b) Des indicateurs à compléter
Le portefeuille d'indicateurs relatif à l'inclusion sociale met l'accent sur des indicateurs relatifs de pauvreté monétaire . Cette orientation était justifiée ainsi 45 ( * ) :
« Une notion absolue est moins pertinente pour l'UE, essentiellement pour deux raisons. En premier lieu, le principal défi posé à l'Europe est de permettre à l'ensemble de la population de partager les bénéfices d'une prospérité moyenne élevée, et non d'atteindre des niveaux de vie élémentaires comme dans certaines parties moins développées du monde. Ensuite, ce qui peut être considéré comme un niveau de vie acceptable dépend largement du niveau de développement social et économique général, qui présente des différences considérables selon les pays ».
L'élargissement à douze nouveaux États membres invalide au moins partiellement ce constat, qui était déjà intrinsèquement contradictoire, puisqu'il soulignait l'existence de disparités de développement à l'intérieur de l'UE. Les taux de pauvreté monétaire ne suffisent pas à refléter la diversité des conditions de vie entre États membres, notamment entre les 15 « anciens » et des douze « nouveaux ».
AT Autriche ; BE Belgique ; BG Bulgarie ; CY Chypre ; CZ République tchèque ; DE Allemagne ; DK Danemark ; EE Estonie ; EL Grèce ; ES Espagne ; FI Finlande ; FR France ; HU Hongrie ; IE Irlande ; IT Italie ; LU Luxembourg ; LV Lettonie ; LT Lituanie ; MT Malte ; NL Pays-Bas ; PL Pologne ; PT Portugal ; RO Roumanie ; SE Suède ; SI Slovénie ; SK Slovaquie ; UK Royaume-Uni |
Source : SILC 2006, données 2005
Les taux de pauvreté monétaires sont très similaires dans les anciens et les nouveaux États membres. La République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie sont ainsi parmi les États les plus égalitaires de l'Union, avec des taux de pauvreté monétaire inférieurs au taux français. Les Etats baltes et la Roumanie figurent au contraire parmi les plus inégalitaires, au même titre que la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni.
La diversité des situations est mieux reflétée par des indicateurs de privation matérielle : ainsi, en 2003, la proportion de la population ne pouvant pas s'offrir un repas composé de viande ou de poisson tous les deux jours si elle le souhaite se situe autour de 30 % dans quatre 46 ( * ) des dix nouveaux États membres ayant adhéré en 2004, la moyenne de l'UE-15 étant de 4 %. En France, ce taux est de 2 %.
La mise en place du projet SILC (statistiques sur le revenu et les conditions de vie) , pour succéder au panel communautaire des ménages, ouvre des perspectives pour l'évaluation du degré de privation matérielle et donc pour une meilleure connaissance des aspects non monétaires de la pauvreté. SILC vise à fournir deux types de données :
- des données transversales (pour une année donnée) sur le revenu et les conditions de vie ;
- des données longitudinales (sur plusieurs années pour un même individu) permettant d'appréhender des évolutions dans le temps.
Lancé en 2003 sur la base d'un règlement 47 ( * ) , le projet SILC a conduit l'INSEE à réviser ses enquêtes permanentes sur les conditions de vie, créant une rupture puisque les données ne sont pas comparables. Toutefois, des désaccords persistent entre Etats membres, notamment concernant le mode d'agrégation des données de privation issues de SILC.
Ces désaccords conduisent à une prise en compte insuffisante de la dimension non monétaire de la pauvreté au niveau européen, alors même que cet aspect est essentiel dans la définition que le conseil européen donnait de la pauvreté en 1984 :
« Des personnes vivent dans des situations de pauvreté si leur revenu et leurs ressources (matérielles, culturelles et sociales) sont à ce point insuffisantes qu'elles les empêchent d'avoir des conditions de vie considérées comme acceptables dans le pays où elles vivent . »
Certes le taux de pauvreté monétaire est un outil d'analyse indispensable, mais, comme le souligne la terminologie européenne (« taux de risque de pauvreté »), il constitue davantage un indice du risque de pauvreté qu'un taux de pauvreté avérée .
Il doit être complété par des indicateurs de conditions de vie, et par des informations concernant l'accès à des éléments de bien-être et à des ressources fondamentales telles que le logement, l'éducation, l'accès aux services de santé.
* 45 Source : Commission européenne (2004), cité dans « La privation matérielle dans l'UE » d'Anne-Catherine Guio (Statistiques en bref, Eurostat, 21/05)
* 46 Il s'agit de la Hongrie, la Slovaquie, la Lettonie et la Lituanie. La Bulgarie et la Roumanie, qui ont adhéré à l'Union le 1 er janvier 2007, connaissent une situation plus grave puisque respectivement 56 % et 40 % de la population y déclare appartenir à un ménage ne pouvant s'offrir un repas composé de viande ou poisson tous les deux jours.
* 47 Règlement -cadre du Parlement européen et du Conseil n°1177/2003