Association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution en faveur de l'association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales, présentée par MM. Alain Richard, Joël Guerriau et plusieurs de leurs collègues, en application de l'article 34-1 de la Constitution à la demande des groupes RDPI et Les Indépendants.

M. Alain Richard, auteur de la proposition de résolution .  - Taïwan s'est séparé de la Chine continentale en 1949 après une guerre civile de plus de vingt ans qui s'est conclue par la prise de pouvoir du parti communiste chinois et l'instauration de la République populaire de Chine.

La France, puis les États-Unis, et les autres pays, reconnaissent le régime de Beijing comme le représentant de toute la Chine qui récupère le siège du pays au Conseil de sécurité de l'ONU en 1971.

Taïwan se trouve ramenée à une entité non étatique, bien que dotée de tous les attributs d'un État sur son territoire de 36 000 kilomètres carrés -  la superficie des Pays-Bas  - et de 23 millions d'habitants - la population de l'Australie.

Elle est devenue une puissance économique significative, une société ouverte, une démocratie pluraliste, avec une presse libre. Du côté du continent, l'évolution est toute autre...

La Chine populaire n'a jamais caché son souhait de faire revenir l'île dans leur souveraineté. C'est pourquoi elle a élaboré dans les années 1980 le principe « un pays, deux systèmes », appliqué ensuite à Hong-Kong, avec l'évolution que l'on connaît. Elle exerce aussi des pressions militaires, soutenues par des lois prévoyant l'emploi de la force en cas de déclaration d'indépendance...

La France, qui conduit son action internationale dans le cadre du multilatéralisme organisé, souhaite logiquement qu'une entité comme Taïwan, qui joue un rôle important des différents domaines, soit entendue par la communauté internationale.

Les organisations que mentionne notre résolution autorisent la participation d'entités non étatiques dont l'intervention est utile à leur mission. C'est le cas de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi d'Interpol, de l'Organisation de l'aviation civile et de la commission de l'ONU contre le changement climatique.

Les autorités françaises s'activent régulièrement pour obtenir un consentement à la participation de Taïwan, avec un statut d'observateur mais accès aux échanges d'information et de réflexions. Notre proposition de résolution se veut un encouragement en ce sens à notre exécutif.

Les autorités de République populaire de Chine ont accepté jusqu'en 2016 la participation de Taïwan à l'OMS -  mais ont changé avec l'élection de Mme Tsai, qui respecte pourtant le statu quo.

Nous espérons donc respectueusement que Beijing accepte de nouveau, sans infléchir ses positions de fond, la participation de Taipei à la prochaine assemblée annuelle de l'OMS.

Mme le président.  - Il faut conclure.

M. Alain Richard.  - Nous entendons respecter la loi internationale et n'engager aucune initiative qui perturberait l'équilibre fragile qui prévaut dans cette région. Nous ne pouvons que recommander la retenue et la recherche des solutions pacifiques et négociées. Cette proposition de résolution s'inscrit dans cette ligne de conduite. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, UC et Les Républicains)

M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de résolution .  - Cette proposition de résolution est conforme aux engagements de notre pays pour la santé, la sécurité aérienne, et contre la criminalité transnationale et le changement climatique, que traitent l'OMS, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), Interpol, et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Il faut, sur ces sujets qui dépassent les frontières, un effort concerté de toutes les nations.

La constitution de l'OMS fait de la santé un droit fondamental de tout être humain. Pourtant, Taïwan ne peut participer à l'OMS !

Avec la superficie des Pays-Bas, la population de l'Australie, le PNB de la Suède ou de la Turquie, Taïwan importe plus que la Russie ou le Brésil et exporte plus que l'Espagne ou l'Inde. Son volume d'échange avec la France en fait un partenaire plus important que la Thaïlande, le Nigérie, l'Indonésie ou l'Australie.

Taïwan produit 84 % des semi-conducteurs du monde : notre industrie automobile en dépend. Avec ses deux compagnies aériennes importantes et le grand transit de passagers, il est absurde que Taïwan soit exclu de l'OACI et d'Interpol.

