Quelles réponses apporter à la crise du logement ?
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? », à la demande du groupe Les Républicains.
Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis trois ans, notre pays s'enfonce dans une crise du logement sans précédent, aux effets dramatiques, engendrant frustration et colère.
Nous en connaissons les causes : elles sont structurelles, liées aux renoncements et aux coups de canifs depuis 2018.
La construction neuve est loin d'avoir retrouvé son niveau d'avant covid. Plus d'un Français sur deux déclare avoir des difficultés à se loger. Le taux d'effort des ménages sur le logement a atteint un niveau inégalé.
Il nous manque une action publique résolue et volontariste. Depuis un an, nous agissons par petites touches, au gré de propositions de loi sectorielles : régulation des meublés de tourisme, transformation des bureaux en logements. Ces textes sont utiles, mais ne donnent ni cap ni souffle à la politique du logement.
Nous devons honorer la promesse républicaine du droit au logement. C'est pourquoi je présenterai une proposition de loi de refondation de la politique du logement, sans écarter aucun segment.
La première pierre à l'édifice est la programmation, indispensable pour agir dans la durée : cessons de naviguer à vue. Élus et acteurs économiques ont plus que jamais besoin de visibilité.
Il faut avancer tant sur le logement privé que sur le logement social - opposer les deux est stérile.
Appuyons-nous sur les bailleurs sociaux dont le rôle contracyclique peut être déterminant si nous leur rendons des marges de manoeuvre pour relancer la production.
L'an dernier, grâce à Valérie Létard, la réduction de loyer de solidarité (RLS) avait été minorée de 200 millions d'euros. Hélas, le projet de budget pour 2026 revient en arrière, rétablissant une ponction contre-productive et augmentant la contribution des bailleurs sociaux au fonds national des aides à la pierre (Fnap).
Depuis 2018, l'État s'est totalement désengagé de ce fonds, en situation financière critique, comme l'a rappelé Jean-Baptiste Blanc en juillet dernier. Alors qu'il faudrait des mesures contracycliques pour permettre aux organismes HLM de répondre à la crise, le Gouvernement fait l'inverse...
Nous devons aussi conclure un pacte renouvelé avec les élus locaux. La planification se fait d'abord à l'échelle locale. Faisons confiance aux maires et renforçons leurs moyens d'action, notamment sur le foncier.
Je salue des avancées récentes : la transformation des bureaux en logements - même si c'est insuffisant - et l'adaptation du ZAN grâce à notre proposition de loi Trace. Nous devons assouplir encore davantage la loi SRU pour prendre en compte les spécificités de nos territoires et répondre au sentiment de dépossession des maires dans l'attribution des logements sociaux en les replaçant au coeur de la décision.
Il faut également renforcer l'investissement locatif. Les bailleurs privés ne sont pas des profiteurs, mais des contributeurs essentiels à la vie de notre pays. Appuyons-nous sur les travaux de Marc-Philippe Daubresse pour faire enfin aboutir ce statut du bailleur privé afin d'encourager l'investissement dans le neuf comme dans l'ancien.
M. Guillaume Chevrollier. - Tout à fait !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Le statut du bailleur privé, ce n'est pas seulement un coût, comme le pense Bercy, mais aussi une source de recettes nouvelles pour l'État et les collectivités. Ne nous contentons pas d'un compromis frileux qui dénaturerait le dispositif avant même de l'avoir fait vivre.
Il faut enfin débloquer les parcours résidentiels. La relance de l'accès à la propriété est urgente. L'enfermement des classes moyennes dans le parc locatif nourrit un sentiment de déclassement, dont nous voyons les effets sur l'échiquier politique.
Outre le maintien de la généralisation du prêt à taux zéro (PTZ), il faut que les logements acquis une première fois en bail réel solidaire (BRS) en bénéficient, afin de ne pas gripper les parcours résidentiels.
Pour répondre à cette crise, aucune solution ne doit être écartée. Nous avons besoin d'un cap clair et d'une politique de moyen terme qui redonne confiance à ceux qui investissent, construisent et font vivre nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Viviane Artigalas applaudit également.)
M. Guillaume Chevrollier. - Très bien !
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. - Merci madame la présidente. Les travaux de votre mission d'information m'ont été très utiles lors de ma prise de fonction.
Oui, il faut ouvrir les yeux sur la réalité de la crise du logement, véritable bombe sociale.
Beaucoup de clichés demeurent. La France des propriétaires serait dépassée ? Battons cette idée en brèche ! Il faut donner un rôle central aux familles qui souhaitent investir dans la pierre. Un quart des ménages français sont logés par de petits propriétaires.
Cette crise du logement dure depuis longtemps. La réponse devra, elle aussi, s'inscrire dans la durée. Cela passera, vous l'avez dit, par la programmation, ainsi que par une indispensable synergie public-privé. Il faut donner davantage la main au maire - c'est un ancien maire qui vous le dit - et avancer sur le statut du bailleur privé.
Mme Amel Gacquerre . - Permettez-moi de vous faire part de mon incompréhension. Il y a quelques semaines, j'ai cosigné une tribune appelant le Gouvernement à faire du logement une grande cause nationale pour 2026. Aucune réponse.
Ce n'était pas un exercice de communication, mais un cri d'alarme : écoutez la détresse de millions de Français dans l'impossibilité de se loger dignement, ou de se loger tout court. Un pan entier de notre économie vacille. Notre appel mérite d'être entendu.
