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Table des matières



Questions d'actualité

Proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

M. Jean-Claude Tissot

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Annonces budgétaires du Premier ministre

M. Pierre Barros

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Comptes sociaux (I)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Protection de la biodiversité et lutte contre les pesticides

M. Daniel Salmon

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Sabotages électriques dans les Alpes-Maritimes

Mme Alexandra Borchio Fontimp

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Agriculture dans les régions ultrapériphériques françaises

M. Stéphane Fouassin

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer

Attaques de loups en Corrèze

M. Daniel Chasseing

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Comptes sociaux (II)

M. Christian Bilhac

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Proposition de loi Trace

M. Jean-Marc Boyer

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité

Comptes sociaux (III)

M. Bernard Jomier

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap

Comptes sociaux (IV)

Mme Corinne Imbert

M. François Bayrou, Premier ministre

Ambitions chinoises dans le Pacifique

Mme Lana Tetuanui

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Accord sur la pêche entre l'Union européenne et le Royaume-Uni

Mme Béatrice Gosselin

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Salut à une délégation du Parlement estonien

Questions d'actualité (Suite)

Situation humanitaire à Gaza

M. Adel Ziane

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Rapport de la Cour des comptes sur l'enseignement primaire

M. Jacques Grosperrin

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Stockage des déchets du site de StocaMine

Mme Sabine Drexler

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Frères musulmans à Marseille

M. Stéphane Ravier

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mises au point au sujet de votes

Terres rares et matériaux critiques

M. Philippe Grosvalet, pour le RDSE

Mme Maryse Carrère

M. Ludovic Haye

Mme Marianne Margaté

M. Daniel Salmon

M. Franck Montaugé

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Catherine Dumas

M. Stéphane Fouassin

M. Michaël Weber

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire

M. Ahmed Laouedj, pour le RDSE

Protection et accompagnement des élèves et contrôle dans les établissements scolaires

Mme Colombe Brossel, pour le groupe SER

M. Ahmed Laouedj

M. Jean Hingray

M. Pierre Ouzoulias

Mme Monique de Marco

M. Yan Chantrel

Mme Laure Darcos

M. Stéphane Piednoir

M. Stéphane Fouassin

Mme Laurence Garnier

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. David Ros, pour le groupe SER

Ordre du jour du lundi 2 juin 2025




SÉANCE

du mercredi 28 mai 2025

95e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, Mme Catherine Conconne

La séance est ouverte à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole - j'y veillerai.

Proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.) Ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale avant-hier n'est pas digne de notre parlementarisme. (M. Olivier Paccaud lève les bras au ciel.) N'ayant pas le courage d'assumer ses choix, le socle commun a contourné la procédure législative, dans une parfaite connivence avec le RN. Mais fuir le débat n'honore personne ! (Marques d'assentiment sur les travées du groupe SER)

Sans doute la pression était-elle trop forte. Il faut dire que le syndicat agricole majoritaire, non content d'avoir écrit lui-même la proposition de loi, était venu jusque devant l'Assemblée nationale.

Non, monsieur le Premier ministre, il n'est pas nécessaire que vous nous expliquiez ce texte ; nous le comprenons parfaitement, c'est pourquoi nous y sommes farouchement opposés.

Mme Audrey Linkenheld.  - Très bien !

M. Jean-Claude Tissot.  - Non à l'assouplissement de l'usage des pesticides, à la réintroduction des néonicotinoïdes, à la normalisation des mégabassines et des fermes usines !

L'« allègement des contraintes » n'est qu'un élément de langage au service des intérêts court-termistes d'une agriculture chimique, intensive et passéiste. (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreuses travées du groupe SER et du GEST ; applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K ; Mme Kristina Pluchet proteste avec énergie.)

Ce texte serait attendu par le monde agricole, madame la ministre ? Archi faux ! C'est mon monde, et je n'attends pas un tel texte. Attendu, il l'est uniquement par les syndicats libéraux, droitiers et réactionnaires ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe SER et du GEST et sur des travées du groupe CRCE-K ; huées à droite)

Cessez de regarder ailleurs quand la communauté scientifique est unanime sur les dangers de cette loi. Oui, simplifier est indispensable ; mais simplification ne doit pas rimer avec régression.

Quand entendrez-vous le monde paysan dans son ensemble et la société dans son ensemble, tous les paysans et tous les citoyens ?

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jean-Claude Tissot.  - Entendez au moins les agriculteurs bio, les apiculteurs et les Français qui ne veulent plus de pesticides ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K ; huées à droite)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Lundi, une majorité de députés ont adopté une motion de rejet contre ce texte.

Vous avez un regard de sénateur. (On ironise à gauche.)

M. Jean-Claude Tissot.  - Et de paysan !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Regardez ce qui se passe à l'Assemblée nationale : près de 3 500 amendements avaient été déposés, ce qui aurait empêché le débat d'aller à son terme. C'est là qu'est le scandale démocratique ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. François Patriat et Stéphane Fouassin applaudissent également ; protestations à gauche)

J'aurais aimé que le débat ait lieu. Je suis d'ailleurs arrivée en séance avec force documents, car je m'étais préparée pendant des semaines. Pas de procès d'intention, donc, à l'égard du Gouvernement.

Je respecte le choix des parlementaires. Le débat a eu lieu en commission pendant soixante-dix heures et se poursuivra en commission mixte paritaire, puis au moment de l'examen des conclusions de celle-ci.

Sur le fond, pour avoir largement participé au débat dans cet hémicycle, vous avez vu d'où nous partions et où nous sommes arrivés.

M. Yannick Jadot.  - Justement...

Mme Annie Genevard, ministre. - Nous avons travaillé avec le ministère de la transition écologique et sommes tombés d'accord sur à peu près tous les articles - à l'exception de l'article 2. (On le conteste vigoureusement sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

M. Guy Benarroche.  - Avec la FNSEA, plutôt, non ?

Mme Annie Genevard, ministre. - Vous opposez les modes de production et les paysans entre eux : ce ne sera jamais ma philosophie. C'est peut-être la vôtre, mais je crois que c'est une impasse ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. Bernard Buis, Henri Cabanel et Bernard Fialaire applaudissent également ; protestations sur les travées du groupe SER et du GEST)

Annonces budgétaires du Premier ministre

M. Pierre Barros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER) Lors de son intervention télévisée, le Premier ministre, qui cherche 40 milliards d'euros d'économies, a déclaré : je ne ciblerai pas une catégorie de Français. Pourtant, le Gouvernement cible une fois de plus les collectivités territoriales et leurs habitants les moins riches.

Dans le budget 2025, déjà, les crédits de la mission « Politique de la ville » baissent. Vous avez annoncé dernièrement la réduction de 30 % des fonds consacrés aux opérations dites quartiers d'été. À croire que vous n'avez rien retenu de ce qui a conduit aux émeutes de 2023.

On comprend mieux pourquoi le comité interministériel des villes a été sans cesse reporté et la conférence financière des territoires a accueilli fraîchement vos propositions. Difficile de justifier ces décisions auprès des élus sans qu'ils se sentent un peu plus abandonnés.

L'État ne participera qu'à moins de 20 % au financement des reconstructions consécutives aux récentes catastrophes naturelles. Qui donc paiera ?

Et que dire de la TVA sociale ? Alors que les Français font déjà des efforts importants pour survivre dans un contexte économique morose, vous proposez d'augmenter l'un des impôts les plus injustes !

Vous souhaitez une prise de conscience des Français. Mais de quelle prise de conscience parlez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La prise de conscience, c'est réaliser que nous paierons bientôt plus pour la charge de nos intérêts que pour nos politiques éducatives ; que notre souveraineté en tant qu'État est indissociable de notre souveraineté financière ; que tous les Français sont concernés par nos comptes publics, parce que nous sommes tous contribuables et tous bénéficiaires - de la sécurité sociale, de l'éducation nationale...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Heureusement !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - ... de la protection liée à nos armées et des investissements dans la transition écologique.

Nous avons tous intérêt à ce que les services publics fonctionnent mieux et à ce que chaque euro public soit dépensé utilement ; à ce que notre dépense n'augmente pas plus vite que notre croissance ; à ce que nos comptes publics soient solides et nous laissent des marges de manoeuvre pour préparer l'avenir.

C'est à cette condition que vous, parlementaires, pourrez faire sans contrainte des choix démocratiques.

Les collectivités territoriales ont un horizon de six ans, quand l'État construit son budget sur un an : c'est source d'incompréhension, de frustration, et d'une grande inefficacité. Les élus locaux ont besoin de prévisibilité ; ils doivent aussi contribuer pleinement à l'effort national.

Nous n'opposons pas les Français les uns aux autres. Nous voulons restaurer la confiance en faisant la transparence sur la situation, et le chemin. Où allons-nous ? Vers la fin de la hausse de notre dette et des intérêts qui lui sont liés. (M. François Patriat applaudit.)

M. Pierre Barros.  - C'est à vous de prendre conscience de ce que vivent les collectivités. Il faut trouver de nouvelles recettes, mais pas sur le dos de ceux qui équilibrent leur budget et se serrent déjà la ceinture.

M. Michel Savin.  - Très bien !

M. Pierre Barros.  - La situation financière de la France, c'est votre bilan, pas la responsabilité des collectivités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Agnès Canayer et M. Michel Savin applaudissent également.)

Comptes sociaux (I)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La Cour des comptes dénonce une croissance hors de contrôle des dépenses d'assurance maladie : déjà plus de 14 milliards d'euros l'année dernière, le déficit pourrait atteindre 22 milliards cette année.

Pire, elle nous met en garde contre un possible défaut de paiement de la sécurité sociale, qui mettrait en péril celle-ci dès 2027 - si nous ne réalisons pas rapidement des économies.

Cette année marquera un point de bascule, selon la Cour, le déficit devenant supérieur à la capacité de financement de la Cades. Prolonger celle-ci au-delà de 2033 ne résoudra pas le problème de fond. Au reste, il faudrait une loi organique votée dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale et au Sénat, autant dire une gageure.

En matière de retraites, nos espoirs reposent sur le conclave des partenaires sociaux.

Pour l'assurance maladie, des pistes d'économie existent, comme une lutte plus ardente contre la fraude sociale...

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - ... et la réduction drastique des actes médicaux redondants ou inutiles. Nous pourrions ainsi économiser une vingtaine de milliards d'euros en trois ou quatre ans.

Du côté des recettes, notre groupe a toujours souhaité taxer les importations à travers la fameuse TVA sociale, qui permet la baisse des cotisations sur le travail, donc l'augmentation des salaires.

Quelles mesures envisagez-vous pour répondre à l'alerte de la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Il y a quelque chose que nous n'avons pas vraiment essayé : c'est le travail. (Exclamations ironiques à droite ; nombreuses protestations à gauche ; Mme Silvana Silvani s'indigne.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Et l'augmentation des salaires ?

M. Yannick Jadot.  - Au boulot !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Si nous avions les mêmes taux d'emploi des jeunes et des seniors qu'en Allemagne, 25 milliards d'euros de cotisations supplémentaires entreraient dans les caisses de la sécurité sociale.

Bien sûr, Catherine Vautrin, moi-même et tout le Gouvernement cherchons des pistes d'efficacité et lutter contre la fraude et le gaspillage. (M. Michel Savin est dubitatif.) Mais avant de chercher des recettes, avant de taxer, nous devons rechercher ce qui nous mettra à l'abri des temps difficiles et permettra de continuer à financer la protection sociale des Français. Cette protection, la meilleure qui soit, c'est le travail.

Dans notre pays, ceux qui travaillent ne le font pas moins qu'ailleurs, mais nous sommes moins nombreux à travailler. Je pense aux jeunes qui mettent deux ans de plus que chez nos voisins à trouver un emploi et aux seniors que l'on pousse dehors parce qu'ils coûteraient trop cher.

Là est le coeur de notre problème : nous avons 20 % de moins de PIB par habitant qu'ailleurs, alors que nous disposons d'entrepreneurs, d'innovateurs et d'exportateurs de talent. Si nous n'arrivons pas à procurer à chaque Français un emploi stable et bien payé, nous parlerons toujours de déficits, jamais de réussite ! (Applaudissements sur des travées du RDPI ; M. François Patriat se tourne vers la droite de l'hémicycle en s'étonnant qu'elle n'applaudisse pas.)

Protection de la biodiversité et lutte contre les pesticides

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je ne reviendrai pas sur la basse manoeuvre politique de lundi, du jamais vu, le summum du summum de la stratégie politicienne !

M. Jacques Grosperrin.  - La faute à qui !

M. Daniel Salmon.  - Cette proposition de loi sera discutée en commission mixte paritaire (CMP) à l'abri des regards et de la démocratie, loin des enjeux de biodiversité.

Ce texte différera peu de celui du Sénat, subordonnant santé publique et biodiversité aux intérêts économiques de court terme : de l'obscurantisme crasse ! (Protestations à droite, applaudissements à gauche)

L'Anses, agence indépendante, qui fait référence, est attaquée.

Les reculs seront dramatiques. La santé des agriculteurs sera altérée, avec de nombreux cancers, maladies de Parkinson, lymphomes et autres maladies professionnelles. Les cancers pédiatriques explosent et sont devenus la deuxième cause de mortalité des enfants. Ces pollutions agricoles conduisent à une pollution diffuse généralisée.

Réintroduire l'acétamipride se paiera au prix fort. Comme pour le chlordécone, nous rechercherons demain les responsables.

Près de 83 % des Français craignent la réintroduction de ce neurotoxique, que vous avez vous-même dénoncée. Que leur dites-vous ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Comme l'a précisé Annie Genevard, ce texte a été retravaillé au Sénat avec le ministère de la transition écologique. Vous connaissez ma prévention sur l'article 2, mais sur tous les autres articles je l'ai fait mien. (On en doute sur les travées du GEST.)

M. Yannick Jadot.  - Pas vous !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Par l'obstruction, votre groupe à l'Assemblée nationale a empêché l'examen et l'amélioration de ce texte. (Protestations sur les travées du groupe SER et du GEST, applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) De sa propre turpitude, on ne peut se prévaloir !

Le Gouvernement a porté un plan Écophyto (M. Daniel Salmon ironise), qui vise à diminuer de 50 % les risques et les usages des phytosanitaires. Il a été assorti de 300 millions d'euros de financement pour trouver des solutions alternatives. (Marques de désaccord sur les travées du GEST) L'utilisation des biocontrôles a bondi de 30 %. Le Nodu (nombre de doses unités), indicateur incontournable, a baissé.

Plutôt que de zoomer sur les difficultés - et vous connaissez mes préventions...

M. Yannick Jadot.  - Et alors ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Le texte n'est pas encore voté : je compte sur votre soutien en CMP. En refusant le débat, vous avez laissé le terrain à ceux qui veulent revenir en arrière. (M. François Patriat applaudit.)

M. Daniel Salmon.  - Cette proposition de loi est un contresens historique. Ces lois fondées sur un soi-disant bon sens sont des insultes à la science. La politique agricole de la France ne se fait pas rue de la Baume, mais entre tous les ministères, sans privilégier les intérêts particuliers. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)

Sabotages électriques dans les Alpes-Maritimes

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un pylône scié à Villeneuve-Loubet, un incendie à Tanneron, un autre à Nice. Bilan : 200 000 foyers privés d'électricité en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Ce sont non pas des dégradations, mais des sabotages, revendiqués par un groupuscule d'extrême gauche. Son objectif ? Perturber le Festival de Cannes, priver de courant Thales Alenia Space, déstabiliser les entreprises de la French Tech, bloquer l'aéroport. Bref, semer le chaos.

