Nommer les enfants nés sans vie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie, présentée par Mme Anne-Catherine Loisier.

Discussion générale

Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi est le fruit d'échanges avec des familles éprouvées par la perte d'un enfant né sans vie. Elle vise à donner à l'enfant un nom de famille pour accompagner le deuil et inscrire dans la loi les premiers éléments d'une reconnaissance sociale.

Elle n'ouvre pas de droits supplémentaires mais permet aux familles et à ceux qui les accompagnent de s'appuyer sur un cadre juridique à même de faire évoluer les pratiques et de réduire les inégalités territoriales.

Je remercie les juristes et sociologues que j'ai sollicités de leur éclairage, et attire votre attention sur le rapport Périsens (Périnatal, Statut, Enregistrement, Statistiques).

Le nombre d'enfants nés sans vie est estimé à 8 000 par an, mais certains parents ne les font pas enregistrer.

En l'absence de personnalité juridique, il n'y a pas de reconnaissance sociale des enfants nés sans vie, ni du deuil périnatal.

Cette proposition de loi permet d'attribuer un nom de famille et crante dans la loi le choix d'un prénom, rendu possible par la circulaire du 19 juin 2019 mais non prévue par l'article 79-1-2 du code civil. Le tout sans créer de personnalité juridique, ni de lien de filiation.

Est-ce parce qu'il n'a pas de personnalité juridique que l'enfant né sans vie doit être considéré comme l'enfant de personne ? Pourquoi ni nom ni lien de filiation, quand l'enfant a un prénom et figure sur le livret de famille ? Qui porte un prénom sans avoir de nom ? D'autant que l'acte d'enfant sans vie doit énoncer l'identité des père et mère...

Cette proposition de loi est une étape dans la prise de conscience juridique de ces situations et dans l'accompagnement des familles, qui reste à construire ; une avancée sur le chemin de la reconnaissance des enfants nés sans vie.

Nom et prénom individualisent l'enfant, lui donnent une place officielle dans la famille et aux yeux de l'administration. C'est un pas de plus vers la reconnaissance sociétale de cette épreuve et vers une uniformisation de l'accompagnement.

Je vous invite à soutenir cette proposition de loi humaniste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et CRCE)

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi a un objet volontairement circonscrit : donner un nom aux enfants nés sans vie pour mieux accompagner les familles.

La notion d'enfant sans vie est issue de la loi du 8 janvier 1993, qui les distingue des enfants nés vivants et viables qui ont une personnalité juridique.

Malgré l'absence de personnalité juridique des enfants sans vie, le législateur autorise déjà un enregistrement à l'état civil, directement dans le registre des décès. Cet acte est facultatif et sans limite de délai. Les parents sont désignés dans l'acte comme « père » et « mère », ce qui est paradoxal car l'enfant demeure sans filiation.

Cette proposition de loi donne l'apparence d'une personnalité juridique et d'une filiation, mais qui ne sont que mémorielles. C'est un « accompagnement bienveillant » par le droit, un accommodement raisonnable.

Depuis 2008, l'acte d'enfant sans vie est conditionné à la production d'un certificat médical d'accouchement, ce qui exclut les fausses couches et les interruptions de grossesse du premier trimestre. Par trois arrêts, la Cour de cassation a écarté l'obligation pour l'officier de l'état civil d'appliquer les seuils de viabilité de l'OMS, soit un poids de 500 grammes et 22 semaines d'aménorrhée. Ce sont les médecins qui constatent s'il y a eu accouchement ou pas.

Depuis 2008 également, un livret de famille peut être délivré aux couples non mariés dont le premier enfant est mort-né.

La circulaire du 19 juin 2009 reconnaît aux parents le droit de donner un prénom, d'organiser des funérailles et de bénéficier de droits sociaux - congé de maternité, de paternité ou de deuil.

Mme Loisier veut limiter la portée de l'attribution d'un nom au seul acte d'enfant sans vie, pour éviter tout « effet de bord ».

Souhaitons-nous aller plus loin dans la reconnaissance de l'enfant sans vie ? La commission des lois a estimé légitime d'aller au bout du processus d'identification de l'enfant sans vie et de matérialiser symboliquement le lien de filiation du père, qui n'a pas le même rapport charnel avec l'enfant que la mère.