Avec une petite dizaine de morts du Covid et seulement un millier d'infections, Taïwan a été salué pour sa gestion de la crise sanitaire. Le pays a offert 54 millions de masques à 80 pays.

Les valeurs démocratiques qui y prévalent sont un modèle. À Taïwan, toute personne peut librement s'exprimer, la presse ne connait pas la censure. C'est le pays le plus libre d'Asie, au même niveau que la France ; les femmes occupent 42 % des sièges de l'Assemblée nationale - en plus de la présidence de la République.

Pourtant, la dernière couverture de The Economist souligne que Taïwan était le lieu le plus dangereux du monde en raison de la menace militaire chinoise.

La paix et la prospérité de cette région sont déterminantes pour le monde entier.

En 1965, André Malraux disait des relations diplomatiques avec la Chine Populaire : « Marchons ensemble, mais sans mélanger nos drapeaux ! » Respectons chaque drapeau, celui de Taïwan compris ; il en va de notre avenir ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, INDEP, Les Républicains et UC)

Mme Colette Mélot .  - Merci à nos collègues de nous permettre de débattre de Taïwan.

Depuis 1949, cette île essaie de préserver son autonomie. Avec un PIB comparable à celui de la Suisse ou de la Suède, Taïpei est une puissance économique de premier plan, leader de la production de semi-producteurs.

Le miracle taïwanais a fait de l'île un des quatre dragons asiatiques. Le niveau de vie y est équivalent à celui de l'Union européenne.

Taïwan a fait face avec succès à l'épidémie de covid-19, ne déplorant qu'une dizaine de décès sur 23 millions d'habitants. La communauté internationale aurait tout à gagner d'une plus grande coopération avec ce territoire riche de savoir-faire.

Cette résolution incite le Gouvernement français à poursuivre ses efforts pour intégrer l'île au sein de diverses organisations internationales, notamment dans le domaine sanitaire, policier et environnemental.

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a déjà soutenu l'objet de cette proposition de résolution, qui est aussi l'occasion de réaffirmer notre attachement au multilatéralisme, clé d'une paix et d'une stabilité durables.

Taïwan est l'objet de vives tensions géopolitiques engageant la Chine et les États-Unis, avec une course aux armements, notamment en matière navale. Un conflit ouvert aurait des conséquences néfastes pour tous. Il est dans l'intérêt de tous de préserver la paix, qui garantit la prospérité.

Comme cette résolution ne comporte aucune reconnaissance de l'indépendance Taïwan, elle est compatible avec la position française. Les organisations internationales visées acceptent des membres qui n'ont pas le statut d'État.

Le dialogue et la coopération pourront apporter des réponses durables.

Le groupe INDEP espère donc un large soutien pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, SER, Les Républicains et UC)

M. Guillaume Gontard .  - Depuis 1964, la France a rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan en reconnaissant le République populaire de Chine et ne déroge plus à la politique d'une seule Chine imposée par Pékin.

En 1971, l'île perdait son siège à l'ONU, en 1980, elle était exclue du FMI et, depuis 2016, Taïwan n'a plus son statut d'observateur à l'OMS. Rien ne légitime cette mise à l'écart.

Le contexte pandémique ne fait que le confirmer. La gestion de la crise sanitaire par Taïwan est un modèle : malgré une population exceptionnellement dense, égale à celle de l'Australie, l'île a su éviter les contaminations, tirant les leçons des épidémies de SRAS et de grippe H1N1. À cette date, seuls douze décès sont recensés.

Dès décembre 2019, Taïwan alertait l'OMS des risques de transmission humaine du virus. Début 2020, elle faisait don de cinq millions de masques chirurgicaux à l'Europe, à un moment crucial.

Cette attitude coopérative montre combien son association aux organisations internationale serait profitable.

Nous soutenons donc cette proposition de résolution, qui est conforme à la position du Gouvernement français.

Nous souhaitons cependant voir évoluer l'attitude française face à Pékin. La réaction de l'ambassade de Chine à un projet de voyage sénatorial à Taïwan nous confirme dans cette voie.

