SÉANCE

du jeudi 30 octobre 2025

9e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance est ouverte à 10 h 30.

Garantir la qualité des services de gestion des déchets

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe CRCE-K.

Discussion générale

Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi .  - Chaque Français produit en moyenne huit fois son poids en déchets chaque année -  soit 615 kg. En quarante ans, la quantité de déchets a doublé. Et entre 2000 et 2022, les dépenses de collecte et de traitement de ces déchets sont passées de 9,4 milliards à 21,6 milliards d'euros.

La collecte et le traitement des ordures ménagères sont un service public indispensable ; c'est particulièrement visible lorsque les éboueurs, si mal rémunérés, sont en grève.

Bien sûr, il faudrait réduire la production des déchets à la source - en réduisant la publicité ou le suremballage. Mais les gouvernements successifs ont été assez timides. Résultat : ce sont les collectivités territoriales qui sont en première ligne.

Les lois Grenelle de 2009 et 2010, la loi de transition énergétique pour la croissance verte et la loi Agec ont fixé comme objectif prioritaire la réduction des déchets.

La tarification incitative, qui encourage les usagers à modifier leurs comportements, concernait 6 millions de personnes et 200 collectivités en 2022. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi) est toujours fonction de la valeur locative du logement, mais on lui adjoint une part variable en fonction du volume déchets produits. La redevance d'enlèvement des ordures ménagères incitative (Reomi) se compose d'une part fixe et d'une part variable qui est fonction du volume de déchets produits et de la composition du foyer.

La majorité des collectivités ayant opté pour une tarification incitative ont choisi la redevance, dont les résultats sont meilleurs : avec la tarification incitative, on réduit les déchets à 234 kg par personne et par an, mais à 134 kg avec une redevance ! À Besançon, elle a permis de réduire de moitié la production de déchets par rapport à 2008.

Mais aucune de ces méthodes de calcul ne prend en compte les revenus du foyer, ce qui pose une question de justice sociale.

Un rapport du Sénat de 2014 a montré qu'entre 1990 et 2010 la contribution des usagers a quadruplé. L'État augmente constamment la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), avec de lourdes conséquences pour le contribuable en bout de chaîne ! Le montant de la TGAP -  65 euros la tonne pour les déchets enfouis  - pourrait passer à 105 euros en 2030, mais les collectivités n'en profitent pas, alors qu'elles vont subir entre 240 et 450 millions d'euros de surcoût d'ici à 2030.

Et le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 ne nous rassure pas, avec une nouvelle baisse du fonds vert, déjà divisé par deux entre 2024 et 2025. L'État se désengage et les contribuables paient la facture !

Les collectivités gestionnaires doivent pouvoir inclure des critères sociaux dans leur grille tarifaire, car la transition écologique emporte des risques sociaux pour les plus modestes. Je vis cette réalité dans mon département, la Dordogne : des associations d'usagers se sont créées pour réclamer plus de justice et d'équité. Permettons aux collectivités qui le souhaitent d'instaurer une tarification sociale, à l'instar de ce qui est possible sur l'eau et la petite enfance, notamment.

Les familles modestes ne sont pas les seules à être touchées : les ménages avec des enfants en bas âge, les personnes incontinentes et les associations caritatives sont aussi concernés.

La guerre des poubelles aura-t-elle lieu ? Oui si nous continuons à ignorer la colère de nos concitoyens : plus ils trient, plus ils paient ! La transition écologique doit être un levier de solidarité, pas d'inégalité !

L'article 1er prévoit une tarification sociale, tenant compte des revenus et de la composition des ménages. Non, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas d'un droit à produire davantage de déchets et les collectivités sont tenues au secret s'agissant des données fiscales ou médicales des ménages.

L'article 2 propose un point d'apport volontaire (PAV) pour 200 habitants, conformément à l'avis du ministère de la transition écologique du 9 décembre 2023.

Faisons confiance aux élus locaux, en respectant la libre administration des collectivités locales. (Applaudissements à gauche ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Olivier Paccaud, rapporteur de la commission des finances .  - La gestion des déchets constitue un défi logistique, écologique et budgétaire pour nos territoires. Chaque année, 559 kg par personne sont collectés et nous ne parvenons plus à réduire significativement notre production.

Le législateur a choisi de faire confiance aux collectivités. Les communes peuvent assumer l'intégralité de la compétence - cela ne concerne plus que six communes, souvent insulaires - ou de transmettre à un EPCI ou à un syndicat mixte tout ou partie de cette compétence. Depuis la loi NOTRe, la collecte et le traitement des déchets sont une compétence obligatoire des EPCI.

Les 1 169 structures chargées de la collecte des déchets peuvent choisir de financer le service via la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom), qui résulte de l'application d'un taux à la valeur locative du bien. Ce mode de financement, choisi par 63 % des collectivités ou groupements compétents, favorise une relative équité sociale, mais décorrèle le montant payé du service rendu : les usagers ne sont pas incités à diminuer leur production de déchets.

Les collectivités peuvent aussi retenir la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom), qui ne prend pas en compte la valeur du bien immobilier et donc les revenus du foyer, mais qui pousse à réduire la quantité de déchets produits.

Afin de réduire les déchets, le législateur a prévu une part incitative, variable, en vue de réduire la production de déchets ultimes. Mais la Teomi et la Reomi sont encore peu fréquentes : la Teom classique concerne 72 % des Français.

Les collectivités territoriales jouissent d'une relative latitude pour organiser la collecte : porte-à-porte, PAV, voie souterraine, voie fluviale, etc. Cette diversité est le reflet de la diversité de nos territoires.

Cette proposition de loi a le mérite de soulever des enjeux importants, mais la commission des finances, dans sa grande majorité, ne partage pas les solutions préconisées.

La démarche consistant à intégrer des critères sanitaires ou sociaux dans le calcul de la Teom ou de la Reom est séduisante, mais elle serait source de très nombreuses difficultés pratiques.

Votre proposition, en créant un droit renforcé à produire davantage de déchets, pourrait avoir un effet contreproductif sur l'environnement. (Mme Colombe Brossel le conteste.) Ce n'est pas parce qu'on a moins de revenus que l'on ne doit pas réduire sa production de déchets.

