Renouvellement des conseils départementaux et régionaux (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous arrivons à la fin d'un parcours qui nous a permis de trouver un accord en commission mixte paritaire. Je m'en réjouis. Cet accord repose sur des fondements solides.

Vous l'avez permis en annonçant officiellement - et fermement ! - les dates des 13 et 20 juin pour l'organisation des élections départementales et régionales.

De même, le conseil scientifique ne se prononcera pas le 1er avril sur l'opportunité de tenir ou pas les élections en juin, mais sur les conditions dans lesquelles la sécurité du scrutin pourrait être améliorée, ce qui fera l'objet d'un rapport du Gouvernement au Parlement.

Nous avons été heureux que vous acceptiez le système de la double procuration et la prise en charge des matériels et équipements de sécurité.

Nous avons également adopté dans ce texte des dispositions qui concernent les machines à voter, qui existent depuis 1969.

À la différence du vote électronique, l'instrument est éprouvé dans les soixante-six villes qui y recourent. En 2007, suite à l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel s'est inquiété des sources d'insécurité liées à ces machines. En 2008, un moratoire a été décidé pour ne pas augmenter le nombre de villes utilisatrices. Celles-ci, depuis, ont hésité à investir dans l'entretien et le renouvellement de ces machines.

À l'initiative de la majorité de l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté prévoyant un rapport du Gouvernement au Parlement dans les six mois sur les conditions du recours aux machines à voter. Nous l'avons accepté, considérant que la mise en garde du Conseil constitutionnel était pleinement justifiée.

Aussi, nous avons été stupéfaits de l'amendement déposé au projet de loi organique sur l'élection présidentielle et adopté ce matin à l'Assemblée nationale.

Dès l'an prochain, pour l'élection présidentielle, mère de toutes les élections, nous pourrions recourir aux machines à voter, y compris un jour de semaine, par anticipation. Et le tout, imposé par décret ! (Marques d'indignation à droite)

M. Gilbert Bouchet.  - Ça alors !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Et ce, sans attendre le rapport précité.

Ce point n'a même pas été débattu par l'Assemblée nationale, qui a déjà adopté le texte.

Cette improvisation et cette absence de respect des règles du débat parlementaire ont beaucoup choqué sur tous les bancs du Sénat.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Incroyable !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Comment peut-on envisager une expérimentation aussi hasardeuse pour une élection qui engage autant l'avenir de la Nation ?

Le dispositif inquiète : conditions de préservation des votes pendant plusieurs jours, risque de double vote, impossibilité d'un recomptage manuel, sincérité d'un vote qui ne pourrait être modifié alors que la campagne se poursuivra, et constitutionnalité même !

Quelles peuvent être les motivations réelles d'un tel amendement ? (Exclamations ironiques à droite) L'argument du départ des familles en week-end est-il suffisant, et surtout satisfaisant pour la démocratie, alors que cette élection a toujours donné lieu à une très forte participation ?

Il est impossible que nous n'ayons pas ce soir un échange sur le sujet, à l'occasion du vote d'un texte qui comporte un rapport sur les machines à voter...

Je ne peux que croire que cet amendement sera retiré. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Je concentrerai mon propos sur le projet de loi dont nous débattons ce soir.

La situation sanitaire questionne les modalités de vote. Avec ce texte, nous donnons des garanties de sécurité à nos concitoyens pour choisir leurs conseillers départementaux et régionaux.

Je remercie le Parlement pour son travail qui a abouti à un texte très opérationnel et à la hauteur de l'enjeu démocratique de ces deux élections importantes.

Un rapport sur la situation sanitaire et les conditions de vote sera remis au 1er avril au Parlement. En cas de nouveau report - ce que le Gouvernement ne souhaite pas - le Parlement devra se prononcer par une nouvelle loi.

Le Gouvernement a accepté le dispositif de la double procuration pour les scrutins de juin. Le principe du numéro vert a également été retenu, à la demande de l'Assemblée nationale. Un guide du mandataire financier sera publié.

La date de publication des comptes de campagne a également été décalée, comme la fin de mandat des conseils régionaux fixée à mars 2028, et non décembre 2027 comme le prévoyait le projet de loi initial.

Ces élections se tiendront bien les 13 et 20 juin : dès la promulgation de la loi, le texte de convocation des électeurs sera signé et publié. Cette visibilité est nécessaire pour les électeurs, les candidats et les élus en poste. Ces scrutins devront se tenir dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Aussi, l'État fournira aux communes des matériels et équipements de protection, comme il l'a fait lors des élections municipales.

Je salue ceux qui s'engagent pour l'organisation de ces scrutins. Leur rôle est essentiel pour la démocratie.