Je salue la mobilisation de tous pour contrer ces attaques. Nous devons agir avec force et détermination. Comment comptez-vous mettre hors d'état de nuire ces activistes dangereux et protéger la République, alors que les Alpes-Maritimes accueillent les plus grands événements du monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Plus de 240 000 personnes ont été privées des heures durant d'électricité : 160 000 à Villeneuve-Loubet, 45 000 à Nice, y compris des hôpitaux et des services de santé, mettant en danger la vie de certains.

Nous avons identifié les auteurs : des mouvements anarchistes, d'ultragauche, qui ont agi de façon militante, certes, mais au risque d'occasionner des dégâts majeurs. Les policiers sont mobilisés et les enquêtes sont en cours. Les individus n'ont pas encore été arrêtés, mais Bruno Retailleau a souhaité densifier les patrouilles sur les sites électriques. Nous avons pris contact avec les acteurs chargés de la sécurité des infrastructures électriques, qui ont été reçus place Beauvau.

Ces infrastructures sont stratégiques ; nous les renforcerons à moyen et long termes. À court terme, nous menons une action de renseignement majeure, alors que Nice accueillera prochainement un sommet extrêmement important.

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - Depuis 2020, on ne recense pas moins de 150 sabotages par an : autant d'actions qui pourrissent la vie de nos concitoyens et chefs d'entreprise et ternissent l'image de la France. Ce sont les plus fragiles qui ont payé les conséquences de cette folie antitech - je pense aux enfants malades qui ont vu leur radiothérapie annulée. Merci de traiter, avec Bruno Retailleau, cette menace comme ce qu'elle est : un terrorisme idéologique qui met en danger la population. La République ne pliera pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Agriculture dans les régions ultrapériphériques françaises

M. Stéphane Fouassin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les filières agricoles dans les régions ultrapériphériques (RUP) ultramarines sont dans une situation aussi stratégique qu'alarmante. La concurrence internationale et les prix du fret, des engrais et de l'énergie sont en cause. Je pense aussi à l'inflation, plus forte que sur le continent européen, et aux catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes, comme Chido ou Garance.

Le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Poséi) est un des rares instruments européens en faveur de ces filières - une véritable bouée de sauvetage -, malheureusement contraint depuis 2011 par un plafond budgétaire de 278,4 millions d'euros. Cette stagnation contredit l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui reconnaît la spécificité des RUP et l'exigence d'une adaptation permanente à leurs contraintes.

À l'occasion des négociations sur le nouveau cadre financier pluriannuel européen, quelles démarches le Gouvernement envisage-t-il pour revaloriser le Poséi ?

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Pour les profanes, le Poséi c'est la PAC adaptée à nos outre-mer. Les outre-mer ont besoin d'un accompagnement sur mesure pour tenir compte de leur singularité. C'est un enjeu français et européen.

Les outre-mer font face à de nombreux défis : éloignement, étroitesse des marchés, évolution des modes de consommation et des pratiques agricoles, changement climatique. Il faut absolument préserver une PAC forte et un Poséi renforcé dans le cadre budgétaire européen. Le Gouvernement est pleinement mobilisé à cette fin, et je travaille en liaison avec Annie Genevard et Benjamin Haddad.

Au début du mois, le Parlement européen a adopté une résolution pour prendre en compte les spécificités des RUP et développer le Poséi. Nous nous sommes entretenus avec le commissaire Raffaele Fitto. Avec les parlementaires, dont vous-même, qui êtes très impliqué, nous serons aux côtés des agriculteurs ultramarins. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Attaques de loups en Corrèze

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis le 20 avril, le loup a attaqué cinq fois des troupeaux en Corrèze : dix brebis ont été tuées le 20 avril, huit ovins le 17, trente-cinq brebis le 23, et deux troupeaux de bovins sont en fuite. Les éleveurs sont découragés et révoltés. Les jeunes qui se sont installés ne pensaient pas être confrontés au loup, éradiqué en Corrèze à la fin du XIXe siècle.

Les mesures de prévention et de protection - patous, clôtures électriques, colliers anti-loup - sont sans efficacité. Les troupeaux sont stressés ; les éleveurs vivent une pression psychologique insupportable ; la pérennité des exploitations est menacée.

Il faut reconnaître la Corrèze comme zone difficilement protégeable, afin de pouvoir passer des tirs de défense aux tirs de prélèvement.

Le 7 mars 2025, la convention de Berne a classé le loup en espèce « protégée » et non plus « strictement protégée ». Cela signifie que l'espèce n'est pas menacée de disparition et ouvre la voie à une modification de la réglementation, autorisant des tirs de régulation.

Quand la Corrèze sera-t-elle décrétée zone difficilement protégeable ? À quand des tirs de prélèvement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Loïc Hervé et Laurent Burgoa applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je travaille sur ce dossier depuis plusieurs années. C'est un enjeu majeur pour le maintien de notre élevage, notamment en Corrèze.

En 2024, 4 000 attaques et 11 000 bêtes tuées ou blessées ; au 11 mai 2025, 759 attaques et 2 617 bêtes prédatées. L'État consacre 52 millions d'euros à des mesures de prévention et d'indemnisation. Je préférerais employer cet argent pour soutenir la production alimentaire.

M. Loïc Hervé.  - Évidemment !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Je redis mon total soutien aux éleveurs. Nous devons obtenir le déclassement du loup, car l'espèce est désormais dans un bon état de conservation. Cela devrait être fait le 8 juin. Nous passerons ainsi d'une logique de défense à une logique de régulation.

Il faudra ensuite agir au niveau national. Un projet d'arrêté est en cours de consultation, et achèvera son parcours le 10 juin. Signé par Agnès Pannier-Runacher et moi-même, il permettra les tirs même sans attaque. Nous devons donner des signes puissants à nos éleveurs, qui sont découragés par ces prédations trop nombreuses. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

M. Daniel Chasseing.  - Sans régulation des loups, il y aura disparition de l'élevage. Conséquences : désertification, perte de l'emploi agricole et même de la biodiversité, faute d'entretien des pâturages. Il faut prélever des loups pour prévenir les attaques. Le passage de certaines communes en cercle 1 améliore les aides financières aux éleveurs, mais n'élimine pas le loup. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Comptes sociaux (II)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Vous avez appelé les Français à un effort juste pour rééquilibrer les finances publiques, en présentant une nouveauté, la TVA sociale. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, 28 % de la TVA est affectée à la sécurité sociale, soit 60 milliards d'euros. Est-ce pour autant une TVA « sociale » ? La TVA est l'un des impôts les plus injustes qui soit. La TVA sociale, c'est comme un végan carnivore : ça n'existe pas !

La Cour des comptes alerte sur le montant du déficit : 24 milliards d'euros en 2028. Les déserts médicaux s'étendent, l'hôpital public est en grande difficulté, la situation des urgences est catastrophique, les soignants sont usés, mal rémunérés, les pharmacies rurales disparaissent, les Ehpad publics sont déficitaires, les conseils départementaux asphyxiés. Tout va mal, sauf les bureaucrates et les tableaux Excel qui prospèrent... (Sourires à gauche.)

Jusqu'à ce jour, pour combler le déficit, on n'a utilisé que le Mercurochrome : forfait hospitalier, rabot ici ou là... Résultat, les complémentaires santé ont explosé.

Que comptez-vous faire pour sauver notre système de santé, héritage de la Libération ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Émilienne Poumirol et Silvana Silvani applaudissent également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - L'enjeu, c'est le travail. Le taux d'emploi n'a jamais été aussi élevé depuis 1970, et il peut encore augmenter.

Mme Silvana Silvani.  - Les salaires n'ont jamais été si bas...

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - La sécurité sociale est un acquis intangible, mais fragile. Nous ne devrions pas laisser une telle dette à nos enfants. (M. Guy Benarroche proteste.) Si nous la laissons exploser, il n'y aura plus de sécurité sociale.

Avec Catherine Vautrin, mardi prochain, nous réunirons la commission des comptes de la sécurité sociale. Nous ferons un bilan implacable et complet de l'année 2024, et étudierons toutes les mesures de redressement. L'objectif est de revenir à l'équilibre avant 2029.

Entre 2010 et 2019, la sécurité sociale était à l'équilibre. (M. Guy Benarroche proteste derechef.)

M. Jean-François Husson.  - Que s'est-il passé ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous devrions pouvoir trouver les moyens d'y revenir. Le 15 juin prochain, le comité d'alerte de l'Ondam présentera le déroulement de l'année 2025 ; il a des moyens à disposition pour tenir l'objectif. Nous avons mis en réserve 1,1 milliard d'euros ; on verra si on peut les utiliser. Nous ferons le point avec tous les acteurs, avec pour objectif 5,4 % de déficit.

Nous voulons un pays qui protège les Français, qui n'augmente pas sa dette et qui tienne ses comptes - il y va de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Proposition de loi Trace

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La proposition de loi sur la trajectoire de réduction de l'artificialisation des sols (Trace) a été votée au Sénat en mars 2025, avec 260 voix pour et 16 contre. Sera-t-elle examinée rapidement à l'Assemblée nationale, en procédure accélérée, pour une adoption avant la fin de la session, comme le Premier ministre s'y était engagé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Je conjuguerai : je sais, nous savons, vous savez (sourires) l'importance du sujet, porté par vos collègues Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier. Je salue le travail du Sénat sur cette proposition de loi.

François Rebsamen a affirmé la volonté du Gouvernement de remettre les élus locaux au coeur du dispositif.

Parallèlement, une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale et une mission des inspections sur le financement du ZAN doit bientôt rendre ses conclusions. Il convient de rapprocher les points de vue entre les deux chambres. (Vives protestations à droite)

Patrick Mignola a rappelé l'embolie du calendrier parlementaire. (Mêmes mouvements) Vous attendez un certain nombre de textes - dont celui sur le statut de l'élu, voté ici en mars 2024 (applaudissements sur quelques travées du groupe UC) et qui sera prochainement examiné à l'Assemblée nationale. Patrick Mignola met tout en oeuvre pour que la proposition de loi Trace soit examinée à l'Assemblée nationale à l'automne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ; M. Yannick Jadot s'exclame.)

M. Jean-Marc Boyer.  - Merci au ministre Rebsamen pour sa collaboration constructive. Malheureusement, nous attendons encore l'examen de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale. Amel Gacquerre et moi-même avons travaillé avec votre cabinet, monsieur Bayrou, à trois reprises, et sommes parvenus à un texte équilibré, largement voté au Sénat. Mais depuis trois mois, rien, pas un mot du Gouvernement.

Les élus sont excédés. Pénurie de foncier, blocage des projets de logements, gel des initiatives industrielles : l'acronyme ZAN est devenu un repoussoir. Pourtant, le Sénat a beaucoup travaillé, sans revenir sur l'objectif zéro artificialisation nette en 2050. Avec la proposition de loi Trace, nous passons d'objectifs imposés d'en haut à une trajectoire soutenable.

La défiance gronde. Il y a urgence à inscrire le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en procédure accélérée, comme le Premier ministre s'y était engagé. Vient un moment où le silence devient une faute et l'inaction une faute politique. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Comptes sociaux (III)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Votre Gouvernement a fait adopter par le Parlement un budget de la sécurité sociale en déficit de 22 milliards d'euros, niveau inédit hors période de crise.

Vous aviez balayé notre proposition de retour à l'équilibre en quatre ans, reposant sur des mesures sur les recettes, les dépenses et l'efficience. Aucune discussion n'a été possible en CMP.

Face à ce que le Premier ministre qualifie d'Himalaya, comment comptez-vous éviter à notre sécurité sociale de verser dans le ravin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap .  - Le rapport de la Cour des comptes retrace la situation très tendue de notre sécurité sociale, qui fait l'objet d'un suivi permanent du Gouvernement.

Cette situation s'explique, et nous ne sommes pas hors des crises : la sécurité sociale subit les impacts des crises sanitaire, inflationniste et géopolitique.

Vos propositions ont été écoutées lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui a conduit à une forme d'accord. Il fallait trouver une issue pour préserver notre sécurité sociale.

Nous suivons de près la situation. Nous devrons encore prendre des mesures, parfois difficiles, d'efficience, d'allègement, d'économie, de baisse des dépenses. Cela nécessitera du courage ; nous en discuterons dès juin prochain, puis en 2026.

Face au mur démographique, aux nouveaux besoins qu'entraîne le vieillissement de la population, nous allons devoir nous pencher sur le financement de notre sécurité sociale. C'est tout l'enjeu des discussions demandées par le Premier ministre.

M. Bernard Jomier.  - Je suis assez dubitatif. J'ai relu les propos du Premier ministre : il y a beaucoup de confusion, beaucoup de temps donné à la résolution d'une question pourtant urgente.

Le macronisme était la promesse de revaloriser le travail, or vous avez enrichi le capital. Avec la TVA sociale, mesure d'injustice sociale, vous allez taxer les employés et les ouvriers quand ils font leurs courses. Depuis huit ans, le travail est surtaxé, les héritiers et rentiers sous-taxés. Vous avez transformé la France en pays socialement injuste. Vous êtes au pouvoir depuis huit ans, les parlementaires du socle commun ont adopté le budget de la sécurité sociale - et vous venez nous dire qu'il faut faire preuve de responsabilité ?

Vous ne sauverez peut-être pas la sécurité sociale du ravin, mais votre Gouvernement devra en répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pierre Barros applaudit également.)

Comptes sociaux (IV)

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Le récent rapport de la Cour des comptes tire la sonnette d'alarme sur l'accumulation de la dette sociale. Ce n'est pas une surprise pour nous - ni pour vous, madame la ministre, je l'espère.

La branche maladie porte à elle seule 90 % de ce déficit, soit 13,8 milliards d'euros - il atteindra 17 milliards en 2028. Faute de perspectives de stabilisation, la question de l'efficience se pose.

Sans parler des dérives continues dans l'exécution de l'Ondam, que nous avons souvent jugé insincère. La Cour préconise un pilotage efficace - mais l'Ondam est-il encore pilotable ?

Envisagez-vous des réformes structurelles ? Nous avons entendu vos préconisations sur les recettes, mais qu'en est-il des dépenses ?

M. François Bayrou, Premier ministre .  - (« Ah ! » à droite) Je ferai une réponse à toutes les interventions - aux accusations et contre-vérités entendues.

La situation des finances publiques du pays est catastrophique. Nous sommes devant un mur, une falaise, que nous n'avons pas le droit d'ignorer, devant des problèmes que nous n'avons pas le droit d'éluder.

Mme Silvana Silvani.  - Nous ne les éludons pas !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - J'ai dit qu'avant le 14 juillet, le Gouvernement proposerait un plan général de retour à l'équilibre des finances publiques. Aucune des mesures qui le composeront n'est pour l'heure arrêtée. À la question de savoir si la TVA sociale est écartée, je réponds que pour l'heure, rien ne l'est.

M. Bernard Jomier.  - Eh ben...

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Il faudra repenser totalement le financement de notre modèle social. D'ailleurs, les partenaires sociaux réunis en conclave ont émis cette idée. Ils s'en saisiront peut-être.