Autre problème : l'accès de certains organismes à des informations confidentielles telles que la situation fiscale des foyers concernés.

Il n'est pourtant écrit nulle part dans la proposition de loi que la Teom ou la Reom diminuera pour les ménages modestes...

Mme Cécile Cukierman.  - Il faut présenter un amendement !

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - Elle augmentera seulement pour les classes moyennes ou aisées. Il n'y aura donc aucun effet sur le nombre d'impayés.

La proposition de loi vise aussi les personnes incontinentes. Comment mesurer la part des déchets liés à ce problème de santé ? Faudra-t-il transmettre un certificat médical ?

On risque de tout complexifier, notamment pour les collectivités, qui n'ont pas besoin de nouvelles normes. « Hypercomplexification » est revenu à maintes reprises lors des auditions.

Le maillage minimal d'un PAV pour 200 habitants serait extrêmement contraignant, alors que la collecte repose très souvent sur des modalités mixtes. Et pourquoi une même densité pour tout le territoire ? Zones urbaines et rurales n'ont pas les mêmes caractéristiques, sans parler de la montagne ! Rue de Vaugirard, il faudrait un bac de collecte tous les 50 mètres ! (Mme Marie-Claude Varaillas s'agace ; Mme Cécile Cukierman ironise.) Ne contraignons pas davantage les décideurs locaux. Le droit actuel répond déjà à la diversité des situations.

Enfin, la création d'un comité des usagers à l'article 3 est satisfaite par le droit existant.

La proposition de loi a le mérite de lancer le débat, mais la commission des finances vous propose de rejeter les articles comme les amendements. (MM. Vincent Capo-Canellas et Stéphane Le Rudulier applaudissent.)

M. Michel Fournier, ministre délégué chargé de la ruralité .  - Je suis heureux de m'exprimer pour la première fois devant votre assemblée sur un sujet aussi concret et essentiel.

La proposition de loi ouvre le débat de la qualité du service rendu et des conditions dans lesquelles les collectivités peuvent l'assurer.

Le Gouvernement partage l'objectif, mais diverge sur les moyens.

Nous partageons tous l'objectif de renforcer l'équité, au bénéfice des plus modestes. Mais la tarification sociale n'est pas la réponse la plus adaptée. D'abord parce que la tarification initiative vise à responsabiliser les usagers : son objectif n'est pas de moduler la charge fiscale, mais d'encourager la réduction des déchets. Créer une tarification sociale brouillerait le message « moins on produit, moins on paye », créerait une rupture d'égalité devant les charges publiques et instituerait un traitement différencié selon les territoires.

Mme Cécile Cukierman.  - Cela s'appelle la libre administration et la différenciation !

M. Michel Fournier, ministre délégué.  - Les obstacles juridiques et pratiques sont importants. Comment identifier les foyers concernés ? Comment articuler ce dispositif avec la Teom et la Reom ? Comment traiter les situations liées à des problèmes de santé ? Tout cela complexifiera la vie des collectivités locales. Résultat : une réforme difficile à appliquer, peu lisible pour les usagers et fragile sur le plan juridique. (Mme Cécile Cukierman ironise.)

La solidarité peut trouver d'autres leviers, plus efficaces : les aides sociales des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS et CCIAS) et le fonds de solidarité logement (FSL), entre autres.

Tout en saluant l'intention de justice sociale, le Gouvernement émet donc un avis défavorable à l'article 1er, par cohérence avec l'objectif environnemental de la politique publique des déchets.

Le Gouvernement partage le constat du rapporteur sur l'article 2. Le droit en vigueur confie aux maires la responsabilité d'établir les modalités de collecte des déchets. Il appartient aux groupements de communes de déterminer le nombre de PAV nécessaires. Imposer un ratio national serait délicat - je pense à ma commune, où l'habitat est dispersé - et reviendrait à nier les réalités locales et la marge d'appréciation des élus locaux. En outre, des modes de collecte complémentaires existent. En tant qu'élu local, je considère qu'une telle disposition introduirait une contrainte supplémentaire, à rebours des demandes de plus grande souplesse des élus.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - C'est bien le sujet !

M. Michel Fournier, ministre délégué  - Plutôt qu'un seuil rigide, le Gouvernement préfère renforcer l'accompagnement technique des collectivités, par les agences et les services de l'État. Cette approche, pragmatique, permettra d'adapter le maillage à chaque territoire. Faisons confiance aux territoires, sans alourdir inutilement le cadre législatif. Nous sommes donc également défavorables à cette mesure.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Bien sûr...

M. Michel Fournier, ministre délégué  - La création d'un comité des usagers du service public des déchets procède d'une intention louable : il est vrai que nos concitoyens aspirent à être mieux informés et impliqués.

Mais le droit en vigueur le permet déjà. Dans les communes les plus importantes, la commission consultative des services publics locaux (CCSPL) permet d'associer les citoyens. La majorité de ses membres peut demander l'inscription à l'ordre du jour de toute mesure d'amélioration du service public de gestion des déchets.

Dans les plus petites communes - j'en sais quelque chose -, le lien avec les habitants est plus souple et plus informel. (On ironise sur les travées du groupe CRCE-K.) La proximité y reste le meilleur garant de la participation citoyenne.

En outre, un article du CGCT permet à tout conseil municipal de créer un comité consultatif sur tout problème d'intérêt communal. L'outil juridique existe donc déjà ; il appartient aux collectivités qui le souhaitent de s'en saisir.

Créer un outil supplémentaire aboutirait à superposer des dispositifs, au détriment de la clarté de la concertation locale. N'oublions pas que nos administrés ne comprennent pas toujours le fonctionnement de nos collectivités.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet article.

Nous partageons l'objectif de réduction des déchets, mais le progrès ne passe pas nécessairement par de nouvelles obligations législatives. Il réside plutôt dans l'adaptation des outils à la réalité du terrain, le renforcement des actions pédagogiques, le partage des bonnes pratiques, la coopération entre les collectivités et la valorisation des initiatives réussies.

Le Gouvernement souhaite poursuivre le dialogue avec les collectivités territoriales et avec les parlementaires ...

