SENAT
X.- OUTRE-MER
LOI N° 2009-594 DU 27 MAI 2009 POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER |
L'examen de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) s'est déroulé dans un contexte dominé par une actualité économique et sociale sans précédent, aux Antilles comme dans l'île de La Réunion, et marqué par de fortes revendications concernant le coût de la vie, lui-même imputé à certains dysfonctionnements dans le contrôle des prix et à certaines situations de monopole.
Or, le projet de loi initial avait été conçu presqu'un an auparavant et reposait sur un double diagnostic :
- le niveau de vie dans les DOM demeure globalement inférieur à celui de la métropole : les PIB des départements d'outre-mer sont tous inférieurs à 75 % de la moyenne des PIB par habitant de l'Union européenne, (56,8 % pour la Guyane, 60,6 % pour la Réunion, 67,3 % pour la Guadeloupe, 74,9 % pour la Martinique) ce qui permet à ces territoires d'être reconnus par la Commission européenne comme relevant de l'objectif de convergence et pouvant bénéficier de mesures d'aides particulières et dérogatoires au droit commun communautaire (article 87-3-a du traité européen) ;
- mais au sein de leur proche environnement régional, ces départements jouissent d'un niveau de développement et d'un pouvoir d'achat nettement supérieurs à la moyenne : ce niveau de développement et les handicaps structurels des régions d'outre-mer liés à l'éloignement, la petite taille, l'insularité génèrent des coûts d'exploitation plus lourds que ceux des pays voisins et en conséquence une compétitivité faible, y compris dans les secteurs où les départements d'outre-mer disposent d'un réel savoir-faire.
Le texte initial visait donc, d'une part, en tenant compte des différentes évaluations réalisées, à réformer certains mécanismes dont l'efficacité n'est pas avérée et, d'autre part, à créer dans les départements d'outre-mer une zone franche qui permette une large exonération fiscale des entreprises visant à accroître leur rentabilité et leurs capacités à l'exportation.
Les événements sociaux ont conduit le secrétaire d'État, M. Yves Jégo, et le Parlement à enrichir ce texte qui est passé de 33 à 76 articles et à « toiletter » de nombreuses dispositions. Les apports principaux de la loi consistent dans l'amélioration des dispositifs de contrôle des prix et dans la mise en place d'outils fiscaux visant à une relance économique.
Au final, le texte comporte cinq titres concernant, respectivement, le soutien au pouvoir d'achat , les mesures de soutien à l'économie et aux entreprises , la relance de la politique du logement , la continuité territoriale et les dispositions diverses.
Les principales mesures législatives sont les suivantes :
- Dans le titre 1 er , la LODEOM fait écho aux revendications concernant le pouvoir d'achat exprimées à l'occasion de la crise antillaise des mois de février et mars derniers. Elle autorise notamment la mise en place d'un système de contrôle des prix ( article 1 er ) et permet l'exonération de charges sociales sur certains suppléments de salaire ( article 3 ) 1 ( * ) .
- Dans le titre II, la loi met en place les zones franches d'activité (ZFA) dont l'objectif est d'apporter une réponse, à travers un allégement des charges fiscales des entreprises, au déficit de compétitivité qui a été relevé. Ces allégements concernent l'impôt sur les bénéfices (IR / IS), mais également la taxe professionnelle, la taxe sur le foncier bâti et dans certains cas le foncier non bâti. ( articles 4 à 7 ). On note que le niveau des allégements est plus élevé pour certaines zones géographiques dont les handicaps structurels sont plus lourds, ainsi que pour certains secteurs économiques qui ont été identifiés par les acteurs économiques eux-mêmes, dans les DOM, comme présentant des enjeux particuliers en termes de développement endogène.
Par ailleurs, toujours dans le titre II, sont prises des mesures de rationalisation ou de réallocation des moyens (TVA-NPR, aide au fret, exonération de charges sociales...) ainsi que des mesures d'adaptation de la loi de défiscalisation. Y figurent également les dispositions ( article 26 ) introduisant une nouvelle modalité d'aide à la rénovation des établissements hôteliers (en complément à la défiscalisation), le moratoire pour les dettes sociales ( article 32 ), ainsi que l'article 31 , créant le fonds exceptionnel d'investissement (FEI).