Je remercie le groupe Les Républicains pour ce débat.
Pas moins de 350 000 personnes sont sans domicile, deux fois plus qu'en 2012, et 2,8 millions de ménages attendent un logement social, alors que seulement 82 000 logements sociaux ont été financés en 2024. C'est le pire état des lieux depuis vingt ans. Tous les publics sont touchés : étudiants, salariés, personnes âgées... Cette crise affecte aussi le pouvoir d'achat, car le logement représente 30 % des dépenses, c'est le premier poste de dépenses, de loin.
Nous devons bâtir une politique du logement à court, moyen et long terme, car les acteurs du logement souffrent du manque de visibilité.
Nous devons mener une politique volontariste, dotée de moyens et articulée autour de quatre axes : redonner confiance aux bailleurs privés avec un statut attractif afin de relancer l'investissement locatif ; réhabiliter l'accession à la propriété, qui doit redevenir un objectif atteignable pour les classes moyennes et populaires, grâce au PTZ et au BRS ; relancer massivement la construction de logement social en rendant des capacités d'investissement aux bailleurs par le maintien de la RLS à 1,1 milliard d'euros, en sécurisant le Fnap, sacrifié dans la copie initiale du budget pour 2026, en soutenant les collectivités territoriales et en simplifiant les normes ; enfin soutenir la rénovation des logements, car les incertitudes sur MaPrimeRénov' découragent les ménages et paralysent les professionnels du bâtiment.
Quels engagements prenez-vous, monsieur le ministre ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Vous avez raison de pousser ce cri d'alarme. Je partage vos priorités et votre souci de sécuriser les différents outils que vous avez évoqués. Il faut d'abord redonner confiance à tous ceux qui participent à la production de logement avec l'aide à la pierre et aux bailleurs sociaux. La symbiose privé-public est fondamentale.
Votre cri d'alarme alerte sur une crise multifactorielle, économique, écologique et sociale. Je ne sais pas si nous pouvons faire du logement une grande cause nationale, mais ce doit être une grande cause. Quand on ne peut pas se loger, on ne peut pas s'insérer.
Le Premier ministre m'a demandé de construire avec vous un grand plan d'urgence pour que les Français se logent dignement.
Mme Amel Gacquerre. - Compte tenu de la situation budgétaire, la rénovation énergétique doit aussi mobiliser des fonds privés. La banque de la rénovation est un outil mutualisé qui mérite d'être étudié de plus près.
M. Cyril Pellevat . - L'interruption de l'examen du PLF à l'Assemblée nationale n'augure rien de bon pour le logement, qui traverse une crise inédite. Tous les indicateurs sont au rouge. Nos concitoyens n'investissent plus, l'offre se tarit, certains sont mal logés, voire pas du tout. Le logement pèse sur le pouvoir d'achat, nos entreprises souffrent, nos finances publiques sont affectées, l'équilibre des territoires est menacé. Il y a urgence à agir.
La crise, multifactorielle, ne sera pas résolue par quelques apports au PLF. Si nous saluons les avancées à l'Assemblée nationale sur le PTZ ou le statut de bailleur privé, il nous faut une vision globale et une volonté politique.
En Haute-Savoie, la production de logements neufs s'est effondrée : à peine 1 500 logements vendus en 2024, contre 4 200 en 2019, alors que la population augmente de 1 % par an depuis 2014.
Nous devons agir sur la demande en relançant l'accession à la propriété, mais aussi sur l'offre en encourageant l'investissement locatif. Cela passe par la fiscalité, afin de rendre la location de longue durée plus rentable, ainsi que par un rééquilibrage de la relation entre propriétaires et locataires, pour restaurer la confiance.
Il faut repenser l'aménagement du territoire afin de développer l'offre partout : nos territoires sont riches et variés, profitons-en !
Poursuivons la simplification ! Construire ou réhabiliter est devenu un parcours du combattant, ce qui paralyse l'action publique. Nous attendons avec impatience l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi Gacquerre sur les obligations de rénovation énergétique, ainsi que la promulgation de la loi de simplification du droit du logement et de l'urbanisme.
La politique du logement coûte chaque année 40 milliards d'euros. Ciblons mieux les besoins. Elle doit être incitative pour les particuliers bailleurs, protectrice pour les plus fragiles, cohérente avec nos objectifs de transition écologique.
Il est temps d'agir. Monsieur le ministre, nous attendons un plan d'action pour le logement.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Oui, il faut un électrochoc, comme le recommande le rapport de MM. Daubresse et Cosson, pour inciter les investisseurs à investir à nouveau dans la pierre.
Le plan logement sera à construire ensemble. À cet égard, la crise politique est une chance, pour mettre tout le monde autour de la table. Au-delà de la question de la fiscalité, il faut rétablir la confiance. Cela passe par des garanties contre le squat et les impayés ; l'investisseur prend des risques, à nous de le rassurer.
Le logement doit s'inscrire dans la politique d'aménagement du territoire. Du logement partout et pour tous, voilà le sous-texte du plan logement. C'est pourquoi la question de la rénovation et de la réhabilitation est clé.
M. Cyril Pellevat. - Oui, il faut redonner confiance et rétablir la stabilité. Je plaide pour une co-construction qui tienne compte des spécificités locales. Mon territoire gagne des habitants, or les entreprises coulent, faute de production de logement... J'aurais aussi pu évoquer la question du DPE, ou de la rénovation dans les stations de montagne.