M. Pierre Barros.  - C'est bien parti !

M. Michel Fournier, ministre délégué  - ...pour faire du service public de gestion des déchets un levier durable de la transition écologique et de la cohésion territoriale. (M. Olivier Paccaud applaudit.)

M. Alexandre Basquin .  - Cette proposition de loi est de bon sens. Certes, la gestion des déchets est parfois nébuleuse ? autant de façons de faire que de territoires. Mais plus on trie plus on paie : les citoyens voient leur taxe ou leur redevance augmenter, tout comme les collectivités, qui voient leur TGAP progresser aussi.

Or ce marché des déchets est une aubaine particulièrement lucrative pour les grands groupes privés : le chiffre d'affaires de Veolia et de Suez s'élève respectivement à 3 et 2,5 milliards d'euros par an en France.

Cette proposition de loi répond à la demande de nombreuses collectivités, ainsi qu'à des considérations environnementales et sociales.

La tarification incitative a deux angles morts. D'abord, elle frappe beaucoup plus durement les personnes les plus fragilisées, du fait de leur condition : familles nombreuses ou avec enfants en bas âge, personnes âgées, personnes en situation de handicap, etc. Ensuite, la difficulté à se déplacer vers des PAV peut conduire à des dépôts sauvages ou au brûlage.

Il faut donc une massification des PAV et la mise en place d'une tarification sociale, comme cela se fait pour l'eau, les transports, les crèches, les cantines, etc. Il s'agit d'éviter que les politiques municipales soient excluantes.

On peut trouver une voie de consensus. Tout d'abord, cela ne coûte pas un kopeck à l'État. Ensuite, les collectivités seront libres d'instaurer, ou pas, cette tarification sociale. Monsieur le ministre, vous qui étiez un ardent défenseur de la libre administration des collectivités, vous me surprenez. Comme quoi le pouvoir change les hommes...

Le Premier ministre porte l'idée d'un nouvel acte de décentralisation : voilà un levier ! Avec cette proposition de loi, les collectivités territoriales seront en phase avec leurs habitants et leurs problématiques.

Je ne vois pas quels arguments on pourrait opposer à cette proposition de loi, si ce n'est une posture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - La gestion des déchets est une des traces matérielles de notre entrée dans l'ère de l'anthropocène. Le déchet est partout : nous avons dépassé les 2 milliards de tonnes dans le monde et devrions atteindre les 3,4 milliards de tonnes en 2050. On trouve des traces de microplastiques jusque dans la fosse des Mariannes et au sommet de l'Everest !

Cela doit nous interroger sur l'amont du déchet : le suremballage, la surconsommation, le tout plastique et le tout jetable.

Je salue cette proposition de loi qui introduit la question de la justice sociale dans la tarification incitative du traitement des déchets. Il faut éviter que la hausse de ces tarifs ne pèse trop lourdement sur les ménages les plus modestes.

Cette proposition de loi répond à la situation inquiétante de la gestion des déchets en Dordogne : qualité de service en baisse et explosion des coûts avec le recours à la Reom.

Nous aurions aimé approfondir le sujet : le député Sébastien Peytavie a déposé une proposition de loi sur le sujet. L'examen du PLF pour 2026 sera aussi l'occasion d'y revenir, avec nos amendements.

Sur l'article 2, nous considérons que le choix du maillage doit rester à la main des collectivités territoriales.

Si nous voulons réellement réduire la production de déchets, il faut faire contribuer davantage les premiers producteurs -  les industriels. Le principe pollueur-payeur doit être appliqué. Nous, écologistes, sommes les inlassables défenseurs d'une TGAP « amont », assise sur les produits manufacturés dépourvus de filière de récupération et affectée aux collectivités.

L'activité des éco-organismes doit aussi être encadrée : ils doivent être fiscalisés s'ils n'atteignent pas leurs objectifs. Il n'est pas juste que les collectivités territoriales et les usagers supportent les coûts liés aux défaillances de la responsabilité élargie du producteur (REP).

Nous voterons cette proposition de loi qui va dans le bon sens. Mais il faut changer de braquet pour concilier les impératifs de réduction des déchets et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les auteurs de la proposition de loi redoutent que l'alourdissement de la fiscalité locale liée aux déchets ne provoque de nouvelles vagues de protestation.

L'exemple le plus souvent cité est celui des couches pour les personnes incontinentes du quatrième âge et les jeunes enfants. C'est la double peine : ces produits coûtent cher à l'achat et alourdissent la fiscalité liée aux déchets, alors qu'on ne peut s'en passer.

La commission des finances a rejeté ce texte. Je pointe une contradiction : pour relancer la natalité et maintenir nos aînés à domicile, nous augmentons et multiplions les taxes, plutôt que de recourir à l'impôt local que nous avons sensiblement réduit avec la suppression de la taxe d'habitation.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Christian Bilhac.  - On n'augmente pas les impôts, on augmente les taxes, mais le contribuable a du mal à voir la différence. Si la redevance est peu équitable, malgré l'introduction de critères sociaux, le principe du pollueur-payeur trouve sa limite : celle de son acceptabilité sociale.

Une TGAP « amont » doit être mise en place ; ce ne sont pas les consommateurs qui font les déchets, ce sont les industriels. (On renchérit sir les travées CRCE-K.)

Dans le domaine de l'économie circulaire, nous comptons 2,3 milliards de contributions, auxquelles il faut ajouter le fonds vert, le fonds Économie circulaire, le programme d'Investissements d'avenir (PIA). S'y ajoutent quatre ou cinq organismes de contrôle : l'Ademe, la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la DGCCRF... Tout le monde fait tout et rien. On n'y comprend plus rien.

Je suis favorable au financement des services publics locaux par une « taxe de résidence » - pour ne pas froisser ceux qui ont voulu la suppression de la taxe d'habitation. Les taxes existantes sont inéquitables, car on paie le même montant quels que soient ses revenus.

Cette proposition de loi mérite d'être votée, pour réduire le poids de cette fiscalité sur les familles. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRCE-K ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi part d'une bonne intention : moins de déchets, plus de tri et un service public lisible et équitable. La quantité de déchets ménagers est en constante progression ; leur collecte pèse sur les finances locales.

Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Le texte comporte des fragilités, ainsi que l'a rappelé le rapporteur Olivier Paccaud, dont je salue le travail. Les moyens mobilisés par le texte ne sont pas les bons et risqueraient d'affaiblir les dispositifs existants.

La proposition de loi part d'un constat juste : les effets négatifs sur les familles nombreuses ou les personnes ayant des besoins spécifiques. Mais elle pose de sérieux problèmes pratiques et juridiques.

Transformer la tarification incitative en tarification socialement compensée risque d'affaiblir l'incitation. Ne risque-t-on pas d'augmenter les tonnages ?

Nous risquons en outre d'ouvrir la boîte de Pandore si nous autorisons l'accès aux données fiscales médicales. Qui collecte ? Qui contrôle ? Avec quelles garanties de confidentialité ?

Enfin, nous risquons d'alourdir les procédures et de multiplier les contentieux. En outre, cela renforcerait le millefeuille administratif, à rebours de notre objectif de simplification de l'action publique.

Un ratio d'un PAV pour 200 habitants pose problème : entre les montagnes et les zones urbaines, les contraintes de foncier et les coûts diffèrent. Une norme unique serait coûteuse et contre-productive. Nous faisons confiance aux responsables locaux pour faire le meilleur choix au regard de leurs contraintes. Ne serait-il pas plus judicieux d'expérimenter dans un premier temps ?

La gestion des déchets est l'un des défis de la transition écologique et de la cohésion territoriale. C'est même une question de société.

Cette proposition de loi ouvre un débat utile, mais comporte trop d'incertitudes et de contraintes pour être votée en l'état. Une politique utile reposerait sur quatre piliers : sensibiliser, réduire, trier et accompagner.

Le groupe UC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Olivier Paccaud applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La gestion des déchets a un coût considérable pour les collectivités. L'efficacité des éco-organismes reste à démontrer : la quantité de déchets ne se réduit pas et les dépôts sauvages se multiplient.

Outre la question de la faisabilité même des mesures proposées - transmission de données médicales, un PAV pour 200 habitants -, ce texte pose un problème d'efficacité écologique. L'OCDE l'affirme : l'instrument le plus efficace est la tarification incitative, introduite en 2006.

C'est le principe pollueur-payeur, une logique compréhensible par tous. L'Ademe considère que les collectivités ayant mis en place la tarification incitative constatent en moyenne une baisse de 30 % de leurs ordures ménagères résiduelles.

Il ne revient pas aux politiques environnementales de corriger des inégalités sociales. (Mme Cécile Cukierman éclate de rire.) Les revenus n'ont aucun rapport avec la gestion des déchets.

Cette mesure est même une injustice sociale. Vous divisez la société en catégories et demandez à certaines de payer davantage, indépendamment du service rendu ou du comportement individuel. Si le communautarisme s'immisce dans les poubelles des Français où va-t-on ? (Mme Catherine Belrhiti renchérit.)

Mme Cécile Cukierman.  - Quelle mauvaise foi !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Difficile d'être cohérent quand on appelle à taxer les super riches tout en faisant les poches des classes moyennes...

Cette proposition de loi renonce aux objectifs environnementaux.

Mme Cécile Cukierman.  - Ben voyons...

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - La fiscalité environnementale agit comme un rappel permanent de notre responsabilité individuelle. Cette tarification est efficace si elle est reliée à la quantité des déchets produits. (On ironise sur les travées du groupe CRCE-K.) Mais si nous sortons de cette logique, l'effet incitatif va mécaniquement diminuer.

L'amélioration de la gestion des déchets appelle une approche globale et systémique : taxation incitative, alternatives accessibles - PAV, tri, compostage... - et surtout pédagogie.

Et pourquoi ne pas réfléchir à la prise en compte de la composition du foyer ou des besoins particuliers, mais via des aides ou des compensations ? Car mélanger justice sociale et écologie nous fera perdre sur les deux tableaux. Ne compromettons pas nos objectifs environnementaux au nom d'une posture purement idéologique.

Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants ne soutiendra pas ce texte. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les critères sanitaires ou sociaux proposés pourraient donner l'impression d'un traitement plus équitable, mais en réalité cela complexifie la gestion. Le texte n'apporte pas de précisions, par exemple sur la collecte des données fiscales et médicales. Il risque aussi d'avoir un effet paradoxal en accordant un droit renforcé à produire davantage de déchets.

On peut s'attendre à une augmentation de la taxe ou de la redevance pour les classes moyennes ou aisées, sans que celle-ci diminue pour les familles modestes. Cela ne peut qu'être source de tensions et d'incompréhension.

L'installation minimale de PAV semble louable, mais méconnaît les différentes formes de dépôt et l'inapplicabilité de ce système. Selon l'Ademe, seulement 3 % de la population vit dans un territoire où la collecte des déchets repose exclusivement sur l'apport volontaire. La plupart du temps, c'est un système mixte. Nous devons faire du sur-mesure et ne pas créer de contraintes inutiles.

Très présente auprès des élus, je défends le pragmatisme et l'intelligence du terrain. Grâce à une concertation entre le pôle déchets, les élus et les habitants du pays de Sarrebourg, une gestion harmonieuse s'applique : des bacs dotés d'une puce et soumis à une redevance incitative encouragent la réduction des déchets à la source et un maillage de points d'apport volontaire a été décidé non par obligation, mais par rationalité. La concertation est régulière, sans avoir besoin d'un comité des usagers.

Le CGCT prévoit déjà des commissions consultatives des services publics locaux ou des comités consultatifs municipaux. Pourquoi créer une structure supplémentaire ? Ce texte ne répond ni à l'enjeu de simplification ni à l'efficacité. Il multiplie les dispositifs inapplicables et crée de la confusion dans le financement du service public. Nous privilégions la confiance et la responsabilité aux dépens de la contrainte. Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. (MM. Olivier Paccaud et Dominique de Legge applaudissent.)

M. Stéphane Fouassin .  - Ce texte part d'une intention que nous partageons tous. Personne ne conteste l'importance de réduire les déchets ou de créer un système plus équitable. Mais gare au fossé entre les bonnes intentions et les applications législatives !