- Le titre III est consacré à la politique du logement . La loi institue un GIP indivision destiné à faciliter la libération de foncier ( article 35 ), prévoit la sortie progressive de l'application du dispositif GIRARDIN sur la défiscalisation du logement libre et intermédiaire, mais y substituant ( article 39 ) un mécanisme adapté aux attentes du terrain (SCELLIER/DOM). Enfin et surtout, la loi, dans son article 38 , crée un nouveau schéma de défiscalisation dont la principale caractéristique est d'être centré autour des OLS et qui a pour ambition de répondre aux engagements du gouvernement pour la production de logement social ou intermédiaire.
- Dans son titre IV, la loi LODEOM pose les fondations d'un nouveau système d'aide à la continuité territoriale, axé sur l'intervention d'un opérateur unique (l'ANT) qui, à travers la mise en place de GIP, devrait assurer le pilotage commun de la politique de continuité, du passeport mobilité et de la formation professionnelle en mobilité ( article 50 ).
- Enfin, le titre V de la loi est consacré à des mesures diverses (ordonnances, schéma minier...). Il porte cependant en particulier la création d'une Commission nationale de l'évaluation de la politique de l'État en outre-mer qui devra, tous les deux ans, rendre un rapport sur la mise en oeuvre de la loi et ses effets concrets sur les économies ultra-marines.
Dans le détail, les articles de la LODEOM couvrent un nombre considérable de questions introduites au fil de la discussion parlementaire et dont il est rappelé ci-après les grandes lignes.
I.- SOUTIEN AU POUVOIR D'ACHAT
Dans cette perspective, comme il a été rappelé ci-dessus, plusieurs dispositifs ont été mis en place. Ainsi :
- l'article premier , ajouté par la commission des finances du Sénat, confère à l'État la faculté de réglementer les prix des produits de première nécessité dans les collectivités territoriales d'outre-mer où il exerce cette compétence . Cette mesure a pour objectif de répondre aux préoccupations relatives à la vie chère exprimées localement au cours des manifestations qui ont marqué le début de l'année 2009. Un décret en Conseil d'État réglementera, après consultation de l'Autorité de la concurrence et en conformité avec le deuxième alinéa du 2 de l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne, le prix de vente, dans toutes les collectivités territoriales d'outre-mer pour lesquelles l'État est compétent, de certains produits déterminés pour chaque collectivité territoriale d'outre-mer en fonction de ses particularités ;
- l'article 2 dispose que les comparaisons de prix, notamment avec les prix pratiqués en métropole, établies par les observatoires des prix et des revenus mis en place outre-mer feront l'objet d'une publication trimestrielle . Ajouté en séance publique par le Sénat, il s'inscrit comme l'article précédent dans le souci de soutenir le pouvoir d'achat outre-mer. Prévue par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer , désormais abrogée, la création des OPR visait à améliorer l'évaluation des politiques publiques mises en place localement, l'utilisation des outils statistiques disponibles et la comparaison des prix et revenus entre la métropole et l'outre-mer. Mais ces observatoires des prix et des revenus (OPR) n'ont été mis en place qu'en 2007 (décret n° 2007-662 du 2 mai 2007) ;
- l'article 3 , adopté à l'initiative du Gouvernement en séance publique au Sénat, transpose dans la loi l'un des éléments des accords qui ont été signés, par les partenaires sociaux, en Guadeloupe et en Martinique. Il vise à permettre aux entreprises ultramarines d'accorder des augmentations de salaire sans avoir à acquitter de cotisations sociales . Ainsi, dans les départements et régions d'outre-mer et dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, il est prévu qu'un accord régional ou territorial interprofessionnel, conclu selon les modalités prévues à l'article L. 2232-2 du code du travail et applicable dès 2009, peut permettre de verser un bonus exceptionnel d'un montant maximal de 1 500 € par salarié et par an. Sous réserve du respect des conditions prévues au présent article, ce bonus exceptionnel est exclu de l'assiette de toutes les cotisations ou contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 et L. 137-15 du code de la sécurité sociale et à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dès 2009 et pour une durée maximale de trois ans.