Nous ne devons plus transiger sur nos exigences démocratiques. C'est ce que fait l'Union européenne en suspendant la ratification de l'accord d'investissement avec la Chine. Après une ère Trump tendue et conflictuelle, l'administration Biden remet les droits humains et les valeurs démocratiques au coeur de son action diplomatique. Nous devons nous associer à cette entreprise de reconstruction.

Le GEST votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDPI et du groupe SER)

M. André Gattolin .  - Merci aux présidents des différents groupes politiques du Sénat, qui ont accepté l'inscription rapide de ce texte à notre ordre du jour.

Taïwan est un carrefour stratégique qui entretient des liens étroits avec l'Europe, et notamment la France.

C'est à l'initiative de notre groupe d'études sur Taïwan, particulièrement dynamique, que cette proposition de résolution, cosignée par 22 sénateurs de divers groupes, a été déposée.

Au printemps dernier, en plein confinement, nous étions 51 à signer un appel international demandant à l'OMS de collaborer avec Taïwan. En un an et demi, cette île de 23 millions d'habitants n'a enregistré qu'une dizaine de décès dus au Covid ! Ayant vécu la crise du SRAS en 2003, c'était le pays le mieux préparé.

Respectueuse des équilibres diplomatiques, cette résolution propose donc que Taïwan soit associé comme observateur à l'OMS. Son excellence sanitaire est reconnue. Plus de 1 700 parlementaires de 80 pays se sont déclarés favorables à une telle coopération.

Cette résolution appelle aussi à la participation de l'île à l'assemblée de l'OACI, à laquelle elle participait jusqu'en 2013. Entre 1944 et 1971, elle en était l'un des membres fondateurs. L'aéroport de Taoyuan est le dixième du monde pour le trafic de passagers, le sixième pour le fret.

La résolution suggère aussi pour Taïwan un statut d'observateur au sein d'Interpol, organisation qui compte 194 pays membres. C'est la 36e destination touristique, la 21e économie, ce qui en fait un maillon indispensable du système de sécurité globale  -  mais elle n'a pas accès au réseau mondial de coopération policière. C'est une lacune à laquelle il est urgent de remédier.

Depuis 2015, Taïwan s'est fixé des objectifs ambitieux de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et investit dans les technologies vertes et la transition écologique. Sa participation aux travaux de la CCNUCC serait bénéfique à tous.

Cette résolution vise à renforcer la coopération internationale au service du bien-être de toutes les populations.

L'intégralité du groupe RDPI votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Joël Guerriau.  - Bravo !

M. Jean-Claude Requier .  - Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent que Taïwan participe à diverses organisations internationales. Comment ne pas souscrire à cet objectif ?

La santé, la lutte contre le changement climatique sont des défis mondiaux. Taïwan a été exemplaire dans la gestion de la pandémie de Covid ; l'île s'est unilatéralement engagée à respecter le protocole de Kyoto et a défini des objectifs très ambitieux en matière climatique.

L'association de Taïwan à l'OACI serait également bénéfique à la sécurité du trafic aérien : le trafic y représente 1 750 000 vols par an, à partir de 17 aéroports.

Enfin, Interpol ne doit souffrir d'aucune brèche. Le partage de ses dix-huit bases de données serait profitable à tous.

Nous connaissons les vertus du multilatéralisme pour faire progresser les grandes causes et favoriser des échanges plus propices à la paix que les postures d'isolement.

Il nous faut toutefois veiller aux bonnes relations entre la France et la Chine, au vu des enjeux géopolitiques en mer de Chine.

Taiwan est un interlocuteur fiable et une partenaire économique important pour la France, malgré de regrettables taxes sur le champagne. Mais nul besoin de rappeler la place de la Chine. Ce constat invite au compromis, sans pour autant tout laisser passer.

La diplomatie est l'art de l'équilibre et de la désescalade : il faut donc trouver un équilibre pour mieux associer Taïwan aux instances internationales sans provoquer la Chine.

Laissons le temps aux discussions ; le RDSE ne prendra pas part au vote.

