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Table des matières



Mise au point au sujet de votes

Personnels enseignants du premier degré dans les îles Wallis et Futuna (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

Mme Lana Tetuanui

M. Robert Wienie Xowie

Mme Monique de Marco

Mme Colombe Brossel

Mme Laure Darcos

M. Max Brisson

M. Mikaele Kulimoetoke

M. Jean-Marc Ruel

M. Georges Naturel

Discussion des articles

Article 1er

Vote sur l'ensemble

M. Mikaele Kulimoetoke

M. Pierre Ouzoulias

M. Max Brisson

Mme Lana Tetuanui

M. François Patriat

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

Aménager le code de la justice pénale des mineurs et la responsabilité parentale (Conclusions de la CMP)

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 4 bis

Vote sur l'ensemble

M. Ian Brossat

Mme Monique de Marco

Mme Corinne Narassiguin

Mme Laure Darcos

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Salama Ramia

M. Michel Masset

Mme Dominique Vérien

Refondation de Mayotte - Département-Région de Mayotte (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

M. Olivier Bitz, rapporteur de la commission des lois

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis de la commission des finances

Mme Mélanie Vogel

M. Saïd Omar Oili

M. Marc Laménie

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Salama Ramia

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Lana Tetuanui

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Corinne Narassiguin

Ordre du jour du mardi 20 mai 2025




SÉANCE

du lundi 19 mai 2025

91e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, M. Bernard Buis.

La séance est ouverte à 16 heures.

Mise au point au sujet de votes

M. Jean-Marc Ruel.  - Lors du scrutin n°281, Mme Sophie Briante Guillemont souhaitait voter contre.

Lors du scrutin n°282, Mme Véronique Guillotin souhaitait voter contre.

Acte en est donné.

Personnels enseignants du premier degré dans les îles Wallis et Futuna (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna.

Discussion générale

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance permettra le transfert des personnels de l'enseignement du premier degré wallisien de la mission catholique vers l'État, comme l'État s'y est engagé.

Depuis 1969, l'État concède sa compétence en matière d'enseignement du premier degré à la mission catholique locale - situation à présent obsolète qui traduisait un équilibre entre l'autorité de l'État, les chefferies coutumières et l'Église catholique.

Ce régime est à réformer. D'abord parce qu'il rend difficile le pilotage de la politique éducative dans l'archipel, alors que le niveau à l'entrée en 6e est très inférieur à la moyenne nationale ; ensuite, parce qu'il distend le lien entre les enseignants et le vice-rectorat. Il est temps que l'État recouvre la plénitude de ses compétences pour accompagner les jeunes de l'archipel vers la réussite.

En 2023, après une grève de deux mois et demi, l'État s'est engagé à assumer la pleine responsabilité du service public de l'enseignement du premier degré à Wallis-et-Futuna, ce qui suppose une loi pour intégrer les 116 enseignants dans le corps des professeurs des écoles, sans concours préalable. Ils pourront choisir de rester affiliés au régime de retraites de la caisse des prestations sociales de Wallis-et-Futuna. Les enseignants intégrés bénéficieront de nouvelles perspectives de carrière. Ils exerceront avec les mêmes droits et obligations que ceux du second degré. Le reclassement tiendra compte de leur expérience.

Un amendement de la rapporteure a prévu l'intégration dans le corps des professeurs des écoles sans condition de diplôme. Cela concerne les enseignants les plus anciens, qui ont commencé leur carrière sans le baccalauréat. Je vous en remercie, madame Corbière Naminzo.

Ce transfert vers l'enseignement public complétera la rémunération des enseignants, avec un nouveau coefficient de majoration, la prime d'attractivité, un équipement informatique et une indemnité de résidence.

Les personnels administratifs et techniques de la direction de l'enseignement catholique intégreront aussi les effectifs du vice-rectorat, sous un statut de contractuels de droit public. Un décret apportera une réponse adaptée. Je mesure les interrogations, mais ces agents exercent des professions différentes : nous ne pouvions les traiter d'un bloc. Dès 2026, le vice-rectorat organisera des recrutements pour permettre à ses agents d'intégrer un corps de la fonction publique.

Le 1er août au plus tard, l'enseignement public reprendra sa juste place à Wallis et Futuna. Ce projet de loi consacre un engagement en faveur de l'égalité entre tous les territoires de la République. J'adresse mes sincères voeux de réussite à tous les élèves. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe Les Républicains)

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, et Les Républicains) Comme souvent pour les territoires d'outre-mer, le Gouvernement opte pour une ordonnance. Le Parlement est dessaisi, le débat tronqué.

Je remercie le président Lafon ainsi que mes collègues de la commission pour l'attention portée à ce texte. Merci aussi à Mikaele Kulimoetoke pour les informations essentielles à la compréhension de son territoire.

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure.  - Dans ce territoire distant de 16 000 km, l'État a concédé en 1969 l'organisation de l'enseignement primaire à la mission catholique. Situation unique en France, l'école primaire y est exclusivement privée et catholique. Les enseignants sont des agents de droit privé ; rémunération et progression salariale sont fixées par la convention qui régit cette concession.

Cette situation a conduit à une succession de grèves depuis 1990. Celle de 2023, très éprouvante, a duré plus de deux mois et demi.

Le système actuel est à bout de souffle et doit évoluer. Ce projet de loi habilite donc le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions pour intégrer ces enseignants dans la fonction publique ; ils pourront opter pour le maintien du régime de retraite de Wallis-et-Futuna.

Les auditions ont montré un consensus fort en faveur de ce retour de l'école de la République dans le giron de l'État. Les enseignants veulent bénéficier des mêmes droits que leurs collègues fonctionnaires et sécuriser leur statut. Le vice-rectorat y voit le moyen de renforcer un pilotage pédagogique inexistant. Les parents d'élèves espèrent une amélioration du système scolaire. Quant à la direction de l'enseignement catholique, elle constate la dégradation des relations avec les enseignants, rendant toute discussion impossible.

La commission de la culture soutient unanimement l'intégration des enseignants de Wallis-et-Futuna dans la fonction publique, et souhaite également celle de l'ensemble des personnels. Elle a précisé le champ de l'habilitation pour viser l'ensemble des enseignants actuellement en poste, y compris les dix qui ne détiennent pas le bac.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure.  - Merci, madame la ministre, d'y avoir été sensible.

Les carrières individuelles de tous les enseignants de Wallis-et-Futuna seront marquées par cette date historique du retour dans le giron de l'État. Cette ambition nous réunit.

Le calendrier est contraint car la concession expire dans moins de vingt jours, le 5 juin 2025. C'est pourquoi le texte a été travaillé en amont avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, avec pour objectif un vote conforme des députés.

Si le Parlement délègue son pouvoir législatif, il conserve son pouvoir de contrôle. Nous serons vigilants. L'objectif de la réforme est que l'école de demain soit meilleure que celle d'aujourd'hui. En effet, les résultats des élèves wallisiens en français et en mathématiques sont inférieurs à la moyenne nationale, et la mission commune d'inspection a constaté l'absence de pilotage pédagogique. Il faut également un effort de formation continue envers les enseignants.

Le reclassement entraînera un écrasement de la grille. Quinze enseignants, ayant une ancienneté de plus de dix ans, se retrouveront aux premiers échelons, sans perte de salaire toutefois. Il faudra un suivi de carrière attentif. D'où l'intérêt de créer une circonscription de l'éducation nationale à Wallis-et-Futuna. Selon vos services, les arbitrages sont en cours. Cette évolution serait budgétairement neutre, et normaliserait le système éducatif à Wallis-et-Futuna.

Un mot des personnels non enseignants. À la différence de l'Hexagone, l'État est compétent à Wallis-et-Futuna pour la construction, l'aménagement et l'entretien du bâti scolaire. La fin de la concession entraîne le basculement de 49 agents administratifs, techniques ou surveillants des écoles à l'État. Je regrette que le périmètre du projet de loi ait été limité aux seuls enseignants. Les agents du vice-rectorat seraient les seuls encore soumis au statut de l'arrêté 76, en voie d'extinction. Ils sont 120 : 49 agents non enseignants du premier degré et 72 du second degré. Droits à congé, autorisations d'absence et majoration du traitement sont inférieurs à ceux des contractuels de l'État.

Des agents exerçant des missions semblables sont traités différemment selon qu'ils sont fonctionnaires ou soumis à l'arrêté 76. Gare aux conflits sociaux ! Tous devraient être soumis au droit commun de la fonction publique, avec des adaptations tenant compte des spécificités locales.

Ce texte entraînera des bouleversements historiques à Wallis-et-Futuna. Cela doit se faire dans le respect des personnes et dans la concertation, pour prendre en compte un héritage historique parfois lourd, mais unique. Ce projet de loi est la première marche d'une évolution que la commission suivra avec attention. (Applaudissements)

Mme Lana Tetuanui .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K) Ia ora na !

Aux termes de l'article 72-3 de la Constitution, Wallis-et-Futuna est une collectivité régie par l'article 74, mais avec une organisation institutionnelle particulière, qui date des années 1960 : aucun comparatif possible avec ma collectivité, dotée d'une très large autonomie.

Ce projet de loi, qui vise à transférer à l'État les enseignants du premier degré, fait suite à un mouvement social de deux mois et demi, au printemps 2023. Depuis 1969, l'État exerce la compétence de l'enseignement sur le territoire mais en concède l'exercice pour le premier degré à la mission catholique, par une convention renouvelable tous les cinq ans. Il recrute les maîtres employés par la direction de l'enseignement catholique via un concours organisé par le vice-rectorat. Ils sont nommés par l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, sur proposition du vice-recteur, après avis du directeur de l'enseignement catholique et de la commission consultative mixte territoriale.

Au cours du mouvement social de 2023, les enseignants du premier degré et le personnel non enseignant - j'insiste ! - ont demandé avec insistance leur intégration à l'État. C'est plus que légitime.

Les grèves récurrentes depuis les années 1990 ont fortement dégradé les relations avec la direction de l'enseignement catholique. Un consensus s'est dégagé pour mettre fin à ce système de concession, source de nombreuses contestations, l'État ayant l'obligation constitutionnelle d'organiser un enseignement public, gratuit et laïc.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

Mme Lana Tetuanui.  - La situation actuelle est perçue par les enseignants comme un héritage colonial. Ils doivent bénéficier des mêmes droits que l'ensemble des enseignants. Beau symbole que de faire des enseignants de Wallis-et-Futuna des fonctionnaires d'État !

J'espère que ce changement de statut mettra fin aux mouvements sociaux récurrents - dont pâtit la qualité de l'enseignement - ; les résultats aux évaluations nationales le montrent.

Cependant, les personnels non enseignants, dont l'effectif reste raisonnable, sont oubliés. Ils mériteraient leur intégration au même titre que les enseignants. Néanmoins le groupe UC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC ; Les Républicains, CRCE-K, du RDPI et du groupe SER)

M. Robert Wienie Xowie .  - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et Les Républicains) Ce projet de loi fait entrer en vigueur la réforme sur laquelle l'État s'est engagé dans l'accord de fin de conflit du 20 juillet 2023.

Elle assurera l'égalité de traitement des enseignants du premier degré à Wallis-et-Futuna avec leurs homologues d'outre-mer, et créera des conditions plus favorables à la réussite des élèves.

L'État aura pleinement compétence sur l'enseignement du premier degré, qu'il avait délégué depuis 1969 à la mission catholique.

Le pays de Wallis et Futuna conserve une forme particulière de laïcité à l'océanienne, qui respecte les réalités culturelles locales. Si l'imposition historique du catholicisme peut être vue comme une colonisation religieuse, le système éducatif l'a intégré pour répondre aux réalités locales, d'où des tensions entre valeurs républicaines et croyances traditionnelles. Nous pensons que le système scolaire doit être adapté à l'omniprésence du catholicisme localement. Intégrer les valeurs locales dans l'éducation garantit une harmonie entre l'enseignement républicain et les croyances locales. L'école doit rester le lieu de la transmission et du développement de l'esprit critique.

L'intégration statutaire permettra une revalorisation substantielle de la rémunération des enseignants. Selon la mission d'inspection, le gain mensuel pourrait être compris entre 988 euros et 1 773 euros. Nous sommes favorables à une intégration sur la base du salaire et non de l'indice, comme le préconisent les inspecteurs.

Quid du personnel non enseignant de la direction de l'enseignement catholique, rémunéré au titre du forfait État ? Nous devons entendre l'intégralité des doléances. Je soutiens à ce titre l'amendement du sénateur de Wallis-et-Futuna, déclaré irrecevable.