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons récemment rédigé un rapport d'information, avec Viviane Artigalas et Yves Bleunven, sur le logement des jeunes. Apprentis, alternants, étudiants, jeunes ménages, saisonniers : toute une jeunesse qui travaille mais ne peut plus se loger.
Cumulant les obstacles, ils sont en concurrence sur le marché privé avec des ménages plus solvables. Ils peinent à se loger dans les grandes villes mais aussi dans les territoires ruraux. Or l'offre à destination des jeunes est centrée sur les étudiants ? c'est pourquoi le plan estudiantin lancé en janvier dernier doit absolument être élargi aux jeunes actifs et prolongé jusqu'en 2030.
Programmation territorialisée, plateforme nationale regroupant les logements accessibles aux jeunes : il faut dépasser la segmentation artificielle entre étudiants et jeunes actifs et expérimenter des modèles mixtes. Pour les saisonniers, nous devons développer des solutions ad hoc, comme les résidences à vocation d'emploi ou les résidences mixtes développées dans certains territoires.
Nous recommandons de mieux mobiliser le parc social classique, d'accélérer la production de logements dédiés aux jeunes et de mieux communiquer autour de la garantie Visale.
Les jeunes aspirent à l'accès à la propriété, n'alimentons pas leur sentiment de déclassement. Conservons les avancées du PLF, avec le PTZ généralisé et tâchons de redonner confiance à cette génération pessimiste qui doute de sa place dans notre société.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Votre rapport d'information met en lumière la problématique du logement des jeunes. Le constat est alarmant. Vous avez identifié les deux moments clés que sont le départ du domicile parental et l'accès à un logement autonome, d'abord comme locataire, puis propriétaire. Je salue la rigueur de vos travaux. Ce panorama très complet sera utile pour orienter les politiques publiques.
Pour les saisonniers, il faut des offres adaptées, quasiment du sur-mesure. Il nous faudra innover...
Vous avez mis en lumière la segmentation artificielle entre jeunes étudiants et jeunes actifs, mais aussi la nécessité de rapprocher les décisions du terrain. Les maires connaissent leur territoire, les besoins des entreprises et des étudiants. Laissons-les innover et adapter.
Mme Martine Berthet. - La précarité de la jeunesse s'est aggravée rapidement. Ne creusons pas davantage le fossé générationnel ! Nous serons heureux de vous présenter notre rapport plus en détail.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Bien volontiers.
M. Frédéric Buval . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La crise du logement touche tout le monde, qu'on veuille construire, acheter, louer ou qu'on attende un logement social.
En 2024, à peine 300 000 logements ont été mis en chantier, contre plus de 400 000 il y a quelques années. Le logement social est saturé avec 2,8 millions de demandes en attente.
Cette crise est encore plus marquée outre-mer, où le logement contribue largement à la cherté de la vie. Trois habitants sur dix vivent dans des conditions de mal-logement. La production de logements locatifs sociaux a chuté de 29% entre 2011 et 2021, faisant grimper les prix. En Guadeloupe, les loyers du parc social atteignent 6,10 euros le mètre carré. Dans le privé, c'est pire. En Guyane, le loyer médian est de 15 euros le mètre carré ! Sachant que 80 % des demandeurs sont éligibles au logement très social, la majorité des familles n'ont pas les moyens de se loger décemment.
S'ajoutent des freins structurels : rareté du foncier, indivision, manque de cadastre à jour, spéculation, terrains protégés - la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) bloque trop souvent les projets des élus locaux. La baisse envisagée des aides fiscales à l'investissement productif pourrait freiner les opérations mixtes, pourtant essentielles à l'équilibre financier des bailleurs sociaux et à la mixité résidentielle.
Face au défi du vieillissement en Martinique et Guadeloupe, il est urgent d'étendre le crédit d'impôt pour inciter les HLM à y créer des logements destinés aux personnes âgées à faibles revenus.
Enfin, si nous saluons l'expérimentation du logement très social (LLTS) adapté en Guyane et à Mayotte, l'action de l'Anah ne concerne que les propriétaires bailleurs, alors que beaucoup de propriétaires occupants ont besoin d'aide pour rénover leur logement dégradé.
Quelles mesures comptez-vous prendre ? Quelle est votre position sur ces différents sujets ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - En 2025, nous avons quasiment atteint nos objectifs de production de logements sociaux neufs, avec plus de 105 000 logements construits, et dépassé nos objectifs en matière de rénovation, avec plus de 150 000 logements sociaux rénovés.
Oui, il faut encourager la production de logements intermédiaires.
Le bailleur doit pouvoir augmenter de manière raisonnée les loyers à la relocation pour favoriser la rénovation, mais une part du parc doit bien entendu rester accessible aux ménages les plus pauvres.
Une offre accessible pour les personnes âgées à faible revenu dans les outre-mer est un impératif. J'en parlerai avec Naïma Moutchou, très impliquée sur ce sujet. Je suis preneur d'échanges avec vous.
La ligne budgétaire unique (LBU) empêche de disposer d'aides complémentaires de l'Anah ; c'est là aussi un sujet à regarder de près.
Quant au dispositif LLTS, mis en place en Guyane et à Mayotte pour résorber les bidonvilles, un décret le généralisant à l'ensemble des départements et régions d'outre-mer est en cours de discussion en interministériel. Nous visons une application début 2026.
