Je pense aussi aux entreprises qui disposent de plusieurs établissements. Il faut un plan Marshall, ou plutôt un plan Giraud, (Sourires) pour la montagne, notamment la moyenne montagne. Les risques de décrochage dans certains territoires sont immenses. Il s'agit d'un enjeu vital.

Comment allez-vous aider les entreprises et ces territoires ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Nous avons évoqué ces points avec vous et Mme Berthet lorsque je me suis rendu récemment dans la Maurienne et la Tarentaise. J'en profite pour vous remercier de votre accueil.

J'interrogerai toutes les administrations centrales sur la reconnaissance des particularités territoriales : j'ai saisi le cabinet de M. Griset à Bercy pour avoir des réponses à ce sujet. La pluriactivité reste mal connue des services, qui peinent à appréhender la distinction entre chiffre d'affaires et revenu prépondérant.

La politique de l'aide par établissement est notamment à prendre en compte, par rapport à l'aide que je qualifierais de groupée.

Le report des codes NAF (nomenclature d'activités française) est à l'étude.

L'idée d'un plan Giraud me séduit certes beaucoup, mais le plan Montagne répond à vos préoccupations.

Mme Martine Berthet .  - Je pensais vous alerter sur la nécessité de mesures pour permettre aux habitants de la montagne de continuer à y vivre, mais à ce stade, il s'agit seulement d'y survivre.

Une fermeture prolongée en février des stations de sports d'hiver serait catastrophique. Pas moins de 120 000 emplois sont concernés pour 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires direct, sans compter le ruissellement.

Les charges fixes sont colossales pour une période d'activité réduite ; le fonds de solidarité n'est pas adapté.

Tous les commerces, hébergeurs, médecins et pharmaciens ont besoin de la prise en charge de 70 % de leurs frais fixes.

Dans quels délais le Gouvernement prendra-t-il des mesures complémentaires pour que la vie même des familles concernées soit préservée ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le sujet des résidences de tourisme et des villages vacances de montagne est primordial. Leurs charges fixes sont très élevées. Ces structures bénéficient des mesures prises par le Gouvernement notamment l'activité partielle, les prêts garantis par l'État « saison », avec la prise en compte des trois meilleurs mois de chiffre d'affaires sur l'exercice précédent ; mais nous sommes conscients de l'insuffisance des dispositifs existants.

Les arbitrages ne sont pas encore arrêtés, mais je sais l'urgence d'une solution rapide. Pour la restauration, le click and collect semble peu adapté pour l'ensemble des résidents.

Il conviendra de faire le point sur les pertes réelles, après la saison, quoi qu'il arrive, pour sauver l'économie montagnarde : je m'y engage.

M. Michel Savin .  - Tout d'abord je m'associe aux propos de mes collègues qui ont relayé l'inquiétude des professionnels et des élus de nos stations de sports d'hiver face à la crise sanitaire et à l'absence de visibilité sur le redémarrage. Alors que les communes de montagne contribuent au rayonnement de notre pays, elles n'ont pas toutes un accès direct à la téléphonie mobile. Un maire a dû dormir dans sa mairie en Isère pour être certain d'avoir connaissance des directives du Gouvernement. Des villageois vivant sous un barrage craignaient de ne pas être informés d'un incident...

Les communes de montagne ont un sentiment de marginalisation alors qu'on parle déjà de la 5G... Les travaux de raccordement de la 4G prennent du retard.

Où en est le New deal Mobile dans les zones de montagne ? Comment allez-vous rattraper le retard ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, rapporteur général - La fracture numérique se réduit : plus de 20 000 sites ont migré vers la 4G ces derniers mois ; 8 200 sites en 4G sont en service en montagne contre environ 5 000 il y a peu.

Pas moins de 96 % du réseau est couvert en 4G par au moins un opérateur ; et 76 %, par tous les opérateurs. Ils s'engagent à étendre le réseau ; 2 659 zones blanches ont été identifiées en 2018. Pour l'Isère, 26 sites mobiles ont fait l'objet d'un arrêté, pour une mise en service dans les prochains mois.

Avec Cédric O, je demanderai aux opérateurs de prendre en compte la situation de l'Isère qui semble très atypique.

M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un mot peut tomber une montagne, dit le proverbe...

On peut le dire du mot « décret », celui du Gouvernement sur les stations de montagne, qui avaient pourtant mis en oeuvre tous les protocoles sanitaires afin que les remontées mécaniques puissent fonctionner à nouveau.

Jusqu'à quand supportera-t-on cette iniquité qui veut qu'on ferme les stations mais qu'on laisse ouverts les transports en commun urbains avec leur promiscuité ?

La conséquence, ce sera la destruction du modèle économique de la montagne. C'est la réalité que nos maires doivent gérer, avec des baisses de recettes de centaines de millions d'euros.

Le dispositif défendu par Sylviane Noël en projet de loi de finances pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement conserve toute sa pertinence. Utiliser le serpent de mer de la réforme globale des finances locales pour refuser cette réforme n'est pas convenable.

Il faudra conserver l'accessibilité de nos territoires de montagne, avec une couverture numérique de haute qualité.

La rénovation des réseaux ferrés doit aussi devenir une réalité ; le Gouvernement l'a annoncée, en particulier vous, monsieur le ministre.

La montagne, c'est aussi un art de vivre. Avec la crise, les citadins aspirent un retour à la nature. La montagne a des atouts à valoriser, elle qui associe la solitude des grands espaces à des activités économiques vitales.

Monsieur le ministre, il est urgent d'agir car la montagne, ça nous gagne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.