Déclaration du Gouvernement sur la souveraineté énergétique de la France

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la souveraineté énergétique de la France.

M. François Bayrou, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) La question de la souveraineté énergétique est celle de notre indépendance.

Aujourd'hui, nous sommes en situation de dépendance : 60 % de l'énergie que nous consommons provient des énergies fossiles que nous importons - 40 % du pétrole, 20 % du gaz.

Cela pose un problème géopolitique, d'abord, en entraînant une dépendance et une vulnérabilité stratégiques vis-à-vis de pays producteurs comme l'Arabie saoudite, la Russie et les États-Unis.

Un problème écologique, ensuite, car ces 1 000 térawattheures (TWh) émettent 280 millions de tonnes de CO2, ce qui entre en contradiction avec nos engagements à atteindre la neutralité carbone en 2050.

Un problème financier, enfin : notre déficit commercial s'élève à 100 milliards d'euros, dont la moitié pour les hydrocarbures.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est vrai !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Nous sommes dans un état d'urgence énergétique.

Bonne nouvelle, il existe une stratégie pour sortir de cette impasse. Nous disposons des ressources et maîtrisons les technologies nécessaires.

La question est celle de l'équilibre de notre politique énergétique. Quelles sources d'énergie mobiliser ? Quel choix de mix énergétique ? C'est là que s'ouvre notre débat.

Un mot sur la méthode : la précédente programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) date d'avril 2020 ; la loi prévoit une révision tous les cinq ans. Au-delà de la loi, les faits commandent de la réviser, car l'état du monde renverse les anciennes doctrines. Comment continuer comme si de rien n'était, alors que le texte de 2020 prévoyait de fermer quatorze réacteurs nucléaires et qu'à Belfort, en février 2022, le Président de la République annonçait en créer quatorze nouveaux ? Mesure-t-on à quel point le monde a changé en cinq années ?

En juillet dernier, la commission d'enquête sénatoriale sur l'électricité a souligné la nécessité de relancer le nucléaire. Nous devons assurer notre propre équilibre énergétique, éclairés par les neuf autorités compétentes, auxquelles nous ajoutons l'Académie des sciences.

Cet équilibre doit également être défini avec les forces politiques, sociales et économiques de notre pays. Deux concertations ont déjà eu lieu, en 2023 et 2024, une consultation début 2025. Maintenant, le Gouvernement souhaite écouter la représentation nationale. Lundi dernier, un débat s'est tenu à l'Assemblée nationale. Au tour du Sénat cet après-midi. Le Gouvernement s'engage à prendre en compte chaque avis, chaque observation. J'ai annoncé le lancement d'un groupe de travail parlementaire sur la PPE et demandé à Daniel Gremillet et au député Antoine Armand d'en assurer la conduite.

La publication du décret interviendra après l'examen de la proposition de loi Gremillet à l'Assemblée nationale. Je salue le travail du Sénat, qui a abouti à un texte portant une programmation ambitieuse mais réaliste, visant la souveraineté et la neutralité carbone.

Le Gouvernement n'a rien à imposer dans ce débat. Cette PPE n'est pas écrite à l'avance. Toutes les analyses seront prises en compte avant sa rédaction finale - tel était votre souhait, monsieur le Président.

Le Gouvernement souhaite avant tout un retour à la raison énergétique et budgétaire, qui s'appuie sur la science et les faits. Nous ne pouvons nous permettre de faire de mauvais placements. Nos choix d'investissement doivent s'inscrire dans une stratégie claire et durable, suivant les quatre critères exposés lors du discours de Belfort : une énergie abondante, compétitive, décarbonée et souveraine.

Pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, trois moyens. Premièrement, nous devons encourager l'efficacité et la sobriété énergétiques. Le kilowattheure (KWh) le plus sobre et le moins cher est celui qui est économisé. La PPE vise une baisse de la consommation en énergie finale de 38 TWh par an sur la période 2024-2030, par une meilleure efficacité énergétique.

D'autre part, nous devons accroître l'électrification des usages, tant pour les foyers, la mobilité que l'industrie. Nous n'explorons pas assez certaines technologies : la chaleur renouvelable issue de la biomasse, mais aussi la géothermie, gisement inépuisable et potentiellement gratuit à terme, qui permet d'économiser 80 % pour le chauffage et 90 % pour la climatisation. Le Gouvernement veut accélérer le développement de ce mode non polluant. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime à 100 TWh annuels le potentiel d'économies de gaz grâce à la géothermie de surface, soit environ 20 % de la production de nos centrales nucléaires. Nous sommes assis - ou plutôt debout - sur un trésor !

J'ai moi-même proposé des études sur le sujet lorsque j'étais haut-commissaire au plan. Je ne suis pas seul : Rémi Cardon a publié l'an dernier pour la Fondation Jean-Jaurès une note sur la réindustrialisation, dans laquelle il encourage le développement de cette énergie. « Aucune autre vision territorialisée de la réindustrialisation ne saurait mieux s'incarner qu'à travers la géothermie », écrit-il. Je souscris à cette vision.

Toutefois, il faut remplir des conditions pour saisir cette chance. Le Gouvernement formulera en juin des propositions pour soutenir la filière française de forage - nous ne formons pas assez de foreurs -, de production et d'installation des pompes à chaleur. Il faut aussi trouver des modèles de financement efficaces facilitant l'installation des pompes à chaleur dans les foyers français, à des coûts moins prohibitifs.

Toutes ces actions complémentaires réduiront notre dépendance aux énergies fossiles. L'électricité décarbonée prendra progressivement la place du gaz et du pétrole.

La production d'électricité a triplé entre 1973 et 2010, mais elle ne représente encore que 27 % de l'énergie finale consommée. L'Académie des sciences a noté une stagnation de notre consommation d'électricité depuis 2010, autour de 450 TWh.

Nous devons poursuivre l'électrification de notre industrie, nos transports et du bâtiment. Dans le secteur industriel, des trajectoires sont engagées pour décarboner les cinquante sites les plus émetteurs de dioxyde de carbone, avec un soutien public fort via France 2030.

Il est dans l'intérêt des industriels de disposer d'une électricité compétitive, et dans l'intérêt d'EDF d'encourager cette demande adaptée à son outil de production nucléaire. Tout le pays bénéficiera de cet accord gagnant-gagnant, essentiel à notre réindustrialisation.

Dans le secteur des transports, le bonus, le leasing social, les incitations à l'électrification des flottes d'entreprises stimuleront la demande de véhicules électriques fabriqués en Europe.

Dans le bâtiment, grâce à MaPrimeRénov' et aux certificats d'économies d'énergie (C2E), le Gouvernement encourage le passage aux pompes à chaleur, souvent fabriquées en France.

Si la production devait augmenter plus vite que la demande, l'exportation fournira un débouché : la surproduction est un mal moindre que la sous-production, vu le déficit de notre balance commerciale.

Chaque source d'électricité doit être jugée objectivement, à l'aune des critères énoncés : souveraine, abondante, compétitive, décarbonée ? Si la réponse est oui, nous devons investir. Si non, nous devons remettre en cause nos choix.

Je relève une convergence entre les orientations du Gouvernement et celles de la proposition de loi Gremillet. (On renchérit sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Fabien Gay ironise.)

Première conviction commune : le nucléaire doit être le socle de notre mix électrique. Il remplit tous les critères. C'est grâce au nucléaire que la France est la première exportatrice d'électricité en Europe en 2023, que notre système électrique actuel a l'un des taux de CO2 par kilowattheure le plus bas au monde : 21,3 grammes, contre 350 grammes pour nos voisins allemands, qui se sont privés de cet atout.

La France a développé une filière industrielle nationale complète : nous maîtrisons toutes les étapes, de la conception au recyclage. Le nucléaire permet à la France d'être indépendante et souveraine.

Nous n'avons plus de mines actives, mais disposons de stocks d'uranium pour plusieurs années. Le Conseil de politique nucléaire a validé une stratégie de développement des activités minières d'Orano.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) estime le coût complet de l'électricité nucléaire à 60 euros le MWh, ce qui est particulièrement compétitif par rapport aux autres moyens de production.

Tout cela justifie les investissements en faveur de cette filière et de sa relance.

Mais nous ne saurions nous reposer sur des investissements réalisés si judicieusement dans les années 1970, dans le cadre du plan Messmer. Si nous ne faisons rien, un abîme risque de s'ouvrir sous nos pieds. L'essentiel du parc a été mis en service entre 1980 et 1995 ; ses capacités de production pourraient s'arrêter d'ici 2040, avec un effet falaise brutal. Pour le lisser, nous devons prolonger notre parc nucléaire à 60 ans, voire au-delà, en respectant les exigences de sûreté.

Nous devons aussi préparer l'avenir et investir dans le nouveau nucléaire français. Le Gouvernement soutient le programme EPR2 qui vise à construire six nouveaux réacteurs de forte puissance, pour une mise en service d'ici 2038. Ces réacteurs seront plus coûteux, mais ils produiront une électricité à 100 euros le MWh.

M. Fabien Gay.  - Cent euros, vraiment ?

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Ce programme est la priorité d'EDF, avant d'envisager d'autres nouveaux réacteurs - au moins quatorze d'ici 2050 - dont le coût unitaire baissera grâce à l'effet de série.