L'objectif affiché de corriger les injustices part d'une intention louable, mais le dispositif est mal conçu. La Teom et la Reom ont une visée technique : ces taxes n'ont pas vocation à devenir des outils de redistribution sociale. Un impôt technique ne peut se transformer en outil social sans trahir son objet, voire devenir contre-productif. Ce n'est pas parce qu'on a moins de revenus qu'on produit moins de déchets.

La proposition de loi est financièrement imprudente : les déchets représentent plus de 13 milliards d'euros. Or cette réforme serait engagée sans étude d'impact ou sans chiffrage. On nous demande de voter un texte fiscal sans connaître son coût. Un projet de loi aurait été préférable.

Cette proposition de loi comporte aussi des dispositions accessoires, mal calculées, comme la création d'un comité des usagers dont la composition sera fixée par décret. Nous partageons l'objectif d'une gestion plus sobre, mais ce texte ne corrige pas les inégalités, il en crée de nouvelles ; il ne simplifie pas, il hypercomplexifie.

Pour le RDPI, la justice sociale ne doit pas s'inviter par effraction dans les textes techniques. Si l'on souhaite renforcer la solidarité, choisissons les bons outils : fiscalité générale, aide ciblée, accompagnement social. Le groupe RDPI salue l'intention, mais votera contre ce texte.

Mme Frédérique Espagnac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) D'aucuns pourraient croire que le sujet est technique, voire banal. En réalité, ce texte est profondément politique, car il porte sur l'écologie, la justice sociale et les services publics.

La France produit toujours plus de déchets : 343 millions de tonnes en 2022, dont 11 % proviennent des ménages, soit 1 tonne pour chacun d'entre nous.

L'État et les collectivités ont mis en place une fiscalité incitative pour faire face à la hausse des déchets. Mais le dispositif pèse sur ceux qui ont moins : ceux qui ne peuvent réduire leurs déchets ou acheter en vrac.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

Mme Frédérique Espagnac.  - Nous voulons une écologie juste, non punitive. Ce texte corrige ces inégalités : je salue l'initiative du groupe CRCE-Kanaky.

L'article 1er prévoit une tarification sociale des déchets : on paiera en fonction de ses moyens -  comme cela existe pour l'eau, soit dit en passant. C'est une idée de bon sens, républicaine. Contrairement à ce que j'ai entendu, le texte ne crée pas d'obligations nouvelles : il offre aux collectivités qui le souhaitent la possibilité de le mettre en oeuvre.

L'intention de l'article 2 est bonne elle aussi, mais attention à ne pas appliquer ses dispositions de manière uniforme. (M. Alexandre Basquin en convient.) Un point d'apport volontaire pour 200 habitants, c'est valable pour les métropoles, mais pas pour nos campagnes -  n'est-ce pas, monsieur le ministre ? (M. Michel Fournier le confirme.)

Il faut redonner la voix aux citoyens : tel est l'objet de l'article 3. C'est une belle idée démocratique, non une structure supplémentaire : ce comité pourrait devenir un beau lieu de dialogue, empreint de richesse démocratique.

Ce texte ne renverse pas la table, mais il envoie un message fort : les politiques environnementales ne réussiront que si elles sont partagées. Si la transition écologique suscite plus d'inégalités, elle échouera en suscitant rejet, colère et défiance.

Le service public fort, qui protège les plus faibles, doit être notre boussole. Quand il fonctionne bien, il renforce la confiance. Quand il devient injuste, il alimente le sentiment d'abandon.

La transition écologique n'a d'avenir que si elle est juste et partagée. Le groupe SER votera ce texte, qui incarne une écologie qui protège. (Applaudissements à gauche ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Cécile Cukierman .  - Merci à tous ! Au bout de quatorze ans de mandat, on craint les banalités : on se dit que la libre administration des collectivités locales, c'est acquis. On se dit qu'offrir une faculté aux collectivités, c'est participer à un mouvement souvent défendu ici, la différenciation.

Nous serions dans la posture, dites-vous ? Mais c'est vous qui l'êtes !

À commencer par vous, monsieur le rapporteur, car vous avez d'emblée rejeté ce texte, alors que la coutume sénatoriale pour ce type de propositions de loi serait plutôt de chercher à supprimer les irritants éventuels par des amendements.

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - Il fallait en déposer !

Mme Cécile Cukierman.  - Ce texte serait technique ? Mais la détermination d'une taxe est éminemment politique. Nous voulons y insuffler un peu de justice sociale ; pour le comprendre, encore faut-il reconnaître que dans notre pays, il y a des pauvres et des riches ! (Mme Catherine Belrhiti s'exclame.) Les pauvres ne choisissent pas de la même manière leurs déchets et la taxe n'a pas le même impact dans le budget.

J'ai entendu s'exprimer un besoin d'écologie punitive, de la part d'une droite sénatoriale qui n'a de cesse d'en accuser les maires écologistes. Nous en apprenons beaucoup à travers cette proposition de loi : la droite sénatoriale ne veut rien changer ni offrir cette liberté aux communes qui le souhaitent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Marianne Margaté .  - La justice fiscale est un thème au coeur du débat, au moment où l'Assemblée nationale examine le PLF. La TGAP augmente encore cette année ; elle pourrait atteindre 105 euros la tonne d'ici à 2030 contre 65 euros actuellement.

Elle pèse sur les collectivités, donc sur les usagers.

L'article 1er aborde la répartition des coûts : qui paie ? Teom et Reom ne sont pas parfaites, car elles ne sont pas justes. Une grande majorité de Français a l'impression de payer pour les autres, pour des services dont ils ne bénéficient pas. Effectivement, quand on cotise ou quand on paie l'impôt, on le fait pour des services dont on ne bénéficie pas forcément, mais qui répondent à un besoin d'intérêt général. Ces contributions sont payées selon les moyens de chacun, à la différence des redevances.

La Teom s'appuie sur la valeur patrimoniale du logement : ce n'est pas beaucoup plus juste, mais cela dit quelque chose.

L'égalité stricte est bien éloignée de la notion d'équité : le manque de solidarité crée un sentiment d'injustice. Il faut davantage de justice fiscale : nous voterons cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. Gérard Lahellec .  - Avec cet article, la redevance serait plus juste : elle dépendra toujours de l'usage, puisque c'est le principe de la redevance, mais elle tiendra aussi compte des ressources. Quand un sac supplémentaire représente un coût supplémentaire de 5 euros, ce n'est pas la même chose pour une famille qui vit d'un seul Smic que pour une famille qui touche deux salaires de 5 000 euros !

En apportant davantage de justice fiscale, nous rendons la transition écologique acceptable : l'article 1er offre cette possibilité aux collectivités.

M. Alexandre Basquin .  - Cet article est le point nodal du texte ; sa mise en oeuvre est laissée à la libre appréciation des collectivités locales. Pour ma part, je ne danse pas au bal des faux-culs ! (Mme Catherine Belrhiti proteste.)

On ne peut pas sans cesse parler de libre administration et de décentralisation et, en même temps, fermer la porte à la première proposition de loi qui ouvre des possibilités aux collectivités.

Monsieur le ministre, cette proposition de loi est largement soutenue par les maires ruraux de Dordogne.

Bien sûr, il faut produire moins de déchets, nous sommes tous d'accord. Mais certaines caractéristiques sanitaires et sociales empêchent parfois d'atteindre cet objectif : c'est alors la double peine pour les personnes concernées. Luttons contre une injustice de fait et de condition !

Mme Cathy Apourceau-Poly et Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Olivier Paccaud, rapporteur de la commission des finances .  - La discussion générale a été de qualité, je ne veux pas en rajouter.

Mais « Le bal des faux-culs », jeune homme ! C'est assez méprisant. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Alexandre Basquin.  - C'est une expression !

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas digne du Sénat.

M. Laurent Burgoa.  - On se croirait à l'Assemblée nationale !

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - Vos propos de tribune ont, à mon sens, dépassé votre pensée... Ils me restent en travers de la gorge, en tout cas. Je ne pense pas que le ministre ou que nos collègues soient des « faux-culs ».

J'ai auditionné une dizaine de structures. Je n'ai jamais été dans la posture. J'ai rendu un avis défavorable à cette proposition de loi, avec le soutien de la quasi-unanimité de la commission des finances.

Pourquoi ? Parce que lors des auditions, les arguments contre ce texte revenaient en ritournelle : « hypercomplexification » du système, déresponsabilisation des usagers, respect des données personnelles et médicales. C'est l'exemple type de la fausse bonne idée !

Oui, l'intention est bonne. Le texte aurait été perfectible ; encore aurait-il fallu déposer des amendements, jeunes gens ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est lunaire ! Depuis quand les rapporteurs ne déposent-ils pas d'amendements ?

Mme la présidente.  - Évitons les écarts de langage, je vous prie : ce n'est pas le ton du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Catherine Belrhiti.  - Rappel au règlement sur le fondement de l'article 33 de notre règlement. Les propos de M. Basquin sont choquants : je ne suis pas ici pour me faire insulter.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est une expression ! Vous le savez bien ! (Mme Catherine Belrhiti s'exclame.)

M. Marc Laménie.  - J'essaie toujours d'être objectif. Je souligne l'intérêt de la proposition de loi du groupe CRCE-K. L'intention est louable et répond à un enjeu de société.

Cela dit, le rapporteur a mené un travail très important. Nous sommes en démocratie et la Haute Assemblée la respecte sous toutes ses formes.

La Reom et la Teom ont chacune leurs aspects positifs et négatifs. Nous devons sensibiliser les personnes au tri sélectif ; malheureusement, tout le monde ne le fait pas. Il faut lutter contre les dépôts sauvages et les incivilités, sans oublier les impayés.

Pour ma part, par respect pour le groupe CRCE-K, je m'abstiendrai.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Monsieur le rapporteur, vous m'avez auditionnée en commission des finances.

« L'essentiel » avait déjà été distribué (M. Olivier Paccaud en convient) : votre décision était déjà prise ! Je me suis vue rajeunir : j'ai eu l'impression d'être une élève passant le bac avec un zéro pointé ! Ce sont des manières bien cavalières.

Complexification administrative, dites-vous ? Mais c'est ce que les collectivités vivent tous les jours ! Tenir compte du revenu fiscal de référence (RFR) ou demander un certificat médical pour les personnes incontinentes, je ne vois pas où est la complexité !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. Laurent Burgoa.  - Rappel au règlement sur le fondement de l'article 33. Nous avons le droit de débattre ; mais certains mots ne doivent pas être prononcés dans cette enceinte si nous ne voulons pas ressembler à l'autre hémicycle, qui dégage une image détestable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Catherine Belrhiti.  - Changez d'hémicycle !

M. Laurent Burgoa.  - Si vous traitez vos collègues de « faux-culs »...

M. Alexandre Basquin.  - Je ne l'ai pas fait ; c'est une expression !

M. Laurent Burgoa.  - ... ne vous étonnez pas des violences contre les élus. Je vous demande de retirer vos propos, monsieur Basquin.

M. Ian Brossat.  - Nous avons droit à des leçons de maintien, à la suite de l'expression utilisée par mon collègue et camarade Alexandre Basquin.

Si vous voulez jouer à ce jeu, ce qui me reste en travers de la gorge, à moi, c'est d'avoir entendu hier, lors des questions d'actualité, l'une des membres de votre groupe citer Maurice Barrès, auteur notoirement antisémite.

Lors de la même séance de questions, un collègue socialiste a prononcé les noms de Zyed et de Bouna, adolescents morts pour rien il y a vingt ans : un murmure de protestation s'en est suivi sur vos travées. (Mme Catherine Belrhiti proteste.) Lisez le compte rendu !

Vos références idéologiques me choquent beaucoup plus que l'expression populaire utilisée par M. Basquin. (Applaudissements à gauche)

M. Pascal Savoldelli.  - Je vois bien que cette expression a suscité une émotion forte ; mais faut-il en rajouter ?

Teom et Reom divisent nos concitoyens (Mme Catherine Belrhiti s'exclame) - tout le monde le sait, ici !

L'hypocrisie - puisqu'il faut parler correctement - porte sur une seule question : la libre administration des collectivités territoriales. C'est le débat ! (Mme Marie-Claude Varaillas renchérit.)

Le rôle du ministre et des sénateurs est de trouver l'harmonie entre une réponse universelle, républicaine, et la spécificité de l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je suis très étonné que vous n'ayez pas qualifié ce texte d'appel : il y avait une occasion d'ouvrir le débat.

Mme Cathy Apourceau-Poly et Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Pascal Savoldelli.  - Nulle polémique, c'est politique : pourquoi ne pas avoir pris ce texte pour ce qu'il est ? Ne dévoyons pas la nature de ce texte.

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - J'espère que c'est ma dernière intervention...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous avons le temps !

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - Merci ! Sans ironie, Barrès est un très grand auteur (murmures à gauche). Lisez La Colline inspirée : c'est un très bon livre, (Mme Colombe Brossel s'exclame) mais, comme d'autres écrivains, il a tenu des propos regrettables...

Mme Colombe Brossel.  - Regrettables ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - ...antisémites. Je pense à Voltaire, par exemple. La démocratie, c'est le débat, bien sûr, mais c'est aussi accepter d'être minoritaire, Madame Varaillas.

Vous vous êtes émue de la présence de « l'essentiel » sur les tables ; c'est qu'il présente la position du rapporteur...

Mme Marie-Claude Varaillas.  - De la commission !

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - ...position qui doit ensuite être soumise au vote des commissaires ; c'est ainsi au Sénat. Il se trouve qu'ils ont voté comme moi, mais ils ne sont pas à mes ordres. Dire que les jeux étaient pipés dès le départ, c'est malhonnête.

M. Jacques Fernique.  - Je ne voudrais pas qu'on monte en épingle une expression à travers une réaction un peu surjouée.

Lors des questions d'actualité du 24 janvier dernier, selon le compte rendu, Kristina Pluchet, largement applaudie sur les travées du groupe Les Républicains a utilisé cette expression : « ras-le-bol du bal des faux culs ». (Applaudissements à gauche ; Mme Catherine Belrhiti s'exclame.)

M. Vincent Louault.  - J'ai couru pour revenir dans l'hémicycle, car je suis un spécialiste des déchets.

Les collectivités territoriales sont très gênées par la complexification de ce domaine. Les factures, elles, augmentent de 30, 40, 50, 60 %. La TGAP va passer à 125 euros. La vache à lait des poubelles marche à plein !

Les collectivités ont le choix entre taxe et redevance incitatives. Chez moi, on avait mis en place cette dernière, mais on en est revenu, parce que 25 % des usagers arrêtaient de payer leurs factures ! La taxe est plus facile à gérer parce qu'elle est incorporée aux impôts locaux.

Pourquoi, par le biais des poubelles, n'appliquez-vous pas la solidarité qui vous est chère ? Certains retraités ne produisent plus de déchets et ne paient pas la redevance incitative ; il n'y a plus de solidarité avec la famille nombreuse qui a des kilos et des kilos de couches et qui paie une redevance élevée. On crée ainsi des systèmes pour séparer les Français : ceux qui ne consomment pas, ceux qui ont un grand logement et ceux qui peuvent faire du biocompostage finissent par ne plus rien payer. Je ne voterai pas ce texte.

Mme Colombe Brossel.  - Monsieur Paccaud, vous dites que Maurice Barrès a tenu des propos « regrettables ».

Vous auriez dû dire : il a tenu des propos antisémites. L'antisémitisme n'est pas une opinion, mais un délit : ce n'est donc pas regrettable, mais condamnable. (Applaudissements à gauche)

À la demande des groupes CRCE-K et Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°12 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 109
Contre 226

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

Mme Cécile Cukierman .  - Puisque les mots ont un sens, vous choisirez le vôtre, monsieur le rapporteur : malhonnêteté ou incompétence.

Voici les termes de l'article 2 : « Lorsque la collecte s'appuie sur des points d'apport volontaire, le nombre de points est au moins égal à un pour 200 habitants. »

Sauf erreur, la ville de Paris n'est pas soumise à la collecte par points d'apport volontaire. Lorsque vous évoquez un point d'apport volontaire tous les 50 mètres rue de Vaugirard, c'est soit de l'incompétence, parce que vous n'avez pas lu l'article 2, soit de la malhonnêteté, parce que vous souhaitez discréditer cette proposition de loi. (Mme Catherine Belrhiti s'exclame.)

Nous avons tous des exemples dans nos départements d'EPCI qui ont mis en place l'apport volontaire de manière différenciée selon la densité des territoires. C'est cela la réalité de notre pays, monsieur le rapporteur.

La vérité, c'est que vous avez voulu contester ce texte a priori. Vous pouvez me dire : « ma petite, vous auriez dû faire des amendements ! » Mais quand le rapporteur veut faire une ouverture sur une proposition de loi d'appel, il rédige des amendements avec l'appui des services de la commission ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Micheline Jacques .  - La délégation sénatoriale aux outre-mer a beaucoup travaillé sur les déchets ; leur gestion en outre-mer est extrêmement difficile. Je voterai les amendements de Gisèle Jourda, qui reprennent les recommandations du rapport de la délégation.

M. Vincent Louault .  - Un point d'apport volontaire pour 200 habitants ? La dernière cerise sur le gâteau a été la concomitance entre la hausse des factures et le fait que le camion ne passe plus devant chez vous -  il faut parfois faire 3 kilomètres pour apporter vos poubelles ! (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Résultat : les maires doivent ramasser près de la borne d'apport volontaire tous les déchets qui n'entrent pas dans le conteneur. Vous croyez que cela les amuse de ramasser toutes ces immondices ? Cela ne relève pas de leur compétence, mais ils doivent assurer le service après-vente !

Les gens trient, mais ils paient toujours plus cher ; c'est incompréhensible !

Le critère d'un point d'apport volontaire pour 200 habitants ne veut strictement rien dire ! J'étais dans les Ardennes ce week-end : il faudra faire 10 kilomètres pour déposer ses déchets !

Mme Cécile Cukierman.  - Mais non !

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°13 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption   93
Contre 226

L'article 2 n'est pas adopté.

Après l'article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°1 de Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet.

Mme Gisèle Jourda.  - Cet amendement s'inspire des conclusions du rapport sur les déchets dans les outre-mer que j'ai rédigé avec Viviane Malet.

La communauté intercommunale de La Réunion Est (Cirest) a mis en place des déchèteries mobiles pour suppléer aux réseaux insuffisants de collecte, notamment des encombrants. Cela fonctionne bien. Des bennes sont installées à tour de rôle dans les quartiers.

Dans le CGCT, on ajouterait : « le maire et le président d'EPCI encouragent le développement de ces déchèteries mobiles. » Allons chercher les déchets là où ils sont !

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement encourage certes, mais rien ne l'empêche dans le droit actuel. Il n'a aucune portée législative, nul besoin de le graver dans le marbre de la loi.

M. Michel Fournier, ministre délégué. Les collectivités territoriales sont à même de s'organiser. L'encouragement est donc recherché ; mais nul besoin de l'inscrire dans la loi. Avis défavorable.

M. Stéphane Fouassin.  - Vous parlez de la Cirest : ces déchèteries mobiles ont été installées dans ma commune, Salazie, depuis plus de dix ans. Nul besoin de cet amendement. (Mme Catherine Belrhiti renchérit.)

Mme Gisèle Jourda.  - La situation n'est pas égale. Monsieur Fouassin, tant mieux si cela fonctionne chez vous, mais à Mayotte et dans certains secteurs de La Réunion ou de la Guyane, ce n'est pas pareil. Je préfère que cet amendement soit inscrit dans le texte, c'est nécessaire et vital.

À la demande du groupe Les Républicains l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°14 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 110
Contre 225

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 de Mmes Jourda et Malet.

Mme Gisèle Jourda.  - Cet amendement, qui prévoit une gratification, est né du déplacement que nous avons fait, avec Mme Malet, à Mayotte. Le tri ne fonctionne pas, particulièrement dans les quartiers informels. Les points d'apport volontaire sont éloignés, vite dégradés et la collecte est limitée, faute de voies carrossables.

Une collecte alternative a été expérimentée en s'appuyant sur les commerces de proximité, les doukas, et en offrant des récompenses sous forme de produits sanitaires aux apporteurs de déchets triés.

Les systèmes classiques de collecte ne fonctionnent pas. Il faut donc habituer les populations au tri.

M. Olivier Paccaud, rapporteur.  - Voilà un amendement jumeau du précédent. Vous avez démontré vous-même que les initiatives se faisaient sans qu'une modification de la loi soit nécessaire. Mêmes causes, mêmes effets : avis défavorable.

M. Michel Fournier, ministre délégué.  - Le Gouvernement respecte la libre administration des collectivités territoriales : avis défavorable.

Mme Micheline Jacques.  - Je voterai cet amendement. Dans les quartiers informels de Mayotte, nous avons mesuré les difficultés que leurs habitants connaissent. Adoptons cet amendement, ne serait-ce que symboliquement pour nos compatriotes mahorais.

Mme Gisèle Jourda.  - M. Magras, l'un des prédécesseurs de Mme Malet à la tête de la délégation aux outre-mer, prônait la différenciation.

Il faut montrer notre soutien à ces initiatives : monsieur le rapporteur, c'est plus que de l'encouragement ! Nous parlons poliment de « quartiers informels », mais ce sont de véritables bidonvilles ! La loi se doit d'être stimulante, encourageante pour les populations.

M. Marc Laménie.  - La solidarité de la métropole avec l'outre-mer est importante. Nous avons examiné des textes importants concernant Mayotte ou la vie chère en outre-mer. À titre personnel et par solidarité, je voterai cet amendement.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°15 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 111
Contre 223

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Je vais mettre aux voix l'article 3. S'il n'était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l'article 4, qui deviendrait sans objet.

Il n'y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi puisque tous les articles qui la composent auraient été successivement rejetés par le Sénat. Il n'y aurait donc pas d'explications de vote sur l'ensemble.

Mme Cécile Cukierman.  - L'article 3 vise à instaurer un comité des usagers. Monsieur le ministre, je ne crois pas qu'il faille les balayer d'un revers de la main. La vraie difficulté des maires ruraux, c'est qu'ils sont en première ligne. Il n'existe jamais d'espace intermédiaire pour que la colère puisse s'exprimer. Aux élections de 2020, on a vu des municipalités se faire balayer à cause de la question des ordures ménagères, et il est possible que 2026 nous réserve quelques surprises...

Ces comités ne sont pas une charge supplémentaire, mais une protection. Nous souffrons de l'absence d'espaces intermédiaires - et pour cause, le Président de la République n'en veut pas...

Nous avons retenu une rédaction souple, en renvoyant au décret la composition et les missions. Ces comités viendront en appui aux décisions, car nos concitoyens s'interrogent : on produit de moins en moins de déchets, on paye de plus en plus cher, à qui cela profite-t-il ?

M. Vincent Louault .  - Chaque EPCI a déjà une commission « ordures ménagères » - c'est celle qui a le plus de succès !

Mme Catherine Belrhiti.  - Bien sûr !

M. Vincent Louault.  - Chaque EPCI est libre de s'organiser comme il l'entend.

L'article 4 demande une compensation par la DGF. Vous mélangez les choux et les carottes ! J'espère que vous faites mieux le tri sélectif... (Mme Cécile Cukierman proteste.) Vous pouviez demander une réduction de la TGAP, que toutes les collectivités payent. Tout cela n'est pas crédible. (Mme Cécile Cukierman proteste derechef.)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Le Sénat s'apprête donc à rejeter cette proposition de loi. Merci à mes collègues du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste d'avoir voté pour. À n'en pas douter, ce sujet reviendra, car je crains que le problème des déchets ne soit le carburant qui déclenchera un nouveau mouvement des gilets jaunes... Les élus de mon territoire savent que je mesure leurs problèmes quotidiens, ceux du gestionnaire du syndicat mixte. J'espère que ce débat aura été utile et qu'un texte aboutira rapidement.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°16 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 109
Contre 226

L'article 3 n'est pas adopté, non plus que l'article 4.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.