Une fois de plus, lorsqu'il s'agit d'éducation outre-mer, on demande au Parlement de se dessaisir. Ce manque de considération alimente le sentiment d'injustice et de marginalisation dans les territoires concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDPI)

Mme Monique de Marco .  - Je remercie notre rapporteur de son travail et je salue notre collègue Kulimoetoke, qui avait soulevé le problème en mars 2025, lors d'une question d'actualité au Gouvernement. Il nous a éclairés sur la situation en vigueur à Wallis-et-Futuna, où l'école est exclusivement privée et catholique.

La gestion par concession à la mission catholique pose la question de la laïcité - mais surtout, de statut et de conditions d'emploi. Au fil des décennies, les enseignants fonctionnaires ont conquis des droits sociaux - dont ne bénéficient pas leurs collègues de Wallis-et-Futuna.

Leur transfert à l'État met fin à une discrimination systémique héritée de notre passé colonial. C'est ce que souligne le syndicat FO Enseignants de Wallis-et-Futuna : « Comment, en 2023, justifier le maintien d'un tel imbroglio pernicieux hérité des mentalités postcoloniales, en total décalage avec les principes républicains ? » L'intégration de ces personnels est un droit mais aussi une nécessité pour garantir un service public d'enseignement à la hauteur des enjeux.

On ne peut que regretter le recours à l'ordonnance, qui prive le Parlement de la possibilité de garantir dans le détail une égalité réelle pour les élèves et les enseignants de Wallis-et-Futuna. Mercredi, le Premier ministre a affirmé à l'Assemblée nationale que « la circulaire n'est pas le bon instrument, car le ministre peut dire qu'il a fait une circulaire. Il faut changer de méthode ». Dont acte. Nous serons vigilants au moment de la ratification.

Ces travaux nous rappellent l'impensé colonial derrière notre politique éducative outre-mer, qui alimente la colère contre l'État. Face à la surreprésentation de personnels venus de l'Hexagone, qui touchent d'importantes primes d'éloignement, quelle politique de recrutement local ? Le service militaire adapté (SMA) est souvent la meilleure option, faute d'offre d'enseignement supérieur. On prive les jeunes d'un avenir.

Nous attendons des actes, madame la ministre. Le GEST votera toutefois ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)

Mme Colombe Brossel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette mesure, attendue de longue date, normalise une situation atypique qui trouve ses racines dans l'histoire. C'est un premier jalon pour améliorer la scolarité des élèves. Nous enjoignons le Gouvernement à dégager des moyens pour améliorer les conditions d'apprentissage, au vu des écarts de niveau constatés avec la métropole.

Je regrette que, comme souvent, les sujets ultramarins fassent l'objet d'ordonnances. J'aurais pu m'arrêter là. Mais grâce à la qualité des auditions et du travail de notre rapporteure, et à Mikaele Kulimoetoke, il est apparu que le sujet est complexe, et que de nombreux problèmes resteront en suspens. Certains pourront être réglés par les ordonnances ou les décrets d'application.

Ce projet de loi est l'aboutissement du protocole de sortie de crise signé à la suite de la longue grève de 2023. Les droits ont été chèrement conquis à Wallis-et-Futuna ! L'État doit aussi prendre ses responsabilités vis-à-vis des personnels non enseignants, afin de ne pas recréer de sous-catégorie. Sans cela, l'ordonnance ne suffira pas à apaiser les tensions. Madame la ministre, vos propos à la tribune sont importants. Nous devrons être vigilants sur cette question.

Autre sujet : les conséquences individuelles et collectives et l'intégration. Les droits doivent être les mêmes pour tous ; or il y a des difficultés, tant sur les indices que sur les primes. Les personnels sur place revendiquent l'application du coefficient 2,05 : il y va de l'égalité de traitement. Mikaele Kulimoetoke rappelait qu'à Wallis-et-Futuna, le congé maternité n'existe pour les enseignants que depuis 1987 !

Ce texte ne répond pas à tout, et il faudra l'assortir de mesures d'ordre réglementaire. Nous demandons un pilotage de proximité par l'éducation nationale, avec la création d'une circonscription scolaire, une gestion équivalente des carrières, des entretiens réguliers.

Le Gouvernement doit aller au bout de la démarche et assumer ses responsabilités. Tout en respectant les particularismes et l'histoire de Wallis-et-Futuna, l'école publique doit y être, comme partout, laïque gratuite et obligatoire. L'État doit donner des moyens, sans compter sur la bonne volonté des parents - pour les bâtiments notamment.

Nous serons vigilants sur le contenu des ordonnances et sur les mesures infralégislatives qui accompagneront cette évolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, Les Républicains et du GEST)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI) Cette réforme est attendue depuis longtemps. Je salue le travail de la rapporteure et l'implication de notre collège Kulimoetoke, mobilisé depuis bien longtemps sur ce sujet. (M. Jean-Baptiste Lemoyne le confirme.)

La loi du 18 juillet 1961 a doté les îles de Wallis et Futuna d'une organisation institutionnelle toute particulière, subtil équilibre entre les trois grandes composantes de l'identité de ce territoire : la République, les chefferies coutumières et l'Église catholique.

Son article 7 dispose que l'État concède l'exercice de la compétence de l'enseignement du premier degré à la mission catholique par le biais d'une convention renouvelable tous les cinq ans.

Or au printemps 2023, lors d'un vaste mouvement de grève, les enseignants du premier degré demandent à être intégrés à la fonction publique de l'État. Cette revendication remonte en réalité au début des années 1980. Le différentiel de rémunération entre maîtres d'école et professeurs du secondaire a accru la contestation : la majoration de traitement est respectivement de 1,7 et de 2,05.

La nécessité d'offrir aux enseignants du premier degré un nouveau statut fait désormais consensus. L'État s'y est engagé dans le protocole d'accord de fin de conflit signé en juillet 2023. D'où ce projet de loi d'habilitation.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, tout en regrettant qu'une telle réforme se fasse dans l'urgence, à quelques semaines de la fin du contrat de concession.

Les enjeux sont immenses. Les évaluations à l'entrée en 6e ont montré des écarts importants avec la métropole et avec les autres territoires d'outre-mer : 40 % des élèves de Wallis-et-Futuna n'ont pas un niveau de maîtrise satisfaisant en français, 65 % en mathématiques, contre respectivement 11 % et 28 % à l'échelle nationale.

Nos concitoyens de Wallis-et-Futuna font partie intégrante de la République. Nous leur devons d'être mobilisés, dans le respect de leurs spécificités, au service de la communauté éducative de Wallis-et-Futuna. (Applaudissements sur les travées sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K, du RDSE et du RDPI)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie la rapporteure, qui a abouti à une rédaction équilibrée, consensuelle et respectueuse des spécificités de Wallis-et-Futuna. Le système de concession à la mission catholique est en effet à bout de souffle. Les enseignants concernés, agents de droit privé, ne sont pas éligibles au régime de rémunération des fonctionnaires de l'État en service dans les outre-mer. L'État ne respecte pas l'obligation constitutionnelle d'organiser un enseignement primaire public, gratuit et laïc.

La concession s'achève en juin 2025, un nouveau statut s'impose pour garantir la continuité du service public de l'éducation à la rentrée.

L'urgence est là et ce texte est indispensable. Nous regrettons la procrastination des gouvernements successifs, pourtant conscients de l'échéance. Nous regrettons aussi le recours aux ordonnances et la mise à l'écart du Parlement. Mais il est nécessaire de répondre à l'urgence.

Ce texte prend en considération l'héritage de l'histoire. Un consensus existe aujourd'hui. Les enseignants souhaitent la fin d'une injustice et la sécurisation de leur statut. Le vice-rectorat veut reprendre la main pour mieux piloter l'enseignement primaire, au bénéfice des élèves. La mission catholique prend acte de la difficulté à discuter avec les enseignants. Les parents souhaitent une amélioration de l'enseignement et la fin des conflits sociaux.

Mais il faudra faire preuve de doigté ; la mise en oeuvre devra être progressive, pragmatique et respectueuse de tous.

Parmi les points de vigilance : ce transfert doit concerner l'ensemble des enseignants, dont les dix non-bacheliers ; ils doivent être reclassés en fonction de leur salaire actuel et non de leur indice, au risque de créer une distorsion avec les autres territoires du Pacifique. Si l'objectif de laïcité est partagé, son pilotage doit être assuré en proximité, pour tenir compte du particularisme de Wallis-et-Futuna et de son histoire singulière. Enfin, il faudra régler la question des personnels non enseignants, qui ne peuvent être laissés sur la touche.

Madame la ministre, vous êtes consciente des enjeux. Ce texte devra être déployé rapidement, mais dans le respect de l'histoire et des particularités. Ce sera la responsabilité du préfet et du vice-recteur. Nous sommes heureux de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Mikaele Kulimoetoke .  - (Applaudissements) Je remercie chaleureusement Mme Corbière Naminzo et les collègues de la commission de la culture pour leur écoute et leur intérêt.

Notre collectivité de Wallis-et-Futuna ne ressemble à aucune autre, à commencer par l'existence de nos royautés au sein de la République.

Après la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, à mon tour de demander à l'État d'assumer ses responsabilités concernant l'enseignement primaire à Wallis-et-Futuna, comme le prévoient le code de l'éducation nationale et notre loi statutaire de 1961.

Notre assemblée territoriale se borne à voter des délibérations que le préfet rend exécutoires.

M. Pierre Ouzoulias.  - Il faut changer cela !

M. Mikaele Kulimoetoke.  - Nous sommes classés comme pays du tiers-monde, éligible à l'aide publique au développement, et n'avons pas les mêmes droits que l'ensemble des Français.

Les premiers enseignements ont été dispensés par les missionnaires catholiques arrivés en 1837. Puis c'est avec l'aide de la population que les écoles ont été construites, sur le foncier cédé gracieusement par les chefferies coutumières.

La concession de l'enseignement primaire n'est pas prévue par le code de l'éducation, et le juge a confirmé que la direction de l'enseignement catholique n'avait aucune personnalité juridique.

Il aura fallu attendre le 7 juin 2023 pour que le ministre de l'éducation nationale reconnaisse devant le Sénat, à ma demande, que les personnels du premier degré pouvaient accéder au statut d'agent public. Pendant 62 ans, ils étaient des agents de droit privé, régis par le code du travail de 1952 du temps des colonies.

Ne pas respecter les accords conclus autour de la table des négociations est une atteinte à l'honneur de nos autorités coutumières qui, par leur présence, ont scellé la parole donnée.

D'où mon amendement élargissant le périmètre du texte aux personnels non enseignants - déclaré irrecevable. Madame la ministre, vous avez proposé de leur attribuer le statut d'agent contractuel de l'État, sous le régime de l'arrêté 76. C'est une aberration : l'arrêté 76 régit les agents permanents du territoire sous statut de droit privé ! Évitons une rupture d'égalité entre personnels enseignants et non enseignants.

Le préavis de grève de Force ouvrière déposé le 1er avril dernier a été suspendu dans l'attente de nos travaux.

Madame la ministre, il faut intégrer les agents qui ont un corps d'attache existant dans la fonction publique, et créer des corps spécifiques à Wallis-et-Futuna pour les autres. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !

Je garde la foi que l'État tiendra parole et s'engagera sur un calendrier. Le RDPI votera le projet de loi. (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Jean-Marc Ruel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Wallis et Futuna ont intégré la République en 1969. Depuis 1961, l'État dispose de la compétence éducative, même si la mission catholique l'exerce via des conventions quinquennales.

En mai 2023, les écoles des deux îles ont été paralysées pendant deux mois et demi par une grève des enseignants. Le protocole de sortie de crise a été signé le 20 juillet 2023 entre l'État, les autorités territoriales, les représentants syndicaux et la mission catholique. Une mission d'inspection a recommandé l'intégration des enseignants dans le corps des professeurs des écoles et préconisé de leur offrir le choix entre le régime de retraite local et celui de leur corps d'accueil.

L'article premier de la Constitution est clair : « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Or l'organisation très spécifique à Wallis-et-Futuna questionne la laïcité, qui est l'un des principes centraux de la République. En plus de la maîtrise des langues vernaculaires, les enseignants réclament la conservation de l'enseignement catholique dans les écoles du premier degré. Vous connaissez l'attachement du RDSE et des radicaux à la loi du 9 décembre 1905. J'ai bien conscience de l'importance de la religion catholique à Wallis et Futuna, mais nous sommes invités ici à mettre entre parenthèses une valeur centrale de notre pays.

Le RDSE votera néanmoins le texte. Nous resterons vigilants sur le contenu du projet de loi de ratification et des mesures qui y seront inscrites. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Malgré sa brièveté, ce texte revêt une grande portée humaine, historique et symbolique.

Je remercie la rapporteure pour son engagement éclairé et son écoute attentive. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.) Je salue nos collègues de la commission de la culture, qui ont su tenir compte des réalités singulières du Pacifique, souvent éloignées du regard parisien, mais jamais de l'esprit républicain.

Ce texte marque une étape importante pour les enseignants de Wallis-et-Futuna. Il consacre un changement de statut attendu, légitime, et désormais consensuel.

La concession à la mission catholique a structuré pendant un demi-siècle l'enseignement primaire dans les îles - un système aujourd'hui obsolète. Mais ce changement ne saurait effacer l'histoire.

Avant la République, ce sont les missionnaires qui ont ouvert écoles et dispensaires, formé, soigné, évangélisé et tissé les premiers liens entre les savoirs venus d'ailleurs et les cultures locales. Cette mémoire vit dans les murs des écoles, les chants des enfants, les récits des familles. Il faut la respecter, sans imposer au forceps une laïcité importée au relent néocolonial.

M. Pierre Ouzoulias.  - Là, je ne peux pas vous suivre !

M. Georges Naturel.  - La République s'est enracinée dans un terreau déjà ancien, elle ne demande pas aux rois de Wallis de renier leur couronne : pourquoi demanderait-elle à des enseignants d'oublier ce qu'ils sont, d'où ils viennent, ce qu'ils portent ?

L'intégration dans la fonction publique d'État n'est pas qu'un simple changement administratif, mais l'occasion de reconnaître leur engagement, leur insularité et leur culture.

Sénateur de Nouvelle-Calédonie, je mesure ces enjeux, car nombreux sont les enfants de ces îles qui vivent avec nous et qui contribuent à la richesse de notre identité océanienne. Je leur témoigne mon soutien, au nom de la solidarité du Pacifique.

Je voterai ce texte, qui rétablit une égalité de traitement et met fin à une ambiguïté juridique.

Je forme le voeu que les ordonnances ne soient pas rédigées depuis une tour d'ivoire ministérielle, dans un entre-soi métropolitain méconnaissant les lagons, les palabres et les chefs coutumiers. Il faut une concertation avec tous, car on ne gouverne pas Wallis-et-Futuna comme on administre un département de l'Hexagone.

Le dialogue est la clé : que ce projet de loi d'habilitation soit l'occasion d'un nouveau départ ! (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K)

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Ouzoulias et alii.

M. Pierre Ouzoulias.  - Certes, la loi de 1905 ne s'applique pas à Wallis-et-Futuna, mais pas non plus en Guyane ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, cher Jean-Marc Ruel.

Elle aurait dû s'appliquer à l'ensemble des territoires de la République. Mais, en 1905, l'exécutif a décidé de déroger à ce principe fondamental, car la laïcité était alors réservée pour les esprits très éclairés de la métropole... C'est dans ce contexte qu'une délégation de service public sui generis a été accordée à l'Église catholique en 1969. Aujourd'hui, cette exception prend fin : ce n'est que justice pour les enseignants et pour le territoire, qui souhaite rester au sein de la République.

Madame la ministre, j'ai déposé cet amendement pour avoir la certitude que l'ordonnance qui nous sera proposée dans moins de six mois sera conforme à la loi de 1905 et ne créera pas un nouveau régime dérogatoire.

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure.  - Cet amendement rappelle un des grands principes de la République, auxquels je suis attachée. En d'autres circonstances, j'aurais pu le cosigner.

Toutefois, en intégrant le corps des professeurs des écoles, les maîtres d'école de Wallis-et-Futuna seront soumis aux mêmes droits et obligations que tous les fonctionnaires, notamment en matière de laïcité.

Cet amendement est donc satisfait : avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Les personnels non enseignants seront dans l'immédiat intégrés en tant que contractuels de droit public. Cela dit, nous sommes tous d'accord : un décret doit être pris en application de l'ordonnance de 2013. Je m'engage à ce que celui-ci soit publié rapidement.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Sur la laïcité, l'État retrouvera ses compétences pleines et entières. L'amendement est donc satisfait : retrait, sinon avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne suis pas forcément contre les spécificités locales. À Wallis-et-Futuna, 99 % des terres appartiennent à la communauté. Le communiste que je suis ne peut que regarder ces expériences avec bienveillance ; celles-ci mériteraient d'être développées en métropole. (Sourires)

Madame la ministre, je connais votre engagement en faveur de la laïcité. Je vous fais totalement confiance et retire donc mon amendement.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article 1er est adopté.

L'article 2 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Mikaele Kulimoetoke .  - Je remercie l'ensemble des sénateurs des différents groupes qui ont soutenu ce texte, ainsi que Mme la ministre, qui a entendu les doléances des enseignants.

Cela dit, je souhaite que le décret relatif aux personnels non enseignants soit publié rapidement. Celui-ci devra leur accorder les mêmes droits que ceux auxquels peuvent prétendre les agents publics à Wallis-et-Futuna. Enfin, des concours doivent être organisés pour permettre à ces personnes d'intégrer la fonction publique d'État. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Ouzoulias .  - Je salue le travail de la rapporteure. Nous avons fait oeuvre de justice pour ces professeurs au statut précaire, notamment pour les dix oubliés, désormais réintégrés. Dorénavant, il y aura un service public de plein exercice à Wallis-et-Futuna.

Monsieur Naturel, la laïcité n'est pas la manifestation d'un néocolonialisme attardé. Au contraire, nous faisons accéder à la laïcité universelle nos frères et soeurs en humanité de Wallis-et-Futuna. C'est un projet politique d'une très grande portée. La laïcité ne s'oppose pas à la religion ; au contraire, elle permet de s'ouvrir au monde.

Les statuts de nombreux territoires de l'océan Pacifique ont évolué ; pas celui de Wallis-et-Futuna, toujours sous l'empire de la loi de 1961, obsolète. C'est aux habitants d'en décider, mais il serait peut-être temps de réfléchir à un nouveau statut, à une nouvelle forme d'alliance entre Wallis-et-Futuna et la République. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

M. Max Brisson .  - Je remercie la rapporteure pour son travail. Je suis heureux de voir un consensus se dégager sur ce texte important pour les habitants de Wallis-et-Futuna.

C'est un message pour les enseignants qui se sont battus ; certains de leurs représentants sont présents en tribune. Je les remercie pour leur combat en vue d'obtenir de meilleures conditions de travail.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Max Brisson.  - Reste à régler la question des personnels non enseignants. Entre la commission et la séance, les choses ont déjà évolué. Madame la ministre, il vous appartient d'achever ce mouvement pour apporter des réponses et des garanties. Les représentants de Wallis-et-Futuna pourront ainsi rentrer avec le sentiment du devoir accompli. (Applaudissements)

Mme Lana Tetuanui .  - Je me réjouis également du consensus trouvé. Je remercie nos collègues hexagonaux d'être présents cet après-midi pour voter ce texte, après celui sur la Polynésie française la semaine dernière et avant celui sur Mayotte, ce soir. Les outre-mer, c'est la France !

Beaucoup de choses ont évolué depuis l'examen du texte en commission. Avec Mikaele Kulimoetoke, nous veillerons au grain ! Il faudra que l'État respecte ses engagements.

Monsieur Ouzoulias, mon ami, je vous invite à venir dans nos territoires. La laïcité occupe une place prépondérante dans nos écoles, nos conseils municipaux, nos assemblées territoriales. Mais il y aura toujours quelqu'un pour faire quinze minutes de catéchisme aux élèves avant les cours si ce ne sont pas les enseignants qui s'en chargent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Saïd Omar Oili applaudit également.)

M. François Patriat .  - Je salue la haute tenue de nos débats. Je remercie Mikaele Kulimoetoke pour son travail, qui a permis d'avancer. Madame la ministre, merci pour votre réponse positive au sujet des personnels non enseignants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - Je remercie la rapporteure, qui a conduit le travail préalable avec beaucoup de doigté. Sans vouloir provoquer M. Ouzoulias, je veux saluer ce baptême réussi, car c'était son premier rapport au nom de la commission. (Applaudissements)

Je remercie Mikaele Kulimoetoke pour ses explications, ainsi que pour son attention constante aux personnels non enseignants. À l'origine, on pouvait penser que ce texte était anodin ; nos débats montrent que c'est loin d'être le cas.

Ce projet de loi est une vraie avancée pour l'éducation à Wallis-et-Futuna. (Applaudissements)

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements ; M. Mikaele Kulimoetoke se lève et salue les représentants des enseignants en tribune.)

Aménager le code de la justice pénale des mineurs et la responsabilité parentale (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Deux constats : premièrement, même si le nombre d'infractions commises par des mineurs diminue, celles-ci sont de plus en plus graves, les auteurs sont de plus en plus jeunes et la criminalité organisée ne les épargne pas. Deuxièmement, l'éducation doit primer la sanction, s'agissant de mineurs ; toutefois, la sanction fait souvent partie de l'éducation -  nombre de parents ne me démentiraient pas.

Le Sénat a sensiblement modifié la proposition de loi votée à l'Assemblée nationale. Lors de la CMP, nous avons trouvé un accord faisant la part belle aux mesures du Sénat ; nous avons dû aussi faire des compromis.

Un mot sur la responsabilité des parents. Lors de la première lecture au Sénat, nous avions largement élagué les dispositions relatives au délit de soustraction ; la CMP a entériné notre choix.

A été également maintenue la possibilité offerte à l'assurance qui a payé pour réparer les dommages des actes du mineur délinquant de se retourner vers ses parents pour qu'ils en paient une partie. Idem pour l'amende civile, prononcée lorsque le parent est absent à une audience civile ; celle-ci sera la même qu'en cas d'absence à une audience pénale.

La responsabilité des mineurs, ensuite. La comparution immédiate a été rétablie, à partir de 16 ans, pour les infractions les plus graves.

Le Sénat avait inversé l'excuse de minorité ; cette disposition a été confirmée, de même que le recours facilité à l'audience unique : les mineurs récidivistes ne pourront plus bénéficier de la césure prévue par le code de la justice pénale des mineurs.

Je n'ai qu'un regret : les courtes peines que nous avions introduites n'ont pas été retenues, faute d'avoir pu être débattues à l'Assemblée nationale. Ce sujet important mérite un large débat -  le travail de la mission d'information Exécution des peines y contribuera.

Les résultats de la CMP sont assez favorables, aussi je propose de voter ses conclusions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - La proposition de loi s'inscrit dans un contexte de forte attente de nos concitoyens. L'augmentation de la délinquance mérite une réponse claire tout en respectant les principes de la justice des mineurs.

Premièrement, le texte vise une justice plus réactive. Il est équilibré et respecte l'esprit de l'ordonnance de 1945 -  je salue votre travail, madame Jourda.

En matière de comparution immédiate, il ne s'agit pas d'aligner purement et simplement le régime des mineurs sur celui des majeurs, mais d'offrir aux magistrats un levier rapide quand les faits l'imposent.

Désormais, le juge devra motiver expressément le recours à l'excuse de minorité.

L'amende civile permettra une responsabilisation accrue des parents : l'autorité parentale implique des devoirs.

Deuxièmement, l'ambition éducative figure au coeur du texte, qui ne saurait être réduit à une logique répressive. Le procureur devra désormais fournir un rapport éducatif préalable à toute saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) ; la situation du mineur sera appréciée plus finement avant toute décision privative de liberté.

Troisièmement, de nouveaux outils visent à prévenir les dérives. Certaines affaires récentes ont révélé des failles dans notre système. D'où le renforcement des couvre-feux éducatifs et l'instauration d'une rétention provisoire d'évaluation, en cas de non-respect grave et répété d'une mesure éducative judiciaire probatoire. Avec cette dernière mesure, très encadrée, nous voulons éviter l'impunité de fait.

Quatrièmement, ce texte apporte une réponse lisible, proportionnée et attendue. Il ne renverse pas l'équilibre de la justice des mineurs ; il articule répression et éducation pour garantir une réponse rapide et efficace. Il s'agit de mieux juger, avec de bons outils, dans l'intérêt des mineurs et de la société.

C'est un texte de responsabilité, qui repose sur une conviction partagée : notre jeunesse mérite une justice exigeante, lisible et crédible.

Le Gouvernement salue l'engagement du Sénat. Nous vous invitons à adopter ces conclusions avec détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDPI)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 4 bis

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est un amendement de coordination.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission n'a pas eu le temps de se réunir. À titre personnel, avis favorable.

Vote sur l'ensemble

M. Ian Brossat .  - Nous n'en avons pas fait mystère : cette proposition de loi n'est rien d'autre qu'un texte d'affichage. Elle prétend restaurer l'autorité, mais n'offre rien de concret. Elle affiche une fermeté de façade.

Surtout, elle a été élaborée sans la moindre concertation avec ceux qui font vivre la justice sur le terrain, ces professionnels qui connaissent mieux que quiconque les réalités de la jeunesse en difficulté. Or ceux-ci estiment que la délinquance des mineurs ne peut en aucun cas être traitée au travers du seul prisme de la répression, que le parcours des mineurs délinquants est presque toujours marqué par la violence, par l'échec scolaire ou par les troubles psychiques et que la réponse éducative est la meilleure prévention de la récidive. Mais pour cela il faut des équipes formées, des délais adaptés, des moyens à la hauteur.

Cette proposition de loi crée l'illusion d'une réponse efficace parce que sévère. Vous faites le choix d'affaiblir les trois piliers de la justice des enfants, qui ne sont pas les vestiges d'un autre temps, mais sont consacrés constitutionnellement et garantis par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE).

Les principes sont contournés, méthodiquement. Le mineur devient majeur face au juge. Pourtant, on refuse le droit de vote à ces jeunes, au nom de leur immaturité. Mais on les juge majeurs quand ils commettent une infraction. Où est la cohérence ?

Même chose pour la comparution immédiate des mineurs. Juger un adolescent dans l'urgence est une aberration : on ne s'interroge pas sur les motifs du passage à l'acte. Résultat : impossible d'établir une réponse adaptée. Aucune garantie n'encadre cette procédure.

Les dispositions relatives aux parents sont injustes. Comment prouver que l'acte du mineur découle d'une défaillance des parents et non d'autres facteurs ? Le texte présuppose une relation mécanique entre faute éducative et délinquance, sans parler de la prérogative offerte aux assurances : soutient-on les familles en leur adressant une facture ?

Les parents en difficulté sont loin d'être tous démissionnaires. Souvent, leur emploi est précaire, ils travaillent en horaires décalés ou élèvent seuls leurs enfants. Ce sont des oubliés des politiques publiques.

Pendant ce temps, l'État abandonne ses responsabilités. Les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » ont été amputés de 50 millions d'euros et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est en sous-effectif.

Plutôt que de renforcer les moyens, vous sanctionnez. Plutôt que d'accompagner, vous accusez. Tout ceci repose sur une croyance aussi répandue que fausse : la sévérité des peines suffirait à les rendre efficaces. Or c'est l'accompagnement qui prévient la récidive.

Cette proposition de loi est un contresens. La justice, pour être forte, doit être juste. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Monique de Marco .  - À ce stade, un seul point de consensus nous réunit : la jeunesse de ce pays est dans une situation très préoccupante.

La santé mentale des jeunes s'est fortement dégradée entre 2017 et 2022 : 8 % des enfants de maternelle ont un problème de santé mentale. On atteint, à 17 ans, 9,5 % de jeunes en symptômes dépressifs sévères, contre 4,5 % en 2017 ; 18 % d'entre eux ont eu des pensées suicidaires, contre 11 % en 2017.

L'enfance n'est hélas pas préservée de la violence de la vie en société. Sur 15 millions de jeunes, beaucoup y sont exposés, dans leur famille, à l'école ou encore dans la rue. Les jeunes sont victimes des réseaux -  narcotrafic, prostitution, traite des humains. Certains sont aussi responsables de violences.

Depuis 2016, le taux de jeunes poursuivis par la justice a baissé de 25 %, selon le ministère de l'intérieur. À rebours de cette tendance, le nombre de faits graves est en augmentation ; le nombre de mineurs poursuivis pour assassinats, coups mortels ou violence aggravée est passé de 1 207 à 2 095 entre 2017 et 2023 -  un sujet réel de préoccupation.

Mais ce texte vise-t-il à lutter contre la délinquance des jeunes, ou le contexte endémique de violences dans lequel des enfants grandissent avant de la reproduire ?

Si nous voulons lutter contre la violence chez les jeunes, alors cette proposition de loi est inadaptée. Guy Benarroche n'a eu de cesse de pointer les limites d'un texte écrit par un ancien Premier ministre en perte d'autorité. Je regrette que la majorité sénatoriale s'engouffre dans la brèche.

Les débats ont montré l'incohérence du texte, faute d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État. En témoignent les articles 4 et 5.

La commission reconnaît elle-même de grandes imprécisions. Pourquoi alors nous entraîner dans cette voie ?

Au contraire, nous voulons plus de moyens pour la PJJ, pour l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou pour les psychologues scolaires.

L'autorité ne se décrète pas ; elle se conquiert par la cohérence dans la transmission des règles de la vie en société.

Selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise), un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes.

Chaque jour, 340 000 mineurs de l'ASE et plus d'un million de jeunes en fragilité mentale attendent des réponses concrètes.

Michel Barnier avait fait de la santé mentale la plus grande cause nationale de son gouvernement ; nous étions tous prêts à le suivre.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Très bien !

Mme Monique de Marco.  - Pourtant, au nom du pacte de gouvernement qui vous lie avec le Président de la République, vous balayez tout cela et défendez un texte inconstitutionnel et inapplicable.

Vous échouez à répondre à l'augmentation de la violence, qui, quoique préoccupante, concerne environ 2 000 affaires par an. Avant d'être auteurs de violences, les jeunes en sont d'abord les victimes.

Notre groupe votera résolument contre ce texte.

Mme Corinne Narassiguin .  - L'examen de ce texte dans les deux assemblées a été particulièrement chaotique, avec des hésitations et des réécritures. Pourquoi ? Car il ne répond à aucun besoin juridique et n'est pas abouti.

Il ne s'agit pas de légiférer sagement et de manière cohérente, mais de faire un coup médiatique.

Tous les acteurs du secteur s'opposent à ce texte. Nous ne pouvons l'ignorer. Pour eux, cette proposition de loi est populiste, simpliste, inutile et dangereuse.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cela montre que l'on va dans le bon sens !

Mme Corinne Narassiguin.  - Ce texte marque une rupture profonde avec les principes fondamentaux de la justice des mineurs et l'ordonnance de 1945. Il va à l'encontre des engagements internationaux de la France, la CIDE, notamment. Certaines dispositions sont même inconstitutionnelles.

La primauté de l'éducatif sur le répressif, l'atténuation liée à l'âge et l'individualisation des peines sont les trois piliers de la justice des mineurs. Or vous leur tournez le dos.

Au-delà des principes, il faut aussi interroger l'efficacité des mesures proposées. Or rien ne prouve que celles-ci fonctionneront.

Aucune étude d'impact n'a été menée. Pourtant, les dernières réformes du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) sont récentes et n'ont pas été évaluées.

On ne peut pas parler de politique pour la jeunesse sans évoquer les moyens.

Où sont les éducateurs, les centres de jour ?

La prison n'est en aucun cas une panacée. En revanche, l'accompagnement et la réinsertion ont prouvé leur efficacité.

Ce texte constitue un danger pour notre système judiciaire et pénal. Nous ne comprenons pas sa plus-value.

Son seul résultat évident est de fragiliser une nouvelle fois notre État de droit.

Nous en concluons que c'est un gadget de M. Attal pour compléter sa panoplie de gendarme, après « Tu casses, tu répares », « Tu défies l'autorité, on t'apprend à la respecter ». Pour notre part, nous lui disons : vous cassez la justice des mineurs ! Vous salissez les principes républicains ! Vous défiez la Constitution !

Le droit, ce n'est pas un coup de com'. La justice des mineurs, ce n'est pas un instrument de triangulation. La vie des enfants, ce n'est pas un jeu.

Nous voterons contre ce texte dangereux et saisirons le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC) Fait divers après fait divers, une tendance sociétale se dessine sous nos yeux ; les auteurs sont de plus en plus jeunes et la violence ne cesse d'augmenter.

Les jeunes sont aussi des victimes. La mort est parfois donnée pour un motif futile, comme une relation amoureuse refusée par la famille ou un regard qui ne s'est pas détourné.

Et puis, il y a les conflits entre quartiers. Mon département, l'Essonne, en détient le triste record.

L'État doit réagir pour mettre un terme au cycle de la violence.

La proposition de loi Narcotrafic a constitué une étape importante. La très forte augmentation de la consommation de drogue dans notre pays entraîne le développement de réseaux, avec 1 million de consommateurs de cocaïne.

Le trafic de drogue développe la criminalité de façon générale ; les jeunes servent souvent de mules.

Aujourd'hui, nous avons l'occasion de renforcer la sécurité de nos concitoyens et de protéger notre jeunesse.

Rétablir la sanction, c'est protéger la société et faire prendre conscience aux auteurs de la gravité de leurs actes.

Ce texte comporte des avancées majeures que nous soutenons avec détermination.

Nous saluons la fin de l'excuse de minorité.

Il est essentiel de replacer l'autorité parentale au centre du dispositif, comme premier rempart contre la délinquance. Nous soutenons donc la circonstance aggravante dans ce domaine.

Un retour de l'autorité nécessite que chacun prenne sa part.

Nous soutenons une meilleure indemnisation des victimes. Les parents doivent assumer les conséquences financières des dommages causés par leurs enfants. Nous sommes favorables à la possibilité offerte aux assureurs de demander le remboursement d'une partie des sommes engagées.

La priorité donnée aux mesures éducatives ne doit pas faire disparaître toute coercition. Des délinquants de plus en plus jeunes commettent des actes de plus en plus graves ; il faut agir rapidement.

Nous soutenons la nouvelle procédure de comparution immédiate.

Il faut rapprocher la sanction de la commission des faits.

Ce texte équilibré permettra une meilleure répression de la délinquance des mineurs. Nous le voterons.

Cela n'obère pas la nécessité de consolider notre PJJ. Je veux dire à nos collègues de la gauche de l'hémicycle que ce matin, j'étais au lancement du challenge Michelet, rassemblant 300 jeunes - cette année, celui-ci se déroule en Essonne. Ils se confrontent sportivement. Chers collègues, nous devons marcher sur nos deux jambes : ces initiatives sont essentielles, ce texte l'est tout autant. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On tue à quatorze ans. On frappe un professeur à treize ans. On caillasse la police à douze ans. À onze ans, on appartient à un gang. À dix ans, on fait le guet pour un dealer. À neuf ans, on insulte un policier...

Voilà la France de 2025, qui a changé de visage. Ce n'est plus celle des Trente glorieuses ni de la rigueur de l'école républicaine, mais celle d'un pays fracturé, ensauvagé, paralysé. Nous devons nommer ce que nous vivons. Une grande partie de la délinquance est le fait des mineurs, qui ont un sentiment d'impunité, car notre politique n'est plus du tout adaptée. On enferme les mineurs dans la délinquance et on assiste à la mexicanisation de nos territoires, à l'effacement de l'autorité, à l'émergence d'une contre-société où la violence est la norme et où l'âge des auteurs devient une stratégie.

Face à cela, le laxisme n'est pas une erreur, mais une faute.

Il ne faut plus expliquer, excuser, contextualiser, mais agir.

Le texte issu de la CMP est un acte politique qui marque un tournant. C'est une première réponse à ce contexte d'hyperviolence juvénile.

Nous le soutenons avec force et exigence, car la République doit reconquérir le terrain perdu.

La comparution immédiate dès 16 ans pour les cas les plus graves est un marqueur de cette rupture. Finis, les mois d'attente : la justice retrouve sa rapidité, sa lisibilité, son efficacité. Les mineurs n'ont pas la même notion du temps que les adultes et la réponse ne sert à rien si elle est donnée tardivement.

L'excuse de minorité, aujourd'hui la règle, devient l'exception.

Enfin on responsabilise les parents, qui parfois ferment les yeux. Ceux qui laissent leurs enfants s'abîmer dans la violence deviendront comptables. La démission éducative ne sera plus gratuite.

Cette proposition de loi ne renie pas la justice des mineurs ; au contraire, elle en sauve la crédibilité.

Nous aurions pu aller plus loin - je pense aux courtes peines introduites par notre chambre. (Mme Muriel Jourda renchérit.) Sans doute faudra-t-il y revenir, mais clairement, ce texte ouvre enfin une brèche dans la doctrine du laxisme. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera ce texte avec force. Nous refusons de voir notre jeunesse se déliter en silence. Nous croyons que l'ordre républicain peut enfin être restauré.

Sans autorité, il n'y a ni justice ni avenir pour la jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte s'inscrit dans la continuité des actions de la majorité présidentielle pour rétablir l'ordre.

Après un examen mouvementé, je suis ravie que la CMP ait abouti à un accord.

Cette proposition de loi s'inscrit dans l'esprit du choc d'autorité appelé dès avril 2024 par Gabriel Attal, alors Premier ministre.

L'objectif est pluriel : enrayer la violence ; aider et responsabiliser les parents, mettre un terme à l'impunité qui gangrène toutes les formes d'autorité.

Cette proposition de loi complète la réforme du code de la justice pénale des mineurs, entamée en 2021.

Le texte issu de la CMP est équilibré, preuve de l'intérêt de la navette parlementaire.

Les apports principaux des deux chambres ont été maintenus dans les articles 1er à 3. Des dispositions sur lesquelles le Sénat avait émis des réserves juridiques ont été supprimées.

La participation des parents à l'indemnisation financière du dommage a été conservée.

La nouvelle comparution immédiate pour les plus de 16 ans en état de récidive légale a été maintenue, sous certaines conditions.

La dérogation de principe à l'excuse de minorité pour les récidivistes a été conservée.

Les règles d'atténuation de peine ne s'appliquent pas aux mineurs de moins de seize ans en cas de récidive légale.

Nous regrettons toutefois l'absence d'accord sur les règles de majorité allégée devant les cours d'assises des mineurs.

Ce texte répond à un besoin d'évolution de notre justice pénale des mineurs face à une réalité : un mineur de 2025 n'est pas un mineur de 1945.

Le texte offre aux magistrats des outils utiles pour traiter la délinquance des mineurs.

Nous voterons ce texte pour l'intégrer au plus vite à notre arsenal juridique. (M. Jean-Baptiste Lemoyne et M. Marc Laménie applaudissent.)

M. Michel Masset .  - La jeunesse d'une nation est ce qu'elle a de plus précieux. C'est en elle que nous plaçons nos espoirs de progrès.

Cette proposition de loi est née dans un contexte de forte tension sociale. Il est indéniable que la délinquance des mineurs évolue : certains actes sont de plus en plus violents.

Les principes qui guident notre action républicaine nous obligent à ne pas considérer les jeunes comme des criminels nés.

Ce sont avant tout des enfants, qui ont besoin de trouver d'autres perspectives que la délinquance.

Souvent, c'est le choix de la répression qui prime, mais il faut lire cette solution à l'aune des réalités sociales ; sinon, nous tombons dans un discours simpliste, et donc inefficace.

Je souhaite faire le parallèle avec mes propos tenus lors de l'examen de la proposition de loi contre le narcotrafic : la délinquance se nourrit des vulnérabilités économiques, sociales et familiales.

Un large spectre des politiques publiques est concerné : protection de l'enfance, éducation nationale, lutte contre les violences intrafamiliales et contre la pauvreté, politique de la ville.

N'est-il pas urgent de renforcer ces politiques, alors que le budget de la PJJ a été réduit de 25 millions d'euros cette année ? N'est-il pas opportun d'évaluer le remaniement du code de justice pénale des mineurs, même s'il a permis la réduction des délais de jugement de 40 % entre 2019 et 2021 ?

Le texte de la CMP est déceptif. D'importantes modifications apportées sur la base du travail du rapporteur Francis Szpiner ont été abandonnées. Le texte retrouve les affres d'une autre vision pénale.

L'instauration d'une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans porte atteinte aux principes fondamentaux de la justice des mineurs. Les professionnels du droit s'y opposent, tout comme je m'oppose à l'inversion de l'excuse de minorité pour les plus de 16 ans, alors que le principe d'atténuation de la responsabilité pénale due à l'âge est un principe à valeur constitutionnelle.

Les mesures de responsabilisation des parents ne nous convainquent pas : elles risquent de mettre à mal la cellule familiale, celle qui permet de sortir de la délinquance.

Plusieurs barreaux ont protesté ; je me joins à celui du Lot-et-Garonne.

Plusieurs dispositions risquent de ne pas passer l'épreuve du Conseil constitutionnel. Pourquoi légiférer sur un fondement instable ? Le risque est que l'État de droit cède à un Gouvernement qui veut le faire plier.

Le RDSE votera majoritairement contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.) Le parcours de ce texte fut ardu. Trois années après la réforme du code de la justice des mineurs, il est légitime d'aller plus loin. Chacun a en tête des drames, plus graves, avec des auteurs plus jeunes.

Certains n'hésitent plus à sortir un couteau pour un simple différend. Comment ne pas penser à Élias, 14 ans, tué à coups de couteau par deux mineurs pour ne pas avoir donné son téléphone, ou à ce jeune pompier entre la vie et la mort, percuté par un jeune de 19 ans lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains ?

Comment espérer un avenir durable face à cette banalisation de l'ultraviolence ?

Quant aux parents, il est important de rappeler qu'ils sont responsables pour leurs enfants ; ce texte y pourvoit. S'ils ne les accompagnent pas, ils envoient un message de désengagement. Une telle défiance ne peut qu'inspirer le mineur délinquant.

Il fallait donc cumuler deux volets : mineurs et parents.

Ce texte apporte plus de sévérité, mais la comparution immédiate et la dérogation à l'atténuation des peines sont strictement encadrées. La société évolue, notre droit doit aussi le faire, d'autant plus que les réseaux mafieux exploitent des mineurs en toute connaissance de cause : ils savent qu'ils sortiront vite de prison.

Le signal est clair : la société ne renonce pas, et la justice ne peut rester muette, même si les auteurs sont jeunes. Nous devons répondre aux inquiétudes des citoyens, sans démagogie ni faiblesse. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

À la demande du groupe Les Républicains, les conclusions de la CMP sont soumises à scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°289 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 223
Contre 112

La proposition de loi est adoptée définitivement.

La séance est suspendue quelques instants.

Refondation de Mayotte - Département-Région de Mayotte (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.

La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.

Discussion générale commune

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Il y a un peu plus de trois mois, je présentais le projet de loi d'urgence pour Mayotte, promettant de ne pas laisser tomber cette île.

Les caméras de télévision ont quitté l'archipel et le quotidien a partiellement détourné l'attention du public, mais l'État reste mobilisé avec la même exigence. La mission dirigée par le général Facon et tous les acteurs travaillent à la refondation de Mayotte. Je m'y suis rendu quatre fois.

J'ai constaté que la première phase, celle des urgences vitales, était stabilisée. Nous avons rétabli les télécommunications, l'électricité et l'eau - les retenues collinaires se remplissent, deux millions de bouteilles d'eau ont été livrées, la capacité de production a été portée à 38 000 m3 par jour.

Mais il est hors de question de se satisfaire d'avoir retrouvé notre capacité pré-Chido et de cet écart persistant entre offre et demande. Nous voyons plus loin : plus de 900 fuites d'eau ont été réparées par le génie militaire, la première pierre de la station d'épuration de Mamoudzou a été posée le 7 mai, l'autorisation de la construction de l'usine de dessalement a été signée par le préfet il y a deux semaines. En outre, nous travaillons sur des projets innovants utilisant l'eau atmosphérique.

Concernant les déchets, grâce au second casier de stockage des déchets non dangereux, nous évacuons plus de 800 tonnes de déchets par jour.

L'hôpital est à 80 % de son activité, sept dispensaires sur huit et tous les centres médicaux sont ouverts, même si l'essentiel reste la présence de professionnels de santé.

Les rentrées scolaires de mars et de mai ont eu lieu, ce qui n'était pas évident. Mais, comme pour l'eau, nous sommes revenus à la situation avant Chido, dont nous ne pouvons nous satisfaire. Les rotations scolaires sont inacceptables en République. Notre objectif est d'y mettre fin d'ici à 2031.

Cinq mois après Chido, l'impression générale que donne le territoire est celle d'une stabilisation, voire d'une amélioration. La végétation se régénère, les axes routiers ont été rétablis, les commerces rouvrent, la chaîne logistique fonctionne -  même un navire de croisière a fait escale !

Mais tout ne va pas bien : eau, déchets, école et déplacements entre Petite-Terre et Grande-Terre sont autant de fragilités.

Enfin, 760 gendarmes et 770 policiers répondent au défi quotidien de la sécurité et de la violence.

La mise en place de la mission du général Facon a permis de déployer les premières actions concrètes de la deuxième phase, celle de reconstruction. Ainsi, un bataillon de reconstruction de 326 militaires est mobilisé au quotidien pour reconstruire les bâtiments publics, déblayer les routes et les cours d'eau et sécuriser les routes. Les chantiers de reconstruction sont engagés, avec des entreprises mahoraises. Je pense par exemple à la reconstruction de logements sociaux.

Enfin, le soutien financier est au rendez-vous. L'État agit concrètement : 500 millions de dépenses d'urgence en décembre et janvier, fonds d'amorçage de 100 millions pour les collectivités territoriales, 15 millions d'euros pour la filière agricole, 22,8 millions d'euros pour les entreprises.

Je pense aussi à toutes les mesures de la loi d'urgence : 1 311 demandes d'activité partielle ont été déposées, pour 9,1 millions d'euros ; le PTZ est lancé dans l'ensemble des établissements bancaires. Raffaele Fitto, vice-président de la Commission européenne, m'a confirmé que la France recevrait une avance du fonds de solidarité de l'Union européenne de 23,7 millions d'euros.

Le soutien aux entreprises mahoraises se poursuit. L'aide exceptionnelle pour compenser la perte du chiffre d'affaires en décembre et janvier sera prolongée pour février et mars.

Avec ces deux projets de loi commence la troisième phase, la refondation. Chido a ravagé Mayotte, et révélé des fragilités préexistantes : hors de question de s'en tenir à un retour à l'avant-Chido.

Le Gouvernement vous présente donc un projet de loi de refondation, attendu depuis longtemps, élaboré avec les acteurs de la société civile. C'est le cas pour l'article 19, permettant la réalisation des infrastructures essentielles, dont la liste a été restreinte, à la demande des élus.

Je remercie les sénateurs et les rapporteurs pour leur confiance. Les améliorations adoptées en commission sont bienvenues.

Le titre I, constitué de l'article 1er, valide un rapport annexé, présentant les priorités de l'État. Il présente les objectifs, précise la participation des parlementaires et inclut une programmation financière de 3,2 milliards d'euros. Un amendement du Gouvernement la rehaussera à 4 milliards d'euros. Les choix sont assumés, sur les grandes infrastructures comme le port et l'aéroport. Le Président de la République a écarté l'option de Petite-Terre, disant que la piste longue devra être réalisée sur Grande-Terre. On attendait un choix clair de l'État : le voici. Mais nous devrons établir un plan d'attractivité de Petite-Terre.

Le titre II lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, les deux fléaux de l'île. Nous n'avons pas attendu ce texte pour agir, puisque nous avons déjà restreint le droit du sol.

Dans un nouvel article 2 bis, un rapport, proposé par les rapporteurs Canayer et Bitz, s'intéressera aux mesures dérogatoires, pour évaluer leur efficacité. C'est une bonne chose.

L'article 10 permet de mieux lutter contre les bidonvilles. Micheline Jacques a permis d'améliorer la constitutionnalité du texte, sans lui faire perdre en efficacité.

Nous agissons déjà. Début avril, 73 constructions illégales ont été détruites à Dzoumogné, pour mettre fin à des conditions de vie indignes et libérer les parcelles, afin de construire une nouvelle école communale.

Notre combat contre l'immigration irrégulière dépend aussi des effectifs des forces de l'ordre et d'un rapport plus ferme avec les Comores.

Le titre III renforce le contrôle des armes aux articles 11 et 12.

Le titre IV, essentiel pour remplir la promesse républicaine de la départementalisation, favorisera l'aménagement durable du territoire.

L'article 15 est déterminant. Il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer la convergence sociale, au plus tard en 2031. C'est une mesure attendue par les Mahorais depuis longtemps, qui permettra d'avancer vers l'égalité réelle. J'ai missionné le préfet Bieuville et le général Facon. Un rapport sera remis au Gouvernement en application de l'article 36 de la loi d'urgence.

L'article 19 favorisera la prise de possession de terrains pour accélérer la construction des infrastructures essentielles, tandis que l'article 22 crée une zone franche globale à Mayotte, suivant ainsi l'engagement du Premier ministre.

D'autres mesures sont consacrées à la jeunesse et au renforcement de l'attractivité pour les fonctionnaires.

Le titre V conforte le statut de Mayotte, sous le nom de Département-Région de Mayotte, avec une circonscription électorale unique composée désormais de treize sections.

Le projet de loi organique procède à des coordinations.

Ces deux textes constituent une étape déterminante pour engager la refondation de Mayotte, une clarification des engagements financiers, une volonté et une stratégie. Vous ne manquerez pas de les améliorer. Nous pourrons ainsi reconstruire l'île, pour changer son visage et la vie des Mahorais. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE et du groupe UC)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons été alertés par les élus de Mayotte sur le sentiment d'abandon qui y règne ; le Gouvernement ne parvient pas à améliorer le quotidien sur l'île. Quatorze ans après la départementalisation, le compte n'y est pas. L'urgence est à la reconstruction, mais il ne s'agit pas de revenir à la situation antérieure.

Le projet de loi, au titre un peu grandiloquent, présente un objectif ambitieux : des mesures structurantes.