Nous devons repousser la frontière technologique, en développant les projets français de petits réacteurs nucléaires et en avançant dans la fermeture du cycle nucléaire, au travers d'installations de traitement-recyclage et de réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides, ainsi que l'a décidé le dernier Conseil de politique nucléaire.

Grâce à ce nouveau nucléaire, nous espérons annuler la moitié de l'effet falaise d'ici 2050.

L'accident ayant touché récemment la péninsule ibérique montre qu'il est dangereux de concentrer l'ensemble de la consommation sur une seule source d'énergie.

M. Guillaume Gontard.  - Exactement !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Notre meilleure garantie est un équilibre qui comprend les énergies renouvelables - surtout les plus pilotables, comme l'hydroélectricité, qui mérite d'être soutenue, ...

Mme Cécile Cukierman.  - C'est pourquoi nous luttons contre la privatisation de l'hydroélectricité !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - ... mais aussi d'autres, plus intermittentes. C'est la position du Sénat dans sa proposition de loi.

Un soutien raisonné aux énergies renouvelables, c'est un soutien progressif, suivant les quatre critères énoncés plus haut. Une énergie décarbonée ? Oui, mais il faut prendre en compte le CO2 émis lors de la fabrication des équipements.

Une énergie abondante ? La question est celle de la disponibilité de ces énergies, intermittentes, donc non pilotables. Pour le solaire, les pics de production, à la mi-journée, ne correspondent pas aux pics de consommation. Il faut donc accentuer la flexibilité de nos usages, déplacer la demande via les heures creuses. Nous devons également développer les capacités de stockage et promouvoir le repowering, comme le préconise le président Longeot.

Les énergies renouvelables sont-elles souveraines et compétitives ? Nous ne maîtrisons pas la filière photovoltaïque - c'est le moins que l'on puisse dire.

Mme Cécile Cukierman.  - Et pour cause !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Nous importons la quasi-totalité des panneaux photovoltaïques, à 85 % de Chine, d'où un déficit de 1,1 milliard d'euros en 2024. Le Gouvernement appuiera les projets de gigafactories pour localiser la production en France - ils sont essentiels, mais il faut les consolider.

L'énergie photovoltaïque revient à 100 euros le MWh quand elle est installée en toiture, mais peut être très compétitive avec de grandes installations au sol, dans des endroits très ensoleillés : 40 euros le MWh en Espagne. Sommes-nous prêts à accepter l'artificialisation de très grandes surfaces pour la développer là où cela s'y prête ?

Mme Cécile Cukierman.  - Le problème n'est pas l'artificialisation !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - L'éolien terrestre fonctionne avec des équipements importés. Il est assez compétitif, entre 80 et 90 euros le MWh, mais son acceptabilité baisse à mesure que le nombre d'éoliennes augmente. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Guillaume Chevrollier acquiescent.) C'est pourquoi nous privilégions l'augmentation de puissance des champs éoliens existants.

Pour l'éolien en mer, la France a été en retard par rapport aux pays de la mer du Nord, ce qui nous évite d'essuyer les plâtres. Une filière se développe, avec la fabrication de turbines au Havre, de pales à Cherbourg, de sous-stations électriques à Saint-Nazaire, un projet d'usine de câbles sous-marins porté par RTE. Le coût total de l'éolien posé est de 70 à 80 euros par MWh, en intégrant le coût de raccordement. Mais cette technologie, très adaptée à la mer du Nord, peu profonde, l'est beaucoup moins pour nos autres façades maritimes, surtout s'il faut éloigner les éoliennes de la côte pour des raisons d'acceptabilité. L'éolien flottant, lui, coûte 150 euros le MWh, raccordement compris. La France se situe à la frontière technologique, nous devons avancer avec mesure.

Aucune question ne doit être écartée du débat, à commencer par celle de la coexistence à long terme des énergies renouvelables et du nucléaire dans notre mix électrique.

Je souhaite répondre à trois des inquiétudes émises par les députés.

Les énergies renouvelables risquent-elles de déstabiliser le système de production ? La modulation du nucléaire afin de suivre les variations de la consommation est une réalité déjà ancienne. Si nous électrifions davantage nos usages, si nous réussissons notre réindustrialisation, la demande électrique augmentera et le nucléaire devra moins moduler à la baisse ; cela limitera les effets de concurrence avec le renouvelable.

La situation de la France n'est pas comparable à celle de l'Espagne, victime d'un black-out la semaine dernière. Les énergies renouvelables comptent pour 27 % chez nous, contre 52 % en Espagne en 2023. Nous avons l'atout de l'énergie hydroélectrique, et bénéficions de plus grandes interconnexions grâce à notre situation géographique. Nous sommes donc structurellement moins à risque, mais nous continuerons à veiller à la sécurité et à la continuité de notre approvisionnement.

Vu leur prix, les énergies renouvelables risquent-elles d'augmenter la facture d'électricité des Français ? Nous devons comparer les coûts complets, comprenant coûts de production, besoins en flexibilité et coûts d'adaptation du réseau, sans oublier le coût du soutien public. Nous devons déployer les filières les plus compétitives, tout en misant sur les filières en devenir afin de rester à la frontière technologique.

Le coût pour la collectivité des énergies renouvelables s'élève-t-il à 300 milliards d'euros, comme nous avons pu l'entendre ? Soyons mesurés. Ce chiffre inclut les coûts réseau jusqu'en 2040 : 100 milliards d'euros pour les réseaux de transport, 100 milliards pour les réseaux de distribution, dont une partie seulement pour les énergies renouvelables, 100 milliards pour le coût du soutien jusqu'en 2060 par le tarif d'achat garanti de l'électricité, dans une estimation maximaliste. Le projet actuel de PPE envisage un scénario de prix médian, avec un coût du soutien public compris entre 31 et 50 milliards d'euros. Si les prix sont bas, le coût pourrait avoisiner les 100 milliards ; s'ils sont élevés, c'est l'État qui empocherait 42 milliards d'euros. Quoi qu'il en soit, je veillerai à ce que la PPE optimise le coût pour la collectivité.

Je n'oublie pas nos barrages hydroélectriques, qui permettent de produire rapidement de grandes quantités d'électricité. Il est nécessaire de relancer les investissements, en sortant du contentieux avec la Commission européenne qui nous paralyse depuis quinze ans. L'hydroélectricité est à ce jour le moyen le plus efficace pour stocker de grandes quantités d'électricité. C'est une énergie souveraine qui nous permet d'assurer 10 à 15 % de notre production électrique.

Enfin, l'hydrogène est une méthode de stockage direct non dépendante des réseaux. L'État a présenté le 15 avril sa nouvelle stratégie nationale, qui met l'accent sur le développement de l'hydrogène dans l'industrie et les mobilités lourdes, avec des dispositifs de soutien afin de décarboner les usages. Le développement des biogaz, biocarburants et carburants de synthèse va aussi en ce sens.

Dernière source d'électricité dont nous disposons : les énergies fossiles, qui représentent 3,7 % de notre production totale. La France est engagée dans la fermeture des dernières centrales à charbon d'ici à 2027, conformément à l'engagement du Président de la République. À ce titre, le Gouvernement a soutenu la proposition de loi permettant la conversion au gaz de la centrale de Saint-Avold, qu'il faudra traduire dans la PPE. Le gaz émet deux à trois fois moins de CO2 que le charbon, encore moins pour le biogaz. Nos quatorze centrales à gaz n'ont pas vocation à fonctionner beaucoup dans l'année mais représentent des moyens de production flexibles, très utiles en complément des barrages.

Dans notre réflexion sur la souveraineté énergétique de notre pays, deux mots doivent nous guider : prospective et perspective.

Vous avez entendu une parole fondée sur des faits, sur des données précises et rigoureuses. Vous avez aussi entendu les interrogations qui demeurent. Alors que s'ouvre le débat, nous serons très attentifs à tous les arguments développés. Nous n'hésiterons pas à intégrer dans notre raisonnement des faits, des arguments fondés qui nous auraient échappé. Nos choix engageront l'avenir de notre pays. Le débat doit être honnête et exigeant, guidé par la raison et le sens de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Il est heureux que la programmation énergétique soit à nouveau à l'agenda. Dans sa déclaration de politique générale, Michel Barnier avait annoncé la relance du nucléaire. Dans la vôtre, monsieur le Premier ministre, vous avez confirmé la reprise de ces travaux. Le 28 avril dernier, vous avez annoncé l'examen à l'Assemblée nationale, d'ici fin juin, de la proposition de loi adoptée au Sénat le 16 octobre 2024, et la publication du décret sur la PPE. Un groupe de travail, que je conduis avec Antoine Armand, rendra ses conclusions sur ce décret prochainement.

Ce sont de bonnes nouvelles. Le socle commun démontre sa capacité à légiférer sur le sujet hautement sensible de l'énergie.

Je me réjouis que le Gouvernement ait choisi la voie parlementaire : un débat public rationnel nous permettra de définir ensemble la trajectoire industrielle nécessaire à notre souveraineté et à notre transition énergétiques.

