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Table des matières



Modifications de l'ordre du jour

Accord en CMP

Code mondial antidopage (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports

Mme Elsa Schalck, rapporteure de la commission des finances

M. Jean-Pierre Decool

M. Thomas Dossus

M. Didier Rambaud

M. Bernard Fialaire

M. Jérémy Bacchi

M. Claude Kern

M. Jean-Jacques Lozach

M. Michel Savin

Discussion de l'article unique

Rappel au Règlement

Mme Nathalie Goulet

Ratification d'ordonnances pour faire face à la covid-19 (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

M. Bernard Delcros, rapporteur de la commission des finances

M. Paul Toussaint Parigi

M. Bernard Buis

M. Jean-Claude Requier

M. Pascal Savoldelli

M. Thierry Cozic

M. Stéphane Sautarel

M. Pierre Médevielle

Mme Sylvie Vermeillet

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 bis

Réforme du courtage (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Christian Bilhac

M. Éric Bocquet

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Isabelle Briquet

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Paul Toussaint Parigi

M. Vincent Segouin

M. Marc Laménie

Discussion de l'article unique

Renouvellement des conseils départementaux et régionaux (Conclusions de la CMP)

M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Mme Cécile Cukierman

M. Arnaud de Belenet

M. Éric Kerrouche

M. Jean Louis Masson

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

Mme Guylène Pantel

Mme Agnès Canayer

Code de la justice pénale des mineurs (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Dominique Vérien

M. Jean-Pierre Sueur

M. Alain Marc

Mme Esther Benbassa

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Raymond Hugonet

Discussion des articles

ARTICLE 7

ARTICLE 11

Annexes

Ordre du jour du mercredi 17 février 2021




SÉANCE

du mardi 16 février 2021

62e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Modifications de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 15 février 2021, le Gouvernement demande que la suite de l'examen de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification soit inscrite à l'ordre du jour du jeudi 18 février, matin et, éventuellement, à la suite des textes préalablement inscrits de l'après-midi et du soir.

En conséquence, l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires sur projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux et sur le projet de loi relatif au code de la justice pénale des mineurs est avancé à ce soir.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Code mondial antidopage (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à prendre les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage.

Discussion générale

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports .  - Les conduites dopantes sont un fléau menaçant l'intégrité de nos compétitions et la santé de nos sportifs, de haut niveau comme amateurs. Elles faussent les performances et portent atteinte à l'esprit de loyauté et d'équité propres au sport.

Je salue la décision du 17 décembre 2020 du tribunal arbitral du sport qui, grâce au travail conduit par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pendant quatre ans, a reconnu la responsabilité des autorités russes dans la dissimulation de cas positifs et l'organisation d'un programme de dopage de 2011 à 2015.

La crédibilité et la loyauté des compétitions passent par des sanctions exemplaires. La lutte antidopage est l'affaire de tous : sportifs, ministère chargé des sports désormais en lien avec l'Éducation nationale, fédérations, AMA et Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), corps médical, communauté scientifique, médias, sponsors, public amateur.

Dès mon arrivée en 2018, j'ai placé l'éthique au coeur de nos priorités, tant pour le sport de haut niveau qu'amateur. Avec Jean-Michel Blanquer, nous menons une politique volontariste de sensibilisation et d'accompagnement des fédérations dans la prévention et l'élaboration d'une stratégie antidopage, avec les moyens humains et financiers nécessaires.

Durant ma carrière de nageuse de haut niveau, j'ai manqué d'informations sur les produits dopants, et je partage la détermination du président de l'AMA, Witold Ba?ka, lui-même ancien sportif, dans ce domaine.

Le plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes pour la période 2020-2024 et le guide d'accompagnement des fédérations sportives ont pour but de développer une culture commune de vigilance contre le dopage. Je présiderai le 23 février le comité de pilotage de la mise en oeuvre de ce plan.

L'État prend aussi des engagements financiers. En 2021, 12 millions d'euros sont destinés aux opérateurs : 1 million d'euros au titre de la contribution de la France à l'AMA, et 11 millions d'euros de dotation pour l'AFLD, pour financer des recrutements visant à porter le nombre de contrôles de 7 000 en 2020 à 10 000 en 2021. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 doivent être une occasion de changer la place du sport dans notre société, de l'inscrire dans notre quotidien et de véhiculer les valeurs d'un sport propre, loyal et digne.

Le nouveau code mondial antidopage (CMA) a été adopté en novembre 2019 en Pologne. C'est la ratification en 2007 par la France de la Convention internationale contre le dopage, adoptée en 2005 sous l'égide de l'Unesco, qui lui donne une force contraignante. C'est la raison d'être de ce projet de loi de transposition, déposé à l'Assemblée nationale le 19 février 2020, qui n'a pu être examiné plus tôt en raison de la pandémie.

Le 7 décembre, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité son article unique. J'aurais souhaité un débat de fond mais, hélas, la crise sanitaire m'a contrainte à procéder par ordonnances.

J'ai écouté vos préoccupations, vos inquiétudes et échangé avec votre commission de la culture. Nous allons considérablement renforcer les prérogatives d'enquête de l'AFLD : ses enquêteurs pourront utiliser une identité d'emprunt, se rendre dans des locaux professionnels, se faire communiquer les documents qu'ils jugent nécessaires à l'enquête et entendre les personnes qu'ils souhaitent. Le travail fut long et minutieux, pour maintenir l'équilibre avec les libertés individuelles et la présomption d'innocence.

Second point d'inquiétude, le transfert du laboratoire d'analyses de Châtenay-Malabry vers l'UFR de pharmacie du campus d'excellence de Paris-Saclay est prévu pour 2022. Grâce au Sénat, nous avons accéléré la collaboration avec l'université. Un comité de pilotage se réunira chaque mois pour faire le point sur l'avancée de la réforme et élaborera le modèle économique du laboratoire à travers son fonctionnement courant, ses capacités d'investissement et la gestion de ses fonctions support. Dès 2022, le ministère des Sports apportera des ressources à l'université d'accueil pour financer les analyses et le matériel. Une convention pluriannuelle apportera toutes les garanties nécessaires.

Je sais que la lutte contre le dopage ne saurait tolérer de polémique partisane. (M. Michel Savin approuve.) J'ai transmis le texte de l'ordonnance, qui a recueilli l'accord de l'AFLD et de l'AMA, à la commission de la culture. J'envisage de le transmettre au Conseil d'État au plus vite pour que l'ordonnance définitive soit prête avant la fin mars, la date limite fixée par l'AMA étant le 12 avril.

Je remercie la rapporteure pour son travail essentiel. (M. Claude Kern approuve.) Je compte sur vous pour adopter conforme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Elsa Schalck, rapporteure de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission) Ce projet de loi d'habilitation, très technique, modifie plusieurs dizaines d'articles du code du sport pour les mettre en conformité avec le nouveau code mondial antidopage, adopté à l'automne 2019.

Mais ses principes et objectifs sont simples : renforcer l'éthique du sport. Comment garantir l'équité des chances, identifier, juger et sanctionner les abus ? Comment protéger la santé des sportifs et bien les informer ? Comment aider les sportifs à lutter contre les tentations, dissuader les tentateurs et développer une culture de la prévention ?

Nous partageons totalement votre objectif d'adapter au plus vite le nouveau CMA. Le dopage est un fléau qui doit être combattu car il nuit aux valeurs du sport. La France a aussi un devoir d'exemplarité dans la perspective l'organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Mais le Parlement est une nouvelle fois privé de la possibilité de débattre au fond d'un texte d'habilitation.

Le Sénat n'est pas responsable du délai entre le dépôt et l'examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.) Doit-il pour autant l'adopter sans poser de question ?

Le délai du 12 avril n'est qu'une étape de la procédure de mise en conformité, nullement une épée de Damoclès qui justifierait que nous nous privions d'un débat.

Madame la ministre, je vous remercie pour la qualité de nos échanges : vous avez commencé à répondre à nos interrogations.

Notre premier sujet de préoccupation concerne le pouvoir d'enquête administrative de l'AFLD, qui demande depuis des années des pouvoirs d'enquête similaires à ceux de l'Autorité des marchés financiers (AMF), notamment un pouvoir de convocation et de sanction des contrevenants et le droit de recourir à des identités d'emprunt pour réaliser des « coups d'achat ». Ce dossier a, semble-t-il, bien avancé. Pouvez-vous nous préciser les pouvoirs d'enquête de l'AFLD tels que définis par l'ordonnance ?

Second sujet, le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry doit rejoindre l'université Paris-Saclay. Mais la présidente de cet établissement, que nous avons entendue, manque d'information sur le modèle économique, le budget prévisionnel et la prise en charge de la masse salariale du laboratoire, qui ne bénéficiera plus des fonctions support de l'AFLD. L'université n'a reçu, en outre, aucun accompagnement pour organiser le rattachement juridique du laboratoire.

Vos services ont mis en place un comité de pilotage.

M. Max Brisson.  - Il était temps !

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Mais celui-ci n'a encore jamais été réuni. Quelles garanties l'État est-il prêt à apporter ?

Le Sénat souhaite améliorer les projets de loi et non les ralentir à tout prix, mais nous voulons l'assurance que l'habilitation sera bien utilisée. Madame la ministre, notre vote dépendra de ces assurances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Pierre Decool .  - « Le sport est dépassement de soi, le sport est école de vie », disait Aimé Jacquet. Le sport est vecteur de valeurs, mais il est aussi crucial pour l'équilibre de vie et la santé. Des millions de Français sont licenciés en club : la vie associative est la plus belle école de la démocratie.

Souvent, politique et diplomatie se sont invitées dans des rencontres sportives internationales. Le sportif doit représenter un pays, une génération ; il doit être un symbole de lutte et de courage.

Le dopage, au contraire, est un poison à large spectre, à l'opposé de ces valeurs. La lutte contre le dopage doit être un combat de tous les instants, et c'est l'adaptation régulière du CMA qui la rend efficace.

J'associe à mes propos Dany Wattebled qui a mis en évidence, lors de l'examen du PLF, les effets de la crise sur les milieux sportifs et associatifs. Dans les Hauts-de-France, nous sommes sensibilisés à la pratique sportive animale, à travers la spécialité territoriale qu'est la colombophilie. Dans ce cadre, la lutte contre le dopage animal répond à des critères précis.

Ce projet de loi vise à adapter le code du sport au CMA. Mais le recours aux ordonnances est regrettable, malgré l'urgence. Je salue donc les demandes de précision de la commission. La France s'apprête à accueillir la Coupe du monde de rugby puis les Jeux olympiques et paralympiques : le dopage n'a pas sa place dans ce contexte.

Je salue aussi l'allongement de la liste de substances interdites et l'adaptabilité accrue des sanctions.

Je suis très attaché à l'indépendance des moyens de contrôle, mais aussi à l'indépendance du laboratoire antidopage. Il serait inacceptable de recourir à la sous-traitance pour les analyses, faute de moyens.

Il faut lutter pour un sport propre, fort du dépassement de soi, de l'effort, de l'esprit d'équipe et du courage.

La lutte antidopage est l'affaire de tous. Sans elle, le sport perdra son cap, qui est de rassembler, d'émouvoir, de faire vibrer, de vivre ensemble.

Le groupe INDEP votera ce projet de loi si les garanties demandées par le Sénat trouvent des réponses concrètes. (M. Claude Kern applaudit.)

M. Thomas Dossus .  - La France doit se mettre en conformité avec le nouveau CMA avant le 12 avril, faute de quoi elle se verrait interdire l'organisation d'événements internationaux sur son sol et la participation de ses athlètes à des compétitions sportives.

Pourquoi agir dans l'urgence alors que le processus de révision a commencé de 2017 et que le projet de loi d'habilitation a été déposé le 19 février 2020 ?

Ce nouveau CMA n'est pas une révolution, mais un ensemble d'améliorations techniques consensuelles : amélioration de la protection des lanceurs d'alerte, introduction d'une nouvelle catégorie d'utilisation de stupéfiants en contexte sportif, adaptation des sanctions.

Restent deux points qui ont alerté le Sénat. D'abord, nous souhaitons que l'AFLD ait des pouvoirs d'enquête administrative renforcés. Ensuite, le nouveau laboratoire antidopage doit être indépendant de l'AFLD pour éviter tout conflit d'intérêts ; or des interrogations subsistent sur le contexte économique et les moyens de fonctionnement du laboratoire.

Nous défendrons trois amendements pour inciter le ministère à lever tous les doutes.

Je sais, madame la ministre, que vous avez mené une importante concertation avec l'AFLD, l'université Paris-Saclay et la rapporteure.

Votre ordonnance prévoit de confier la prévention aux fédérations sportives. C'est louable mais assez déclaratif. On pourrait d'ailleurs faire le même reproche au CMA.

Produits dopants et stupéfiants ont de multiples similitudes, notamment au point de vue des addictions qu'ils provoquent. Le dopage est présent partout dans le sport, des amateurs aux sportifs de haut niveau. Dans ce contexte, le tout-répressif a ses limites. Il faut de la prévention, un véritable accompagnement sanitaire et une politique de sortie de l'addiction. 

Favorable aux avancées du CMA, le GEST votera ce projet de loi, une fois ses interrogations levées par la ministre.

M. Didier Rambaud .  - Au rugby comme en politique, un pack uni fait la force. Le XV de France l'a démontré dimanche face à l'Irlande, et le CMA, qui harmonise les règlements antidopage internationaux, en est aussi un symbole. Avec ses huit standards, il est nécessaire à la protection de l'éthique du sport. C'est un exemple rare de coopération internationale efficace entre le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique et les fédérations sportives : près de 700 organisations l'ont accepté.

Mais il n'a jamais été conçu comme un outil statique. Il a été révisé à deux reprises déjà en 2007 et 2013. Le nouveau CMA est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Or sa mise en oeuvre est bloquée en France car ses nouvelles dispositions n'ont pas été transposées en droit français.

Nous serons tous d'accord pour que la France respecte ses engagements internationaux. Dans le cas contraire, la France reposerait à des sanctions.

Le 11 janvier, la présidente de l'AFLD a reçu un courrier de l'AMA qualifiant sa situation de non-conformité de « critique » : c'est une mise en demeure d'agir avant le 12 avril 2021. Nous devons donc autoriser le Gouvernement à prendre les ordonnances nécessaires. Alors que nous nous apprêtons à organiser la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux en 2024, nous faire sanctionner serait une véritable honte ; de plus, la France doit poursuivre sa politique de lutte contre le dopage, notamment en améliorant la protection des lanceurs d'alerte.

C'est donc une mise à jour formelle mais aussi intellectuelle qui nous est demandée. Les fédérations sportives étaient dessaisies de la lutte antidopage ; ce projet de loi axe la politique de lutte sur la collaboration.

Alors qu'il constituait un département de l'AFLD depuis 2006, le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry doit prendre son indépendance administrative et opérationnelle pour éviter tout conflit d'intérêts. Son projet d'intégration dans l'université Paris-Saclay, prévu pour le 1er janvier 2022, est en bonne voie. Quant à l'AFLD, elle bénéficiera de prérogatives élargies et sera mieux armée pour lutter contre les pratiques dopantes.

Le Gouvernement a apporté les garanties demandées. Voter contre ce projet de loi retarderait la mise en conformité et rendrait légitimes les sanctions. C'est pourquoi le RDPI votera pour. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Fialaire .  - Avec le thème de la lutte contre le dopage, nous sommes loin du sport santé pour tous... Les disciplines sportives ont une dimension pédagogique à travers les règles du jeu ; elles développent le goût de l'effort et du dépassement de soi ; promeuvent le respect des règles et de l'arbitre ; l'esthétique de certaines embellit la vie.

Si une alimentation saine et une bonne hygiène de vie sont recommandées, attention à ne pas franchir les limites pour créer un humain augmenté par le dopage.

Le CMA, que la France reconnaît comme contraignant depuis sa ratification de la Convention internationale contre le dopage, a été conçu pour empêcher le franchissement de ces limites. La financiarisation de la société, la commercialisation du sport ont multiplié les abus. Dans ce contexte, l'AFLD doit bénéficier de moyens d'enquête efficaces.

La proximité de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux de Paris 2024 oblige la France à se doter de moyens de contrôle efficaces et indépendants. D'où les interrogations sur les pouvoirs d'enquête administrative de l'AFLD et les moyens assurés à Paris-Saclay pour financer des analyses indépendantes.

Je m'inquiète d'une décision américaine de novembre 2020, le Rodchenkov Act, qui autorise les autorités américaines à poursuivre toute personne impliquée dans un système international de dopage, quelle que soit sa nationalité.

Madame la ministre, aidez-nous à nager vers des eaux plus claires !

M. Jérémy Bacchi .  - « Plus vite, plus haut, plus fort », cette maxime du baron Pierre de Coubertin est un appel au dépassement de soi. Mais certains l'ont mal compris... Il ne s'agit pas que d'éthique, il s'agit aussi de santé publique. Depuis Arthur Linton en 1896, on ne compte plus les morts liés au dopage. Il convient d'aller aux sources, en promouvant les pratiques propres à tous les étages, et pas seulement au haut niveau.

La professionnalisation du sport a engendré des mutations. Qui aurait pu imaginer il y a cinquante ans que des athlètes auraient des pointes de vitesse à plus de 40 kilomètres heure, qu'un milieu de terrain pourrait courir plus de 15 kilomètres au cours d'un match de football ?

La pression de la performance s'exerce dès la prime jeunesse, avec l'augmentation des enjeux économiques, la médiatisation et la starification. Cela concerne tout d'abord le sport de haut niveau et ses structures employeuses, qui craignent la mauvaise performance.

