Réforme de l'audiovisuel public (Deuxième lecture - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 1er (Suite)
M. le président. - Amendement n°298 rectifié de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - L'imprécision des missions de la holding - qui frise l'incompétence négative du législateur - résulte du double langage qui préside à la réforme. Les synergies annoncées sont en réalité faibles, car les réformes déjà réalisées. Les fusions ont conduit à la réduction de programmes radio, média auquel la ministre se dit si attachée, et à la disparition d'identités éditoriales, renforçant l'invisibilisation des territoires.
Cet amendement constructif renforce les sociétés audiovisuelles publiques en faisant de l'entité France Médias - si elle était maintenue - un outil de coordination. Il s'agit d'inscrire clairement que la compétence éditoriale reste aux sociétés historiques, et non à France Médias.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Cet amendement est constructif, je vous l'accorde, et bien rédigé, mais il va à l'encontre de notre objectif : nous voulons que la holding ait un rôle exécutif, avec une mission de définition stratégique. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. - Effectivement, cet amendement est constructif, mais pour les mêmes raisons que le rapporteur, avis défavorable.
Mme Colombe Brossel. - On nous reprochait de ne pas voter l'article 1er alors que le débat avait eu lieu voilà deux ans.
Au passage, depuis trente ans que je connais David Assouline, c'est la première fois que j'entends que les débats aient été plus apaisés en sa présence. (Rires ; M. Jean-Raymond Hugonet applaudit.) Je lui transmettrai !
Si l'article 1er est effectivement le même qu'il y a deux ans, le projet en revanche ne s'inscrit absolument plus dans le même cadre.
M. Max Brisson. - C'est vous qui avez changé !
Mme Colombe Brossel. - Il ne s'agit plus d'une holding de coordination, mais bien d'une holding exécutive - la porte ouverte à une centralisation des pouvoirs, avec une seule personne qui impose sa volonté à des radios et télévisions qui ont une identité propre. Merci au rapporteur Vial de l'avoir reconnu.
M. Roger Karoutchi. - Allez, avançons !
Mme Karine Daniel. - Nous voterons cet amendement de bon sens. La holding, c'est la première étape de la fusion ; nous voudrions une pré-étape pour avoir une idée plus claire des champs de coordination, d'économies, de synergies entre les opérateurs. Cela suppose de privilégier la coordination. Radio et télévision ne sont pas les mêmes métiers. Il faut mieux cibler et expliquer ces champs de coopération.
Mme Sylvie Robert. - Les débats n'étaient pas apaisés il y a deux ans, mais ils étaient techniques. Aujourd'hui, ils sont politiques.
Si l'article 1er traite effectivement de l'objet social, le projet qui est au coeur de nos débats est bien celui d'une holding chapeautant les quatre maisons, qui ne seraient plus dotées que de directeurs généraux délégués. On est très loin du modèle envisagé il y a deux ans.
Soyons sincères entre nous : l'objet du débat est bien cette holding.
M. Max Brisson. - Le disque commence à se rayer !
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°298 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme Monique de Marco. - Obstruction ! (Rires et exclamations)
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°359 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 228 |
L'amendement n°298 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°72 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement de repli réduit le caractère exécutif de la holding et donne plus d'autonomie aux sociétés en associant leurs directeurs généraux à la politique globale menée par la holding. Ceux-ci, prévus dans la version adoptée en première lecture par le Sénat, ont été rayés d'un trait de plume lors du passage en commission à l'Assemblée nationale.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Non !
Mme Annie Le Houerou. - À la veille des élections de 2026 et 2027, cette réforme risque de perturber le débat démocratique. L'audiovisuel public ferait de meilleures audiences s'il n'avait été amputé de 32 % de son budget depuis 2008 ! La présence des directeurs généraux tempérerait l'omnipotence du PDG exécutif ; eux seuls négocieraient le fléchage des budgets au sein de la holding.
Une super-gouvernance par la holding cache en réalité une menace sur l'indépendance de l'audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique. La concentration de l'information menace la neutralité.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Même cause, même conséquence. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. - Même avis.
M. Yan Chantrel. - La réforme de la gouvernance menace l'indépendance éditoriale. Elle concentre le pouvoir entre les mains du PDG de la holding, transformant les directeurs des entreprises en simples exécutants. Le rapport Bloch propose même d'aller plus loin en nommant un seul directeur de l'information. Confier le contrôle de l'information publique à une seule personne augmenterait les risques d'ingérence étatique, d'intérêts privés ou de pressions extérieures. (M. Roger Karoutchi s'impatiente.) On glisserait d'un audiovisuel public à un audiovisuel d'État. Or c'est pour mettre fin à l'emprise politique de l'ère gaulliste qu'on a divisé l'ORTF en plusieurs sociétés ! Plusieurs incidents ont déjà mis en lumière la porosité des médias publics aux pressions des groupes conservateurs - la déprogrammation d'humoristes, notamment. Il y a tout à craindre d'une centralisation accrue.
L'amendement n°72 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°65 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Cet amendement de repli veille à l'équilibre des pouvoirs au sein de la future société France Médias - à défaut de la supprimer. Cette société doit être un chef d'orchestre, dites-vous. Nous proposons une codéfinition des orientations du groupe et de ses unités. La société France Médias doit être une médiatrice entre les composantes de l'audiovisuel public, non une entité les chapeautant. Un mode d'administration managérial inspiré du privé diluerait la spécificité de notre audiovisuel public, qui réside dans sa diversité.
En visant la massification - des entités, des audiences, des économies - ce texte se trompe sur la vocation de l'audiovisuel public, qui n'est pas d'être le plus gros, mais le plus pluraliste possible.
M. le président. - Amendement n°64 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Cet amendement prévoit une révision quinquennale des orientations stratégiques de la holding, afin de garantir une vision cohérente dans la durée et répondre aux défis de transformation. Selon la Cour des comptes, le pilotage stratégique manque de lisibilité, de cohérence et de réactivité - la faute à un État instable dans ses arbitrages. Le rejet des derniers contrats d'objectifs et de moyens par nos commissions appelle l'État actionnaire à redevenir un État stratège, en soutien à un audiovisuel public devenu stratégique.
Il s'agit aussi de s'adapter aux mutations numériques, à la révolution de l'intelligence artificielle et à l'évolution des usages. Enfin, ce serait l'occasion de rendez-vous réguliers avec les parlementaires et les citoyens. (MM. Mathieu Darnaud et Roger Karoutchi s'impatientent.)
M. le président. - Amendement n°66 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Karine Daniel. - Prévoir la validation des orientations stratégiques de la holding par les conseils d'administration des sociétés qui la composent est un garde-fou démocratique.
Un pilotage trop centralisé nuirait au pluralisme, à l'indépendance et à la liberté de programmation. Radio France n'est pas France Télévisions, France Médias Monde n'est pas l'INA. L'homogénéisation forcée serait une erreur stratégique. Ces sociétés doivent demeurer maîtresses de leur ligne éditoriale et de leur stratégie numérique. C'est pourquoi nous soumettons les orientations stratégiques à leur aval.
Dans son rapport, Laurence Bloch invite à un dialogue entre le PDG de la holding, qu'elle qualifie « d'ombrelle juridique », et les autres entités. Or la structuration de ce dialogue est inexistante, la gouvernance demeure verticale et centralisatrice.