Les débats ont souligné le souhait d'une modernisation des modalités du vote. De nombreux amendements ont posé la question du vote électronique, des machines à voter ou encore du vote anticipé. Le Gouvernement a entendu cet appel, mais certaines modalités de vote ne présentent pas des garanties suffisantes, d'un point de vue constitutionnel ou en raison d'évolutions techniques peu opérantes.

Ce rendez-vous démocratique majeur sera tenu les 13 et 20 juin, grâce à vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cécile Cukierman .  - Au nom de mon groupe CRCE, je me félicite de l'évolution de ce débat. Nous savons désormais que les élections se tiendront les 13 et 20 juin, soit dans dix-sept semaines.

Il nous reste à sécuriser la campagne et l'élection elle-même, pour que nos concitoyens puissent exprimer leur vote sereinement. Je partage la surprise, voire la colère, de notre rapporteur sur l'amendement relatif aux machines à voter. Sous prétexte de favoriser le vote, il ne faut pas s'arranger avec les règles. C'est ainsi qu'est ressenti votre amendement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains)

La procédure est malvenue, surtout pour l'élection suprême !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Bien sûr !

Mme Cécile Cukierman.  - L'ensemble des forces politiques pourrait en payer les conséquences.

L'organisation de deux scrutins le même jour permettra sans doute certaines facilités, comme un isoloir unique.

Je regrette le mail que nous avons reçu après la commission mixte paritaire : France Télévisions s'interroge sur sa capacité à faire vivre le débat démocratique. Or il faut assurer l'égalité entre tous les candidats lors des derniers jours de campagne, alors que souvent il y a une prime au sortant. Il ne s'agit pas de créer des obligations supplémentaires mais d'assurer l'information : c'est son rôle de service public, pour une éducation civique et politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Philippe Bas, rapporteur, applaudit également.)

M. Arnaud de Belenet .  - (Mme Françoise Gatel applaudit.) Présenté en Conseil des ministres le 21 décembre, ce texte met en oeuvre le report des élections départementales et régionales préconisé par le rapport Debré. La crise sanitaire nous l'impose.

De quatre articles, ce projet de loi est passé à quatorze. Le Sénat a beaucoup contribué à son enrichissement : double procuration, prise en charge par l'État des équipements de protection, même machine à voter pour les deux scrutins, délai supplémentaire pour le dépôt des comptes de campagne, retour rapide au calendrier électoral normal.

Je salue la sagesse des deux rapporteurs qui ont renoncé, après l'engagement du Gouvernement, à inscrire dans la loi des dates butoir, ainsi que la conservation de l'amendement d'Alain Richard portant à dix-neuf jours la durée de la campagne.

Je me félicite de l'article 6 bis : France Télévisions diffusera des programmes pédagogiques sur le rôle et le fonctionnement des assemblées départementales et régionales.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI)

M. Éric Kerrouche .  - (M. Olivier Jacquin applaudit.) Alors que le sujet semble périphérique, la périodicité des élections est indispensable à la démocratie. C'est de cela que traite ce texte. Yves Mény rappelait que la démocratie possède un trait spécifique : le rapport au temps, double mécanisme protecteur qui évite au peuple souverain d'être dépossédé de son rôle de maître des horloges, et qui garantit la périodicité des élections.

Il y a eu un consensus politique autour du rapport Debré pour la tenue des élections en juin. Hélas, les dates des 13 et 20 juin ne figurent pas dans le projet de loi.

Nous avons également quelques doutes sur le rôle du Conseil scientifique qui prendrait la notion de risque sanitaire en compte. La porte reste donc entrouverte... Il s'agit quasiment d'un report sec des scrutins à droit constant, exception faite d'un numéro vert, de l'allongement de la campagne, de l'augmentation du plafond des dépenses de campagne de 20 %, d'une communication sur le rôle des conseils départementaux et des conseils régionaux.

La double procuration - système que nous réfutons - a été maintenue par l'Assemblée nationale, qui a supprimé dans le même temps la déterritorialisation.

Les départements et les régions pourront voter plus tardivement leurs comptes administratifs et leurs budgets primitifs - c'est utile.

Ce texte génère des regrets.

Le Gouvernement refuse systématiquement d'adapter le droit électoral à la période particulière que nous traversons.

Le projet de loi organique sur l'élection présidentielle, avant l'amendement surprise du Gouvernement, n'évoluait pas davantage. On s'interdit tout changement. Les élections municipales ont été le péché originel : hésitations, refus d'adaptation, pas de vote par correspondance, pas de vote anticipé, attente du retour à la normale...

Le Portugal, la Catalogne, le Kosovo ont tenu des élections récemment : il n'y a aucune raison de ne pas voter.

L'histoire du droit électoral est pourtant celle de son adaptation ; mais depuis un an, rien, alors que la période actuelle aurait justifié des évolutions.