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est temps de remettre la question du logement pour tous au coeur du débat public. Nous traversons la pire crise depuis 1945 : trois millions de ménages attendent un logement social ; 125 000 recours au titre du droit au logement opposable ont été déposés en 2024, un record ; la production de logements sociaux est au plus bas depuis cinq ans, avec 85 0000 logements agréés en 2024 contre 125 000 en 2016.
Les choix faits depuis 2017 n'y sont pas étrangers. Réduction du loyer de solidarité, gel des APL, incertitude budgétaire autour du Fnap...
Le logement est un droit inaliénable. Le logement social n'est pas une charge, c'est un investissement d'avenir. Il soutient l'emploi et l'économie locale. L'immobilier, c'est aussi 97 milliards d'euros de recettes pour l'État en 2022 !
Il faut soutenir tous les types de logement. Le statut du bailleur privé, prôné par le rapport Daubresse-Cosson, permettrait la mise en location d'environ 90 000 logements par an d'ici à 2030. Il faudrait toutefois conditionner cet avantage fiscal à des loyers abordables.
Nous croyons tout particulièrement aux vertus du modèle français de logement social. Pour les jeunes, un logement autonome est la première condition d'accès à l'indépendance. Pour économiser 4 milliards d'euros sur les APL, l'État a mis en grande difficulté des millions de jeunes. Certes, les APL coûtent 19 milliards d'euros à l'État, mais il s'agit d'un investissement dans notre jeunesse, dans l'avenir de notre pays ! Il faut aussi favoriser l'accession des jeunes à la propriété, d'où l'intérêt de proroger le PTZ dans le neuf au-delà de 2027.
Face au coût du foncier et au coût du loyer, fournissons aux élus locaux des outils pour répondre aux besoins. Nous avons défendu de nombreuses propositions en ce sens : aide aux maires bâtisseurs, expérimentation d'un fonds de réhabilitation du bâti rural, d'un dispositif de réhabilitation du parc de logement social en zone peu dense. Il faut aussi redonner une marge de manoeuvre fiscale et lutter contre la spéculation foncière, via une refonte du régime des plus-values qui favorise la détention longue. Il faut pérenniser l'encadrement des loyers que la proposition de loi Bélim a étendu aux outre-mer. Enfin, j'ai déposé une proposition de loi visant à créer une tarification spéciale de l'électricité en faveur des locataires HLM.
Bref, notre groupe ne manque pas d'idées. Qu'envisagez-vous pour relancer la construction et pour lutter contre la cherté du foncier et des loyers ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Merci pour votre esprit constructif.
Notre politique, c'est le logement pour tous, un parcours résidentiel allant de l'hébergement d'urgence à la pleine propriété.
Sans le logement social, qui m'a vu grandir, je n'aurais pas eu ce parcours : j'y suis donc très attaché.
Le bailleur privé doit être au centre de nos politiques. Le plafonnement des loyers est évoqué dans le rapport Daubresse-Cosson. En tout état de cause, c'est vous qui trancherez.
La lutte contre la cherté du foncier sera au coeur du plan logement, car un foncier cher se traduit par des loyers chers, des Français pour qui le poids du logement devient insupportable, des familles qui s'appauvrissent. Je ne saurais l'accepter.
Mme Viviane Artigalas. - La construction de logement est cruciale : elle crée des emplois et rapporte à l'État. Il faut rattraper le retard. Votre ministère a publié une étude très intéressante sur les besoins en constructions de logement, selon les bassins de vie et d'emploi, qui doit servir de base à la réflexion.
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le logement n'est pas un bien comme les autres. C'est un droit constitutionnel, conformément au préambule de la Constitution de 1946.
Or la nation ne tient pas cet engagement. Dans le Val-de-Marne, on dénombre 110 000 demandes de logement ! Pire, la nation facilite les expulsions. J'espère que vous n'avez pas l'intention de battre le triste record de familles mises à la rue revendiqué par l'ex-ministre Kasbarian, alors que les expulsions ont bondi de 29 % en un an.
Le statut du bailleur privé va accentuer la concentration du patrimoine, alors que 3 % des propriétaires possèdent déjà 50 % du parc locatif ! (M. Daniel Salmon le confirme en levant le pouce.) Les chiffres du mal-logement montrent pourtant combien modèle est inefficace.
Sans intervention publique, pas de solution ! Or vous rétablissez la ponction de 200 millions d'euros sur les bailleurs sociaux, vous prévoyez d'augmenter la RLS, vous ne relancez pas la construction.
Attaquez-vous au moins à la spéculation qui fait exploser les prix du foncier et de la construction, et aboutit à des loyers inaccessibles !
Ceux qui font le procès du logement social commettent une erreur. En Île-de-France, les plus pauvres ne sont pas logés dans le parc social, mais dans un parc privé souvent insalubre, aux mains de marchands de sommeil. La crise vient du parc privé ! Depuis 2000, les prix du foncier ont été multipliés par quatre, les loyers ont presque doublé dans l'agglomération parisienne, on dénombre 115 000 copropriétés dégradées. Constructeurs et particuliers ont du mal à vendre. C'est un cercle vicieux. Ils achètent des logements plus chers, et répercutent les coûts exorbitants sur les loyers.