La première nécessité est de revaloriser le travail. Le gouvernement d'Élisabeth Borne a baissé les charges sur le travail.

M. Mickaël Vallet.  - Les cotisations !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Nous n'avons pas laissé les difficultés s'accumuler sans rien faire !

Je vous le dis, nous donnerons au pays, avant le 14 juillet, un plan global de retour à l'équilibre. C'est l'engagement du Gouvernement.

M. Yannick Jadot.  - Grosse promesse !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Ne laissons pas s'accréditer des idées fausses, il y va de la qualité du débat public. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Bruno Sido applaudit également.)

Mme Corinne Imbert.  - Merci d'avoir pris le temps de nous répondre, monsieur le Premier ministre. Oui, la situation est catastrophique. En 2019 l'Ondam était à 200 milliards d'euros ; en 2025, à 256 milliards. Soit 56 milliards d'euros de plus - pour quels résultats ? Les Français ont-ils l'impression que le système de santé va mieux ? Pas sûr.

Faut-il responsabiliser tout le monde ? Oui. Mieux négocier le prix des médicaments innovants ? Certainement. Demander plus d'efforts aux Français ? J'en suis moins sûre. Nous ne voulons pas d'augmentation d'impôts. Il faut responsabiliser, payer le juste prix et trouver une soutenabilité financière de notre système social, notamment de l'assurance maladie, car l'aggravation du déficit nous conduit à une dette à perpétuité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Ambitions chinoises dans le Pacifique

Mme Lana Tetuanui .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question mes collègues de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna.

Le comité spécial des Vingt-Quatre (C24) des Nations unies vient de se réunir au Timor oriental pour évoquer une énième fois la décolonisation de nos territoires - en présence d'élus indépendantistes polynésiens et calédoniens, avec la connivence des États indépendants du Pacifique et sous l'oeil bienveillant de Bakou.

La Chine réunit en ce moment à Xiamen les chefs de la diplomatie des onze pays du Pacifique pour édifier une communauté de destin plus étroite. Les propos troublants du porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères ont été relayés dans tous les médias de la région, et je ne citerai pas tous les investissements chinois colossaux dans la zone.

Nous sommes inquiets de cette agitation. Que fait notre France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette question. J'échange régulièrement avec le ministre des outre-mer.

La France a développé avec le C24 des Nations unies une relation de travail approfondie sur la Nouvelle-Calédonie, dans le respect de l'accord de Nouméa, mais ne reconnaît pas sa compétence sur la Polynésie française, réinscrite comme territoire non autonome en 2013. La proposition non consensuelle d'y accueillir le séminaire du C24 en 2027, sans concertation préalable, ne recueille pas notre soutien.

Comment répondre à l'influence de puissances régionales dans les îles du Pacifique, particulièrement françaises ? En y projetant notre puissance. Depuis janvier, le porte-avions Charles de Gaulle - accompagné d'un sous-marin nucléaire d'attaque, de bâtiments de lutte anti-sous-marine et de défense aérienne, d'un bâtiment ravitailleur et d'un groupement aérien embarqué - y a réalisé des exercices avec des armées partenaires, en Indonésie avec neuf autres pays, avec l'armée de l'air australienne, avec le Japon, enfin avec la marine indienne.

Actuellement, le Président de la République est en déplacement dans la région. Après le Vietnam, il est en Indonésie et sera en fin de semaine à Singapour.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - La France est une nation indo-pacifique dont l'objectif est la sécurité, le développement du multilatéralisme, la coopération sur le climat. Le Forum des îles du Pacifique sera convié à la troisième conférence des Nations unies sur l'Océan, qui se tiendra la semaine prochaine à Nice. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Lana Tetuanui.  - La Chine est à nos portes. Il est impératif que la France affirme sa place de toute urgence, avant qu'il ne soit trop tard - à moins que la France n'envisage de saboter elle-même son porte-avions du Pacifique immatriculé en Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna ! (Applaudissements et plusieurs « Bravo ! » sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Accord sur la pêche entre l'Union européenne et le Royaume-Uni

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À quelques jours de l'ouverture de la troisième conférence des Nations unies sur les Océans à Nice, la filière pêche est en alerte, après de nombreux chocs : Brexit, explosion des charges, normes européennes, restrictions environnementales, difficultés à décarboner. Pour la Manche et la mer du Nord, l'accord du 19 mai entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prolonge jusqu'en 2038 l'accès de notre flotte aux eaux britanniques. Mais ne crions pas victoire : l'accord offre de la visibilité, pas de la stabilité.

Sur la côte ouest de la Manche, l'incertitude demeure. Jersey n'a toujours pas validé l'accord, et les aires marines protégées décidées unilatéralement par le Royaume-Uni sont interdites à nos pêcheurs.

Les licences post-Brexit doivent perdurer et demeurer gratuites. Quant aux contreparties commerciales, il faut encore les concrétiser.

Protéger la mer, c'est protéger contre la pêche illégale, mais aussi défendre ceux qui pratiquent une pêche raisonnée et responsable.

Comment garantir une reconduction pérenne des licences françaises et des quotas en eaux britanniques, et empêcher que les aires marines soient un prétexte à l'exclusion de nos pêcheurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - La France et l'Europe ont obtenu une grande victoire diplomatique la semaine dernière sur l'accord post-Brexit. Je voulais donner de la visibilité et de la stabilité à nos pécheurs, éviter que nous ayons à renégocier chaque année l'accès aux eaux britanniques. La position de la France était constante : pas d'accord global avec le Royaume-Uni sans accord sur la pêche. Nos pêcheurs français sont désormais protégés jusqu'en 2038, sans remise en cause des licences, pour aller dans les eaux britanniques.

Mais le travail n'est pas fini : je vais m'assurer des textes publiés et de la mise en oeuvre concrète de l'accord. Je veillerai aux mesures techniques : aires marines protégées, taille des filets, type d'engins autorisés - ces freins prétendument techniques empêchant les pêcheurs de travailler.

Dans la Manche, la coopération avec les îles Anglo-Normandes est essentielle. Le dialogue se poursuit. J'ai rencontré le gouvernement de Jersey la semaine dernière, avec le président de la région Normandie, en lien avec celui de la région Bretagne. Vous pouvez compter sur moi.

Mme Béatrice Gosselin.  - Merci pour la côte de la Manche.

Mais la déclaration du Premier ministre, lundi, selon laquelle « le littoral paie le littoral », inquiète. La solidarité nationale, belle valeur française, sera-t-elle mise à mal ?

Salut à une délégation du Parlement estonien

M. le président.  - (Mmes et MMles sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.) Je salue une délégation du Parlement estonien, conduite par Kristo Enn Vaga et accompagnée par notre collègue Olivier Cadic.

C'est l'occasion pour nous d'exprimer à l'Estonie notre solidarité, car nous connaissons ses interrogations, voire ses angoisses, avec un voisin particulièrement encombrant.

Je souhaite à cette délégation la bienvenue au Sénat. (Applaudissements)

Questions d'actualité (Suite)

Situation humanitaire à Gaza

M. Adel Ziane .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Gaza est plongée dans une terrible descente aux enfers. La reprise des frappes israéliennes en mars a fait plus de 3 500 morts et constitue un dramatique retour en arrière pour les femmes, les jeunes, les journalistes, les associations humanitaires et les otages israéliens eux-mêmes. Après deux mois de blocage de l'aide humanitaire, la famine s'installe.

Cette escalade de la violence depuis l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre résulte de la stratégie assumée du gouvernement d'extrême droite de Benjamin Netanyahu : « plan de conquête », « déplacement massif de population », « destruction complète de Gaza ». Ces mots sont inqualifiables.

Pourtant, les sociétés civiles israélienne et palestinienne se mobilisent : le 9 mai, à l'occasion du Sommet des peuples pour la paix à Jérusalem, l'ex-Premier ministre israélien Ehud Olmert et l'ancien chef de la diplomatie palestinienne Nasser al-Qidwa ont présenté un plan de paix pour ne pas laisser les extrémistes décider de l'avenir.

L'heure n'est plus aux déclarations de principes. La Cour internationale de justice (CIJ) a évoqué un risque de génocide à Gaza voilà un an. Nous y sommes ! (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Francis Szpiner.  - Pas du tout !

M. Adel Ziane.  - Quelles mesures concrètes la France compte-t-elle prendre pour protéger la population à Gaza, obtenir un cessez-le-feu immédiat et la libération des otages israéliens ? Où en sont les discussions sur la reconnaissance de l'État de Palestine évoquée par le Président de la République dans la perspective de la conférence internationale aux Nations unies de juin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDSE)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vous avez décrit la situation tragique à Gaza, avec des mots justes. Que peut la France dans l'immédiat ? Nous avons soutenu l'initiative des Pays-Bas appelant la Commission européenne à examiner le respect par Israël de l'article 2 de l'accord d'association, qui exige le respect des droits de l'homme.

De plus, nous nous tenons prêts à prendre des sanctions si la colonisation violente devait se poursuivre en Cisjordanie. Au-delà, la France, comme les sociétés civiles que vous avez citées, soutient qu'aucune solution militaire n'apportera la paix et la stabilité dans cette région, mais seulement une solution politique.

Chacun a une clé en main. La France a celle de la reconnaissance de l'État de Palestine. L'autorité palestinienne doit avancer dans son chemin de réorganisation. Les pays arabes détiennent la clé de la normalisation de leurs relations avec Israël et l'acceptation d'une architecture régionale de sécurité. Enfin, l'une des clés est le désarmement définitif du Hamas, qui doit être exclu de toute gouvernance à Gaza. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)

M. Adel Ziane.  - La France a un rôle à jouer dans ce conflit. Le momentum construit par le Président de la République a suscité un espoir immense, sans issue pour l'heure : le chaos risque de perdurer. En 2014, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté des résolutions pour reconnaître l'État de Palestine. Il est temps d'avancer dans la voie des deux États. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et sur quelques travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Rapport de la Cour des comptes sur l'enseignement primaire

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Cour des comptes vient de commettre un rapport sur l'enseignement primaire dénonçant « une organisation en décalage avec les besoins de l'élève ».

Son Premier président Pierre Moscovici a parlé d'un niveau trop bas : nous sommes derniers dans l'évaluation Timss (Trends in Mathematics and Science Study) et avant-derniers dans l'évaluation Pirls (Programme international de recherche en lecture scolaire) pour la compréhension du français. Ces constats rejoignent ceux du Sénat.

Notre financement du primaire est inférieur à la moyenne de l'OCDE. Avec Colombe Brossel et Annick Billon, nous travaillons sur le maillage territorial des établissements scolaires.

Il y a un principe dans l'évaluation d'une politique publique : la contradiction. Or le ministère de l'éducation nationale n'a pas répondu dans les délais à la Cour des comptes. Pourquoi ?

Quelle est votre vision pour l'enseignement primaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le rapport de la Cour des comptes traite d'un sujet absolument essentiel : le lieu où nos élèves doivent acquérir les savoirs fondamentaux et les compétences qui les accompagneront toute leur vie. La date limite de réponse était début janvier et il y a eu des épisodes politiques que chacun peut avoir en tête...

Ce rapport fait état de constats largement partagés, mais il est assez peu nuancé. Il ne souligne pas ce qui va bien. Certaines recommandations formulées sont d'ores et déjà mises en oeuvre avec beaucoup de motivation par mon ministère, notamment la réforme du recrutement et de la formation initiale des professeurs, qui sera mise en place au printemps 2026.

Le rapport pointe l'importance du travail avec les collectivités territoriales. Or les projections à trois ans réalisées dans les observatoires des dynamiques rurales que j'avais lancés permettent aux collectivités d'anticiper. Je sais que vous réalisez actuellement une mission d'information sur le maillage territorial des établissements scolaires et je serai naturellement très attentive à vos propositions. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Jacques Grosperrin.  - Depuis 2022, il y a eu six ministres. L'un d'eux était très porté sur la laïcité... bienveillante, un autre sur la communication, et pour trois d'entre eux, on ne se souvient pas de ce qu'ils ont fait. (Mme Colombe Brossel rit de bon coeur.)

M. Mickaël Vallet.  - Nous non plus...

M. Jacques Grosperrin.  - Nous attendons tous une refondation structurelle de l'école et de l'enseignement scolaire. Vous êtes ministre d'État ; cela vous honore, mais cela vous engage. (Mme Elisabeth Borne en convient ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Stockage des déchets du site de StocaMine

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un arrêté préfectoral vient d'acter l'interdiction de consommer l'eau provenant de la zone de captage autour de l'aéroport Bâle-Mulhouse contaminée aux PFAS. À 30 kilomètres de là, 42 000 tonnes de déchets toxiques sont entreposées dans l'ancienne mine de potasse StocaMine, située sous la plus grande nappe phréatique d'Europe.

L'État a fait confiance à des études erronées pour confiner ces déchets. En 2023, à peine l'enquête publique terminée, on apprenait que les cuvelages des puits, ces gaines de fonte qui empêchent l'eau de la nappe d'y pénétrer, étaient extrêmement corrodés et sur le point de rompre. Si cette rupture arrive avant 300 ans, c'est-à-dire avant que les bouchons de béton soient totalement hermétiques, une arrivée massive d'eau noiera les déchets dans une soupe ultratoxique propulsée dans la nappe phréatique d'Alsace, rendant l'eau impropre à toute consommation.

Pourquoi ne demandez-vous pas aux auteurs des études de fournir une nouvelle étude tenant compte de l'état réel des cuvelages ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Je vous remercie de cette question sur ce sujet important, qui tient à coeur aux élus de votre département.

Dans la continuité de mes prédécesseurs, Élisabeth Borne et Christophe Béchu, mon seul objectif est la protection à long terme de la nappe d'Alsace par un confinement sûr.

Ces décisions ont été confortées par 134 études et expertises, toutes concordantes. Le Parlement a demandé en 2024, dans le cadre du PLF pour 2025, une expertise supplémentaire sur l'ennoyage futur de la mine. Cette volonté parlementaire sera respectée - je le dis à M. le rapporteur général. Le travail est en cours. Des échanges ont eu lieu avec les équipes du ministère pour cadrer l'expertise et intégrer tous les éléments techniques. Cette expertise sera confiée à des experts indépendants n'ayant jamais travaillé sur ce sujet, dont des experts étrangers.

Notre objectif est toujours la protection de la nappe d'Alsace et la protection des travailleurs. (Mme Patricia Schillinger et M. Marc Laménie applaudissent.)

Mme Sabine Drexler.  - Aucune des 134 études ne tient compte de l'état réel des cuvelages.

Les élus d'Alsace veulent qu'on leur restitue une terre saine, comme avant l'entreposage des déchets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. André Reichardt.  - Bravo !

Frères musulmans à Marseille

M. Stéphane Ravier .  - La semaine dernière, on a appris qu'il existait des islamistes en France ! Ce n'est pas une découverte pour moi, qui alerte dans l'indifférence depuis des années. Mon islamophobie prétendue d'hier est devenue la réalité d'aujourd'hui. Dont acte.

Dès 2019 j'organisais une conférence de presse dans le parc Chanot de Marseille pour demander l'interdiction de la réunion des radicaux de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) - demande classée « verticale poubelle » par le préfet. En 2019, devenus Musulmans de France, ils déclaraient, au moment de son expulsion, que l'imam Iquioussen était un homme de paix et de dialogue, lui qui nie le génocide arménien, qualifie Ben Laden de grand défenseur de l'islam, ou affirme que les attentats de Merah étaient des pseudo-attentats dirigés contre les musulmans.

Le président de cette instance n'est autre que Mohsen Ngazou, directeur du collège-lycée Ibn Khaldoun dans le 15e arrondissement de Marseille, établissement ciblé par le fameux rapport. Cela n'a pas empêché le maire de Marseille, Benoît Payan, flanqué de sa troisième adjointe, Samia Ghali, de lui rendre visite. Pourtant, il a reçu des fonds saoudiens et fait la promotion du voile islamique comme un signe de liberté et non de soumission.

Je ne demande pas de dissoudre les Frères musulmans, qui utilisent des associations-écrans. C'est à elles qu'il faut s'attaquer. Je vous en offre deux sur un plateau : Ibn Khaldoun et Musulmans de France. C'est simple, clair, précis. Monsieur le ministre, allez-vous entamer des procédures pour les fermer ? Passerez-vous des paroles aux actes ? (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le verbe haut ne suffit pas ; depuis de nombreuses années, nous avons décelé les actions des islamistes les plus radicaux. Encore fallait-il pouvoir en vérifier l'organisation et les moyens mis en oeuvre. Le rapport, demandé par le Président de la République, a permis de documenter exactement la situation. Cette étape est fondamentale face à cette organisation qui tente à bas bruit de détruire notre République.

Nous pouvons désormais mettre en place des mesures législatives que nous vous proposerons sous peu et lancer des enquêtes afin de confirmer ce que vous nous dites ou ce que d'autres nous disent.

Élus, fonctionnaires, population, chacun doit connaître la manière dont les choses se passent, protégées par le silence. Un principe inspiré de ma profession est : un argument, une pièce. C'est la seule façon de lutter de façon ferme contre ceux qui veulent détruire la République. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.

Mises au point au sujet de votes

Mme Béatrice Gosselin.  - Au scrutin public n°292, Sabine Drexler, Elsa Schalck et Michel Savin souhaitaient voter pour.

Au scrutin public n°293, Alexandra Borchio Fontimp, Florence Lassarade, Sylvie Goy-Chavent et Michel Savin souhaitaient voter pour.

Acte en est donné.

Terres rares et matériaux critiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Terres rares et matériaux critiques : quel potentiel dans les territoires français et quelle stratégie pour renforcer notre approvisionnement ? », à la demande du Rassemblement Démocratique et Social européen.

M. Philippe Grosvalet, pour le RDSE .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium, scandium et yttrium : ce sont les dix-sept terres rares, dont l'extraction est coûteuse et polluante, mais dont les propriétés magnétiques et catalytiques sont exceptionnelles. La notion de matières critiques renvoie à un ensemble plus large identifié par l'Union européenne.

Ces ressources sont la base de notre modernité : écrans, disques durs, fibre optique, etc. Le secteur de la défense comme celui de la santé en ont besoin. De ces matières dépend notre capacité à transiter vers les technologies bas-carbone.

La première approche est géopolitique : qui les possède, les raffine et les exporte ? Quelque 394 000 tonnes de terres rares ont été extraites en 2024, majoritairement en Chine - qui en extrait 69 % et en raffine 90 % -, mais aussi aux États-Unis, en Birmanie et en Australie. L'Union européenne dépend à 100 % de la Chine pour les terres rares lourdes. Pour les matières premières critiques, la Turquie fournit 99 % des besoins européens en bore et l'Afrique du Sud 71 % pour le platine.

Pour sécuriser l'accès à ces ressources, l'Europe s'est fixé d'ambitieux objectifs à l'horizon 2030. Mais nos dépendances sont autant de leviers de pression géopolitiques et économiques.

Voilà quinze ans, la Chine faisait pression sur le Japon en suspendant ses exportations de terres rares. Aujourd'hui, elle fait pression contre les États-Unis de Trump avec sept terres rares. Et les terres rares ukrainiennes sont au coeur des négociations.

La maîtrise européenne de l'extraction et du raffinage de ces ressources est donc une question de souveraineté. La France est un géant minier en sommeil. Depuis les années 2010, le problème est identifié au niveau européen, avec la constitution d'une liste de matières premières critiques. Une alliance européenne pour les matières premières a été créée en 2020. En mars 2024, le Conseil européen a adopté une réglementation sur les terres rares critiques. En mars 2025, Bruxelles a approuvé 47 projets sur le sol européen.

L'extraction de ces ressources n'est pas propre : il faut des acides pour purifier les métaux et les besoins hydriques de ces activités sont immenses. Et alors que la transition énergétique exige un doublement de la production de métaux rares sur les quinze prochaines années, que l'humanité consommera lors des trois prochaines décennies autant de métaux que depuis son avènement, ces enjeux environnementaux doivent nous interroger sur notre manière de consommer et nous devons aller vers plus de sobriété, d'efficacité énergétique et de recyclage. Seulement 1 % des terres rares sont recyclées, avec des processus énergivores, coûteux et polluants.

Quels choix stratégiques opérer ? Sur quelles dépendances devons-nous agir ? Devons-nous rétablir une activité minière en France ? Pour quels bénéfices et à quel coût ?

Le Golfe a son pétrole, la Chine ses terres rares, disait Deng Xiaoping en 1992. Qu'auront la France et l'Europe ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.  - La question des terres rares est une question géopolitique, caractérisée par une situation quasi monopolistique et des risques de dépendance.

La France est active, mais il faut une dynamique européenne. Sur le modèle du Inflation Reduction Act (IRA) américain, nous devons établir des critères de contenu local et une préférence européenne. Notre réponse doit être à la hauteur des enjeux notamment environnementaux.

L'Europe n'est pas qu'un marché intérieur de consommateurs, elle doit aussi redevenir une puissance industrielle de producteurs, pour garantir une économie prospère et souveraine, dans laquelle on produit, exporte et recycle des métaux.

Mme Maryse Carrère .  - À l'heure du développement de l'IA, le besoin en matières premières critiques n'a jamais été aussi important. Un journal allemand le disait : aucune technologie n'est aussi gourmande en ressources que l'IA. Certains craignent une guerre froide des matières premières, d'autres évoquent l'exploitation de la lune.

La Commission européenne a prévu 47 projets stratégiques pour sécuriser les approvisionnements et garantir l'indépendance de l'Union. Le but est qu'au moins 10 % de matières stratégiques soient extraites, 40 % transformées et 25 % recyclées sur son territoire, d'ici à 2030.

Le défi qui nous attend est colossal : se réapproprier les ressources, être capable de les transformer et de les recycler. Notre savoir-faire progresse, et notre continent a des atouts, au Groenland, en Suède, en Norvège, mais aussi en France - avec deux sites de lithium.

Mais cela pose des questions environnementales, car les sites miniers sont coûteux en énergie, eau, produits chimiques et biodiversité.

La France peut devenir un leader, avec des outils de pointe, comme l'usine de Lacq, et un savoir-faire minier et métallurgique, comme dans l'usine Imerys dans les Hautes-Pyrénées. L'industrie de l'armement est aussi grande consommatrice de ces métaux, aussi convient-il de renforcer notre indépendance technologique et stratégique.

La France peut être leader en Europe, avec ses neuf sites sélectionnés. Nous devons nous y préparer et relancer nos usines minières et sidérurgiques, avec la création de l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi) et l'élaboration d'une feuille de route.

Pour ne pas être le colosse aux pieds d'argile, la France et l'Europe doivent préparer le nouvel Airbus des matières premières critiques. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Stéphane Fouassin applaudit également.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Oui, nous devons agir en Européens. Le Gouvernement a contribué au Critical Raw Material Act, qui a fixé un cap : 10 % d'extraction locale, 25 % de recyclage et 40 % de raffinage.

Une plateforme d'approvisionnement en métaux stratégiques a également été mise en place. La France soutient cette initiative, mais demande des garanties, notamment sur les enjeux environnementaux. Cela permettra des achats groupés à des prix préférentiels, de constituer des stocks stratégiques et de mener des projets industriels d'envergure.

On compte neuf projets français labellisés sur les vingt et un déposés : c'est un bon taux de succès.

M. Ludovic Haye .  - Nous sommes à un tournant. La situation géopolitique, les bouleversements technologiques dans les domaines de l'énergie, de la mobilité, de la défense, du numérique et de l'intelligence artificielle rendent notre adaptation urgente, voire existentielle.

Nous avons besoin de batteries, d'éoliennes, de supercalculateurs, de circuits électriques, d'aimants, etc. Or toutes ces technologies sont extrêmement consommatrices en terres rares et matériaux critiques.

Nous devons sécuriser nos approvisionnements. Ces ressources sont le pétrole du XXIe siècle. La course aux matières premières a démarré : voyez l'Ukraine ou le Groenland, qui suscite l'appétit du président Trump.

L'Europe est dans une situation de dépendance : 90 % du raffinage est réalisé en Chine, qui dispose d'un quasi-monopole sur tous les maillons de la chaîne de valeur ; c'est un levier d'influence et une arme géopolitique. Si nous voulons que la France et l'Europe restent crédibles, nous devons maîtriser nos approvisionnements.

Des initiatives structurantes ont été lancées, mais il faut une politique offensive d'autonomie stratégique. Dans le cadre de France 2030, Bpifrance a lancé un appel à projets, permettant l'émergence de dizaines de projets industriels. La Commission européenne a adopté le Critical Raw Material Act et retenu 47 projets, dans treize États membres, dont la France. Mais nous avons besoin d'une véritable stratégie.

Un premier levier est de mieux utiliser ce que nous avons déjà. Beaucoup d'industriels n'optimisent pas leur usage. Or nous devons être plus sobres by design, c'est-à-dire dès la conception.

Un deuxième levier est l'ouverture de nouvelles capacités minières. Il faut accepter des mines d'extraction en France et en finir avec l'hypocrisie qui conduit à délocaliser les dégâts environnementaux et les atteintes aux droits humains en Afrique et en Asie. Ce n'est pas une question d'idéologie, mais de cohérence et de justice environnementale. L'Europe doit montrer l'exemple d'une extraction responsable.

Un troisième levier est le développement du recyclage. Or moins de 1 % sont recyclés, car les cours de ces matériaux sont trop bas et le recyclage trop peu rentable, car coûteux en main-d'oeuvre.

Nous devons faire de la France et de l'Europe des leaders sur les matières stratégiques, ce qui suppose de nouvelles filières industrielles, ainsi que des compétences et des infrastructures adaptées. Il faut passer d'une logique de gestion des déchets à une logique d'approvisionnement en ressources critiques.

Quatrième levier, la diversification de nos approvisionnements. Il faut diversifier nos partenariats avec des accords durables avec des pays amis comme le Canada, l'Australie, le Chili et nos partenaires asiatiques et africains. Ce friend shoring nous évitera une dépendance exclusive avec la Chine. Il s'agira d'aller au-delà de la seule importation, avec une attention à la formation, aux transferts de technologies et au développement durable. Nous devons avoir une diplomatie des matériaux stratégiques, comme nous avons su le faire avec l'énergie.

Le cinquième et dernier levier est la recherche scientifique. Grâce à nos laboratoires, écoles d'ingénieurs et start-up, nous devons inventer ce que d'autres n'ont pas encore imaginé.

Les terres rares sont un enjeu de crédibilité, de souveraineté, voire de civilisation. Faisons en sorte que la France ne soit pas spectatrice, mais actrice de cette révolution industrielle et numérique. (Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Oui, nous assistons à une course aux matières premières. C'est bien un enjeu de souveraineté.

Le 30 novembre 2023, un partenariat stratégique a été conclu entre l'Union européenne et le gouvernement du Groenland pour développer des chaînes de valeur durables des matières premières.

La France ne doit pas être discriminée pour ses investissements en Ukraine. Nous sommes attachés à renforcer nos liens économiques avec l'Ukraine.

Un appel à projets sur le recyclage a été lancé, doté d'une enveloppe de 120 millions d'euros, pour encourager des projets de recherche. Des investissements couvrant des projets portant sur toute la chaîne - extraction, transformation et recyclage - ont également été lancés.

Mme Marianne Margaté .  - Merci au groupe RDSE de nous permettre de débattre de ces dix-sept métaux stratégiques qui cristallisent les paradoxes de nos sociétés contemporaines : concilier décarbonation de notre économie, autonomie industrielle et préservation des écosystèmes.

Cela révèle les contradictions d'un modèle de transition fondé sur une exploitation minière intensive et externalisée vers des zones à faible protection sociale et environnementale. En France, la recherche publique minière et métallurgique a régressé. Notre stratégie a été axée sur la substitution technologique et non la sobriété.

La Chine contrôle 86 % de la production mondiale, et 90 % des capacités de raffinage. En 2010, la réduction des quotas d'exportations chinoises a provoqué une flambée des prix.

L'Union européenne, qui importe 98 % de ses terres rares depuis la Chine, voit sa transition verte menacée. Aussi, a-t-elle fixé des objectifs contraignants d'ici à 2030 et noué des partenariats stratégiques avec d'autres pays. Mais cela peine à contrebalancer l'hégémonie chinoise.

L'extraction majoritairement à ciel ouvert entraîne des dégradations écologiques et des atteintes aux droits humains. Pire, le partenariat entre l'Union européenne et le Rwanda nous rend complices de crimes de guerre. Le capitalisme extractiviste reproduit les logiques coloniales.

Promouvoir le Green Deal européen et continuer l'importation massive dans des conditions non durables est une contradiction que nous ne pouvons soutenir. En effet, le règlement Reach, bien que strict sur les substances chimiques, ne s'applique pas aux procédés miniers extraterritoriaux.

Face à ces enjeux, l'Union européenne mise sur la relocalisation partielle de la production avec 47 projets miniers stratégiques dans 13 États membres. Mais cela suppose une maîtrise publique de l'ensemble de la chaîne de valeur, et devrait se faire, en France, sous l'égide du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), avec des garanties sociales et environnementales de haut niveau.

Alors que moins de 1 % des terres rares sont recyclées, il faut examiner les procédés de fabrication, responsabiliser les fabricants, développer l'économie circulaire et impliquer les citoyens via des conventions climat régionales. Mais surtout, il faut surtout repenser la maîtrise de la demande, comme pilier de la transition et non comme une contrainte. La sobriété est la condition sine qua non d'une transition durable.

La France ne devrait-elle pas être partie prenante de la recherche minière dans le monde ? Ne faudrait-il pas des règles comparables à celles l'Union européenne partout dans le monde, s'agissant tant de l'extraction que du recyclage ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Vous le dites : nous devons concilier différents enjeux. Notre objectif est la souveraineté, afin d'aller vers la transition écologique.

Vous avez posé la question de la sobriété. À chaque fois qu'il est possible de réduire la pression sur les ressources, cela doit être la priorité. C'est le sens de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, avec l'indice de réparabilité.

Nous devons favoriser la substitution des matières premières critiques, limiter l'intensité matière des produits et orienter la consommation vers des produits et des services plus économes en ressources minérales. Il y a un enjeu de partage des ressources avec les générations futures.

Mme Marianne Margaté.  - En 2023, une déclaration d'intention sur les métaux critiques a été signée entre la France et la République démocratique du Congo (RDC). Mais selon nous, elle aurait dû prévoir la transformation des matières premières en RDC même, au bénéfice du développement économique du pays et de la population.

M. Daniel Salmon .  - Les métaux sont devenus un enjeu géopolitique et de souveraineté économique et industrielle. La course s'intensifie chaque jour davantage. Dans une société où l'on produit toujours plus, la demande en matières premières critiques risque d'être multipliée par quatre d'ici à 2040 ! La transition énergétique et la digitalisation redessinent l'économie mondiale.

Mais la France et l'Europe manquent d'une stratégie d'approvisionnement cohérente. Nous avons laissé la Chine prendre le monopole de la chaîne de valeur des métaux, grâce à des coûts de production réduits, fondés sur des normes sociales et environnementales moins-disantes.

La France et l'Union européenne doivent assumer de produire sur leur sol les matériaux critiques dont elles ont besoin. C'est indispensable pour notre transition.

Selon le BRGM, la consommation de terres rares va augmenter de 8 % par an. Nous avons donc besoin de nouvelles mines, ainsi que de sites de transformation et de recyclage, car l'extraction chez nous évite d'autres extractions bien pires ailleurs.

Il faut néanmoins un encadrement strict, car l'extraction n'est jamais propre : déchets, produits chimiques, énergie, eau. Aucun projet minier ne doit pouvoir se faire dans une zone classée au plan environnemental ni dans les fonds marins.

Le renforcement de la réglementation sociale et environnementale est indispensable pour garantir la soutenabilité écologique des produits miniers et en assurer l'acceptabilité sociale.

L'autre enjeu fondamental est bien de rationaliser la consommation, sans compromettre la satisfaction de nos besoins essentiels. Il n'est pas interdit de questionner l'utilité de certains produits. Dans un monde aux ressources finies, le gaspillage ne peut perdurer éternellement.

On doit s'interroger sur le mode de consommation actuel et le volume total de la demande en métaux. La sobriété est un levier essentiel pour répondre en partie à l'équation : sobriété dans la consommation et les usages, mais aussi dans les dimensions des produits. On peut fabriquer par exemple les batteries de deux citadines et non d'un seul SUV avec la même quantité de lithium.

Enfin, la recherche doit nous permettre de trouver de nouvelles manières d'extraire plus proprement les terres rares et de réduire notre dépendance à certains métaux.

Les écologistes sont cohérents - comme toujours ! Relancer l'extraction est nécessaire, mais cela nécessite une vraie planification.

Comment concilier les enjeux de souveraineté et d'autonomie stratégique avec les impératifs écologiques ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - La politique nationale des ressources et des usages du sous-sol vise à sécuriser les approvisionnements français en ressources minérales et à réduire notre dépendance aux importations. Notre objectif est de réindustrialiser la France, en établissant un inventaire minier, pour exploiter le cas échéant, tout en développant des partenariats à l'international.

Nous voulons respecter les meilleurs standards environnementaux. Plusieurs programmes visent à réduire les impacts environnementaux. Les réglementations française et européenne sont parmi les plus exigeantes au monde.

M. Daniel Salmon.  - À Orléans, avec la commission des affaires économiques, nous avons visité le BRGM et nous avons eu le tournis : nous avons extrait au XXe siècle la même quantité de ressources que pendant toute l'histoire de l'humanité précédente !

Assumons sur notre sol ce dont nous avons besoin. Mais pour que les populations acceptent, il faudra faire des choix. Or choisir c'est renoncer. L'empreinte du numérique est là : il faudra donc renoncer à des biens éphémères dans le numérique.

M. Franck Montaugé .  - D'une dépendance à l'autre, du pétrole à l'électricité. Nous devons analyser le cycle de vie complet des processus et les conséquences sur le long voire très long terme.

Au mitan des années 1970, la France a laissé péricliter son industrie de production. Les ressources minières ont été plus que négligées et nous nous réveillons en constatant notre dépendance quasi totale vis-à-vis d'autres pays du monde. La Chine est au monde décarboné en gestation ce que l'Opep est aux énergies fossiles.

Dans notre état de dépendance structurelle aux matières premières critiques, il n'y a pas de sens à viser l'autonomie stratégique, nous ne pouvons parler que de moindre dépendance.

Il faut rendre au BRGM le rôle et les moyens qui furent les siens dans les années 1970.

Que prévoyez-vous en matière de prospection des gisements de matériaux critiques en Alsace, en Bretagne et dans l'Allier ? L'hydrogène natif dans les Pyrénées pourrait y être ajouté.

Quid du recyclage ? Où seront les usines ?

Le concept de mine propre, qui me laisse dubitatif, est-il à suivre ?

Qu'en est-il des populations victimes des mines, en Chine, en RDC ? Des hommes, femmes et enfants y sont exploités jusqu'à la mort. La France a-t-elle quelque chose à dire sur ces conditions d'exploitation parfaitement connues et leurs conséquences humaines et environnementales ?

Nos objectifs européens d'amélioration de notre autonomie sont ambitieux. Pour y parvenir, l'Union européenne dit vouloir intensifier ses relations commerciales, dans le cadre d'un club des matériaux critiques regroupant des pays partageant les mêmes valeurs. Elle dit aussi vouloir renforcer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et lutter contre les pratiques commerciales déloyales.

Mais ce cadre, fixé il y a deux ans, me laisse songeur, en particulier s'agissant de l'OMC. Le contexte géopolitique actuel, fait d'agressions de toutes parts, n'en fait qu'une simple déclaration d'intention.

Quelle place pour la production française ? Quelle proposition la France porte-t-elle afin qu'une moindre dépendance aux matériaux critiques ne soit pas qu'une chimère ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Nous avons quelques projets de raffinage -  nous n'avons pas de terres rares. Le projet Carester couvrira 10 à 12 % des besoins mondiaux avec 15 % de matériaux recyclés. Un autre projet de recyclage en boucle courte, celui de Magreesource pour les aimants, est également engagé. Et Solvay a inauguré en avril une nouvelle ligne de production à La Rochelle.

Dans le cadre de France 2030, nous avons contribué au déploiement de 34 projets, qui satisferont 70 % de nos besoins industriels en aluminium en 2030, 100 % pour les terres rares lourdes, 90 % pour les fils de cuivre et plus de 50 % pour le graphite artificiel des batteries.

M. Franck Montaugé.  - Merci pour votre réponse, mais elle ne me rassure pas. La réflexion stratégique de la Chine, conduite dans les années 1970 par Deng Xiaoping, a posé les bases de la puissance chinoise actuelle.

On ne réfléchit qu'à trop court terme en France et en Europe et nous le paierons cher - mais j'espère me tromper ! Je ne vois rien qui amoindrisse la dépendance de notre pays et de notre continent : c'est préoccupant.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La technologie a transformé notre monde à une vitesse vertigineuse : alors que, au début du XXe siècle, la France comptait moins de 200 000 abonnés au téléphone, le nombre de cartes SIM y dépasse aujourd'hui celui des habitants !

Nos armées sont embarquées dans cette évolution : cyberdéfense, missiles de précision, essaims de drones et intégration de l'IA nécessitent des infrastructures toujours plus importantes. Or les centres de données, câbles sous-marins et clouds requièrent beaucoup d'énergie.

Les métaux rares sont difficiles à extraire et les processus nécessaires à leur séparation sont polluants, énergivores et coûteux. Dans ce secteur, la Chine est en position de force. C'est pour elle un atout maître ; pour nous, un risque de dépendance.

Les Indépendants sont convaincus que le commerce international est profitable à tous les acteurs qui en respectent les règles. Mais nous pensons aussi que la dépendance nous fait courir un risque majeur. Nous remercions donc le RDSE d'avoir ouvert cette réflexion cruciale.

La demande annuelle de terres rares devrait augmenter de 62 % d'ici à 2040. C'est à cette aune qu'il faut comprendre les velléités de Trump vis-à-vis du Groenland, qui projetterait de confier l'exploitation de son sous-sol à la Chine.

D'ici à 2030, l'Union européenne entend extraire sur son sol 10 % de sa consommation, recycler 25 % des matériaux consommés et en raffiner 40 %. Bretagne, Massif central, Guyane : la France dispose de gisements modestes mais exploitables. Dans le cadre de France 2030 et de Choose France, une accélération des démarches et des investissements sont prévus.

Nos territoires recèlent nombre d'initiatives précieuses pour une extraction plus durable. En Alsace, un projet d'extraction de lithium bénéficie d'un accès facilité aux financements européens ; un procédé de séparation par magnéto-électrochimie, moins consommateur d'énergie, a été mis au point par des chercheurs de Strasbourg. La start-up Remedy s'est lancée dans l'industrialisation de cette technologie.

Dans l'Aube, l'entreprise Artemise recycle les terres rares contenues dans les lampes LED. Elle s'est lancée dans un projet visant produire des batteries lithium-ion à l'horizon 2027.

Nous attendons de l'État un soutien ferme à ces projets.

Le recyclage est difficile à mettre en oeuvre et les indicateurs de performance sont obsolètes, fondés sur le tonnage sans prise en compte de l'importance stratégique des matériaux. Nous devons passer d'une logique de gestion des déchets à une logique d'approvisionnement en ressources critiques.

La France et l'Europe doivent poursuivre leur stratégie associant sobriété, diversification des ressources et respect des normes environnementales.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Le Groenland a indiqué vouloir des partenariats européens et américains. Les Américains ont engagé avec ce territoire des négociations sur les matières stratégiques. Le 30 novembre 2023, l'Union européenne a signé avec lui un partenariat stratégique en matière notamment d'infrastructures, de compétences et de recherche et d'innovation.

Nous devons construire une chaîne de valeur nous permettant d'être indépendants.

Les projets locaux que vous avez cités méritent une attention particulière. Notre stratégie nationale prévoit de prendre en compte tous les sites dont l'activité concourt à notre indépendance.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - J'espère que l'information dont j'ai fait état sur le Groenland, que j'ai reçue il y a moins d'une heure, est une fake news et que le partenariat signé avec l'Union européenne sera solide.

Nous devons encourager les projets locaux qui contribuent à relancer l'industrie sur nos territoires.

Mme Catherine Dumas .  - Après avoir été aux XIXe et XXe siècles un moteur de la compétition industrielle et militaire, l'approvisionnement minéral est passé pendant plusieurs décennies au second plan de nos préoccupations stratégiques. Ce temps est révolu, et c'est une ruée vers les métaux qui se dessine.

L'accès aux ressources métalliques est redevenu un enjeu fondamental. On estime qu'il faudra produire dans les trente ans à venir l'équivalent de tout ce qui a été extrait depuis les origines de l'activité minière.

Les terres rares jouent un rôle aussi nouveau que prépondérant ; elles sont au coeur de la révolution technologique que nous vivons. Alors que nous avons fait de la réindustrialisation un objectif prioritaire, nous devons garantir à nos entreprises un accès régulier aux métaux critiques à prix maîtrisés.

Ce n'est en rien garanti, au vu de la situation internationale. La forte concentration de ces ressources dans une poignée de pays fait peser des risques importants sur la sécurité de nos approvisionnements. La Chine contrôle plus de 85 % du raffinage des terres rares : elle détient ainsi un levier considérable qu'elle pourrait actionner en cas de tensions commerciales ou diplomatiques.

Les pressions américaines sur le Groenland, la situation en Ukraine et au Kivu illustrent à quel point l'accès aux terres rares est devenu une préoccupation géopolitique essentielle. Nous devons nous protéger en réduisant nos dépendances.

Notre premier levier tient à notre propre potentiel, prometteur. En Bretagne, en Normandie ou dans le Massif central, des ressources ont été identifiées. Mais la connaissance fine de ce potentiel fait encore largement défaut. Un inventaire a été lancé il y a deux ans, mais il demeure limité à certaines zones. Ce travail de cartographie doit être au plus vite étendu à l'ensemble du territoire. Nous devons aussi développer nos propres capacités d'extraction et de valorisation pour renforcer notre autonomie stratégique, créer des emplois et stimuler nos territoires.

C'est toute une chaîne de valeur qu'il faut mettre sur pied, en retrouvant des compétences perdues, mais aussi en adaptant le cadre réglementaire pour simplifier les implantations et encourager les investissements. Il convient aussi de protéger la biodiversité et d'assurer l'acceptabilité de ces activités sur notre sol, sans que le cadre réglementaire ne conduise à la paralysie des projets.

Localiser, extraire et raffiner est un impératif, mais pas le seul. Nous devons aussi développer le recyclage, qui demeure balbutiant. Il faut investir dans le retraitement et l'écoconception et structurer des circuits de récupération des équipements, sachant qu'il ne sera pas possible d'atteindre une circularité parfaite, non plus qu'une autosuffisance minérale française ou européenne.

Parce que nos importations resteront vitales, il est essentiel d'en diversifier les origines. La Chine a parfaitement compris cet enjeu et intègre les matériaux critiques dans les coopérations qu'elle conclut dans le cadre des nouvelles routes de la soie.

De notre capacité à renforcer notre souveraineté dans ce domaine dépendent à la fois notre prospérité à venir et l'atteinte de nos engagements climatiques. Prospection, extraction, recyclage, raffinage : il faut agir rapidement sur chacun de ces aspects.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les terres rares sont stratégiques notamment pour la fabrication des aimants permanents qui réduisent le poids des moteurs électriques.

Oui, réduire notre dépendance dans ce domaine revêt une importance stratégique majeure. La position de la Chine est dominante : après avoir interdit l'exportation de certaines technologies en décembre 2023, elle a mis en place, le 4 avril dernier, un contrôle des exportations de certains produits liés aux terres rares.

Le Gouvernement a lancé la réalisation d'un inventaire des ressources minérales majeures dans cinq zones, où leur densité est importante. Des recherches approfondies pourront suivre en vue d'une exploitation.

Mme Catherine Dumas.  - Merci à la ministre pour sa réponse et au RDSE pour l'initiative de ce débat. Le constat est partagé sur toutes nos travées. Il appartient au Gouvernement de proposer des solutions dans un contexte géopolitique perturbé.

M. Stéphane Fouassin .  - Quand on parle des transitions écologique et énergétique, on pense charbon, pétrole et gaz. Mais ce processus induit une nouvelle forme de dépendance, plus discrète quoique tout aussi stratégique : la dépendance aux matériaux critiques - lithium, cobalt, nickel et autres. Ils entrent dans la composition de nos batteries, éoliennes, cellules photovoltaïques, smartphones.

Sans eux, pas d'industrie verte ni de transition énergétique. Mais, comme le montre Guillaume Pitron dans La guerre des métaux rares, cette dépendance n'est pas sans conséquences. D'autant que la grande majorité de ces matériaux viennent de l'étranger, le plus souvent de pays ne partageant pas nos standards environnementaux.

L'Union européenne a commencé à agir, en fixant des objectifs clairs à l'horizon 2030 : 10 % de matériaux extraits sur le sol européen, 25 % de recyclage. Ce sont des avancées importantes, et la France doit prendre toute sa part de ce travail.

Notre pays dispose d'un potentiel important et sous-exploité. C'est une chance, à condition d'agir de manière encadrée. Il nous faut relancer une production française responsable et transparente, avec des normes environnementales strictes et dans la concertation avec les habitants.

Pour garantir notre souveraineté, nous devons aussi diversifier nos approvisionnements en nouant des alliances avec d'autres pays, comme le Canada, et développer le recyclage, domaine dans lequel la France peut devenir un leader industriel.

Quelle est votre vision de l'avenir de l'exploitation minière et quels investissements prévoyez-vous pour accompagner la structuration d'une véritable filière industrielle ? Comment la France compte-t-elle agir en Europe pour encourager le développement d'une stratégie ambitieuse et cohérente ?

Nous avons l'occasion de conjuguer souveraineté industrielle et responsabilité sociale et environnementale : saisissons-la !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Notre stratégie nationale a été définie en 2022. Sa mise en oeuvre repose sur la délégation interministérielle aux approvisionnements en métaux stratégiques, créée auprès du Premier ministre pour coordonner l'action des administrations impliquées. Cette stratégie consiste notamment à améliorer la connaissance de nos ressources et à définir une feuille de route pour une diplomatie des métaux. En Guyane, nous voulons pérenniser les activités minières en sortant du tout-or et en encourageant l'installation d'acteurs légaux sur des sites actuellement exploités de façon illégale.

M. Stéphane Fouassin.  - Les États-Unis se lancent dans l'exploitation des nodules métalliques des abysses : la France et l'Europe doivent veiller à ne pas se laisser distancer.

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.) L'approvisionnement en terres rares pose la question de la cohérence avec nos ambitions en matière de transition écologique.

Ces ressources sont concentrées entre les mains de quelques acteurs. Sans nier cette réalité, on peut douter du potentiel minier français, sans doute dérisoire au regard de la demande. Or extraire des terres rares, c'est polluer les sols et exposer ouvriers et habitants à des dangers sanitaires. Et où irons-nous chercher ces ressources une fois les gisements épuisés, sinon dans les fonds marins ?

Nous devons diversifier nos fournisseurs pour nous prémunir de toute pression géopolitique et promouvoir le recyclage sur le sol européen. Tout nouveau projet industriel ou minier doit intégrer nos exigences de durabilité et de respect des droits humains sur toute la chaîne de valeur - les conséquences de l'agressivité de l'industrie extractive, par exemple sur la dévastation des forêts, ne peuvent être ignorées. C'est le sens du devoir de vigilance consacré par la directive CSRD, hélas gravement remise en cause.

Nous craignons des décisions hâtives s'agissant de l'intérêt public majeur. Aucun projet industriel ne devrait se faire sans cadre environnemental strict ni débat public.

Comment concilier les enjeux de l'autonomie stratégique et de la protection de l'environnement et des populations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Le recyclage est une priorité dans notre stratégie d'approvisionnement en matériaux stratégiques. Le règlement Batteries fixe des objectifs, notamment en matière de collecte, et impose des performances de durabilité.

Notre droit environnemental et social, européen ou national, est parmi les mieux-disants. La directive sur les émissions industrielles inclut les mines et carrières, qui doivent notamment optimiser leur consommation en eau, valoriser les résidus et réhabiliter les sites après exploitation.

M. Michaël Weber.  - Oui, notre droit est exemplaire, ce qui nous donne aussi un devoir, compte tenu de l'importance de notre territoire maritime : je pense à l'exploitation des ressources sous-marines, qui suscite beaucoup d'inquiétudes et sur laquelle vous ne m'avez pas répondu.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - Merci au RDSE pour ce débat sur un sujet qui touche au coeur de la vie de nos concitoyens.

Lithium, graphite, germanium, tantale : les métaux rares présents dans nos réveils, nos véhicules ou nos téléphones portables sont indispensables à notre travail et à nos loisirs, mais aussi à notre défense. Ils sont indispensables à notre avenir.

Les convoitises américaines à l'égard du Groenland illustrent l'intérêt stratégique de ces ressources, qui ne sont pas des biens de consommation comme les autres, mais des leviers géopolitiques. Ce qui est en jeu, c'est notre souveraineté.

Nous voulons d'abord mieux connaître nos propres ressources. C'est le sens de l'inventaire dont nous avons chargé le BRGM.

Il faudra ensuite relancer l'exploitation. Une seule mine, celle de Varangéville, en Meurthe-et-Moselle, est encore en action. L'État soutient un projet autour du lithium dans l'Allier. Nous avons également évoqué la Guyane.

Par ailleurs, la France est engagée dans des partenariats stratégiques. Une quinzaine d'accords ont déjà été conclus, notamment avec l'Indonésie, l'Argentine et le Kazakhstan.

Nous voulons aussi réindustrialiser, car extraire des métaux sans les raffiner et les transformer n'aurait que peu d'intérêt. Nous devons pour cela attirer des investissements. C'est le cas avec Carester ou la coentreprise entre XTC et Orano.

Enfin, il nous faut recycler sur notre sol : c'est un enjeu crucial pour notre souveraineté.

Nous devons penser et agir en Européens, car nous avons besoin d'une Europe puissante pour être efficace.

M. Ahmed Laouedj, pour le RDSE .  - Merci pour ces échanges fructueux et, madame la ministre, pour vos réponses.

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine nous ont fait prendre conscience de nos multiples dépendances. Notre perception de la mondialisation en a été bouleversée : nous la voyons davantage comme source de fragilités stratégiques. L'accès aux métaux rares est un enjeu de souveraineté qui chamboule les rapports de force.

Si la transition écologique possède une face cachée, ne nous trompons pas de cible : elle ne doit pas être bridée, mais accélérée, et ses effets négatifs atténués par un renouveau extractif responsable.

Les risques environnementaux nous obligent à prendre position sur des débats polémiques, comme la relocalisation d'activités sur notre sol ou l'extraction des nodules polymétalliques dans l'océan.

De nombreux projets de réouverture de mines pourraient être bloqués par des oppositions citoyennes. Mais nous ne pourrons plus indéfiniment nous défausser sur Pékin et les autres pays miniers. Il est clair que le coût écologique de l'extraction impose aussi une modification de nos modes de consommation, vers plus de sobriété, d'efficacité énergétique et de circularité.

Notre modèle de développement abrite des contradictions, entre rêve d'un monde plus vert et réalité d'une société plus technologique. Nos transitions écologiques ont un coût. À cet égard, il n'y a pas de solution miracle, mais des choix stratégiques à opérer.

La séance est suspendue quelques instants.

Protection et accompagnement des élèves et contrôle dans les établissements scolaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle politique de protection et d'accompagnement des élèves dans les établissements scolaires, avec quelles modalités de contrôle ? », à la demande du groupe SER.

Mme Colombe Brossel, pour le groupe SER .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Notre-Dame du Sacré-Coeur de Dax, Notre-Dame de Garaison, Saint-Pierre de Relecq-Kerhuon, Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine, Notre-Dame de Bétharram, le Bon Pasteur à Angers : autant de noms d'établissement qui résonnent comme des résurgences d'un passé ancien, mais dont l'actualité rappelle que les raisons pour lesquelles ils font la une des journaux demeurent.

Partout sur le territoire, des collectifs de victimes de violences, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, ont vu le jour.

Avec ce débat, le groupe SER souhaite poser la question de la protection des enfants à travers le contrôle des établissements scolaires privés sous et hors contrat. Car, des années durant, l'État a failli.

Au-delà de l'école, les espaces au sein desquels les violences s'exercent sont nombreux. Je pense à la médecine et aux terrifiants récits auxquels a donné lieu le procès Le Scouarnec, mettant en évidence l'absence de réformes structurelles. Le collectif de victimes de l'ancien médecin a d'ailleurs saisi les ministres de la justice et de la santé il y a quelques jours afin de réclamer la mise en place d'une commission interministérielle face à la chaîne de défaillances collectives.

Dans l'éducation comme la santé, l'État peut agir ; encore faut-il qu'il s'en donne les moyens.

Hélas, il ne s'agit visiblement pas d'une priorité pour le Gouvernement. Nous avons déploré l'absence d'un ou d'une ministre chargé de la protection de l'enfance. La nomination récente d'une Haut-commissaire apparaît comme une réponse « sparadrap ».

Il y a un an et demi, notre groupe soulevait déjà la question des contrôles dans les établissements privés sous contrat. Votre prédécesseure annonçait le recrutement de soixante inspecteurs supplémentaires, mais nous avons appris, grâce à une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qu'il s'agit en fait de trente ETP en 2025 et trente en 2026, ce qui est bien insuffisant, d'autant que le corps des inspecteurs n'échappe pas au déficit d'attractivité de l'éducation nationale.

L'État doit agir. C'est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi pour faire évoluer le cadre législatif et encadrer l'accueil des élèves dans les établissements privés en garantissant le respect d'exigences liées à la pédagogie, à la sécurité et la salubrité. Notre priorité est la protection de tous les enfants de notre pays.

Nous proposons ainsi de conditionner l'ouverture des établissements privés hors contrat, actuellement soumise à une simple déclaration, à une autorisation. Il s'agit d'empêcher l'ouverture d'établissements ne respectant pas certaines conditions de bien-être pour les élèves, par exemple ceux ne disposant pas d'une cour de récréation.

Ensuite, nous voulons renforcer le contrôle annuel des établissements privés. Les conditions matérielles d'accueil des élèves doivent être évaluées. Tous les personnels, publics ou privés, doivent être soumis à l'examen de leur honorabilité avant d'être mis en contact avec des enfants, ainsi que le prévoit, dans le domaine du sport, la proposition de loi de Sebastien Pla - dont nous attendons toujours un décret d'application, un an après le vote.

Les sénateurs socialistes proposent en outre l'obligation pour tout membre du personnel d'un établissement scolaire, lorsqu'il a été témoin d'un fait ou d'un comportement déplacé envers un élève, de saisir l'autorité académique. Cette saisine entraînerait sa protection en tant que lanceur d'alerte.

Lors de nos débats autour de la mixité sociale et scolaire, nous proposions déjà de rendre publics l'origine, le montant et la nature des ressources attribuées aux établissements d'enseignement privés. À l'heure où l'exigence de transparence est forte, notamment sur l'utilisation de l'argent public, nous réitérons cette demande.

Nous demandons depuis longtemps que le Sénat se dote d'une délégation aux droits des enfants. Nous avons aussi demandé une commission d'enquête sur les violences au sein des établissements. Songez que nous n'avons pas eu, au sein de notre commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, le moindre débat sur ces scandales qui font la une de la presse !

La protection des enfants est une cause plus grande que nos divergences politiques. J'espère que nous saurons nous rassembler autour de cette cause. Les sénatrices et sénateurs socialistes ne se déroberont pas. La protection de tous les enfants doit être effective, nos enfants le méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et du RDPI ; M. Jean Hingray applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Je veux vous rassurer sur le périmètre et le nombre des contrôles dans les établissements privés.

Le Conseil d'État a donné un avis favorable au décret sur l'alerte relative à des faits de violence : aucun établissement ne peut contester à l'État le droit de contrôler l'absence de violences.

Sur quatre ans, nous créerons deux cents postes d'inspecteur. Je souhaite que les contrôles s'effectuent avec des personnels de santé et des personnels sociaux de l'éducation nationale, pour une approche à 360 degrés. Nous avons besoin aussi de l'appui des services fiscaux.

La mobilisation de tous les agents de l'État permettra des contrôles à la fois nombreux et de qualité.

M. Ahmed Laouedj .  - Que nous disent les lycéens contraints de s'agenouiller à Mantes-la-Jolie en 2018 ? Les révélations accablantes sur les violences à Notre-Dame de Bétharram ? Les dérives sexistes et homophobes signalées à Stanislas ? Que notre système de contrôle ne fonctionne pas.

Le RDSE se félicite de l'organisation de ce débat, car protéger les élèves, c'est défendre l'essence même de l'école républicaine.

La Convention des droits de l'enfant impose la primauté de son intérêt supérieur et l'article L.111-1 du code de l'éducation garantit à chaque élève un environnement scolaire sûr.

Hélas, la réalité est tout autre. Le scandale de Bétharram n'est pas un fait isolé. Nous avons affaire à un système de silences et de lâchetés accumulés. Des faits sont tus, parfois couverts, pendant des décennies.

C'est une tragédie humaine, mais aussi un échec politique. Quand l'État signe un contrat avec un établissement, il en garantit le cadre. Il est ensuite comptable de ce qu'il a laissé faire.

Le privé sous contrat accueille 17 % des élèves et perçoit plus de 8 milliards d'euros de fonds publics par an. Pourtant, ce soutien massif ne s'accompagne d'aucun dispositif de contrôle cohérent et contraignant. L'opacité du suivi financier, la rareté des inspections inopinées et l'absence de critères unifiés sont des constats largement partagés.

Comment justifier dans un système aussi massivement financé l'absence de doctrine et de critères clairs pour garantir la sécurité des élèves ?

De récents travaux de l'Assemblée nationale soulignent aussi un traitement différencié selon la confession ou l'ancrage historique des établissements. Le lycée Averroès, établissement privé musulman sous contrat à Lille, a été inspecté quatorze fois ; Bétharram, établissement catholique sous contrat accusé de maltraitances sur plusieurs décennies, pas une seule fois depuis 1996. Est-ce cela, la neutralité républicaine ? L'égalité devant la loi ?

Cette asymétrie insupportable crée un sentiment d'injustice qui fragilise la légitimité de nos institutions. Dans la République, le droit ne s'applique pas à la carte. Ce qu'on exige d'Averroès, il faut l'exiger de Stanislas. Ce qu'on vérifie à Grigny, il faut le vérifier à Neuilly. Et ce qu'on ne tolère pas quelque part, il ne faut l'accepter nulle part.

Nous avons besoin d'inspecteurs formés en nombre suffisant, de contrôles inopinés et de sanctions effectives en cas de manquements. Je propose donc que chaque établissement sous contrat fasse l'objet d'un bilan annuel de conformité, qui conditionnerait le versement des financements publics. La République n'a pas à subventionner des lieux qui bafouent ses principes.

L'école n'est pas un sanctuaire d'impunité, mais un lieu d'émancipation, de confiance et de droits.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Force est de constater qu'il existait des failles depuis des décennies. J'ai décidé de les combler.

Désormais, les contrôles seront étendus à la sécurité des élèves. Des questionnaires seront adressés aux élèves en internat ou de retour d'un voyage scolaire. Des entretiens avec des psychologues seront réalisés le cas échéant.

Il y avait moins de dix contrôles par an dans les établissements privés ; désormais, mille sont programmés. Ces contrôles doivent être inopinés, mais aussi suivis.

Non, il n'y a pas deux poids, deux mesures. En 2023-2024, neuf établissements ont été fermés, dont deux musulmans ; en 2024-2025, pour l'heure, quatre, dont deux catholiques. Je puis vous assurer que les établissements sont traités de manière équitable.

M. Jean Hingray .  - Je remercie nos collègues socialistes pour ce débat important.

J'irai droit au but, madame la ministre : quelles actions concrètes en termes de prévention ? Je vous remercie de ne pas remettre la poussière sous le tapis, s'agissant de certains dossiers qui concernent mon département. Question courte, réponse courte ! (Sourires)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - L'école de la République doit être préservée de toute forme de violence. Tout incident qui nuit à la sérénité des apprentissages, à la sécurité des élèves et des personnels appelle une réponse ferme et immédiate.

Il importe aussi d'agir en prévention, en mobilisant la communauté éducative. Cela recouvre des champs multiples, notamment la prévention de l'addiction aux écrans, qui mène au cyberharcèlement et à la banalisation de la violence sur les réseaux sociaux.