Pourquoi ne pas aller plus loin ? Nous voterons ce texte car nous voulons que les élections aient lieu en juin, mais nous regrettons ce report sec qui ne sert pas notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean Louis Masson .  - Sénateur non inscrit, je suis particulièrement attaché à notre indépendance par rapport aux partis politiques.

Le nuancier politique doit comprendre la catégorie « divers ». Qu'on ne décide pas arbitrairement, au niveau du préfet, de coller telle ou telle étiquette à un candidat. En première lecture, j'ai déposé deux amendements sur le sujet, mais le rapporteur m'a répondu que le problème était déjà largement réglé, le terme « divers » étant utilisé pour tous les candidats n'ayant pas d'attaches politiques. Mme la ministre avait surenchéri.

Or la circulaire ministérielle du 3 février indique que la nuance est attribuée « de manière discrétionnaire » par le préfet ! Elle peut donc être différente de l'étiquette déclarée par le candidat. Rien n'a été réglé, et c'est un énorme mensonge de prétendre le contraire ! Cette attribution arbitraire d'une nuance est choquante pour un non-inscrit.

La circulaire indique que si le candidat n'est rattachable à aucun parti politique, le préfet peut lui mettre l'étiquette « divers ». Ce n'est donc pas le candidat qui décide !

Quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage. C'est ce qu'on a fait de mes amendements !

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Jean Louis Masson.  - On s'est moqué du monde ! C'est extrêmement regrettable !

M. Alain Marc .  - Les élections régionales et départementales sont une composante essentielle de la démocratie mais la gravité du contexte sanitaire a balayé toutes nos certitudes. Ce projet de loi prévoit le report des scrutins de mars à juin 2021.

Je tiens à saluer ces élus locaux qui s'engagent pour la vie quotidienne de nos concitoyens : entretien des routes, rénovation des collèges et des lycées, aide à l'enfance et aux personnes âgées...

Je me réjouis de l'accord en CMP. Je me félicite de l'esprit d'écoute et de dialogue entre les deux assemblées sur ce texte.

Je suis heureux que de nombreux apports du Sénat aient été maintenus : double procuration, échéance des mandats à mars 2028, allongement du délai pour le dépôt des comptes de campagne, mention des marges d'erreur dans les sondages, mise en place d'une campagne d'information institutionnelle.

Les articles 8 et 9 introduits par le Sénat étendant jusqu'au 31 juillet la possibilité de voter le budget primitif et le compte administratif des régions et des départements ont été maintenus.

Je me réjouis enfin de la prise en charge des équipements de sécurité par l'État. Certes, la progression des variants inquiète. Mais notre démocratie tient le cap et des scrutins ont eu lieu l'année dernière.

Le groupe INDEP votera ce texte. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Devant les doutes exprimés face à la gestion des temps démocratiques, le Gouvernement a fait appel à Jean-Louis Debré pour faire face à d'éventuelles difficultés pour ces élections départementales et régionales. L'incompréhension des parlementaires face à un Conseil choisi par l'exécutif a laissé des traces.

Il y a eu un consensus sur le report des élections départementales et régionales en juin plutôt qu'à l'automne, saison plus propice à la reprise épidémique, sans compter la difficulté de mener campagne pendant l'été.

Je note l'accord sur la double procuration, même si je suis personnellement très réservé sur la sécurité du dispositif, d'autant que les procurations familiales ont été supprimées ainsi que la possibilité de faire appel à des officiers de police judiciaire pour établir les procurations en dehors des mairies et des commissariats.

Mon groupe s'interroge aussi sur la mutualisation des machines à voter et sur leur généralisation mais nous en débattrons jeudi à l'occasion du texte sur l'élection présidentielle.

Le Sénat a rappelé que le Gouvernement doit rester notre interlocuteur, lequel nous remettra le rapport du Conseil scientifique sur la sécurisation des élections. Cette précision est d'autant plus utile que l'état d'urgence sanitaire sera toujours en vigueur.

Le GEST se félicite aussi du maintien de l'article 6 bis, sur la campagne d'information audiovisuelle. Néanmoins, qu'en sera-t-il si une région ou un département présente des caractéristiques sanitaires inquiétantes, comme c'est le cas dans l'est de la France avec les variants ? Que fera alors le Gouvernement ?

Le GEST s'abstiendra donc sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous débattons d'un aboutissement : ce projet de loi connaîtra à n'en pas douter un large vote. Nous le ferons sans écho ; c'est la loi du genre, malheureusement.

Souvent, les bonnes solutions ne sont pas reprises par les médias ; heureusement, notre rapporteur a trouvé un moyen de faire un peu de publicité à notre débat. (M. Julien Bargeton rit.)