II.- MESURES DE SOUTIEN À L'ÉCONOMIE ET AUX ENTREPRISES
Le titre II relatif aux mesures de soutien à l'économie et aux entreprises fixe le régime applicable aux zones franches d'activités. Il s'agit d'une des principales mesures du texte, à savoir la création, dans les départements d'outre-mer, de zones franches d'activité consistant en des abattements de 50 % des bases d'impôt sur les bénéfices, de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties, dans la limite d'un plafond annuel de 150 000 euros. Certaines zones géographiques et certains secteurs bénéficient d'un abattement préférentiel égal à 80 % des bases d'imposition. La loi prévoit également l'ajustement de dispositifs fiscaux déjà en place dont l'efficacité s'est révélée incertaine.
- Les articles 4 à 10 détaillent ces abattements et exonérations (sur les bénéfices, la taxe professionnelle, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour certains terrains...) et la durée de leur application.
On notera également que des sujets très variés ont pu être abordés notamment à la suite d'amendements parlementaires :
• L'article 11 , introduit par le Sénat, répond au débat sur l'empoisonnement par le chlordécone de vastes terres cultivables dans les Antilles et pose le principe du respect de la réglementation sanitaire dans les départements et régions d'outre-mer. Il vise à rappeler que la réglementation communautaire en matière de risques sanitaires s'applique dans les DROM et charge l'État de la faire respecter. Conformément à la réglementation communautaire, la préservation de l'environnement et de la santé des pollutions chimiques impose, à titre préventif, de restreindre ou d'encadrer strictement l'emploi des substances classées comme extrêmement préoccupantes pour la santé, notamment dans les lieux publics. Ainsi, ces restrictions ou cet encadrement obligent à vérifier s'il existe ou non des produits de substitution moins dangereux et à effectuer des recherches de solutions de rechange moins nocives en vue de parvenir à des réponses plus écologiques tenant compte de l'état de l'avancée scientifique.
• Les articles 15 et 18 renforcent, à compter du 1 er janvier 2010, la coopération fiscale entre l'État et les collectivités ultramarines fiscalement autonomes : Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna ainsi que la Nouvelle-Calédonie. L'article 18 notamment, modifie l'article 217 duodecies du code général des impôts qui prévoit un régime de défiscalisation des bénéfices investis dans les collectivités ultramarines autres que les départements d'outre-mer, soit Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Il conditionne le bénéfice de la défiscalisation, s'agissant des investissements réalisés à partir du 1 er janvier 2010 dans les collectivités dites « de l'article 74 », autres que Wallis-et-Futuna, à la signature entre la collectivité concernée et l'État d'une convention fiscale « contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ». A l'initiative de M. Robert LAUFOAULU, le Sénat a adopté un amendement indiquant que « la collectivité de Wallis-et-Futuna transmet à l'État toutes informations utiles ».
• L'article 16 modifie les conditions auxquelles la réalisation d'un investissement productif outre-mer doit répondre pour ouvrir droit à une réduction d'impôt sur le revenu, en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Ce dispositif a connu de nombreuses évolutions y compris dans loi de finances pour 2009. Il élargit le bénéfice de la défiscalisation à certains secteurs économiques tels que recherche et développement, investissements relatifs aux câbles sous-marins de communication ou à des travaux de rénovation hôtelière et propose de rendre plus transparentes les modalités d'application, en particulier pour la location de véhicules, le secteur de la navigation de plaisance ou les investissements réalisés dans le secteur des énergies renouvelables.
• L'article 17 transpose à la défiscalisation des investissements assise sur l'impôt sur les sociétés l'essentiel des mesures prévues pour la défiscalisation assise sur l'impôt sur le revenu, codifiées à l'article 217 undecies du code général des impôts, en faveur des investissements réalisés entre la date de publication de la présente loi et le 31 décembre 2017.