Donner un nom rendrait plus cohérente la reconnaissance symbolique de l'enfant sans vie, selon la même logique compassionnelle qu'en 1993. Les familles ne comprennent pas l'entre-deux actuel.

Mais ce pas supplémentaire doit rester symbolique, sans entraîner une reconnaissance de facto de la personnalité juridique. Les professeurs de droit estiment qu'en droit français, seul le fait d'être né vivant et viable confère la personnalité juridique.

Pour éviter tout risque de construction prétorienne, la commission a précisé que cette inscription « n'emporte aucun effet juridique », ce qui écarte aussi l'application de la loi sur la dévolution du nom de famille ainsi que toute conséquence en matière de succession.

La rédaction de la commission affirme aussi plus clairement le caractère optionnel de cet acte.

Je vous propose d'adopter cette proposition de loi ainsi modifiée, avec l'assentiment de son auteur. il s'agit seulement d'un accompagnement pour des familles pleines de larmes. Aidons-les à faire cet impossible deuil de l'avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - En 2020, 740 000 enfants sont nés en France. Parfois, hélas, le chagrin est au rendez-vous. Je pense à la peine des parents, des familles ne pouvant entendre le premier cri de cet enfant attendu, né sans vie.

En 2020, 8 747 actes d'enfants sans vie ont été dressés. Derrière ce chiffre, des douleurs immenses. Le deuil nécessite accompagnement et beaucoup d'empathie.

La loi du 8 janvier 1993 a introduit l'acte d'enfant sans vie, qui permet de reconnaître cet enfant.

L'article 79-1 du code civil distingue deux hypothèses. Lorsque le certificat d'accouchement atteste que l'enfant est né vivant et viable mais qu'il est décédé avant l'établissement de l'acte de naissance, l'officier d'état civil dresse à la fois un acte de naissance et de décès. L'enfant a été une personne, un bref instant, et bénéficie de tous les attributs qui y sont attachés.

Lorsque l'enfant n'était pas viable, il est seulement enregistré sur les registres des décès, avec indication du nom de ses père et mère - alors même que la filiation n'est pas juridiquement établie.

Les enfants sans vie sont les enfants mort-nés et les enfants décédés peu après la naissance car non viables.

Mme Loisier souhaite donner un nom de famille à ces enfants pour accompagner le deuil des parents. Je salue l'humanité de sa démarche et partage son objectif d'aider ces familles frappées par la douleur, auxquelles j'adresse une chaleureuse pensée.

Cette proposition de loi fait oeuvre utile en posant le débat et en faisant connaître des situations trop souvent ignorées. La demande d'un traitement digne et respectueux de ces familles et de ces enfants est légitime.

Les ministères de la Justice, de la Santé, de l'Intérieur et de la cohésion des territoires s'emploient avec détermination à améliorer l'accompagnement des familles.

Plusieurs réponses ont été apportées. D'abord, l'inscription dans l'histoire familiale par un acte officiel : l'acte d'enfant sans vie. Le prénom de l'enfant peut être inscrit dans le livret de famille avec mention du père et de la mère ; des funérailles peuvent être organisées, même sans acte d'enfant sans vie. Enfin, un prénom et un nom de famille peuvent être inscrits sur la sépulture, le code général des collectivités territoriales n'imposant pas que les mentions figurant sur le monument funéraire soient identiques aux données de l'état civil.

La mise en oeuvre de l'article 79-1 du code civil ne donne lieu à aucune difficulté d'application. Le Gouvernement est vigilant sur ce point.

Instruction a été donnée de faire preuve d'humanité dans l'appréhension des situations. L'accompagnement des familles a été renforcé : la Haute Autorité de Santé (HAS) a défini des recommandations générales sur la prise en charge du deuil périnatal ; des recommandations régionales sont également prévues ; les familles sont informées des possibilités qui sont ouvertes en matière de droits aux prestations sociales ou aux congés parentaux.

Enfin, le droit actuel tient compte de toutes les sensibilités. Chacun est libre de son choix.

Faut-il aller plus loin ? Je me dois d'émettre deux réserves, mesurées, à l'encontre de ce texte, dont je respecte la motivation.

L'inscription du nom de famille pourrait rigidifier les règles, applicables en matière d'état civil : actuellement, chacun peut faire son deuil comme il l'entend face à cette épreuve terrible. Certains souhaitent oublier.

Nous risquons aussi de déplacer les équilibres posés par le code civil sur le droit des personnes. Comment justifier la dévolution du nom sans filiation ? Donner un nom à l'état civil tout en déniant toute personnalité juridique ?

Le travail de la commission a cadré la portée du texte mais, j'insiste, le nom de famille est un attribut de la personnalité juridique : seules les personnes ont un nom de famille.

Nous risquons de créer de la confusion quant au cadre juridique applicable. Ces équilibres sont fragiles, n'y touchons que d'une main tremblante ! Le coeur a ses raisons que la raison juridique ne connaît pas forcément.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - Depuis 1993, l'article 79-1 du code civil définit le cadre juridique des enfants nés sans vie, qui les distingue des enfants nés vivants et viables, dotés de la personnalité juridique.

Deux décrets en 2008 et une circulaire en 2009 ont précisé le dispositif en conditionnant l'acte d'enfant sans vie à un certificat médical d'accouchement, spontané ou provoqué.

Mme Loisier va plus loin dans l'individualisation de l'enfant sans vie en permettant l'inscription d'un nom de famille dans l'acte, pour lui donner une reconnaissance symbolique. La commission des lois a précisé que cette inscription n'emporte aucun effet juridique, notamment en matière de filiation et de succession.

C'est donc un symbole, un accompagnement bienveillant des familles endeuillées.

Cette reconnaissance d'une filiation symbolique est bienvenue. La Cour européenne des droits de l'Homme, dans un arrêt du 2 juin 2005, a estimé que refuser le lien de filiation entre un parent et un enfant mort-né constituait une violation du droit au respect de la vie privée et familiale.

Attention toutefois à ne pas ouvrir la voie à une éventuelle remise en cause du droit à l'IVG, même si l'IVG et l'interruption spontanée de grossesse au premier trimestre sont explicitement exclues par le décret de 2008. Attention aussi aux arguments réactionnaires de la commission sur le nom de famille qui traduisent une vision patriarcale de la filiation. (Sourires) Qu'en est-il si le nom de la mère uniquement est choisi ? Si les parents ne demandent pas de livret de famille ? Quid des parents homosexuels ? Le droit de la filiation évolue, prenons-le en compte dans tous les textes.

Cela dit, le CRCE partage la lettre de ce texte et le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST et sur le banc de la commission)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue l'initiative d'Anne-Catherine Loisier qui clarifiera le statut ambigu des enfants nés sans vie : 8 747 enfants mort-nés naissent chaque année, quelle antinomie dans cette phrase !

Cette proposition de loi permet une reconnaissance mémorielle de ces enfants, à travers la possibilité de leur donner un nom, conformément à la proposition du Médiateur de la République en 2005. C'est déjà le cas aux Pays-Bas, en Allemagne, en Irlande ou au Royaume-Uni.

Dans notre droit, l'officier d'état civil établit l'acte d'enfant sans vie si l'enfant est mort-né ou né vivant mais non viable ; l'acte précise l'identité du père et de la mère, qui peuvent donner un prénom à l'enfant.

Donner aussi un nom, comme le prévoit ce texte, complète la reconnaissance symbolique de l'enfant, pour aller plus loin dans son individualisation.

Cette attribution, dénuée d'effet juridique, n'aura qu'une portée limitée à l'état civil. Elle n'aura aucun effet sur le plan successoral, fiscal ou social.

La commission a précisé et sécurisé le texte. L'enfant mort-né pourra s'inscrire plus complètement dans l'histoire familiale. Cette évolution s'inscrit dans la logique compassionnelle qui a présidé à l'introduction, en 1993, de l'article 79-1 du code civil.

Je remercie notre rapporteur pour son écoute et son implication sur un sujet difficile. Je ne doute pas que le Sénat adoptera ce texte humaniste pour un meilleur accompagnement des familles endeuillées.

Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Parfois, le Parlement fait oeuvre d'humanisme. C'est le cas ici. Il ne s'agit pas d'une révolution juridique, mais de la poursuite d'un travail engagé depuis trente ans pour une meilleure reconnaissance de la douleur des parents.

La loi du 8 janvier 1993 a permis l'inscription des enfants nés sans vie sur un document officiel, facultatif. Elle a été suivie de nouvelles évolutions en 2005 et 2009.

Le garde des Sceaux et la rapporteure l'ont rappelé : les situations sont diverses - enfants nés sans vie, enfants vivant quelques heures, enfants décédés in utero. La durée de la grossesse est évidemment prise en compte : il faut cantonner le périmètre du texte aux enfants qui auraient pu naître.

Cette démarche honore le Sénat. Espérons que ce texte ira jusqu'à l'adoption définitive.

Nous avons beaucoup débattu du problème complexe de la personnalité juridique et de ses conséquences. Le groupe SER a déposé deux amendements. Le premier est une demande de rapport sur l'accompagnement des parents dans les différents territoires et sur la formation des soignants. Le second remplace les termes « père » et « mère » par celui de « parents », comme en d'autres endroits du code civil. Une famille homoparentale ne souffre pas moins de la perte d'un enfant...

Le groupe SER est favorable à ce texte, limité dans son objet mais utile à l'accompagnement de la souffrance des familles. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées des groupes CRCE et UC)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Pendant longtemps, les enfants nés sans vie ont été qualifiés de pièces anatomiques, de déchets hospitaliers ou de débris humains. On les incinérait dans les services hospitaliers ad hoc avec les pièces opératoires. Ce traumatisme ajoutait à la douleur sans nom des parents.

La reconnaissance de cette naissance est une démarche nécessaire pour le travail de deuil, d'autant que l'on sait désormais représenter, de manière visuelle ou sonore, la vie du foetus, ce qui rend d'autant plus douloureuse la perte de celui-ci.

L'initiative de notre collègue, qui poursuit dans cette voie, est honorable.

Déjà, la loi du 8 janvier 1993 a créé un acte d'enfant sans vie, dont la portée a été élargie par un décret de 2008 qui prévoit la production de l'acte sur la seule foi d'un certificat médical d'accouchement ; puis par une circulaire de 2009 autorisant les couples non mariés à inscrire l'enfant dans le livret de famille.

L'établissement d'un acte d'enfant sans vie permet aux parents de récupérer le corps pour organiser des funérailles, s'ils le souhaitent, et d'obtenir un congé de maternité et de paternité.

Cette proposition de loi est une étape supplémentaire : les parents pourront attribuer un nom de famille à l'enfant né sans vie, sans pour autant créer de filiation ou de personnalité juridique.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

Mme Esther Benbassa .  - Devenir parent est un long processus qui débute lors de la rencontre de deux personnes.

Elles décident de construire une famille : moment de réflexion et d'enthousiasme, parfois de doute, où l'on se projette dans l'avenir. Devenir parent, c'est aussi prendre la responsabilité d'aimer inconditionnellement un enfant avant qu'il ne vienne au monde ; c'est dévouer à un autre être une partie de soi.

C'est pourquoi la perte d'un enfant ne peut être vécue sans grande douleur. Chaque année, 7 000 familles, soit une sur cinquante, sont confrontées à ce drame.

Selon le code civil, sans acte de naissance, l'enfant né sans vie n'a ni filiation, ni personnalité juridique.

Je salue donc cette proposition de loi qui permet aux parents de donner un nom de famille, comme cela est possible en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Suisse. Il s'agit d'une filiation symbolique et mémorielle, l'enfant est inscrit dans l'histoire familiale.

Cette proposition de loi touche à l'affect ; elle apporte un peu de paix dans la douleur des familles. Le GEST la votera. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes CRCE, SER et UC et du RDSE)

M. Xavier Iacovelli .  - Prendre en compte la douleur des familles en facilitant le deuil, tel est l'objet de cette proposition de loi.

Depuis un arrêt de la Cour de cassation, un acte d'enfant sans vie peut être délivré sur la production d'un certificat d'accouchement ; une circulaire du 19 juin 2009 permet aux parents de donner un prénom à l'enfant sans vie.

Ce texte va plus loin en autorisant les parents à lui attribuer un nom de famille. L'enjeu était de trouver un équilibre, sans porter atteinte aux principes du droit relatifs à la personnalité juridique. C'est pourquoi la commission des lois a utilement précisé que l'inscription de l'enfant n'emportait pas d'effet juridique.

L'enfant né sans vie sera ainsi mieux inscrit dans l'histoire familiale. Nous nous interrogeons cependant sur les éventuels effets de bord de la mention indéterminée d'un « nom ». Les précautions prises par la commission sont-elles suffisantes ?

Le rôle de l'État est de mieux accompagner les parents en simplifiant leurs démarches. Adrien Taquet et Amélie de Montchalin ont annoncé un plan d'action pour les familles endeuillées. Au vu de l'importance du sujet, il convenait de dépasser le champ symbolique.

Le groupe RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC  et sur le banc de la commission ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - Face à la mort d'un enfant à la naissance, un tabou nous empêche de nommer la situation des parents, cette injustice profonde. Toute mesure d'accompagnement est bienvenue.

Aussi je salue l'initiative de notre collègue, qui fait suite aux recommandations du Médiateur de la République et aux évolutions intervenues en 2008 et en 2009. Le Sénat avait alors publié une étude de législation comparée particulièrement éclairante.

La proposition de loi va plus loin en permettant aux parents d'attribuer un nom de famille à l'enfant, renforçant son individualisation. Elle a été utilement encadrée par la commission des lois.

Toutefois, ne fallait-il préférer le terme générique de « parents » à ceux de « père » et « mère » pour prendre en compte toutes les situations familiales ? Cette réserve n'enlève rien à l'intérêt du texte que le RDSE votera à l'unanimité. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et UC)

M. Marc Laménie .  - Je remercie l'auteure de la proposition de loi sur ce sujet hautement sensible. Je salue aussi le travail de la commission des lois, réalisé aux côtés des familles et de juristes.

Il convenait de compléter la reconnaissance mémorielle de l'enfant né sans vie en accordant aux parents le droit de lui donner un nom. L'acte d'enfant sans vie, créé par la loi du 8 janvier 1993, accompagne le deuil des parents. Le garde des Sceaux a rappelé les chiffres, éprouvants : 8 747 actes délivrés en 2020.

Deux décrets du 20 août 2008 et une circulaire de juin 2009 ont complété le dispositif sans toutefois créer de lien de filiation. La proposition de loi va plus loin en autorisant l'inscription d'un nom de famille. Le volet mémoriel et la filiation symbolique, notamment avec le père qui n'a pas le même lien charnel avec l'enfant que la mère, sont essentiels.

Cette proposition de loi fait consensus. Au nom du soutien aux familles, des valeurs humanistes, le groupe Les Républicains la votera avec force et conviction. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur la protection sociale  auxquels  des parents d'enfants nés sans vie, tels que le congé maternité et le congé paternité, les arrêts de travail, l'allocation forfaitaire versée en cas de décès d'un enfant, la prime à la naissance ou encore le nombre de parts reconnus lors de la déclaration de revenus. Ce rapport devra également informer des mesures mises en place en faveur de l'accompagnement des parents.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Défendu. J'ai déjà présenté cet amendement lors de la discussion générale.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport. Nous avons d'autres moyens de contrôle. Cependant, les pratiques sont hétérogènes et la prise en charge des funérailles peut varier en fonction des communes.

Les mots « enfant né sans vie » ne vont pas ensemble. Ces familles ont besoin d'être accompagnées. Le silence est le linceul des tout-petits.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Tous les textes examinés par le Parlement comportent ce type d'amendement. C'est légitime, mais l'article 24 de la Constitution, qui précise que le rôle du Parlement est de contrôler l'exécutif, me semble suffisant. Je suis prêt à vous communiquer la liste des droits. Avis défavorable.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - L'information circule mal et reste trop hétérogène. Monsieur le garde des Sceaux, il convient de mieux la diffuser auprès des agents de l'État et des collectivités, qui sont confrontés à des situations difficiles. Je suivrai l'avis de la rapporteure.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  - Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  À la deuxième phrase du second alinéa de l'article 79-1 du code civil, les mots : « des père et mère » sont remplacés par les mots : « du ou des parents ».

II.  -  Remplacer les mots :

des père et mère

par les mots :

du ou des parents

et les mots :

du père, soit le nom de la mère

par les mots :

du parent, de l'un des parents

Mme Esther Benbassa.  - Du code civil au code de la santé publique, notre droit ignore souvent la diversité des modèles familiaux en utilisant des termes genrés.