Les procurations sont facilitées, la protection des lieux de vote assurée, l'adaptation de la durée de campagne prévue, et je ne parle pas du décalage de la date du dépôt des comptes de campagne ni des machines à voter...

Quant à la campagne de communication audiovisuelle, quelle surprise que France 3 rechigne à diffuser les clips de campagne, qui sont une perte d'audience et de ressources pour la chaîne ! La chaîne nous a expliqué que c'était quasiment impossible... nous le savons depuis quarante ans ! Mais il est important que les prises de positions de chaque candidat soient présentées de façon positive.

Nous avons fait un travail législatif correct et su relever le défi.

Nous pouvons en tirer une conclusion positive : nous avons démontré la capacité de compréhension entre futurs concurrents à ces élections. C'est un signe encourageant de crédibilité démocratique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le consensus issu de la CMP nous satisfait, mais ne doit pas nous éloigner de notre but, qui est bien de garantir la sécurité de nos concitoyens qui participeront à ce scrutin.

Lorsque les gestes barrières sont respectés, le risque d'aller voter est minime, comme nous le prouvent les élections chez nos voisins.

Mais les électeurs se déplaceront-ils les 13 et 20 juin prochains ? Peu d'entre eux savent que les élections départementales et régionales auront lieu et nous risquons de battre des records d'abstention. Nous l'avons vécu au second tour des municipales, malgré une organisation plus sécurisante qu'au premier tour...

Le groupe RDSE est favorable au relèvement des plafonds de campagne, au délai supplémentaire de dépôt des comptes de campagne ou à la double procuration.

Nous saluons la diffusion de programmes institutionnels sur les chaînes du service public, introduite par Maryse Carrère.

Mais les craintes de nos concitoyens sont ailleurs, avec la crise sanitaire. Nous avons le pouvoir et le devoir d'offrir des solutions à ceux frappés par la crise, d'élargir le champ des possibles.

Le groupe RDSE votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Une démocratie doit être une fraternité, ou bien c'est une imposture », déclarait Antoine de Saint-Exupéry.

La participation et la confiance sont des maillons essentiels de la démocratie. Aussi, nous nous réjouissons de l'accord sur ce texte, qui reporte la tenue des élections départementales et régionales.

Alors que le Covid-19 produit un mal-être sans précédent, nous devons réaffirmer les valeurs de notre démocratie représentative.

Le report de ces scrutins était essentiel pour permettre la tenue d'une campagne garantissant le pluralisme démocratique de ces élections, si importantes pour nos collectivités locales.

Un retour à la normale sera difficile d'ici mars 2021. Le Parlement prend donc acte de la nécessité de ce report de trois mois.

Le Covid bouleverse nos institutions et nos libertés. Le groupe Les Républicains se félicite de cet accord en CMP.

Mais nous n'acceptons pas pour autant de mettre durablement entre parenthèses le principe constitutionnel de périodicité des scrutins. Comme l'a dit Philippe Bas, la démocratie ne saurait être confinée. Le report doit permettre le bon déroulement des élections. Cela n'a rien d'impossible : la Catalogne l'a fait pas plus tard que le week-end dernier, l'Allemagne organisera des élections régionales en mars.

Nous nous félicitons du report en juin, mais il ne doit pas enclencher une démarche de procrastination. Il faut vivre avec le virus : on ne peut reporter systématiquement les élections au moindre rebond de l'épidémie. Si la situation perdurait, nous devrions nous adapter, aussi bien lors de la campagne que pour le scrutin lui-même.

La double procuration, la prise en charge des équipements de protection par l'État avaient été proposées par le Sénat l'année dernière. De même, la tenue d'un double scrutin évite une fragmentation de la participation et garantit simplicité et sécurité sanitaire.

Malheureusement, certaines de nos propositions ont été écartées notamment sur la déterritorialisation des procurations, qui aurait pu utilement restaurer la confiance des électeurs et freiner l'abstention.

Après un an de crise et de sacrifices, les Français ont le droit de renouer avec la vie démocratique. C'est même une nécessité.

L'adaptation du calendrier budgétaire des conseils départementaux et régionaux est bienvenue.

Nous devons également prendre en considération de nouveaux moyens électoraux. Le Havre utilise depuis 2005 les machines à voter, qui ont fait leurs preuves lors du scrutin municipal et départemental de 2008. Je me réjouis de la reprise de cet amendement par l'Assemblée nationale. Habilitées à recevoir un double scrutin, ces machines permettent de voter dans un unique bureau de vote et minimisent les risques de contamination.