Le dopage peut aussi être la marque d'une volonté de faire du sport une arme diplomatique.

Ce texte est bienvenu. Madame la ministre, vous avez souhaité un dialogue constant avec la représentation nationale mais il reste encore des zones de flou, notamment sur les missions et pouvoirs de l'AFLD.

Si l'on veut en faire le phare français de lutte contre le dopage, il faut lui donner des moyens d'enquête renforcés.

De nombreuses questions se posent autour du nouveau statut du laboratoire antidopage. Un an et demi après la réunion de l'AMA à Katowice, nous sommes toujours dans le flou...

Malgré ses limites, le groupe CRCE votera ce texte qui apporte de réelles avancées, notamment sur les lanceurs d'alerte. À cet égard, que peut faire la France pour soutenir Rui Pinto, à l'origine des football leaks au Portugal, qui ont aussi dévoilé des pratiques dopantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Claude Kern .  - Depuis l'adoption du premier CMA, en 2003, il a connu deux évolutions, en 2009 et 2015. Sa troisième version est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

Ce texte d'origine privée est sans application directe mais doit être appliqué par la France en tant que signataire de la Convention internationale contre le dopage du 19 octobre 2005, dont l'article 3 stipule que « les États parties s'engagent à prendre des mesures appropriées au niveau national et international conformes aux principes du CMA ».

Ce code harmonise les éléments de la lutte contre le dopage, protège le droit de participer à des activités sans dopage, promeut la santé et garantit l'équité et l'égalité dans le sport.

Or la France est en queue de peloton pour sa transposition. En tant qu'organisateurs de la Coupe du monde de rugby et des Jeux de 2024, nous ne pouvons nous le permettre.

Sur le fondement de l'alinéa 2, article 25 de la loi du 26 mars 2018 sur l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques, la France avait engagé une modernisation de sa politique de lutte contre le dopage. La procédure disciplinaire avait été modifiée par ordonnance.

Or nous voilà sommés de nous mettre d'urgence en conformité avec les principes du CMA et d'intégrer ses évolutions : création de nouvelles violations, possibilité de moduler davantage les sanctions, meilleure protection des lanceurs d'alerte, indépendance du laboratoire antidopage, facilitation du recueil d'informations par l'Agence et organisation de la coopération des acteurs.

Nous sommes donc invités à voter ce texte conforme, et je salue l'excellent travail de notre rapporteure Elsa Schalck.

Le dopage est un fléau qui gangrène sport professionnel et amateur. Il faut une nouvelle donne qui fédère les acteurs. Jusqu'à l'intervention de Mme la ministre, nous étions plutôt réservés, notamment sur les moyens du laboratoire antidopage et les pouvoirs de l'AFLD. En effet, son pouvoir de contrôle était limité aux prélèvements biologiques. Mais votre intervention, madame la ministre, nous rassure. Nous attendons que vous confirmiez cet engagement lors de l'examen des amendements.

Le groupe UC devrait donc, finalement, voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. Jean-Jacques Lozach .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'harmonisation internationale des règles de lutte contre le dopage est fondamentale : le système n'est respecté que si les règles sont les mêmes pour tous. À quoi servent un plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes, une politique de contrôle et de sanction si dans les compétitions internationales, nos adversaires enfreignent l'équité ? Le talent et le travail doivent rester les seuls moteurs de la performance.

La France figure parmi les pays leaders dans la lutte contre le dopage. Depuis la création du CMA en 2003, elle a toujours veillé à sa mise en oeuvre. La création de l'AMA a été une étape historique ; ses décisions sont parfois critiquées, mais elle doit être soutenue, notamment financièrement. Bien que 191 États aient adopté en 2005 la convention internationale qui la crée, elle ne dispose que d'un budget de 32 millions d'euros, à peine 5 %du budget du PSG...

Alors que nous avions mis notre droit en adéquation avec la première version du CMA par la loi du 5 avril 2006, et transposé par ordonnance les évolutions de 2010, 2015 et 2018, le retard français dans la transposition de sa dernière version, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, a conduit l'AMA à nous accorder un délai maximal de trois mois. Le sportif est soumis à de multiples contraintes de régulation, de localisation et de suivi longitudinal ; il ne comprendrait pas que s'y ajoutent des entraves administratives et institutionnelles.

Dans la perspective des prochains Jeux olympiques, la France s'est fixé des objectifs sur le nombre de médailles et le nombre de pratiquants : elle doit aussi se fixer des objectifs déontologiques et éducatifs.

La commission d'enquête du Sénat sur la lutte contre le dopage avait mis en évidence des évolutions inquiétantes : loi du silence, internationalisation des trafics, facilité d'accès aux produits dopants via internet, pressions politiques, difficultés de détection, protocoles très individualisés, paysage audiovisuel peu enclin à la prévention. À cet égard, les avancées sur l'éducation et la prévention, la coordination des acteurs, l'individualisation des sanctions, l'actualisation de la liste des produits, la protection des lanceurs d'alerte sont intéressantes.

Deux interrogations ont conduit la commission à proposer, le 3 février, le rejet du texte. D'abord, alors que le laboratoire antidopage doit rejoindre la faculté de pharmacie de l'université de Paris-Saclay au 1er novembre prochain, ce processus semble souffrir d'un manque d'ingénierie. Le laboratoire sera amené à facturer ses prestations, ses investissements étant soutenus par une subvention d'équilibre du ministère. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les garanties apportées ? La recherche et développement apparaît peu dans le projet d'ordonnance.

Deuxième point d'achoppement, l'insuffisance des capacités d'enquête administrative de l'AFLD. J'espère que les divergences entre la chancellerie et le ministère des Sports sur ce point seront aplanies.

Depuis la loi Herzog de 1965, qui faisait de la France le deuxième pays au monde à se doter d'une législation contre le dopage, après la Belgique, le Parlement a légiféré à de nombreuses reprises. La France doit conserver sa vision humaniste du sport ; rappelons que le passeport biologique et le suivi longitudinal ont été introduits par des amendements sénatoriaux.

La lutte antidopage progresse. La finalité est claire : l'éradication des substances prohibées. Depuis les Jeux olympiques antiques, les affaires et scandales ont été autant de révélateurs fracassants d'un système en difficulté avec la vérité : affaires Festina, Pistorius, Armstrong, dopage d'État aux Jeux olympiques de Sotchi, Juventus de Turin.

Les sportifs tricheurs profitent du manque de transparence et de coopération entre les pays concernés. La valorisation des sportifs repentis, véritables briseurs d'omerta, va dans le bon sens.

Le dopage est un enjeu de santé publique : il n'est pas lié à tel ou tel sport puisqu'il concerne l'homme face à la compétition. Ceux qui remettent en cause la légitimité de la lutte antidopage sont de moins en moins nombreux.

Le combat contre le dopage est un combat juste : nous devons en tirer les conséquences en donnant les moyens financiers et juridiques d'agir à tous les acteurs.

Sur les points sur lesquels nous attendions des éclaircissements et des garanties, nous prenons acte des avancées et sommes prêts à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je félicite notre rapporteure pour l'excellence de son travail. Merci également au président de la commission.

Ce texte, présenté comme une simple formalité, appelait des clarifications. Nous ne pouvons nous résoudre, bien entendu, à ce que nos athlètes soient interdits de compétitions à cause d'un manquement de la France dans la transposition du code mondial antidopage.

La coopération entre acteurs est centrale. Il faut donner aux fédérations les moyens de lutter contre le dopage. Nous serons intransigeants sur cette lutte de chaque instant. Renforcer les pouvoirs d'enquête de l'AFLD devrait lui permettre d'aller plus loin.

Lors des auditions, il a été dit que la France faisait partie des trois derniers pays à ne pas être en règle. Alors que nous organisons la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques en 2024, il est regrettable que le Gouvernement ait ainsi laissé traîner cette transposition.

Nous attendons des garanties sur deux points : les pouvoirs d'enquête administrative de l'AFLD et la gouvernance ainsi que les moyens du laboratoire antidopage intégré au sein de l'université Paris-Saclay. Celle-ci devra avoir des garanties sur la compensation de ses charges fixes, sur la pérennité de son financement et sur le régime de responsabilité du laboratoire, rattaché à la faculté de pharmacie tout en conservant son autonomie.

Vos propos, madame la ministre, nous ont rassurés.

La clarification du modèle économique entre l'État et l'université hôte du laboratoire est nécessaire et une convention signée entre toutes les parties serait bienvenue. Je me félicite néanmoins de la convocation du comité de pilotage qui ne s'était encore jamais réuni.

Le Sénat prendra ses responsabilités mais espère que le Gouvernement prendra les siennes. Nous le devons aux sportifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par MM. Kern, Savin, Lozach, Lafon et Longeot, Mme Lassarade, MM. Bourgi et Menonville, Mmes Férat et Vérien, MM. Houpert et de Nicolaÿ, Mme Herzog, MM. Burgoa et Regnard, Mme Demas, M. B. Fournier, Mme Perrot, M. Laugier, Mmes Saint-Pé, Ventalon et Muller-Bronn, MM. Canevet, Vogel, Haye, E. Blanc et Chatillon, Mme Dumont, MM. Pellevat, Wattebled et Levi, Mme Billon, MM. Bouchet, Folliot et Moga, Mme Artigalas, MM. Piednoir, Decool et Chauvet, Mme Lopez, MM. Reichardt, Brisson, Le Nay, Détraigne, Chasseing et Charon, Mmes Deroche, Di Folco et de La Provôté, MM. P. Martin, Dossus, Genet et Gremillet, Mme Gatel, M. Klinger, Mme Mélot, MM. Lagourgue et J.M Arnaud, Mme de Marco et M. Laménie.

I.  -  Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

applicable à compter du 1er janvier 2021

2° Après la deuxième occurrence du mot :

dopage

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

en facilitant :

II.  -  Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le recueil d'informations par l'Agence française de lutte contre le dopage, notamment à travers des capacités d'enquête administrative, telles qu'un pouvoir de convocation et d'audition, l'usage d'une identité d'emprunt par voie électronique, un droit de communication de pièces et documents et un pouvoir de visite de locaux sportifs et professionnels ainsi que, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de tout autre lieu ;

2° La coopération entre les acteurs de cette lutte.

M. Claude Kern.  - Cet amendement détaille les pouvoirs d'enquête administrative à confier à l'AFLD pour qu'elle exerce ses missions nouvelles prévues par le CMA, notamment un pouvoir de convocation et d'audition et la possibilité d'utiliser une identité d'emprunt sur internet.

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Sagesse en attendant la confirmation par la ministre que cela figurera bien dans l'ordonnance.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Je me réjouis de cette volonté partagée que notre agence antidopage soit dotée de pouvoirs d'enquête.

Ceux que nous avons prévus dans le projet d'ordonnance que vous avez pu consulter seront inédits à l'international. Les deux pouvoirs que vous visez y figurent.

L'article 25, aujourd'hui examiné par l'Assemblée nationale, établit une relation différente entre l'État et les fédérations sportives qui permet à ces dernières d'être totalement engagées dans la prévention du dopage.

Je vous invite à retirer votre amendement.

M. Claude Kern.  - Merci pour ces précisions. J'espère que votre projet d'ordonnance sera validé par le Conseil d'État

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Lozach, Savin, Kern et Todeschini, Mmes Herzog et Artigalas, MM. Houpert, Bourgi, Burgoa, Magner, B. Fournier et Pellevat, Mmes Meunier et Bonnefoy, MM. Roux, Michau et Lefèvre, Mme N. Delattre, M. Stanzione, Mme Lassarade, MM. Longeot, Montaugé, P. Joly, Grosperrin et Belin, Mme Dumas, MM. Decool, Piednoir, Redon-Sarrazy, Antiste et Bouchet, Mme Billon, MM. Cigolotti, Gold, Brisson, Vaugrenard et Guérini, Mme Berthet, MM. Le Nay, Détraigne et Chasseing, Mme Lepage, MM. P. Martin et Dossus, Mme Jasmin, M. Devinaz, Mme Gosselin, MM. Genet et Gremillet, Mmes Gatel et Mélot, M. Lagourgue et Mme de Marco.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

six

par le mot :

trois

M. Jean-Jacques Lozach.  - Nous proposons de réduire le délai de six à trois mois afin que la France se mette le plus rapidement possible en conformité avec le code mondial antidopage.

Le projet d'ordonnance étant déjà rédigé à 90 %, il est essentiel que le Gouvernement expose à la représentation nationale les différentes étapes de l'adoption de la future ordonnance.

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Sagesse : madame la ministre pourra là encore apporter des précisions.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - J'apprécie le coaching intense que vous nous prodiguez, après celui de l'Assemblée nationale. Nous sommes prêts à 99 %. Je vous prie de retirer cet amendement qui retarderait le processus législatif.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Soit.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Kern, Lozach, Lafon, Piednoir, Brisson, Grosperrin et Hugonet, Mme L. Darcos, M. D. Laurent, Mme Puissat, MM. Menonville, Paccaud, Belin, Laugier et Mouiller, Mme Joseph, M. Decool, Mme Belrhiti, MM. Cuypers, Pellevat et Bascher, Mmes Bourrat, Borchio Fontimp et Férat, MM. P. Martin et B. Fournier, Mmes Demas et Eustache-Brinio, M. Guerriau, Mmes Harribey et Dumont, MM. Chatillon et Lefèvre, Mmes M. Mercier, Deromedi, Ventalon et Lassarade, MM. Moga et Bouchet, Mmes Artigalas, Garnier et Imbert, MM. Pointereau, Reichardt, Détraigne, Chasseing, Charon, Wattebled, de Nicolaÿ et Duffourg, Mmes de La Provôté, Chauvin et Deroche, MM. Le Gleut et Laménie, Mmes Berthet et Primas, MM. Dossus, Genet et Gremillet, Mmes Gatel et Mélot et M. Lagourgue.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le statut du laboratoire antidopage mentionné au I est défini par une convention signée entre l'État et l'organisme d'accueil. Cette convention détermine notamment le modèle économique du laboratoire et les moyens qui lui sont nécessaires pour exercer ses missions.

M. Michel Savin.  - Si cet amendement était adopté, cela occasionnerait un retard considérable. Tout dépend de votre réponse, madame la ministre (Sourires), votre responsabilité n'est pas mince. Il s'agit de garantir des moyens suffisants au laboratoire, notamment pour investir dans des équipements de pointe afin que la France redevienne le leader mondial de la lutte antidopage.

Si votre réponse est positive, je le retirerai.

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Sagesse, en attente de la réponse de Mme la ministre.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Nous avons pris langue avec l'université. Dès 2019, j'ai demandé à l'inspection générale des sports d'étudier le meilleur moyen de séparer le siège de l'AFLD du laboratoire. Nous avons établi un agenda financier avec la nouvelle présidente de l'université Paris-Saclay et sa faculté de pharmacie pour que le laboratoire ne manque de rien. Il y aura une budgétisation pluriannuelle, un soutien aux fonctions supports et aux investissements. Retrait ?

M. Michel Savin.  - Soit. Madame la ministre, pourrez-vous nous faire un état des lieux de l'avancée du dossier d'ici quelques mois ? (Mme la ministre le confirme.)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

L'article unique étant adopté, le projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements sur toutes les travées)

La séance est suspendue quelques instants.

Rappel au Règlement

Mme Nathalie Goulet .  - Mon rappel au Règlement s'appuie sur l'article 29 de notre Règlement.

Nous notons un recours accru à des cabinets d'avocats pour rédiger la loi et à des cabinets de conseils pour accompagner le Gouvernement, notamment sur la gestion de la dette.

Cette confusion entre public et privé est regrettable et affaiblit le Parlement. Nous devrions en débattre.

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

Ratification d'ordonnances pour faire face à la covid-19 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

Discussion générale

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Ce projet de loi ratifie quatre ordonnances prises pour faire face à l'épidémie sur le fondement de la loi du 23 mars 2020.

Vous vous souvenez tous du contexte d'alors : un virus inconnu avait mis notre pays, notre planète, à l'arrêt. Alors députée, j'avais pu admirer l'agilité à toute épreuve de notre administration. Grâce à elle, mais aussi aux travaux des parlementaires, notre économie a tenu, un an après -  il est des anniversaires plus joyeux.

Il vous est demandé de ratifier le cadre juridique du fonds de solidarité, doté de 12 milliards d'euros en 2020, qui a permis à près de deux millions d'entreprises de garder la tête hors de l'eau.

Il vous est également proposé de ratifier l'ordonnance relative à l'octroi d'avances en compte courant par les organismes de placement collectif (OPC) de capital investissement. Ces fonds ont ainsi pu dépasser le plafond légal des avances qu'ils peuvent consentir aux entreprises dont ils sont actionnaires, en complément des moyens publics.

L'ordonnance sur la commande publique permet aux entreprises en redressement judiciaire de soumissionner aux marchés publics et ouvre aux PME un accès privilégié aux marchés publics globaux en fixant à 10 % la part d'exécution minimale qui sera confiée par le soumissionnaire à des PME. Ces deux mesures, qui figurent dans la loi ASAP, traduisent notre engagement pour le tissu économique de proximité. La commande publique doit être un accélérateur de la relance. Jusqu'au 31 décembre 2023, l'appréciation de la capacité économique et financière des soumissionnaires ne pourra porter sur la période de la pandémie : les dérèglements de la période sont le fait du virus et non du chef d'entreprise.

J'en arrive à l'article 3 qui ratifie l'ordonnance portant réorganisation de notre banque publique d'investissement, Bpifrance. L'ordonnance a pour but de donner à l'établissement de crédits une solvabilité supplémentaire pour qu'il puisse jouer pleinement son rôle au bénéfice du financement des entreprises. Sans cette opération, le lancement d'un prêt vert de 1,5 milliard d'euros d'investissements pour les entreprises dans leur transition écologique et énergétique aurait mis la banque sous tension prudentielle. En ratifiant l'ordonnance du 17 juin 2020, vous sécuriserez juridiquement le dispositif de Bpifrance et les marchés, qui reposent sur la confiance.