Si la famille avec un père et une mère est majoritaire, les familles homoparentales méritent d'être validées. Je l'ai dit, ce texte touche à l'affect, il apporte un peu de paix aux familles. N'invisibilisons pas la souffrance de certaines d'entre elles et donnons une existence juridique et une légitimité sociale à toutes. C'est l'objet de cet amendement qui remplace « père » et « mère » par « parents ».

M. le président.  - Amendement identique n°2 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  - Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  À la deuxième phrase du second alinéa de l'article 79-1 du code civil, les mots : « des père et mère » sont remplacés par les mots : « du ou des parents ».

II.  -  Remplacer les mots :

des père et mère

par les mots :

du ou des parents

et les mots :

du père, soit le nom de la mère

par les mots :

du parent, de l'un des parents

Mme Michelle Meunier.  - Tirons les conséquences des évolutions législatives récentes sur la diversité familiale. C'est une question d'égalité sociale et de respect des principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination devant le service public.

Mme Marie Mercier, rapporteure.  - Très sensible aux évolutions sociétales, je m'étais moi-même interrogée sur l'opportunité de remplacer les termes « père » et « mère » par celui de « parent ».

J'ai cependant repris la rédaction initiale de l'article 79-1 du code civil. La douleur intime, profonde, que représente la naissance d'un enfant sans vie ne s'effacera jamais.

La PMA pour toutes n'est pas encore autorisée en France. Ce n'est pas le débat aujourd'hui. L'article 31 du projet de loi relatif à la bioéthique, qui reviendra au Sénat le 24 juin, prévoit, par voie d'ordonnance, une mise en cohérence du code civil sur les termes employés. Conservons en attendant les jolis mots de « père » et « mère ». Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis moi aussi attaché à l'égalité entre familles hétéroparentales, monoparentales, homoparentales. Le code civil comprend de nombreuses occurrences des mots « père » et « mère ». La notion de parentalité est plus large.

Le 17 avril 2013, après le vote de la loi pour le mariage pour tous, le Conseil constitutionnel a estimé que ces mots ne posaient pas problème dès lors que l'article 6-1 du code civil proclame l'égalité de tous les enfants.

Dès que le projet de loi relatif à la bioéthique sera adopté, le code civil sera adapté en conséquence. Il sera possible de délivrer un acte d'enfant sans vie portant la mention de deux mères ; idem pour le livret de famille. Avis défavorable à ces amendements.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le Sénat va rejeter cette demande et distinguera encore une fois familles hétéroparentales et homoparentales - au détriment de ces dernières - sous un prétexte que je n'ai pas compris. La PMA pour toutes n'est pas le sujet !

Si le Sénat refuse cette modification, il confirmera que décidément, les familles homoparentales n'ont pas droit à la même considération à ses yeux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Annick Billon.  - Ce n'est pas ce qui a été dit !

M. Xavier Iacovelli.  - Je partage l'avis de Mme de la Gontrie. La loi bioéthique n'a rien à voir avec ces amendements. Puisque cette proposition de loi est plus symbolique que juridique, allons plus loin et votons-les.

Mme Esther Benbassa.  - Dans le cas d'un couple homosexuel, les mots « père » et « mère » ne disparaissent pas !

Les couples homoparentaux voudraient simplement exister. Le Sénat s'y oppose pour des raisons que je ne m'explique pas et laisse une partie de la société en dehors du texte.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Je n'accepte pas, madame de La Gontrie, cet anathème que vous lancez, en nous accusant d'apprécier différemment la douleur selon la situation familiale. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.) Je ne vous demande pas de commenter ce que je dis ; je vous fais savoir que je n'accepte pas ce que vous dites.

Je fais mien l'argumentaire du garde des Sceaux, juridiquement clair et précis. Chacun sait que le projet de loi relatif à la bioéthique sera voté. Une disposition règlera le problème dans l'ensemble de nos textes et codes.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Il n'y a pas de traitement différencié des familles dans ce texte. Le droit sera uniformisé après l'adoption de la loi bioéthique.

Les amendements identiques nos1 rectifié et 2 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté à l'unanimité.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI)

La séance est suspendue à 13 h 15.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 15 h 15.