M. le président. - Amendement n°67 de Mme Robert et du groupe SER.
M. David Ros. - Toujours plus constructif et souple, voilà un amendement de repli du repli. Les sociétés qui composent la holding doivent pouvoir donner un avis sur les orientations stratégiques.
France Télévisions, Radio France et l'INA ne seraient pas représentées au conseil d'administration de la holding, sinon par le PDG, ce qui est insuffisant. En écartant les directions des différents médias publics de la gouvernance, on donne l'impression d'une mise au pas.
Inspirons-nous du modèle suisse. Le conseil d'administration de la Société suisse de radiodiffusion et télévision publique soumet ses orientations stratégiques aux quatre entités régionales qui le composent afin de garantir la coordination et préserver leur autonomie. Ce système coopératif et décentralisé n'a rien à voir avec ce qui nous est proposé. C'est un gage de confiance. Chaque média doit pouvoir défendre ses projets et ses priorités dans le respect de sa ligne éditoriale.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Je crois comprendre que vous n'êtes pas d'accord avec la création de la holding... (Sourires) Ces amendements cherchent à en contourner l'objectif : avis défavorable.
J'ajoute qu'en 2010, la Radio suisse romande (RSR) et la Télévision suisse romande (TSR) ont fusionné, avec succès.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Vive la Suisse !
Mme Rachida Dati, ministre. - Même avis.
L'amendement n°65 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°64, 66 et 67.
M. le président. - Amendement n°22 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Cet amendement de repli exclut France Télévisions de la holding. Ne fragilisons pas ce qui fonctionne.
France Télévisions, c'est l'audiovisuel public outre-mer, avec le réseau Outre-mer La Première. En 2025, elle consacre 440 millions d'euros à la création audiovisuelle et 80 millions d'euros au cinéma - plus que Netflix, Disney ou TF1. En 2018, elle commandait pour plus de 405 millions d'euros d'oeuvres patrimoniales. Comment la mutualisation pourrait-elle être profitable aux territoires éloignés de l'Hexagone ? Avec cette réforme, comment continuer à valoriser nos paysages, talents et cultures ? Comment maintenir nos territoires comme terres de tournage ?
Ce projet de holding ne renforce pas le service public, il menace son équilibre. Ne revenons pas à un contrôle colonial de l'information ! (On apprécie la formule sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. - Très bien !
M. le président. - Amendement identique n°62 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Karine Daniel. - Sortons France Télévisions de la holding. Ses crédits ont baissé au fil des ans, passant de 2 618 millions d'euros à 2 505 millions d'euros en loi de finances pour 2025 - soit moins qu'en 2019. De surcroît, le texte prévoit de plafonner ses recettes commerciales - publicités et parrainages.
France Télévisions s'est déjà constituée en holding depuis la loi du 1er août 2000. Premier groupe audiovisuel en France, elle regroupe de nombreuses chaînes et détient des participations dans plusieurs chaînes thématiques internationales. Elle exploite un réseau de radios en outre-mer, possède plusieurs plateformes et sites web. (M. Roger Karoutchi s'impatiente.) Toutes ces activités ne sauraient être mélangées.
M. le président. - Amendement identique n°221 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - France Télévisions a démontré son rôle central notre vie démocratique et dans la cohésion nationale en diffusant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ou en organisant plus de trois cents débats locaux pendant les élections législatives.
Télévision de service public ancrée dans les territoires, elle bénéficie d'un haut niveau de confiance : 60 % des Français considèrent son information comme fiable. C'est le fruit d'années d'investissement, de rigueur journalistique et d'indépendance éditoriale.
Cet amendement préserve France Télévisions de la mise sous tutelle proposée par cette proposition de loi. Préservons ce modèle qui fonctionne pour qu'il continue à remplir ses missions de service public.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Il y a des moments savoureux. Vous avez défendu une holding qui regroupe l'INA, Radio France et France Médias Monde, en excluant France Télévisions, avec une argumentation très structurée, pendant deux minutes chacun. C'est fabuleux ! J'attends la suite avec gourmandise. Avis défavorable. (On s'offusque à gauche ; sourires sur les travées du groupe UC.)
Mme Rachida Dati, ministre. - Avis défavorable.
M. Yan Chantrel. - Rassurez-vous, nous proposerons d'exclure une à une les entités de la holding !
Derrière ce projet de holding, il y avait le rêve d'une BBC à la française. Or outre-Manche, la concentration a servi les conservateurs et les réactionnaires quand ils ont voulu s'attaquer à l'audiovisuel public. Accusations de wokisme, chasse aux sorcières, nominations de proches du pouvoir, menaces sur le financement, déprogrammations d'émissions gênantes : la BBC est devenue l'ombre d'elle-même. Les coupes s'élèvent à 700 millions de livres sur un budget de 3,5 milliards ; premières victimes, BBC Radio 1 et Radio 2 ont perdu plus de 300 emplois. Newsnight a été supprimé. Le BBC World Service a perdu 185 emplois, ses programmes phares et son réseau en Asie. Voilà ce qui nous attend.
M. Max Brisson. - Et en Allemagne ?
Mme Colombe Brossel. - Je ne parlerai pas de l'Allemagne, mais de la Belgique. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson. - On peut faire tout le Benelux d'un coup ?
Mme Colombe Brossel. - En 2018, l'audiovisuel public belge a fait l'objet d'une réforme de grande ampleur : suppression des chaînes de télévision et de radio, création d'un pôle contenus et d'un pôle médias.
Mme Rachida Dati, ministre. - Vous y êtes allée ?
Mme Colombe Brossel. - Selon la Société des journalistes, cela a entraîné une dégradation des conditions de travail. Un rédacteur en chef en burn-out s'est suicidé sur son lieu de travail. Un journaliste politique peut travailler pour la radio, la télévision et le numérique à la fois, ce qui accentue la pression et nuit à la qualité de l'information. Preuve que la mutualisation à marche forcée et la perte d'autonomie conduisent à une baisse de la qualité, voire à une dégradation des conditions de travail.
Mme Monique de Marco. - Je suis déçue. En commission, nous avons dû examiner les amendements à toute vitesse ; vous nous aviez promis un débat en séance. Et voilà que le rapporteur écarte nos amendements d'un revers de main, en les ridiculisant. Ce sont des amendements de repli, et nous irons jusqu'au bout.
Je vous parlerai, moi, de l'Italie. (« Ah ! » à droite) Sous Meloni, le système historique de répartition des chaînes entre partis politiques a été modifié pour renforcer le contrôle gouvernemental ; le temps de parole des membres du gouvernement a cessé d'être limité. Bref, on glisse vers une institutionnalisation politique de la RAI.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Comment s'abonne-t-on ?
Les amendements identiques nos22, 62 et 221 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°21 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Pierre Ouzoulias. - Je suis fonctionnaire : chaque fois qu'on m'a parlé d'économies d'échelle, cela s'est traduit par moins de moyens. Pour l'audiovisuel public, ce serait un drame. Salle des Conférences, le journaliste de France Info est seul avec son micro. Idem pour la télévision : un journaliste, un caméraman, pas plus. Comment faire moins ? La solution, c'est de mutualiser les contenus - ce qui n'est pas une bonne chose.
Je prendrai un exemple, le mien. Le journal de 12 h 30 de France Culture est exceptionnel, on y invite des chercheurs, des universitaires.
Mme Rachida Dati, ministre. - Il n'y a que vous qui l'écoutez !
M. Pierre Ouzoulias. - Je l'écoute le lendemain matin. Or Médiamétrie ne comptabilise que les écoutes en direct. Je ne suis donc pas comptabilisé comme auditeur... Il faut ajouter les téléchargements !
Depuis 2017, on nous parle de la start-up nation : ce qui est petit est efficace. Or voilà que vous nous proposez un mastodonte qui rappelle l'époque soviétique ! (M. Roger Karoutchi rit ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Amendement identique n°68 de Mme Robert et du groupe SER.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous sortons Radio France de la holding. Créée en 1975 après le démantèlement de l'ORTF, elle est intégralement détenue par l'État ; son financement est à 80 % public, à 20 % issu de la publicité et d'activités de diversification. Son budget pour 2025 s'élève à 660 millions d'euros. La production est assurée en interne, d'où une qualité sonore exceptionnelle.
À la BBC, l'activité radio n'est guère florissante, or les financements y sont bien supérieurs, avec une redevance de l'ordre de 220 euros.
M. le président. - Amendement identique n°222 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Nous voulons exclure Radio France de la holding. C'est le premier groupe radiophonique en nombre d'auditeurs. C'est aussi la première radio sur le numérique en live comme en podcast. Radio France n'a pas besoin d'un rapprochement.
En 2025, le budget de Radio France a été réduit de 25 millions d'euros, entraînant la disparition du Mouv' et d'Ici Paris Île-de-France.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Avis défavorable. Ces amendements conduiraient à organiser la fusion de France Télévisions avec l'INA et France Médias Monde, ce qui n'est pas pertinent.
Mme Rachida Dati, ministre. - Avis défavorable.
M. Thomas Dossus. - Les scores de Radio France sur le numérique battent des records chaque année. Le rapporteur prétend que nous sommes concurrencés par toutes les plateformes numériques, mais Radio France ne vous a pas attendu, et est leader sur ces mêmes plateformes. Pourquoi saborder ce service public qui fonctionne très bien, sinon pour le mettre au service des politiques ? Cette indépendance a entraîné le développement de l'écosystème numérique de Radio France, qui est à conserver.
Mme Colombe Brossel. - Vous nous dites qu'on a essayé les coopérations par le bas et que cela n'a pas marché... Mais regardez les audiences : si quelque chose fonctionne, c'est bien Radio France ! Pas moins de 7 millions d'auditeurs par jour pour France Inter, un Français sur dix ! Les nouveaux auditeurs de France Inter sont précisément les catégories souhaitées par la ministre de la culture. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.)
Mme Rachida Dati, ministre. - Je ne souhaite rien. C'est un constat.
Mme Colombe Brossel. - Radio France a pris le virage des podcasts. Il est faux de dire qu'elle a raté le virage du numérique, sinon comment aurait-elle une telle audience numérique ? Radio France est efficace et adaptée au monde actuel.
Pourquoi est-il impératif de mettre au pas Radio France et de la faire entrer dans une holding exécutive ? Nous ne partageons pas le constat, parce qu'il est faux ! La solution n'est pas adaptée.
Mme Laurence Rossignol. - J'imagine quelqu'un qui assisterait à nos débats et entendrait parler de Radio France comme d'un dinosaure archaïque. L'application Radio France propose des contenus consensuels, incluant Albert Camus - consensuel - , Marie Curie... (Mme Laurence Rossignol cite de nombreuses émissions en consultant son téléphone.)
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Ce n'est pas le sujet !
Mme Rachida Dati, ministre. - Pour qui ?
Mme Laurence Rossignol. - « Les jeux vidéo », « Canicule sentimentale », « Deepfakes », « Pavarotti », « L'attentat de Nice », « Alexandre Dumas », « Gilles Deleuze », « Les châteaux de la Loire » et même « Deux minutes pour être en forme ». Je continue, car je ne suis pas sûre que vous sachiez de quoi vous parlez quand vous évoquez Radio France. (On le réfute sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il y a aussi « la Bosnie-Herzégovine » ou « Malraux », ce qui n'entre pas dans la catégorie des wokistes de gauche. « Les Bleus du foot », cela plaît à tout le monde, c'est populaire.
Mme Rachida Dati, ministre. - Le foot pour les pauvres, Deleuze pour les autres !
Mme Laurence Rossignol. - Voilà ce que vous jugez indigne. (Mme Rachida Dati proteste.) Vous voulez détacher le linéaire des podcasts, mais il n'y a pas de podcast sans linéaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Caricature !
Mme Sylvie Robert. - Nous avons tous plébiscité Radio France, qui a deux vertus.
M. Mathieu Darnaud. - On a compris...
Mme Sylvie Robert. - D'abord, Radio France produit en interne. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Quelque 40 % des podcasts de Radio France sont écoutés.
M. Cédric Vial, rapporteur. - 50 %.
Mme Sylvie Robert. - Merci. (Mêmes mouvements) Calmez-vous !
M. Max Brisson. - Je suis très calme !
Mme Sylvie Robert. - Les podcasts sont alimentés par le linéaire. En quoi cette holding apportera-t-elle une valeur ajoutée à ce qui existe déjà ? (M. Max Brisson proteste.) Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ? En quoi Radio France fera-t-elle mieux ?
M. Stéphane Piednoir. - Ça ne tient pas la route.
Mme Sylvie Robert. - Donnez-nous des arguments, au lieu de critiquer ou de plaisanter. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) On parle de l'audiovisuel public de notre pays. Ce n'est pas rien, c'est un enjeu majeur ! Donnez-nous des arguments de fond. (M. Laurent Lafon s'impatiente.)
M. Cédric Vial, rapporteur. - J'ai l'impression que vous ne nous entendez pas. Nous n'avons jamais dit que Radio France n'était pas une radio de qualité et non écoutée. L'émission quotidienne « Le vrai du faux » de France Info qui démonte les fake news en a pour trois mois d'émissions avec nos débats de ce soir ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Rémi Cardon. - Ce n'est toujours pas un argument !
M. Cédric Vial, rapporteur. - Nous n'avons jamais dit que les audiences ne progressaient pas. Mais vous attendez que cela ne marche plus pour les accompagner. (Protestations à gauche) Ils ont lancé des podcasts en anticipant les besoins des usagers. (On le confirme à gauche.) Il y a d'autres besoins à accompagner.
Mme Sylvie Robert. - Lesquels ?
M. Cédric Vial, rapporteur. - Nous avons des podcasts de qualité. Et tant mieux, nous voulons un service public de qualité. Les gens font confiance à France Info et France Culture, car ce sont des antennes pluralistes.
Mme Laurence Rossignol. - Le problème, c'est France Inter !
M. Cédric Vial, rapporteur. - Elles sont très bien référencées, notamment sur les plateformes américaines, avec lesquelles elles sont en train de négocier. Et pour cela, il est préférable d'être plus gros.
Je ne reviens pas sur la qualité de l'éditorial, qui est indépendant aujourd'hui et le sera demain. Nous ne le changerons pas.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce n'est pas ce qu'on a dit !
M. Cédric Vial, rapporteur. - Pourquoi Radio France s'en sort-elle bien sur les podcasts, contrairement aux radios privées ? Parce que le podcast ne rapporte pas : il n'a pas de modèle économique, ou très peu ; l'audiovisuel public peut se le permettre, car c'est de l'argent public.
Il existe des raisons objectives pour réformer. Nous ne dénigrons pas Radio France, nous voulons l'accompagner pour faire face aux enjeux de demain.
Mme Sylvie Robert. - Quels sont ces enjeux ?
Mme Karine Daniel. - Une classe de CM2 de l'école Jacques Prévert de Clisson a gagné le concours de podcast des « Odyssées » de France Inter, auquel ont participé 1 400 classes ! Elle a relaté la vie de « Jeanne de Belleville, ébouriffante femme du Moyen-Âge. » Écoutez ce podcast remarquable !
Il n'y a peut-être pas de modèle économique, mais il y a un vrai projet d'éducation aux médias, de médiation et d'appropriation de l'outil radiophonique par les écoles.
M. Mathieu Darnaud. - C'est hors sujet !
Mme Laurence Rossignol. - Pas du tout !
Mme Karine Daniel. - Je n'ai toujours pas de réponse sur l'affectation des moyens aux différentes filiales de cette holding. Quelle est la capacité de ces filiales à assurer des missions utiles en matière de politique publique, notamment dans l'éducation aux médias et à la citoyenneté, en orientant les jeunes vers les médias publics ? (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'impatiente.)
Mme Rachida Dati, ministre. - À quoi ça sert, me dites-vous ? Avoir un chef d'orchestre, c'est disposer d'une capacité à arbitrer. Les coopérations par le bas ont été lancées voilà longtemps. En 2023, une note de Sibyle Veil et Delphine Ernotte soulignait qu'il fallait arriver à une gouvernance unique des deux sociétés.
À mon arrivée en 2024, je les ai reçues toutes les deux. J'ai envoyé un courrier pour accélérer ces coopérations ; cela a été un peu le cas.
L'usager français qui paie ce service public s'en est détourné. L'audiovisuel public doit s'adapter aux nouveaux usages, et pour cela il faut investir massivement dans le numérique. Voilà ce que le conseil d'administration de cette holding permettra. La stratégie sera coordonnée et massive.
Monsieur Jadot, je le dis : avec moins 14 % d'audience, France Info ne marche pas ! Si on veut une information de qualité et fiable, il faut relancer France Info avec les outils d'aujourd'hui.
J'ai été très sensible aux podcasts sur Deleuze et la Bosnie-Herzégovine, mais à qui cela s'adresse-t-il ? Deleuze c'est pour certains, le foot c'est pour les autres ! Merci de le dire avec beaucoup de charité...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - On parle de France Info TV.
Mme Rachida Dati, ministre. - Je ne suis pas fille de sénateur, mais respectez-moi, y compris par votre posture. Je ne suis pas votre femme de ménage.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ah bon ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Peut-être que mon père ouvrier travaillait pour le vôtre, mais c'est fini, cette époque.
L'intérêt de cette gouvernance unique est d'avoir une stratégie cohérente.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - France Info ne marche pas ?
Mme Rachida Dati, ministre. - France Inter est écoutée à 9,8 % par les classes populaires, à 38 % par les CSP+. Il faut une stratégie volontariste pour intéresser tous les Français.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La holding change cela ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Bien sûr !
M. Yan Chantrel. - Nous venons d'avoir une explication particulière...
Mme Rachida Dati, ministre. - Cela vous gêne que l'on parle des classes populaires ! (Mme Laurence Rossignol proteste.)
M. Yan Chantrel. - Vous faites des attaques personnelles pour masquer le vide de votre projet. Avec tout le respect que je vous dois...
Mme Rachida Dati, ministre. - Enfin !
M. Yan Chantrel. - ... vous attaquez des journalistes du service public en les menaçant d'un signalement au titre de l'article 40. C'est du jamais vu !
Mme Rachida Dati, ministre. - Cela vous gêne ?
M. Yan Chantrel. - On le voit dans de régimes non démocratiques, et cela montre votre attitude vis-à-vis du service public.
Mme Rachida Dati, ministre. - Le harcèlement, cela ne vous gêne pas ?
M. Yan Chantrel. - Vous ne nous faites pas peur, madame Dati.
Mme Rachida Dati, ministre. - Vous non plus...
M. Yan Chantrel. - Nous resterons le temps qu'il faudra pour débattre calmement, sur des positions de fond. Depuis le début, nous sommes sur le fond. Vous ne donnez aucun argument de fond. C'est pathétique !
Mme Rachida Dati, ministre. - Vous l'êtes !
M. Yan Chantrel. - Vous essayez de passer en force. Nous n'avons jamais vu cela au Parlement. On ne peut plus vous parler.
Mme Rachida Dati, ministre. - Quand on vous parle, cela vous gêne !
M. Yan Chantrel. - Nous resterons mobilisés jusqu'au bout pour ne pas laisser passer ce texte et les dérives que vous incarnez en permanence. (Applaudissements à gauche)
Mme Annick Billon. - Le groupe UC votera évidemment contre ces amendements. On nous accuse de ne pas développer nos arguments. La litanie des programmes - pourtant très intéressants - était fort ennuyeuse...
Lors des débats sur le temps de travail ou la réforme des retraites, on nous a refusé toute comparaison avec des pays étrangers en raison de notre histoire... Nous soutenons le service public.
M. Pierre Ouzoulias. - J'aurais pu faire un rappel au règlement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il y avait de quoi !
M. Pierre Ouzoulias. - Je ne comprends pas à quel jeu joue la ministre. Le Gouvernement n'a pas demandé la procédure accélérée, il n'a pas inscrit le texte à l'ordre du jour de la session extraordinaire de septembre et nous apprenons par l'AFP que le Gouvernement ne demandera pas une prolongation de la session de juillet au-delà de demain soir.
Mme Rachida Dati, ministre. - Bien sûr que si !
M. Pierre Ouzoulias. - Vous savez que votre texte ne sera pas adopté. Nous le reverrons en septembre...
Par ailleurs, comment connaissez-vous la caractérisation sociale des personnes qui téléchargent les podcasts ? Médiamétrie appelle les auditeurs et connaît le nombre et l'origine du téléchargement, pas l'origine sociale... Où allez-vous chercher vos chiffres ? (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
Mme Corinne Narassiguin. - Moi aussi, j'aimerais connaître la source des chiffres de Mme la ministre.
Comment dire que France Info ne marche pas, alors que cette radio a connu une hausse de 126 000 auditeurs en un an, selon Médiamétrie ? La réalité est que vous n'aimez pas le service public, madame la ministre. Sa neutralité et son indépendance vous gênent. Vous menacez des journalistes à une heure de grande audience, et les extraits sont repris sur les réseaux sociaux. Cela fait penser aux États-Unis, qui dérivent vers l'autocratie.
On commence par attaquer les médias, pilier de la démocratie. Si en 2027, l'extrême droite arrive au pouvoir, vous lui aurez offert tous les outils pour contrôler l'information et mettre fin au débat démocratique.
M. Roger Karoutchi. - C'est légèrement caricatural...
M. Guy Benarroche. - Nous vivons une extraordinaire session... Après la loi PLM, une loi Rachida Dati, en voilà une nouvelle ! Vous êtes là, madame la ministre, mais on ne vous entend pas.
Mme Rachida Dati, ministre. - Le mépris, ça ne marche pas !
M. Guy Benarroche. - Peut-être avez-vous de vrais arguments ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Je les ai donnés !
M. Guy Benarroche. - Je préférerais que vous me répondiez en prenant la parole plutôt qu'en réagissant sans micro. C'est ainsi que nous fonctionnons ici.
M. le président. - Merci de ne pas faire d'interpellations personnelles. (Plusieurs sénateurs à gauche désignent la ministre du doigt.) C'est vous qui parlez au micro...