Le débat autour du moratoire devra prendre une place prépondérante dans nos futures discussions. Ce regain d'intérêt rompt avec la fébrilité de l'exécutif depuis 2007 - alors qu'aucun risque n'a jamais été démontré. Espérons que les communes qui le souhaitent pourront se doter de machines de dernière génération.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP, ne serait-ce que pour affirmer que, face à la crise, la démocratie fait bloc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Code de la justice pénale des mineurs (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Tout engagement génère des compromis : c'est le propre de notre système bicaméral. C'est dans cet état d'esprit que le Sénat a abordé l'examen de ce texte.

Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur la réforme - devenue urgente - de l'ordonnance du 2 février 1945. Parmi les signaux d'épuisement, des délais de jugement trop longs : dix-neuf mois en moyenne, un siècle pour un jeune de 17 ans ! ; un taux d'incarcération en détention provisoire de plus de 80 % des mineurs emprisonnés.

Urgence, cependant, ne veut pas dire précipitation, et le sujet est mûrement réfléchi. Dès 2008, le rapport Varinard proposait la césure ; pendant dix ans, de nombreux rapports parlementaires, comme celui de Catherine Troendlé et Michel Amiel sur la réinsertion des mineurs enfermés, ont alimenté la réflexion.

Tout s'est accéléré en novembre 2018 avec l'autorisation donnée au Gouvernement, dans le projet de loi de programmation de la justice, de réformer le droit pénal applicable aux mineurs par voie d'ordonnance. Un an plus tard était publiée l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant nouveau code pénal des mineurs, que je vous propose de ratifier.

Cette réforme est attendue par l'ensemble des acteurs mais c'est aussi une transformation des pratiques professionnelles qui inquiète. C'est pourquoi elle doit entrer en vigueur sans précipitation. L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont accepté de suivre le Sénat : ce sera le 30 septembre 2021, au lieu du 31 mars 2021. En effet, la crise sanitaire et la grève des avocats ont beaucoup désorganisé les juridictions, qui n'ont pas encore suffisamment résorbé le stock des affaires en cours. On peut aussi espérer que les logiciels seront à jour au 30 septembre.

L'efficacité de la réponse pénale réside dans la réactivité et la pédagogie. La césure, qui est au coeur du dispositif, permettra non seulement d'accélérer la procédure mais surtout de favoriser sa compréhension par le jeune.

Le Sénat se félicite que l'introduction de la définition du discernement dans la partie législative du code pénal des mineurs ait été reprise par les députés ; elle guidera le juge dans son appréciation.

Nous regrettons en revanche que le principe de spécialisation du juge ne soit pas appliqué dans tous les domaines, notamment avec le recours au juge des libertés et de la détention (JLD) avant l'audience de culpabilité et la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes.

Le juge des enfants est pourtant le garant d'une justice plus éducative.

La réussite de la réforme dépendra des moyens mis à la disposition des juridictions et des liens entre les magistrats spécialisés et les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) afin d'éviter toute latence entre les différentes étapes de la procédure. La numérisation du dossier unique de personnalité du jeune, la fixation, dès l'audience de culpabilité, de la date de mise en oeuvre de la prise en charge éducative par la PJJ et la possibilité de convoquer les parents par tous moyens vont dans ce sens.

Le stage de responsabilisation des parents qui ne se rendent pas aux convocations du juge est également une avancée.

Vous l'aurez compris, le texte issu de la CMP nous convient et nous vous invitons à l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Quelque 76 ans se sont écoulés depuis le 2 février 1945. Ce nouveau code est tout un symbole. Le texte était devenu illisible à force de réformes, il fallait le moderniser.

« La question de l'enfance coupable est l'une des plus urgentes de l'époque présente », lit-on dans le préambule de l'ordonnance de 1945. Cela reste d'actualité en 2021.

La société attend une justice des mineurs claire et efficace. Ce code renforce la primauté de l'éducatif tout en permettant une réponse pénale cohérente, dans des délais encadrés.

Nous rapprochons la réponse judiciaire de l'acte : le mineur sera rapidement déclaré responsable pénalement et pris en charge avec souplesse par la PJJ dans le cadre d'une mesure éducative unique modernisée.

Je salue la CMP conclusive et le travail rigoureux et constructif de la rapporteure. Guidés par l'intérêt supérieur des mineurs, nous avons abouti au consensus démocratique que nous devions à nos enfants.

Le Sénat a introduit la définition du discernement dans la partie législative du code, imposé la communication, dès la première audience, d'une date de mise en place de la mesure éducative, étendu l'accès direct au dossier unique de personnalité aux professionnels du secteur associatif habilité.

Vous avez su prendre en compte les inquiétudes légitimes liées à la nécessaire évolution des pratiques professionnelles en reportant l'entrée en vigueur de la réforme au 30 septembre 2021.