Dès la rentrée prochaine, nous généralisons la pause numérique dans les collèges. Les espaces numériques de travail et les logiciels de vie scolaire tels que Pronote ne seront plus mis à jour le soir et le week-end. Nous explorons, avec Clara Chappaz, l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Le nouveau programme d'EMC insiste sur la transmission des valeurs de la République et consacre dix-huit heures annuelles à des projets d'éducation à la citoyenneté. Les concours comme « Non au harcèlement » ou le prix Ilan Halimi donnent du sens aux apprentissages.

La prévention passe aussi par un renforcement des compétences psychosociales - d'où les cours d'empathie et les dix heures consacrées à la prévention du harcèlement.

M. Pierre Ouzoulias .  - L'article L.442-1 du code de l'éducation, issu de la loi Debré, dispose que « l'établissement privé sous contrat, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience ». L'article L.442-5 précise que ces établissements dispensent « un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public ». La loi garantit ainsi aux élèves une totale liberté de conscience. C'est l'enjeu de ce débat que de vérifier son effectivité.

Selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, le « caractère propre » ne saurait justifier une dérogation aux programmes ni permettre à un établissement de s'affranchir des principes fondamentaux du service public de l'enseignement.

Or des rapports d'inspection ont révélé que certaines célébrations religieuses, organisées sur le temps scolaire, n'étaient pas facultatives. Votre ministère a rappelé que l'instruction religieuse devait rester facultative et qu'un enseignement de culture religieuse centré sur une seule religion devait être considéré comme confessionnel.

Cette interprétation est toutefois contestée par certains. Le directeur diocésain de l'enseignement catholique de Paris estime ainsi que « quand on parle de spiritualité, cela n'a pas de sens de dire qu'une messe est obligatoire ». Philippe Delorme, ancien secrétaire général de l'enseignement catholique, déclare que « le caractère propre de chaque établissement, qui correspond à un projet enraciné dans l'Évangile, doit se traduire dans tous les domaines ».

Pouvez-vous préciser la doctrine du ministère concernant la portée et les limites du « caractère propre » des établissements sous contrat ?

J'ai déposé cette semaine une proposition de loi visant à étendre aux établissements privés sous contrat la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles. Au vu des débats sur le voile, je pense que nos collègues pourraient la cosigner. (Sourires à gauche)

L'article 2 de la loi de 1905 interdit à l'État de financer des activités ou des enseignements religieux. Confirmez-vous que les subventions publiques ne peuvent porter que sur l'entretien des locaux, à proportion de leur utilisation pour les enseignements dispensés dans le cadre du contrat avec l'État ?

Les subventions versées par les collectivités territoriales ne peuvent excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Cette fraction est-elle calculée sur la totalité de son budget ou uniquement sur les dépenses pouvant légalement être subventionnées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - La loi Debré traduit le principe constitutionnel de liberté d'enseignement en reconnaissant la possibilité pour un établissement d'avoir un « caractère propre ». Ce sont les valeurs de base auxquelles l'établissement entend se référer dans son action éducative. Cela conduit à la reconnaissance, pour le chef d'établissement, d'une liberté d'organisation de la vie scolaire, tandis que la partie sous contrat doit respecter strictement les programmes officiels.

Si, lors d'un contrôle, il s'avère que l'instruction religieuse est obligatoire, l'établissement fait l'objet d'une mise en demeure.

Les enseignants sont soumis aux mêmes règles que ceux du public.

Historiquement, l'État ne s'immisçait pas dans la vie scolaire. J'ai voulu que l'on puisse contrôler l'absence de maltraitance, c'est désormais le cas.

Nous veillons, dans le cadre de notre plan de contrôle, à ce que la liberté de conscience ne soit pas entravée. L'enseignement religieux doit être facultatif, la participation à des événements religieux ne peut être imposée et les programmes doivent être appliqués intégralement.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci, c'est très clair. Le port de signes religieux ou la participation à des événements religieux ne peuvent être imposés. Je vous écrirai pour obtenir des précisions sur les règles de subventionnement. C'est la première fois que j'obtiens du ministre une réponse claire s'agissant du caractère propre, et je vous en remercie.

Mme Monique de Marco .  - Je remercie le groupe SER de ce débat. Depuis des mois, les témoignages se multiplient pour dénoncer des faits de violences dans des établissements privés sous contrat. Ces faits ne sont pas de l'histoire ancienne, et dépassent les Pyrénées-Atlantiques - je pense à Stanislas, objet d'une enquête diligentée par votre prédécesseur.

Dans certains établissements, des élèves sont exposés à des propos homophobes, sexistes et anti-avortement. Leur liberté de conscience n'est pas respectée. Les accusations de violences psychiques, physiques et sexuelles se multiplient. Or les contrôles sont insuffisants, en raison de l'imprécision de la loi. J'ai interrogé l'ancienne rectrice de l'académie de Bordeaux sur les maltraitances à Bétharram ; elle m'a répondu avoir appliqué le cadre légal - qui ne prévoit pas le contrôle des personnels non enseignants, ces derniers relevant du Syndicat général de l'enseignement catholique, visiblement défaillant.

Les inspecteurs ont dénoncé le caviardage de leur rapport sur Stanislas, expurgé des éléments pointant un climat homophobe, sexiste et autoritaire. Cela interroge sur la fiabilité des informations transmises.

Madame la ministre, vous avez décidé de renforcer les moyens humains du contrôle. Quel en est le périmètre ? De quel type de contrôles s'agit-il ? Quid de la publicité des rapports d'inspection ? Tout a-t-il été fait pour protéger les enfants des établissements privés sous contrat ? (Mme Colombe Brossel applaudit.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Jusqu'à présent, les contrôles portaient sur les financements et la comptabilité analytique, sur la conformité administrative et sur la pédagogie. Désormais, ils portent aussi sur la vie scolaire. Le Conseil d'État a validé cette interprétation. Voilà pour le périmètre. Les instructions ont été données aux rectorats.

Les rapports de contrôle ne sont pas publics. Le chef d'établissement reçoit un courrier qui précise les recommandations ou mises en demeure qui font suite au contrôle - seul document à avoir valeur juridique. Pour moi, c'est le rapport qui vaut. J'ai donc demandé à l'inspection générale de faire de simples lettres de transmission et des synthèses qui figureront dans le rapport.

Les recommandations ou mises en demeure doivent être clairement identifiées dans les rapports et faire l'objet d'un suivi. S'agissant de Stanislas, un contrôle de la mise en oeuvre des recommandations est effectué aujourd'hui-même.

Mme Monique de Marco.  - Je vous remercie de ces réponses claires. Il faudra réfléchir à faire évoluer le cadre législatif.

M. Yan Chantrel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'actualité a montré l'urgente nécessité de ce débat. L'affaire Notre-Dame de Bétharram est un électrochoc. Plus de deux cents anciens élèves ont porté plainte pour des faits de violences physiques, psychologiques et sexuelles, commis sur des décennies. Cette actualité touche les Français dans leur chair, elle questionne la responsabilité des autorités et impose une réponse politique forte. Ces abus et violences ne sont pas isolés mais systémiques.

Colombe Brossel a rappelé la faillite de l'État à contrôler les établissements privés sous contrat et hors contrat. Il est inacceptable que Notre-Dame de Bétharram n'ait fait l'objet d'aucune inspection depuis 1996. Le rapport des députés Vannier et Weissberg sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat dénonce la quasi-absence de contrôles ; un rapport de la Cour des comptes de juin 2023 souligne que le contrôle pédagogique est minimaliste, le contrôle administratif ponctuel, le contrôle financier absent.

Financé à 75 % par l'argent public, l'enseignement privé sous contrat ne rend pratiquement aucun compte à l'État. Nous saluons vos annonces en la matière, madame la ministre, mais soixante inspecteurs supplémentaires, est-ce suffisant ? Contrôler 40 % des établissements d'ici à 2026, est-ce réaliste ?

À quoi ces contrôles aboutiront-ils ? En décembre 2023, l'État avait mis fin au contrat d'association avec le lycée lillois Averroès et cessé de le subventionner à la rentrée 2024. Cette décision, aujourd'hui retoquée, était notamment motivée par des enseignements qualifiés de « contraires aux valeurs de la République ». Les abus révélés à Notre-Dame de Bétharram ne sont-ils pas contraires aux valeurs de la République ? Pourquoi son contrat n'est-il pas remis en cause ?

Si des manquements graves sont découverts, le financement de ces établissements sera-t-il remis en cause ? Nous demandons plus de transparence, comme au Royaume-Uni, où un organe de contrôle indépendant a été mis en place.

Autre sujet d'inquiétude : si la violence des adultes a pu se perpétrer si longtemps, à Notre-Dame de Bétharram, Saint-Dominique de Neuilly, Sainte-Croix des Neiges ou à l'Immaculée-Conception à Pau, c'est aussi parce qu'elle a eu lieu dans un milieu social et culturel qui la favorisait - ou du moins ne l'empêchait pas. Un milieu où les châtiments corporels, les humiliations, les rapports de domination étaient conçus comme partie intégrante de l'éducation.

Il est éloquent d'entendre le Premier ministre décrire, devant la commission d'enquête, le 14 mai dernier, une claque comme un « geste éducatif ». Non, la violence n'est jamais éducative ! Les châtiments corporels constituent une violation des droits de l'enfant. Depuis la loi du 10 juillet 2019, le code civil déclare que « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ».

Or dans des milieux sociaux et culturels trop homogènes, recroquevillé sur eux-mêmes, il est plus facile de faire régner l'omerta ou la peur du qu'en-dira-t-on. Le scandale Bétharram a mis en lumière cet entre-soi, qui permet de faire contre-société, comme dans la communauté catholique intégriste Riaumont à Liévin, de ne pas se confronter à l'altérité, à la différence qui viendrait questionner des pratiques « traditionnelles ».

Lutter contre l'omerta qui entoure ces abus, c'est aussi lutter contre le séparatisme scolaire et favoriser la mixité sociale partout. En 2023, nous avions tenu un débat de contrôle sur la ségrégation scolaire. Votre prédécesseur Pap Ndiaye avait conclu avec l'enseignement catholique un protocole d'accord décrivant une trajectoire et un plan d'actions en vue de renforcer la mixité sociale et scolaire dans ces établissements. Où en est-on ? Pouvez-vous nous donner des chiffres sur l'évolution des indices de positionnement social (IPS) et du taux de boursiers ?

Nous sommes déterminés à lutter contre les abus et les violences. Il faut utiliser tous les leviers à la disposition de la puissance publique pour protéger les enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble », annoncé mi-mars, prévoit que dans tous les établissements, privés comme publics, tout incident ou fait de violence doit être remonté au niveau académique, voire national, via l'application Faits établissement. Un second décret sera pris bientôt.

Tous les établissements doivent avoir une procédure claire pour faire remonter les signalements, en sus de la transmission d'informations préoccupantes et de l'article 40.

Des questionnaires seront remplis tous les trimestres dans les internats et après chaque sortie scolaire incluant une nuitée. Nous passerons de moins de dix à mille contrôles dans les établissements privés sous contrat.

Sur la mixité, les tendances constatées nous ont conduits à moduler les moyens alloués aux établissements en fonction de l'IPS. Des commissions devaient être mises en place dans chaque rectorat pour examiner la situation avec les établissements ; c'est le cas.

Mme Laure Darcos .  - L'actualité est dominée par les violences physiques et sexuelles commises à Notre-Dame de Bétharram. Ensemble nous devons lutter contre ces crimes épouvantables en exigeant des établissements plus de transparence.

Mais je veux insister sur d'autres formes de violences. Le 24 mars dernier, un adolescent de 17 ans est mort devant le lycée professionnel Louis-Armand à Yerres, en Essonne, poignardé lors d'une rixe. Quelques mois plus tôt, un élève avait été frappé à coups de marteau dans la cour du lycée Rosa-Parks de Montgeron. Jeudi dernier, des élèves du lycée Geoffroy Saint-Hilaire d'Étampes ont lancé une porte du quatrième étage sur un groupe de professeurs, blessant gravement une enseignante.

Je veux dire tout mon soutien à la communauté éducative.

Malheureusement, ces violences ne sont pas des cas isolés. Il n'y a pas que les rixes : les réseaux sociaux sont devenus un espace de haine. Evaëlle, Thibault, Lindsay, Lucas - victimes de harcèlement - ces enfants se sont donné la mort pour échapper à leurs bourreaux.

Selon le rapport de Colette Mélot de 2021, entre 800 000 et 1 million d'enfants sont victimes de harcèlement chaque année.

Nous devons tout faire pour que l'école demeure un sanctuaire. Son rôle repose sur cinq leviers : prévention, détection, signalement, sanction, et accompagnement des victimes avec l'appui des forces de l'ordre et de la justice. Toute la communauté éducative est engagée dans cette lutte, mais les moyens sont-ils suffisants ?

La loi du 2 mars 2022 a créé le délit de harcèlement scolaire. En avril 2024, la Commission européenne a adopté une recommandation sur la protection de l'enfance, qui préconise que chaque État mette en place un plan de soutien à la santé mentale des jeunes. Il y a quelques jours, madame la ministre, vous avez présenté un plan qui préconise d'en faire une priorité nationale. Comment sera-t-il mis en oeuvre ?

La médecine scolaire est à bout de souffle, incapable d'assurer ses missions faute d'effectifs. On compte un médecin scolaire pour 13 000 élèves, la moitié des postes n'est pas pourvue et la démographie médicale n'incite pas à l'optimisme. La revalorisation des rémunérations est indispensable.

Fin janvier 2025, la Défenseure des droits a émis des recommandations au ministère de l'éducation nationale. Elle propose de revaloriser le métier d'assistant social en milieu scolaire et préconise un conventionnement avec les départements pour mettre en place des formations sur la protection de l'enfance, afin de mieux armer les équipes éducatives. Quelles suites avez-vous données à ces recommandations ?

Les collectivités territoriales agissent : la région Île-de-France consacre des moyens importants à des opérations de sécurisation des lycées et au déploiement de la vidéoprotection.

Le Gouvernement a annoncé en mars des fouilles de sacs à l'entrée des établissements et des sanctions fortes pour les élèves en possession d'armes blanches. Souhaitons que ces mesures parviennent à endiguer la violence des jeunes et à ramener la sérénité nécessaire aux études. Mais, in fine, c'est bien aux parents qu'il incombe d'éduquer leurs enfants, avec la conscience que la transmission de valeurs humaines est le seul rempart contre la barbarie.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Le phénomène des rixes est très visible en Essonne, mais on le retrouve malheureusement partout. Les bagarres sont médiatisées sur les réseaux sociaux. Avec Bruno Retailleau, nous avons adressé le 26 mars une instruction conjointe aux préfets et aux recteurs demandant des contrôles inopinés des sacs devant les établissements. En Essonne, trente opérations de fouilles de sacs ont été menées depuis la fin mars.

Dans une société de plus en plus violente, il faut un partenariat étroit entre les chefs d'établissement, les forces de sécurité et les municipalités ; il faut appréhender les enjeux de sécurité dans les établissements mais aussi lors des trajets.

La santé mentale est un enjeu majeur, qu'a rappelé le drame de Nantes. La moitié des postes de médecins scolaires sont vacants : ils doivent être revalorisés. Je souhaite un protocole, dans chaque établissement, sur le repérage et la prise en charge des élèves ayant des difficultés psychiques. Avec le ministre de la santé, nous sommes convenus que les élèves repérés par l'éducation nationale bénéficieront d'un coupe-file pour être pris en charge dans les centres médico-psychologiques.