Tous, nous voulons aider nos entreprises dans ce contexte particulièrement difficile et les aider à aborder la reprise et la relance. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bernard Delcros, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce projet de loi ratifie plusieurs ordonnances prises dans le cadre de la première loi d'urgence. Elles portent sur le fonds de solidarité, la commande publique, les avances des fonds d'investissement et la réorganisation de Bpifrance.

L'article premier ratifie l'ordonnance du 10 juin 2020 sur le fonds de solidarité. Son soutien aux PME a été vital : 15 milliards d'euros accordés à deux millions d'entreprises. Les prêts garantis par l'État (PGE), l'activité partielle et les exonérations de cotisations sociales sont des leviers essentiels pour sauver l'économie et l'emploi. Avec les PGE, 132 milliards d'euros de prêts ont été accordés par les banques. Si ce dispositif n'a aucun impact sur l'État pour le moment, le risque de défaut de prêt serait de 3 à 7 %, soit un coût de 5 à 10 milliards.

L'activité partielle a préservé l'emploi : 28 milliards d'euros pour huit millions de salariés. Les exonérations de charges patronales s'élèvent à 4 milliards d'euros en 2020.

Ces mesures étaient nécessaires et ont prouvé leur efficacité. Des questions demeurent néanmoins : les entreprises pourront-elles rembourser leur dette Covid ?

L'article 2 ratifie l'ordonnance du 17 juin 2020 sur la commande publique : les entreprises faisant l'objet d'un redressement judiciaire pourront se porter candidates aux marchés publics ; les PME se verront réserver 10 % des commandes publiques ; la baisse du chiffre d'affaires due à la crise sanitaire ne sera pas prise en compte par les acheteurs publics. Ces mesures permettront aux acheteurs publics, en particulier aux collectivités locales, de soutenir les entreprises et l'emploi dans les territoires.

L'article 4 ratifie l'ordonnance du 17 juin 2020 sur l'octroi d'avances en compte courant aux entreprises en difficulté par divers véhicules de capital investissement.

J'en arrive à l'article 3 qui concentre toute l'attention : il ratifie l'ordonnance de réorganisation de Bpifrance, qui justifierait à elle seule ce projet de loi. Il convient en effet de sécuriser juridiquement ce dispositif car l'ampleur de l'ordonnance est plus large que le champ de l'habilitation de mars. En outre, notre validation rassurera les investisseurs et la Banque centrale européenne.

Depuis sa création en 2012, la structure reposait sur une société holding, Bpifrance SA, chapeautant trois entités principales : Bpifrance financement, établissement de crédit, Bpifrance participations, entité intervenant en fonds propres, et Bpifrance assurance export.

La réorganisation consiste en une fusion-absorption de Bpifrance SA par l'établissement de crédit Bpifrance financement, qui devient la société de tête. Cela permettra de multiplier les fonds propres de la structure par cinq et de simplifier son organisation et sa gouvernance. La commission des finances approuve cette réorganisation.

Toutefois, les modalités retenues par le Gouvernement emportent plusieurs conséquences : jusqu'à présent, la société de tête était intégralement publique, partagé par moitié entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations. La filiale Bpifrance financement était, quant à elle, détenue à 91 % par la société de tête et à 9 % par des investisseurs privés, essentiellement des banques françaises. L'absorption par Bpifrance financement de la société de tête se traduit par une modification des conditions de détention : 98,6 % du capital est détenu à parité par l'État et la Caisse des dépôts, et 1,4 % par des investisseurs privés. L'ordonnance de juin fixait un plancher de 95 % à la détention publique. Ce taux a permis de préserver une certaine souplesse alors que les valorisations respectives des deux entités fusionnées n'étaient pas définitivement arrêtées. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'intérêt de sécuriser un haut niveau de détention publique ?

La seconde conséquence concerne les effets de la réorganisation sur les comptes publics. L'opération permet en effet de sortir Bpifrance du périmètre des administrations publiques prises en compte pour la dette au sens de Maastricht.

Enfin, les fonds de garantie dédiés aux prêts aux PME sont abondés depuis plusieurs années par des redéploiements de crédits et par des recyclages de dividendes. La fusion pourrait aboutir à contredire le principe d'annualité budgétaire. Mon amendement prévoit d'informer le Parlement sur le financement de ces garanties.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose d'adopter ce projet de loi. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. Paul Toussaint Parigi .  - (M. Daniel Salmon applaudit.) Nous devons être vigilants sur l'usage excessif des ordonnances, qui affaiblissent la démocratie et le rôle du législateur.

L'urgence ne doit pas empêcher le contrôle démocratique par la représentation nationale, ni faire dériver le régime sanitaire vers un régime d'ordonnances.

De nombreuses dispositions, prises dans le cadre de la lutte contre le Covid, auraient déjà dû être ratifiées. Plus que jamais, en cette période où l'urgence devient permanente, il est nécessaire de renforcer la relation de confiance entre représentants et représentés, et de ne point fouler aux pieds le dialogue et la concertation.

Est-il nécessaire de rappeler que concertation et débat démocratique ne sont pas contradictoires avec une décision ordonnée ?

Si la création du fonds de solidarité était nécessaire, il faudrait aussi le prolonger compte tenu de la situation sanitaire.

Mais les conditions d'éligibilité, certes élargies à l'automne, ont perdu en clarté et en visibilité. Il faudrait territorialiser le dispositif pour mieux accompagner les entreprises et prendre en charge des situations non prévues.

De nombreuses collectivités territoriales ont distribué des aides spécifiques aux entreprises.

Nous saluons le report d'un an des premiers remboursements du PGE. Mais, face à une dette alourdie, quid du remboursement par les entreprises en difficulté ? Il faudrait pérenniser le critère d'accès des PME à la commande publique et lui adjoindre des critères sociaux et écologiques.

Je terminerai par la réorganisation de la BPI dont le renforcement des moyens d'investissement pour les entreprises est un motif de satisfaction puisque le groupe doit distribuer près de 2,5 milliards d'euros de prêts verts destinés aux PME et ETI afin qu'elles réalisent des économies d'énergie.

J'appelle le Gouvernement à prendre en compte la spécificité de la Corse dans la crise, en raison de l'insularité.

Le GEST votera ce projet de loi que la menace d'un troisième confinement justifie d'autant plus.

M. Bernard Buis .  - (M. Didier Rambaud applaudit.) Un an après la promulgation de la loi d'état d'urgence sanitaire, ce projet de loi est l'occasion de prendre un peu de recul sur cette situation exceptionnelle, qui nous a conduits à confier au Gouvernement le pouvoir de légiférer par ordonnance.

Le 12 mars était décidée la fermeture des établissements scolaires, le 14 mars celle de tous les lieux publics non essentiels, et le 17 mars à midi nous étions en confinement total : la France entrait alors dans une longue période d'incertitudes...

Dès le 18 mars, le projet de loi d'état d'urgence sanitaire était déposé au Sénat tandis que l'Assemblée nationale examinait le premier projet de loi de finances rectificative, ce dernier étant adopté définitivement le 20 mars.

Le 23 mars, les deux lois étaient promulguées. Je rends hommage à la célérité des services de l'État et du Parlement qui ont travaillé nuit et jour.

Durant les trois premiers mois, 62 ordonnances ont été prises pour soutenir les entreprises, les collectivités territoriales et l'ensemble des Français. Ce projet de loi en ratifie quatre. La première est celle du 10 juin sur le fonds de solidarité qui a permis de soutenir deux millions d'entreprises grâce à 12 milliards d'euros. Dans la Drôme, 120 millions ont été distribués à 17 215 entreprises. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a élargi la ratification aux autres ordonnances portant sur le fonds de solidarité.

La deuxième ordonnance assouplit les conditions d'accès des PME à la commande publique. La troisième a réorganisé Bpifrance pour lui permettre d'octroyer davantage de prêts aux entreprises. La quatrième permet d'octroyer plus d'avances par des sociétés de capital-investissement aux entreprises en difficulté en raison de la crise.

Nous nous réjouissons de ratifier ces ordonnances pour en sécuriser les dispositifs. Nous nous félicitons aussi de l'ampleur de la réponse du Gouvernement pour faire face à la crise.

Le groupe RDPI votera ce texte. (MM. François Patriat et Didier Rambaud applaudissent.)

M. Jean-Claude Requier .  - Ce projet de loi ne devrait pas susciter de passions, même si son objet est crucial. Plus d'une centaine d'ordonnances ont été adoptées l'an dernier, dont 62 sur le fondement de la loi d'état d'urgence sanitaire.

Le recours aux ordonnances était important sous le précédent quinquennat, avec l'état d'urgence lié aux attentats terroristes et la crise des frondeurs.

Le Gouvernement Philippe y a eu également recours, pour la réforme du code du travail de 2017-2018 notamment.

Une marche supplémentaire a été franchie l'année dernière. Les ordonnances seront-elles toutes ratifiées ? Quelles sont les marges réelles de manoeuvre des parlementaires ?

Ce projet de loi avait été déposé en juillet dernier. Nous regrettons l'inscription tardive à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

La ratification de l'ordonnance relative au fonds de solidarité va de soi. La première ordonnance sur le sujet, celle du 25 mars 2020, avait été succincte ; il avait fallu attendre la publication du décret quelques jours plus tard pour connaître le détail du fonctionnement de ce fonds.

L'article 2 sur la commande publique ne pose pas non plus de problème : des mesures exceptionnelles ont ainsi pu être prises pour faire face à l'arrêt des chantiers lors du premier confinement.

L'article 3 ratifie l'ordonnance du 17 juin sur Bpifrance, avec la fusion de la SA Bpifrance et de sa filiale Bpifrance financement. Le nouvel ensemble disposera de fonds propres plus importants, avec cependant une participation publique qui reste très majoritaire. La dette de Bpifrance sera néanmoins sortie de celle des administrations publiques au sens de Maastricht.

La dernière ordonnance concerne les octrois d'avances en compte courant aux entreprises en difficulté.

L'Assemblée nationale a adopté ce projet de loi en apportant des améliorations, notamment sur trois ordonnances relatives au fonds de solidarité. Le groupe RDSE votera ce texte. (M. Bernard Fialaire applaudit.)

M. Pascal Savoldelli .  - Le recours abusif aux ordonnances contourne le débat parlementaire.

Le Gouvernement a décidé de régler la crise sanitaire par ordonnance : 62 ont été prises ; vous nous en soumettez quatre ; quid des 58 autres ? (Sourires)

L'urgence peut justifier le recours à ce dispositif mais ces habilitations sont floues et larges. Vous réorganisez complètement Bpifrance alors que vous n'étiez autorisé qu'à « renforcer sa capacité à accorder des garanties ». Vous dépossédez Bpifance au profit d'acteurs privés. Les règles du débat parlementaire nous contraignent à valider cette décision stratégique : nous saurons nous en souvenir.

L'objectif de permettre à la Bpifrance d'accorder massivement des prêts aux entreprises est louable mais nous invite à beaucoup de prudence : 20 % des entreprises - 650 000 - se sont endettées à des taux d'intérêt supérieurs à 2 % alors que l'État emprunte à cinquante ans à - 0,14 % !

Les banques s'enrichissent pendant la crise avec la complicité de l'État qui garantit les prêts à 90 % ! Le risque de défaut pourrait atteindre 7 % des souscripteurs. Les banques pourraient réaliser 2 milliards d'euros de bénéfices tandis que l'État couvrira 8 milliards d'euros de pertes...

Les crédits de Bpifrance risquent d'échapper au contrôle du Parlement.

Pour faire face à la crise sanitaire, nous avons salué la création du fonds de solidarité. Pour autant, ce dispositif souffre encore d'une grande complexité. Les entreprises subissent les conséquences des incertitudes qui l'entourent. Dans mon département du Val-de-Marne, depuis le 11 février, 19,6 % des entrepreneurs individuels, soit 4 500 personnes, n'ont toujours pas touché le fonds de solidarité de décembre. En outre, un cinquième des entreprises en auraient bénéficié à tort.

Pour pallier les carences de personnel, vous devez recruter des contractuels du fisc pour récupérer 30 millions.

Notre amendement - jugé irrecevable - prévoyait une compensation de la perte du chiffre d'affaires, et non l'aide inéquitable de 1 500 euros.

Finissons-en avec le seuil qui exclut une entreprise n'ayant perdu « que » 49 % de son chiffre d'affaires !

Ce projet de loi comprend une partie des réponses à la crise. Si nos amendements sont retenus, nous voterons le texte ; sinon, le groupe CRCE s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Thierry Cozic .  - Ce projet de loi fait l'objet d'un consensus assez large. La situation de crise l'exige. Ce n'est jamais de gaieté de coeur que nous déléguons notre pouvoir à l'exécutif, mais l'urgence nous y contraint.

La première ordonnance prolonge le fonds de solidarité, outil incontournable pour soutenir notre tissu économique.

La deuxième comporte des dérogations temporaires au code de la commande publique pour soutenir les opérateurs économiques les plus fragilisés.

La troisième renforce la solidité financière de Bpifrance qui va jouer un rôle prépondérant dans le cadre du plan de relance. L'établissement a fusionné sa holding de tête et sa filiale Bpifrance financement ; le niveau des fonds propres et sa capacité de financement des entreprises en seront accrus. Mais nous ne sommes pas dupes des jeux d'écriture qui nuisent à la sincérité budgétaire et sont contraires au principe d'universalité. Je note qu'un amendement du rapporteur y remédie.

La quatrième ordonnance vise à répondre aux besoins de trésorerie des entreprises pendant la crise.

Dès l'élection présidentielle, puis avec la crise des gilets jaunes et désormais la crise sanitaire, on observe un recul des prérogatives du Parlement et une pratique gouvernementale visant à maintenir ce dernier à distance.

« La première raison de la servitude volontaire, c'est l'habitude », écrivait La Boétie. Cette habitude dans laquelle nous sommes plongés depuis un an, au rythme des « 20 heures » anxiogènes, annonçant couvre-feu, confinement, déconfinement, nouveau couvre-feu...

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Qu'auriez-vous fait ?

M. Thierry Cozic.  - La Ve République autorise le Président de la République à prendre des décisions unilatérales, décrétées être l'intérêt commun, mais qui ruinent la politique au sens de l'action publique, comme bien commun.

Je ne dis pas que le Gouvernement a failli, mais souligne que les grands absents du processus décisionnel sont les parlementaires, remplacés par un conseil de défense qui n'a aucune onction démocratique.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Comme nous tous !

M. Thierry Cozic.  - Le rapport sur la dette dite Covid a été confié à une commission extraparlementaire, et non à nos commissions des finances. Je m'étonne que le Gouvernement n'en ait pas directement chargé le cabinet McKinsey !

On essaie de nous convaincre qu'entre le Président de la République et le Rassemblement national, il n'y a pas d'alternative. Le présidentialisme est au régime présidentiel ce que l'intégrisme est aux religions, l'absolutisme aux monarchies, le sectarisme aux convictions. La République est aux mains du président. (Mme la secrétaire d'État s'exclame.)

Trop d'ordonnances tuent sans aucun doute la démocratie parlementaire. Inutile de nous renvoyer aux gouvernements Rocard : c'était il y a très longtemps et les circonstances étaient très différentes.

Les délais - dix mois après l'adoption du projet de loi d'habilitation - montrent que vous considérez le Parlement comme une caisse enregistreuse.

« Autant l'union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite », disait Ésope.

Parce que nous ne voulons pas de défaite pour la France, le groupe SER votera ce texte. (M. Julien Bargeton ironise.) Mais il faudra rapidement revenir à un fonctionnement du Parlement plus conforme à l'esprit de notre Constitution : le parlementarisme rationalisé n'est pas un parlementarisme au rabais. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La loi d'urgence économique du 23 mars 2020 a autorisé le Gouvernement à prendre des ordonnances pour faire face à la crise. Depuis, 62 ordonnances ont été publiées. Ce projet de loi nous propose d'en ratifier quatre.

L'article premier ratifie l'ordonnance relative au fonds de solidarité qui a permis de soutenir les PME et TPE à hauteur de 13 milliards d'euros.

L'article 2 ratifie l'ordonnance du 17 juin 2020 sur la commande publique, dont l'accès sera ouvert aux entreprises en redressement judiciaire : c'est une mesure de simplification bienvenue. Les PME de proximité auront un accès privilégié aux marchés publics, avec une part minimale de 10 % du marché, et ce jusqu'au 31 juillet 2021. Enfin, la baisse du chiffre d'affaires liée à l'épidémie ne pourra pas être prise en compte par les acheteurs publics.

L'article 3 ratifie l'ordonnance portant réorganisation de Bpifrance, qui permettra d'augmenter le volume de prêts accordés aux entreprises. Cette mesure avait été censurée par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif dans le cadre du projet de loi ASAP.

Enfin, l'article 4 ratifie l'ordonnance sur les avances en compte courant accordées aux entreprises en difficulté par les OPC de capital-investissement et les sociétés de capital-risque qui en sont actionnaires, en portant le plafond à 20 % de leur actif jusqu'en juin 2022. Un débat sur les quasi-fonds propres des entreprises et le recours aux prêts participatifs mériterait d'être engagé.

Les ordonnances vont dans le bon sens : le groupe Les Républicains votera le texte, conformément aux recommandations de notre commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Médevielle .  - Il y a un an, jour pour jour, les journaux annonçaient le premier décès de la covid en France. Personne n'aurait alors imaginé que nous aurions, un an après, à déplorer plus de 80 000 morts et une récession inédite depuis 1945.

