Conseil de Paris et conseils municipaux de Lyon et de Marseille (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.

Discussion générale

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - L'objectif du Gouvernement est de rapprocher l'élection des maires de Paris, Lyon et Marseille du droit commun, en vue d'améliorer la vie démocratique de près de 3 millions de nos concitoyens.

Je salue le travail des rapporteurs à l'Assemblée nationale et au Sénat et remercie les forces politiques de Paris, Lyon et Marseille, qui ont accepté le dialogue, même si le résultat fut inégalement constructif.

M. Guy Benarroche.  - Il y avait des pour ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - La responsabilité du Gouvernement est de faire fonctionner les institutions et de permettre le vote par la représentation nationale des textes dont elle est saisie.

Sur le fond, le Gouvernement, à l'écoute des débats, a cherché à faire progresser le sujet des maires d'arrondissement, dans l'hypothèse - assez théorique - où ils ne siégeraient pas en mairie centrale. Il a aussi répondu aux préoccupations sur la stabilité du corps électoral sénatorial.

M. Guy Benarroche.  - On ne s'en est pas rendu compte.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - D'où ces deux engagements : d'abord, une mission flash sur les compétences des maires d'arrondissement, qu'aucun texte législatif ne définit.

M. Guy Benarroche.  - Nous voilà rassurés...

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Ensuite, un projet de loi organique sur le mode d'élection des sénateurs, avec une entrée en vigueur avant les sénatoriales de 2026.

Nous voulons un mode de scrutin plus clair et plus lisible, qui donne aux habitants de Paris, Lyon et Marseille un double choix : celui de leur maire d'arrondissement, maire de la proximité, et celui de la mairie centrale, incarnation politique et stratégique de la ville.

Si 90 % des habitants sont en faveur de cette réforme...

Mme Valérie Boyer.  - C'est faux ! (M. Francis Szpiner renchérit.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... je perçois bien que l'adhésion est moins forte parmi les élus.

Il est donc de la responsabilité du Gouvernement d'accompagner ce mouvement, dans le respect des convictions de chacun, dans l'esprit de nos institutions et de l'essence du débat parlementaire.

M. Guy Benarroche.  - Bien. Au moins, c'était court.

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois .  - Il y a un mois, le Sénat rejetait massivement cette réforme ni faite ni à faire, élaborée sans la moindre concertation.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés soulevées par cette proposition de loi : calendrier, risques juridiques, coût, quasi-suppression des arrondissements -  échelon de proximité cher aux citoyens.

Après le rejet au Sénat, le Gouvernement a convoqué une commission mixte paritaire (CMP). J'ai alors échangé avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Matteï, dans un esprit constructif - contrairement à ce que certains ont affirmé ici.

Mme Valérie Boyer.  - Très bien.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Face aux difficultés que nous soulevions, Jean-Paul Matteï a formulé plusieurs propositions. D'abord, écarter Lyon du champ de la réforme - avant d'y renoncer. Ensuite et surtout, prévoir la désignation des maires d'arrondissement comme membres de droit des conseils centraux, afin d'éviter que certains arrondissements n'y soient pas représentés.

Ces propositions ne m'ont pas paru de nature à emporter l'adhésion du Sénat. Demeuraient en effet le problème de la prime majoritaire dérogatoire de 25 %, le risque d'atteinte à la lisibilité du scrutin, le coût, les problèmes liés à l'organisation simultanée de plusieurs scrutins.

Ces propositions m'apparaissaient juridiquement fragiles. L'intégration de droit des maires d'arrondissement au sein des conseils municipaux aurait conduit à faire coexister des membres élus et d'autres désignés, ce qui contrevient à la libre administration des collectivités. Les conflits de légitimité auraient pu créer de nouvelles difficultés.

C'est pourquoi nous n'avons pas pu proposer un texte de compromis à la CMP, qui n'a donc pas trouvé d'accord. Celle-ci n'a en aucun cas été « torpillée » par le Sénat, comme j'ai pu l'entendre : une fois l'absence d'accord constatée, aucun membre de la CMP n'a souhaité prendre la parole, malgré l'invitation de la présidente Jourda.

Le Gouvernement a alors annoncé son intention de poursuivre l'examen en inscrivant le texte en nouvelle lecture avant la fin de la session extraordinaire. Sa lecture définitive à l'Assemblée nationale aura lieu demain matin, en dépit du rejet massif par la Chambre des territoires. Je regrette ce passage en force. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, du GEST ; Mme Mireille Jouve, MM. Ian Brossat et Pierre-Jean Verzelen applaudissent également.) Le Gouvernement s'était pourtant engagé à ne pas persévérer en cas de désaccord entre les deux assemblées.

Le 19 février, le Premier ministre s'était engagé à ne pas passer outre à l'avis de la chambre des territoires : « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'aucun accord soit trouvé ». Monsieur le ministre, vous aviez réitéré cette promesse lors de l'examen en première lecture, promettant « une décision collective ».

Ces engagements n'ont pas été tenus, le Gouvernement donnant le dernier mot à l'Assemblée nationale. Dès lors, la commission des lois ne peut que vous inviter à rejeter à nouveau ce texte. Aucune difficulté n'a été résolue. Seul amendement substantiel : l'adoption d'un amendement alignant la prime majoritaire pour l'élection des conseillers communautaires sur celle prévue pour les conseillers municipaux.

Les élus locaux concernés, quasi-unanimement opposés à la réforme, n'ont toujours pas été consultés. La chambre des territoires ne saurait l'accepter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et du GEST)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - La loi dite PLM de 1982, portée par Gaston Defferre, visait à rapprocher les élus des citoyens en créant des mairies d'arrondissement, ou de secteur.