M. Stéphane Piednoir .  - Il n'y a rien de plus précieux que nos enfants, pour lesquels nous voulons le meilleur. Compte tenu du temps qu'ils passent à l'école, celle-ci est au premier rang de cette exigence.

L'école a longtemps été l'apanage de l'Église. L'enseignement, devenu peu à peu public, ne devient laïc qu'à la fin du XIXe siècle - ce n'est pas si vieux. (M. Pierre Ouzoulias approuve.) Depuis, les rapports entre l'État et les établissements privés sont encadrés : loi Debré de 1959, loi Gatel de 2018.

Tous les établissements privés sont soumis à des contrôles administratifs et pédagogiques, notamment sous le prisme de la protection de l'enfance - mais la Cour des comptes et les rapports parlementaires ont montré que ces contrôles étaient peu ou pas exercés. L'État doit examiner avec lucidité son rôle. La collaboration avec les chefs d'établissement doit être totale.

Le regard que nous portons sur l'univers scolaire n'est pas celui d'il y a trente ou quarante ans. Quel élève de ma génération, qu'il ait été scolarisé dans le privé ou le public, n'a jamais assisté ou subi un coup de règle, une craie lancée, voire une gifle ? Soyons honnêtes.

Ce temps est révolu, c'est heureux. Ne mettons pas pour autant sous le tapis des violences scolaires qui ont parfois des conséquences dramatiques - détresse psychologique, décrochage, voire suicide.

Aucune excuse ne tient s'agissant de violences ou d'atteintes sexuelles : cela relève du vice et est pénalement condamnable. Les procédures pénales doivent être appliquées.

Pour le reste, gare à ne pas instrumentaliser le débat pour réveiller une nouvelle guerre scolaire, alors que les effectifs du privé augmentent année après année. Ne tombons pas dans les excès de collègues députés qui mènent une croisade contre l'enseignement privé catholique, qui refusent les écoles religieuses, sauf si cette religion est l'islam.

Le rapport sur l'entrisme des Frères musulmans démontre qu'un danger menace notre République. Les contrôles administratifs ne reposent que sur de rares signalements, comme pour le lycée Averroès. Les inspecteurs y ont trouvé des livres faisant la promotion d'un djihad violent, de la peine de mort pour les homosexuels, légitimant les violences conjugales ou ignorant le génocide des juifs. La liberté de conscience n'est plus respectée dans ce cadre.

Le contrôle doit être effectif. Aucun établissement n'est au-dessus des lois, mais le caractère propre des établissements privés doit être préservé. Or l'éducation nationale a pour culture de regarder davantage l'enseignement public... L'école doit être un lieu d'apprentissage et la violence n'y a pas sa place.

Je voulais vous interroger sur les contrôles diligentés : sont-ils ciblés sur les établissements sur lesquels vous avez des doutes sérieux ou des données précises ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Chaque académie a élaboré un plan de contrôle, qui, consolidé à l'échelle nationale, concerne mille établissements. Il inclura des établissements hors contrat. L'objectif est de contrôler 40 % des établissements, dont 50 % sur place, dans les deux ans. Si l'on est informé d'éléments qui interrogent, on peut reprioriser les contrôles. Si le rectorat est alerté sur des dysfonctionnements graves, des violences, on passe à une enquête administrative, sans préjudice des procédures engagées par ailleurs, signalement au procureur ou transmission d'informations préoccupantes.

M. Stéphane Fouassin .  - Je m'exprime au nom de Samantha Cazebonne, qui s'excuse de ne pouvoir être présente. C'est pourquoi j'utiliserai le féminin. (Sourires)

Ce débat s'inscrit dans un contexte salutaire de libération de la parole. En tant que législatrice, enseignante, cheffe d'établissement et parent, je ne peux qu'encourager cette parole, qu'il faut accompagner.

Notre réseau d'enseignement français à l'étranger compte 600 établissements homologués dans 138 pays. Les violences physiques y sont rares, mais cela ne signifie pas que les élèves sont à l'abri de toute violence ou vulnérabilité, sous d'autres formes.

Le harcèlement scolaire est désormais mieux accompagné grâce au programme pHARe et à la méthode Pikas. Toutefois, il faudrait transposer dans notre réseau certains dispositifs encore absents, comme des numéros d'appel d'urgence accessibles depuis l'étranger, comme il en existe pour les violences intrafamiliales par exemple.

La protection des enfants passe aussi par une meilleure prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers. Actuellement, les familles doivent déposer une demande d'accompagnement auprès d'une MDPH en France ; l'instruction est longue et complexe. Ne pourrait-on créer une MDPH centralisée, dédiée aux Français de l'étranger, pour éviter l'exclusion de ces enfants ?

Autre pilier de la protection : les valeurs de la République. Nous devons affirmer que nos établissements français à l'étranger resteront toujours des lieux où l'on apprend à penser librement, à forger sa conscience et à exercer son esprit critique. Les familles viennent chercher un espace de neutralité, de liberté, voire un refuge. Les critères d'homologation ne pourraient-ils rappeler spécifiquement le respect des valeurs républicaines ?

Je remercie le groupe SER pour ce débat. Merci aussi pour votre attention à notre réseau d'enseignement français à l'étranger, qui fait rayonner notre modèle éducatif.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Merci de ce coup de projecteur sur nos établissements français à l'étranger. Il reste du chemin à parcourir pour que tous nos dispositifs s'appliquent aussi à l'étranger. Les statuts de ces établissements varient beaucoup, et partant, les leviers sur lesquels on peut agir.

Depuis septembre 2023, le bien-être des élèves et du personnel figure explicitement parmi les critères d'homologation. En cas de dysfonctionnement, un contrôle peut être opéré en lien avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). En cas de manquement grave, l'établissement peut se voir retirer son homologation.

Seule une partie des personnels a le statut de titulaire de l'éducation nationale. Pour ceux-là, la direction des ressources humaines du ministère est chargée d'engager les procédures disciplinaires en cas de manquement avéré signalé par le poste diplomatique ou l'employeur.

Nous renforcerons le travail mené avec le MEAE et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour améliorer le traitement des signalements.

Mme Laurence Garnier .  - Plusieurs de mes collègues ont évoqué les violences des adultes envers les enfants. Pour ma part, je parlerai des violences des élèves envers d'autres élèves. Cet enjeu concerne à la fois la santé mentale, la lutte contre le harcèlement scolaire et l'impact délétère des écrans et des réseaux sociaux.

Je ne peux pas ne pas évoquer l'événement dramatique de Nantes : une jeune fille de 15 ans poignardée à 57 reprises par un élève de son lycée, en plein cours de mathématiques. Vous êtes venue ce jour-là pour soutenir la communauté éducative de ce lycée, madame la ministre, et je vous en remercie. La fragilité psychologique du meurtrier est apparue très rapidement, il a été hospitalisé en psychiatrie.

Selon une étude de Santé publique France de 2022, 13 % des 6-11 ans présentent un trouble probable de santé mentale et 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois. Face à cette situation, la fragilité de la filière psychiatrique pose question. En Loire-Atlantique, nous avons l'un des plus faibles ratios de pédopsychiatres libéraux par habitant ; les délais pour obtenir une consultation sont de douze à dix-huit mois. Dans un collège nantais, trois élèves atteints d'un trouble anxieux ne sont pas venus à l'école depuis novembre dernier. La pédopsychiatrie est une priorité absolue.

Protéger et accompagner les élèves, c'est aussi lutter contre le harcèlement, amplifié par l'omniprésence des écrans et des réseaux sociaux. L'hyperviolence se nourrit de ces outils numériques, devenus catalyseurs de la fabrique des barbares. Rappelons qu'un adolescent de 13 à 19 ans passe en moyenne cinq heures par jour sur les écrans. Michel Desmurget, docteur en neurosciences à l'Inserm, établit un lien direct entre l'usage excessif des écrans et l'augmentation de la violence, par manque d'empathie. Le déploiement d'algorithmes égocentrés empêche les jeunes de comprendre les émotions et la violence des contenus désensibilise à la souffrance d'autrui.

Je reste néanmoins convaincue que l'éducation nationale possède des leviers puissants pour restaurer l'empathie. La lecture est une clé de voûte bien trop sous-estimée de nos compétences relationnelles. Or la richesse des émotions et la diversité des personnages rencontrés dans les romans sont des outils puissants pour recréer l'empathie nécessaire au lien social.

La richesse du vocabulaire est aussi essentielle pour exprimer et donc dominer ses émotions. Nombre d'études montrent la corrélation entre le faible nombre de mots maîtrisés et le niveau de violence. Selon le linguiste Alain Bentolila, certains jeunes ne possèdent que quelques centaines de mots, quand il leur en faudrait plusieurs milliers pour examiner et accepter pacifiquement leurs divergences. Il y a plus de vocabulaire dans un livre pour enfant de 3 ans que sur les réseaux sociaux ! Voilà qui doit nous faire réfléchir.

Nous devons réinterroger la place des écrans et faire appliquer l'interdiction des smartphones dans les établissements scolaires, voire à l'extérieur.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il y a une véritable addiction aux écrans -  jusqu'à cinq heures par jour ! Cyberharcèlement et banalisation de la violence vont de pair. C'est pourquoi j'ai souhaité la pause numérique au collège dès la rentrée prochaine. Nous devons nous-même éviter de les inciter : Pronote ne sera pas mis à jour de 20 heures à 7 heures ni le week-end.

Les compétences psychosociales feront partie du socle commun des compétences à acquérir. Différentes actions les renforcent, comme les cours d'empathie, généralisés depuis la dernière rentrée. Il faut aussi mieux détecter et prendre en charge les élèves en détresse psychologique, qui peuvent être dangereux pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres -  comme cela a été le cas à Nantes.

M. le président.  - Je vous laisse monter à la tribune pour votre propos conclusif.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je vous remercie d'avoir organisé ce débat sur des sujets qui sont au coeur de mes priorités. Ces derniers mois, d'anciens élèves ont témoigné de violences morales, sexuelles et physiques inqualifiables. Je leur dis mon soutien et ma solidarité. Nous leur devons la vérité et la justice. Les auteurs des actes doivent répondre de leurs actes. L'État n'a pas été au rendez-vous : il doit l'être désormais.

Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble » repose sur trois piliers : recensement et remontée systématique des faits, recueil de la parole des élèves, intensification des contrôles dans les établissements privés sous contrat.

L'école doit être un lieu protégé où chacun se sent en sécurité. Il faut protéger les élèves de toutes formes de violences.

Le plan interministériel de septembre 2023 contre le harcèlement scolaire poursuit trois objectifs : 100 % prévention, 100 % détection et 100 % solution. Les actions déployées seront la formation de tous les personnels d'ici à 2027, une séance d'information et des ressources numériques à destination des parents, la sensibilisation des collégiens, des cours d'empathie dès l'école primaire, la mise en place de questionnaires et le déploiement du 3018.

Nous devons aussi lutter contre la surexposition aux écrans -  j'ai déjà évoqué ce que nous avons prévu s'agissant des logiciels de vie scolaire.

Nous devons enfin lutter contre le port et l'usage d'armes blanches, car des drames ont coûté la vie à des élèves ces derniers mois. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons prévu que tout élève en possession d'une arme blanche comparaîtra devant le conseil de discipline et nous avons adressé une instruction conjointe pour des contrôles de sacs devant les établissements. En un mois, plus de 1 000 contrôles ont été réalisés et une centaine d'armes blanches ont été trouvées. Nous apporterons à chaque fois une réponse ferme, allant jusqu'à un signalement au procureur de la République.

Je rappelle que 170 postes de CPE et 600 postes d'assistants d'éducation ont été créés afin d'améliorer le climat scolaire.

Les enjeux de santé mentale doivent être pris à bras-le-corps. C'est le sens des mesures annoncées avec Yannick Neuder, le 14 mai, lors des assises de la santé scolaire. D'ici à la fin de l'année, chaque établissement devra s'être doté d'un protocole de repérage et de prise en charge de la souffrance psychique des élèves. Des personnels repères en santé mentale seront formés pour orienter les élèves en souffrance vers une prise en charge adaptée.

L'institution doit aussi soutenir les professeurs menacés ou agressés. Je vous redis mon soutien à l'octroi d'une protection fonctionnelle systématique en cas de violence verbale ou physique. (M. Pierre Ouzoulias s'en félicite.) Je suis également favorable à la possibilité d'un dépôt de plainte par l'administration en lieu et place du personnel victime.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bonne mesure !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - La violence n'aura jamais sa place à l'école. Soyez assurés de ma détermination à tout mettre en oeuvre pour qu'elle n'y trouve pas sa place. (Applaudissements)

M. David Ros, pour le groupe SER .  - Merci d'avoir participé à ce débat, cher au groupe SER et qui fait écho à vos annonces du 14 mai dernier : hasard de calendrier ou anticipation audacieuse de notre ordre du jour ?

Vous appelez à la refondation du système éducatif, mais vos annonces devront être soutenues budgétairement.

Vous prônez la formation de personnels repères en santé mentale. Cela va dans le sens des préconisations d'Hervé Reynaud.

Hier, j'ai participé avec Yan Chantrel et Colombe Brossel à la CMP conclusive de la proposition de loi sur la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur : ces formes de violences sont à repérer dès le plus jeune âge.

Au-delà de vos annonces, il faut dessiner un cadre éducatif qui combat toute forme de violence.

En premier lieu, nous devons lutter contre les violences physiques. En tant que maire d'une ville apaisée en vallée de Chevreuse, j'ai observé la recrudescence des violences verbales, y compris dans la cour de l'école maternelle. Nous changerions de paradigme en remplaçant la lutte contre la violence par la recherche du bien-être, via le sport, la médiation, la respiration...

Ensuite, nous devons lutter contre le cyberharcèlement. Nier les possibilités éducatives des nouvelles technologies serait absurde. Mais il faut renforcer l'accompagnement des personnels éducatifs, sensibiliser les parents et adapter la législation sur les réseaux sociaux pour les plus jeunes.

La troisième forme de violence est liée à l'enseignement lui-même. La pression de finir les programmes et les classes surchargées créent une tension ressentie par les élèves. Ceux qui connaissent des difficultés d'apprentissage voire l'échec scolaire subissent la violence psychique des évaluations. Il faut arrêter de rabaisser l'élève et retrouver le plaisir d'apprendre.

L'école, le collège et le lycée doivent être perçus comme une seconde maison, bienveillante et enrichissante. C'est pourquoi il faut des moyens et des espaces d'échanges, de débat et de formation à la citoyenneté.

Le groupe SER prend acte de vos annonces et vous en sait gré. Comptez sur nous pour vous soutenir lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026 afin que les moyens humains soient au rendez-vous, pour lutter contre toute violence. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Laure Darcos applaudissent également.)

La séance est levée à 19 h 45.

Prochaine séance, lundi 2 juin 2025, à 15 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 2 juin 2025

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Xavier Iacovelli, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, M. Guy Benarroche

1Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières (texte de la commission, n°622, 2024-2025)

2Projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse (procédure accélérée) (texte de la commission, n°645, 2024-2025)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile (texte de la commission, n°459, 2024-2025)