Le 14 mars, moins d'un mois après, le premier confinement était décrété ; le 25 mars, une ordonnance créait le fonds de solidarité pour aider les petites entreprises face à la crise.

Le Parlement a permis au Gouvernement d'agir rapidement et efficacement, par voie d'ordonnances.

Loin de se résorber, la pandémie s'est installée, et nous devons adapter nos réponses à la crise sanitaire. Depuis la création du fonds de solidarité, les critères d'éligibilité, le niveau d'intervention, la durée n'ont cessé d'évoluer. Certes, les entreprises fermées demandent avant tout à rouvrir, mais tous saluent ce dispositif qui est monté en charge. Il faut poursuivre, notamment en étendant la prise en charge de certains coûts fixes, en fonction des secteurs.

L'article 2 s'inscrit dans cette même logique de soutien à l'économie de nos territoires, via le puissant levier qu'est la commande publique. Les assouplissements prévus sont pertinents ; le Sénat les avait déjà adoptés dans la loi ASAP. Ces mesures sont aujourd'hui plus salutaires que jamais.

Je soutiens l'objectif de renforcer les fonds propres de Bpifrance, jusqu'à atteindre une capacité de financement de 50 milliards d'euros d'ici 2024. Mais cette restructuration ne doit pas nous engager sur le chemin de la dette. Plus que jamais, le sort de nos finances publiques dépendra de la bonne santé de nos entreprises, qui ont contracté des prêts garantis par l'État, et du respect de nos engagements européens.

Le groupe INDEP votera ce texte, nouvelle pierre à l'édifice de la relance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette crise sanitaire est inédite, ses conséquences économiques considérables. Entre mars et juin 2020, 62 ordonnances ont été prises, notamment dans le domaine économique et financier. Les quatre qui nous sont soumises aujourd'hui sont particulièrement importantes.

La première est relative au fonds de solidarité, remodelé à plusieurs reprises depuis sa création. Au 16 février, il a soutenu deux millions d'entreprises, pour environ 15 milliards d'euros, dont plus de 6 200 entreprises dans le Jura.

La réponse de l'État a été rapide, diversifiée et massive, avec un large panel d'aides pour permettre aux entreprises de surmonter la crise et d'amorcer la reprise. Quid de l'éventuelle annulation des charges sociales et fiscales ?

Les agents de la DGFiP s'emploient à débloquer rapidement les aides, mais il faut aussi un contrôle rigoureux afin de traquer toute fraude. Nous nous réjouissons de l'équilibre trouvé entre efficacité économique et équité sociale.

La deuxième ordonnance assouplit opportunément les conditions d'accès à la commande publique, essentiellement au bénéfice des PME. Nous avions déjà voté ces dispositions dans la loi ASAP, et saluons, là encore, un pragmatisme profitable à tous.

La troisième ordonnance porte réorganisation de Bpifrance. C'est aussi un motif de satisfaction pour notre groupe. Comme l'a bien exposé notre rapporteur Bernard Delcros, dont je salue le travail, outre la simplification de l'organisation et de la gouvernance de Bpifrance, ses fonds propres seront multipliés par plus de cinq, passant de 4 à 25 milliards d'euros. Bpifrance pourra s'endetter dans des conditions favorables sans que cela soit pris en compte dans la dette des administrations publiques au sens de Maastricht.

La quatrième ordonnance facilite l'octroi aux entreprises en difficulté d'avances de trésorerie en compte courant. Nous approuvons aussi cette mesure.

Le groupe UC se réjouit de pouvoir discuter du fond de ces ordonnances : le Parlement ne doit pas être contourné au prétexte de l'urgence. Nous espérons que cette démarche sera poursuivie dans les semaines et mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, les mots : « d'au plus » sont remplacés par le mot : « de ».

M. Pascal Savoldelli.  - Chaque prolongation du fonds de solidarité devrait être de six mois minimum, afin de donner de la visibilité aux entreprises et aux associations. Elles ne peuvent pas être suspendues aux annonces sur les ondes : le 12 décembre, on fixe l'échéance au 31 décembre, le 8 février, on prolonge de deux mois... Vous parlez d'ajustements, j'y vois plutôt des tergiversations.

Le temps politique n'est pas celui du chef d'entreprise et du responsable associatif : la durée donne de la confiance.

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Demande de retrait ou avis défavorable, car l'amendement est inopérant. La loi de finances pour 2021 autorise le pouvoir réglementaire à proroger le fonds de solidarité, comme il vient de le faire, par le décret du 8 février, jusqu'au 30 juin. Si la pandémie l'obligeait à le prolonger encore, le Parlement serait consulté.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, même si je comprends le sens de cet amendement. Début novembre, dans le PLFR4, les parlementaires ont voté des crédits supérieurs aux besoins -  11 milliards d'euros - pour permettre le tuilage et éviter toute rupture de charge. Ce fonds évolue en fonction de la crise sanitaire. Le plus vite le virus disparaîtra, le plus vite nous pourrons retrouver un fonctionnement économique normal. Les entrepreneurs préfèrent de loin cela aux aides, c'est l'ancien chef d'entreprise que je suis qui vous le dit.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 3-1 de l'ordonnance n 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, il est inséré un article 3-... ainsi rédigé :

« Art. 3-....  -  Les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides du fonds de solidarité sont conditionnées par un nombre d'emplois équivalent au solde de l'année précédente. »

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement est cohérent avec notre position constante lors de l'examen des différentes lois de finances rectificatives. Il est encore temps de conditionner les aides au maintien des salariés dans l'emploi. Bruno Le Maire avait demandé aux grandes entreprises qui touchaient des aides publiques de ne pas verser de dividendes : lorsqu'elles l'ont fait, y a-t-il eu des sanctions ? Non. Pas davantage quand elles ont licencié.

C'est une question de responsabilité, et de justice. Quand on bénéficie de la solidarité nationale, on ne licencie pas !

Dans le Val-de-Marne, l'État a versé 336 millions d'euros à 40 000 entreprises ; si l'on excepte les autoentrepreneurs, c'est 176 millions d'euros qui ont été distribués à 17 000 entreprises. C'est beaucoup d'argent, surtout sans contrôle. Il faut des règles : on ne peut pas à la fois toucher l'argent public et provoquer du chômage partiel.

Les 2 163 licenciements au sein du ministère de l'Économie ont amputé sa capacité à réaliser les contrôles. Moins de 5 % des entreprises ont été contrôlées, et l'administration n'a récupéré que 3 des 30 millions d'euros usurpés au niveau national.

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Conditionner le bénéfice du fonds de solidarité au maintien de l'emploi instaure une rigidité qui risque de fragiliser et l'entreprise, et l'emploi. Le fonds de solidarité ne garantit pas l'activité. La survie de l'entreprise pourrait être conditionnée à sa capacité à ajuster ses effectifs à l'activité. Avec cet amendement, il lui faudrait reconduire les CDD arrivés à terme, mais il lui serait interdit de recruter. Avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Je vous reconnais le mérite de la cohérence, monsieur Savoldelli. Nous avons aussi la nôtre. Ce qui maintient l'activité et l'emploi, c'est avant tout la confiance. Le signal envoyé aux PME-TPE, qui représentent 99 % de l'emploi, serait désastreux : le non-recours aux aides, déjà très fort, s'envolerait.

M. Michel Canevet.  - Effectivement, il faut un maximum de souplesse. Bercy a fait diligence pour attribuer les aides et il faut l'en féliciter, même s'il est bien sûr légitime de lutter contre la fraude.

Sur les 750 000 dossiers déposés, 110 000 sont en attente, madame la ministre. Est-ce à cause des contrôles accrus ? Les entreprises, deux mois après avoir formulé leur demande, ont besoin de ce soutien pour faire face à leurs nombreux engagements.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Ce ne sont pas les contrôles qui entraînent ces files d'attente, mais les changements de modalités et de périmètre. J'ai demandé plus d'informations que je partagerai avec le Sénat. Je rappelle que l'aide est rétroactive.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1A de l'ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle privilégie la transformation de la dette des entreprises en quasi-fonds propres dans les secteurs industriels et stratégiques ».

Avec le retour à la normale, il n'y aura plus chômage partiel ni fonds de solidarité, mais nous ferons face à un mur de faillites et de destructions d'emplois.

Cet amendement renforce la participation de Bpifrance en quasi-fonds propres dans les PME-TPE stratégiques, pour enrayer la spirale de la dette privée. Au Gouvernement de fixer un cap, de dire quels sont les secteurs stratégiques pour la relance.

C'est un amendement d'appel mais important, face à un endettement privé vertigineux - 175 milliards d'euros, d'où un risque d'insolvabilité et d'effet boomerang sur la dette publique.

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Les PGE ont vocation à être remboursés - sauf les 5 à 10 milliards d'euros qui ne pourront l'être. Les prêts participatifs, distribués en mars et avril à hauteur de 20 milliards d'euros, devraient remédier au problème que vous identifiez. Avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Oui, 20 milliards d'euros de prêts participatifs et d'obligations subordonnées seront lancés prochainement pour renforcer les fonds propres des PME et ETI. Plusieurs instruments complémentaires existent : garantie en quasi-fonds propres, soutien à l'innovation, intervention en véritables fonds propres...

Je partage votre anticipation, monsieur le sénateur, même s'il ne faut pas toujours voir le pire. Le pessimisme est d'humeur, mais l'optimisme de volonté. En janvier, 96 % de l'activité économique a été maintenue. La cascade de faillites annoncées n'est pas certaine.

M. Jérôme Bascher.  - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Savoldelli. L'économie est totalement sous perfusion. C'est pourquoi, paradoxalement, il y a eu moins de défaillances en 2020 que les années précédentes. C'est logique, si vous fonctionnarisez tout le monde ! Mais les entreprises de la restauration, par exemple, ont mangé toute leur trésorerie. Il faudra recapitaliser...

La troisième ordonnance réorganise Bpifrance pour renforcer sa capacité de lever des fonds. Nous en aurons besoin, mais ce ne sera pas suffisant, pas plus que les prêts participatifs.

Je ne voterai pas cet amendement, car il ne fonctionne pas réellement, mais je m'abstiendrai.

M. Vincent Segouin.  - Moi aussi, je trouve cet amendement d'appel intéressant. Nous avons accordé des PGE à hauteur de 25 % du chiffre d'affaires, à rembourser sur cinq ans, or la moyenne de rentabilité des entreprises est de 2 % : cinq fois 2 %, ça fait 10 % du chiffre d'affaires, pas 25 %. Nous n'avons pas le choix, il faudra recapitaliser les entreprises. J'ai déjà interrogé Bruno Le Maire, sans obtenir de réponse. J'imagine que vous n'en avez pas non plus. (Mme la secrétaire d'État s'exclame.)

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 3° du I de l'article 6 de l'ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Contribuer et pérenniser les financements de longs termes dans les entreprises stratégiques afin de garantir la souveraineté sanitaire, technologique et s'inscrivant dans la transition écologique du pays. »

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement nous donne l'occasion de parler des orientations de Bpifrance. Pourquoi s'être retiré du capital dans certains secteurs, à commencer par celui de la recherche vaccinale ? Pourquoi avoir retiré 25 millions, 9 % de son capital ? C'est une question de stratégie, de souveraineté !

J'avais interrogé à ce sujet Agnès Pannier-Runacher qui a dû reconnaître que le vaccin Valneva allait être livré plus tard que les autres...

Nous devons avoir une maîtrise publique complète de Bpifrance pour assurer une vraie souveraineté et orienter les investissements, d'urgence et d'avenir. Il est naturel que les acteurs privés entrés au capital ne se soucient que de profitabilité. J'attends un avis de sagesse !

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Avis défavorable. Bpifrance intervient déjà en participation dans les entreprises, ses capacités vont être accrues par la fusion. Évitons d'ajouter des rigidités. L'amendement parle d'entreprises stratégiques - qu'entendons-nous par cela ? Il faut aussi pouvoir soutenir des entreprises non stratégiques mais innovantes.

Bpifrance et la Banque des territoires vont engager 40 milliards d'euros sur le plan Climat. Enfin, les investissements stratégiques sont au coeur de missions de l'Agence des participations de l'État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du deuxième alinéa du a du 1° de l'article 2 de l'ordonnance n°2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d'investissement, le taux : « 95 % » est remplacé par le taux : « 98,6 % ».

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement maintient une maîtrise publique de Bpifrance à 98,6 %, à défaut d'un taux de 100 %, qui aurait été irrecevable.

Luc Fayard le dit bien : « l'actionnaire est une personne morale amorale, affectée d'un trouble oculaire spécifique : dans des comptes financiers, elle ne peut lire que la ligne du bas, celle du résultat ».

Le résultat net de Bpifrance a été de 1,02 milliard d'euros en 2018 et de 1,36 milliard d'euros en 2017. Pourquoi s'en priver ?

L'État actionnaire doit jouer son rôle. C'est un paradoxe de laisser le privé faire irruption au capital de Bpifrance. Celle-ci n'a pas à financer les canards boiteux en laissant les activités les plus profitables aux acteurs privés.

Nous vous demandons de clarifier la doctrine d'investissements de cette entité et de l'APE et de sécuriser ses participations et leur rémunération, au seul profit de l'État.

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - La commission souhaite entendre le Gouvernement sur ce sujet.

Le seuil minimum de détention publique était fixé à 95 % avant la fusion ; il est aujourd'hui de 98,6 % ; est-il intéressant de le consolider à ce niveau ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage la préoccupation de M. Savoldelli de garantir à Bpifrance un contrôle et un actionnariat publics. Mais 95 % - État et Caisse des dépôts et consignations - est suffisant pour cela.

Notez que les modalités de composition du conseil d'administration et de nomination du directeur général ne changent pas !

Les actionnaires minoritaires privés étaient déjà au capital de Bpifrance financement. Cette présence est donc le fruit de l'histoire et elle a un sens, permettant un alignement d'intérêts avec les établissements de place ; elle est nécessaire du reste pour que ces banques et sociétés de financement privées puissent obtenir des garanties de prêts.

Avis défavorable.

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Avis défavorable, ces arguments sont convaincants.

À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°5 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°81 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption   80
Contre 239

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Delcros, au nom de la commission.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du 5° du I de l'article 179 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est complétée par les mots : « , ainsi que du niveau des financements dédiés aux fonds de garantie gérés par la société anonyme Bpifrance et de l'évolution des politiques relatives à ces garanties ».

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Cet amendement concerne les recyclages des dividendes et les redéploiements de crédits internes à Bpifrance. La pratique existe déjà mais elle contourne l'autorisation parlementaire, comme l'avait souligné la Cour des comptes en 2016.

Le Gouvernement doit rendre compte de l'effort financier global de l'État consenti pour les PME via des fonds publics.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Merci de cet amendement. Je partage sans réserve votre souci de la pérennité financière de l'activité de Bpifrance en matière de garantie de prêts. Je m'y suis penchée lorsque je siégeais à la commission des finances de l'Assemblée nationale, et aussi comme parlementaire membre du conseil d'administration de Bpifrance. Il faut améliorer l'information sur cette activité. Celle-ci a fait ses preuves et quelque 400 millions d'euros y sont consacrés dans la loi de finances pour 2021. Crédits budgétaires, reprises de provisions et recyclage des dividendes alimentent ce fonds, comme il est d'usage.

Il importe néanmoins que le Parlement puisse continuer à débattre de ces grands paramètres. L'activité de Bpifrance est décrite dans les projets annuels et les rapports annuels de performance ; mais le Gouvernement s'engage ici à créer un jaune budgétaire spécifique sur les relations entre Bpifrance et l'État.

Retrait au profit de cet engagement ferme.

M. Bernard Delcros, rapporteur.  - Vos garanties nous satisfont. L'information du Parlement est essentielle.

L'amendement n°8 est retiré.

L'article 4 est adopté.

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Réforme du courtage (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement.

Discussion générale

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Cette proposition de loi est une réforme attendue par les courtiers et les consommateurs. Nous en avons débattu lors de la loi Pacte. À l'initiative de MM. Bizet et Yung, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission spéciale, vous aviez adopté un amendement dont le contenu est repris ici. Présidente de la commission spéciale à l'Assemblée nationale, je l'avais soutenu, le Gouvernement également. Mais la disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel qui y avait vu un cavalier législatif.

Cette proposition de loi apporte des réponses pragmatiques pour pérenniser la confiance et protéger le consommateur. Les règles de courtage, renforcées ces dix dernières années, ne sont pas toujours respectées, faute de responsabilité de certains acteurs, mais aussi faute de contrôles. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) n'en réalise que 70 par an, alors qu'il y a 40 000 courtiers et mandataires en assurance et 30 000 en opérations de banque et services de paiement.

Les pratiques malhonnêtes existent ; on se souvient des garanties d'assurance construction placées chez des acteurs situés à Gibraltar : les faillites en cascade ont ensuite laissé les consommateurs sans protection.

Au niveau européen, on a progressé dans le contrôle des activités transfrontalières, mais en France, nous pouvons aussi améliorer le contrôle, notamment du démarchage téléphonique. La loi de juillet 2020 est une première étape contre le démarchage abusif et les escroqueries. Je déposerai un amendement pour aller plus loin.

Le métier de courtier doit s'organiser avec la création d'associations professionnelles agréées, vérifiant les conditions d'accès à l'activité et le bon exercice de celle-ci. Les associations assureront un suivi et un accompagnement de leurs membres. À ce jour, huit sont déjà prêtes à déposer un dossier d'agrément.