Le Premier ministre s'était engagé à ce que ce texte prospère à la condition qu'il soit adopté par les deux chambres. Or, malgré le rejet du Sénat et l'absence de consensus chez les élus concernés, le Gouvernement poursuit son examen : il finira sa course par une dernière lecture à l'Assemblée nationale, sans tenir compte du vote du Sénat. Dépourvu d'étude d'impact, sans visibilité financière, ce texte arrive trop tard : on sent une forme de précipitation, à quelques mois des élections.

Mme Valérie Boyer.  - Eh oui !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Sur le fond, bien des questions restent en suspens. Au fil des ans, les arrondissements sont devenus des échelons de proximité privilégiés. Or le texte ne dit rien de l'avenir des maires d'arrondissement. On risque des situations ubuesques, où ceux-ci ne siégeraient même pas au conseil central.

Mme Valérie Boyer.  - Ce serait le pompon !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Bref, on déconnecte les mairies de Paris, Lyon et Marseille de leurs relais locaux.

Soi-disant motivé par un retour au droit commun, le texte prévoit une prime au vainqueur de 25 %, contre 50 % partout ailleurs.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - C'est pour le RN et LFI !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Quid de l'égalité devant la loi électorale ?

Où est la simplification, quand on propose un double scrutin à Paris et à Marseille, un triple à Lyon ?

Comme pour la modification du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants, tout s'est fait dans la précipitation, sans tenir compte des habitudes locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Guy Benarroche, Ian Brossat et Mme Colombe Brossel applaudissent également.)

Nous aurions aimé une réforme d'ampleur, partagée, concertée, qui repense les compétences pour plus de proximité. Nous en sommes loin. La quasi-intégralité des élus du groupe Les Indépendants voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Permettez-moi de rendre hommage à Olivier Marleix, profond humaniste, homme de convictions, avec qui j'ai eu grand plaisir à travailler. (Applaudissements nombreux)

En février dernier, le Premier ministre assurait ne pas imaginer que ce texte puisse être adopté sans accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. Or, le président Larcher l'a rappelé, les conditions d'un accord ne sont pas réunies. Mieux vaudrait poursuivre le dialogue avec les parlementaires et les élus locaux. Pourtant, vous faites fi de la position de la Chambre haute et passez en force. Si nous partageons l'intérêt de faire évoluer la loi PLM, nous ne partageons ni le contenu du texte, ni son calendrier incertain, ni la méthode non consensuelle.

L'élection du maire serait plus lisible et démocratique ? Mais le maire n'a jamais été directement élu par les Français ! La loi PLM actuelle est doublement démocratique : on vote pour le maire de secteur et pour le maire central, en toute transparence. Si Benoît Payan est devenu maire de Marseille, c'est uniquement à la suite d'un accord avec Michèle Rubirola, qu'il a évincée, et non par la volonté des Marseillais.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Mais non !

Mme Valérie Boyer.  - Cette réforme rendra le processus incompréhensible. À ce stade, il n'y a aucun consensus, dans aucune des trois villes concernées. Nous avons clairement un problème de méthode - sans parler du calendrier précipité.

Plus grave, alors que nous réclamons depuis des années un renforcement des compétences des mairies de secteurs, ce texte va les dévitaliser. Elles jouent pourtant un rôle crucial de proximité. Le secteur de Marseille dont j'ai été maire est l'équivalent de la ville de Perpignan !

Une telle réforme ne peut se faire de manière précipitée. Ouvrons un grand chantier après les élections de 2026 afin d'aboutir à un consensus.

Cessons de faire croire que ce sujet serait une urgence. Sécurité, immigration, pouvoir d'achat : voilà les priorités de nos concitoyens, pas le tripatouillage électoral ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)

Mme Solanges Nadille .  - Après l'échec de la CMP, le Gouvernement a maintenu ce texte à l'agenda. Cette réforme, qui n'est pas un caprice politique, répond à un constat : le système hérité de la loi PLM produit des effets démocratiquement discutables.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Lesquels ?

Mme Solanges Nadille.  - À Paris comme à Marseille, on peut devenir maire sans avoir la majorité des suffrages à l'échelle de la ville. (Vives protestations à droite comme à gauche)

Mme Colombe Brossel.  - C'est faux ! Arrêtez de mentir !

Mme Solanges Nadille.  - Un maire ne saurait tirer sa légitimité d'un cumul d'arrondissements plutôt que du vote clair des citoyens. Ce texte rétablit une règle simple : un électeur, une voix. (Mme Valérie Boyer s'exclame.) Ce n'est pas une recentralisation, c'est une clarification.

Mme Valérie Boyer.  - Pas du tout ! C'est la fin de la proximité.

Mme Solanges Nadille.  - Ce n'est pas une atteinte à la démocratie locale, c'est une exigence de lisibilité et d'égalité.

Mme Colombe Brossel.  - Quelle blague !

Mme Solanges Nadille.  - En supprimant le fléchage automatique, en ajustant la prime majoritaire, ce texte aligne Paris, Lyon et Marseille sur le droit commun applicable à toutes les autres communes.

M. Mathieu Darnaud.  - Ce n'est pas le droit commun. (On renchérit à droite comme à gauche.)

Mme Solanges Nadille.  - Aucune règle constitutionnelle ou légale n'interdit de réformer à proximité d'un scrutin - nous l'avons d'ailleurs fait ici même récemment. Des règles claires, appliquées en toute transparence, voilà ce qui compte ! Le vrai risque est de ne rien faire.

Les oppositions à la réforme sont motivées par des intérêts tactiques. (Mmes Valérie Boyer et Colombe Brossel protestent.)

M. Francis Szpiner.  - C'est faux !

Mme Solanges Nadille.  - Comment justifier le maintien d'un système inégalitaire et confus uniquement parce qu'il sert certaines configurations politiques ? (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'exclame.)

Mme Colombe Brossel.  - C'est l'hommage du vice à la vertu !

Mme Solanges Nadille.  - Cette réforme est attendue, équilibrée et démocratiquement fondée. À terme, nous souhaitons renforcer le rôle et les moyens des mairies d'arrondissement, mais cela ne doit pas être un préalable ou, pire, un prétexte pour ne pas avancer. (Mme Valérie Boyer s'exclame.) Ce texte, qui concerne 3,5 millions de nos concitoyens, mérite un débat à la hauteur de l'enjeu démocratique.

Mme Mireille Jouve .  - S'exprimer sur cette nouvelle lecture de la proposition de loi Maillard, l'exercice n'est pas enthousiasmant : quatre minutes, c'est une éternité... (Sourires)

Je ne retranche aucun mot des critiques que j'avais formulées en première lecture sur ce texte bâclé et juridiquement fragile. Son inscription à l'ordre du jour est pour le moins cavalière.

Ce texte est une atteinte à la stabilité du droit électoral dans l'année qui précède un scrutin. Si le Conseil constitutionnel ne l'a pas élevée au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République, je me plais à rêver d'une évolution jurisprudentielle. (Mme Valérie Boyer, M. Francis Szpiner et Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.)

Et que diable ! La loi PLM n'a pas empêché les alternances : en 2001 à Paris, en 1995 et 2020 à Marseille, en 1995, 2001 et 2020 à Lyon.

Pourquoi cet entêtement du Gouvernement, alors que le Premier ministre s'était engagé à ne pas poursuivre l'examen du texte sans l'aval de la Haute Assemblée, la chambre des territoires ?

Inflation, situation internationale, droits de douane, déficit budgétaire, voilà les sujets qui intéressent les Français, et non - un 9 juillet ! - le changement de mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille ! De qui se moque-t-on ? Avant d'engager la parole des Français, peut-être faudrait-il respecter la volonté de leurs représentants... (Mme Valérie Boyer, M. Francis Szpiner et Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.)

Le 3 juin dernier, je regrettais que le général de Gaulle n'ait pas suivi Michel Debré sur la constitutionnalisation du mode de scrutin. Quid des comptes de campagne ? Des trois scrutins simultanés à Lyon ? Des rapports entre conseils d'arrondissement et conseil municipal ? Comme le disait Martine Aubry, quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup...

Vous ajoutez la désinvolture à l'amateurisme, au détriment de la représentation nationale et des électeurs.

Je voterai personnellement contre ce texte ; mes collègues du RDSE useront de leur liberté de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE, du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Valérie Boyer.  - Bravo !

Mme Isabelle Florennes .  - Ce texte mérite-t-il une telle dramaturgie ? Je ne le pense pas, mais peut-être est-ce le sort de tout texte relatif au mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. À l'époque déjà, la loi du 31 décembre 1982 avait été adoptée par l'Assemblée nationale après un échec en CMP et un rejet par le Sénat.

Je m'étonne de la coalition des opposants à ce texte : des héritiers de ceux qui s'étaient battus contre la réforme en 1982, des descendants de ceux qui, en 1999, réclamaient une modification de ladite loi afin de déconcentrer les pouvoirs...

Ce texte vise à redonner sa force au vote, fût-il celui d'un électeur de droite dans un arrondissement de gauche, ou d'un électeur de gauche dans un arrondissement de droite. Les électeurs de Paris, Lyon et Marseille ne seront plus des citoyens de second rang, leur vote aura la même force que celui des électeurs des 34 875 autres communes.

La démocratie locale doit reposer sur la transparence et la confiance, non sur des jeux d'appareils.

La force de nos travaux est d'être pondérés ; j'aurais aimé retrouver une telle modération lors de l'examen de ce texte, hélas.

Mme Valérie Boyer.  - Ce n'est pas de la modération, ça !

Mme Isabelle Florennes.  - L'Essentiel qui fait la synthèse du rapport de Lauriane Josende s'apparente plus à un tract politique qu'à un rapport parlementaire ! (M. Francis Szpiner s'exclame.)

Ce texte aurait été mal préparé, élaboré dans la précipitation ? Jean-Paul Matteï a proposé en CMP des évolutions substantielles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Une seule !

Mme Isabelle Florennes.  - Notamment, que les maires des arrondissements siègent automatiquement au conseil central. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Guy Benarroche s'exclament) Il a obtenu un engagement du Gouvernement pour mener une mission flash sur les compétences des maires d'arrondissement...

M. Guy Benarroche.  - Voilà qui nous rassure !

Mme Isabelle Florennes.  - ... et présenter un projet de loi sur le mode de scrutin des élections sénatoriales.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela n'a jamais été proposé !

Mme Isabelle Florennes.  - Pour Lyon, il reste ouvert au débat sur le maintien simultané des scrutins municipaux et métropolitains.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est trop tard !

Mme Isabelle Florennes.  - Il lui a été opposé une fin de non-recevoir.

Si nous l'adoptons ce soir, ce texte aura force de loi avant que ne commence la période de vigilance des six mois précédant les élections de mars 2026.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Bonne nouvelle...

Mme Isabelle Florennes.  - Le reproche du caractère tardif n'a pas été soulevé pour la loi du 21 mai 2025, dont l'impact sera autrement plus important, et qui vise elle aussi à redonner du sens au vote.

M. Francis Szpiner.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Isabelle Florennes.  - Relisez la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1982 : les Sages ont donné une interprétation précise de la libre administration des communes et rejeté les griefs exprimés. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'exclame.)

Nous conservions l'espoir d'un compromis. Jean-Paul Matteï a tenté de tracer un chemin en proposant plusieurs modifications importantes.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Non !

Mme Isabelle Florennes.  - Nous regrettons que le Sénat s'en tienne aux mêmes caricatures qu'en première lecture.

Notre groupe continuera malgré tout à soutenir très majoritairement ce texte, qui constitue une avancée démocratique pour Paris, Lyon et Marseille. (Mme Anne-Sophie Patru applaudit.)

M. Ian Brossat .  - Débattre à nouveau du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille, est-ce bien sérieux, alors que l'on apprend cette semaine que le nombre de pauvres en France a augmenté de 600 000 en un an, qu'il atteint un record depuis 1996, que les inégalités sociales n'ont jamais été aussi élevées depuis les années 1970. Et nous débattons d'un texte qui concerne moins d'un Français sur dix !

Dans quelques mois, vous ne serez plus ministre, le Gouvernement aura été censuré. Que restera-t-il de votre bilan ? Le tripatouillage du mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille. Voilà qui éclaire d'un jour peu glorieux les priorités du Gouvernement. Tant d'autres sujets mériteraient notre attention !

Pourquoi un tel acharnement ? C'est que vous êtes convaincus que pour élire Mme Dati à la mairie de Paris, il faut changer le mode de scrutin ! Vous êtes convaincus que les échecs enregistrés par la droite en 2001, 2008, 2014 et 2020 sont dus au mode de scrutin actuel. En vérité, si la droite et le centre ont perdu, c'est que votre projet, vos candidats ne correspondaient pas aux attentes des Parisiens ! Tripatouillez tant que vous voulez : à chaque fois que vous défendrez des projets à côté de la plaque, vous serez battus. Notre groupe votera contre cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Encore une proposition de loi sans avis du Conseil d'État, en quatrième vitesse, pour satisfaire un deal de Gouvernement. On frôlerait le comique de répétition si le sujet n'était pas si important...

Cette proposition de loi sert des intérêts particuliers et non le fonctionnement des institutions locales. Son auteur nous dit qu'il ne s'agit pas d'un tripatouillage électoral. Mais ne pas demander l'avis du Conseil d'État sur un sujet aussi majeur, n'est-ce pas du tripatouillage ? Ne pas lier les questions des compétences et du statut des maires d'arrondissement, n'est-ce pas du tripatouillage ? Vanter le retour au droit commun et conserver en fait un statut dérogatoire pour s'assurer les voix du Rassemblement national, n'est-ce pas du tripatouillage ? (M. Francis Szpiner applaudit.) Créer deux primes majoritaires au sein d'une même ville, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Annoncer se concentrer sur le scrutin des mairies et tenter de modifier le mode de scrutin métropolitain, n'est-ce pas du tripatouillage ? Ne pas pouvoir garantir la faisabilité d'un triple scrutin à Lyon, n'est-ce pas du tripatouillage ? Envisager de réformer sans consulter les élus locaux, n'est-ce pas du tripatouillage, monsieur le ministre ?

Ce même député, auteur du texte, candidat malheureux au Conseil de Paris (MM. Thomas Dossus et Francis Szpiner et Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent), dit saluer la volonté du Gouvernement de poursuivre la navette parlementaire, conformément à notre Constitution. Mais ce que la Constitution permet, elle ne l'oblige pas. Saluez-vous, comme M. Maillard, le fait de ne pas respecter la parole que le Premier ministre a donnée au président du premier groupe politique du Sénat ? (M. Mathieu Darnaud acquiesce.)

Quelle confiance accorder aux paroles annonçant une mission flash sur les compétences, après toutes ces manoeuvres, alors que l'examen du texte a connu une accélération foudroyante, pour une adoption dès demain matin à l'Assemblée nationale ?

Bien sûr, nous sommes pour l'élection directe, nous sommes pour le changement du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille, pour une vraie réforme, mais pas ce tripatouillage. Nous sommes pour une liste claire, menée par un candidat. Nous aurions aimé un texte concerté, avec avis du Conseil d'État, préparé avec les élus locaux ; mais vous avez tout faux ! Les mairies de secteur doivent avoir de véritables compétences, une refonte de leurs ressources.

Derrière cette précipitation qui ne dit pas son nom, cette urgence préfabriquée, une tentation : redessiner la carte électorale au gré des équilibres politiques du moment, pour faire élire Mme Dati à Paris. Nous ne sommes pas dupes.

Ce texte ne permet pas de discuter sereinement de la réforme territoriale. Il faut une discussion cohérente et non précipitée.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Guy Benarroche.  - Nous amenderons le texte pour tenter de l'améliorer, même si c'est peine perdue. Nous voterons, bien entendu, contre. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Quelle curieuse soirée ! Notre débat sera vain. Le ministre attendra les deux ou trois heures du débat, puis repartira avec le sentiment du devoir accompli, en attendant que l'Assemblée nationale fasse son oeuvre. C'est un ministre commis d'office, comme l'a dit Francis Szpiner.

Votre portefeuille ne vous préposait pas à défendre ce texte, mais, faute de candidat, vous vous êtes dévoué. Pourquoi la membre du Gouvernement pour qui ce texte a été écrit n'est-elle pas là ? Ce texte vise en effet un seul objectif : que Mme Dati soit élue maire de Paris.

Vous vous demanderez peut-être un jour si vous avez agi dignement : soutenir une candidate poursuivie pour corruption et trafic d'influence, voilà votre piste pour que la droite reprenne Paris à la gauche. Je vous rassure : la droite a dirigé Paris, longtemps, avec le mode de scrutin actuel !

Vous mettez à bas quarante ans de décentralisation, vous privez les 2 millions de Parisiens de la proximité des maires d'arrondissement. Les maires d'arrondissement, de gauche comme de droite, ne sont pas favorables à votre réforme - sauf Mme Dati. Vous les transformez en présidents de conseil de quartier, sans pouvoir.

Ce texte est l'archétype du mauvais travail parlementaire ; vingt-cinq versions se sont succédé : prime majoritaire à 50 % un jour, à 25 % le lendemain ; un jour Lyon est exclu, un autre non - pourquoi ? Vous avez prétendu que le Sénat n'avait pas voulu travailler sérieusement en CMP. J'y étais ! Aucun représentant des groupes RDPI et UC n'a voulu intervenir. Vous réécrivez l'histoire.

Ce texte a été bricolé par des gens qui n'ont jamais réussi à devenir conseillers de Paris, mais qui sont parvenus à vous convaincre, pour des raisons qui m'échappent.

Bien sûr, ces trois villes n'ont plus rien à voir avec 1982, mais vous prétendez qu'elles doivent revenir au droit commun ; or, parlons-en, vous avez inventé une prime majoritaire ! Vous vous en éloignez. Bref, vous racontez des histoires. Ce qui compte, c'est que Mme Dati soit auréolée de prestige, entourée de ses amis - mes excuses à mes collègues qui n'en seront sans doute pas. (Sourires ; M. Francis Szpiner rit.)

C'est préoccupant. Alors que la pauvreté explose, comme l'a dit Ian Brossat, que la guerre est à nos portes, que Marseille a failli brûler, pourquoi ce texte ? Ah oui, demain, nous avons l'audiovisuel public : cette session extraordinaire est vraiment celle de Mme Dati ! (Sourires)

Enfin, qu'un ministre des relations avec le Parlement dépose un amendement irrecevable à l'Assemblée nationale, ce n'est pas sérieux.

La situation à Marseille est différente, Marie-Arlette Carlotti le dira.

D'une sévérité totale sur votre travail, nous combattons ce texte et voterons contre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Étienne Blanc .  - Vous aviez l'occasion de revenir sur l'anomalie de la loi de 1982. Mme de La Gontrie oublie de dire que ce texte a été fait par M. Mitterrand pour protéger M. Defferre...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Il est mort !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il était question du découpage, pas du mode de scrutin !

M. Étienne Blanc.  - Ce texte n'était pas sot en principe, mais de quelle manière vous y êtes-vous pris !

Selon la Constitution, le Sénat doit examiner en première lecture les textes relatifs aux collectivités territoriales, afin que nous apportions l'expérience des élus locaux. Or vous vous en êtes affranchis, en déposant ce texte, ni fait ni à faire, sur le bureau de l'Assemblée.

Je n'évoquerai qu'un problème : la compétence des maires d'arrondissement. La métropole lyonnaise, élue au scrutin direct, peut s'imposer aux communes. Que deviendront les arrondissements ? La proximité donnée aux maires d'arrondissement est une bonne chose, encore eût-il fallu préciser les compétences. Vous prétendez qu'un texte subséquent sera déposé... Après avoir dit que vous ne ferez pas adopter un texte sans l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat, pensez-vous que nous pouvons vous faire confiance et voter ce texte ? Chez moi, dans le Bugey, on dit que l'on n'achète pas dans un sac ; vous ne nous vendrez pas un texte aux conséquences inconnues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte présente plusieurs risques d'inconstitutionnalité.

Premier risque : deux scrutins se dérouleront en même temps. Or ils n'auront pas la même valeur, mais les électeurs penseront le contraire ; cela suscitera une certaine confusion.

Quelle était l'intention initiale ? Créer une unité municipale ? Alors, pourquoi créer un effet bastion pour l'arrondissement ? La réponse est simple : l'auteur du texte s'est rendu compte qu'il était impossible de supprimer l'arrondissement, échelon de proximité par excellence.

Ce nouveau mode de scrutin, peu intelligible, complexifie au lieu de simplifier. D'où un risque lié à la sincérité du scrutin.

Deuxième risque : différencier la prime majoritaire du droit commun constitue une dérogation qui n'est plus justifiée par un régime spécifique, puisque le principe du texte est justement de rapprocher le droit applicable à Paris, Lyon et Marseille du droit commun.

Troisième risque : le statut des arrondissements. Même si le Conseil constitutionnel fait rarement preuve d'activisme présidentiel, il pourrait avoir la volonté de le faire, en reconnaissant le conseil d'arrondissement comme apparenté à une collectivité territoriale. Dès lors, le texte risquerait d'être frappé d'inconstitutionnalité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - Pour ma part, je suis favorable à cette proposition de loi. Certes, elle n'est pas parfaite, mais elle met fin à un régime dérogatoire en vigueur depuis 1982. Quelque 10 % du corps électoral sont prisonniers d'un mode de scrutin d'exception. Le Sénat aurait dû prendre toute sa part dans ce débat, car sa force réside dans sa capacité à porter la voix de nos territoires.

Je regrette que nous n'ayons pas trouvé le chemin pour améliorer ce texte. Le Sénat a refusé ce travail : c'est inédit ; ce n'est pas l'esprit de la maison, selon moi. Trouvons une position commune, au moins sur la prime majoritaire.

Mme Antoinette Guhl .  - Monsieur le ministre, je m'interroge : dans quel monde parallèle vivez-vous pour nous faire vivre cette parodie de démocratie ? Les ordres du jour des deux chambres ont été modifiés pour faire passer cette proposition de loi au forceps. Ne serait-ce pas le monde extraordinaire de Mme Dati ?

Il y a sans doute plus urgent à faire que de modifier sur un coin de table le mode de scrutin des trois plus grandes villes de France. Sous prétexte d'harmonisation, le texte prévoit une prime majoritaire qui n'existe dans aucune autre commune.

À qui profite cette réforme ? Certainement pas aux citoyens, ni aux agents, ni aux fonctionnaires ! Seulement à celle qui, de peur de perdre une élection, modifie les règles du jeu. Plus que du tripatouillage, c'est presque du conflit d'intérêts. Tailler une élection sur mesure pour ses propres intérêts n'est pas digne de la représentation nationale.

Le GEST n'a jamais été fermé à une réforme du mode de scrutin. Mais encore faut-il un débat ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Colombe Brossel .  - Que cette soirée est bizarre et triste ! Vous ne faites même pas semblant de prendre des notes, monsieur le ministre. (M. Patrick Mignola montre ses notes à l'oratrice.)

Parisiens, Marseillais, Lyonnais, nous vous avons tous dit avec honnêteté et passion ce qui ne va pas dans ce texte : la dévitalisation des maires d'arrondissement. Vous n'avez même pas fait semblant d'écouter, encore moins de trouver une solution. À nos arguments d'amoureux de nos villes, vous n'avez opposé qu'un mépris lâche.