Mme Michelle Gréaume .  - Cette proposition de résolution invite à soutenir la décision du Gouvernement d'appuyer l'association de Taïwan à l'OMS, à l'OACI, à la CCNUCC et à Interpol.

De 2009 à 2016, Taïwan était membre observateur de l'OMS ; elle n'a plus été invitée depuis l'élection de l'indépendantiste Tsai Ing Wen. Sous quelle forme se ferait son retour ? En tant que région rattachée à la Chine ou en tant que pays souverain ?

En 1964, la France a reconnu la République populaire de Chine, sept ans avant l'ONU. Paris est un interlocuteur exigeant et respecté.

Taïwan participe, sous la dénomination Taipei-Chine, aux Jeux Olympiques, au GATT, à la Banque asiatique de développement. Il existe donc un espace de dialogue avec Pékin à approfondir.

Certes, le temps accentue la distance : 85,6 % des Taïwanais sont nés après la partition. Le contexte de confrontation déclenché par Donald Trump n'est pas étranger à la situation actuelle qui laisse craindre une escalade pékinoise qui pourrait déboucher sur un conflit.

La France doit-elle mettre de l'huile sur le feu ou contribuer à l'apaisement ? Doit-elle, avec cette proposition de loi, se placer dans la roue des États-Unis ? (Murmures ironiques sur les travées du RDPI)

Ne devrait-elle pas conserver son rôle de conciliatrice ? Son adoption n'exacerberait-elle pas les tensions ? Au vu des réactions officielles de Pékin, je crains une rupture franco-chinoise qui nous nuirait.

M. Bernard Jomier.  - Si le PCC n'est pas d'accord... (Sourires sur les travées du RDPI)

Mme Michelle Gréaume.  - Conservons notre neutralité dans ce dossier. Notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Olivier Cadic .  - Le 1er janvier 2020 à Wuhan, le Dr Li Wenliang, de l'hôpital central, était incarcéré pour avoir lancé l'alerte et perturbé l'ordre social. Il mourra le 7 février, de la covid.

Forte de son expérience du SRAS, Taïwan a su anticiper l'épidémie. Dès le 31 décembre 2019, elle alertait l'OMS sur la possibilité d'une transmission interhumaine du virus, mais n'a pas été entendue. Trois semaines cruciales ont été perdues du fait de l'exclusion de Taïwan de l'OMS.

Le 20 février, j'interrogeais le Gouvernement sur les initiatives qu'il pourrait prendre afin d'intégrer Taïwan dans les discussions internationales sur le nouveau virus. On dénombrait alors 2 012 décès du Covid dans le monde. Un mois plus tard, 84 parlementaires signaient une tribune demandant l'intégration de Taïwan au sein de l'OMS.

À ce jour, l'île totalise 1 121 cas confirmés et seulement 12 décès pour 23 millions d'habitants. Dès le début de la pandémie, Taïwan a produit 13 millions de masques par jour. Le confinement a été évité.

En juin, Jean-Yves Le Drian me répondait souhaiter l'association de Taïwan aux travaux de l'OMS, mais rien n'a changé. Taïwan reste au ban de l'OMS comme de nombreuses organisations internationales - Interpol, ce qui crée des brèches considérables dans la lutte contre la criminalité transnationale ; l'OACI, malgré sa position clé pour le transport et le contrôle aérien en mer de Chine ; la CCNUCC, alors que sa société est à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

La réponse se trouve de l'autre côté du détroit : le PCC n'aime pas le régime démocratique de Taïwan, sa société émancipée, son économie florissante. En Chine, l'heure est au contrôle de masse, à la répression institutionnalisée contre les Ouïgours.

En octobre 1989, Mikhaïl Gorbatchev déclarait à son homologue Est-allemand que « celui qui est en retard sur l'histoire est puni par la vie ». Trois semaines plus tard tombait le mur...

En clamant que Taiwan est une province intégrante de son pays, Xi Jinping est en retard sur l'histoire.

Taïwan, c'est le quart du PIB de la France, 110 postes diplomatiques et consulaires dans 75 pays, et la vingtième armée du monde - au niveau du Canada ! De fait, Taïwan est indépendante.