Les acteurs étrangers exerçant des activités en France au titre de la libre prestation de services ou du libre établissement n'ont pas l'obligation d'y adhérer... mais ils le peuvent. Ce sera un gage de sérieux pour les clients.

Les associations sont soumises à des règles d'indépendance et d'impartialité. Le délai de réponse de l'association ne devra pas excéder deux mois après le dépôt d'une demande d'adhésion. Un refus devra être motivé et pourra faire l'objet d'un recours devant les tribunaux. Le Gouvernement soutient cette proposition de loi, nécessaire à la pérennité de notre réseau de courtiers de proximité. Je souhaite une adoption rapide pour une mise en oeuvre au printemps 2022.

Nous faisons une réforme pour le courtage... mais pas pour le court terme ! Je l'avoue, ma formule me plaît beaucoup. (On rit de bon coeur.)

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi de Valéria Faure-Muntian a été adoptée par l'Assemblée nationale. M. de Montgolfier a travaillé sur ce texte comme rapporteur mais ne pouvait être des nôtres aujourd'hui.

Le texte reprend des amendements du Sénat présentés par les groupes LaREM et Les Républicains lors de la discussion de la loi Pacte. La disposition a été cependant censurée par le Conseil constitutionnel.

Il s'agit d'organiser les conditions d'accès à la profession de courtier en assurance, en opérations de banque et services de paiement, et de réguler l'exercice du métier.

Cette proposition de loi n'est pas révolutionnaire mais constitue un premier pas bienvenu, pour accompagner les acteurs face aux défis réglementaires et commerciaux et pour diffuser les bonnes pratiques.

L'article unique prévoit une adhésion obligatoire à une association agréée. Ce système s'inspire de la loi sur la sécurité financière de 2003 pour les conseillers en investissement financier (CIF). Entre six et huit associations existantes devraient être agréées.

Le délai d'entrée en vigueur a été reporté par l'Assemblée nationale au 1er avril 2022 en raison de la crise actuelle. Mais cette réforme a déjà été largement anticipée par les acteurs, qui ne seront donc pas pris au dépourvu.

La commission des finances a étendu les missions de l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance. L'Orias contrôle l'honorabilité - absence de condamnation pénale - des dirigeants : le Sénat a ajouté le contrôle des salariés.

Au lieu de confier ces vérifications aux associations, nous les avons attribuées à l'Orias, qui dispose de procédures rodées et a déjà un accès privilégié au bulletin n°2 du casier judiciaire.

Autre aménagement important opéré par la commission : dans les domaines où le droit européen interdit de donner aux associations des pouvoirs de contrôle, fourniture de conseils, pratiques de vente et prévention des conflits d'intérêts, nous autorisons des recommandations de bonnes pratiques.

Mais cette proposition de loi ne règlera pas des problèmes majeurs, comme les dysfonctionnements liés à la libre prestation de services qui ont laissé les consommateurs français démunis, après la défaillance de nombreux courtiers étrangers en construction et automobile. Car les courtiers exerçant en France au titre de la libre prestation de services et liberté d'établissement ne seront pas obligés d'adhérer à une association.

La proposition de loi ne mettra pas fin non plus à certaines pratiques commerciales déloyales, faute d'habilitation des associations à contrôler les pratiques de vente. Cela se fait pourtant pour les conseillers en investissement financier : ceux-ci sont contrôlés sur place au moins une fois tous les cinq ans par leur association, comme l'exige l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Si les courtiers sont de plus en plus encadrés par la directive européenne de 2016, les conditions d'exercice sont peu contrôlées. L'ACPR réalise 70 contrôles par an seulement, alors que 24 000 courtiers et 32 000 intermédiaires sont immatriculés à l'Orias. Le turn over est massif : 11 000 intermédiaires ne sont pas renouvelés chaque année. On voit bien qu'il s'agit souvent d'une activité éphémère.

Les associations pourront en revanche vérifier le respect de certaines obligations : actualiser sa formation, fournir un service de médiation, souscrire une garantie financière. C'est essentiel dans un secteur atomisé où la plupart des acteurs sont des TPE.

Le coût de l'adhésion n'est pas prohibitif : 500 euros, avec une modulation selon la taille de l'entreprise. L'existence de plusieurs associations professionnelles modérera les tarifs.

Les agents généraux sont exclus de l'adhésion y compris pour les activités de courtage, car les assureurs exercent déjà de nombreux contrôles sur ces agents.

La commission des finances vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La proposition de loi reprend l'amendement de M. Yung au nom de notre groupe, ainsi que celui de M. Bizet et de son groupe, sur le texte de la loi Pacte. Nous avions adopté l'amendement, l'Assemblée nationale l'avait repris. Mais le Conseil constitutionnel avait choisi de le censurer.

Deux ans plus tard, nous examinons cette proposition de loi de Valérie Faure-Muntian, pour répondre à une situation très dégradée. L'intermédiation bancaire et assurantielle s'est fortement développée ces dernières années et le contrôle par l'ACPR n'est plus adapté, d'autant qu'il s'agit d'un marché de plus en plus éclaté. C'est pourquoi la proposition écarte une surveillance directe par l'Autorité, au profit des associations agréées. Elles seconderont efficacement le régulateur public et l'Orias.

Pensons à un client de bonne foi qui souhaite faire jouer son assurance auprès d'une société immatriculée à Malte, Chypre ou Gibraltar : il constate que celle-ci a disparu - ce n'est pas un cas si rare. Il faut responsabiliser les courtiers sur les produits qu'ils vendent. C'est aussi l'objet de l'amendement n°2 du Gouvernement qui encadre le démarchage téléphonique.

À ce jour, huit associations professionnelles sont prêtes à être agréées.

Cette réforme est attendue par les professionnels et les consommateurs. Son entrée en vigueur au 1er janvier 2022 est un bon équilibre, afin de laisser un temps d'adaptation, sans trop attendre pour réprimer les mauvaises pratiques. N'oublions pas l'effet d'entraînement de cette mesure sur les courtiers étrangers.

Mon groupe soutiendra la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christian Bilhac .  - Recensé dès 1538 dans le lexique français, le terme de courtier recouvre de nombreuses activités commerciales. Il trouve ses origines dans l'occitan couratier : il est un coureur, sur les marchés ou dans les ports. Il sait qui vend et qui souhaite acheter. Dans l'Hérault, le courtier en vin était un personnage particulièrement important...

Le courtage s'est largement transformé avec l'automatisation du trading et la numérisation. Je pourrais citer également le courtage matrimonial... La proposition ne traite, elle, que des assurances et des opérations de banque.

Le texte a été amendé par la commission ; et la volonté du Gouvernement semble intacte malgré la pandémie. On peut regretter quelques angles morts comme sur le courtage immobilier. L'article 45 de la Constitution réduit malheureusement l'initiative parlementaire mais je me réjouis que le courtage en crédit immobilier soit visé ici. Tout cela devrait avoir un effet bénéfique pour le consommateur.

L'objet est de lutter contre certains abus observés en particulier dans les secteurs de la construction ou de l'automobile.

L'Assemblée nationale a apporté des améliorations au texte, notamment la motivation du refus d'adhésion et le report de l'entrée en vigueur au printemps 2022.

La commission des finances a étendu la notion d'honorabilité à tous les courtiers, dirigeants ou salariés.

On peut regretter un délai de transmission court entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Mais ce texte va dans le bon sens : le groupe RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

M. Éric Bocquet .  - Il existe des contrats contre toutes les calamités... sauf contre les démarcheurs en assurance. (Mme la ministre rit.)

Les assurances intervenant en libre prestation de services (LPS) ont été à l'origine de scandales sur l'assurance construction : concurrence déloyale, faillites, compagnies d'assurance établies dans des paradis fiscaux comme Gibraltar -  territoire qui compte une compagnie d'assurance pour 700 habitants, contre une pour 220 000 en France...

Mais ces entreprises n'adhéreront pas aux associations agréées car elles n'y sont pas obligées. La cotisation de 500 euros crée ainsi une rupture d'égalité entre les acteurs français et européens.

Cette proposition de loi risque d'être contraire à la directive européenne sur la distribution des assurances de 2016 : le texte européen prévoit que contrôle doit être exercé par les autorités publiques. Il conviendrait plutôt de renforcer l'ACPR et l'Orias.

Les syndicats professionnels vont se transformer en associations. Ils en sortiront affaiblis, car ils abandonneront une partie de leurs missions. Le dialogue social risque de se déliter, d'autant que les associations seront atomisées. Elles formuleront des recommandations différentes...

Et que dire du conflit d'intérêt, révélé par Mediapart, de l'auteure de la proposition de loi, qui est liée au think tank Intermedius ? Ce lien a finalement été déclaré comme « lien d'intérêt bénévole ».

Le texte est inutile et n'améliorera pas la protection du consommateur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-Michel Arnaud .  - Cette proposition de loi vise à réguler les activités de courtage en assurance, banque et services de paiement, un secteur largement éclaté. Elle reprend les dispositions censurées de l'article 207 de la loi Pacte.

L'expansion du marché impose d'aller vers un meilleur contrôle. Depuis 2010, le nombre de courtiers en assurance a bondi de 25 % ; celui de courtiers en banque de 60 % depuis 2016. L'activité s'est développée plus rapidement qu'elle ne s'est organisée.

Le modèle d'autorégulation est celui des CIF. Il faudra adhérer à des associations professionnelles agréées par l'ACPR qui contrôleront les conditions d'exercice de la profession. Les TPE du secteur trouveront des interlocuteurs fiables au sein des associations pour les conseiller. C'est important pour les consommateurs également, qui doivent être protégés.

Le rapporteur a cependant identifié certaines lacunes. Les insuffisances du texte tiennent aux fortes contraintes du droit européen, lequel empêche à la fois de soumettre les acteurs étrangers à une adhésion obligatoire, et de transposer le modèle de co-régulation applicable aux CIF.

Cette proposition de loi constitue un premier pas utile et nécessaire pour réguler la profession de courtier. La commission des finances du Sénat a utilement amélioré le texte transmis par l'Assemblée nationale.

Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. le rapporteur applaudit également.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi a pour objet l'autorégulation du secteur du courtage en assurance. Mais sous les couleurs d'une proposition de loi, ce texte est en réalité un projet de loi, l'étude d'impact en moins.

Ce texte et son article unique visent à structurer le secteur autour d'associations professionnelles agréées.

La réforme concerne quelque 56 000 professionnels enregistrés au registre de l'Orias, qui opérait déjà un embryon de contrôle. Un second contrôle pouvait être effectué par l'ACPR, qui a du reste sanctionné récemment un courtier pour manquements en matière de démarchage. Mais les contrôles par l'Autorité sont trop peu nombreux : seulement 70 en 2020.

Le contenu du texte est décevant, loin des ambitions de son exposé des motifs. Il n'apporte pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services ; rien n'est précisé sur le devoir de conseil aux clients ; c'est un transfert au marché de la régulation, avec un recul de l'État ; la réforme créera des baronnies, avec une dérive oligopolistique au détriment des consommateurs ; les prix risquent d'être poussés à la hausse ; cette proposition de loi ajoutera un intermédiaire supplémentaire entre les acteurs économiques et le régulateur.

On a supprimé en loi de finances pour 2021 l'obligation d'adhésion à un organisme de gestion agréé, et l'on suit ici une logique exactement inverse.

Une simple réforme réglementaire aurait pu permettre de développer les contrôles de l'ACPR qui, avec 6 millions d'euros de cotisations, devrait avoir les moyens de contrôler le secteur...

Cette réforme souligne les besoins de formation continue : cela mériterait une réflexion plus large. L'Orias pourrait demander les documents attestant de leur formation continue aux courtiers.

Je regrette l'absence d'étude d'impact, je l'ai dit. Et en quoi ce texte améliore-t-il la protection du consommateur ? Cette réforme est-elle si urgente qu'elle doive, en pleine crise sociale, être inscrite en procédure accélérée sur le temps gouvernemental ? Il y a des urgences sanitaires, sociales, environnementales !

En outre, on désarme la puissance publique au lieu de lui donner les moyens de sa mission.

Ce texte a cependant le mérite d'engager une réflexion sur un problème réel. Nous serons attentifs à sa traduction réglementaire. Le groupe SER s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Sous des aspects très techniques, ce texte renvoie à une réalité très commune pour nos concitoyens. Chacun a pu avoir besoin d'aide pour comparer des offres de prestations bancaires ou assurantielles. Le courtier est un intermédiaire et comme pour toute offre d'intermédiation, il crée de la valeur en générant de la confiance.

Ces acteurs sont très divers : 25 000 courtiers en assurance, 34 000 intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) et 7 700 entreprises étrangères, au titre de la libre prestation de service ou du libre établissement. Soit une myriade d'acteurs qui ne sont pas tous soumis aux mêmes exigences de transparence, et une majorité de TPE et d'entreprises individuelles. C'est peut-être le signe que ce marché n'a pas encore trouvé son équilibre, ce qui peut être un terreau pour la fraude fiscale ou commerciale.

Cette fraude minoritaire nuit à tous en mettant en cause la confiance, base de la création de valeur pour le courtier. Le groupe INDEP soutient donc ce texte qui renforce le contrôle prudentiel, avec des associations professionnelles sous le contrôle de l'ACPR, pour une offre plus lisible et transparente.

Certes, l'entrée en vigueur au 1er avril 2022 adoptée par l'Assemblée nationale ne laisse qu'un an aux acteurs pour s'organiser, mais la concertation a été engagée en 2018, et le Parlement avait déjà voté ces dispositions dans la loi Pacte, avant que le Conseil constitutionnel ne les censure comme cavalier législatif.

Il faudra veiller à ce que la réorganisation n'entraîne pas un surcoût pour les acteurs économiques, répercuté sur le consommateur.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Paul Toussaint Parigi .  - Nous partageons l'objectif de ce texte : la protection du consommateur. Mais, en retenant le principe de l'autorégulation, y concourt-il vraiment ?

D'abord, cette proposition de loi, initiative de la majorité à l'Assemblée nationale, est un projet de loi qui ne dit pas son nom. Preuve en est l'oubli du gage qu'aurait dû entraîner la charge supplémentaire pour l'ACPR de la délivrance d'agrément aux associations professionnelles. De plus, le Gouvernement fait ainsi l'économie d'une étude d'impact qui aurait pourtant été utile ; cela nous contraint à voter à l'aveugle.

Autre réserve : la compatibilité avec le droit européen. La directive de 2016 autorise les courtiers à fonder des associations de cadrage de la profession, mais le contrôle doit relever de l'autorité publique ; or les moyens sont particulièrement faibles, avec 70 contrôles par an effectués par l'ACPR. N'aurait-il pas suffi de donner davantage de moyens à celle-ci ?

Les gagnantes de ce texte semblent être les associations professionnelles qui bénéficieront de la manne des cotisations obligatoires. Auront-elles intérêt à exclure un cotisant et se priver ainsi d'une cotisation ? Ne risquent-elles pas de devenir des groupes d'intérêts ? Il aurait été préférable de taxer les acteurs du secteur pour financer un véritable contrôle de l'ACPR et de l'AMF.

La commission a amélioré le texte mais, en l'absence d'étude d'impact, il est impossible de connaître les effets de cette réforme.

Dans ce contexte de crise, nous aurions préféré discuter des dispositifs de soutien à nos concitoyens et du rôle des assurances. Ce texte nous laisse circonspects tant sur le fond que sur la forme, et le GEST ne peut le voter. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que nous ne cessons de dénoncer le poids de la suradministration et des normes, tout particulièrement dans les domaines de la santé et de la recherche, et bien que nous ayons supprimé les centres de gestion agréés dans le PLF pour 2021, nous voici en train de débattre d'une nouvelle charge financière non productive pour les courtiers en assurance.

J'avais déposé en commission un amendement de suppression de l'article unique, considérant que l'Orias pouvait faire le travail de contrôle. Mais durant les débats, j'ai pris conscience du très grand nombre d'inscriptions et de résiliations d'intermédiaires en assurance et de leurs mandataires - près de 11 000 au total ; de plus les obligations de médiation, de formation et de souscription à une garantie financière sont peu suivies au regard de la taille moyenne des entreprises du secteur.

J'espérais que cette proposition de loi protégerait les Français des courtiers étrangers en libre prestation des services, non soumis aux obligations de solvabilité et de garantie financière. Mais rien sur ce sujet ! Les courtiers dépendants de l'ACPR et immatriculés à l'Orias seraient contraints d'adhérer à une association professionnelle qui assurera la médiation en cas de litige, la formation et l'information sur l'évolution de la réglementation contre une cotisation de 500 euros en moyenne par an.

Ces associations auront la possibilité d'alerter l'ACPR en cas de fraude et de formuler des recommandations de bonnes pratiques dont j'espère qu'elles ne se transformeront pas en règles.

La recherche d'innovation risquerait de faire les frais du formalisme normatif : un assuré doit pouvoir juger lui-même du mérite d'un courtier motivé. Ne cédons pas à l'uniformisation.

Le Gouvernement se déclare favorable à la liberté d'entreprendre, mais il dépose un amendement créant une obligation pour les courtiers d'enregistrer et de conserver pendant deux ans les conversations téléphoniques avec les prospects et les clients.

Il aurait certes été intéressant de protéger les consommateurs contre les plateformes d'appel. Mais ce serait très compliqué pour les petits courtiers de proximité, dont les pratiques ne posent pas de problème. De plus, cet amendement est-il bien constitutionnel, puisqu'il ne s'impose pas aux démarcheurs des autres secteurs ? Suffira-t-il à stopper les plateformes basées à l'étranger ? Je regrette qu'il n'ait pas fait l'objet d'une concertation avec la banque et l'assurance. La commission a jugé utile de le sous-amender.