Comme les enfants, vous continuez à avoir recours à la pensée magique - pourtant, cela s'arrête vers 3 ou 4 ans normalement ! Si je dis que cela n'existe pas, cela n'existe pas... Vous mettrez à bas l'histoire de nos villes et l'organisation de nos politiques de proximité, avec cynisme. C'est triste. (Applaudissements à gauche)

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne parlerai pas de l'impréparation du texte, ni du fond - les trois urnes à Lyon -, ni du fait qu'il aurait dû être examiné d'abord par le Sénat, ni du fait qu'il est étonnant de modifier les règles à moins d'un an d'une élection.

Je parlerai de la pierre philosophale, l'argument massue de ce texte : le retour au droit commun ! La belle affaire. Et attention, mes chers collègues, Lyon ne serait plus la troisième ville de France - c'est Toulouse. Et comment la troisième ville de France pourrait-elle avoir un mode de scrutin différent de Lyon, Paris et Marseille ?

Vous répétez à l'envi, monsieur le ministre : pourquoi nous opposer à ce texte ? Parce qu'un tel argument massue doit être étayé. Nous ne sommes pas opposés à une véritable évolution, prenant en compte la proximité. Seulement, nous n'avons pas eu un débat parlementaire, mais un vaudeville ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Christian Bilhac et Marc Laménie et Mme Colombe Brossel applaudissent également.)

M. le président.  - Amendement n°1 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Excluons Paris et Lyon du dispositif. Lors de la CMP, le rapporteur pour l'Assemblée nationale m'avait surprise en affirmant qu'organiser les trois scrutins simultanément à Lyon était possible. Or ce n'est pas le cas ! Le maire de Lyon me l'a confirmé.

M. le président.  - Amendement n°9 de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - La situation lyonnaise reflète le bricolage entourant le texte, dont l'auteur n'a visiblement pas dépassé le périphérique...

Le ministre a parlé d'angle mort. Il propose une mission flash et un projet de loi organique, mais toujours pas de solution pour le triple scrutin lyonnais ! Les élus commencent à s'inquiéter : il faudra pousser les murs dans certaines écoles. Nous n'avons toujours aucune réponse du Gouvernement. Difficile de demander à l'auteur, puisqu'il n'a consulté aucun maire d'arrondissement lyonnais : ce texte est pensé pour une candidate parisienne.

M. le président.  - Amendement n°4 de Mme Carlotti.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Je retire cet amendement au profit du suivant, mieux rédigé.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Nous nous efforçons d'améliorer autant que faire se peut ce texte qui sera voté, puisque telle est la volonté de Rachida Dati et du commis d'office du Gouvernement...

Nous proposons un seul scrutin, avec un seul bulletin et une seule urne. Ce système serait plus lisible pour l'électeur, qui verrait sur une même liste les candidats pour la mairie de secteur et ceux pour la mairie centrale. Il rapprocherait le citoyen de la mairie centrale, tout en maintenant son lien avec la mairie d'arrondissement.

Nous proposons en outre le retour au droit commun pour la prime majoritaire, soit 50 %.

M. le président.  - Amendement n°2 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La prime majoritaire, de 50 % dans toutes les communes de France, serait ramenée à Paris, Lyon et Marseille à 25 %, très loin du droit commun. Cet amendement revient sur cette curiosité...

M. le président.  - Amendement identique n°7 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - S'il s'agit avec ce texte de consacrer un retour au droit commun, comme le prétend le Gouvernement, pourquoi instaurer une prime majoritaire dérogatoire ? Nous dénonçons cette narration trompeuse. Le système proposé frôle l'absurde, puisque deux primes différentes s'appliqueraient, selon que le scrutin concerne la mairie de secteur ou la mairie centrale.

M. le président.  - Amendement n°5 de Mme Carlotti.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Il s'agit d'un amendement de repli, fixant la prime majoritaire à 33,3 %, au cas où les précédents ne seraient pas adoptés.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Les amendements de cette série portent sur trois sujets : les villes concernées par la réforme ; les modes de scrutin ; la prime majoritaire.

Avis défavorable aux amendements nos1 et 9, qui posent des difficultés multiples : risque de rupture d'égalité, atteinte à la sécurité du scrutin, difficultés organisationnelles... Personne ne s'oppose à une réforme, mais à condition qu'il y ait une évaluation préalable. Exclure l'une des villes de la réforme ne réglerait pas les problèmes des autres.

Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis. Introduire un bulletin unique ne réglerait pas les problèmes, bien au contraire : les électeurs seraient obligés de voter pour la même liste au conseil d'arrondissement et au conseil municipal, alors qu'il s'agit de deux scrutins différents. Nous appelons de nos voeux une concertation pour élaborer une réforme mêlant compétences et mode de scrutin.

Avis défavorable aux amendements identiques nos2 et 7, qui prévoient une prime majoritaire de 50 % pour l'élection des conseillers municipaux. Nous appelons au rejet du texte dans son ensemble, compte tenu des innombrables difficultés qu'il pose : il resterait contestable, même modifié sur ce point.

Même avis sur l'amendement n°5, qui instaure une prime majoritaire de 33,3 %. Ce taux dérogatoire n'est justifié par aucune différence de situation objective et créerait sans nul doute une rupture d'égalité.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Mêmes avis que la rapporteure.

Madame Brossel, il n'y a aucun mépris lâche : j'espère que ce sont nos divergences d'approche sur ce texte qui vous conduisent à porter de tels jugements.

Les deux chambres se sont prononcées sur ce texte en des termes très différents, avec une très large majorité en sa faveur à l'Assemblée nationale...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Avec le RN ! (On renchérit à gauche.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... et, au Sénat, une majorité presque aussi large contre lui.