Ce délai sera bien mis à profit pour préparer les acteurs de la justice des mineurs, afin qu'ils s'approprient le texte. Tout au long des débats, vous avez confirmé la confiance et la reconnaissance que nous leur devons. Je salue tout particulièrement l'engagement de la direction de la PJJ pour faire évoluer le droit des mineurs et ainsi toute notre société.

« La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » C'est par cette phrase du préambule de l'ordonnance de 1945 que je souhaite conclure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, Les Républicains et UC)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je ne reviendrai pas sur le fond de la réforme, dont chacun connaît les apports. Ce texte est nécessaire et équilibré.

Je salue le travail de la CMP et de notre rapporteur. Le travail des deux assemblées a été apaisé et constructif, autour d'un sujet sensible et exigeant. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean Terlier, a salué l'esprit d'ouverture du Sénat qui a considérablement enrichi le texte. Nous nous félicitons de l'esprit de responsabilité qui a guidé le Parlement.

Merci au passage, monsieur le garde des Sceaux, de permettre à la proposition de loi d'Annick Billon de prospérer et de reconnaître qu'une bonne idée peut venir du Sénat ! (M. le garde des Sceaux sourit.)

Notre groupe est satisfait du report de l'entrée en vigueur de la réforme, souhaité par les professionnels, de la précision relative au discernement du mineur, de la numérisation du dossier unique de personnalité et de son accès élargi, de la prise de date pour la mise en oeuvre de la mesure éducative dès l'audience de culpabilité, de la convocation des parents par tout moyen.

Reste un regret : que la position de l'Assemblée nationale sur le JLD l'ait emporté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Hélas.

Mme Dominique Vérien.  - Nous aurions préféré que la détention provisoire relève d'un autre juge des enfants, au nom du principe de spécialisation. Nous serons à l'écoute des remontées de terrain et évaluerons l'impact de cette mesure. Il sera toujours temps d'y revenir si nécessaire.

La PJJ est la clé de voûte de la justice des mineurs car elle porte l'essentiel du volet éducatif. Elle doit se voir dotée de moyens humains, financiers et matériels suffisants, pour le bien des mineurs à sa charge comme de la société tout entière.

Nous devons protéger nos enfants des dérives radicales et du fondamentalisme religieux, comme le prévoit le projet de loi sur les principes républicains. Ceux qui ont attaqué ces dernières années la France en son coeur étaient souvent d'anciens mineurs délinquants, qui s'étaient radicalisés. En rupture avec la société lorsqu'ils étaient mineurs, ils le furent avec la République et ses valeurs une fois adultes.

La PJJ doit jouer à plein son rôle éducatif et de réinsertion, pour éviter la récidive. À nous de lui en donner les moyens.

Notre groupe votera ce texte de compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Il y a bien sûr des points positifs dans ce texte. Néanmoins, nos objections subsistent. En toute honnêteté intellectuelle, nous ne pouvons le voter, et ce pour cinq raisons.

D'abord, la spécialisation de la justice des mineurs n'est pas respectée, avec le maintien du tribunal de police et du JLD en lieu et place du juge des enfants.

Ensuite, notre amendement, voté par le Sénat, visant à intégrer dans le code le secteur associatif habilité, a été supprimé en CMP. Pour quelle raison ?

En outre, cette réforme ne résout nullement le problème du manque de moyens matériels et humains de la justice des mineurs et de la protection de l'enfance, malgré la hausse de 8 % des crédits de votre ministère, que nous saluons.

Tous nos amendements visant à consacrer la primauté de l'éducatif sur le répressif et à faire du mineur délinquant un mineur à protéger, pourtant dans la logique de l'ordonnance de 1945, ont reçu un avis défavorable.

Enfin, la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale des mineurs de 13 ans n'a pas été retenue. Lors de l'examen de la proposition de loi d'Annick Billon, nous avons été plusieurs à voter le seuil de 15 ans. Relisez votre réponse, monsieur le garde des Sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je l'ai relue.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est heureux que vous ayez évolué sur le sujet, je le mets à votre crédit. Ce que vous avez dit à la télévision, vous eussiez pu le dire au Parlement...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je l'ai dit.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous l'avez dit depuis.

L'absence de présomption irréfragable d'irresponsabilité est contraire à l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Nous ne pouvons donc pas adopter ce texte, en dépit des progrès qu'il peut receler. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Marc .  - La modernisation de la justice pénale des mineurs était attendue. L'ordonnance de 1945, modifiée 39 fois, a perdu peu à peu efficacité et cohérence.

Aussi, l'ordonnance du 11 septembre 2019 modernise utilement la justice des mineurs. Nous déplorons cependant un manque d'ambition, l'absence d'un véritable code des mineurs traitant à la fois de l'enfance délinquante et de l'enfance en danger, car les deux sont liés.