M. Guy Benarroche. - Je voudrais féliciter le rapporteur de son analyse exacte sur Radio France, qui correspond à la mienne. Mais quand un outil fonctionne correctement et donne des résultats supérieurs au secteur concurrentiel, pourquoi y toucher ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je souhaitais intervenir...
Mme Laurence Rossignol. - Merci d'animer le débat !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Attendez la chute...
Mme Laurence Rossignol. - Au moins, vous participez...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je sens un certain soupçon sur les intentions de l'auteur du texte et les différents groupes qui soutiennent cette proposition de loi. Nous avons tous un amour et une passion pour le service public audiovisuel.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il faut des preuves d'amour !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Une très bonne émission, « Répliques » d'Alain Finkielkraut, est diffusée le samedi matin sur France Culture avant « Concordance des temps ». Nous sommes soupçonnés de préparer l'éviction de tel ou tel.
Les faits sont têtus : la seule éviction politique fut celle de Daniel Bilalian, écarté de l'antenne en décembre 1991, après que le ministre de l'intérieur Philippe Marchand a levé le petit doigt.
Mme Laurence Rossignol. - Vous n'étiez pas né !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et Elkabbach ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - J'avais 14 ans, je regardais la télévision, et j'ai été choqué. (Rires à gauche)
Le Nouveau Front populaire, c'est une holding, et pourtant, chaque parti en est membre...
Mme Colombe Brossel. - Justement, cela ne marche pas ! (Rires à gauche ; Mme Laurence Rossignol renchérit.)
Les amendements identiques nos21, 68 et 222 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de M. Karoutchi et alii.
M. Roger Karoutchi. - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un petit moment de sérénité...
M. Laurent Lafon, président de la commission. - De sérieux.
M. Roger Karoutchi. - L'audiovisuel public extérieur est à part. Chaque année, je défends comme je peux l'augmentation de ses crédits, car il y va de l'image, de la place de la France dans le monde et de ses valeurs. Les bureaux de France Médias Monde sont parfois dans un rapport conflictuel avec les États dans lesquels ils sont installés.
L'audiovisuel public extérieur a-t-il les moyens de continuer à exister ? Il permet aux Français et aux francophones d'avoir une vision française de l'information. Il tient un rôle à part, c'est pourquoi on ne peut l'intégrer dans l'immédiat à la holding.
M. le président. - Amendement identique n°20 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Pierre Ouzoulias. - Vous avez totalement raison.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Un moment de grâce !
M. Pierre Ouzoulias. - France Médias Monde, c'est la voix de la France, le coût n'a pas d'importance. Nos principes et nos valeurs doivent être entendus partout où notre voix fait une différence. Je m'interroge sur l'intégration de France Médias Monde dans la holding.
La tutelle de France Médias Monde doit être pluriministérielle. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devrait nécessairement venir en soutien du ministère de la culture. Or je ne vois pas comment il pourrait y avoir de pluriministérialité envers des entités au sein d'une holding. Pour ma part, cette exclusion de la holding doit être à titre définitif et pas seulement à titre temporaire ; telle est la différence entre nous, monsieur Karoutchi.
M. le président. - Amendement identique n°69 de Mme Robert et du groupe SER.
M. Yan Chantrel. - Nous sommes nombreux à partager l'idée selon laquelle France Médias Monde n'est pas une société comme les autres. En effet, il n'est pas opportun de l'incorporer à la holding.
France Médias Monde valorise le point de vue français et européen, promeut la francophonie et le débat démocratique. C'est pourquoi France Médias Monde est particulièrement concernée par la guerre informationnelle. C'est un enjeu politique, diplomatique et culturel.
Je salue tous les collaborateurs de France Médias Monde qui travaillent à la pige aux quatre coins du monde, dans des conditions difficiles, avec des revenus proches du seuil de pauvreté, sans couverture sociale ni retraite. Défendre la liberté d'informer, c'est prendre soin de celles et ceux qui en font leur métier.
M. le président. - Amendement identique n°210 rectifié bis de Mme Briante Guillemont et alii.
M. Bernard Fialaire. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°212 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mélanie Vogel. - Cet amendement exclut France Médias Monde de la réforme. France Médias Monde joue un rôle très particulier : quelque 255 millions de personnes utilisent ses contenus à travers le monde, dans 21 langues. Les journalistes mènent un travail très particulier, très différent de l'exercice du métier en France.
Une de ses forces est de promouvoir les valeurs de la France sans pour autant être perçue comme un organe de propagande de la France. Demain, si ses journalistes étaient perçus comme non indépendants, la qualité de leur travail serait altérée, mais cela les mettrait aussi en danger dans certains pays. Ces journalistes sont extrêmement précaires. Ne les fragilisons pas davantage.
M. le président. - Amendement identique n°255 du Gouvernement.
Mme Rachida Dati, ministre. - Cet amendement exclut France Médias Monde du périmètre de la holding. Nous avions hésité en première lecture. Avec Roger Karoutchi, lors de l'examen du PLF, nous avons renforcé le budget de France Médias Monde, dont la mission est spécifique : promouvoir les valeurs démocratiques et républicaines. France Médias Monde déploie aussi de nouveaux projets en Afrique, dans le monde arabe et en Europe de l'Est, et renforce ses contenus en langue étrangère.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Avis défavorable, toutefois nuancé. France Médias Monde joue un rôle particulier. Si la holding sans Radio France, France Télévisions ou l'INA n'aurait plus aucun sens, elle pourrait tout à fait fonctionner sans France Médias Monde. (M. Laurent Lafon le confirme.)
Ce n'est pas une punition que d'appartenir à la holding. Au contraire, France Médias Monde en tirerait sans doute des financements supplémentaires. C'est dans son intérêt.
France Médias Monde est indépendante du politique et de l'exécutif. Elle n'est pas la voix de la France...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ben non...
M. Cédric Vial, rapporteur. - ... mais elle défend une vision française.
France Médias Monde est déjà une holding qui regroupe France 24, RFI et une troisième radio. À terme, France Médias Monde trouvera sa place dans la holding.
Mme Colombe Brossel. - Cédric Vial laisse la porte ouverte à ce que France Médias Monde n'appartienne pas à la holding, malgré son avis défavorable. Cela conforte mes propos : nous avons parfois du mal à comprendre les débats. En est-on au même point qu'il y a deux ans ou non ? La holding, c'est super, mais pas pour tout le monde, dites-vous ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit.)
M. Cédric Vial, rapporteur. - Non !
Mme Colombe Brossel. - Cela m'interroge. Roger Karoutchi dit qu'il faut éviter la holding pour préserver la force de l'audiovisuel public extérieur. Nous, nous disons qu'il faut l'éviter pour préserver la force de l'audiovisuel public tout court.
M. Roger Karoutchi. - Rien à voir !
M. Laurent Lafon, président de la commission. - C'est vraiment nul !
Mme Colombe Brossel. - En quoi la holding renforcerait-elle l'audiovisuel public ? Là, nous sommes dans un jeu de dupes.
M. Guillaume Gontard. - Je suis totalement d'accord avec Roger Karoutchi sur France Médias Monde. Actuellement se tient la 50e session de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.
Je ne comprends pas pourquoi il faudrait respecter la spécificité de France Médias Monde et donc l'exclure de la holding, alors que la spécificité des autres entités pourrait s'épanouir au sein de la holding...
Il faut revenir à la raison. N'allons pas vers une holding.