Point de procès d'intention : la responsabilité du Gouvernement est de faire fonctionner les institutions. Comme l'a dit Mme Florennes, pourquoi tant de dramaturgie ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi le Premier ministre n'a-t-il pas respecté ses engagements ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Nous n'avons pas choisi de coller au droit commun. (M. Guy Benarroche s'exclame.) Nous disons qu'il faut se rapprocher le plus possible du droit commun. Quant à la prime majoritaire de 25 %, elle s'applique à d'autres élections.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pas municipales !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Les conseils municipaux dont nous parlons se rapprochent par leur taille des conseils régionaux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est faux ! Reconnaissez plutôt que c'est pour avoir les voix de l'extrême droite !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Le choix de l'électeur peut être différent selon qu'il vote pour la mairie centrale ou la mairie d'arrondissement. Garantissons-lui cette liberté.

Le sénateur Dossus a rappelé mes réserves à propos de Lyon. Je regrette que nous n'ayons pas pu favoriser le dialogue entre les deux assemblées pour trouver une solution sur ce point, alors que personne, depuis la loi Maptam, n'a pris en considération le statut particulier de la métropole lyonnaise. Il se trouve que c'est le seul point d'accord entre les deux assemblées que d'avoir rejeté l'exclusion de Lyon proposée par le Gouvernement en première lecture.

Mme Colombe Brossel.  - Je crois me souvenir que le premier à avoir avancé l'argument du droit commun, c'est le Président de la République, dans une interview télévisée. Le résultat auquel nous parvenons est baroque...

À l'Assemblée nationale, vous avez quand même compris qu'il était ennuyeux que les maires d'arrondissement ne siègent pas au conseil municipal. Mais comme la mesure que vous avez cherché à introduire n'est pas passée, on a vu arriver la prime majoritaire de 25 %.

Et, ce soir, pompon sur la pomponnette : il faudrait qu'on ait le même mode de scrutin que les régions, parce que la taille de nos hémicycles ressemblerait à celle des conseils régionaux. Les bras m'en tombent...

Le travail que vous avez mené n'est ni fait ni à faire ; mais, au moins, prenez-nous un peu au sérieux ! (Applaudissements sur diverses travées)

M. Guy Benarroche.  - Vous avancez l'argument de la proximité, et je suis d'accord. Mais cela veut-il dire que le maire de secteur aura des compétences et des moyens pour agir ? En réalité, vous flouez l'électeur, car le maire de secteur ne sera pas en mesure de mettre en oeuvre ses engagements !

Mme Valérie Boyer.  - C'est un dol !

M. Stéphane Le Rudulier.  - Je ne comprends pas l'attachement du Gouvernement à ce texte. C'est un peu comme un projet de loi, l'avis du Conseil d'État en moins...

Aux élections régionales, il y a, en effet, une prime de 25 %, mais un seul bulletin de vote. Le mode de scrutin est donc beaucoup plus lisible que celui que vous nous présentez.

Vous voulez, au fond, séparer l'élection au niveau de la ville et celle au niveau de l'arrondissement. Un chef de file ne pourra cumuler les mandats, les ressources seront transférées de la ville à l'arrondissement. N'est-ce pas une collectivité territoriale qui ne dit pas son nom ? Si tel est le cas, le principe de libre administration n'est pas respecté.

L'argument du rapprochement du droit commun n'a pas de sens. Ne peut-on réfléchir à un mode de scrutin spécifique pour les villes de plus de 500 000 habitants - dont Toulouse, comme l'a dit M. Darnaud ? Ce travail pourrait prendre la forme d'une mission d'information, comme l'a proposé le président Larcher.

M. Francis Szpiner.  - Si vous aviez travaillé, vous n'auriez jamais fait cette réforme. J'ai été élu à 76 % maire du 16e arrondissement, un secteur aussi peuplé que - au hasard - la ville du Havre.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça va... (Sourires)

M. Francis Szpiner.  - Ma seule force tenait au fait que je siégeais, avec douze de mes élus, au Conseil de Paris. Alors que le maire d'arrondissement est un géant à la légitimité démocratique, vous en faites un nain politique. Je m'étonne de votre manque de travail et de votre méconnaissance de la ville...

Quand je suis arrivé au Sénat, je n'imaginais pas entendre des gens mentir, ce qu'a fait le Premier ministre. Vous prétendez que 91 % des Parisiens plébiscitent cette réforme, mais ce sondage repose sur une question mensongère : « voulez-vous élire directement votre maire ? »

Cette réforme ne ressemble à rien et elle est antidémocratique ! (Applaudissements sur de nombreuses travées)

L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos9 et 6 rectifié bis.

Les amendements identiques nos2 et 7 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°5.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°349 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption   86
Contre 247

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - L'Assemblée nationale a empêché un conseiller d'arrondissement de siéger au conseil métropolitain : les conseillers métropolitains seraient nécessairement issus des mairies centrales. Même le maire d'arrondissement ne pourrait siéger au conseil métropolitain. Supprimons cette incongruité.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement de suppression, la commission appelant au rejet du texte.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Il s'agit d'une mesure de cohérence, pour que les conseillers métropolitains soient élus avec la même prime majoritaire que les conseillers municipaux. Avis défavorable.

L'amendement n°8 rectifié est adopté.

L'article 1er bis est supprimé.

M. le président.  - Amendement n°3 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

L'amendement n°3 n'a plus d'objet.

L'article 1er ter n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit d'un amendement symbolique, mais qui prouve que la loi PLM est perfectible. Le nombre de conseillers d'arrondissement est fixé dans un tableau qui n'a pas été actualisé, alors que les dynamiques démographiques sont contrastées. Nous proposons de mettre à jour la répartition pour Lyon à l'aune du dernier recensement : actuellement, un conseiller du IIIe arrondissement représente plus d'habitants qu'un élu du Ier ou du IXe.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Les tableaux fixant le nombre de conseillers municipaux n'ont pas été actualisés depuis 1983, sauf à Paris. Or la démographie a évolué, évidemment, si bien que le poids démographique de chaque arrondissement ou secteur n'est plus reflété. Mais j'émets un avis défavorable, conformément à la position de la commission sur le texte. Il faudra cependant s'y pencher rapidement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - L'amendement actualise le nombre de conseillers municipaux et non d'arrondissement, ce qui a pour effet de sortir Lyon de la réforme. À l'article 2 de la proposition de loi, les tableaux des conseillers d'arrondissement sont mis à jour, tant pour Paris, que pour Lyon et Marseille, sur la base des derniers recensements Insee. Le tableau pour Paris était déjà à jour, mais celui de Lyon datait de 1982 et celui de Marseille de 1977.

Mme Colombe Brossel.  - Je répéterai inlassablement la vérité contre les mensonges proférés : nous n'avons pas besoin de réformer le mode de scrutin pour actualiser les tableaux. À Paris, le tableau a été actualisé sans modification du mode de scrutin, ...

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est ce que je viens de dire.

Mme Colombe Brossel.  - ... en concertation avec le gouvernement de l'époque, la maire de Paris et les maires d'arrondissement. Nul besoin pour cela de mettre à bas les mairies d'arrondissement.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Un texte de réactualisation de ces tableaux aurait recueilli notre vote unanime et nous aurait laissé le temps de mener une réflexion de long terme.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

Mme Antoinette Guhl .  - « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'il y ait accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. » (L'oratrice répète cette citation trois fois ; la troisième répétition déclenche des rires.). Monsieur le ministre, êtes-vous d'accord avec ces propos, tenus par le Premier ministre en février dernier ? (Applaudissements à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

L'article 4 n'est pas adopté, non plus que l'article 5.

M. le président.  - Si l'article 6 est supprimé, il n'y aurait pas d'explications de vote. Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. Mathieu Darnaud.  - Il est temps que l'examen de ce texte s'achève. C'est la tristesse qui domine. Élu du département de la plus petite préfecture de France, je ne comprends peut-être pas les subtilités de votre argumentation... Les maires qui ont un conseil municipal fourni doivent craindre ce soir que vous ne fassiez passer leur prime majoritaire de 50 % à 25 % ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche)

Je ne suis pas convaincu par l'argument du droit commun ; ce que je sais, c'est que ce texte créera encore des exceptions, or ce n'est pas ce dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche)

M. Rémi Féraud.  - Voilà un texte bâti sur une pyramide de mensonges. Le maire de Paris aurait parfois été élu par une minorité : c'est faux. Avec ce texte, les Parisiens, Lyonnais et Marseillais pourraient élire directement leur maire : c'est faux, l'élection demeurera indirecte. On reviendrait, en ce qui concerne Paris, à la normale ou à avant 1983 : c'est faux, le mode de scrutin du Conseil de Paris a traversé toutes les Républiques (applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains), mais votre gouvernement le raye d'un trait de plume...

On ne change pas un mode de scrutin sans consensus moins d'un an avant. L'amendement voté ici à l'initiative d'Alain Richard ? Balayé !

Autre mensonge : celui du Premier ministre, rappelé par Mme Guhl.

Enfin, le mensonge du droit commun, qui justifiera peut-être la censure de ce texte par le Conseil constitutionnel.

Le mode de scrutin actuel est subtil et utile aux Parisiens ; vous instaurez un mode de scrutin pour une ministre-candidate, mise en examen pour corruption et trafic d'influence ; j'espère que cela se retournera contre vous. (Applaudissement sur les travées du groupe SER et du GEST)

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 6 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°350 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption   87
Contre 247

L'article 6 est supprimé.

M. le président.  - Les articles de la proposition de loi de loi ont été successivement supprimés. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission.  - Le Sénat a rejeté ce texte encore plus massivement qu'en première lecture.

Le Sénat n'est jamais ni complaisant ni hostile à un gouvernement. Il a besoin de confiance. Mais quelle confiance pouvons-nous avoir, quand vous passez outre à notre vote, contrairement à vos engagements ? Quand vous prétendez que la CMP n'a pas été conclusive à cause du Sénat ? Quand vous nous demandez d'examiner un texte en trois jours ouvrés, que le ministre donne tout juste un avis de sagesse et que le texte n'ira jamais à son terme ? Tout cela n'est ni raisonnable ni sérieux. Nous attendons d'autres relations lors de la prochaine session. (Applaudissements)

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est la première fois, depuis la prise de fonctions de ce gouvernement, que les deux assemblées s'expriment de façon aussi diamétralement opposée.

Mais ne faites pas d'un cas ponctuel une généralité. Sur plusieurs textes dont le Sénat a été l'initiative - proposition de loi Narcotrafic, proposition de loi Gremillet, proposition de loi Duplomb - le travail a été mené en confiance, avec un climat moins serein à l'Assemblée nationale...

Mme Audrey Linkenheld.  - Pas sur le narcotrafic !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Pour autant, le Gouvernement a veillé à ce que ces textes soient adoptés.

Je tiens à vous assurer de tout le respect du Gouvernement envers le Sénat. Nous avons travaillé en confiance et en responsabilité sur ces textes ; j'espère qu'il en ira de même à l'avenir.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Vous avez le droit de changer d'avis !

Une voix à gauche.  - Vivement la censure !

Prochaine séance demain, jeudi 10 juillet 2025 à 10 h 30.

La séance est levée à 23 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 10 juillet 2025

Séance publique

À 10 h 30, l'après-midi et le soir

Présidence : M. Xavier Iacovelli, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : M. Fabien Genet, Mme Véronique Guillotin

1Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama (texte de la commission, n°818, 2024-2025)

2Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (texte de la commission, n°832 rect., 2024-2025) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (texte de la commission, n°833, 2024-2025)

3Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social (texte de la commission, n°839, 2024-2025)

4Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte de la commission, n°825, 2024-2025)