Le 4 février dernier, la CMP a abouti grâce aux efforts conjoints pour trouver des compromis. Je salue l'esprit de responsabilité du Parlement.

Je suis heureux que des apports du Sénat aient été maintenus, notamment sur la définition du discernement, le dossier unique de personnalité, la convocation des parents. Les députés se sont ralliés à la position du Sénat qui proposait un report de l'entrée en vigueur de la réforme au 30 septembre 2021 pour permettre aux juridictions de s'adapter aux nouvelles procédures.

Cette réforme est équilibrée pour les mineurs et devrait permettre une meilleure organisation ; notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Esther Benbassa .  - Si la CMP a été conclusive, ce texte néanmoins ne convient pas au GEST.

Nous demandions la suppression de la mesure de retenue jusqu'à douze heures d'un jeune de moins de 13 ans par un officier de police judiciaire, au nom de la présomption d'irresponsabilité.

Nous nous sommes aussi opposés aux dispositifs de surveillance électronique à domicile - le bracelet électronique n'est pas adapté aux mineurs - et demandions la suppression de l'article du code ouvrant la porte à une exception à l'excuse de minorité. Le jeune âge doit conduire à une atténuation de la peine.

Nous voulions interdire la visioconférence tout au long d'une procédure concernant un mineur, parce qu'elle contrevient à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Nous défendions la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de 14 ans pour mettre la France en phase avec la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE).

Nous voulions enfin réaffirmer la primauté des mesures éducatives sur les mesures répressives dans l'article préliminaire du nouveau code.

Aucune de ces améliorations ne figure dans ce texte.

L'ordonnance de 1945 était un texte novateur et protecteur pour les mineurs, parce qu'il introduisait une vision bienveillante du droit.

Aujourd'hui, les mesures de contrôle se substituent aux mesures éducatives ; l'insertion prend de moins en moins en compte le projet de l'enfant, le placement, en principe mesure de protection, devient mesure coercitive, et la spécificité de la justice des mineurs ne cesse de s'affaiblir, avec le rapprochement avec le droit pénal général.

Ce texte ne nous satisfaisait pas en première lecture, et ce n'est toujours pas le cas. Le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Je me réjouis que la CMP ait pu trouver un accord le 4 février. L'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante avait été modifiée plus de quarante fois, devenant illisible et insuffisante pour lutter contre les nouvelles formes de délinquance des mineurs.

Entamée en 2008 avec les travaux de la commission Varinard, la réforme devenait une arlésienne jusqu'à l'ordonnance du 11 septembre 2019.

Cette réforme historique modernise la justice pénale des mineurs pour répondre à une délinquance qui fait l'actualité, tout en conservant le principal : primauté de l'éducatif, spécialisation de la justice des mineurs, atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge.

Un débat constructif s'est engagé entre les deux chambres au cours de la navette. Malgré les craintes initiales et compréhensibles, l'ensemble du code a été discuté, et enrichi.

Ainsi, l'Assemblée nationale a introduit dès l'article préliminaire la référence à l'intérêt supérieur de l'enfant, interdit la visioconférence pour l'audience de détention provisoire, simplifié le cumul des mesures éducatives et de la peine.

Le Sénat a introduit la définition du discernement, la numérisation du dossier unique de personnalité, la convocation des représentants légaux par tout moyen.

La discussion s'est poursuivie en CMP sur les désaccords restants. Je salue le travail assidu des rapporteurs et la très grande qualité de nos échanges. Nous avons su nous accorder sur le rétablissement de la compétence du juge des libertés et de la détention pour la détention provisoire des mineurs, et du tribunal de police pour les contraventions les moins graves.

Enfin, le report de l'entrée en vigueur de la réforme à septembre 2021 était indispensable, pour laisser le temps aux magistrats et à la protection judiciaire de la jeunesse de se préparer.

La forte croissance des crédits à la justice pour 2021 démontre que la volonté politique est là. Nous serons cependant vigilants sur la mise en oeuvre de la réforme.

Le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - Même si la part des mineurs dans la délinquance globale reste stable, il y a bien un ressenti d'une plus grande violence des jeunes.

Près de la moitié des sanctions des mineurs sont des peines, alors que les mesures éducatives devraient être prioritaires.

Le RDSE se félicite de l'accord trouvé en CMP ; il fallait consacrer l'esprit de l'ordonnance de 1945 et mieux accompagner les mineurs pour éviter l'entrée dans une délinquance durable.

Il est rare de se réjouir du report d'une réforme, mais, dans le cas présent, une application dès le mois prochain aurait compliqué sa mise en oeuvre ; deux procédures se seraient chevauchées.