Si ce texte impose un coût non productif sans régler le problème de la concurrence étrangère, il facilite également la médiation et la formation dans le secteur, ainsi que la souscription à la garantie financière. Il serait en revanche inutile de l'étendre aux agents généraux mandataires de leur compagnie, qui ont déjà mis en oeuvre leurs obligations.

C'est pourquoi je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le domaine que traite ce texte est complexe et méconnu mais il joue un rôle important, tant le courtage en assurances s'est développé ces dernières années.

Dans le contexte actuel, soutenir les entreprises est une priorité. Les chiffres sont éloquents : les courtiers inscrits à l'Orias sont 24 770 pour l'assurance et 32 557 pour la banque.

Beaucoup se plaignent des strates et des règles supplémentaires qui s'accumulent, mais la protection des consommateurs est un enjeu crucial. Aucun texte n'est parfait, et des associations professionnelles nous ont fait savoir leur opposition à celui-ci. Mais je suivrai l'avis positif de notre rapporteur général, comme sur les amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... -  Après l'article L. 112-2-1 du code des assurances, il est inséré un article L. 112-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-2-2.  -  I.- Sauf lorsqu'il s'agit de sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet de ce contrat, y compris lorsqu'il s'agit de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité, lorsqu'un distributeur au sens du III de l'article L. 511-1 contacte par téléphone un souscripteur ou un adhérent éventuel en vue de conclure un contrat d'assurance qui n'entre pas dans le cadre de l'activité commerciale ou professionnelle du souscripteur ou de l'adhérent éventuel :

« 1° Il recueille au début de la conversation, immédiatement après avoir satisfait aux obligations prévues au premier alinéa du 2° de l'article R. 112-4, l'accord préalable du souscripteur ou de l'adhérent éventuel à la poursuite de la communication. À défaut d'accord explicite de ce dernier, le distributeur met fin à l'appel sans délai et s'abstient de le contacter à nouveau.

« Même après avoir recueilli l'accord préalable et explicite du souscripteur ou de l'adhérent éventuel à la poursuite de la communication, le distributeur demeure tenu à tout moment de mettre fin sans délai à l'appel dès lors que le souscripteur ou l'adhérent éventuel manifeste une absence d'intérêt ou son souhait de ne pas donner suite à la proposition commerciale. Dans un tel cas, le distributeur s'abstient de le contacter à nouveau.

« 2° Il s'assure que le souscripteur ou l'adhérent éventuel peut résilier son contrat en cours concomitamment à la prise d'effet du contrat proposé si son offre concerne un risque déjà couvert.

« 3° Il s'assure, avant la conclusion à distance du contrat, de la bonne réception par le souscripteur ou l'adhérent éventuel des documents et informations prévus aux I, III et IV de l'article L. 112-2-1, l'article L. 112-2 et les articles mentionnés au premier alinéa de l'article L. 521-6 du présent code et par le premier alinéa de l'article L. 222-6 du code de la consommation.

« Le distributeur est tenu de respecter un délai minimal de vingt-quatre heures entre la réception par le souscripteur ou l'adhérent éventuel des documents et informations mentionnés au 3° du présent I et tout nouveau contact par téléphone fixé après accord exprès du souscripteur ou de l'adhérent éventuel.

« II.  -  Le souscripteur ou l'adhérent éventuel ne peut consentir au contrat qu'en le signant. Cette signature ne peut être que manuscrite ou électronique. Elle ne peut intervenir au cours d'un appel téléphonique et moins de vingt-quatre heures après la réception des documents et informations mentionnés au 3° du I.

« Dans tous les cas, un distributeur ne peut signer un contrat pour le compte du souscripteur ou de l'adhérent éventuel.

« III.  -  À la suite de la signature du contrat, le distributeur informe sans délai le souscripteur ou adhérent, par écrit ou sur tout autre support durable, de son engagement, de la date de conclusion et de prise d'effet du contrat, de son éventuel droit de renonciation et de ses modalités d'exercice, notamment l'adresse à laquelle la notification de la renonciation doit être envoyée ainsi que les modalités d'examen des réclamations que le souscripteur peut formuler au sujet du contrat.

« IV.  -  Afin de garantir le respect des droits des souscripteurs ou des adhérents éventuels, les distributeurs enregistrent, conservent et garantissent la traçabilité de l'intégralité des communications téléphoniques intervenues avant la conclusion du contrat d'assurance et ce pendant une période de deux années.

« V.  -  Les infractions aux dispositions du présent article sont constatées et sanctionnées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre unique du titre Ier du livre III.

« Ces infractions constituées par le non-respect par les distributeurs des dispositions relatives au processus de commercialisation, telles que mentionnées aux I, II et III et au premier alinéa du IV du présent article peuvent également être recherchées et constatées par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l'article L. 511-6 du même code.

« Les conditions d'application du présent article sont définies en tant que de besoin par décret en Conseil d'État. »

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Cet amendement protège les consommateurs contre le démarchage téléphonique. On ne peut plus tolérer ces campagnes d'appels qui profitent de la fragilité de certains pour leur faire souscrire des garanties inutiles. Ces pratiques sont minoritaires mais nuisent à la crédibilité du secteur tout entier.

Appuyé sur un avis du comité consultatif du secteur financier de novembre 2019, cet amendement renforce l'information des souscripteurs, interdit les « ventes en un temps » et précise les modalités d'information et de recueil de la signature du consommateur.

Pour responsabiliser les acteurs et permettre aux autorités de les contrôler, il prévoit une obligation de conservation des enregistrements des appels de vente durant une période de deux années. Les échanges relatifs à des contrats en cours et avec des clients professionnels ne sont pas concernés.

M. le président.  - Sous-amendement n°9 à l'amendement n°2 du Gouvernement, présenté par M. J.M. Arnaud.

Amendement n° 2

1° Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 112-2-2.  -  I.- Lorsqu'un distributeur au sens du III de l'article L. 511-1 contacte par téléphone un souscripteur ou un adhérent éventuel en vue de conclure un contrat d'assurance qui n'entre pas dans le cadre de l'activité commerciale ou professionnelle du souscripteur ou de l'adhérent éventuel, alors que ce dernier n'a pas au préalable sollicité l'appel ou engagé de démarches vis-à-vis du distributeur sur le produit pour lequel il est sollicité :

2° Alinéas 5 et 6

Compléter ces alinéas par les mots :

pour un même objet

3° Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Il s'assure auprès du souscripteur ou de l'adhérent éventuel que la prise d'effet du nouveau contrat, lorsqu'il concerne un risque déjà couvert, est concomitante à la date de prise d'effet de la résiliation du contrat existant couvrant ce risque.

4° Alinéa 10

Après le mot :

contrat

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

oralement sauf volonté explicite de souscripteur ou de l'adhérent éventuel, manifestée notamment par un comportement actif de ce dernier, la signature du contrat ne peut intervenir moins de vingt-quatre heures après la réception des documents et informations mentionnés au 3° du I.

5° Alinéa 12

Remplacer les mots :

sans délai

par les mots :

dans les meilleurs délais

6° Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

7° Alinéa 15

Supprimer les mots :

et au premier alinéa du IV

8° Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Cet amendement se rapproche du sous-amendement n°10 du rapporteur général. Je le retire donc à son profit.

Le sous-amendement n°9 est retiré.

M. le président.  - Sous-amendement n°10 à l'amendement n°2 du Gouvernement, présenté par M. Husson.

Amendement n° 2

A.  -  Alinéa 8

Remplacer les mots :

l'article L. 112-2 et les articles mentionnés au premier alinéa de l'article L. 521-6

par les mots :

aux articles L. 112-2, L. 521-2 à L. 521-4 et L. 522-1 à L. 522-6

B.  -  Alinéa 9

Remplacer la référence :

présent I

par la référence :

I du présent article

C.  -  Alinéa 13

Remplacer les mots :

garantir le respect des droits des souscripteurs ou des adhérents éventuels

par les mots :

permettre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de contrôler le respect des obligations prévues au présent article

D.  -  Alinéa 15

Supprimer les mots :

premier alinéa du

E.  -  Dernier alinéa

Supprimer les mots :

en tant que de besoin

F.  -  Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

II.  -  Dernier alinéa

Remplacer les mots :

I et II

par le mot :

dispositions

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Ce sous-amendement apporte deux aménagements substantiels : une entrée en vigueur différée au 1er avril 2022, comme pour le reste des dispositions introduites par la proposition de loi, et une restriction des finalités d'exploitation des enregistrements des appels téléphoniques - le champ prévu par le Gouvernement est beaucoup trop large.

C'est nécessaire pour trouver un compromis en CMP et pour que le dispositif reçoive le soutien des acteurs de la profession comme des usagers.

Avis favorable à l'amendement n°2, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Les précisions légistiques apportées par le sous-amendement n°10 sont pertinentes. Avis favorable, même si nous préférerions que le texte entre en vigueur début 2022 plutôt qu'en avril.

Le sous-amendement n°10 est adopté.

L'amendement n°2, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Dumas.

I.  -  Alinéas 4 et 35

1° Deuxièmes phrases

Remplacer les mots :

représentative offre à ses membres un service de médiation, vérifie les conditions d'accès et d'exercice de leur activité ainsi que leur respect des exigences professionnelles et organisationnelles

par les mots :

vérifie le respect des exigences en matière de formation et de développement professionnel continus

2° Dernières phrases

Supprimer ces phrases.

II.  -  Après les alinéas 4 et 35

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« L'organisme qui tient le registre mentionné au I de l'article L. 512-1 vérifie les conditions d'accès et d'exercice de leur activité ainsi que leur respect des exigences professionnelles et organisationnelles visées, à l'exception de l'obligation de formation continue.

« En outre, l'organisme vérifie qu'un recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation est garanti.

Mme Catherine Dumas.  - L'Orias contrôlant déjà, aux termes de cette proposition de loi, le respect des conditions d'honorabilité des courtiers dirigeants et salariés, il conviendrait de lui confier l'ensemble du contrôle des conditions d'accès et d'exercice de leur activité, plutôt qu'aux associations professionnelles pour lesquelles ce serait une charge supplémentaire.

De plus, l'élargissement des missions de l'Orias se ferait par un simple décret.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Alinéa 35, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - La commission a réservé à l'Orias la vérification de l'honorabilité des dirigeants comme des salariés des entreprises de courtage. Les associations professionnelles pourraient pourtant aider celles-ci à remplir leurs obligations, en collectant par exemple les déclarations de leurs salariés. Cet amendement revient au texte d'origine.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Dumas.

I.  -  Alinéa 4, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Cette association professionnelle offre à ses membres un service de médiation, vérifie sur la base des déclarations desdits membres les conditions d'accès et d'exercice de leur activité, leur respect des exigences professionnelles mentionnées à l'article L. 511-2, offre un service d'accompagnement et assure une mission d'observation de l'activité et des pratiques professionnelles notamment par la collecte de données statistiques.

II.  -  Alinéa 35, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Cette association professionnelle offre à ses membres un service de médiation, vérifie sur la base des déclarations desdits membres les conditions d'accès et d'exercice de leur activité, leur respect des exigences professionnelles mentionnées à l'article L. 519-3-3, offre un service d'accompagnement et assure une mission d'observation de l'activité et des pratiques professionnelles notamment par la collecte de données statistiques.

Mme Catherine Dumas.  - Ce texte met à la charge des associations professionnelles une obligation de vérifier les conditions d'accès et d'exercice de l'activité de leurs membres ainsi que le respect des exigences professionnelles, avec une interprétation très extensive de cette notion.

Cela contreviendrait expressément aux articles 12, 3 et 10 de la directive distribution d'assurance (DDA) qui autorisent les États européens à déléguer à des associations professionnelles le contrôle des conditions d'accès à la profession, mais réservent les autres formes de contrôle aux autorités nationales compétentes, en l'espèce l'ACPR.

Cet amendement cantonne donc la notion d'exigences professionnelles aux seules conditions de capacité professionnelle et de formation continue.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Demande de retrait de l'amendement n°7 qui réduit l'utilité des associations professionnelles au bénéfice de l'Orias. De plus, il prive les courtiers et intermédiaires d'une plus-value essentielle de ce texte : l'accès à des services de médiation. La commission des finances a proposé une solution de compromis en transférant à l'Orias le seul contrôle de l'honorabilité.

Avis défavorable à l'amendement n°3 du Gouvernement qui revient sur un apport substantiel de notre commission.

L'Orias vérifie automatiquement les conditions d'honorabilité des dirigeants par l'accès au bulletin n°2 du casier judiciaire. Autant utiliser cette procédure pour les salariés, et éviter une surcharge pour les associations professionnelles qui, par surcroît, n'ont pas d'accès direct à ce casier. Faisons simple et efficace.

Demande de retrait de l'amendement n°5 qui restreindrait excessivement les missions des associations professionnelles agréées.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Même avis sur les amendements nos7 et 5.

Les amendements nos7 et 5 sont retirés.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Dumas.

Alinéa 17

Remplacer les mots :

formuler les recommandations

par les mots :

promouvoir les bonnes pratiques professionnelles

Mme Catherine Dumas.  - L'ACPR contrôle le respect des dispositions législatives et réglementaires en matière de commercialisation et de protection de la clientèle ; elle veille au respect des codes de conduite approuvés par elle à la demande d'une association professionnelle, ainsi que des bonnes pratiques de la profession.

Il appartient donc à l'ACPR de dégager des bonnes pratiques à l'intention des professionnels soumis à son contrôle en matière de commercialisation et de protection de la clientèle.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Retrait. Les associations professionnelles peuvent formuler des recommandations en matière de pratiques commerciales, mais l'ACPR est la seule autorité de contrôle.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. J.M. Arnaud et Levi, Mme Vérien et MM. Henno, Canevet, Louault, Chauvet et P. Martin.

Alinéa 116

Remplacer la date :

1er avril 2022

par la date :

1er janvier 2023

M. Jean-Michel Arnaud.  - Cet amendement réduit les charges juridiques et financières des dirigeants de cabinets de courtage.

Les associations professionnelles doivent avoir le temps de s'organiser matériellement avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, notamment pour créer un système d'information dédié et procéder aux recrutements et formations nécessaires. Donnons aux acteurs du secteur un délai supplémentaire de neuf mois, en reportant l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2023.

M. le président.  - Amendement identique n°6, présenté par Mme Dumas.

Mme Catherine Dumas.  - Alors que leur chiffre d'affaires a été relativement préservé en 2020 en raison des particularités du cycle de production, les courtiers vont en 2021 subir à leur tour les effets de la crise. Or cette réforme accroît la pression juridique et économique sur le secteur : donnons aux associations professionnelles le temps de s'organiser.

M. le président.  - Amendement identique n°8 rectifié, présenté par MM. Segouin et Cuypers, Mme Thomas, MM. Brisson, Burgoa, Pellevat et Chevrollier, Mme Garriaud-Maylam, M. Rietmann, Mme Deromedi, M. Saury, Mme Raimond-Pavero, MM. Duplomb, J.M. Boyer et Piednoir, Mme Estrosi Sassone et MM. Laménie et Bouchet.

M. Vincent Segouin.  - La majorité des contrats étant calculée en fonction du chiffre d'affaires de l'année n-1, le gros des faillites et résiliations sera enregistré en 2021. D'où cette demande de report.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - La réforme est annoncée depuis 2018. Le Gouvernement avait initialement prévu une entrée en vigueur au 1er juillet 2021 ; l'Assemblée nationale a fait preuve de sagesse en la reportant au 1er avril 2022 en raison de la crise sanitaire.

Le Gouvernement gagnerait à écouter les deux assemblées. Les délais proposés sont raisonnables, inutile de reporter la réforme aux calendes grecques. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a entendu votre appel, monsieur le rapporteur général : avril 2022 serait un bon timing. Avis défavorable à une entrée en vigueur en 2023.

Les amendements nos1 rectifié, 6 et 8 rectifié sont retirés.

L'article unique, constituant l'ensemble de la proposition de loi, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à 19 h 15.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 heures.

Renouvellement des conseils départementaux et régionaux (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous arrivons à la fin d'un parcours qui nous a permis de trouver un accord en commission mixte paritaire. Je m'en réjouis. Cet accord repose sur des fondements solides.

Vous l'avez permis en annonçant officiellement - et fermement ! - les dates des 13 et 20 juin pour l'organisation des élections départementales et régionales.

De même, le conseil scientifique ne se prononcera pas le 1er avril sur l'opportunité de tenir ou pas les élections en juin, mais sur les conditions dans lesquelles la sécurité du scrutin pourrait être améliorée, ce qui fera l'objet d'un rapport du Gouvernement au Parlement.

Nous avons été heureux que vous acceptiez le système de la double procuration et la prise en charge des matériels et équipements de sécurité.

Nous avons également adopté dans ce texte des dispositions qui concernent les machines à voter, qui existent depuis 1969.

À la différence du vote électronique, l'instrument est éprouvé dans les soixante-six villes qui y recourent. En 2007, suite à l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel s'est inquiété des sources d'insécurité liées à ces machines. En 2008, un moratoire a été décidé pour ne pas augmenter le nombre de villes utilisatrices. Celles-ci, depuis, ont hésité à investir dans l'entretien et le renouvellement de ces machines.

À l'initiative de la majorité de l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté prévoyant un rapport du Gouvernement au Parlement dans les six mois sur les conditions du recours aux machines à voter. Nous l'avons accepté, considérant que la mise en garde du Conseil constitutionnel était pleinement justifiée.

Aussi, nous avons été stupéfaits de l'amendement déposé au projet de loi organique sur l'élection présidentielle et adopté ce matin à l'Assemblée nationale.

Dès l'an prochain, pour l'élection présidentielle, mère de toutes les élections, nous pourrions recourir aux machines à voter, y compris un jour de semaine, par anticipation. Et le tout, imposé par décret ! (Marques d'indignation à droite)

M. Gilbert Bouchet.  - Ça alors !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Et ce, sans attendre le rapport précité.

Ce point n'a même pas été débattu par l'Assemblée nationale, qui a déjà adopté le texte.

Cette improvisation et cette absence de respect des règles du débat parlementaire ont beaucoup choqué sur tous les bancs du Sénat.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Incroyable !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Comment peut-on envisager une expérimentation aussi hasardeuse pour une élection qui engage autant l'avenir de la Nation ?

Le dispositif inquiète : conditions de préservation des votes pendant plusieurs jours, risque de double vote, impossibilité d'un recomptage manuel, sincérité d'un vote qui ne pourrait être modifié alors que la campagne se poursuivra, et constitutionnalité même !

Quelles peuvent être les motivations réelles d'un tel amendement ? (Exclamations ironiques à droite) L'argument du départ des familles en week-end est-il suffisant, et surtout satisfaisant pour la démocratie, alors que cette élection a toujours donné lieu à une très forte participation ?

Il est impossible que nous n'ayons pas ce soir un échange sur le sujet, à l'occasion du vote d'un texte qui comporte un rapport sur les machines à voter...

Je ne peux que croire que cet amendement sera retiré. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Je concentrerai mon propos sur le projet de loi dont nous débattons ce soir.

La situation sanitaire questionne les modalités de vote. Avec ce texte, nous donnons des garanties de sécurité à nos concitoyens pour choisir leurs conseillers départementaux et régionaux.

Je remercie le Parlement pour son travail qui a abouti à un texte très opérationnel et à la hauteur de l'enjeu démocratique de ces deux élections importantes.

Un rapport sur la situation sanitaire et les conditions de vote sera remis au 1er avril au Parlement. En cas de nouveau report - ce que le Gouvernement ne souhaite pas - le Parlement devra se prononcer par une nouvelle loi.

Le Gouvernement a accepté le dispositif de la double procuration pour les scrutins de juin. Le principe du numéro vert a également été retenu, à la demande de l'Assemblée nationale. Un guide du mandataire financier sera publié.

La date de publication des comptes de campagne a également été décalée, comme la fin de mandat des conseils régionaux fixée à mars 2028, et non décembre 2027 comme le prévoyait le projet de loi initial.

Ces élections se tiendront bien les 13 et 20 juin : dès la promulgation de la loi, le texte de convocation des électeurs sera signé et publié. Cette visibilité est nécessaire pour les électeurs, les candidats et les élus en poste. Ces scrutins devront se tenir dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Aussi, l'État fournira aux communes des matériels et équipements de protection, comme il l'a fait lors des élections municipales.

Je salue ceux qui s'engagent pour l'organisation de ces scrutins. Leur rôle est essentiel pour la démocratie.

Les débats ont souligné le souhait d'une modernisation des modalités du vote. De nombreux amendements ont posé la question du vote électronique, des machines à voter ou encore du vote anticipé. Le Gouvernement a entendu cet appel, mais certaines modalités de vote ne présentent pas des garanties suffisantes, d'un point de vue constitutionnel ou en raison d'évolutions techniques peu opérantes.

Ce rendez-vous démocratique majeur sera tenu les 13 et 20 juin, grâce à vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cécile Cukierman .  - Au nom de mon groupe CRCE, je me félicite de l'évolution de ce débat. Nous savons désormais que les élections se tiendront les 13 et 20 juin, soit dans dix-sept semaines.

Il nous reste à sécuriser la campagne et l'élection elle-même, pour que nos concitoyens puissent exprimer leur vote sereinement. Je partage la surprise, voire la colère, de notre rapporteur sur l'amendement relatif aux machines à voter. Sous prétexte de favoriser le vote, il ne faut pas s'arranger avec les règles. C'est ainsi qu'est ressenti votre amendement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains)

La procédure est malvenue, surtout pour l'élection suprême !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Bien sûr !

Mme Cécile Cukierman.  - L'ensemble des forces politiques pourrait en payer les conséquences.

L'organisation de deux scrutins le même jour permettra sans doute certaines facilités, comme un isoloir unique.

Je regrette le mail que nous avons reçu après la commission mixte paritaire : France Télévisions s'interroge sur sa capacité à faire vivre le débat démocratique. Or il faut assurer l'égalité entre tous les candidats lors des derniers jours de campagne, alors que souvent il y a une prime au sortant. Il ne s'agit pas de créer des obligations supplémentaires mais d'assurer l'information : c'est son rôle de service public, pour une éducation civique et politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Philippe Bas, rapporteur, applaudit également.)

M. Arnaud de Belenet .  - (Mme Françoise Gatel applaudit.) Présenté en Conseil des ministres le 21 décembre, ce texte met en oeuvre le report des élections départementales et régionales préconisé par le rapport Debré. La crise sanitaire nous l'impose.

De quatre articles, ce projet de loi est passé à quatorze. Le Sénat a beaucoup contribué à son enrichissement : double procuration, prise en charge par l'État des équipements de protection, même machine à voter pour les deux scrutins, délai supplémentaire pour le dépôt des comptes de campagne, retour rapide au calendrier électoral normal.

Je salue la sagesse des deux rapporteurs qui ont renoncé, après l'engagement du Gouvernement, à inscrire dans la loi des dates butoir, ainsi que la conservation de l'amendement d'Alain Richard portant à dix-neuf jours la durée de la campagne.

Je me félicite de l'article 6 bis : France Télévisions diffusera des programmes pédagogiques sur le rôle et le fonctionnement des assemblées départementales et régionales.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI)

M. Éric Kerrouche .  - (M. Olivier Jacquin applaudit.) Alors que le sujet semble périphérique, la périodicité des élections est indispensable à la démocratie. C'est de cela que traite ce texte. Yves Mény rappelait que la démocratie possède un trait spécifique : le rapport au temps, double mécanisme protecteur qui évite au peuple souverain d'être dépossédé de son rôle de maître des horloges, et qui garantit la périodicité des élections.

Il y a eu un consensus politique autour du rapport Debré pour la tenue des élections en juin. Hélas, les dates des 13 et 20 juin ne figurent pas dans le projet de loi.

Nous avons également quelques doutes sur le rôle du Conseil scientifique qui prendrait la notion de risque sanitaire en compte. La porte reste donc entrouverte... Il s'agit quasiment d'un report sec des scrutins à droit constant, exception faite d'un numéro vert, de l'allongement de la campagne, de l'augmentation du plafond des dépenses de campagne de 20 %, d'une communication sur le rôle des conseils départementaux et des conseils régionaux.

La double procuration - système que nous réfutons - a été maintenue par l'Assemblée nationale, qui a supprimé dans le même temps la déterritorialisation.

Les départements et les régions pourront voter plus tardivement leurs comptes administratifs et leurs budgets primitifs - c'est utile.

Ce texte génère des regrets.

Le Gouvernement refuse systématiquement d'adapter le droit électoral à la période particulière que nous traversons.

Le projet de loi organique sur l'élection présidentielle, avant l'amendement surprise du Gouvernement, n'évoluait pas davantage. On s'interdit tout changement. Les élections municipales ont été le péché originel : hésitations, refus d'adaptation, pas de vote par correspondance, pas de vote anticipé, attente du retour à la normale...

Le Portugal, la Catalogne, le Kosovo ont tenu des élections récemment : il n'y a aucune raison de ne pas voter.

L'histoire du droit électoral est pourtant celle de son adaptation ; mais depuis un an, rien, alors que la période actuelle aurait justifié des évolutions.

Pourquoi ne pas aller plus loin ? Nous voterons ce texte car nous voulons que les élections aient lieu en juin, mais nous regrettons ce report sec qui ne sert pas notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean Louis Masson .  - Sénateur non inscrit, je suis particulièrement attaché à notre indépendance par rapport aux partis politiques.

Le nuancier politique doit comprendre la catégorie « divers ». Qu'on ne décide pas arbitrairement, au niveau du préfet, de coller telle ou telle étiquette à un candidat. En première lecture, j'ai déposé deux amendements sur le sujet, mais le rapporteur m'a répondu que le problème était déjà largement réglé, le terme « divers » étant utilisé pour tous les candidats n'ayant pas d'attaches politiques. Mme la ministre avait surenchéri.

Or la circulaire ministérielle du 3 février indique que la nuance est attribuée « de manière discrétionnaire » par le préfet ! Elle peut donc être différente de l'étiquette déclarée par le candidat. Rien n'a été réglé, et c'est un énorme mensonge de prétendre le contraire ! Cette attribution arbitraire d'une nuance est choquante pour un non-inscrit.

La circulaire indique que si le candidat n'est rattachable à aucun parti politique, le préfet peut lui mettre l'étiquette « divers ». Ce n'est donc pas le candidat qui décide !

Quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage. C'est ce qu'on a fait de mes amendements !

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Jean Louis Masson.  - On s'est moqué du monde ! C'est extrêmement regrettable !

M. Alain Marc .  - Les élections régionales et départementales sont une composante essentielle de la démocratie mais la gravité du contexte sanitaire a balayé toutes nos certitudes. Ce projet de loi prévoit le report des scrutins de mars à juin 2021.

Je tiens à saluer ces élus locaux qui s'engagent pour la vie quotidienne de nos concitoyens : entretien des routes, rénovation des collèges et des lycées, aide à l'enfance et aux personnes âgées...

Je me réjouis de l'accord en CMP. Je me félicite de l'esprit d'écoute et de dialogue entre les deux assemblées sur ce texte.

Je suis heureux que de nombreux apports du Sénat aient été maintenus : double procuration, échéance des mandats à mars 2028, allongement du délai pour le dépôt des comptes de campagne, mention des marges d'erreur dans les sondages, mise en place d'une campagne d'information institutionnelle.

Les articles 8 et 9 introduits par le Sénat étendant jusqu'au 31 juillet la possibilité de voter le budget primitif et le compte administratif des régions et des départements ont été maintenus.

Je me réjouis enfin de la prise en charge des équipements de sécurité par l'État. Certes, la progression des variants inquiète. Mais notre démocratie tient le cap et des scrutins ont eu lieu l'année dernière.

Le groupe INDEP votera ce texte. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Devant les doutes exprimés face à la gestion des temps démocratiques, le Gouvernement a fait appel à Jean-Louis Debré pour faire face à d'éventuelles difficultés pour ces élections départementales et régionales. L'incompréhension des parlementaires face à un Conseil choisi par l'exécutif a laissé des traces.

Il y a eu un consensus sur le report des élections départementales et régionales en juin plutôt qu'à l'automne, saison plus propice à la reprise épidémique, sans compter la difficulté de mener campagne pendant l'été.

Je note l'accord sur la double procuration, même si je suis personnellement très réservé sur la sécurité du dispositif, d'autant que les procurations familiales ont été supprimées ainsi que la possibilité de faire appel à des officiers de police judiciaire pour établir les procurations en dehors des mairies et des commissariats.

Mon groupe s'interroge aussi sur la mutualisation des machines à voter et sur leur généralisation mais nous en débattrons jeudi à l'occasion du texte sur l'élection présidentielle.

Le Sénat a rappelé que le Gouvernement doit rester notre interlocuteur, lequel nous remettra le rapport du Conseil scientifique sur la sécurisation des élections. Cette précision est d'autant plus utile que l'état d'urgence sanitaire sera toujours en vigueur.

Le GEST se félicite aussi du maintien de l'article 6 bis, sur la campagne d'information audiovisuelle. Néanmoins, qu'en sera-t-il si une région ou un département présente des caractéristiques sanitaires inquiétantes, comme c'est le cas dans l'est de la France avec les variants ? Que fera alors le Gouvernement ?

Le GEST s'abstiendra donc sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous débattons d'un aboutissement : ce projet de loi connaîtra à n'en pas douter un large vote. Nous le ferons sans écho ; c'est la loi du genre, malheureusement.

Souvent, les bonnes solutions ne sont pas reprises par les médias ; heureusement, notre rapporteur a trouvé un moyen de faire un peu de publicité à notre débat. (M. Julien Bargeton rit.)

Les procurations sont facilitées, la protection des lieux de vote assurée, l'adaptation de la durée de campagne prévue, et je ne parle pas du décalage de la date du dépôt des comptes de campagne ni des machines à voter...

Quant à la campagne de communication audiovisuelle, quelle surprise que France 3 rechigne à diffuser les clips de campagne, qui sont une perte d'audience et de ressources pour la chaîne ! La chaîne nous a expliqué que c'était quasiment impossible... nous le savons depuis quarante ans ! Mais il est important que les prises de positions de chaque candidat soient présentées de façon positive.

Nous avons fait un travail législatif correct et su relever le défi.

Nous pouvons en tirer une conclusion positive : nous avons démontré la capacité de compréhension entre futurs concurrents à ces élections. C'est un signe encourageant de crédibilité démocratique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le consensus issu de la CMP nous satisfait, mais ne doit pas nous éloigner de notre but, qui est bien de garantir la sécurité de nos concitoyens qui participeront à ce scrutin.

Lorsque les gestes barrières sont respectés, le risque d'aller voter est minime, comme nous le prouvent les élections chez nos voisins.

Mais les électeurs se déplaceront-ils les 13 et 20 juin prochains ? Peu d'entre eux savent que les élections départementales et régionales auront lieu et nous risquons de battre des records d'abstention. Nous l'avons vécu au second tour des municipales, malgré une organisation plus sécurisante qu'au premier tour...

Le groupe RDSE est favorable au relèvement des plafonds de campagne, au délai supplémentaire de dépôt des comptes de campagne ou à la double procuration.

Nous saluons la diffusion de programmes institutionnels sur les chaînes du service public, introduite par Maryse Carrère.

Mais les craintes de nos concitoyens sont ailleurs, avec la crise sanitaire. Nous avons le pouvoir et le devoir d'offrir des solutions à ceux frappés par la crise, d'élargir le champ des possibles.

Le groupe RDSE votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Une démocratie doit être une fraternité, ou bien c'est une imposture », déclarait Antoine de Saint-Exupéry.

La participation et la confiance sont des maillons essentiels de la démocratie. Aussi, nous nous réjouissons de l'accord sur ce texte, qui reporte la tenue des élections départementales et régionales.

Alors que le Covid-19 produit un mal-être sans précédent, nous devons réaffirmer les valeurs de notre démocratie représentative.

Le report de ces scrutins était essentiel pour permettre la tenue d'une campagne garantissant le pluralisme démocratique de ces élections, si importantes pour nos collectivités locales.

Un retour à la normale sera difficile d'ici mars 2021. Le Parlement prend donc acte de la nécessité de ce report de trois mois.

Le Covid bouleverse nos institutions et nos libertés. Le groupe Les Républicains se félicite de cet accord en CMP.

Mais nous n'acceptons pas pour autant de mettre durablement entre parenthèses le principe constitutionnel de périodicité des scrutins. Comme l'a dit Philippe Bas, la démocratie ne saurait être confinée. Le report doit permettre le bon déroulement des élections. Cela n'a rien d'impossible : la Catalogne l'a fait pas plus tard que le week-end dernier, l'Allemagne organisera des élections régionales en mars.

Nous nous félicitons du report en juin, mais il ne doit pas enclencher une démarche de procrastination. Il faut vivre avec le virus : on ne peut reporter systématiquement les élections au moindre rebond de l'épidémie. Si la situation perdurait, nous devrions nous adapter, aussi bien lors de la campagne que pour le scrutin lui-même.

La double procuration, la prise en charge des équipements de protection par l'État avaient été proposées par le Sénat l'année dernière. De même, la tenue d'un double scrutin évite une fragmentation de la participation et garantit simplicité et sécurité sanitaire.

Malheureusement, certaines de nos propositions ont été écartées notamment sur la déterritorialisation des procurations, qui aurait pu utilement restaurer la confiance des électeurs et freiner l'abstention.

Après un an de crise et de sacrifices, les Français ont le droit de renouer avec la vie démocratique. C'est même une nécessité.

L'adaptation du calendrier budgétaire des conseils départementaux et régionaux est bienvenue.

Nous devons également prendre en considération de nouveaux moyens électoraux. Le Havre utilise depuis 2005 les machines à voter, qui ont fait leurs preuves lors du scrutin municipal et départemental de 2008. Je me réjouis de la reprise de cet amendement par l'Assemblée nationale. Habilitées à recevoir un double scrutin, ces machines permettent de voter dans un unique bureau de vote et minimisent les risques de contamination.

Le débat autour du moratoire devra prendre une place prépondérante dans nos futures discussions. Ce regain d'intérêt rompt avec la fébrilité de l'exécutif depuis 2007 - alors qu'aucun risque n'a jamais été démontré. Espérons que les communes qui le souhaitent pourront se doter de machines de dernière génération.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP, ne serait-ce que pour affirmer que, face à la crise, la démocratie fait bloc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Code de la justice pénale des mineurs (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Tout engagement génère des compromis : c'est le propre de notre système bicaméral. C'est dans cet état d'esprit que le Sénat a abordé l'examen de ce texte.

Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur la réforme - devenue urgente - de l'ordonnance du 2 février 1945. Parmi les signaux d'épuisement, des délais de jugement trop longs : dix-neuf mois en moyenne, un siècle pour un jeune de 17 ans ! ; un taux d'incarcération en détention provisoire de plus de 80 % des mineurs emprisonnés.

Urgence, cependant, ne veut pas dire précipitation, et le sujet est mûrement réfléchi. Dès 2008, le rapport Varinard proposait la césure ; pendant dix ans, de nombreux rapports parlementaires, comme celui de Catherine Troendlé et Michel Amiel sur la réinsertion des mineurs enfermés, ont alimenté la réflexion.

Tout s'est accéléré en novembre 2018 avec l'autorisation donnée au Gouvernement, dans le projet de loi de programmation de la justice, de réformer le droit pénal applicable aux mineurs par voie d'ordonnance. Un an plus tard était publiée l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant nouveau code pénal des mineurs, que je vous propose de ratifier.

Cette réforme est attendue par l'ensemble des acteurs mais c'est aussi une transformation des pratiques professionnelles qui inquiète. C'est pourquoi elle doit entrer en vigueur sans précipitation. L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont accepté de suivre le Sénat : ce sera le 30 septembre 2021, au lieu du 31 mars 2021. En effet, la crise sanitaire et la grève des avocats ont beaucoup désorganisé les juridictions, qui n'ont pas encore suffisamment résorbé le stock des affaires en cours. On peut aussi espérer que les logiciels seront à jour au 30 septembre.

L'efficacité de la réponse pénale réside dans la réactivité et la pédagogie. La césure, qui est au coeur du dispositif, permettra non seulement d'accélérer la procédure mais surtout de favoriser sa compréhension par le jeune.

Le Sénat se félicite que l'introduction de la définition du discernement dans la partie législative du code pénal des mineurs ait été reprise par les députés ; elle guidera le juge dans son appréciation.

Nous regrettons en revanche que le principe de spécialisation du juge ne soit pas appliqué dans tous les domaines, notamment avec le recours au juge des libertés et de la détention (JLD) avant l'audience de culpabilité et la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes.

Le juge des enfants est pourtant le garant d'une justice plus éducative.

La réussite de la réforme dépendra des moyens mis à la disposition des juridictions et des liens entre les magistrats spécialisés et les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) afin d'éviter toute latence entre les différentes étapes de la procédure. La numérisation du dossier unique de personnalité du jeune, la fixation, dès l'audience de culpabilité, de la date de mise en oeuvre de la prise en charge éducative par la PJJ et la possibilité de convoquer les parents par tous moyens vont dans ce sens.

Le stage de responsabilisation des parents qui ne se rendent pas aux convocations du juge est également une avancée.

Vous l'aurez compris, le texte issu de la CMP nous convient et nous vous invitons à l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Quelque 76 ans se sont écoulés depuis le 2 février 1945. Ce nouveau code est tout un symbole. Le texte était devenu illisible à force de réformes, il fallait le moderniser.

« La question de l'enfance coupable est l'une des plus urgentes de l'époque présente », lit-on dans le préambule de l'ordonnance de 1945. Cela reste d'actualité en 2021.

La société attend une justice des mineurs claire et efficace. Ce code renforce la primauté de l'éducatif tout en permettant une réponse pénale cohérente, dans des délais encadrés.

Nous rapprochons la réponse judiciaire de l'acte : le mineur sera rapidement déclaré responsable pénalement et pris en charge avec souplesse par la PJJ dans le cadre d'une mesure éducative unique modernisée.

Je salue la CMP conclusive et le travail rigoureux et constructif de la rapporteure. Guidés par l'intérêt supérieur des mineurs, nous avons abouti au consensus démocratique que nous devions à nos enfants.

Le Sénat a introduit la définition du discernement dans la partie législative du code, imposé la communication, dès la première audience, d'une date de mise en place de la mesure éducative, étendu l'accès direct au dossier unique de personnalité aux professionnels du secteur associatif habilité.

Vous avez su prendre en compte les inquiétudes légitimes liées à la nécessaire évolution des pratiques professionnelles en reportant l'entrée en vigueur de la réforme au 30 septembre 2021.

Ce délai sera bien mis à profit pour préparer les acteurs de la justice des mineurs, afin qu'ils s'approprient le texte. Tout au long des débats, vous avez confirmé la confiance et la reconnaissance que nous leur devons. Je salue tout particulièrement l'engagement de la direction de la PJJ pour faire évoluer le droit des mineurs et ainsi toute notre société.

« La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » C'est par cette phrase du préambule de l'ordonnance de 1945 que je souhaite conclure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, Les Républicains et UC)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je ne reviendrai pas sur le fond de la réforme, dont chacun connaît les apports. Ce texte est nécessaire et équilibré.

Je salue le travail de la CMP et de notre rapporteur. Le travail des deux assemblées a été apaisé et constructif, autour d'un sujet sensible et exigeant. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean Terlier, a salué l'esprit d'ouverture du Sénat qui a considérablement enrichi le texte. Nous nous félicitons de l'esprit de responsabilité qui a guidé le Parlement.

Merci au passage, monsieur le garde des Sceaux, de permettre à la proposition de loi d'Annick Billon de prospérer et de reconnaître qu'une bonne idée peut venir du Sénat ! (M. le garde des Sceaux sourit.)

Notre groupe est satisfait du report de l'entrée en vigueur de la réforme, souhaité par les professionnels, de la précision relative au discernement du mineur, de la numérisation du dossier unique de personnalité et de son accès élargi, de la prise de date pour la mise en oeuvre de la mesure éducative dès l'audience de culpabilité, de la convocation des parents par tout moyen.

Reste un regret : que la position de l'Assemblée nationale sur le JLD l'ait emporté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Hélas.

Mme Dominique Vérien.  - Nous aurions préféré que la détention provisoire relève d'un autre juge des enfants, au nom du principe de spécialisation. Nous serons à l'écoute des remontées de terrain et évaluerons l'impact de cette mesure. Il sera toujours temps d'y revenir si nécessaire.

La PJJ est la clé de voûte de la justice des mineurs car elle porte l'essentiel du volet éducatif. Elle doit se voir dotée de moyens humains, financiers et matériels suffisants, pour le bien des mineurs à sa charge comme de la société tout entière.

Nous devons protéger nos enfants des dérives radicales et du fondamentalisme religieux, comme le prévoit le projet de loi sur les principes républicains. Ceux qui ont attaqué ces dernières années la France en son coeur étaient souvent d'anciens mineurs délinquants, qui s'étaient radicalisés. En rupture avec la société lorsqu'ils étaient mineurs, ils le furent avec la République et ses valeurs une fois adultes.

La PJJ doit jouer à plein son rôle éducatif et de réinsertion, pour éviter la récidive. À nous de lui en donner les moyens.

Notre groupe votera ce texte de compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Il y a bien sûr des points positifs dans ce texte. Néanmoins, nos objections subsistent. En toute honnêteté intellectuelle, nous ne pouvons le voter, et ce pour cinq raisons.

D'abord, la spécialisation de la justice des mineurs n'est pas respectée, avec le maintien du tribunal de police et du JLD en lieu et place du juge des enfants.

Ensuite, notre amendement, voté par le Sénat, visant à intégrer dans le code le secteur associatif habilité, a été supprimé en CMP. Pour quelle raison ?

En outre, cette réforme ne résout nullement le problème du manque de moyens matériels et humains de la justice des mineurs et de la protection de l'enfance, malgré la hausse de 8 % des crédits de votre ministère, que nous saluons.

Tous nos amendements visant à consacrer la primauté de l'éducatif sur le répressif et à faire du mineur délinquant un mineur à protéger, pourtant dans la logique de l'ordonnance de 1945, ont reçu un avis défavorable.

Enfin, la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale des mineurs de 13 ans n'a pas été retenue. Lors de l'examen de la proposition de loi d'Annick Billon, nous avons été plusieurs à voter le seuil de 15 ans. Relisez votre réponse, monsieur le garde des Sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je l'ai relue.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est heureux que vous ayez évolué sur le sujet, je le mets à votre crédit. Ce que vous avez dit à la télévision, vous eussiez pu le dire au Parlement...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je l'ai dit.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous l'avez dit depuis.

L'absence de présomption irréfragable d'irresponsabilité est contraire à l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Nous ne pouvons donc pas adopter ce texte, en dépit des progrès qu'il peut receler. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Marc .  - La modernisation de la justice pénale des mineurs était attendue. L'ordonnance de 1945, modifiée 39 fois, a perdu peu à peu efficacité et cohérence.

Aussi, l'ordonnance du 11 septembre 2019 modernise utilement la justice des mineurs. Nous déplorons cependant un manque d'ambition, l'absence d'un véritable code des mineurs traitant à la fois de l'enfance délinquante et de l'enfance en danger, car les deux sont liés.

Le 4 février dernier, la CMP a abouti grâce aux efforts conjoints pour trouver des compromis. Je salue l'esprit de responsabilité du Parlement.

Je suis heureux que des apports du Sénat aient été maintenus, notamment sur la définition du discernement, le dossier unique de personnalité, la convocation des parents. Les députés se sont ralliés à la position du Sénat qui proposait un report de l'entrée en vigueur de la réforme au 30 septembre 2021 pour permettre aux juridictions de s'adapter aux nouvelles procédures.

Cette réforme est équilibrée pour les mineurs et devrait permettre une meilleure organisation ; notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Esther Benbassa .  - Si la CMP a été conclusive, ce texte néanmoins ne convient pas au GEST.

Nous demandions la suppression de la mesure de retenue jusqu'à douze heures d'un jeune de moins de 13 ans par un officier de police judiciaire, au nom de la présomption d'irresponsabilité.

Nous nous sommes aussi opposés aux dispositifs de surveillance électronique à domicile - le bracelet électronique n'est pas adapté aux mineurs - et demandions la suppression de l'article du code ouvrant la porte à une exception à l'excuse de minorité. Le jeune âge doit conduire à une atténuation de la peine.

Nous voulions interdire la visioconférence tout au long d'une procédure concernant un mineur, parce qu'elle contrevient à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Nous défendions la présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de 14 ans pour mettre la France en phase avec la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE).

Nous voulions enfin réaffirmer la primauté des mesures éducatives sur les mesures répressives dans l'article préliminaire du nouveau code.

Aucune de ces améliorations ne figure dans ce texte.

L'ordonnance de 1945 était un texte novateur et protecteur pour les mineurs, parce qu'il introduisait une vision bienveillante du droit.

Aujourd'hui, les mesures de contrôle se substituent aux mesures éducatives ; l'insertion prend de moins en moins en compte le projet de l'enfant, le placement, en principe mesure de protection, devient mesure coercitive, et la spécificité de la justice des mineurs ne cesse de s'affaiblir, avec le rapprochement avec le droit pénal général.

Ce texte ne nous satisfaisait pas en première lecture, et ce n'est toujours pas le cas. Le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Je me réjouis que la CMP ait pu trouver un accord le 4 février. L'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante avait été modifiée plus de quarante fois, devenant illisible et insuffisante pour lutter contre les nouvelles formes de délinquance des mineurs.

Entamée en 2008 avec les travaux de la commission Varinard, la réforme devenait une arlésienne jusqu'à l'ordonnance du 11 septembre 2019.

Cette réforme historique modernise la justice pénale des mineurs pour répondre à une délinquance qui fait l'actualité, tout en conservant le principal : primauté de l'éducatif, spécialisation de la justice des mineurs, atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge.

Un débat constructif s'est engagé entre les deux chambres au cours de la navette. Malgré les craintes initiales et compréhensibles, l'ensemble du code a été discuté, et enrichi.

Ainsi, l'Assemblée nationale a introduit dès l'article préliminaire la référence à l'intérêt supérieur de l'enfant, interdit la visioconférence pour l'audience de détention provisoire, simplifié le cumul des mesures éducatives et de la peine.

Le Sénat a introduit la définition du discernement, la numérisation du dossier unique de personnalité, la convocation des représentants légaux par tout moyen.

La discussion s'est poursuivie en CMP sur les désaccords restants. Je salue le travail assidu des rapporteurs et la très grande qualité de nos échanges. Nous avons su nous accorder sur le rétablissement de la compétence du juge des libertés et de la détention pour la détention provisoire des mineurs, et du tribunal de police pour les contraventions les moins graves.

Enfin, le report de l'entrée en vigueur de la réforme à septembre 2021 était indispensable, pour laisser le temps aux magistrats et à la protection judiciaire de la jeunesse de se préparer.

La forte croissance des crédits à la justice pour 2021 démontre que la volonté politique est là. Nous serons cependant vigilants sur la mise en oeuvre de la réforme.

Le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - Même si la part des mineurs dans la délinquance globale reste stable, il y a bien un ressenti d'une plus grande violence des jeunes.

Près de la moitié des sanctions des mineurs sont des peines, alors que les mesures éducatives devraient être prioritaires.

Le RDSE se félicite de l'accord trouvé en CMP ; il fallait consacrer l'esprit de l'ordonnance de 1945 et mieux accompagner les mineurs pour éviter l'entrée dans une délinquance durable.

Il est rare de se réjouir du report d'une réforme, mais, dans le cas présent, une application dès le mois prochain aurait compliqué sa mise en oeuvre ; deux procédures se seraient chevauchées.

En retenant la définition du Sénat sur le discernement à l'article 1er ter A, la CMP a fait un pas vers la conformité avec les accords internationaux. Le choix d'une présomption simple est positif.

Le doublement de l'amende pour les représentants légaux de mineurs ne répondant pas à une citation à comparaître, à l'article 6 bis, aurait été une double peine pour des familles déjà en grande difficulté ; le stage de responsabilité parentale est un bon compromis.

Je crains que l'audience unique ne se généralise. Il faudra moins recourir à la détention provisoire car l'enfermement n'est pas une solution en soi. Parfois, il est même le début d'un parcours carcéral continu.

Monsieur le garde des Sceaux, lors de l'examen du projet de loi de finances, j'avais souhaité un vrai débat sur ce sujet fondamental. Je remercie la rapporteure : le débat a pu être mené.

Le groupe RDSE sera vigilant sur l'application de ce nouveau code et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Bien évidemment, nous regrettons de ne pas avoir réfléchi à un code plus global de la protection de l'enfance, comme nous y invite le Comité des experts des Nations Unies.

Demeurent des questions sur les choix de cette réforme de la justice des mineurs, souvent guidée par la recherche d'un gain de temps et d'argent.

Certes, on réaffirme les grands principes... à condition que cela n'ait pas d'impact sur la hauteur des piles de dossiers.

Certes, le budget de la justice a augmenté de 8 % en 2021, mais ces deniers publics sont principalement alloués à l'administration pénitentiaire (M. le ministre le conteste.) et non à la réduction de l'engorgement de la justice des mineurs.

Nous regrettons la tendance à calquer la justice des mineurs sur celle des majeurs. C'est le leitmotiv des derniers projets de loi : aller toujours plus vite, à effectifs réduits.

Sans moyens supplémentaires, la seule façon de juger plus vite est de rogner sur les principes : la primauté de l'éducatif sur le répressif et l'atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge.

Nous voulions une présomption irréfragable d'irresponsabilité pour les mineurs de 13 ans, et la restauration de l'admonestation ou remise à parent. Elle figure toujours dans le texte, mais disparaît dans les faits. À nos yeux, ce n'est pas un simple entretien, mais le premier niveau de sanction pénale d'un enfant. Pour certains, notiez-vous avec humour, monsieur le ministre, c'est parfois une liberté que de ne pas être remis à ses parents...

Autre regret, que le Sénat n'ait pas obtenu satisfaction sur la spécialisation des juridictions.

Le groupe CRCE ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ah ! Les joies de la discussion générale après une CMP conclusive !

L'accord en CMP est un double succès : députés et sénateurs sont tombés d'accord sur le nouveau code de justice pénale des mineurs ; les membres de la CMP ont accepté, à l'initiative du Sénat, le report de l'entrée en vigueur de la réforme. Il y a quelques mois, Marie-Suzanne Le Quéau, présidente de la Conférence des procureurs généraux, rappelait au Premier ministre qu'un refus aurait été un non-sens : ni les magistrats ni les moyens informatiques n'étaient prêts. Le ralliement est tardif mais heureux.

Nous regrettons cependant l'absence de deux apports du Sénat. D'abord, nous voulions confier la décision de placement en détention provisoire à un juge des enfants distinct, le JLD n'étant pas spécialisé dans le droit pénal des mineurs.

Nous nous étions aussi opposés à ce que le tribunal de police juge les mineurs pour les contraventions des quatre premières classes, car certaines, comme les violences volontaires sans interruption totale de travail, nécessitaient une réponse éducative. Le député Jean Terlier estime le nombre de ces affaires à 5 000 par an. La création de 45 postes de juges des enfants dans le budget 2020 ne suffit pas à les absorber, pas plus que les « sucres rapides » chers à la Chancellerie...

Nous nous félicitions en revanche du maintien de plusieurs ajouts du Sénat : interdiction du recours à la visioconférence pour les audiences préliminaires et inscription de notre définition du discernement - nous en sommes des experts ! - dans le code, ainsi que la numérisation du dossier unique de personnalité qui facilitera la transmission des informations.

Le nouveau code réaffirme le principe de spécialisation de la justice pénale des mineurs.

Parfois qualifiée de serpent de mer, cette réforme va enfin aboutir. La mission d'information du Sénat sur la réinsertion des mineurs enfermés, conduite par Catherine Troendlé et Michel Amiel, y a contribué.

Le groupe Les Républicains votera ce texte et appelle de ses voeux la réussite de cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

a bis) Au deuxième alinéa, le mot : « obtenir » est remplacé par les mots : « doit recueillir » ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est un amendement rédactionnel de coordination syntaxique.

ARTICLE 11

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les références :

, 9° et 10°

par la référence :

et 9°

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Rédactionnel.

Mme la présidente.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 17 février 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 22 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 17 février 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot Mme Jacqueline Eustache-Brinio

. Questions d'actualité

À 16 h 30 et le soir

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, M. Roger Karoutchi, vice-président

. Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information relative aux conditions de la vie étudiante en France

. Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information intitulée : « La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts »

. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (texte de la commission, n°357 rect., 2020?2021)