Au législateur de définir un cap. La commission des affaires économiques a plaidé de façon constante pour actualiser notre PPE et pour légiférer. Elle a fixé le principe d'une loi quinquennale sur l'énergie dans la loi Énergie et climat, elle a fait adopter la proposition de loi déposée par Dominique Estrosi Sassone, Bruno Retailleau et moi-même. Ce texte a été coconstruit avec le Gouvernement, dont onze amendements ont été adoptés ; la ministre Olga Givernet avait d'ailleurs levé le gage. Il fait l'objet d'échanges tout aussi constructifs avec Marc Ferracci. Je salue l'engagement du Premier ministre et du ministre. Cette proposition de loi est cruciale pour conférer au décret sur la PPE la sécurité juridique nécessaire, car l'article L. 100-1-A du code de l'énergie fait primer une loi de programmation sur le décret sur la PPE.

En outre, nos objectifs nationaux ne sont plus conformes aux objectifs européens fixés dans le paquet Ajustement 55 de 2021. Il faut donc transposer, en choisissant les options les moins créatrices de normes et les plus protectrices de nos intérêts.

La souveraineté énergétique suppose un État stratège, une programmation claire, des moyens suffisants. La filière nucléaire a besoin d'une assise législative qui la protège des soubresauts politiques - on a trop souvent reproché au plan Messmer d'avoir été pris par décret. La filière des renouvelables la demande aussi, pour diversifier la production ou modérer la consommation. Je me réjouis de l'accueil favorable réservé à cette proposition de loi, tant par les filières que par les acteurs institutionnels.

Le secteur de l'énergie n'a jamais été aussi stratégique. Face au protectionnisme américain et au bellicisme russe, maîtriser notre approvisionnement énergétique est crucial.

Cela suppose un changement de politique et de mentalités. Il faut d'abord sortir de la logique décroissante. Trop longtemps nous avons négligé notre outil productif ; la fermeture prématurée de Fessenheim ou des quatre dernières centrales à charbon a constitué une cruelle erreur.

Plus encore, il faut sortir d'une logique oppositionnelle. Cessons d'opposer nucléaire et renouvelables. En vérité, nous avons besoin de toutes les énergies décarbonées, à court comme à long terme. Cessons aussi d'opposer marché national et marché européen de l'électricité. Notre pays est de loin le premier exportateur. Nous devons défendre notre mix énergétique, qui dépend de nous et non de Bruxelles.

L'utilité de nos centrales nucléaires et la pérennité de nos concessions hydroélectriques doivent être reconnues dans la législation européenne. Il n'y a pas de fatalité et les choses progressent depuis la création de l'Alliance européenne du nucléaire, le 4 mars 2024.

Enfin, il faut sortir d'une logique attentiste. Trois ans après le discours de Belfort, la construction des six EPR annoncés, voire des huit autres envisagés, reste au stade du discours. Il faut dire que quatre Premiers ministres, quatre ministres de l'énergie et trois PDG d'EDF se sont succédé... Nous pouvons corriger le tir, en inscrivant le nouveau nucléaire dans le décret sur la PPE et dans la proposition de loi sénatoriale. Si la plupart des objectifs convergent, le décret est en retrait sur plusieurs points - sur le nucléaire, l'hydroélectricité, les bioénergies ou la rénovation énergétique.

Le décret sur la PPE confirme la construction de six EPR2 quand la proposition de loi en prévoit six d'ici à 2026 et huit autres d'ici à 2030, afin d'atteindre 27 GW de nouveau nucléaire d'ici 2050. Nous voulons cranter le scénario N03 de RTE, le plus nucléarisé. La nécessité de préserver un mix fortement nucléarisé a été mise en évidence par la commission d'enquête sur le prix de l'électricité.

La recherche est cruciale pour diversifier la production et modérer la consommation d'énergie - notamment dans le nucléaire, industrie du temps long. Je regrette que le décret ne reprenne pas l'objectif de 4 GW de petits réacteurs modulaires d'ici 2050, et qu'il soit moins ambitieux que l'actuelle PPE s'agissant des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Je vous renvoie au rapport de Stéphane Piednoir pour l'Opecst.

En matière d'hydroélectricité, le décret évoque la « résolution autour du renouvellement des concessions hydroélectriques ». C'est positif, mais il faudrait être plus explicite, pour EDF et pour la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dont la concession a été prolongée pour vingt ans. Le décret évoque une capacité additionnelle de 2,8 GW d'ici 2035 ; je préfère le chiffrage global de 29 GW, proposé par la filière.

Les bioénergies sont essentielles pour décarboner l'industrie ou les transports. Je propose que le décret autorise le recours aux biocarburants pour les automobiles, car tous nos concitoyens n'ont pas les moyens d'acheter un véhicule électrique.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien.

M. Daniel Gremillet.  - Le décret sur la PPE fixe un objectif de 15 % de biogaz dans la consommation de gaz d'ici 2030. Retenons plutôt l'objectif de 20 %, suggéré par la filière.

Pour l'hydrogène, nucléaire ou renouvelable, le décret fixe un objectif de 4,5 GW d'ici à 2030, très en deçà de la proposition de loi sénatoriale et de l'ancienne stratégie nationale hydrogène, qui visent 6,5 GW. C'est un mauvais signal pour la filière, qui attend toujours le soutien public prévu par la loi Climat résilience de 2021.

Enfin, le décret sur la PPE évoque 600 000 rénovations énergétiques par an d'ici 2030 et 825 TWh d'économies par an d'ici à 2026, contre 900 000 et 1 250 TWH respectivement dans la proposition de loi sénatoriale. Il faut une plus grande cohérence et une plus grande ambition.

Au total, le décret sur la PPE est positif, mais il doit être conforté par notre proposition de loi et ajusté sur ces différents points.

Nous avons l'opportunité d'achever enfin ce chantier de la programmation. Il est crucial, pour notre souveraineté et notre transition énergétiques, que nous disposions rapidement d'un cadre législatif et réglementaire cohérent et robuste.

D'autres défis nous attendent. Le premier est financier : la nouvelle régulation du nucléaire doit fournir des recettes suffisantes à EDF, tout en maintenant un prix abordable pour les consommateurs. Le second est juridique : la résolution du contentieux sur les concessions hydroélectriques, sur laquelle nous menons une mission d'information.

Je ne doute pas de la détermination du Gouvernement. Le groupe Les Républicains sera un allié exigeant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg (murmures sur les travées du groupe Les Républicains) disait : « l'énergie, c'est l'industrie de l'industrie ». Oui, l'énergie est fondamentale pour l'avenir de la France, les conditions de vie et de pouvoir d'achat des Français.

La stratégie française énergie-climat, traduite dans une loi de programmation quinquennale, devait traiter l'adaptation au changement climatique, à travers le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la PPE. À ce jour, aucun de ces sujets majeurs n'a été soumis à notre vote.

Or le code de l'énergie prévoit pourtant qu'une loi « détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique ». Ces objectifs précisent les réductions d'émissions de gaz à effet de serre, de consommation d'énergie finale, le niveau de développement des énergies renouvelables, la diversification du mix et les priorités de rénovation énergétique. Il existe des objectifs spécifiques pour les outre-mer, en vue de maintenir ou d'atteindre l'autonomie énergétique.

La dernière révision quinquennale aurait dû intervenir avant le 1er juillet 2023. Il n'en est rien. La loi votée au Sénat n'aborde pas ces sujets fondamentaux. Depuis 2022, nous demandons, sur tous les bancs, le respect du code de l'énergie.

Sur son volet énergie, la PPE version 3, prise par décret, aurait été l'une des résultantes de cette loi de programmation Énergie-climat...

Depuis la dissolution en 2024, plus aucun Gouvernement ne veut engager ce débat parlementaire.

La troisième version de la PPE serait donc promulguée sans véritable débat parlementaire. Tous les acteurs ont fait des propositions - sauf les parlementaires ès qualités. Le Gouvernement ne s'est conformé ni à la lettre ni à l'esprit de la Constitution. C'est un déni de démocratie et un contournement des institutions de la République !

M. Fabien Gay.  - Très bien !

M. Franck Montaugé.  - Comment interpréter le débat de ce jour ? Il n'oblige en rien le Gouvernement, à la différence d'une loi votée en bonne et due forme. Aussi, nous lui demandons de soumettre un projet de loi de programmation quinquennale Énergie-climat.

Selon l'ancien ministre Antoine Armand, « la construction de cette loi énergétique doit être un temps fort de société. Pour redonner toute sa place au Parlement, elle devrait être mise en cohérence avec le temps énergétique qui est un temps de l'industrie et de la souveraineté. » On ne saurait mieux dire !

À ce projet doit être jointe une étude d'impact robuste, mettant en exergue les efforts financiers à venir, notamment pour les collectivités territoriales.

Quel sens donner au concept de « souveraineté énergétique » ? Nous sommes vulnérables, et nous le resterons. À l'État de tenir compte de ces vulnérabilités, tant externes qu'internes. Cela passe par une loi de programmation fixant nos objectifs sur un horizon de vingt à trente ans.

Le rapport Pisani-Ferry - Mahfouz pose clairement les enjeux et les besoins de financement.

L'absence d'une telle démarche dans les années 1980-1990 nous a coûté cher. Les enjeux stratégiques de la filière nucléaire ont été laissés de côté ; la dimension productive nationale des énergies renouvelables n'a jamais été un objectif politique majeur. Le Parlement doit régulièrement évaluer l'efficience des politiques publiques en la matière.

L'État doit se doter des moyens de sécuriser les approvisionnements et de réduire nos dépendances. Au-delà de ce que font le service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) ou l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi), que faites-vous, monsieur le Premier ministre, pour réduire nos vulnérabilités ?

Le rapport de RTE Futurs énergétiques 2050 met en exergue la sécurité des approvisionnements en métaux. Une politique spécifique doit en résulter, et le Parlement être associé à cette réflexion.

Je rappelle les positions de principe du groupe SER sur le mix énergétique.

L'électrification des usages - transport, bâtiment, industrie - conduira à des volumes d'électricité variant sensiblement. La profondeur de la réindustrialisation affectera directement la consommation d'électricité.

Au vu de la situation d'ArcelorMittal et d'autres, quelles sont les projections du Gouvernement en matière de renouveau industriel à court, moyen et long termes ? Les décisions sur le mix énergétique se prennent pour cinquante ans. Quels sont vos plans d'action par secteur ? Quels moyens financiers souhaitez-vous investir, dans un contexte dégradé ? Nous manquons de visibilité en matière de rénovation énergétique ou de transition énergétique des industries. RTE ne devrait-il pas proposer un scénario plus réaliste de moindre consommation d'électricité ? Quelles sont vos trajectoires de consommation, et quelle composition du mix en déduisez-vous ?

Vos prédécesseurs ne se sont pas référés au scénario de mix à horizon 2050 de RTE. Pourtant, les déploiements des énergies renouvelables projetés sont proches du scénario N03 à 50 % de nucléaire et 50 % de renouvelable. Quelle est votre projection des différents modes de production à horizon 2060 ? Comment prendre en compte les risques et incertitudes ?

Les coûts complets des différents moyens de production doivent être objectivement pris en compte pour la formation des tarifs. Deux principes doivent être respectés : la rémunération des producteurs doit couvrir les coûts complets - coûts moyens actualisés (LCOE), coûts système et externalités. Les tarifs de rachat doivent être fixés en conséquence. Ensuite, les tarifs réglementés doivent être réintroduits, notamment pour certains consommateurs, et refléter les coûts complets du MWh produit.

Comment l'État arbitrera-t-il ce différend qui, avec la participation de l'État au financement des investissements d'EDF, a été un motif de non-reconduction de Luc Rémont à la tête de l'entreprise ?

Il est dans l'intérêt de la France et de l'Europe de décorréler les prix de l'électricité et du gaz. Passer d'une dépendance à la Russie à une dépendance aux États-Unis n'est pas souhaitable. Quelles sont vos pistes de travail, notamment sur le biogaz ?

Le Gouvernement doit obtenir au plus tôt le statut de quasi-régie pour les concessions hydrauliques. Veillons à la production hydrolienne.

De nombreuses questions restent sans réponse. Ne tardez pas à soumettre un projet de loi de programmation Énergie-climat.

Prendre prétexte du contexte politique actuel n'est pas à la hauteur des défis de souveraineté énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du groupe CRCE-K)

M. Patrick Chauvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce débat était très attendu. Son intitulé ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel : quel pays voulons-nous en 2050 ? Si en 2050, la France est désindustrialisée, désarmée et devenue une colonie numérique (M. François Bayrou le réfute par un geste de la main), même un système énergétique réduit à la portion congrue pourra suffire à reconquérir notre souveraineté énergétique. Quand on ne produit plus rien, il est moins difficile d'atteindre la neutralité carbone ! (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

Nous devons anticiper nos besoins. Notre stratégie doit reposer sur deux piliers : une réduction considérable de la consommation d'énergie ; une augmentation de la production d'énergie décarbonée.

Poursuivre la tendance dans les proportions requises par la PPE est très volontariste. Dans un monde en croissance, cela ne peut reposer que sur l'efficacité, non sur la sobriété. Toute notre stratégie est fondée sur les gains attendus de l'électrification des usages. Il faudra beaucoup d'électricité pour réduire la consommation et satisfaire les besoins.

Les projections de la PPE surévaluent nos besoins de moyen terme, sur la période 2025-2035, et sous-évaluent les besoins sur la période 2035-2045, qui correspondent à des natures d'équipements énergétiques différentes : renouvelables pour la première période, nouveau nucléaire pour la seconde.

Comment réaliser les grandes ambitions de la PPE en matière de renouvelable, au vu des difficultés d'obtention de permis de construction d'éoliennes, des difficultés techniques d'installation, de la faible acceptation sociale, de l'instabilité réglementaire ?

RTE a alerté sur une production trop abondante au regard de la demande. Comment construire un système durable si la demande ne suit pas l'offre ? Nous allons à l'encontre de graves problèmes entre 2035 et 2050, période qui repose sur une inconnue majeure : la prolongation des réacteurs actuels.

S'ils ne peuvent être prolongés aussi longtemps, même le nombre maximal d'EPR serait insuffisant, laissant un mix dominé par les énergies renouvelables, avec de sérieux enjeux de pilotabilité et de sécurité d'approvisionnement. Il est essentiel de clarifier le potentiel de prolongation des réacteurs.

Autre inconnue majeure : l'opérateur chargé de mettre en oeuvre cette mission. EDF est-elle capable de la mener à bien ? C'est à l'entreprise de le prouver.

Les réacteurs ne doivent pas devenir une variable d'ajustement des énergies renouvelables. Selon le haut-commissaire à l'énergie atomique, « le risque est de se payer deux parcs entiers utilisés à moitié. »

Face à ces interrogations stratégiques, notre groupe a plusieurs convictions. D'abord, nous défendons un mix énergétique équilibré. Ce n'est pas une posture, mais la conclusion du scénario N03 de RTE, repris dans la proposition de loi Gremillet.

Deuxième conviction : face aux impératifs de décarbonation, de réindustrialisation et de réarmement, une part minimale de nucléaire dans notre socle énergétique s'impose. Il faut lancer rapidement le programme EPR2, alors que nous sommes déjà en retard pour 2035.

Troisième conviction : le nucléaire ne peut devenir une variable d'ajustement, au risque de devoir moduler sans cesse la production. Or le parc nucléaire est capable de fournir davantage d'électricité. Selon les travaux de la commission d'enquête sur l'électricité, il faut développer une approche fondée sur les coûts complets du système électrique, incluant les investissements massifs dans les réseaux.

Or pour les renouvelables, les coûts de production sont différents des coûts de raccordement au réseau, ce qui pose un problème majeur pour les collectivités, propriétaires des réseaux via les syndicats d'énergie.

Surévaluer nos objectifs de développement des énergies renouvelables en sous-estimant l'investissement en réseau correspondant risque de créer des déserts énergétiques et une bombe à retardement financière pour nos collectivités territoriales. Elles ont besoin de transparence et l'assurance d'un soutien adéquat, par exemple via le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé).

Autre problème, le coût du programme EPR2. Selon la PPE, entre 2025 et 2060, le soutien public aux renouvelables représenterait entre 98 et 135 milliards d'euros. Dès lors, la commission d'enquête propose une objectivation des choix énergétiques. L'application de ces critères commanderait de réduire nos ambitions en matière d'énergies renouvelables, comme nous y invite la présidente de la CRE, et de lancer la construction d'EPR2. Sinon, la variable d'ajustement sera le prix.

En 2023, les prix de l'électricité ont augmenté de 14 % pour les ménages et de 57 % pour les entreprises. Depuis la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), les tensions tarifaires s'accentuent ; cela augmentera le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), ce qui se répercutera directement sur les factures.

La commission d'enquête recommande de réduire la fiscalité selon trois leviers : une accise différenciée selon la consommation, une TVA réduite sur la consommation de base, et la substitution d'une dotation budgétaire à la contribution tarifaire d'acheminement. Il faut réduire la fiscalité sur l'électricité pour encourager l'électrification des usages, tout en réduisant les dépenses fiscales brunes qui coûtent entre 7,6 et 19 milliards d'euros par an et qui sont en contradiction avec nos objectifs climatiques.

La souveraineté énergétique doit être construite sur une programmation réaliste, un pilotage rigoureux, un effort de transparence, une maîtrise des coûts et une adhésion citoyenne.

Le futur énergétique de la France se dessine sous nos yeux, soyons à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, INDEP, et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Vincent Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) « L'énergie est au coeur du combat essentiel que mènent notre pays et notre continent européen », disiez-vous, monsieur le Premier ministre. Depuis quelques mois, nous sommes plusieurs à alerter, mais rien ne bouge : au royaume de France, les technocrates sont apparemment plus puissants que les politiques. Néanmoins, certaines fenêtres semblent s'ouvrir.

Le décret n'est pas encore signé, et je vous en remercie, ce n'était pas évident. Je vous remercie, à Matignon et à l'Élysée, de votre écoute, et du début de rectification sur la trajectoire folle des renouvelables intermittentes.

Il est temps, car l'absence de vision et de stratégie tue notre économie. Nos industriels attendent une trajectoire de prix politique. Ils ont besoin d'électrons 365 jours par an, 24 heures sur 24, à un prix proche de celui des autres continents. À la différence du pétrole, il n'y a pas de cours mondial de l'électricité - elle est peu transportable et peu stockable.

Il faut rebâtir ce qui a été sabordé par les antinucléaires comme Mme Voynet, qui veut même s'inviter à votre table parce qu'elle seule aurait tout compris. (M. Daniel Chasseing applaudit ; marques d'approbation sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) D'autres antinucléaires sont un peu plus subtils, mais souvent faibles.

M. Yannick Jadot.  - On arrive !

M. Vincent Louault.  - Monsieur le Premier ministre, avec vous j'ai l'espoir de retrouver un peu de bon sens - paysan ? - sur cette PPE. (On s'en amuse sur les travées du GEST.)

Cette PPE, c'est la feuille de route des lobbyistes des énergies renouvelables, sans véritable décarbonation. C'est l'aboutissement de ceux qui prônent la décroissance. On risque la révolte, tant les factures augmenteront avec cette politique. On veut produire des électrons intermittents, alors que nous avons assez d'électricité et que l'évolution de la consommation promise n'arrive pas. La cible de la décarbonation nécessaire de nos usages est ratée : c'est le néant.

Nous doublons nos capacités de production intermittente, en priant pour que cela se passe bien et en même temps, nous devons garantir la stabilité grâce à l'inertie du nucléaire et de l'hydroélectricité. On marche sur la tête, tout ça pour un pognon de dingue qu'on nous a caché.

Aveuglées, nos têtes bien pensantes ont fait l'erreur de croire que l'électricité resterait à plus de 100 euros le MWh. (M. Bruno Sido renchérit.) C'est comme des paysans qui voient le prix du blé exploser et imaginent qu'il restera toujours aussi haut. À ce prix-là, même les électrons les plus farfelus deviennent rentables, alors que les autres continents se fixent l'objectif de produire le MWh à 50 euros.

Les charges de service public de l'énergie coûteront 12 milliards d'euros en 2035, selon la page 134 de la PPE. Je voulais la ramener, mais le dossier est un peu lourd... Douze milliards, c'est le prix d'un EPR - si M. Fontana nous écoute ; c'est 400 euros sur chaque compteur d'électricité. Avec 12 milliards, imaginez ce que vous pourriez faire pour décarboner notre industrie, monsieur le ministre de l'industrie !

Je vous demande solennellement de stopper cette PPE intermittente folle, fondée sur deux mensonges : mensonge sur la capacité à avoir des prix bas. Le dernier marché de la CRE sur l'éolien en mer atteint 90 euros le MWh, sans une partie de connexion estimée à 20 euros le MWh. Ensuite, mensonge sur la capacité à préserver une pseudo-industrie logistique en France. (Mme Sonia de La Provôté applaudit.) Au Havre, c'est une usine de pales d'éoliennes, il n'y a pas de moteurs ; on les assemble comme un Mikado, ce n'est pas de l'industrie.

M. Jean-François Husson.  - C'est un vrai sujet !

M. Vincent Louault.  - Nous sommes sur le point d'acter, monsieur le rapporteur général, 10 milliards d'euros de dépenses annuelles pour rien. Commençons par faire des économies ! Je n'ai pas oublié la ligne 320 de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Celle-ci rabâche sans cesse ses éléments de langage sur la pseudo-épée de Damoclès en 2039 si l'on ne produit pas assez de renouvelables, mais l'on oublie que la durée de vie des cuves des centrales augmente - c'est scientifique, l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) nous le dira.

C'est l'excellence de nos ingénieurs pour la construction des barrages hydrauliques après la guerre qui a permis la construction du programme nucléaire Messmer jusque dans les années 1990. Depuis, plus rien n'a été fait.

L'enjeu est de construire notre outil industriel. Avec cette PPE, on va payer trois fois : une fois pour augmenter les capacités des intermittents de 12 milliards d'euros, une fois pour investir 100 milliards d'euros dans le nucléaire et garantir la stabilité du mix énergétique et une troisième fois pour subventionner, puisque les Américains et les Chinois produiront de l'électricité à 30 dollars le mégawattheure.

La moitié de la puissance nucléaire de la France - 30 GWh - est en attente à la CRE.

Il faut être fort pour faire de la décarbonation de nos usages la priorité de notre pays.

Vous aviez raison : l'énergie est au coeur du combat existentiel de notre pays et de notre continent. Mais si cette PPE n'est pas lourdement modifiée, alors le combat ne servira à rien et la guerre sera perdue d'avance ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le XIXe siècle a vu naître l'électricité, le XXe, le nucléaire et la mondialisation. Le XXIe sera celui des énergies décarbonées et de la reconquête de notre souveraineté.

La guerre en Ukraine a montré qu'il fallait renforcer notre souveraineté énergétique. Mais elle ne se décrète pas, elle se construit dans la durée à travers des choix stratégiques.

Monsieur le Premier ministre, notre groupe prend acte des orientations que vous avez exprimées. Vous avez fixé un cap clair : à nous de le concrétiser, territoire par territoire.

Depuis 2022, notre stratégie pour une France souveraine repose sur deux jambes : la sobriété et la décarbonation.

La sobriété est un levier structurant de notre autonomie, non une contrainte. Il ne s'agit pas simplement de consommer moins, mais de consommer mieux. Ainsi, moderniser l'éclairage public, c'est soulager les finances communales.

Si nous renforçons l'accompagnement, si la sobriété devient un automatisme collectif, notre pays gagnera en souveraineté, sans mise en place d'un réacteur ou d'une éolienne.

La seconde jambe est la décarbonation de notre production d'énergie. Le discours de Belfort de février 2022 a marqué un tournant : en assumant une relance du nucléaire, la France a décidé d'investir pour l'avenir. Cette énergie garantit une continuité historique de notre pays. Depuis les années 1950 jusqu'au plan Messmer, la France a bâti une filière nucléaire civile parmi les plus avancées au monde. Quelque 65 % de notre électricité proviennent du nucléaire. C'est un socle pour notre avenir. Nous avons donc choisi de relancer le nucléaire : soyons-en fiers. Les EPR2 et SMR seront plus flexibles et adaptés à des usages territorialisés.

Le site du Tricastin, dans la Drôme, participe de cette dynamique. Nous serions fiers d'accueillir une paire d'EPR2 : avez-vous des précisions sur le nombre d'installations prévues, les échéances et les sites d'implantation ?

La relance du nucléaire est une fierté et une responsabilité. La souveraineté se joue sur la capacité de mobiliser les compétences et de former les jeunes afin d'accompagner les filières industrielles.

Si le nucléaire occupe une place essentielle dans notre mix, il faut aussi développer les énergies renouvelables. Il y a deux ans, le Parlement a adopté la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et la loi du 22 juin2023 relative à l'accélération des procédures de construction de nouvelles installations nucléaires. Ces deux textes sont essentiels, mais nous devons être vigilants : il faut une concertation territoriale sincère et le respect d'une dynamique locale. C'est un enjeu démocratique et énergétique.

Nous devons construire un mix raisonné, fondé sur la complémentarité. Opposer nucléaire et énergies renouvelables n'a pas de sens : le nucléaire pallie l'intermittence des renouvelables, il faut coupler les deux pour atteindre nos objectifs. Développer certaines énergies renouvelables est indispensable. Mais lesquelles ? Dans quelle proportion ? Comment le Gouvernement envisage-t-il de développer davantage l'éolien offshore ?

L'hydroélectricité est une énergie souvent oubliée. Dans la Drôme, nous avons de petits moulins et barrages qui pourraient produire une électricité propre. Pourtant, la législation défavorise les porteurs de projets. Ne faut-il pas valoriser davantage l'hydroélectricité ? Celle-ci mérite une plus grande place dans le débat national.

Il est urgent de mettre un terme au conflit juridique entre la France et la Commission européenne sur les concessions hydroélectriques.

Quelle place pour les énergies du futur, à l'instar de l'hydrogène ? Il occupe une place croissante pour la mobilité lourde. Environ 40 % du réseau ferroviaire français n'est pas encore électrifié, souvent sur les petites lignes. Pourtant, les trains à hydrogène, à batterie ou bimodes sont des réponses pour les zones peu denses. Le train à hydrogène Coradia iLint est actuellement commercialisé, notamment pour les dessertes régionales.

Le transport fluvial pourrait lui aussi bénéficier de nouvelles sources de propulsion : le trafic a progressé de 8,6 % sur le Rhône en 2023 et 2024, il faut avancer.

Notre groupe partage les objectifs du Gouvernement : indépendance, neutralité carbone et innovation. Mais pour que cela devienne réalité, veillons à ce que chaque territoire ait les moyens d'agir et que chaque énergie soit développée à bon escient. Nous avons les ressources et les talents. Restons cohérents dans nos choix ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - Nous débattons aujourd'hui de la souveraineté énergétique de la France. Ou plutôt des solutions pour tenter de rattraper un immobilisme politique orchestré par les derniers gouvernements, qui naviguent à vue, dans un déni démocratique inacceptable.

La PPE 2025-2035, censée retracer notre avenir, a en effet été retardée depuis trois ans. Toutes les excuses ont été utilisées pour retarder un vote et la publication d'un texte. Pendant ce temps, on amusait le Parlement avec des textes sans cohérence les uns avec les autres, et sans vision stratégique pour accélérer des projets à l'arrêt. Votre méthode : rester au point mort, en appuyant fort sur l'accélérateur. Comme dans une voiture, ça fait ronfler le moteur, mais on n'avance pas d'un mètre ! (Sourires sur plusieurs travées ; MM. Bruno Sido et David Margueritte applaudissent.)

Aujourd'hui, vous vous présentez devant le Parlement, sans aucun vote ! Comble du déni démocratique : on apprend qu'un groupe de travail avec deux parlementaires de la majorité sera mis en place.

Nous vous demandons donc de stopper cette méthode, qui n'est qu'une pantalonnade, et de travailler à un projet de loi soumis au vote. Cela légitimerait ce texte, au lieu d'agir en catimini. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du GEST)

L'énergie n'est pas une marchandise, mais un bien commun. Il faut revenir sur la libéralisation du secteur, qui a fait gonfler les prix artificiellement sous l'effet du trading et des requins du secteur.

La souveraineté énergétique suppose le contrôle des ressources et des choix d'avenir. L'énergie est le sang qui irrigue notre économie, nos industries et nos foyers.

Le marché, par essence, ne connaît ni le long terme ni l'intérêt général. Il ne planifie pas, il ne sécurise pas, il optimise. Il ne protège pas, il spécule. Il n'investit pas, il optimise jusqu'à épuisement.

Pour notre part, nous sommes favorables à un mix énergétique : nous n'opposerons jamais les énergies renouvelables au nucléaire. L'urgence est de sortir des énergies fossiles, qui représentent encore 40 % de notre consommation énergétique.

La priorité devrait être donnée à l'électrification des usages dans tous les domaines. Cela nécessite des moyens, des politiques publiques de long terme, et non de la politique à la petite semaine, des primes annuelles rabotées l'année d'après. Et ce, sans faire peser cette transition sur les plus faibles d'entre nous ! Or vous avez prévu un rabot de 700 millions sur MaPrimeRénov' et la fin de la prime à la conversion, alors que vous préparez la mise en place des futures zones à faibles émissions (ZFE) pour 2026 !

Il faut investir ! D'abord dans le nucléaire : six EPR2, peut-être quatorze, des petits SMR. Et après ? Où sont l'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État ? Six EPR2, c'est 67 milliards d'euros au bas mot. Qui paiera ?

Le Président de la République peut limoger les PDG d'EDF les uns après les autres, mais est-ce EDF, exsangue, qui devra payer ? Ou les Français ? Où sont les milliards promis par l'État ? Nulle part !

Oui, nous avons besoin des énergies renouvelables. Mais pas dans une logique de financiarisation où des multinationales maximisent leurs profits. Où est la planification écologique ? Pourquoi le coût des raccordements ou la folie des prix garantis est toujours en vigueur ?

Même quand on ne produit pas, on est payé à ne rien faire.

M. Vincent Louault.  - Bravo !

M. Fabien Gay.  - Pas un mot sur les tarifs réglementés, sur la protection des consommateurs. Nous déposerons prochainement une proposition de loi pour mieux protéger les usagers.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exact !

M. Fabien Gay.  - En quatre ans, le prix des factures a augmenté de 72 % pour l'électricité et de 99 % pour le gaz ! Avec le dispositif succédant à l'Arenh, ce sera au moins 10 % d'augmentation !

Il faut d'urgence changer le mode de calcul des tarifs réglementés de vente (TRV) et s'attaquer aux taxes, qui représentent un tiers de la facture : il existe même une taxe sur une autre taxe, puisque la TVA se rajoute aux trois taxes existantes. (MM. Bruno Sido et Jean-Jacques Panunzi le confirment ; marques d'approbation sur les travées du groupe CRCE-K)

Notre pays compte 12 millions de Français en précarité énergétique. Baissons à 5,5 % la fiscalité sur l'électricité, bien de première nécessité.

Il faut des choix courageux. Premièrement, la fin de la libéralisation pour l'hydroélectricité : il faut que l'énergie reste dans le domaine public.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement.

M. Fabien Gay.  - Il faut nationaliser Engie et TotalEnergies, aux côtés d'EDF. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Soixante-dix-neuf ans après Marcel Paul, il faut une nouvelle loi de nationalisation pour grand service public de l'énergie.

M. Stéphane Piednoir.  - Cela finit mal. (Sourires à droite)

Mme Cécile Cukierman.  - Il ne faudra pas alors pleurer pour les collectivités !

M. Fabien Gay.  - Déposez un projet de loi, nous en débattrons et nous voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, INDEP, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce débat est symbolique d'un contexte politique difficile, où l'intérêt général est oublié, sur fond de majorité relative.

Voilà un an, le Haut Conseil pour le climat (HCC) s'alarmait déjà de la dérive du calendrier. Notre souveraineté énergétique dépend de nos tergiversations. Or point de souveraineté sans souveraineté énergétique.

Toute puissance a besoin de sources adéquates d'énergie. Il est essentiel que la troisième PPE puisse être mise en oeuvre malgré les incertitudes géopolitiques actuelles.

Monsieur le Premier ministre, je vous encourage à maintenir un cap clair et ambitieux et à poursuivre les efforts de décarbonation. La continuité de l'action publique est essentielle. Le financement de la transition énergétique doit être cohérent avec l'évolution des besoins d'investissement et ne pas constituer une variable d'ajustement budgétaire.

Pour reconquérir notre souveraineté et atteindre nos objectifs climatiques, il faut miser sur le renouvelable et le nucléaire.

Souveraineté et décarbonation constituent un seul et même défi. Nous devons regarder en face les limites de notre puissance. Nous n'avons pas d'autre choix que de réorganiser l'industrie, l'agriculture, les transports, pour que ces forces économiques vitales soient aussi peu consommatrices que possible en énergie. En effet, le kilowattheure le moins cher est celui qui n'est pas consommé.

Conjuguer électrification des usages, efficacité et sobriété stoppera la catastrophe climatique, tout en échappant aux contraintes pesant sur l'accès aux énergies fossiles.

Pour cela, il faut un discours de vérité envers les Français. Nous ne pouvons faire de mauvais placements : il faut donc une stratégie claire et durable.

Comment atteindre ces objectifs, alors que 550 millions d'euros de crédits de la mission « Écologie » sont supprimés ? Nos émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 1,8 % en 2024, bien moins qu'en 2023.

Nous sommes aussi en retard sur nos objectifs de décarbonation. Je sais le contexte contraint de nos finances publiques. Notre économie repose à 71 % sur les énergies fossiles.

Oui, décarboner est la clé pour réduire la vulnérabilité de la France. Nous devons adopter une approche par minimisation des risques et maximiser nos choix : nucléaire, énergies renouvelables, chaleur bas-carbone et biomasse doivent être encouragés.

Se priver de l'une des filières mettrait davantage de pression sur les autres. Cela réduirait la robustesse de notre trajectoire de décarbonation.

Les limites sont nombreuses : le lancement des EPR2 n'est pas prévu avant la fin des années 2030 et les renouvelables peinent à se développer. Nous l'avons rappelé lors du débat sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, en octobre dernier.

Un mot sur l'énergie hydroélectrique : la pression écologique rend difficile la création de nouvelles ressources. Or il faut relancer les investissements dans cette énergie vertueuse.

Comment en finir avec le contentieux européen qui nous paralyse ? Il faut soustraire définitivement nos barrages aux logiques de concurrence.

Sans sobriété, la souveraineté énergétique de notre pays et nos objectifs de décarbonation ne pourront être tenus.

La consommation électrique de la France devra être divisée par deux d'ici à 2050 pour assurer l'ensemble des approvisionnements. Pourtant, nous manquons de perspectives. Cette année, les incitations en faveur des énergies décarbonées sont moindres. Pis : l'instabilité normative a été l'un des grands reproches des acteurs de la filière. Ces derniers ont besoin de lisibilité.

Certes, l'équation est complexe : je m'interroge sur le bon équilibre. Espérons que vous nous apporterez la solution miracle, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Yannick Jadot .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Marc Laménie applaudit également.) Un débat. Pas de vote, juste un débat pour adapter notre système énergétique, pour tirer les conséquences de la guerre en Ukraine, alors que les investissements se comptent en centaines de milliards d'euros et que nous nous engageons jusqu'à la fin du siècle.

Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, sur le budget, vous avez dit : « la vérité permet d'agir ». Ce qui vaut pour le budget vaut aussi pour la transition énergétique.

Certes, il y a un parc nucléaire, mais il faut rééquilibrer notre mix. Vous avez parlé de raison, mais cette dernière n'est pas toujours présente dans cet hémicycle lorsqu'on parle de nucléaire.

Le nouveau nucléaire n'est plus simplement un moyen de produire de l'électricité, mais un projet de société, un mythe, une foi. Pourtant, les faits sont sans appel : vous voulez construire six, plus huit EPR2. Coût prévisionnel : 51 milliards d'euros en 2020. Désormais, on parle de 100 milliards d'euros pour six EPR, soit 16 milliards l'unité. Rien de surprenant, quand le coût de Flamanville est passé de 3 à 23 milliards et celui d'Hinkley Point de 22 à 40 milliards de livres, selon la Cour des comptes. Excusez du peu !

Monsieur le Premier ministre, vous avez saisi la Cour des comptes pour les retraites ; pourquoi pas pour le nucléaire ? La Cour est très précise : elle recommande « de retenir la décision finale d'investissement du programme EPR2 jusqu'à la sécurisation du financement et l'avancée des études de conception détaillées. » À ce stade, le programme EPR2 n'est ni finançable ni rentable.

Le coût de l'électricité serait alors de 100 euros le MWh : les Français paieront, au final.

L'urgence climatique est là. Notre addiction aux énergies fossiles nous a coûté 60 milliards d'euros l'année dernière. Le pouvoir d'achat des Français est en berne. Il faut agir vite et fort.

Si les énergies renouvelables sont immédiatement disponibles, aucun EPR2 ne verra le jour d'ici à 2040, sans parler des retards. Il y a eu douze ans de retard pour Flamanville, quatorze ans pour l'EPR finlandais, déjà sept ans pour Hinkley Point. Décidément, le nouveau nucléaire, c'est trop tard, et c'est trop cher. Et limoger le patron d'EDF n'y changera rien !

Pourquoi mettre tous nos oeufs dans le même panier, surtout s'il est percé ? Par nostalgie gaulliste ? Je peux l'entendre. (Murmures désapprobateurs à droite) Par adoration technique ? Un réacteur, ce n'est qu'une cocotte-minute, même perfectionnée... Par foi ? En l'occurrence, il s'agirait plutôt de créationnisme ! Et, en matière d'énergie comme de la laïcité, la foi ne doit pas faire la loi. (On renchérit sur les travées du GEST.)

Les énergies renouvelables représentent la majorité des capacités qui s'installent en Europe : c'est sur ce terrain que se déploie le génie de l'innovation et que se joue la résilience des économies.

Malgré votre discours, monsieur le Premier ministre, votre action casse toute dynamique de transition. En sabordant les aides à la rénovation énergétique, en sapant le budget de l'électrification des transports, vous fragilisez le pouvoir d'achat des Français et de nombreuses filières d'artisans, d'industriels et de services, dont dépendent des centaines de milliers d'emplois.

Vous brandissez la souveraineté comme étendard, mais en sapez un à un les fondements en aggravant notre dépendance aux énergies fossiles venues d'ailleurs, à commencer par le gaz de Poutine, le gaz de schiste de Trump et l'uranium du Kazakhstan ou de l'Ouzbékistan. Pendant ce temps, en France, les usines de panneaux photovoltaïques ou d'éoliennes ferment, faute d'action contre le dumping chinois. Nos filières sont menacées par la procrastination permanente et l'absence d'objectifs précis.

Monsieur le Premier ministre, le seul fait que l'extrême droite soutienne le tout-nucléaire en assumant son climatoscepticisme devrait vous alerter. Sa complaisance vis-à-vis de Trump et de Poutine en fait le premier fossoyeur de notre souveraineté. Ne les écoutez pas.

L'extrême droite et, hélas, une partie de la droite s'attaquent à l'État de droit en même temps qu'à l'agenda climatique. Si le centre-droit, dont vous êtes un leader, se laisse embarquer dans cette dérive, l'habitabilité de notre pays sera menacée et la bascule illibérale enclenchée.

Alors que l'Allemagne investit 100 milliards d'euros dans la décarbonation, nos émissions de gaz à effet de serre repartent à la hausse. Il est urgent d'investir pour la sobriété, l'efficacité et la souveraineté à travers un mix énergétique responsable : c'est sur votre action que nous jugerons votre vérité. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

M. Joshua Hochart .  - En matière énergétique comme pour le réseau électrique, des enjeux vitaux, tout est affaire d'équilibre.

L'affreuse guerre en Ukraine l'a montré : les infrastructures électriques, la dépendance à des partenaires d'hier pouvant devenir demain des adversaires et nos systèmes d'approvisionnement sont des enjeux de sécurité nationale.

De toutes les fautes commises ces vingt dernières années, le sabordage conscient de notre parc électronucléaire est sans doute l'une des plus graves. La France pouvait se targuer de disposer du modèle énergétique le plus propre du monde occidental et d'offrir un prix parmi les plus compétitifs à ses ménages et ses entreprises.

Hélas, depuis 2007, les prix de l'énergie ont doublé. Votre attachement servile au mécanisme européen de fixation des prix de l'électricité a précipité le pays dans une spirale inflationniste et une crise économique dont il n'est sorti que par l'affaissement de ses comptes publics.

Contrairement à ce qui est prétendu, le Rassemblement national ne propose nullement de nous reposer sur notre seul parc électronucléaire.

Certes, celui-ci doit être puissamment renforcé. À cet égard, nous avons été les seuls - avec, il faut le dire, la majorité sénatoriale - à proposer un plan pérenne de développement du nucléaire. Nous devons construire 10 GW supplémentaires d'ici à 2035, doubler le parc actuel d'ici à 2050 et investir massivement dans les technologies de l'avenir, dont la fusion nucléaire, pour laquelle la France fait la course en tête.

Mais nous ne nous opposons pas par principe aux énergies renouvelables. Nous avons même été les seuls ou presque à défendre la propriété publique de nos barrages, le développement de l'hydrogène ou encore la valorisation de la biomasse. En revanche, nous nous opposons à des technologies inefficaces, polluantes et dangereuses, comme l'éolien et le solaire.

En Espagne et au Portugal, les premiers rapports d'experts reconnaissent, avec embarras, qu'un dysfonctionnement dans la production électrique non pilotable des énergies dites renouvelables est à l'origine du chaos récent. (On le conteste sur les travées du GEST.)

Nous saluons, monsieur le Premier ministre, votre décision de remettre l'ouvrage sur le métier. La PPE initialement prévue était inacceptable : elle favorisait des énergies dont l'inefficacité ne cesse d'être démontrée, sans offrir à la France les moyens de redevenir un paradis énergétique, favorable à la réindustrialisation.

Face aux décroissants, aux lubies faussement écologiques et aux forces de l'abandon, vous nous trouverez toujours du côté de la puissance et de la grandeur de la France.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Je remercie l'ensemble des intervenants pour ce débat utile, qui enrichira nos convictions et contribuera à définir la PPE. Car il ne s'agit pas de débattre pour débattre, mais bien de faire évoluer notre stratégie. Je souhaite que le caractère documenté et factuel des arguments demeure le fil directeur de nos échanges.

Un principe guide notre stratégie énergétique : sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Cette dépendance est extrêmement coûteuse, puisqu'elle pèse 60 à 70 milliards d'euros chaque année dans notre balance commerciale - et davantage encore quand la Russie utilise le gaz comme arme de guerre. Elle nous empêche de prétendre à la souveraineté énergétique.

Notre objectif est de bâtir un système énergétique résilient, pilotable et compétitif. Comme le Premier ministre s'y est engagé, le débat se poursuivra et les analyses qui en résulteront seront prises en compte. La proposition de loi de M. Gremillet sera examinée par l'Assemblée nationale à la mi-juin. Elle pèsera sur la prochaine PPE, de même que les conclusions du groupe de travail Armand-Gremillet.

Monsieur Gremillet, vous avez évoqué la nécessité d'adapter les objectifs de la PPE. Non seulement nous y souscrivons, mais ces objectifs ont déjà été adaptés, fin 2024. Par exemple, la fourchette du photovoltaïque est passée de 75 à 100 MWh à 65 à 90 MWh. Nous avons aussi introduit un principe de suivi fin des consommations électriques et du processus d'électrification.

Vous appelez à lutter contre la logique de la décroissance. La PPE ne s'inscrit aucunement dans cette logique. Certes, l'objectif de consommation globale baisse, mais cela n'est pas synonyme de limitation de l'activité. Nous entendons nous appuyer sur la sobriété et l'efficacité.

En effet, nous ne devons pas opposer énergies renouvelables et nouveau nucléaire : votre proposition de loi va dans le sens de cet équilibre.

Non, en revanche, la construction des EPR n'est pas de l'ordre du discours. Le dernier conseil de politique nucléaire, présidé par le Président de la République, a décidé d'accélérer la fabrication des six EPR2 et de confirmer la recherche de solutions liées aux SMR. Le schéma de financement de ce nouveau nucléaire sera très bientôt finalisé avec la direction d'EDF et notifié à la Commission européenne.

Vous appelez de vos voeux une augmentation de la capacité hydroélectrique. Cette hausse dépend d'investissements sur les installations existantes, que nous pourrons réaliser dans un cadre sécurisé une fois le contentieux avec l'Union européenne réglé. Nous attendons à cet égard les conclusions de la mission d'information Bolo-Battistel.

Notre stratégie hydrogène serait-elle décevante ? Ce n'est pas mon sentiment. Certes, les objectifs de capacité installée ont été recalibrés sur la base d'une analyse des modèles économiques des différents usages, mais la filière hydrogène attendait la visibilité que lui offre cette stratégie.

Monsieur Montaugé, vous dénoncez un déni démocratique, mais le décret relatif à la PPE est prévu par la loi. La PPE est compatible dans ses objectifs, avec quelques nuances, avec la proposition de loi Gremillet : certes, ce n'est pas un projet de loi, mais le Parlement aura donc bien voté sur cette programmation. Le Premier ministre s'est engagé à prendre en compte les modifications apportées à ce texte dans la PPE. Notre méthode laisse donc sa place au débat démocratique.

Toutes les énergies entraînent des dépendances. C'est le cas du nucléaire avec l'uranium comme des métaux rares, dont le lithium et le graphite, pour les batteries électriques. Le conseil de politique nucléaire a fixé le principe d'un approvisionnement sécurisé et diversifié en combustible. Le problème de la dépendance peut aussi être résolu par la recherche scientifique, s'agissant notamment de la fermeture du cycle nucléaire, c'est-à-dire de la réutilisation du combustible. Le conseil de politique nucléaire a confirmé le soutien aux recherches menées en ce sens. La promesse est formidable, et les chercheurs y croient.

En matière de métaux rares aussi nous menons une stratégie de diversification des approvisionnements. C'est dans cet esprit que j'ai relancé l'inventaire minier de notre territoire par le BRGM. Nous avons des potentialités à explorer, notamment de tungstène et de lithium. Nous devons aussi structurer davantage la filière du recyclage des batteries.

Vous m'avez interpellé également sur la politique industrielle : nous aurons d'autres occasions d'en débattre plus globalement. Mais je considère qu'il faut inverser votre logique : nous devons créer les conditions du développement de l'emploi industriel en France en offrant aux acteurs économiques un prix de l'énergie compétitif.

S'agissant du scénario de RTE, c'est tout l'objet du débat de faire un choix ; je ne veux pas préempter son résultat.

Monsieur Chauvet, nous menons une action volontariste en matière d'électrification. Certains ont des doutes, compte tenu de la stagnation de la consommation d'électricité. Mais nous oeuvrons fortement pour décarboner l'industrie et accompagner les industriels électro-intensifs. Un data center de grande puissance a une consommation annuelle de 8 TWh : or nous devons concrétiser les ouvertures annoncées par le Président de la République lors du sommet de Paris sur l'IA.

Nous maintenons un bonus sur les mobilités, en dépit du contexte budgétaire. Nous maintenons le leasing social et incitons à l'électrification des flottes professionnelles, alors qu'un véhicule électrique neuf sur deux est acheté par une flotte d'entreprise.

Nous continuerons à soutenir aussi la filière des pompes à chaleur.

Oui, certains projets d'énergies renouvelables s'accompagnent de conflictualité. Nous devons privilégier le développement des infrastructures existantes sans artificialiser davantage. Les enjeux de création d'emplois dans nos territoires sont aussi un facteur de conviction.

Vous avez souligné le risque de déséquilibre entre demande et production, mais nous avons besoin de garder des marges de capacité. L'exportation constitue un débouché naturel : l'année dernière, nous avons exporté 90 TWh nets.

Je le répète, le schéma de financement des EPR sera très bientôt notifié à la Commission européenne. La construction des composantes des futurs réacteurs a commencé, notamment à l'usine Framatome du Creusot. La filière recrutera 100 000 personnes au cours de la prochaine décennie.

Oui, monsieur Louault, nos industriels ont besoin de prix compétitifs. Je rappelle que les industriels les plus électro-intensifs bénéficient déjà d'un taux d'accise fortement réduit, de 50 centimes d'euros. Mais il faut aller plus loin. Vous avez cité les contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN) : j'ai confiance dans la capacité des acteurs à signer un volume significatif de contrats avant le 1er janvier prochain. Bernard Fontana, désormais à la tête d'EDF, présente un parcours qui témoigne de sa sensibilité aux enjeux des industriels. Nous aurons l'occasion de faire ensemble un bilan des contrats signés.

Je redis que la PPE n'a aucune dimension décroissante. Nous voulons favoriser l'efficacité et la sobriété, certainement pas désindustrialiser.

Nous devons débattre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Les projections qui figurent dans la PPE dépendent des prix de marché, très difficiles à prévoir à des horizons aussi lointains. La CSPE coûte à l'État, mais elle peut aussi lui rapporter : près de 6 milliards d'euros sont rentrés dans ses caisses en 2022-2023. (M. Yannick Jadot acquiesce.) Il est délicat de critiquer ce principe pour les énergies renouvelables et de l'accepter pour le nucléaire.

M. Vincent Louault.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit...

M. Marc Ferracci, ministre.  - Certaines énergies renouvelables sont compétitives. Par exemple, le quatrième appel d'offres pour l'éolien en mer a conduit à des contrats pour 45 euros le mégawattheure : c'est compétitif même par rapport au nucléaire existant !

M. Yannick Jadot.  - Très bien !

M. Marc Ferracci, ministre.  - Mais ce n'est pas le cas de toutes les énergies renouvelables. Nous ne devons pas mettre toutes les solutions énergétiques dans le même panier.

Vous affirmez qu'on pourrait prolonger jusqu'à 70 ou 80 ans les réacteurs actuels sans difficulté. C'est à l'ASNR de se prononcer sur ce point, sur la base des analyses d'EDF. Je me suis prononcé en faveur du grand carénage, mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs en préemptant la décision de l'ASNR. Ne troquons pas la précaution nécessaire contre un volontarisme effréné.

Oui, monsieur Buis, la souveraineté passe par la décarbonation.

Vous m'avez interrogé sur les EPR supplémentaires qui pourraient être annoncés d'ici à la fin 2026. Le processus d'instruction est en cours : douze sites sont envisagés, dont cinq ont déjà fait l'objet d'une étude par EDF. La décision sera prise avant la fin de l'année prochaine, au moment où les investissements seront annoncés.

La meilleure façon de développer l'éolien offshore, c'est de publier le décret sur la PPE... De fait, il est nécessaire au lancement des appels d'offres, dont l'un est prêt. Notre objectif est de maximiser l'empreinte industrielle des projets et d'offrir de la visibilité à la filière.

Comme vous, nous sommes attachés à l'hydroélectricité. Nous attendons à cet égard les conclusions de la mission Bolo-Battistel et celles de la commission des affaires économiques du Sénat.

Notre stratégie hydrogène repose sur l'identification des modèles économiques les plus solides. De ce point de vue, les expérimentations menées sur le train ne sont pas à la hauteur des résultats obtenus par d'autres usages.

M. Gay a prétendu qu'il y aurait un déni démocratique. Je rappelle que 50 000 citoyens ont participé aux consultations, que la proposition de loi Gremillet est débattue au Parlement et qu'un groupe de travail composé de parlementaires, autour de MM. Armand et Gremillet, est à la tâche. Il me semble qu'on est loin du déni de démocratie...

Par ailleurs, lorsque les énergies renouvelables ne produisent pas, elles ne sont pas payées à ne rien faire : il n'y a pas de rendement à ne pas produire.

Le rabot sur MaPrimeRénov' est lié aux circonstances budgétaires, mais nous maintenons ce dispositif. Aucun gouvernement avant 2020 ne s'était engagé aussi résolument en faveur de la rénovation énergétique !

Il est faux de dire que rien ne serait fait pour contrer le photovoltaïque chinois. Nous avons en France deux usines de panneaux photovoltaïques, et plusieurs gigafactories vont voir le jour avec le soutien de l'État.

Affirmer que les prix de l'électricité augmenteront de 10 % l'année prochaine ne repose sur aucun fondement. Au demeurant, ces tarifs ont baissé de 15 % au 1er février dernier.

Madame Carrère, je partage votre souci de peser chaque denier public, notamment pour décarboner l'industrie. Il s'agit de savoir combien coûte l'abattement d'une tonne de CO2. Prêchant pour ma paroisse, je souligne que les dépenses de décarbonation consenties en matière industrielle sont plus efficaces que dans d'autres secteurs.

Oui, nous devons minimiser les risques, mais restons prudents sur l'épisode espagnol : nous ne disposons à l'heure actuelle d'aucune certitude sur les causes de la panne récente. (M. Yannick Jadot renchérit.) Reste que nous devons, à l'évidence, diversifier nos sources d'énergie. En 2023, lorsque sont apparus les problèmes de corrosion sous contrainte, les énergies renouvelables ont pris le relais.

Monsieur Jadot, j'ai la faiblesse de croire que ce n'est pas « juste un débat ». (Mme Mélanie Vogel s'exclame.)

Oui, nous devons prendre en compte le contexte géopolitique. De ce point de vue, la guerre en Ukraine confirme la nécessité de sortir de la dépendance aux énergies fossiles et de renforcer notre souveraineté.

L'hypothèse de coût des EPR2 est de 67 milliards d'euros, non de 100 milliards. Le nouveau nucléaire ne serait-il pas finançable ? Je ne suis pas d'accord : nous proposerons un schéma de financement reposant sur un prêt bonifié dans la phase de construction et un contrat pour différence dans la phase d'exploitation. Le nouveau nucléaire coûte plus ou moins cher, mais il est assurément finançable.

La France n'est d'ailleurs pas le seul pays à investir dans ce domaine. Je suis à la tête d'une alliance européenne d'une dizaine de pays qui défendent le nucléaire et la neutralité technologique. Nous ne sommes pas un îlot en Europe : il y a une dynamique aussi en faveur du nucléaire ! (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

Nous ne freinons pas l'électrification : nous continuons de la soutenir, en tenant compte des contraintes budgétaires.

Enfin, nous attaquerions l'agenda climatique ? C'est faux : nous défendons l'agenda issu des accords de Paris, mais estimons que nos objectifs de décarbonation doivent être rendus compatibles avec une politique industrielle ambitieuse - je l'ai rappelé à tous les commissaires européens que j'ai rencontrés.

Enfin, M. Hochart a prétendu que les premiers rapports d'experts en Espagne et au Portugal tendraient à mettre en cause un modèle fondé majoritairement sur les énergies renouvelables. Après avoir échangé avec mon homologue espagnole et RTE, je considère qu'il est impossible à ce stade d'avoir quelque certitude que ce soit sur l'origine de la panne qui s'est récemment produite. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées du RDSE et du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président