L'article 1er approuve le rapport annexé sur la programmation pour 2025-2031, qui doit cependant s'articuler, dans des conditions obscures, avec une stratégie quinquennale 2026-2031 pour Mayotte qui ne présente aucune distinction entre mesures anciennes et nouvelles ni aucun calendrier de mise en oeuvre. Ainsi, un amendement prévoit la présentation d'une programmation annuelle avant la fin de 2025. La commission a aussi instauré un rapport d'évaluation à mi-parcours et la création d'un comité de suivi auprès du Premier ministre.

Afin d'assurer la continuité et la cohérence de l'action de l'État, la commission a renforcé les prérogatives du préfet de Mayotte. Les défis et la taille du territoire les imposent. L'ensemble des services de l'État et des établissements publics seront sous l'autorité du préfet.

Une réforme de la collectivité de Mayotte, demandée depuis longtemps, est aussi prévue. Elle deviendra une collectivité unique comme la Martinique et la Guyane, avec la création d'un Département-Région et d'une véritable assemblée, avec un président élu. Je me réjouis que le Gouvernement inscrive directement cette réforme dans le projet de loi.

L'article 31 réforme le régime électoral des futurs conseillers de Mayotte et porte leur nombre à 52, élus au scrutin proportionnel avec prime majoritaire. La commission a préféré diviser la circonscription en treize sections plutôt que cinq, reprenant le périmètre des actuels cantons. Ce modèle permet de conjuguer au mieux la représentativité du territoire et la stabilité de l'assemblée de Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Bitz, rapporteur de la commission des lois .  - Soyons clairs : pas de refondation de Mayotte sans maîtrise des flux migratoires. Mayotte comptait 320 000 habitants en 2024, pour moitié étrangers. Sans action sur les flux, sa population atteindra 760 000 habitants en 2050.

Au-delà des postures idéologiques, il faut partir des réalités : l'immigration limite le développement de Mayotte et nuit aux Mahorais, entraînant insécurité, saturation des infrastructures, difficulté d'accès à la santé et à l'éducation et prolifération des bidonvilles.

Plusieurs mesures de bon sens figurent dans ce projet de loi, mais elles devront être complétées par une volonté politique et une action diplomatique fortes.

L'article 2, renforcé par deux amendements de la commission, revoit les conditions de délivrance des titres de séjours à titre familial.

La rétention d'un majeur accompagné d'un mineur sera possible dans des centres de détention familiaux.

La commission a supprimé le caractère temporaire de l'article 8, qui permet le retrait du titre de séjour d'un étranger lorsque le comportement de son enfant constitue une menace pour l'ordre public.

Elle a approuvé l'article 9, qui subordonne les virements d'espèces à la vérification préalable des titres de séjour, afin d'éviter les trafics.

Elle a aussi pris des mesures pour contrer les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. En revanche, la commission n'a pas remis en cause le visa territorialisé. En effet, les conditions de sa suppression ne sont pas réunies et pourraient se traduire par une hausse des flux migratoires. Mais ce refus d'est pas définitif : l'article 2 bis prévoit la réalisation d'un bilan dans trois ans, en toute transparence. Il ne faut pas envoyer de message contradictoire, laissant penser qu'une arrivée à Mayotte permettrait une installation à La Réunion ou en métropole.

L'article 19 vise à accélérer les expropriations pour cause d'utilité publique. Il ne s'agit pas de déroger aux règles, mais de réaliser les équipements dont Mayotte a besoin sans attendre le versement définitif de l'indemnité. Des résultats rapides doivent être obtenus. Donner à l'État les moyens d'agir et d'agir vite, tel est le sens du texte et des amendements de la commission. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cinq mois après Chido, puis Dikeledi, nous nous prononçons encore sur un projet de loi pour Mayotte. Le chemin de la reconstruction est encore lent, avec près de 3 milliards d'euros de dommages. Une mission menée par la présidente Estrosi Sassone s'y est rendue pour nous éclairer sur les articles dont nous sommes saisis.

Près de 90 % des habitations de fortune ont été reconstruites aujourd'hui. En 2023 et 2024, 19 opérations ont permis d'évacuer 3 000 personnes : c'est vider l'océan à la petite cuillère !

La commission a confirmé les orientations du Gouvernement sur cet article et a sécurisé le dispositif de relogement prévu, alors que cette obligation de relogement est matériellement impossible à respecter. Le parc d'hébergement est saturé et des places sont gelées. Le Conseil d'État a émis des réserves sur la constitutionnalité de la disposition, d'où une limitation dans le temps et en fonction des circonstances locales.

La commission a aussi limité les recours suspensifs aux seuls référés-liberté. Toutefois, seule une approche articulant sécurité, politique migratoire, urbanisme et production de logements permettra de lutter efficacement contre les bidonvilles. Sinon, ce sera un pansement sur une plaie ouverte.

L'article 23 vise à classer tout Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) jusqu'en 2030. C'est justifié. Mais cette mesure aura un effet limité, les trois quarts de la population vivant déjà en QPV. J'insiste donc sur l'importance des financements.

J'alerte aussi le Gouvernement sur les effets de bord potentiels sur le logement social. Il ne faudrait pas que des impératifs de mixité sociale pensés pour l'Hexagone limitent la construction à Mayotte. Monsieur le ministre, je vous invite à prendre des mesures dérogatoires. Enfin, il est indispensable que les dix-sept contrats de ville de Mayotte soient signés d'ici au 31 décembre prochain.

Ensuite, concernant l'article 24, Mayotte ne bénéficie pas d'un comité des pêches, en raison d'une insuffisante organisation des acteurs locaux, qui aspirent pourtant à disposer de leur propre organisation collective. Si la commission a adopté cet article sans modification, je défendrai à titre personnel un amendement pour que la création d'un comité des pêches soit explicitement mentionnée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La situation à Mayotte reste très fragile : 77 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté, contre 14 % dans l'Hexagone. En outre, la démographie de l'archipel est très atypique : 50 % de la population a moins de 20 ans et le flux de population immigrée y est important. Nous devons oeuvrer pour une reprise pérenne et une amélioration durable des conditions de vie.

L'article 15 consiste en une demande d'habilitation à légiférer par ordonnances pour oeuvrer au rapprochement entre système social mahorais et hexagonal. La technicité du chantier justifie la demande, mais la commission a adopté plusieurs amendements pour l'encadrer, en excluant l'aide médicale d'État et les dispositifs fiscaux améliorant la compétitivité et l'emploi. Il ne faut pas créer d'effets incitatifs supplémentaires. Dans ces domaines, le Gouvernement pourra agir via d'autres véhicules législatifs.

La commission a soutenu l'article 16, étendant à Mayotte le régime de retraite complémentaire de l'Ircantec.

L'article 17 facilite l'ouverture de pharmacies d'officines à Mayotte, autorisant une ouverture pour chaque tranche de 7 000 habitants au niveau communal ou -  nouveauté  - au niveau intercommunal. Fondé sur des seuils communaux, le cadre prévu s'appuie sur des données de population de 2017 et ne tient pas compte des contraintes des bassins de vie et de l'insularité. Cependant, un passage du critère communal au critère intercommunal risque de fragiliser le tissu existant. Les représentants des pharmaciens s'y opposent. La commission a donc limité l'application du critère intercommunal dans les cas où le recensement date de plus de cinq ans et a soumis les ouvertures en question à un avis conforme de l'ordre.

L'article 18 réforme les conditions de représentation des professionnels de santé mahorais au sein des instances régionales de l'océan indien. Il prévoit la représentation de plusieurs professionnels mahorais au sein de l'union régionale des professionnels de santé (URPS). Mais les parties prenantes comme l'ARS souhaitent une instance de représentation spécifique pour Mayotte, afin de prendre en compte les spécificités du territoire ; cependant, le Gouvernement estime le nombre de professionnels insuffisant. La commission a adopté un amendement imposant la consultation des syndicats pour le décret d'application.

Ce texte soutient le rétablissement économique de Mayotte et l'accès aux soins : nous vous invitons à l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Juriste d'entreprise, je m'exprime également au nom de M. Patient, corapporteur. La commission des finances a reçu la délégation au fond pour l'article 22 et s'est saisie pour avis de plusieurs articles.

Les dégâts subis par Mayotte sont estimés à 3,4 milliards d'euros. Il faut non seulement réparer, mais aussi s'engager dans l'amélioration des conditions de vie des habitants.

L'article 1er approuve un rapport annexé qui prévoit plus de 3 milliards d'euros de crédits entre 2025 et 2031. Quelque 38 % des investissements concernent la construction d'un aéroport d'ici à 2036. Quelque 730 000 euros sont prévus pour le retraitement de l'eau, tandis que 407 millions d'euros sont destinés à la construction d'un deuxième hôpital et à la modernisation de celui de Mamoudzou. La pertinence de ces investissements ne fait pas débat. Mais ils viennent d'engagements passés de l'État, par exemple dans le plan Eau Mayotte. De plus, le chiffrage des dispositions du texte reste incomplet, comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

L'article 22 élargit la zone franche globale d'activité. Pas moins de 18 millions d'euros d'impôts seront ainsi économisés par les entreprises.

L'article 23 prévoit de zoner toutes les communes de Mayotte en QPV d'ici à 2030. Le sud de l'île ne bénéficiait pas de ce statut.

J'en viens à l'article 9 et les transmissions de fonds à l'étranger : l'objectif des contrôles de titres de séjours est de lutter contre les trafics. Cela relève davantage de la lutte contre l'immigration que de la lutte contre le blanchiment des capitaux, ce qui n'est pas le rôle des banques.

L'article 26 étend le bénéfice du passeport pour la mobilité des études aux lycéens de Mayotte, quand la filière d'enseignement souhaitée n'est pas proposée localement. L'article 27 crée un fonds de soutien au développement des activités périscolaires, mesure pertinente quand on sait que plus de la moitié des élèves mahorais n'ont accès à l'école que par demi-journées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Mélanie Vogel .  - D'après son titre, on pourrait s'attendre à ce que ce texte programme la refondation de Mayotte, à ce qu'il trace un avenir meilleur pour un territoire ravagé par les inégalités, les carences de l'État, les catastrophes climatiques et par l'indifférence.

Le cyclone Chido et la tempête Dikeledi ont aggravé la situation de ce département le plus jeune et le plus pauvre de France. Il manque 1 200 classes ; 10 000 enfants ne sont pas scolarisés. L'investissement massif dans l'école aurait dû être une priorité. Alors que les hôpitaux sont saturés, il aurait fallu soutenir les professionnels de santé.

Alors que le territoire compte neuf fois moins de logements sociaux que la moyenne nationale, il aurait fallu programmer la construction de logements dignes et résilients.

De même, il aurait fallu envisager une tarification sociale de l'eau et accélérer la rénovation du réseau hydraulique.

La convergence des prestations sociales est encore repoussée ; pourtant, Mahorais et Mahoraises veulent l'égalité des droits.

Sur quoi ce texte concentre-t-il ses moyens ? Environ 80 % de ce texte vise à rendre encore plus répressive et encore plus dérogatoire une politique migratoire qui l'est déjà tant, sans donner aucun résultat. Les gens migrent poussés par la pauvreté et la misère.

Nous ne nions pas la réalité de la pression migratoire, mais nous dénonçons l'incapacité à définir une politique globale respectueuse des droits. La politique d'accueil et d'intégration est inexistante ; l'aide s'élève à 30 euros par mois, soit bien moins que ce qui est versé dans l'Hexagone.

En durcissant l'accès au séjour, vous condamnez plus de personnes à l'illégalité et à la précarité, pour le malheur de tous les habitants de l'île. Les unités familiales ne sont qu'un enrobage humanitaire de pratiques de privation de liberté, interdites ailleurs.

Or ces restrictions finissent par irriguer notre droit commun, selon la Défenseure des droits. Quand vous vous attaquez au droit du sol, vous touchez au coeur de nos principes républicains.

Ce texte n'a pas été conçu prioritairement pour répondre aux attentes pressantes des Mahorais. Il ne fait que reprendre des engagements antérieurs, sans réelle garantie d'application. Sans stratégie globale ni priorisation des enjeux, il n'est pas de nature à refonder Mayotte.

Le GEST ne pourra pas le voter.

M. Saïd Omar Oili .  - Plus de cinq mois après la catastrophe du cyclone Chido et deux mois après la promulgation de la loi d'urgence, le compte n'y est pas et les Mahorais sont fatigués des effets d'annonce. Un exemple concret : les prêts à la reconstruction ne sont pas délivrés par les banques. Le Premier ministre a annoncé le plan Mayotte debout, mais pour l'instant c'est plutôt Mayotte débrouille !

Le cyclone a profondément fragilisé le tissu économique. En particulier, le secteur de la pêche a déposé des dossiers pour le redémarrage de l'activité ; 1,6 million d'euros issus des redevances des armateurs sont disponibles, mais les pêcheurs attendent toujours des réponses de la préfecture.

Nous n'avons obtenu transmission que d'une partie du rapport de la mission interinspections, et une semaine seulement avant ce débat. Faut-il croire aux esprits éclairés des fonctionnaires des administrations centrales, qui ne font que passer dans notre territoire ?

Pour que la feuille de route détaillée dans le rapport annexé réussisse, les financements devront être à la hauteur des enjeux - 6,7 milliards d'euros, d'après mon premier calcul - et la mise en oeuvre des mesures devra faire l'objet d'un suivi, comme le recommande la Cour des comptes. Je remercie la commission des lois d'avoir adopté l'amendement instaurant un comité de programmation et de suivi.

Dans le même esprit, mon groupe a déposé trente amendements sur le rapport d'activité, afin que les bonnes intentions ne restent pas lettre morte.

La classe politique mahoraise unanime demande la fin des titres de séjour territorialisés : j'invite nos collègues Les Républicains et centristes à l'écouter et à mettre un terme à cette disposition coloniale qui enferme à Mayotte 100 000 personnes en situation régulière.

La suppression de l'article 19, qui allège les procédures d'expropriation, fait l'unanimité sur l'île, où les textes de droit commun sur la propriété foncière sont récents et la réforme du foncier patine.

Enfin, nous rejetons les cinq sections proposées pour l'élection du conseil départemental. Le déséquilibre actuel entre population recensée et inscrits sur les listes électorales fausse le scrutin en favorisant les communes qui accueillent le plus d'étrangers.

Monsieur le ministre d'État, les attentes des Mahorais sont fortes ; ne les décevez pas. Ils ne demandent qu'une chose : la France jusqu'au bout, jusqu'à eux.

M. Marc Laménie .  - Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ? En tout cas, elles ne sont pas toutes agréables à entendre ni faciles à admettre. Mais notre responsabilité est de dire la vérité aux Français ; c'est le préalable indispensable pour résoudre leurs problèmes.

La métropole doit respect et solidarité aux territoires d'outre-mer, en particulier à Mayotte dont la situation est si difficile.

Il aura fallu un cyclone catastrophique pour que ces deux textes voient le jour, après la loi d'urgence du mois de février. Si beaucoup de mesures ont été annoncées, trop peu ont été mises en oeuvre par rapport à la gravité de la situation, dans ce territoire marqué par la pauvreté, le chômage, une pression migratoire massive et un habitat informel incontrôlable.

Mais Mayotte, ce sont aussi de formidables atouts : sa position géostratégique, une biodiversité exceptionnelle, une culture riche, un potentiel touristique sous-exploité. C'est surtout un département français auquel nous devons la même considération qu'à tout territoire hexagonal - ce qui invite à la mesure.

Ce projet de loi et le rapport annexé sont ambitieux. Les investissements programmés atteignent 3,17 milliards d'euros, pour la construction d'un nouvel aéroport, d'une cité judiciaire, d'un deuxième centre hospitalier, le renouvellement de la flotte de la gendarmerie maritime, les infrastructures d'eau et d'assainissement - je rappelle que 30 % de la population n'est pas raccordée à l'eau potable - et la construction de 24 000 logements en dix ans.

Ce texte est porteur d'espoir, même si beaucoup de mesures prévues étaient déjà promises, parfois depuis des années. Il faut qu'elles se concrétisent. À cet égard, nous saluons les mesures votées en commission pour le suivi des investissements.

Des mesures fortes sont nécessaires pour lutter contre l'immigration illégale, l'habitat informel et l'insécurité. L'allongement proposé de la durée de résidence pour obtenir une carte de résidence et la subordination de l'octroi d'un titre à une entrée régulière sont proportionnés, alors que la moitié des étrangers présents sur l'île sont en situation irrégulière. De même, il est justifié de réduire le délai d'évacuation des bidonvilles et de renforcer les pouvoirs du préfet à des fins de coordination.

Il faut s'attaquer de front aux multiples problèmes que rencontre Mayotte tout en mettant en place un nouveau statut pour la collectivité. Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi pour refonder Mayotte.

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte de programmation ne vise rien de moins que de refonder Mayotte. Le mot n'est pas exagéré, car ce territoire traverse une crise totale : migratoire, sociale, sécuritaire et institutionnelle.

Mayotte est submergée par une immigration incontrôlée qui atteint une ampleur inédite et pèse lourdement sur les services publics et le tissu social, mais aussi par la violence, l'économie informelle et l'habitat insalubre. À cela s'est ajoutée la catastrophe du cyclone Chido, qui a révélé l'extrême vulnérabilité de l'archipel.

Ce projet de loi a le mérite d'apporter à cette situation dramatique une réponse globale. Il aborde la sécurité, le droit des étrangers, l'offre de soins, les infrastructures, le fonctionnement même de la collectivité territoriale.

Il faut agir vite, fort et jusqu'au bout. Car ce n'est pas seulement le destin de Mayotte qui est en jeu, mais l'autorité de la République. Une République qui ne protège pas tous ses enfants, ne maîtrise pas ses frontières et laisse prospérer l'inégalité abdique.

La situation sécuritaire est explosive. Rarement en temps de paix un département français a connu une telle intensité de violence : le climat est quasi insurrectionnel. La population réclame d'être protégée. Nous saluons la création d'un régime spécifique de visite domiciliaire pour la recherche d'armes et le pouvoir donné au préfet d'ordonner la remise d'armes.

Il faut une politique ferme et cohérente de lutte contre l'immigration clandestine. À cet égard, le texte comporte des avancées notables : conditionnement des titres de séjour à une entrée régulière, durcissement des conditions de reconnaissance de paternité, encadrement des aides au retour, retrait des titres de séjour aux parents défaillants, obligation de vérification du séjour pour les transferts de fonds - autant de mesures que nous demandons depuis des années.

Mais nous devons aller plus loin, face à une pression migratoire sans précédent. Il faut renforcer les moyens de contrôle aux frontières, accélérer les reconduites et rétablir un lien clair entre présence et droit au séjour. La République ne peut pas être naïve. À Mayotte comme ailleurs, le respect du droit suppose de la fermeté.

Nous saluons l'accent mis sur la résorption de l'habitat informel et la sécurisation des quartiers, l'instauration de zones de rétention adaptées aux familles, les nouveaux pouvoirs donnés aux forces de l'ordre dans les bidonvilles, les dérogations aux règles d'expropriation pour accélérer la reconstruction.

Mais il faut y adjoindre une véritable ambition de développement, fondée sur la convergence sociale, la relance de l'activité économique grâce à la zone franche ou encore l'amélioration de l'accès aux soins, sans oublier une réforme institutionnelle cohérente autour du statut de Département-Région.

Le groupe Les Républicains veillera à ce que cette programmation soit suivie d'effets. Nous voulons des moyens, un calendrier rigoureux, des résultats pour les Mahorais.

Mayotte est en première ligne face à tous les défis qui menacent notre cohésion sociale. C'est une ligne de front, mais aussi un espoir : celui que la République, si elle s'en donne les moyens, puisse encore refonder. Nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi de programmation s'inscrit dans la continuité des engagements pris après le cyclone Chido. Il marque le véritable point de départ de la reconstruction de Mayotte.

Je salue les mesures prévues, qui marquent un engagement durable. D'autres devront suivre. Nous avons besoin d'une vision de terrain et d'un calendrier lisible.

Les rapporteurs ont amélioré le texte en posant des garde-fous et en renforçant les mesures de suivi. C'est une question de bon sens, mais aussi de respect pour ce territoire. Une programmation suppose de la constance dans l'engagement.

Il faut un échéancier pour le chantier de la convergence sociale. Les attentes sont fortes au sein du monde économique, frappé de plein fouet par le cyclone, mais confronté aussi à des difficultés anciennes. La création d'une zone franche globale est une avancée qui devra s'accompagner d'autres dispositifs pour concilier convergence et attractivité. Les chefs d'entreprise sont exonérés d'impôt sur les bénéfices, mais, dans la conjoncture actuelle, combien sont en mesure d'en dégager un ? Et comment leur permettre d'embaucher ? C'est tout le sens de mes amendements relatifs au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

D'autres mesures sont tout aussi essentielles, comme l'abrogation du titre de séjour territorialisé. Ce dispositif propre à Mayotte enferme les étrangers en situation régulière dans l'île : il contrevient au principe d'égalité devant la loi et transforme Mayotte en enclave migratoire. Ce n'est plus viable. Entendez la fatigue des Mahorais et leur sentiment d'injustice.

De même, l'article 19, relatif aux expropriations, est inapplicable, faute de cadastre. Des craintes légitimes s'élèvent sur place. Ce n'est pas la voie d'une reconstruction apaisée.

Enfin, un nouveau découpage électoral est nécessaire pour une meilleure représentativité et une organisation territoriale plus efficace. Mayotte ne demande pas un traitement d'exception, mais équitable. C'est dans cet esprit que je mène la mission que le Gouvernement m'a confiée avec le général Facon.

Ce texte peut constituer un tournant, à condition que nous continuions de l'enrichir. Le RDPI le votera, tout en restant vigilant au respect des engagements pris. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; MM. Georges Naturel et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. François Patriat applaudit également.) Voici l'acte III de la refondation de Mayotte. Après des années de difficultés et deux cyclones, il faut relever l'archipel.

Mayotte est le département le plus pauvre de France : 77 % des habitants sous le seuil de pauvreté, le taux de chômage est de 37 %. C'est aussi le plus jeune : la moitié de la population a moins de 20 ans.

L'archipel est confronté à des problèmes structurels, comme la pénurie d'eau. Il est aussi une destination de choix pour de nombreux Comoriens et Africains, qui sont avant tout des êtres humains cherchant une vie meilleure. On ne peut nier que cette immigration a de lourdes conséquences sur la société mahoraise, notamment en matière d'accès aux services publics.

Mayotte est déjà un département à part, avec de nombreuses exceptions en matière d'immigration. Ainsi, les titres de séjour délivrés ne sont valables qu'à Mayotte. Or ce projet de loi durcit encore le droit des étrangers : conditions plus strictes de délivrance des titres de séjour, condition d'entrée régulière pour les titres liés à l'immigration familiale, allongement de la durée de résidence pour l'obtention de certaines cartes de séjour.

Certes, moins d'immigrés obtiendront un titre, mais qu'est-ce qui les empêchera de venir ou de revenir une fois expulsés ? Interrogeons-nous sur les causes qui les poussent à risquer leur vie pour rejoindre la France. La question du développement des Comores doit être mise sur la table. Hélas, la France a amputé de 45 % son budget pour l'aide publique au développement...

L'article 7 prévoit le placement en rétention d'étrangers accompagnés d'enfants mineurs. Pourtant, après une dizaine de condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme, la loi du 28 janvier 2024 avait posé un principe clair : des mineurs ne peuvent être placés en rétention. Certes, on prévoit des unités familiales et un délai maximal de 48 heures, mais est-ce compatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant ? Permettez-moi d'en douter.

Je m'interroge tout autant sur le retrait de son titre de séjour à un parent dont l'enfant représente une menace potentielle pour l'ordre public. Indépendamment du flou de cette dernière notion, la réponse ne devrait-elle pas plutôt être éducative et sociale ?

D'autres mesures nous paraissent nécessaires, comme la transformation de la collectivité en Département-Région et le rapprochement avec le droit commun s'agissant du Smic et d'autres allocations.

En définitive, ce texte présente deux dimensions antinomiques. D'un côté, il vise à rapprocher Mayotte de la République et prévoit des investissements nécessaires de 3,2 milliards d'euros. De l'autre, il approfondit en matière de droit des étrangers des exceptions qui fragilisent l'indivisibilité de la République.

Le RDSE souhaite voter ce projet de loi, mais se déterminera en fonction des débats. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Lana Tetuanui .  - Après la Polynésie française la semaine dernière et Wallis-et-Futuna en début d'après-midi, nous voici à Mayotte. Courage, monsieur le ministre d'État... (Sourires)

Nos rangs sont quelque peu clairsemés, mais je remercie nos collègues présents.

Il aura fallu attendre pour examiner ce texte le passage d'un cyclone puis d'une tempête tropicale. Les Mahorais ont été profondément affectés dans leur vie quotidienne, et l'économie de l'île, déjà fragile, est à terre.

Ce texte est l'une des composantes du plan Mayotte debout présenté par le Gouvernement. Il prévoit des engagements pour la période 2025-2031, dont 3,2 milliards d'euros d'investissements. Ses propositions sont ambitieuses et attendues.

Mayotte subit une pression démographique très forte : sa population serait de 321 000 personnes selon l'Insee, mais ce chiffre est très en deçà de la réalité. La moitié de la population serait étrangère, dont la moitié en situation irrégulière. Il faut endiguer cette explosion démographique qui pèse sur les services publics et entraîne un chômage massif. Si nous ne faisons rien, la population atteindra 760 000 personnes en 2050.