L'encadrement des loyers a fait ses preuves : allez-vous le pérenniser ? Allez-vous encadrer le prix du foncier, comme le font certaines communes ? Agirez-vous sur le parc privé, à l'origine de la crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Oui, le logement est un droit inaliénable, désormais opposable. J'ai été un enfant du parc HLM ; en tant que maire, pendant dix ans, je me suis attaché à créer un parcours résidentiel passant par la construction et le soutien au logement social.
Je regrette que vous opposiez propriétaire et locataire et rejetiez le statut du bailleur privé. Il ne s'agit pas d'accroître les profits des gros investisseurs multipropriétaires, mais de permettre à des familles qui ont un petit bas de laine de l'investir dans la pierre, en leur assurant une rentabilité, pour loger plus de gens. Une piste sera de plafonner le nombre de logements concernés par la défiscalisation, pour bien viser les petits investisseurs familiaux.
Sur les copropriétés dégradées, nous avons lancé une mission de préfiguration sur l'Anru III. C'est un sujet clé.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Enfin, j'aborde sans dogmatisme le débat sur l'encadrement des loyers.
M. Pascal Savoldelli. - Bref, vous êtes prêt à pérenniser l'encadrement des loyers ? Il faut répondre clairement.
Sur les expulsions, vous avez choisi de ne pas me répondre. Sur l'encadrement des prix du foncier, expérimenté par certaines communes, idem. Sur le parc privé, idem. Vous dites que le logement social est une bombe sociale, mais vous allumez la mèche ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Toujours dans la nuance...
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La crise du logement est une violence quotidienne. Elle enferme, empêche, fracture. Les besoins explosent, mais la production de logement social diminue, la rénovation énergétique stagne, les prix s'envolent. Face à cela, la politique du Gouvernement est insuffisante, indifférente, ou plutôt, absente.
Depuis 2017, la macronie, soutenue par la droite, a cassé les bailleurs sociaux et laissé s'installer une spéculation débridée au profit des plus riches.
M. Daniel Salmon. - Très bien !
Mme Antoinette Guhl. - Pour les écologistes, il faut remettre le logement social au coeur de l'action publique ; sortir de la spirale spéculative ; garantir un droit au logement réel ; prendre soin de notre jeunesse et de notre planète.
En privant les bailleurs sociaux de plus d'1 milliard d'euros par an avec la RLS, vous blessez les plus pauvres. Le budget 2026 s'annonce catastrophique. Toute la chaîne du logement s'effondre. Vous vous dites les rois de l'économie, mais plantez tout le secteur du bâtiment !
Sortons de la spirale spéculative : 11 milliards d'euros sur douze ans en niches fiscales, voilà les cadeaux que vous faites aux plus riches. Avec cette somme, on aurait pu construire 70 000 logements sociaux. Il faut supprimer les niches qui ne font qu'enrichir les multipropriétaires, limiter drastiquement la location touristique, imposer l'encadrement des loyers dans toutes les zones tendues.
Troisième urgence : garantir un droit au logement réel. Cela passe par l'interdiction des expulsions sans relogement, par une garantie universelle des loyers, par un permis de louer renforcé pour lutter contre l'habitat indigne.
Il faut une attention particulière à la jeunesse, alors que de 70 % des moins de 25 ans se logent dans le parc privé, qui est très cher, a fortiori pour les petites surfaces. Le logement représente 60 % de leur budget. Loger la jeunesse, c'est garantir l'avenir du pays !
La rénovation énergétique doit être massive et lisible. Nous refusons tout recul sur l'interdiction progressive des passoires thermiques.
Nous ne voulons pas de rupture avec une conception républicaine du logement. Nous ne voulons pas faire du logement une récompense méritocratique réservée à quelques-uns. Nous ne voulons pas de marché sans règle, pas de jeunesse abandonnée ou de territoire oublié. La crise du logement est une bombe sociale, réagissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - J'entends vos alertes. Le Gouvernement agit pour loger nos concitoyens, à commencer par les jeunes et les plus vulnérables.
J'allais répondre à M. Savoldelli que j'aborde la question de l'encadrement des loyers sans dogmatisme. Laissons le débat se faire, y compris avec les élus locaux. Il y a eu des bougés, des avancées, qui dépassent les clivages. Je défendrai toujours la liberté des élus locaux.
Enfin, j'entends lutter farouchement contre les passoires thermiques ; c'est un enjeu de pouvoir d'achat et de bien vivre pour les familles, mais aussi un enjeu écologique. Merci pour les combats que vous portez.
Mme Antoinette Guhl. - Le budget 2026 parle pour vous : vous baissez les APL de 587 millions d'euros, vous réduisez la prévention de l'exclusion en privant les associations de moyens, vous laissez s'effondrer la rénovation énergétique. Les crédits du logement social sont très insuffisants. Vos belles paroles ne sont pas suivies d'actes...
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le logement, premier poste de dépense des Français, pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages. La crise affecte tous les territoires, urbains ou semi-ruraux.
Dans les Bouches-du-Rhône, en 2024, 94 % des 150 000 demandes de logements sociaux étaient en liste d'attente. Près d'un logement sur dix est indigne. Marseille concentre 40 000 logements dégradés, parfois insalubres, voire dangereux - rappelez-vous le drame de la rue d'Aubagne.
L'accès à la propriété est difficile pour les jeunes générations. En 1975, il fallait en moyenne dix années de remboursement pour acquérir un logement, contre vingt-trois aujourd'hui. Cela nourrit un sentiment de déclassement et d'injustice.