Mme Laurence Rossignol. - J'ai été très sensible aux arguments des auteurs de ces amendements. Mais tout ce qui a été dit sur France Médias Monde pourrait l'être sur les autres entités, car toutes ont leurs spécificités.
Il y a ceux qui défendent les intérêts de France Médias Monde et ceux qui défendent ceux de la holding. Nous, depuis le début, nous défendons les intérêts de France Télévisions, de Radio France, de l'INA, de France Médias Monde et des orchestres. S'il faut maintenir France Médias Monde en dehors de la holding, c'est bien que cette dernière peut nuire...
M. Thomas Dossus. - Au moins, le rapporteur est cohérent, ce qui n'est pas le cas de la ministre ni de M. Karoutchi. La holding risque de fragiliser l'indépendance et la diversité de l'audiovisuel public.
La voix de la France s'est étiolée ces derniers mois. La spécificité de France Médias Monde réside dans son autonomie : n'affaiblissons pas ce bel outil. Mais pas les autres entités de l'audiovisuel public non plus !
Les arguments de la ministre sont réversibles, selon les services publics qu'elle veut mettre au pas.
Mme Monique de Marco. - Notre rapporteur nous dit que France Médias Monde aurait intérêt à intégrer la holding. (M. Cédric Vial le confirme.) La commission n'ayant pas eu le temps d'organiser d'audition, France Médias Monde nous a écrit pour nous faire part de leurs inquiétudes. Ils considèrent qu'ils n'ont pas les mêmes missions que les autres et nous rappellent que leurs publics sont à l'étranger. Ils craignent que l'expertise de leurs 400 correspondants soit siphonnée au détriment de leurs enquêtes. Et que leurs budgets repartent vers des priorités nationales, au détriment de leur travail dans des zones sensibles.
Créée en 2008, France Médias Monde a déjà connu une fusion en 2013 entre RFI, France 24 et MCD, avec deux plans sociaux, 341 postes supprimés entre 2010 et 2013 et une ubérisation de l'information. Il aurait été intéressant de les auditionner...
M. Claude Raynal. - Je salue l'intervention de Roger Karoutchi, qui a toujours défendu France Médias Monde. Mais demain, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF), il ne pourra plus intervenir comme il le faisait - lui ou son successeur, car je vois Jean-Raymond Hugonet. Le débat aura désormais lieu en première partie du PLF, avec le ministre chargé des comptes publics...
Mme Annick Billon. - Sauvez le soldat Karoutchi !
M. Claude Raynal. - Et nous ne pourrons plus intervenir sur la répartition des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)
M. Yan Chantrel. - Bravo !
Mme Sylvie Robert. - Nous, nous sommes cohérents : nous ne voulons rien mettre dans la holding. Le rapporteur est cohérent : il veut tout garder. Ce n'est pas le cas des autres...
Dans un contexte de désinformation croissante, France Médias Monde a un rôle stratégique à jouer. Mais dans une holding, on pourrait se passer de plurilinguisme et d'international... La BBC a justement créé BBC World pour être plus agile à l'international.
Madame la ministre, vous voulez protéger France Médias Monde de cette holding. Mais pourquoi pas Radio France, France Télévisions et l'INA aussi ? Si la holding est un danger pour France Médias Monde, quid des autres ?
Mme Mélanie Vogel. - Nous nous sommes mal compris, monsieur le rapporteur : j'ai dit que ce qui mettrait en danger les journalistes de France Médias Monde, ce serait d'être perçus comme travaillant au service de la France et de son gouvernement. Actuellement, alors qu'ils travaillent de manière indépendante, ils peuvent déjà être perçus comme des agents d'un gouvernement. Inclure France Médias Monde dans la holding pourrait les mettre en danger.
M. Roger Karoutchi. - Je vois bien votre petit jeu ridicule sur les prétendus dangers de la holding.
Actuellement, alors que la holding n'existe pas, France Médias Monde est déjà dans un système de relations inégales avec France Télévisions, qui ne lui convient pas.
J'ai toujours plaidé pour une société audiovisuelle extérieure totalement indépendante, car c'est un monde à part. France Médias Monde a besoin de plus de crédits, mais aussi d'identité et de liberté.
M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur le rapporteur, j'apporte l'information qui vous manquait : la troisième entité de France Médias Monde est Monte Carlo Doualiya, qui émet notamment en arabe. C'est une radio qui se décrit comme laïque, moderne, attachée valeurs de liberté, d'égalité et de respect des droits humaines : c'est cela, la voix de la France qui porte son message universel.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Permettez-moi de partager mon incompréhension. C'est deux poids, deux mesures. Oui ou non, les outre-mer rayonnent-elles à l'international ? Je réponds oui ! La France est présente sur tous les continents grâce aux outre-mer. Alors pourquoi faire entrer les outre-mer dans la holding si c'est préjudiciable à France Médias Monde ?
Madame la ministre, vous n'avez pas daigné évoquer les outre-mer, alors que vous réformez l'audiovisuel public outre-mer.
Vous avez parlé des classes populaires, mais rien sur les plus vulnérables, rien sur ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté à Mayotte ou à la Réunion : que leur dites-vous ? Qu'est-ce que la holding va nous apporter ?
Mme Karine Daniel. - Cette volonté de sortir une entité de la holding me surprend. Pourquoi ce qui est valable pour l'international ne le serait pas pour nos territoires ? Pourtant, fusionner et ajouter des contraintes à nos entités régionales accroîtra leurs difficultés.
On a demandé à France Info de faire de la télévision, mais c'est de la fausse télévision à partir de la vraie radio : ce type de rapprochements ne marche pas. Il faut commencer par évaluer.
Mme Laurence Rossignol. - Très juste !
M. Olivier Cadic. - Notre collègue Evelyne Corbière Naminzo met sur le même plan les outre-mer et l'étranger : les Ultramarins apprécieront le clin d'oeil...
Par avance, je présente mes excuses à M. le rapporteur et à M. le président de la commission, car je suivrai le Gouvernement et M. Karoutchi : France Médias Monde a besoin d'un peu plus de temps pour s'ajuster et elle ne peut être perçue comme la voix du Gouvernement à l'étranger.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le cas France Médias Monde démontre que les autres entités ne doivent pas intégrer non plus la holding.
Nul besoin d'une holding pour coopérer. France Médias Monde contribue déjà à l'offre numérique de l'audiovisuel public, qui fonctionne très bien sur les réseaux, que ce soit YouTube, TikTok ou Facebook.
M. Yan Chantrel. - On risque de faire passer le plurilinguisme au second plan. France Médias Monde ne pesant que 7 % du budget total de l'audiovisuel public, les arbitrages vont pencher en faveur du national.
La fusion de BBC News et de BBC World s'est traduite par une couverture plus axée sur les actualités britanniques. Résultat : une baisse de 10 % des audiences à l'étranger. À l'inverse, les Allemands ont choisi de conserver une structure autonome.
L'indépendance de France Médias Monde ne l'empêchera nullement de poursuivre ses nombreuses synergies, qui figurent dans son contrat d'objectifs et de moyens 2024-2028.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Ne pas inclure France Télévisions ou Radio France au sein de la holding, ce serait faire une croix sur la holding. Ce n'est pas le cas pour France Médias Monde, même si cette dernière a intérêt à en faire partie.
Prenons un exemple : France Télévisions et Amazon ont conclu un partenariat. Si une holding avait existé, son PDG aurait négocié pour que des émissions de France 24 soient diffusées sur Amazon.
L'audiovisuel extérieur est un sujet difficile. Même le président Sarkozy, qui voulait remettre de l'ordre, n'a pas complètement réussi.
Comment une puissance moyenne comme la France peut-elle se payer le luxe de deux télévisions à l'international, France 24 et TV5 Monde ? Avec une seule, on gagnerait en efficacité. D'autant que France Télévisions et Radio France ont déjà leurs équipes internationales. Un jour viendra où il faudra mettre de l'ordre.
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le RDPI votera ces amendements, auxquels nos collègues Kulimoetoke et Cazebonne sont attachés, mais je suis sensible aux propos du président Lafon : la stratégie internationale de la holding devra être cohérente avec celle de France Médias Monde.
À la demande des groupes UC et SER, les amendements identiques nos15 rectifié, 20, 69, 210 rectifié bis, 212, et 255 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°360 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 266 |
Contre | 69 |
Les amendements identiques nos15 rectifié, 20, 69, 210 rectifié bis, 212, et 255 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°23 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Pierre Ouzoulias. - L'INA est un modèle de réussite : il s'est totalement transformé et offre des services exceptionnels. Voyez l'allocution de Chirac en 1974 que j'ai citée précédemment.
C'est aussi une grande réussite commerciale, avec un chiffre d'affaires qui a augmenté de 20 % en 2021 et de 5 % en 2022. Mais l'INA risque de servir de vache à lait au sein de la holding, ses bénéfices servant à éponger des déficits.
L'INA va aussi perdre son statut d'Épic. Je suis peut-être archaïque, mais j'ai du mal à comprendre que l'on confie à une société le dépôt légal, mission régalienne depuis François Ier.
M. le président. - Amendement identique n°70 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Sylvie Robert. - L'INA est une maison exceptionnelle, qui abrite l'un des plus grands fonds audiovisuels au monde, avec plus de 22 millions d'heures de programmes et plus de 7 millions de documents numérisés. Le dépôt légal du web média est une mission tout à fait particulière, qui représente plus de 4 000 heures de contenus par jour.
Sa transformation en une société anonyme inquiète en interne, qu'il s'agisse du rythme de numérisation des archives, de la gratuité de l'accès aux contenus, de son positionnement au sein de la future holding. En quoi le travail d'archivage de l'INA sera-t-il une valeur ajoutée pour la holding ?
M. le président. - Amendement identique n°223 de Mme de Marco et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le GEST propose sortir l'INA de la holding. L'INA fonctionne, l'INA innove, l'INA rayonne, avec des moyens limités, mais une efficacité remarquable.
Ces dernières années, avec plus 1,7 milliard d'archives vues sur les réseaux sociaux, l'INA a su sortir d'un rôle uniquement patrimonial pour devenir un acteur culturel du premier plan. L'INA réinvente les usages autour de la mémoire collective en s'adaptant aux nouveaux outils et en collaborant avec des acteurs culturels et éducatifs.
L'INA n'a pas besoin d'un rapprochement avec France Télévisions ou Radio France, mais d'un renforcement budgétaire, car c'est le parent pauvre de l'audiovisuel public.
L'intégrer dans une holding affaiblirait son autonomie éditoriale et son identité qui font aujourd'hui sa richesse.
M. le président. - Amendement n°226 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Cet amendement de repli rééquilibre les pouvoirs au sein de la holding pour éviter la domination excessive de France Médias sur ses filiales.
Si France Médias définit les orientations stratégiques de ses filiales, on est dans une logique de tutelle très verticale, avec des décisions prises loin des rédactions et des antennes.
Or chaque entité de l'audiovisuel public a construit, au fil du temps, sa propre stratégie éditoriale. Ces différences ne sont pas des faiblesses, mais des forces qu'il faut préserver. Non à la standardisation de l'audiovisuel public !
Les orientations stratégiques de France Médias devront donc être définies en étroite collaboration avec les sociétés concernées. C'est une exigence démocratique.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Merci pour vos éloges sur l'INA, fleuron de l'audiovisuel public. Son président souhaite entrer dans la holding. C'est intéressant pour l'INA, mais aussi pour la holding, car ses compétences en matière d'IA méritent d'être partagées.
Ni le statut de société anonyme ni la holding ne changeront quoi que ce soit au dépôt légal, qui fonctionne très bien.
L'INA exploite les archives, les éditorialise et les vend, dégageant ainsi des ressources propres.
L'INA a aussi une mission de formation, mais France Télévisions et Radio France font encore trop peu appel à lui. Demain, dans la holding, ce sera une plus-value pour l'audiovisuel public !
Mme Annick Billon. - Très bien.
Mme Rachida Dati, ministre. - Avis défavorable.
Une voix à gauche. - Pourquoi ?
Mme Laurence Rossignol. - Au fur et à mesure, cela devient plus clair : la cible de la réforme, c'est la pluralité et la diversité de l'information, particulièrement France Inter et le travail d'investigation des journalistes.
Dans cette offensive, il y a des balles perdues, des dommages collatéraux, c'est le cas de l'INA.
À l'heure où l'on s'inquiète du rapport des jeunes générations à l'histoire, voyez la plateforme de l'INA, que vous connaissez tous, bien sûr !
M. Cédric Vial, rapporteur. - Madelen !
Mme Laurence Rossignol. - On y trouve des choses passionnantes telles que le débat présidentiel de 1981 - un bon moment -, celui de 1988 - encore un bon moment - et celui de 1995 - un bon moment pour vous cette fois...
Or vous voulez faire de l'INA un prestataire des autres médias, au détriment de son activité historique principale : le recueil et la conservation de nos documents.
Mme Colombe Brossel. - Le rapporteur nous a déjà opposé en commission cet argument de la formation. Nous pouvons l'entendre, mais qu'adviendra-t-il des autres missions de l'INA, dont l'archivage et la transmission aux jeunes ? La formation ne peut être le seul argument. La direction serait favorable à la holding ? C'est exact, mais les salariés sont contre, radicalement : ils ont bien compris qu'ils sont regardés comme la poule aux oeufs d'or.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre argumentation. Oui, l'INA joue un rôle essentiel dans l'IA et ses compétences sont reconnues. Mais rien ne l'empêche, en tant qu'Épic, de constituer des filiales pour travailler avec les autres composantes de l'audiovisuel public et, par exemple, leur vendre des formations ou d'autres services. C'est même la solution la plus souple - la plus agile !
M. Yan Chantrel. - L'intégration de l'INA dans la holding présente de nombreux risques, à commencer par celui d'une dilution de sa mission patrimoniale : dans une holding centrée sur la production et la diffusion d'actualité, cette mission serait reléguée au second plan ou deviendrait un outil marketing.
Une perte d'agilité et d'indépendance fonctionnelle et stratégique est également à craindre. En outre, les ressources budgétaires pourraient être réorientées vers d'autres entités, plus rentables ou plus visibles. Alors que l'INA a un rôle de tiers de confiance, son impartialité pourrait être remise en cause.
M. Claude Raynal. - Je comprends mal l'intégration de l'INA dans la holding, car son marché est bien plus large que le domaine public. Une entreprise privée qui aurait en son sein une activité capable de trouver des marchés à l'extérieur ferait le contraire : elle la séparerait pour qu'elle puisse vivre des marchés extérieurs. Je m'étonne que la droite sénatoriale, qui défend une vision agile de l'économie, accepte de refermer l'INA sur les marchés de la holding.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - L'INA est un outil que nous devons absolument préserver. Il met à la disposition de tous un patrimoine vivant. C'est un moyen d'éducation et de formation, qui compte des antennes dans toutes les régions de France. Ne soyons pas naïfs : croyons-nous vraiment que, une fois la holding créée, ces antennes seront maintenues ? Il y aura des concessions à faire dans une logique plus globale. Les uns après les autres, nous prendrons alors la parole, hypocritement, pour dénoncer la disparition de l'antenne dans notre région.
Mme Laurence Rossignol. - Respectez notre collègue !
M. Cédric Vial, rapporteur. - Assumez ce que vous dites ! L'INA n'a pas d'antennes.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - On verra au PLF !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Merci pour vos arguments, monsieur le rapporteur : je ne sais s'ils sont de qualité, mais du moins en avez-vous. Madame la ministre, respectez-nous ! « Défavorable », c'est un peu court. Quand prendrez-vous le risque de présenter des arguments ?
M. Guillaume Gontard. - On a dit tout l'intérêt de l'INA, notamment dans le cadre de ses missions de conservation et de formation. Mais quelle garantie avons-nous qu'il ne sera pas dissout dans la holding ? Et que la pérennité de ses financements sera assurée ? Madame la ministre, il ne vous reste qu'une quinzaine de minutes pour nous donner vos arguments au sujet de l'INA.
M. Rémi Cardon. - J'ai découvert l'INA en cours d'histoire. Il donne un accès gratuit pour tous à plus de 80 ans d'histoire. Il est aussi un acteur de l'innovation, de la recherche et de l'IA. Il n'a pas besoin d'être intégré à une holding pour être prétendument modernisé.
L'INA est aussi un outil essentiel pour nos enseignants, un pilier de l'éducation aux médias et de la lutte contre les fake news à une époque où nos enfants ont grand besoin de construire une analyse critique.
Sans mémoire, pas de culture ; sans archives, pas de vérité ; sans service public fort, pas de démocratie apaisée. Sauver l'INA, c'est sauver une partie de ce que nous sommes. (Mmes Annie Le Houerou et Colombe Brossel applaudissent.)
M. David Ros. - On trouve aussi sur le site de l'INA les images de la victoire de Bernard Hinault sur le Tour de France en 1985 ! (Sourires) À l'heure où certains grands pays font fi du patrimoine scientifique, il est essentiel de préserver cet acteur. M. le rapporteur fait valoir que la direction de l'INA souhaite intégrer la holding, mais je l'invite à la cohérence : il faut qu'il entende aussi l'avis de ceux qui, à la tête d'autres structures, ne veulent pas l'intégrer ! (M. Cédric Vial sourit.)
Mme Annick Billon. - Je remercie le rapporteur pour ses explications, mais aussi nos collègues de la partie droite de l'hémicycle, qui avaient envie de prendre la parole mais s'en sont privés pour faire en sorte que, depuis 14 h 30, vingt amendements aient pu être examinés...
À la demande des groupes Les Républicains et SER, les amendements identiques nos23, 70 et 223 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°361 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
Les amendements identiques nos23, 70 et 223 ne sont pas adoptés.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°226 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°362 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
L'amendement n°226 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°71 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Karine Daniel. - Cet amendement de repli vise à éviter que l'intégralité du capital des sociétés d'audiovisuel public ne soit détenue par la holding. Cette concentration capitalistique serait dangereuse. La holding pourrait en effet définir tant les choix éditoriaux que les choix de ressources humaines. Rien ne l'empêcherait, par exemple, de fusionner deux rédactions ou de supprimer une antenne régionale.
La Lettre a dévoilé des pratiques de gun jumping lorsque Vivendi a racheté Éditis : des décisions étaient prises au niveau de la holding avant même l'autorisation des autorités européennes et sans consultation des équipes concernées.
Cette concentration ouvre aussi la voie à d'éventuelles privatisations, puisqu'il suffira de vendre les actions détenues par la holding. C'est ce qui s'est passé pour France Télécom, devenu Orange.
Voyez la BBC : elle n'a pas procédé à une absorption capitalistique intégrale, mais préservé des filiales juridiquement autonomes disposant de leur propre gouvernance et de comptes distincts. Ce modèle permet de garantir une étanchéité claire entre missions de service public et logique commerciale.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. - Même avis.
À la demande du groupe UC, l'amendement n°71 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°363 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
L'amendement n°71 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°73 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Sylvie Robert. - Il s'agit de préserver la diversité des programmes de l'audiovisuel public en donnant pour mission explicite à la holding d'y veiller. Nous craignons en effet que sa création ne conduise à uniformiser les programmes en centralisant à l'extrême les pouvoirs éditoriaux. La standardisation des contenus, hélas, a déjà commencé.
À la BBC, les chaînes locales ont été fusionnées dans une logique de rationalisation : elles partagent un programme commun l'après-midi et le soir. Est-ce ce modèle que nous voulons ? (On répond par la négative sur les travées du groupe SER.)
Les rapprochements se traduisent systématiquement par un appauvrissement de l'offre radiophonique, comme le montrent les exemples de RTL et M6 et de RMC et BFM. Les moyens sont redéployés vers la télévision et les audiences radio chutent.
C'est pourquoi nous voulons figurer la diversité au même titre que la cohérence et la complémentarité parmi les prérogatives de la holding.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. - Même avis.
Mme Colombe Brossel. - Nous n'attendons pas que la même argumentation soit répétée à chaque amendement - ce qui serait lassant -, mais nous voulons comprendre, même à cette heure avancée, pourquoi on refuse des amendements de repli fixant simplement des garde-fous.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Vous ne pouvez pas à la fois défendre l'indépendance des médias et dire à la holding ce qu'elle doit faire. Ce n'est pas le rôle du législateur. Nous devons fixer un cap.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge. - S'agissant d'un service public, qui a des missions à remplir, il est normal que de telles précisions soient inscrites dans le marbre de la loi. Il ne s'agit pas de dire à la holding ce qu'elle doit faire. (M. Laurent Lafon ironise.)
M. Yan Chantrel. - L'article mentionne déjà la cohérence et la complémentarité : pourquoi ne pourrait-on ajouter la diversité ? Il ne s'agit pas de dire à la holding ce qu'elle doit faire, mais de fixer des principes. Nous sommes inquiets, car rien ne garantit la préservation de la diversité.
À la demande du groupe UC, l'amendement n°73 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°364 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
L'amendement n°73 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°74 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Cet amendement va vous plaire, car il est hyper start-up nation ! Il est en outre en phase avec notre assemblée qui soutient activement l'innovation dans la sphère économique.
Il s'agit d'intégrer parmi les orientations stratégiques de la holding l'innovation dans les programmes. Au lieu de construire un « machin », demandons-nous comment conquérir les publics jeunes ! Mentionner l'innovation, c'est aussi reconnaître ce que l'audiovisuel public fait déjà, à l'invitation de l'Arcom qui encourage des expérimentations audacieuses.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. - Défavorable.
À la demande du groupe UC, l'amendement n°74 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°365 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
L'amendement n°74 n'est pas adopté.
M. le président. - Nous avons examiné 29 amendements ; il en reste 303 à examiner.
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 11 juillet 2025, à 9 h 40.
La séance est levée à minuit quarante.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du vendredi 11 juillet 2025
Séance publique
À 9 h 40, l'après-midi et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Didier Mandelli, vice-président, M. Xavier Iacovelli, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, M. Bernard Buis
. Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte de la commission, n 825, 2024-2025)