En retenant la définition du Sénat sur le discernement à l'article 1er ter A, la CMP a fait un pas vers la conformité avec les accords internationaux. Le choix d'une présomption simple est positif.

Le doublement de l'amende pour les représentants légaux de mineurs ne répondant pas à une citation à comparaître, à l'article 6 bis, aurait été une double peine pour des familles déjà en grande difficulté ; le stage de responsabilité parentale est un bon compromis.

Je crains que l'audience unique ne se généralise. Il faudra moins recourir à la détention provisoire car l'enfermement n'est pas une solution en soi. Parfois, il est même le début d'un parcours carcéral continu.

Monsieur le garde des Sceaux, lors de l'examen du projet de loi de finances, j'avais souhaité un vrai débat sur ce sujet fondamental. Je remercie la rapporteure : le débat a pu être mené.

Le groupe RDSE sera vigilant sur l'application de ce nouveau code et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Bien évidemment, nous regrettons de ne pas avoir réfléchi à un code plus global de la protection de l'enfance, comme nous y invite le Comité des experts des Nations Unies.

Demeurent des questions sur les choix de cette réforme de la justice des mineurs, souvent guidée par la recherche d'un gain de temps et d'argent.

Certes, on réaffirme les grands principes... à condition que cela n'ait pas d'impact sur la hauteur des piles de dossiers.

Certes, le budget de la justice a augmenté de 8 % en 2021, mais ces deniers publics sont principalement alloués à l'administration pénitentiaire (M. le ministre le conteste.) et non à la réduction de l'engorgement de la justice des mineurs.

Nous regrettons la tendance à calquer la justice des mineurs sur celle des majeurs. C'est le leitmotiv des derniers projets de loi : aller toujours plus vite, à effectifs réduits.

Sans moyens supplémentaires, la seule façon de juger plus vite est de rogner sur les principes : la primauté de l'éducatif sur le répressif et l'atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge.

Nous voulions une présomption irréfragable d'irresponsabilité pour les mineurs de 13 ans, et la restauration de l'admonestation ou remise à parent. Elle figure toujours dans le texte, mais disparaît dans les faits. À nos yeux, ce n'est pas un simple entretien, mais le premier niveau de sanction pénale d'un enfant. Pour certains, notiez-vous avec humour, monsieur le ministre, c'est parfois une liberté que de ne pas être remis à ses parents...

Autre regret, que le Sénat n'ait pas obtenu satisfaction sur la spécialisation des juridictions.

Le groupe CRCE ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ah ! Les joies de la discussion générale après une CMP conclusive !

L'accord en CMP est un double succès : députés et sénateurs sont tombés d'accord sur le nouveau code de justice pénale des mineurs ; les membres de la CMP ont accepté, à l'initiative du Sénat, le report de l'entrée en vigueur de la réforme. Il y a quelques mois, Marie-Suzanne Le Quéau, présidente de la Conférence des procureurs généraux, rappelait au Premier ministre qu'un refus aurait été un non-sens : ni les magistrats ni les moyens informatiques n'étaient prêts. Le ralliement est tardif mais heureux.

Nous regrettons cependant l'absence de deux apports du Sénat. D'abord, nous voulions confier la décision de placement en détention provisoire à un juge des enfants distinct, le JLD n'étant pas spécialisé dans le droit pénal des mineurs.

Nous nous étions aussi opposés à ce que le tribunal de police juge les mineurs pour les contraventions des quatre premières classes, car certaines, comme les violences volontaires sans interruption totale de travail, nécessitaient une réponse éducative. Le député Jean Terlier estime le nombre de ces affaires à 5 000 par an. La création de 45 postes de juges des enfants dans le budget 2020 ne suffit pas à les absorber, pas plus que les « sucres rapides » chers à la Chancellerie...

Nous nous félicitions en revanche du maintien de plusieurs ajouts du Sénat : interdiction du recours à la visioconférence pour les audiences préliminaires et inscription de notre définition du discernement - nous en sommes des experts ! - dans le code, ainsi que la numérisation du dossier unique de personnalité qui facilitera la transmission des informations.

Le nouveau code réaffirme le principe de spécialisation de la justice pénale des mineurs.

Parfois qualifiée de serpent de mer, cette réforme va enfin aboutir. La mission d'information du Sénat sur la réinsertion des mineurs enfermés, conduite par Catherine Troendlé et Michel Amiel, y a contribué.

Le groupe Les Républicains votera ce texte et appelle de ses voeux la réussite de cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

a bis) Au deuxième alinéa, le mot : « obtenir » est remplacé par les mots : « doit recueillir » ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est un amendement rédactionnel de coordination syntaxique.

ARTICLE 11

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les références :

, 9° et 10°

par la référence :

et 9°

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Rédactionnel.

Mme la présidente.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 17 février 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 22 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication