Aménager le code de la justice pénale des mineurs et la responsabilité parentale (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Deux constats : premièrement, même si le nombre d'infractions commises par des mineurs diminue, celles-ci sont de plus en plus graves, les auteurs sont de plus en plus jeunes et la criminalité organisée ne les épargne pas. Deuxièmement, l'éducation doit primer la sanction, s'agissant de mineurs ; toutefois, la sanction fait souvent partie de l'éducation -  nombre de parents ne me démentiraient pas.

Le Sénat a sensiblement modifié la proposition de loi votée à l'Assemblée nationale. Lors de la CMP, nous avons trouvé un accord faisant la part belle aux mesures du Sénat ; nous avons dû aussi faire des compromis.

Un mot sur la responsabilité des parents. Lors de la première lecture au Sénat, nous avions largement élagué les dispositions relatives au délit de soustraction ; la CMP a entériné notre choix.

A été également maintenue la possibilité offerte à l'assurance qui a payé pour réparer les dommages des actes du mineur délinquant de se retourner vers ses parents pour qu'ils en paient une partie. Idem pour l'amende civile, prononcée lorsque le parent est absent à une audience civile ; celle-ci sera la même qu'en cas d'absence à une audience pénale.

La responsabilité des mineurs, ensuite. La comparution immédiate a été rétablie, à partir de 16 ans, pour les infractions les plus graves.

Le Sénat avait inversé l'excuse de minorité ; cette disposition a été confirmée, de même que le recours facilité à l'audience unique : les mineurs récidivistes ne pourront plus bénéficier de la césure prévue par le code de la justice pénale des mineurs.

Je n'ai qu'un regret : les courtes peines que nous avions introduites n'ont pas été retenues, faute d'avoir pu être débattues à l'Assemblée nationale. Ce sujet important mérite un large débat -  le travail de la mission d'information Exécution des peines y contribuera.

Les résultats de la CMP sont assez favorables, aussi je propose de voter ses conclusions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - La proposition de loi s'inscrit dans un contexte de forte attente de nos concitoyens. L'augmentation de la délinquance mérite une réponse claire tout en respectant les principes de la justice des mineurs.

Premièrement, le texte vise une justice plus réactive. Il est équilibré et respecte l'esprit de l'ordonnance de 1945 -  je salue votre travail, madame Jourda.

En matière de comparution immédiate, il ne s'agit pas d'aligner purement et simplement le régime des mineurs sur celui des majeurs, mais d'offrir aux magistrats un levier rapide quand les faits l'imposent.

Désormais, le juge devra motiver expressément le recours à l'excuse de minorité.

L'amende civile permettra une responsabilisation accrue des parents : l'autorité parentale implique des devoirs.

Deuxièmement, l'ambition éducative figure au coeur du texte, qui ne saurait être réduit à une logique répressive. Le procureur devra désormais fournir un rapport éducatif préalable à toute saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) ; la situation du mineur sera appréciée plus finement avant toute décision privative de liberté.

Troisièmement, de nouveaux outils visent à prévenir les dérives. Certaines affaires récentes ont révélé des failles dans notre système. D'où le renforcement des couvre-feux éducatifs et l'instauration d'une rétention provisoire d'évaluation, en cas de non-respect grave et répété d'une mesure éducative judiciaire probatoire. Avec cette dernière mesure, très encadrée, nous voulons éviter l'impunité de fait.

Quatrièmement, ce texte apporte une réponse lisible, proportionnée et attendue. Il ne renverse pas l'équilibre de la justice des mineurs ; il articule répression et éducation pour garantir une réponse rapide et efficace. Il s'agit de mieux juger, avec de bons outils, dans l'intérêt des mineurs et de la société.

C'est un texte de responsabilité, qui repose sur une conviction partagée : notre jeunesse mérite une justice exigeante, lisible et crédible.

Le Gouvernement salue l'engagement du Sénat. Nous vous invitons à adopter ces conclusions avec détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDPI)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 4 bis

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est un amendement de coordination.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission n'a pas eu le temps de se réunir. À titre personnel, avis favorable.

Vote sur l'ensemble

M. Ian Brossat .  - Nous n'en avons pas fait mystère : cette proposition de loi n'est rien d'autre qu'un texte d'affichage. Elle prétend restaurer l'autorité, mais n'offre rien de concret. Elle affiche une fermeté de façade.

Surtout, elle a été élaborée sans la moindre concertation avec ceux qui font vivre la justice sur le terrain, ces professionnels qui connaissent mieux que quiconque les réalités de la jeunesse en difficulté. Or ceux-ci estiment que la délinquance des mineurs ne peut en aucun cas être traitée au travers du seul prisme de la répression, que le parcours des mineurs délinquants est presque toujours marqué par la violence, par l'échec scolaire ou par les troubles psychiques et que la réponse éducative est la meilleure prévention de la récidive. Mais pour cela il faut des équipes formées, des délais adaptés, des moyens à la hauteur.

Cette proposition de loi crée l'illusion d'une réponse efficace parce que sévère. Vous faites le choix d'affaiblir les trois piliers de la justice des enfants, qui ne sont pas les vestiges d'un autre temps, mais sont consacrés constitutionnellement et garantis par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE).

Les principes sont contournés, méthodiquement. Le mineur devient majeur face au juge. Pourtant, on refuse le droit de vote à ces jeunes, au nom de leur immaturité. Mais on les juge majeurs quand ils commettent une infraction. Où est la cohérence ?

Même chose pour la comparution immédiate des mineurs. Juger un adolescent dans l'urgence est une aberration : on ne s'interroge pas sur les motifs du passage à l'acte. Résultat : impossible d'établir une réponse adaptée. Aucune garantie n'encadre cette procédure.

Les dispositions relatives aux parents sont injustes. Comment prouver que l'acte du mineur découle d'une défaillance des parents et non d'autres facteurs ? Le texte présuppose une relation mécanique entre faute éducative et délinquance, sans parler de la prérogative offerte aux assurances : soutient-on les familles en leur adressant une facture ?

Les parents en difficulté sont loin d'être tous démissionnaires. Souvent, leur emploi est précaire, ils travaillent en horaires décalés ou élèvent seuls leurs enfants. Ce sont des oubliés des politiques publiques.

Pendant ce temps, l'État abandonne ses responsabilités. Les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » ont été amputés de 50 millions d'euros et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est en sous-effectif.

Plutôt que de renforcer les moyens, vous sanctionnez. Plutôt que d'accompagner, vous accusez. Tout ceci repose sur une croyance aussi répandue que fausse : la sévérité des peines suffirait à les rendre efficaces. Or c'est l'accompagnement qui prévient la récidive.

Cette proposition de loi est un contresens. La justice, pour être forte, doit être juste. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Monique de Marco .  - À ce stade, un seul point de consensus nous réunit : la jeunesse de ce pays est dans une situation très préoccupante.

La santé mentale des jeunes s'est fortement dégradée entre 2017 et 2022 : 8 % des enfants de maternelle ont un problème de santé mentale. On atteint, à 17 ans, 9,5 % de jeunes en symptômes dépressifs sévères, contre 4,5 % en 2017 ; 18 % d'entre eux ont eu des pensées suicidaires, contre 11 % en 2017.

L'enfance n'est hélas pas préservée de la violence de la vie en société. Sur 15 millions de jeunes, beaucoup y sont exposés, dans leur famille, à l'école ou encore dans la rue. Les jeunes sont victimes des réseaux -  narcotrafic, prostitution, traite des humains. Certains sont aussi responsables de violences.

Depuis 2016, le taux de jeunes poursuivis par la justice a baissé de 25 %, selon le ministère de l'intérieur. À rebours de cette tendance, le nombre de faits graves est en augmentation ; le nombre de mineurs poursuivis pour assassinats, coups mortels ou violence aggravée est passé de 1 207 à 2 095 entre 2017 et 2023 -  un sujet réel de préoccupation.

Mais ce texte vise-t-il à lutter contre la délinquance des jeunes, ou le contexte endémique de violences dans lequel des enfants grandissent avant de la reproduire ?

Si nous voulons lutter contre la violence chez les jeunes, alors cette proposition de loi est inadaptée. Guy Benarroche n'a eu de cesse de pointer les limites d'un texte écrit par un ancien Premier ministre en perte d'autorité. Je regrette que la majorité sénatoriale s'engouffre dans la brèche.

Les débats ont montré l'incohérence du texte, faute d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État. En témoignent les articles 4 et 5.

La commission reconnaît elle-même de grandes imprécisions. Pourquoi alors nous entraîner dans cette voie ?

Au contraire, nous voulons plus de moyens pour la PJJ, pour l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou pour les psychologues scolaires.

L'autorité ne se décrète pas ; elle se conquiert par la cohérence dans la transmission des règles de la vie en société.

Selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise), un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes.

Chaque jour, 340 000 mineurs de l'ASE et plus d'un million de jeunes en fragilité mentale attendent des réponses concrètes.

Michel Barnier avait fait de la santé mentale la plus grande cause nationale de son gouvernement ; nous étions tous prêts à le suivre.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Très bien !

Mme Monique de Marco.  - Pourtant, au nom du pacte de gouvernement qui vous lie avec le Président de la République, vous balayez tout cela et défendez un texte inconstitutionnel et inapplicable.

Vous échouez à répondre à l'augmentation de la violence, qui, quoique préoccupante, concerne environ 2 000 affaires par an. Avant d'être auteurs de violences, les jeunes en sont d'abord les victimes.

Notre groupe votera résolument contre ce texte.

Mme Corinne Narassiguin .  - L'examen de ce texte dans les deux assemblées a été particulièrement chaotique, avec des hésitations et des réécritures. Pourquoi ? Car il ne répond à aucun besoin juridique et n'est pas abouti.

Il ne s'agit pas de légiférer sagement et de manière cohérente, mais de faire un coup médiatique.

Tous les acteurs du secteur s'opposent à ce texte. Nous ne pouvons l'ignorer. Pour eux, cette proposition de loi est populiste, simpliste, inutile et dangereuse.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cela montre que l'on va dans le bon sens !

Mme Corinne Narassiguin.  - Ce texte marque une rupture profonde avec les principes fondamentaux de la justice des mineurs et l'ordonnance de 1945. Il va à l'encontre des engagements internationaux de la France, la CIDE, notamment. Certaines dispositions sont même inconstitutionnelles.

La primauté de l'éducatif sur le répressif, l'atténuation liée à l'âge et l'individualisation des peines sont les trois piliers de la justice des mineurs. Or vous leur tournez le dos.

Au-delà des principes, il faut aussi interroger l'efficacité des mesures proposées. Or rien ne prouve que celles-ci fonctionneront.

Aucune étude d'impact n'a été menée. Pourtant, les dernières réformes du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) sont récentes et n'ont pas été évaluées.

On ne peut pas parler de politique pour la jeunesse sans évoquer les moyens.

Où sont les éducateurs, les centres de jour ?

La prison n'est en aucun cas une panacée. En revanche, l'accompagnement et la réinsertion ont prouvé leur efficacité.

Ce texte constitue un danger pour notre système judiciaire et pénal. Nous ne comprenons pas sa plus-value.

Son seul résultat évident est de fragiliser une nouvelle fois notre État de droit.

Nous en concluons que c'est un gadget de M. Attal pour compléter sa panoplie de gendarme, après « Tu casses, tu répares », « Tu défies l'autorité, on t'apprend à la respecter ». Pour notre part, nous lui disons : vous cassez la justice des mineurs ! Vous salissez les principes républicains ! Vous défiez la Constitution !

Le droit, ce n'est pas un coup de com'. La justice des mineurs, ce n'est pas un instrument de triangulation. La vie des enfants, ce n'est pas un jeu.

Nous voterons contre ce texte dangereux et saisirons le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC) Fait divers après fait divers, une tendance sociétale se dessine sous nos yeux ; les auteurs sont de plus en plus jeunes et la violence ne cesse d'augmenter.

Les jeunes sont aussi des victimes. La mort est parfois donnée pour un motif futile, comme une relation amoureuse refusée par la famille ou un regard qui ne s'est pas détourné.

Et puis, il y a les conflits entre quartiers. Mon département, l'Essonne, en détient le triste record.

L'État doit réagir pour mettre un terme au cycle de la violence.

La proposition de loi Narcotrafic a constitué une étape importante. La très forte augmentation de la consommation de drogue dans notre pays entraîne le développement de réseaux, avec 1 million de consommateurs de cocaïne.

Le trafic de drogue développe la criminalité de façon générale ; les jeunes servent souvent de mules.

Aujourd'hui, nous avons l'occasion de renforcer la sécurité de nos concitoyens et de protéger notre jeunesse.

Rétablir la sanction, c'est protéger la société et faire prendre conscience aux auteurs de la gravité de leurs actes.

Ce texte comporte des avancées majeures que nous soutenons avec détermination.

Nous saluons la fin de l'excuse de minorité.

Il est essentiel de replacer l'autorité parentale au centre du dispositif, comme premier rempart contre la délinquance. Nous soutenons donc la circonstance aggravante dans ce domaine.

Un retour de l'autorité nécessite que chacun prenne sa part.

Nous soutenons une meilleure indemnisation des victimes. Les parents doivent assumer les conséquences financières des dommages causés par leurs enfants. Nous sommes favorables à la possibilité offerte aux assureurs de demander le remboursement d'une partie des sommes engagées.

La priorité donnée aux mesures éducatives ne doit pas faire disparaître toute coercition. Des délinquants de plus en plus jeunes commettent des actes de plus en plus graves ; il faut agir rapidement.

Nous soutenons la nouvelle procédure de comparution immédiate.

Il faut rapprocher la sanction de la commission des faits.

Ce texte équilibré permettra une meilleure répression de la délinquance des mineurs. Nous le voterons.

Cela n'obère pas la nécessité de consolider notre PJJ. Je veux dire à nos collègues de la gauche de l'hémicycle que ce matin, j'étais au lancement du challenge Michelet, rassemblant 300 jeunes - cette année, celui-ci se déroule en Essonne. Ils se confrontent sportivement. Chers collègues, nous devons marcher sur nos deux jambes : ces initiatives sont essentielles, ce texte l'est tout autant. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On tue à quatorze ans. On frappe un professeur à treize ans. On caillasse la police à douze ans. À onze ans, on appartient à un gang. À dix ans, on fait le guet pour un dealer. À neuf ans, on insulte un policier...

Voilà la France de 2025, qui a changé de visage. Ce n'est plus celle des Trente glorieuses ni de la rigueur de l'école républicaine, mais celle d'un pays fracturé, ensauvagé, paralysé. Nous devons nommer ce que nous vivons. Une grande partie de la délinquance est le fait des mineurs, qui ont un sentiment d'impunité, car notre politique n'est plus du tout adaptée. On enferme les mineurs dans la délinquance et on assiste à la mexicanisation de nos territoires, à l'effacement de l'autorité, à l'émergence d'une contre-société où la violence est la norme et où l'âge des auteurs devient une stratégie.

Face à cela, le laxisme n'est pas une erreur, mais une faute.

Il ne faut plus expliquer, excuser, contextualiser, mais agir.

Le texte issu de la CMP est un acte politique qui marque un tournant. C'est une première réponse à ce contexte d'hyperviolence juvénile.

Nous le soutenons avec force et exigence, car la République doit reconquérir le terrain perdu.

La comparution immédiate dès 16 ans pour les cas les plus graves est un marqueur de cette rupture. Finis, les mois d'attente : la justice retrouve sa rapidité, sa lisibilité, son efficacité. Les mineurs n'ont pas la même notion du temps que les adultes et la réponse ne sert à rien si elle est donnée tardivement.

L'excuse de minorité, aujourd'hui la règle, devient l'exception.

Enfin on responsabilise les parents, qui parfois ferment les yeux. Ceux qui laissent leurs enfants s'abîmer dans la violence deviendront comptables. La démission éducative ne sera plus gratuite.

Cette proposition de loi ne renie pas la justice des mineurs ; au contraire, elle en sauve la crédibilité.

Nous aurions pu aller plus loin - je pense aux courtes peines introduites par notre chambre. (Mme Muriel Jourda renchérit.) Sans doute faudra-t-il y revenir, mais clairement, ce texte ouvre enfin une brèche dans la doctrine du laxisme. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera ce texte avec force. Nous refusons de voir notre jeunesse se déliter en silence. Nous croyons que l'ordre républicain peut enfin être restauré.

Sans autorité, il n'y a ni justice ni avenir pour la jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte s'inscrit dans la continuité des actions de la majorité présidentielle pour rétablir l'ordre.

Après un examen mouvementé, je suis ravie que la CMP ait abouti à un accord.

Cette proposition de loi s'inscrit dans l'esprit du choc d'autorité appelé dès avril 2024 par Gabriel Attal, alors Premier ministre.

L'objectif est pluriel : enrayer la violence ; aider et responsabiliser les parents, mettre un terme à l'impunité qui gangrène toutes les formes d'autorité.

Cette proposition de loi complète la réforme du code de la justice pénale des mineurs, entamée en 2021.

Le texte issu de la CMP est équilibré, preuve de l'intérêt de la navette parlementaire.

Les apports principaux des deux chambres ont été maintenus dans les articles 1er à 3. Des dispositions sur lesquelles le Sénat avait émis des réserves juridiques ont été supprimées.

La participation des parents à l'indemnisation financière du dommage a été conservée.

La nouvelle comparution immédiate pour les plus de 16 ans en état de récidive légale a été maintenue, sous certaines conditions.

La dérogation de principe à l'excuse de minorité pour les récidivistes a été conservée.

Les règles d'atténuation de peine ne s'appliquent pas aux mineurs de moins de seize ans en cas de récidive légale.

Nous regrettons toutefois l'absence d'accord sur les règles de majorité allégée devant les cours d'assises des mineurs.

Ce texte répond à un besoin d'évolution de notre justice pénale des mineurs face à une réalité : un mineur de 2025 n'est pas un mineur de 1945.

Le texte offre aux magistrats des outils utiles pour traiter la délinquance des mineurs.

Nous voterons ce texte pour l'intégrer au plus vite à notre arsenal juridique. (M. Jean-Baptiste Lemoyne et M. Marc Laménie applaudissent.)

M. Michel Masset .  - La jeunesse d'une nation est ce qu'elle a de plus précieux. C'est en elle que nous plaçons nos espoirs de progrès.

Cette proposition de loi est née dans un contexte de forte tension sociale. Il est indéniable que la délinquance des mineurs évolue : certains actes sont de plus en plus violents.

Les principes qui guident notre action républicaine nous obligent à ne pas considérer les jeunes comme des criminels nés.

Ce sont avant tout des enfants, qui ont besoin de trouver d'autres perspectives que la délinquance.

Souvent, c'est le choix de la répression qui prime, mais il faut lire cette solution à l'aune des réalités sociales ; sinon, nous tombons dans un discours simpliste, et donc inefficace.

Je souhaite faire le parallèle avec mes propos tenus lors de l'examen de la proposition de loi contre le narcotrafic : la délinquance se nourrit des vulnérabilités économiques, sociales et familiales.

Un large spectre des politiques publiques est concerné : protection de l'enfance, éducation nationale, lutte contre les violences intrafamiliales et contre la pauvreté, politique de la ville.

N'est-il pas urgent de renforcer ces politiques, alors que le budget de la PJJ a été réduit de 25 millions d'euros cette année ? N'est-il pas opportun d'évaluer le remaniement du code de justice pénale des mineurs, même s'il a permis la réduction des délais de jugement de 40 % entre 2019 et 2021 ?

Le texte de la CMP est déceptif. D'importantes modifications apportées sur la base du travail du rapporteur Francis Szpiner ont été abandonnées. Le texte retrouve les affres d'une autre vision pénale.

L'instauration d'une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans porte atteinte aux principes fondamentaux de la justice des mineurs. Les professionnels du droit s'y opposent, tout comme je m'oppose à l'inversion de l'excuse de minorité pour les plus de 16 ans, alors que le principe d'atténuation de la responsabilité pénale due à l'âge est un principe à valeur constitutionnelle.

Les mesures de responsabilisation des parents ne nous convainquent pas : elles risquent de mettre à mal la cellule familiale, celle qui permet de sortir de la délinquance.

Plusieurs barreaux ont protesté ; je me joins à celui du Lot-et-Garonne.

Plusieurs dispositions risquent de ne pas passer l'épreuve du Conseil constitutionnel. Pourquoi légiférer sur un fondement instable ? Le risque est que l'État de droit cède à un Gouvernement qui veut le faire plier.

Le RDSE votera majoritairement contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.) Le parcours de ce texte fut ardu. Trois années après la réforme du code de la justice des mineurs, il est légitime d'aller plus loin. Chacun a en tête des drames, plus graves, avec des auteurs plus jeunes.

Certains n'hésitent plus à sortir un couteau pour un simple différend. Comment ne pas penser à Élias, 14 ans, tué à coups de couteau par deux mineurs pour ne pas avoir donné son téléphone, ou à ce jeune pompier entre la vie et la mort, percuté par un jeune de 19 ans lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains ?

Comment espérer un avenir durable face à cette banalisation de l'ultraviolence ?

Quant aux parents, il est important de rappeler qu'ils sont responsables pour leurs enfants ; ce texte y pourvoit. S'ils ne les accompagnent pas, ils envoient un message de désengagement. Une telle défiance ne peut qu'inspirer le mineur délinquant.

Il fallait donc cumuler deux volets : mineurs et parents.

Ce texte apporte plus de sévérité, mais la comparution immédiate et la dérogation à l'atténuation des peines sont strictement encadrées. La société évolue, notre droit doit aussi le faire, d'autant plus que les réseaux mafieux exploitent des mineurs en toute connaissance de cause : ils savent qu'ils sortiront vite de prison.

Le signal est clair : la société ne renonce pas, et la justice ne peut rester muette, même si les auteurs sont jeunes. Nous devons répondre aux inquiétudes des citoyens, sans démagogie ni faiblesse. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

À la demande du groupe Les Républicains, les conclusions de la CMP sont soumises à scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°289 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 223
Contre 112

La proposition de loi est adoptée définitivement.

La séance est suspendue quelques instants.