• L'article 19 a pour objet de dématérialiser la transmission des informations que sont tenues de fournir les sociétés de portage des investissements défiscalisés (« Ces informations sont transmises sur un support électronique dans le même délai que celui prévu pour le dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice au cours duquel les investissements mentionnés au premier alinéa sont réalisés ou achevés lorsqu'il s'agit d'immeubles, suivant des modalités fixées par décret. »).
• Les articles 20 à 23 renforcent les sanctions en cas de non-respect de l'obligation de déclaration ou de déclaration frauduleuse des investissements défiscalisés (ou encore de non-respect par l'entreprise locataire des engagements pris dans le cadre d'une opération de défiscalisation) et les obligations (nécessité, pour le bénéficiaire, d'être à jour de ses obligations fiscales et sociales).
• L'article 24 crée une aide aux entreprises situées dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna, destinée à abaisser le coût du fret des matières premières ou produits importés dans ces départements ou ces collectivités pour y entrer dans un cycle de production ou exportés vers l'Union européenne Le montant de l'aide est fixé chaque année en loi de finances.
• L'article 25 modifie le régime des exonérations de charges sociales par coordination avec la loi de finances initiale pour 2009.
• L'article 26 crée à partir de la date de promulgation de la loi et jusqu'au 31 décembre 2017, une aide pour la rénovation des hôtels situés dans les départements d'outre-mer à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les normes de construction et d'éco-construction sont adaptées aux départements et collectivités d'outre-mer afin de favoriser, dans le cadre de ces rénovations, l'utilisation de techniques et de matériaux locaux, notamment le bois. Ce dispositif répond à un engagement pris le 21 novembre 2008, par M. Yves JÉGO, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, lors des Assises du tourisme outre-mer, à l'issue desquelles avait été annoncé un plan d'action global en faveur du développement de ce secteur, fortement créateur d'emplois. Le montant de l'aide est déterminé par décret, après consultation des professionnels locaux, en fonction du classement de l'hôtel. Ce montant ne peut être supérieur à 7 500 € par chambre à rénover dans la limite de 100 chambres. Pour chaque établissement, l'exploitant ne peut prétendre qu'une seule fois au bénéfice de cette aide.
• L'article 27 , introduit au Sénat par amendement du Gouvernement, a pour objet d'étendre aux collectivités ultramarines les règles applicables en métropole en matière de fourniture de service téléphonique au public . À cette fin, l'article L. 113-4 du code de la consommation a été réécrit. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes devra remettre au Parlement, au plus tard neuf mois après la promulgation de la loi, un rapport portant, dans les départements et collectivités d'outre-mer où elle est compétente, d'une part, sur les conditions de la formation des prix des services de communications électroniques, sur les écarts entre les capacités réelles des réseaux et les capacités utilisées ainsi que sur le lien entre les capacités et le niveau des prix et, d'autre part, sur les conditions de la formation des prix des services de téléphonie fixe et mobile.
• Les articles 28 à 30 sont de nature fiscale . Sont notamment concernés les exonérations de droits d'enregistrement pour les cessions de parts de copropriétés dans des résidences hôtelières défiscalisées sous l'empire de la loi PONS, visées au code général des impôts (CGI - art. 1594 I ter), et le régime de la TVA non perçue récupérable (NPR), suite au rapport d'une mission d'audit de modernisation de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de juillet 2007.
• L'article 31 crée un fonds exceptionnel d'investissement outre-mer, dont le montant est fixé chaque année par la loi de finances . Ces aides sont destinées à financer des investissements structurants. L'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie, des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.
• L'article 32 prévoit que les entreprises installées et exerçant leur activité au 1 er avril 2009 dans les départements d'outre-mer peuvent demander, avant le 31 décembre 2009, aux caisses de sécurité sociale compétentes de leur département le sursis à poursuites pour le règlement de leurs créances, pour les périodes antérieures au 1 er avril 2009, relatives aux cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi qu'aux pénalités et majorations de retard correspondantes . Cette demande entraîne de plein droit une suspension de six mois des poursuites afférentes auxdites créances, ainsi que la suspension du calcul des pénalités et majorations de retard durant cette période.
III.- LA RELANCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT
L'article 33 autorise des sociétés anonymes d'habitation à loyer modéré des départements d'outre-mer, de Saint-Martin et de Mayotte à devenir actionnaires de sociétés immobilières et étend aux DOM des mesures de réquisition des logements vacants. Jusqu'ici, les sociétés civiles immobilières et les sociétés de placement immobilier constituaient, en pratique, les principales formes juridiques utilisées pour la réalisation, outre-mer, d'investissements ouvrant droit à des réductions d'impôt sur le revenu et les dispositions légales précisant l'objet des sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré et des sociétés anonymes coopératives d'habitations à loyer modéré leur interdisant d'acquérir des parts de sociétés civiles immobilières ou de sociétés civiles de placement immobilier.
L'article 34 assouplit, uniquement outre-mer, le régime légal de l'indivision en étendant le champ des actes pouvant être accomplis par l'un des indivisaires sans l'accord des autres à la réalisation de travaux d'amélioration, de réhabilitation et de restauration de l'immeuble indivis. Le régime de l'indivision, organisé par les articles 815 et suivants du code civil, se caractérise par la concurrence de droits de même nature exercés sur un même bien. Ce régime n'est nullement spécifique à l'outre-mer mais il y est répandu, ce qui contribue aux difficultés rencontrées outre-mer en matière de logement. Désormais, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin, lorsqu'un immeuble indivis à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel est vacant ou n'a pas fait l'objet d'une occupation effective depuis plus de deux années civiles, un indivisaire peut être autorisé en justice, dans les conditions prévues aux articles 813-1 à 813-9 du code civil, à exécuter les travaux d'amélioration, de réhabilitation et de restauration de l'immeuble ainsi qu'à accomplir les actes d'administration et formalités de publicité, ayant pour seul objet de le donner à bail à titre d'habitation principale.
L'article 35 autorise la création d'un groupement d'intérêt public chargé de rassembler tous les éléments propres à reconstituer les titres de propriété dans les DOM et à Saint-Martin pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus, dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la recherche. A cet effet, il peut prendre toute mesure permettant de définir ces biens et d'en identifier les propriétaires et créer ou gérer l'ensemble des équipements ou services d'intérêt commun rendus nécessaires pour la réalisation de son objet.
Les autres articles de ce titre ont essentiellement une portée fiscale comme l'article 38 qui prévoit :
- une réforme de la réduction d'impôt en faveur de certains investissements réalisés outre-mer dans le secteur du logement régi par l'article 199 undecies A du code général des impôts ;
- la création, sous la forme d'une nouvelle rédaction de l'article 199 undecies C du même code, d'un dispositif de défiscalisation en faveur du logement, notamment social, et l'instauration de divers avantages fiscaux en matière de taxe foncière, de taxe sur la valeur ajoutée et de droits d'enregistrement applicables à des opérations relatives à des logements construits dans le cadre de ce nouveau dispositif ;
- la création d'une incitation fiscale à l'impôt sur les sociétés à la cession de logements outre-mer dans le cadre d'opérations de location-accession.
Il faut aussi noter que :
- l'article 39, issu d'un amendement du sénateur Jean-Paul Virapoullé (La Réunion, UMP), étend aux COM la réduction d'impôt en faveur de l'investissement locatif, dite SCELLIER-CARREZ, prévue par l'article 199 septvicies du code général des impôts ;
- est inséré, dans le code de la construction et de l'habitation, un nouvel article L. 371-5 disposant que les articles du même code relatifs à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), établissement public administratif dont la mission est d'aider à la rénovation du parc privé de logements, sont applicables, à compter du 1 er janvier 2010, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon ( article 42 ) ;
- les règles d'urbanisme applicables à la zone des cinquante pas géométriques, en vue de permettre la cession à des personnes privées de parcelles libres classées en zones urbaines sont aménagées ( article 43 ) ;
- la durée légale d'existence des Agences des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique, établissements fonciers de gestion de la zone du même nom est prolongée ( article 45 ) ;
- les conditions dans lesquelles les immeubles du domaine de l'État en Guyane peuvent être concédés ou cédés à d'autres personnes publiques en vue de conduire des opérations d'aménagement sont assouplies. En effet, l'État demeurant le principal propriétaire des réserves foncières en Guyane (90 % environ), il est indispensable qu'il puisse donner les moyens aux collectivités territoriales et à leurs groupements et établissements publics de conduire des opérations d'aménagement ( article 48 ).
IV.- LA CONTINUITÉ TERRITORIALE
La continuité territoriale fait l'objet d'une clarification. L'article 49 pose le principe que les pouvoirs publics mettent en oeuvre outre-mer, au profit de l'ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies, une politique nationale de continuité territoriale . Cette politique doit reposer sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Elle tend à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale outre-mer.
Un fonds de continuité territoriale est créé (article 50) en faveur des personnes ayant leur résidence habituelle dans l'une des collectivités suivantes : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.
Les ressources affectées à ce fonds sont fixées chaque année par la loi de finances. Les modalités de fonctionnement du fonds sont fixées par décret. Le fonds de continuité territoriale finance des aides à la continuité territoriale ainsi que des aides destinées aux étudiants de l'enseignement supérieur et aux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire. Il finance également des aides liées aux déplacements justifiés par la formation professionnelle en mobilité. Les résidents des collectivités peuvent bénéficier des aides financées par le fonds de continuité territoriale sous conditions de ressources. Les plafonds de ressources pris en compte sont fixés par arrêtés conjoints du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'outre-mer.
L'aide destinée à financer une partie des titres de transport des personnes résidant dans l'une des collectivités entre leur collectivité de résidence et le territoire métropolitain est désormais appelée « aide à la continuité territoriale . » L'aide à la continuité territoriale peut aussi financer une partie des titres de transport entre collectivités à l'intérieur d'une même zone géographique ou à l'intérieur d'une même collectivité, en raison des difficultés particulières d'accès à une partie de son territoire.
L'aide destinée aux étudiants de l'enseignement supérieur et aux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire est appelée passeport-mobilité études et a pour objet le financement d'une partie des titres de transport. Cette aide est attribuée aux étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur lorsque l'inscription dans cet établissement est justifiée par l'impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire, pour la filière d'étude choisie, dans la collectivité de résidence. Cette situation est certifiée par le recteur chancelier des universités ou, le cas échéant, le vice-recteur territorialement compétent. Elle peut par ailleurs être attribuée aux élèves de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy relevant du second cycle de l'enseignement secondaire lorsque la filière qu'ils ont choisie est inexistante dans leur collectivité de résidence habituelle et que la discontinuité territoriale ou l'éloignement constituent un handicap significatif à la scolarisation.
L'aide destinée aux personnes bénéficiant d'une mesure de formation professionnelle en mobilité est désormais intitulée passeport-mobilité formation professionnelle. Cette aide est attribuée aux personnes poursuivant une formation professionnelle, prescrite dans le cadre de la politique de l'emploi, en dehors de leur collectivité de résidence, faute de disposer dans celle-ci de la filière de formation correspondant à leur projet professionnel. Cette aide concourt au financement des titres de transport nécessités par cette formation et n'est pas cumulable avec le passeport-mobilité études. Elle concourt également au financement des frais d'installation et de formation. Elle peut permettre l'attribution aux stagiaires d'une indemnité mensuelle. Par dérogation, les personnes admissibles à des concours, dont la liste est définie par arrêté conjoint du ministre chargé de l'enseignement supérieur, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé de l'outre-mer, peuvent bénéficier du passeport mobilité formation professionnelle.
La gestion des aides ci-dessus est déléguée par l'État à un opérateur intervenant dans le domaine de la mobilité et de la continuité territoriale. Dans chaque collectivité concernée est constitué un groupement d'intérêt public auquel peuvent participer l'État, les collectivités territoriales qui le souhaitent et, le cas échéant, toute personne morale de droit public ou de droit privé.
Enfin, parmi les dispositions diverses, il convient de relever les mesures concernant :
- les conditions d'achat de l'électricité issue de la canne à sucre : la loi propose de revaloriser le prix d'achat de l'électricité produite à partir de la bagasse, résidu fibreux de la canne après extraction du sucre. Ce souci de soutenir financièrement l'ensemble de la filière réunionnaise de la canne à sucre doit s'articuler avec les dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 fixant les conditions de rachat de l'électricité produite à partir de biomasse ( article 53 ) ;
- la suppression d'une discrimination fondée sur l'application stricte de l'article 2295 du code civil : ce dernier impose, pour obtenir le cautionnement d'un contrat , de disposer d'une caution domiciliée dans le ressort de la cour d'appel du contrat. Ces dispositions pèsent plus particulièrement sur les Français originaires d'outre-mer qui s'installent en métropole et, faute de caution, se voient refuser la souscription de prêts à la consommation ou de prêts immobiliers ( article 55 ) ;
- la réforme de l'organisation et des attributions des instituts d'émission monétaire pour l'outre-mer, introduite par le Gouvernement en séance publique au Sénat : elle clarifie les modalités d'organisation et les attributions des deux instituts d'émission monétaire pour l'outre-mer. Les organes dirigeants de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) sont ainsi resserrés tandis que les compétences de l'Institut d'émission outre-mer (IEOM), en charge de l'émission du franc CFP dans les collectivités du Pacifique, sont complétées ( article 56 ) ;
- l'adaptation des règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local à Mayotte ( article 57 ) ;
- la répression de l'orpaillage clandestin : l'article 58 prévoit de renforcer le dispositif répressif de lutte contre l'orpaillage clandestin car cette activité, qui consiste à extraire illégalement de l'or dans les rivières, s'est développée rapidement en Guyane depuis une quinzaine d'années, causant de graves dommages environnementaux et sanitaires pour les populations locales. L'article 59 introduit par le Gouvernement au Sénat, s'inscrit dans le même contexte que le précédent et encadre l'élaboration d'un schéma d'orientation minière pour la Guyane ;
- la modification des règles de la représentation au sein du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins : sur initiative parlementaire en séance publique au Sénat, l'article 61 modifie les règles de répartition des membres du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), en augmentant la proportion de représentants désignés par les comités régionaux ;
- l'article 62 sur l'exercice de la pêche maritime à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises : ajouté par le Sénat en séance publique, il vise à permettre l'octroi à des navires étrangers d'autorisations de pêche dans les zones économiques exclusives (ZEE) de Mayotte et des Îles Éparses, ces dernières ayant été rattachées aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) depuis 2007 ;
- le transfert de compétence en matière audiovisuelle , conformément à l'Accord de Nouméa de 1998 : la loi prévoit que les autorisations délivrées aux services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre en Nouvelle-Calédonie avant le 1 er janvier 2008 et en vigueur au 1 er janvier 2009 sont reconduites jusqu'au 31 décembre 2011 ;
- la ratification de huit ordonnances publiées en application des articles 38 et 74-1 de la Constitution et plusieurs modifications des dispositions du code de l'organisation judiciaire applicables à Mayotte ( article 66 ) ;
- l'habilitation du conseil régional de la Guadeloupe pour la création d'un établissement public régional à caractère administratif chargé d'exercer les missions de service public de formation professionnelle qui lui seront déléguées par la région, en application de l'article 73, alinéa 3, de la Constitution et des articles L.O. 4435-2 à L.O. 4435-12 du code général des collectivités territoriales. De même, il est habilité à fixer des règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables, dans les limites prévues dans sa délibération n° CR / 09-269 du 27 mars 2009 publiée au Journal officiel du 3 avril 2009 ( articles 68 et 69 ) ;
- l'extension du régime du PACS (515-1 à 515-7 du code civil) et du concubinage (article 515-8 du code civil) à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis-et-Futuna.