Certains diplomates soucieux de plaire à Pékin préfèrent parler le moins possible de Taïwan. Je pense le contraire.

Taïwan, selon The Economist, serait le lieu le plus dangereux de la terre. D'un point de vue géostratégique, l'île devient plus importante pour l'équilibre du monde que ne l'était Berlin Ouest pendant la guerre froide.

En matière de démocratie, Taïwan en a fait autant que n'importe quel autre pays. L'ONU a été créée pour défendre les droits humains. Pourquoi Taïwan n'en bénéficierait-elle pas ?

Répétez avec moi le cri de Victor Hugo : « Vive la liberté universelle ! »

Au moment où le G7 déclare dans un communiqué son soutien pour que Taiwan participe aux organisations internationales comme l'OMS, cette proposition de résolution est un signal fort adressé à tous les peuples libres.

Je voterai, comme mon groupe, cette proposition de résolution avec fierté.

Le jour où la Chine s'éveillera à la démocratie, la Chine sera Taïwan. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDPI)

M. Joël Guerriau.  - Excellent !

M. André Vallini .  - L'influence de la diplomatie chinoise dans le système onusien au détriment de Taiwan inquiète.

Après des années de bienveillance au nom d'un prétendu « partenariat stratégique », l'Union européenne hausse le ton face aux provocations chinoises. L'heure est enfin à la lucidité, comme le montre la suspension par la Commission européenne des négociations sur l'accord d'investissement global.

Dès lors, la prudence concernant Taïwan n'est plus de mise. Pékin multiplie les propos agressifs et les manoeuvres miliaires à l'encontre de l'île. La Chine se comporte comme si elle se préparait à la guerre. Sa puissance navale augmente, celle des États-Unis diminue : pour la première fois depuis la chute de l'URSS, un pays peut rivaliser avec l'US Navy. Dans les simulations opérationnelles, les États-Unis ont de plus en plus de mal à s'opposer militairement à une opération chinoise contre Taïwan.

Malgré ses défauts, l'horrible Donald Trump a ouvert les yeux du monde sur la menace chinoise, qui est aussi diplomatique et militaire.

Pendant la guerre froide, Berlin était un symbole. Taïwan aussi, mais elle a, en plus, une valeur économique et stratégique.

L'Europe doit exiger que soit respecté le droit à l'existence de Taïwan. Face à la Chine, la naïveté n'est plus de mise. Soyons lucides : la Chine ne respecte que la force. Nous savons d'expérience où mène l'esprit munichois. À vouloir éviter la guerre au prix du déshonneur, on finit par avoir et la guerre et le déshonneur.

Si nous voulons sauver l'honneur, il faut soutenir Taïwan, et voter cette résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI, Les Républicains et UC)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis de cette proposition de résolution. J'avais déposé une question écrite sur ce sujet en janvier 2020 -  la toute première. J'y demandais un état des lieux de nos relations bilatérales et m'interrogeais sur le bien-fondé de l'isolement international de Taïwan, modèle de démocratie. J'y indiquais également qu'une participation de Taïwan à l'OMS serait utile face au risque épidémique émergeant en Chine. Le jour même, l'OMS déclarait l'urgence sanitaire internationale.

Plus d'un an après, nous ne pouvons que regretter que Taïwan n'ait pas été associé au travail de l'OMS. Sa gestion de la pandémie a pourtant été exemplaire ; sa générosité s'est manifestée par les dons de masques et de matériel médical alors que l'Europe connaissait la pénurie. Alors qu'un laboratoire vient de mettre au point un vaccin prometteur contre l'entérovirus 71, le transfert de technologie, le partage d'expérience serait très précieux. Hélas, Taïwan sera à nouveau absent de l'AMS en juin prochain à Genève. Cela n'est pas tolérable et c'est même criminel alors que l'on compte 150 millions de cas covid dans le monde et 3,5 millions de morts...