Créé sous le gouvernement d'Édouard Balladur, le titre territorialisé est une spécificité de Mayotte. Je pense qu'il faut maintenir le dispositif en vigueur.

L'immigration familiale représente plus de 80 % des titres délivrés, majoritairement à des étrangers en situation irrégulière. Les mesures de durcissement proposées permettront de réguler davantage la délivrance de ces titres. Je n'ai pas peur de dire que ces mesures vont dans le bon sens ; elles sont attendues sur place et indispensables à la refondation.

La centralisation des actes de reconnaissance de paternité et de maternité à Mamoudzou permettra de mieux détecter les fraudes, bien trop nombreuses. De même, le retrait possible du titre d'un étranger dont l'enfant constitue une menace pour l'ordre public permettra de davantage responsabiliser les parents.

L'autre difficulté majeure à laquelle fait face Mayotte est l'habitat informel. Les trois quarts des logements étaient insalubres avant Chido. De nombreuses constructions sont dépourvues de fondations et situées sur des terrains exposés aux risques naturels. Alors que cet habitat a été détruit par le cyclone, la quasi-totalité a été reconstruite. Ne refaisons pas les mêmes erreurs. Hélas, le déficit de logements est structurel, avec un taux d'occupation de 130 %.

L'article 10 vise à faciliter la résorption de l'habitat informel en réduisant le délai d'exécution de l'ordre d'évacuation des bidonvilles d'un mois à quinze jours. Il faut lever les freins à la construction pour atteindre l'objectif de 24 000 logements en dix ans.

Le groupe Union centriste votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Ces projets de loi comportent des mesures structurelles pour le développement de Mayotte. De telles mesures se font attendre depuis trop longtemps dans un département où le sous-investissement de l'État est général et où 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté -  cinq fois plus que dans l'Hexagone.

Mais l'inquiétude première du Gouvernement n'est pas de lutter contre la pauvreté ou d'assurer la justice sociale. Aveuglé par la question migratoire, il s'attache à faire de Mayotte une terre où l'on piétine les droits de l'homme et opprime certains enfants du fait de leurs origines. Améliorer la vie des Mahorais est secondaire pour lui. Pourtant, retirer des droits aux uns ne renforce pas ceux des autres !

Unités familiales pour enfermer les enfants, retrait des titres de séjour des parents dont l'enfant constitue une menace pour l'ordre public : le Gouvernement va toujours plus loin dans la répression, alors que Mayotte souffre de carences systémiques en matière de protection de l'enfance.

Aucune de vos mesures restreignant le droit du sol n'a endigué les flux migratoires ni amélioré la situation de l'île. En revanche, elles maintiennent les étrangers dans une insécurité juridique et une précarité administrative qui freinent leur intégration et nourrissent la haine de l'autre. L'accès aux soins s'en ressent aussi, alors qu'il devrait être universel dans un département marqué par une forte prévalence de maladies infectieuses. Trop souvent, les associations doivent pallier les carences de l'État.

Nous saluons la création d'une région et le classement de la totalité de l'île en QPV. Il faut avancer le plus vite possible vers la convergence sociale, alors que le RSA est encore inférieur de moitié à son niveau national. Ne reculez pas sur l'objectif : pas un jour plus tard que 2031 !

Je déplore le manque d'investissements pour la jeunesse dans un département où un habitant sur deux a moins de vingt ans. L'insertion professionnelle des jeunes doit être une priorité.

Enfin, la territorialisation des titres bloque les jeunes à Mayotte, sans solution pour se former. Monsieur le ministre d'État, si ce projet de loi, comme vous l'affirmez, a été élaboré en concertation avec les élus locaux, pourquoi ne pas répondre à la demande qu'ils expriment très largement en supprimant ce système ?

Il faudrait plus d'écoute du terrain et plus d'ambition dans les mesures. Le rattrapage ne peut se faire à moitié ! Ce projet de loi est dangereux pour les plus vulnérables et trop timide en matière sociale. Le groupe CRCE-K s'abstiendra donc. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Corinne Narassiguin .  - Après une première loi d'urgence, nous entamons cet après-midi l'examen de deux projets de loi dont nous ne pouvons que saluer l'objectif : répondre aux difficultés de Mayotte, qui s'accumulent depuis longtemps.

Certes, ce territoire est confronté à une très forte pression migratoire, mais c'est tout un système qu'il est urgent de revoir : système éducatif dépassé, accès à l'eau potable non assuré, logements insuffisants et précaires, manque d'emplois.

Nous avons tous été choqués par les propos du Président de la République, lançant à des Mahorais : « Si ce n'était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde », au moment où on leur distribuait des boîtes de sardines pour survivre. Mayotte fait pleinement partie de la République, mais, depuis longtemps, la République n'y est pas à la hauteur.

Monsieur le ministre d'État, nous savons bien que vous ne pourrez pas régler des problèmes aussi profonds d'un coup de baguette magique. Mais ne faites pas de la lutte contre l'immigration l'alpha et l'oméga de la reconstruction. Comoriens et Mahorais vivent ensemble depuis toujours : il est inutile et dangereux de chercher à les dresser les uns contre les autres.

Ce n'est pas agir pour la refondation de Mayotte que de durcir les conditions d'accès au séjour pour les parents d'enfants nés à Mayotte, maintenant ainsi toute la famille dans la précarité, ni d'autoriser l'enfermement des enfants dans des CRA déguisés.

D'autre part, en quoi expulser les habitants de leur logement, fût-il informel, sans obligation de relogement, servira-t-il la refondation de l'île ? Ce n'est pas en précarisant et en maltraitant la jeunesse de l'île que nous la reconstruirons.

Toutes les mesures visant à accompagner la mobilité des jeunes et les activités périscolaires, à assurer la convergence des droits sociaux et à moderniser le fonctionnement institutionnel vont dans le bon sens.

En revanche, s'il y a bien une demande unanime sur le territoire et qui n'est pas prise en compte par ce texte, c'est la fin des visas territorialisés, titres d'exception qui accentuent la pression migratoire sur l'île, entraînant prolifération des bidonvilles, saturation des services publics et dégradation accélérée de l'environnement. Il est totalement irrationnel de ne pas revenir sur ce dispositif.

Nous serons au rendez-vous pour reconstruire durablement Mayotte, mais pas à n'importe quelles conditions - et surtout pas avec des obsessions migratoires et contre l'intérêt de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et du RDSE)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer.  - Oui, madame Tetuanui, j'aborde ce débat avec courage. Avec gravité, aussi, car Mayotte est confrontée à des défis majeurs.

Oui, madame la rapporteure Canayer, ce texte doit être articulé avec la stratégie de reconstruction que le général Facon me présentera demain matin et qui devra être partagée avec les élus et validée par le prochain Ciom, le 10 juillet.

Monsieur le rapporteur Bitz, la portée de l'article 2 ne doit pas être minimisée. Les titres familiaux représentent 83 % des titres de séjour.

Les mesures adoptées en commission en matière de suivi vont dans le bon sens. Nous avons besoin de développer une culture de l'évaluation et de l'efficacité.

Madame Jacques, vous soulignez à juste titre la défaillance de la gouvernance en matière de pêche. La zone économique exclusive représente pourtant une ressource importante. Mayotte doit avoir un comité des pêches de plein exercice et les pêcheurs arriver à se fédérer. Sur la politique de la ville, ma collègue Méadel a engagé un rattrapage, que nous accélérerons.

Monsieur Fouassin, vous jugez le chiffrage du tableau incomplet : le Gouvernement proposera par voie d'amendement de préciser les investissements. La zone franche globale, sur laquelle vous avez insisté, est un effort important - 18 millions d'euros - au service de l'emploi et de la croissance.

La refondation que nous engageons n'élude pas la dimension sociale, comme l'a prétendu Mme Vogel. La refondation est d'abord économique et sociale, mais elle ne sera pas possible sans résoudre les problèmes de fond qui minent le pacte social : l'immigration illégale et l'habitat illégal. La convergence sociale fait partie de la promesse républicaine ; elle était au coeur du plan Mayotte 2025, lancé par le président François Hollande en 2014 et que nous avions signé ensemble, monsieur Omar Oili.

Nous sommes encore loin de cette promesse républicaine, mais nous fixons des objectifs d'égalité républicaine sur les prestations sociales. Il serait démagogique de le promettre pour l'année prochaine ; mais, l'année prochaine, nous entamerons cette convergence.

Nouvel hôpital, nouvel institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), fin de la rotation scolaire : ce sont autant d'ambitions sociales, articulés avec le développement économique. Cette méthode nous conduit à donner la priorité au travail et à la convergence du Smic.

La lutte contre l'immigration clandestine doit être une priorité - aucun Mahorais ne le conteste. Mais 700 millions d'euros sont prévus pour les constructions scolaires. En matière d'eau, nous avançons sur les infrastructures : usine de dessalement, réseaux, acquisition de foncier pour la troisième retenue collinaire, forages ; mais beaucoup reste à faire, notamment pour lutter contre les fuites.

Monsieur Omar Oili, l'inspection n'a pas achevé sa seconde phase. Je vous transmettrai les résultats de ses travaux en temps utile. Je n'ai rien à cacher.

Nous proposerons de compléter le volet programmation jusqu'à 4 milliards d'euros ; nous devrons ensuite affiner, année par année. C'est la première fois qu'une telle somme est engagée, avec une programmation.

Le PTZ est déployé, monsieur Omar Oili. Nous avons constaté des blocages du côté des banques, mais nous travaillons à les lever. Le préfet réunira les banques demain.

Dans le domaine de la pêche, si les choses n'avancent pas, c'est parce que l'administration maritime est affaiblie et que la filière peine à parler d'une seule voix - je compte sur les élus pour avancer.

M. Le Rudulier, Mme Tetuanui et M. Laménie ont apporté à notre démarche un soutien global et exigeant dont je les remercie. Oui, monsieur Le Rudulier, une partie de la stratégie ne dépend pas de la loi.

Madame Ramia, je partage votre analyse sur la nécessité d'un échéancier en matière de convergence ; c'est l'objet de l'article 15. Mais je pense qu'il serait contreproductif de renforcer le dispositif, déjà dérogatoire, en matière de CICE. Mieux vaut privilégier le déploiement du droit commun, notamment sur les allégements de cotisations.

Nous avons un désaccord sur l'article 19. Nous avons tenté de répondre aux inquiétudes des acteurs locaux. La mesure proposée permet de prendre possession de terrains pour ne pas ralentir les constructions, en respectant les droits existants sur ces terres.

Mesdames Briante Guillemont et Narassiguin, je comprends votre position, mais, de grâce, ne réduisez pas aux mesures relatives à l'immigration et à l'insécurité ce texte ambitieux, qui présente une stratégie globale.

L'article 7 permet le placement de mineurs dans des unités familiales pour 72 heures au plus. Hélas, de nombreux mineurs tentent la traversée en kwassa-kwassa. Il serait irresponsable de ne pas organiser leur prise en charge.

Non, la pauvreté et la justice sociale ne sont pas des enjeux oubliés par le Gouvernement. Nous refusons d'institutionnaliser les bidonvilles et voulons réduire les entrées illégales qui déstabilisent le système de soins, la cohésion sociale et le marché du travail. Et nous accélérons la convergence dès 2026.

Le débat sur les titres de séjour territorialisés doit être appréhendé dans sa globalité, avec le durcissement des conditions d'accès à la nationalité française à la suite de l'adoption d'une proposition de loi confortée par le Conseil constitutionnel. Vous connaissez ma position : je suis contre une remise en cause du droit du sol, mais je reconnais aussi que les mesures restrictives sont nécessaires à la mise en oeuvre de notre politique, sans qu'elles résolvent tous les problèmes. Nous agissons aussi pour renforcer les moyens de détection et d'interception.

Madame Narassiguin, vous avez mis en cause le Président de la République. Il s'est rendu à Mayotte par deux fois. Je puis vous dire qu'il est engagé pour protéger les Mahorais et répondre à leur exigence légitime d'être considérés comme des citoyens français à part entière.

Notre réponse est globale et vise la plus grande efficacité. Je ne doute pas que le texte sera encore amélioré par nos débats. Même si le sujet est grave, je me réjouis de travailler avec vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Prochaine séance demain, mardi 20 mai 2025, à 9 h 30.

La séance est levée à 20 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 20 mai 2025

Séance publique

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco M. Guy Benarroche

1Questions orales

2Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et les Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d'autres questions afférentes aux réunions des Nations unies tenues sur le territoire français (texte de la commission, n°590, 2024-2025)

3. Suite du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°613 rect, 2024-2025) et du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°614, 2024-2025) (discussion des articles)