In fine , la loi comprend encore cinq mesures importantes quoiqu'hétérogènes, à savoir :
- l'article 72 vise à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d'ordonnance , selon la procédure de l'article 38 de la Constitution, dans des domaines très variés et en des termes généraux. Le nombre et le champ de ces habilitations ont fait l'objet de plusieurs modifications au Sénat, en commission des finances puis en séance publique :
Article 72 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer I. Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi et de la compétence de l'État, tendant à : 1° Pour Mayotte : a) Actualiser et adapter l'organisation juridictionnelle et modifier le statut civil personnel de droit local, afin d'assurer le respect des principes constitutionnels et des droits fondamentaux ; b) Étendre et adapter les dispositions législatives relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique et à la constitution de droits réels sur le domaine public ; c) Étendre et adapter la législation en matière de protection sociale à Mayotte ; 2° Pour les îles Wallis et Futuna, étendre et adapter le code des postes et des communications électroniques ; 3° Pour Saint-Pierre-et-Miquelon : a) Actualiser et adapter les dispositions relatives à l'exercice de la médecine ; b) Etendre et adapter la législation relative aux allocations logement ; c) Actualiser les dispositions de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon et du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ; 4° Pour les Terres australes et antarctiques françaises, actualiser et adapter les règles de droit localement applicables, ainsi que les règles relatives à la pêche maritime ; 5° Pour la Polynésie française, pour la Nouvelle-Calédonie et pour les îles Wallis-et-Futuna, adapter les dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts en matière de réduction d'impôt sur le revenu pour l'acquisition et la construction de logements dans ces territoires. II. Les ordonnances doivent être prises au plus tard le dernier jour du dix-huitième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi. Les projets de loi portant ratification de ces ordonnances doivent être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de leur publication. |
- à l'initiative des députés, l'article 73 reconnaît que les langues créoles font partie du patrimoine national, ce qui constitue une mesure symbolique forte ;
- l'article 74 crée une Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer. Il précise notamment que la commission est composée en majorité de membres des assemblées parlementaires, le nombre de députés étant égal à celui des sénateurs. Elle comprend en outre des représentants de l'État ainsi que des collectivités concernées et, le cas échéant, des personnalités qualifiées.
Cette commission assure le suivi de la mise en oeuvre des politiques publiques de l'État outre-mer, en particulier des mesures prises pour favoriser le développement économique et social des collectivités concernées, qu'elles soient antérieures ou postérieures à la promulgation de la présente loi. Elle établit tous les deux ans un rapport public d'évaluation de l'impact socio-économique qui rend compte, en particulier, de l'incidence de l'organisation des circuits de distribution et du niveau des rémunérations publiques et privées outre-mer sur les mécanismes de formation des prix. Par ailleurs, la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer remet chaque année au Parlement, avant le 1 er octobre, un rapport d'activité qui présente sommairement les évaluations entreprises ;
- l'article 75 crée une quote-part outre-mer de la dotation de développement urbain en introduisant un nouvel article dans le code général des collectivités territoriales ;
Code général des collectivités territoriales Art. L. 2334-42 . - Les communes des départements d'outre-mer perçoivent une quote-part de la dotation de développement urbain prévue à l'article L. 2334-41. Cette quote-part est calculée en appliquant au montant total de la dotation de développement urbain le rapport, majoré de 33 %, existant, d'après le dernier recensement, entre la population totale des communes des départements d'outre-mer et la population totale des communes des départements de métropole et d'outre-mer. Sont éligibles à cette quote-part les communes des départements d'outre-mer de plus de 5 000 habitants sur le territoire desquelles il existe au moins une convention pluriannuelle conclue avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, telle que visée à l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine , au 1 er janvier de l'année de la répartition. La quote-part est répartie entre les départements d'outre-mer au prorata de la population des communes éligibles de leur territoire. L'enveloppe de chaque département est plafonnée à 1 000 000 € par commune éligible. L'utilisation de ces crédits se fait dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 2334-41. La population à prendre en compte pour l'application des deuxième et troisième alinéas du présent article est celle définie à l'article L. 2334-2. » III. - Le II entre en vigueur au 1 er janvier 2010. |
- enfin, l'article 76 modifie l'article L. 711-1 (V) du code du travail applicable à Mayotte afin de préciser les modalités de collecte des fonds de la formation professionnelle à Mayotte .
* 1 La circulaire sur l'exonération de charges sociales pour le bonus exceptionnel est en cours de parution.