La France a toujours soutenu une position d'ouverture sur le sujet, mais sa voix reste isolée. Il nous faut appuyer sa démarche. La déclaration du G7, hier, montre que les positions évoluent en faveur de la participation de Taïwan à l'OMS. Il faudrait, monsieur le ministre, que cette déclaration figure en français sur le compte Twitter du ministère des affaires étrangères.

Le problème tient à l'opposition de la Chine, dont la réaction ne s'est pas fait attendre. Elle invoque la souveraineté nationale pour contraindre Taïwan à l'isolement diplomatique et multiplie les déclarations agressives, voire les menaces.

D'aucuns nous ont conseillé d'être prudents - l'ambassade chinoise ne s'est pas privée d'insulter les parlementaires français. J'aime la Chine et son peuple, je connais nos intérêts économiques avec la Chine. Certes, la diplomatie est l'art de la prudence et des petits pas, mais il serait à l'honneur de ce grand peuple d'évoluer sur le sujet.

La croissance économique enviable de Taïwan, son industrie dynamique, ses innovations technologiques peuvent susciter les appétits. Comme le rappelait la récente couverture de The Economist, des bruits de bottes se font entendre...

Alors oui, je le dis haut et fort, il est de notre devoir d'aider Taïwan à trouver sa place sur la scène internationale. Nous devons développer notre coopération internationale et y inclure tous les acteurs.

Ayons le courage de ne pas nous laisser intimider par les gesticulations et les invectives, et de dire ce qui nous semble juste ! Taïwan doit pouvoir participer à toutes les instances internationales où son expertise pourrait être utile, qu'il s'agisse d'aviation civile, de climat ou d'Interpol.

À ceux qui auraient la tentation de Munich, je dirai que l'on ne respecte pas l'adversaire qui se plie, mais que l'on craint et respecte celui qui a le courage de se battre pour ses justes convictions.

Amis chinois, de quoi avez-vous peur ? Vous êtes un grand et magnifique pays et vous avez tout intérêt à une coopération pacifique. Aidez-nous, aidez Taïwan à vous aider ! Le monde n'en sera que meilleur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains , UC et RDPI.)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Mon propos ne sera guère original, car nos points de vue convergent. Un consensus se dégage au Sénat. Taïwan n'est reconnu que par seize pays et connaît un isolement diplomatique. Pourtant, sa présidente promet une démocratie transparente, que notre groupe d'échanges et d'études Sénat-Taïwan a pu observer en décembre 2019. Il est temps que nous retournions sur place.

Taïwan est un modèle d'acteur responsable en matière de lutte contre le changement climatique, un partenaire solide en matière scientifique et économique. Les 2 300 Français qui y vivent dynamisent nos liens avec ce pays. Sa démocratie est bien vivante, comme en témoigne le vote de la loi sur le mariage pour tous en mai 2019 ou la révolution des tournesols en 2014, lorsque les étudiants du numérique se sont élevés contre l'ingérence chinoise.

Taïwan a fait preuve d'une maîtrise exceptionnelle dans la gestion de la pandémie, avec un sens de la responsabilité collective de la population. Il n'a pas eu besoin de confinement ni de couvre-feu, il n'a pas mis son économie à l'arrêt. Le partage de cette expérience ne peut qu'être bénéfique à la communauté internationale.

Tous les membres du groupe SER voteront cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI et UC.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - C'est un moment utile et important. La France reconnaît le gouvernement de la République populaire comme seul représentant de la Chine et n'entretient pas de relations diplomatiques avec Taïwan, mais conduit de nombreuses coopérations avec l'île, dans le cadre de la « politique d'une seule Chine ». Nous considérons que la voie du dialogue constructif entre les deux rives doit être privilégiée.

Taïwan est donc un partenaire important de la France en Asie. Il occupe en outre une place majeure dans l'économie mondiale et, en raison de sa place dans les chaînes de valeur, notamment les semi-conducteurs, c'est un membre actif dans les travaux de l'OMC. Il faut saluer également la vitalité de la société civile et une remarquable transition démocratique dans les années quatre-vingt.

Taïwan accueille une importante communauté française, de 4 000 personnes. La France et Taïwan développent des échanges scientifiques, économiques, culturels, éducatifs. Nous partageons une même ambition pour la promotion des droits de l'homme.