Les réponses techniques comme l'article 55 de la loi SRU ne sont pas forcément adaptées. Dans les Bouches-du-Rhône, la rareté et le coût du foncier disponible, les contraintes environnementales, la saturation des infrastructures ou le refus de permis de construire sont sanctionnés par des pénalités allant jusqu'à 1,3 million d'euros. On se donne bonne conscience en oubliant que le logement est d'abord une question politique.
Derrière cette pénurie de l'offre se chevauchent des politiques publiques éclatées, des dispositifs mal calibrés et le funeste « zéro artificialisation nette ». Ces injonctions contradictoires incitent certains propriétaires à laisser leurs logements vacants.
L'État s'est retiré de son rôle de pilote. Or le logement exige une vision d'ensemble, une stratégie cohérente. Comment comprendre qu'en France, on puisse manquer de toit ?
Les dernières lois de finances ont donné le sentiment d'un État hésitant, qui annule puis rétablit les crédits du Fnap et de l'Anru. Ne réduisez pas les 116 millions d'euros annoncés par la ministre Létard pour 2026 à un effet d'annonce. Le gel des APL en 2026 - pour réaliser 108 millions d'euros d'économies - touchera les plus fragiles. On ne peut se contenter de tels expédients.
Dans ces conditions, comment les acteurs du logement peuvent-ils remplir leur mission ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - L'habitat indigne concerne essentiellement le parc privé, vous avez raison. Une procédure existe permettant de geler le versement des APL au propriétaire, mais il faut en réduire les délais.
La production de logements est freinée par la complexité de notre système. La proposition de loi Huwart, en cours d'examen, nous apporte des outils puissants. J'espère une mise en oeuvre fin novembre.
Vous connaissez notre méthode : le Gouvernement propose, nous débattons et, à la fin, vous tranchez. Ainsi du gel des APL. Je fais confiance à la sagesse de cette assemblée pour trouver les meilleurs équilibres.
M. Yves Bleunven . - Je remercie Mme Gacquerre, ainsi que Mmes Berthet et Artigalas, pour leurs propos.
Il y a un grave déséquilibre entre l'offre et la demande de logement, notamment chez les jeunes actifs. La crise du logement ne se règlera pas par la réglementation ou les aides, mais par la capacité à construire davantage, plus vite et à un prix convenable.
Le parcours résidentiel n'est plus aussi binaire qu'avant. Il faut inventer les « maillons manquants », innover, multiplier l'offre de logement, encourager toutes les formes d'habitats, modulables, réversibles, adaptés à l'évolution des besoins. Les élus locaux le savent. C'est pourquoi je plaide pour davantage de confiance envers les collectivités territoriales et pour un droit à l'expérimentation en matière d'urbanisme et de logement. Nous avons besoin d'une politique du logement décentralisée.
Le coût de la construction est souvent rédhibitoire. Ces vingt dernières années, le coût du logement a plus que doublé par rapport au revenu disponible. Nous pouvons agir sur le prix du foncier d'abord, en mobilisant mieux le foncier public, en encourageant les opérations de requalification urbaine, en luttant contre la spéculation ; sur l'accumulation des normes ensuite, parfois contradictoires et souvent complexes, en distinguant la norme utile de l'inutile.
Ouvrons un débat sur la transparence des coûts de la chaîne de valeur de la construction. L'indice des coûts de matériaux, qui avait explosé avec la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie, n'a guère baissé. La concentration des opérateurs dans une forme oligopolistique peut l'expliquer. Nous en reparlerons en commission.
Pour que les choses bougent, écoutons les maires, incitons les collectivités territoriales à innover et libérons les coûts de construction ! (Mme Amel Gacquerre applaudit.)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Vos travaux ont mis en lumière les difficultés croissantes des jeunes pour se loger. Le Gouvernement souhaite, comme vous, offrir un vrai parcours résidentiel aux jeunes. Pour cela, nous croyons à la liberté d'action des collectivités territoriales pour adapter les réponses aux réalités locales. Un étudiant à Rennes n'a pas les mêmes problèmes qu'un jeune actif à Lorient ou Vannes.
Nous soutenons l'expérimentation de nouvelles formes d'habitat à l'instar des tiny houses, auxquelles vous êtes attaché, qu'il me tarde de venir voir sur place, ou les résidences modulaires, pourvu qu'elles s'intègrent dans le paysage et s'inscrivent dans une stratégie d'aménagement local et une logique durable et encadrée.
Quant aux coûts de construction, nous en reparlerons, en effet ; c'est un sujet majeur.
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France traverse une crise du logement inédite. Dans ce contexte, le bâti patrimonial ancien, antérieur à 1948 est un gisement majeur, hélas sous-exploité. Largement présent dans nos centres-bourgs et nos villages, il offre plusieurs millions de logements vacants ou sous-occupés.
Et pourtant : tout dans notre cadre réglementaire concourt à le pénaliser, des DPE inadaptés conduisant à des refus bancaires aux normes techniques complexifiant les réhabilitations. Pire, le ZAN, qui entraîne une course au foncier constructible, pousse à sa démolition.
Bref, alors que nous disposons d'un patrimoine bâti ancien susceptible de contribuer à la production de logements et à la sobriété foncière, nous encourageons sa disparition... Sa réhabilitation serait pourtant un fantastique défi pour nos architectes : valoriser l'existant en conciliant respect de l'histoire et exigences actuelles.
C'est aussi l'attractivité touristique de notre territoire qui est en jeu. L'Alsace accueille 17 millions de touristes par an, qui y dépensent 2 milliards d'euros. Pouvons-nous nous permettre de perdre cette manne ? Cessons de nous tirer des balles dans le pied ! Les Suisses, Autrichiens et Allemands jugent nos règles d'urbanisme absurdes.
Il est urgent de réviser le DPE, qui a fait tant de dégâts sur le bâti ancien, et de favoriser les rénovations en adaptant les normes techniques. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - En effet, le patrimoine architectural de nos villes et villages est extraordinaire et doit être préservé, comme vous l'avez souligné lors de votre mission flash. Je vous propose de nous rencontrer pour en parler.
Mme Sabine Drexler. - Je suis à votre disposition.
M. Lucien Stanzione . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Comment faire face à la crise du logement ? Beau sujet, mais question lancinante. Les réponses sont connues depuis longtemps. Ce qui fait défaut, c'est la volonté.
Chaque automne, le Gouvernement redécouvre la crise du logement, s'en émeut, la commente, promet d'y répondre, mais les réponses disparaissent avec les feuilles mortes. C'est un cycle budgétaire aussi régulier que celui des saisons...
Dans le Vaucluse, la crise se voit et se vit. Les familles attendent des années un logement social, les maires s'épuisent à relancer des projets qui n'aboutissent pas et les villages se vident. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, plus de 10 000 nouvelles demandes de logement social ont été formulées en six mois !
Ce qu'on appelle « tensions sur le marché », c'est de la détresse sur le terrain. Dirigeant d'un bailleur social pendant plusieurs années, je connais les contraintes budgétaires, les chantiers qui n'aboutissent pas ou qu'on sauve de justesse ; je sais ce que représente un logement qui ne sort pas de terre.
Or le PLF prévoit moins d'APL, moins de MaPrimeRénov', plus de RLS. L'État se désengage sur les aides à la pierre. Les décisions tombent de Paris, les projets s'enlisent, la cohésion s'effrite.
À cela s'ajoute l'audace créative de l'amendement Labaronne-Attal : sous prétexte d'accélérer le bail réel solidaire, on relève le plafond d'éligibilité jusqu'à couvrir 90 % de la population. L'intention est généreuse, mais les effets seraient ravageurs.
J'ai connu des budgets contraints, des retards et des décisions absurdes, mais jamais je n'aurais cru qu'un gouvernement considérerait qu'un budget équilibré vaut plus qu'une famille logée. Ce n'est plus là une République sociale, mais comptable.
Quelle place pour le logement social dans la politique d'aménagement du territoire ? Comment rétablir la confiance entre l'État, les bailleurs sociaux et les élus ? Quelle est votre vision du bail réel solidaire, qui ne doit pas être un simple produit d'investissement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Je ne peux pas laisser dire que l'État ne serait pas aux côtés des bailleurs sociaux. On discute de la RLS, mais nous avons la volonté de soutenir la création de logements sociaux.
M. Lucien Stanzione. - J'ai dirigé des organismes pendant des années. Cette réponse, on l'entend tous les ans ; et tous les ans, les moyens diminuent. J'espère que vous aurez la force de défendre vos intentions dans le budget. Nous verrons bien dans quelques jours... Bon courage. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Lauriane Josende . - Dans les Pyrénées-Orientales, la crise du logement est aiguë et singulière. Raréfaction du foncier aggravée par le ZAN, grande précarité, conditions climatiques de plus en plus extrêmes pèsent lourdement dans mon territoire.
Dans ce contexte, un phénomène inquiétant s'enracine : la cabanisation. Illégales, ces constructions occupent souvent des espaces agricoles ou naturels, en général à risque. On compte une centaine de nouveaux cas chaque année, et un vrai business se développe.
Depuis 2015, les services de l'État ont mis en place un dispositif, associant maires et parquet, qui facilite le repérage des lieux et l'appui juridique aux communes. Mais seulement vingt-deux démolitions ont été réalisées, du fait d'une procédure trop lourde et inefficace.
Le sentiment d'impunité met à mal l'autorité des maires, désemparés face à des situations humaines souvent dramatiques. Les professionnels du bâtiment souffrent et les honnêtes gens, qui respectent les règles d'urbanisme, se découragent. Ce phénomène mine la cohésion territoriale, en plus de fragiliser l'agriculture et d'accroître le risque incendie.
Monsieur le ministre, nous attendons que vous fassiez respecter le droit et protégiez nos habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Je suis très sensible à ce problème, qui menace la sécurité des personnes, l'environnement et les surfaces agricoles, ainsi que nos paysages. Je suis impatient que la proposition de loi Huwart entre en vigueur, car elle renforce les pouvoirs du maire et durcit les sanctions. Dès que le Conseil constitutionnel se sera prononcé, comptez sur moi pour demander aux préfets une mise en oeuvre rapide et rigoureuse.
Mme Lauriane Josende. - La proposition de loi Huwart apporte des réponses, mais nous devons aller plus loin afin de raccourcir les délais. Il faut éviter de passer par le juge civil lorsqu'il y a urgence, notamment en cas de risque inondation ou incendie. Inspirons-nous de certains dispositifs en vigueur outre-mer.
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il n'est plus temps de dresser un constat, il faut un électrochoc. Avec Marc-Philippe Daubresse, je propose cinq mesures pragmatiques et immédiatement applicables.
D'abord, solvabiliser les primo-accédants, notamment en consolidant le PTZ élargi et en facilitant les dons familiaux.
Ensuite, développer l'accession à prix maîtrisé en établissant un cadre juridique clair, avec des prix encadrés et un taux de TVA réduit.
Il faut aussi faciliter la construction en simplifiant les normes. Appliquons les PLU adoptés, assumons la verticalité dans les constructions, encourageons les maires bâtisseurs en fléchant une part de la taxe d'aménagement vers leurs communes. Il faut aussi simplifier le droit de l'urbanisme - M. Daubresse et moi y travaillons.
En outre, il faut faciliter la reconversion des bureaux en logements ; le potentiel est immense, mais les freins demeurent. Un taux de TVA à 5,5 % sur les ventes issues de reconversion serait simple et efficace.
Enfin, il faut relancer l'investissement locatif privé. Un amortissement de 5 % est indispensable pour redonner confiance aux investisseurs.
Ce sont des mesures de bon sens. Allez-vous les intégrer à votre grand plan ? En attendant le grand soir de 2027...
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Merci pour ces propositions. Vous êtes là au coeur de ce que j'appelle le plan Logement. Avoir une loi qui porte mon nom ne m'intéresse pas ; ce qui m'importe, c'est de relancer la construction et de loger dignement les familles. Ce plan a vocation à être nourri par vos propositions. Coécrivons-le.
Mme la présidente. - Veuillez poursuivre, pour votre conclusion.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement . - Merci pour la qualité de nos échanges, preuve de la sagesse et de la rigueur des sénateurs - venant de l'Assemblée nationale, c'est un vrai plaisir...
M. Marc-Philippe Daubresse. - Ce n'est pas la même ambiance !
M. Vincent Jeanbrun, ministre. - Vous n'avez pas attendu ce gouvernement pour vous saisir de la question. Deux rapports et six propositions de loi ont été adoptés par votre assemblée cette année. Nous partageons le même constat : la France et l'Europe traversent une crise du logement inédite, qui alimente un sentiment de déclassement, dont se nourrit le populisme.
Cette crise tient à des facteurs conjoncturels - inflation des matériaux, pénurie de professionnels -, mais aussi structurels - évolution des modes de vie, saturation du parc social. Nous n'avons pas le droit de nous résigner. Ma mission est claire : bâtir un plan Logement partout et pour tous. Je vous propose de le coconstruire, brique après brique, avec un objectif : construire bien et pour longtemps.
Nos riches échanges dessinent l'ambition du plan Logement. J'ai hâte d'y travailler avec vous. Certaines mesures relèvent de l'urgence ; d'autres s'inscrivent dans une vision de moyen et long terme. Nous ferons les deux.
Il faut mieux sécuriser les statuts du propriétaire et du locataire, faciliter la primoaccession, simplifier les normes, trouver un équilibre entre logement social, intermédiaire et parcours résidentiel.
Comme le dirait Jean-Louis Borloo, il ne faut pas gâcher une bonne crise. Relevons ce défi avec ambition et esprit collectif - ce qui est bien la marque du Sénat.
M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Loin du vacarme de l'Assemblée nationale, vous avez entendu, monsieur le ministre, des propos mesurés, concrets et respectueux.
Depuis quatre ans, sur toutes les travées, nous tirons la sonnette d'alarme. Les politiques des gouvernements successifs ont souvent été néfastes et irresponsables. Il a fallu attendre la nomination de Valérie Létard pour que l'on nous écoute.
J'ai connu, à votre place, une crise du logement importante. De 230 000 constructions neuves par an, nous sommes passés à 486 000 avec Jean-Louis Borloo. Preuve qu'il est possible de redresser la barre. Encore faut-il résister à l'aveuglement comptable de Bercy.
Il n'y a que 9 000 ventes dans le privé cette année, six fois moins qu'il y a cinq ans. Tous les segments sont touchés par la catastrophe. J'ai tenté d'en parler il y a trois ans au Président de la République, mais me suis heurté à un mur. Il n'aime pas les propriétaires et ne comprend pas les ressorts de cette crise.
Il faut un plan pluriannuel qui garantisse des financements dans la durée, sinon Bercy cherchera toujours à reprendre ce qui a été donné.
Le statut du bailleur privé locatif, qui a fait l'objet d'un amendement transpartisan à l'Assemblée nationale, est un sujet important. Le niveau d'amortissement doit être élevé, pour créer un choc de confiance : 5 % dans le neuf, 4 % dans l'ancien. Nos collègues socialistes ont raison de souligner qu'il ne faut pas favoriser Louis Vuitton, mais les petits bailleurs privés, qui sont les plus nombreux. Près de 75 % des propriétaires privés ont deux ou trois logements, et non pas dix ou vingt...
Dominique Estrosi Sassone l'a dit : nous manquons cruellement d'une loi de refondation avec des financements pluriannuels.
Il faut baisser, voire supprimer, la RLS et relancer l'accession à la propriété grâce à l'élargissement du PTZ - je le connais bien, j'en suis pour ainsi dire le papa ! Résistons aux tentatives de rétrécissement de Bercy, qui touchent les plus vulnérables. Il faut aussi supprimer le taux maximal d'effort et encourager la reconversion des bureaux et du foncier commercial.
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre vigilance et notre soutien pour que la politique du logement soit orientée non par Bercy, mais par vous ! (M. Jean-Baptiste Blanc applaudit.)
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.