Taïwan fait partie des 37 territoires prioritaires pour l'exportation des industries culturelles et créatives françaises et notre coopération scientifique et universitaire est vivante, elle a spectaculairement progressé, avec aujourd'hui 1 500 étudiants français à Taïwan.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - C'est vrai !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - L'île développe une politique active sur la scène internationale et elle est membre d'une trentaine d'organisations internationales ; elle participe comme observateur aux travaux d'une vingtaine d'autres.

Notre position est claire et constante : nous sommes favorables à l'intégration de Taïwan à des organisations internationales lorsque c'est l'intérêt de la communauté internationale. Je pense à l'OMS, à l'OACI, à Interpol ou à la convention cadre des Nations unies pour le changement climatique.

Nous ne pourrons vaincre le Covid qu'ensemble. Même chose pour la sécurité, les transports, le climat.

Taïwan a remarquablement contenu l'épidémie et son expérience est donc essentielle. Avec seulement 12 morts sur 23 millions d'habitants, il a su répondre rapidement à la pandémie. En outre, il a fait des dons de matériel médical et de masques à ses partenaires - dont la France - au printemps 2020.

C'est pourquoi Jean-Yves Le Drian est favorable, il l'a dit en novembre dernier, à ce que Taïwan participe aux travaux de plusieurs organismes internationaux, dont l'OMS. Il ne doit pas y avoir de vide sanitaire dans la lutte contre la pandémie et nous regrettons que le pays n'ait pu participer à la 73e Assemblée mondiale de la santé.

Nous défendons cette position au niveau de l'Union européenne, comme au G7 il y a quelques jours... Nous avons donc une grande convergence avec les auteurs de la proposition de résolution. La France ne veut pas que cette question devienne un enjeu politique : il s'agit de défendre les intérêts objectifs de la communauté internationale.

Nous suivons attentivement la situation dans le détroit de Taïwan. Les incursions militaires dans la zone d'identification et de défense aérienne de Taïwan sont devenues depuis un an presque quotidiennes. Nous réprouvons toute tentation de remise en cause du statu quo et toutes les actions qui attisent les tensions dans le détroit. Je crois pouvoir dire que cette position est partagée par tous nos partenaires de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur diverses travées à droite et à gauche)

La proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public à la demande du RDPI.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l'adoption 304
Contre     0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

Prochaine séance, lundi 10 mai 2021, à 17 h 30.

La séance est levée à 18 h 50.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 10 mai 2021

Séance publique

À 17 h 30

Présidence :

M. Gérard Larcher,président Mme Laurence Rossignol, vice-présidente M. Vincent Delahaye, vice-président

- Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, complétant l'article premier de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement (n°449, 2020-2021)

Analyse des scrutins

Scrutin n°116 sur l'ensemble de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, en faveur de l'association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales

Résultat du scrutin

Nombre de votants :323

Suffrages exprimés :304

Pour :304

Contre :0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (148)

Pour : 139

Abstentions : 4 - MM. Pascal Allizard, Jérôme Bascher, Philippe Dallier, Mme Béatrice Gosselin

N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Pascale Gruny, Présidente de séance, MM. Christian Cambon, Édouard Courtial, Mme Catherine Dumas

Groupe SER (65)

Pour : 65

Groupe UC (55)

Pour : 52

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Philippe Folliot, Olivier Henno, Hervé Marseille

Groupe RDPI (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (15)

Abstentions : 15

Groupe RDSE (15)

N'ont pas pris part au vote : 15 - MM. Stéphane Artano, Christian Bilhac, Henri Cabanel, Mme Maryse Carrère, M. Jean-Pierre Corbisez, Mme Nathalie Delattre, MM. Bernard Fialaire, Éric Gold, Jean-Noël Guérini, Mme Véronique Guillotin, MM. André Guiol, Olivier Léonhardt, Mme Guylène Pantel, MM. Jean-Claude Requier, Jean-Yves Roux

Groupe INDEP (13)

Pour : 13

Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (2)

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier