2. Les grilles de lecture en France

De nombreux travaux ont été menés en France pour la construction d'indicateurs de pauvreté et d'exclusion. Il existe ainsi plusieurs grilles de lecture , avec de nombreux indicateurs communs , mais des objectifs différents .

a) Les indicateurs généraux

L'Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion sociale (ONPES) a réalisé un tableau de bord d'indicateurs dits « centraux », à l'usage des acteurs politiques et sociaux. Par ailleurs, le CNIS a récemment proposé de compléter les données disponibles et de les insérer au sein d'un véritable système d'information sur les inégalités.

Un socle de 11 indicateurs de pauvreté a été défini par l'ONPES.

Il met l'accent sur les indicateurs monétaires de pauvreté, complétés par un indicateur de difficultés d'existence et par des données relatives aux minima sociaux et à l'accès aux ressources fondamentales.

Les onze indicateurs « centraux » retenus par l'ONPES

Tous les indicateurs sont exprimés en pourcentage. Ils ne concernent que la France métropolitaine

Dans son rapport précité, le groupe de travail du CNIS sur les niveaux de vie et les inégalités sociales demande la mise en place d'une publication centrale annuelle sur les inégalités, qualifiée de véritable « système d'information ».

Ce système d'information comporterait notamment une cinquantaine d'indicateurs de base, définis par le CNIS, concernant les revenus, le patrimoine, les salaires, l'emploi, l'éducation, le logement, la santé. D'autres indicateurs sont suggérés concernant notamment la culture, la justice... ou encore la participation des femmes à la vie politique, pour laquelle le groupe de travail suggère comme indicateur unique le ratio « nombre d'hommes au Sénat / nombre de femmes »...

L'analyse de la pauvreté ne constitue qu'un aspect de ce travail qui porte, plus généralement, sur la mise en évidence d'inégalités de toutes sortes.

b) Les indicateurs d'efficacité des politiques

Les plans triennaux d'action , présentés dans le cadre de la méthode ouverte de coordination européenne (cf. supra ) donnent lieu à la présentation par le gouvernement de nombreux indicateurs de pauvreté et d'exclusion.

Par ailleurs, le projet de loi de finances est l'occasion de rendre compte annuellement de l'efficacité et de l'efficience des politiques menées, c'est-à-dire d'évaluer les résultats obtenus non seulement par rapport aux objectifs fixés mais également au regard des moyens engagés.

Dans le cadre du plan national d'action pour l'inclusion sociale (PNAI) , la France s'est engagée pour trois ans (2006-2008) sur des objectifs prioritaires :

- l'accès et le retour à l'emploi ;

- l'insertion sociale et professionnelle des jeunes ;

- le développement de l'offre de logement.

Ce plan est accompagné d'une annexe statistique qui comporte notamment les indicateurs généraux de résultat définis par le sous-groupe « indicateurs » du Comité de protection sociale 48 ( * ) . Ces indicateurs sont complétés d'une part par le tableau de bord de 11 indicateurs centraux retenus par l'ONPES (voir ci-après), et d'autre part, par des indicateurs relatifs aux priorités nationales précitées.

Dans le cadre du projet de loi de finances présenté chaque année, un document de politique transversale 49 ( * ) (DPT) retrace l'ensemble des objectifs et indicateurs des programmes du budget de l'État, concourant aux politiques de lutte contre l'exclusion. Ce DPT reprend les trois axes précités du PNAI, et y ajoute un quatrième axe relatif à l'amélioration de la gouvernance, de la transparence et de la participation des parties intéressées à la conception et à l'exécution des politiques.

Pour chaque axe, les thématiques privilégiées sont :

- la réduction de la pauvreté, dont celle des enfants ;

- l'insertion des jeunes ;

- la lutte contre l'illettrisme ;

- l'éradication de l'habitat insalubre ;

- l'amélioration de l'accès à la santé et aux soins.

Les indicateurs du DPT doivent rendre compte de l'impact des politiques d'inclusion sociale . Ils sont donc conçus comme des indicateurs de résultat. S'agissant plus précisément de l'évaluation de la pauvreté, les indicateurs retenus sont par exemple :

- l'intensité de la pauvreté ;

- le pourcentage des allocataires de minima sociaux (RMI, API, ASS) retournant à l'emploi ;

- le pourcentage d'enfants vivant en situation de précarité ;

- le pourcentage de jeunes insérés dans un emploi durable (CDI) à 25 ans révolus ;

- le nombre de logements sortis de l'indignité ;

- la part des personnes sortant des CHRS bénéficiant d'une insertion en matière de logement ou d'emploi.

Les indicateurs du PNAI et du DPT ont vocation à être complétés ou modifiés lorsque seront achevés les travaux actuellement en cours dans le cadre de l' « engagement national » conduit par M. Martin Hirsch, Haut-Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, visant à « réduire d'un tiers la pauvreté en France en cinq ans ».

L'indicateur central adopté ici est, comme il a été indiqué plus haut, celui de pauvreté ancrée dans le temps , qui constitue un compromis entre approches relatives et absolues. Il faut en effet conserver à l'esprit :

- d'une part que la baisse de cet indicateur est une tendance historique lourde ;

- et d'autre part que le suivi de ce seul indicateur pourrait dissimuler d'autres évolutions , s'agissant notamment des inégalités au sein de la population pauvre et de la situation des plus démunis, qui est mal reflétée par les indicateurs existants.

Plutôt que de communiquer sur un seul indicateur, il semble plus logique de se référer à une grille de lecture plus étendue . Le projet d'engagement national pour réduire d'un tiers la pauvreté prévoit d'ailleurs que plusieurs indicateurs soient associés à l'indicateur central en sorte d'éviter de n'avoir les yeux rivés que sur un objectif, ce qui pourrait avoir des « effets pervers » sur d'autres signaux. Il est donc prévu de mettre aussi l'accent sur l'intensité de la pauvreté , afin de vérifier que la diminution de la pauvreté ne s'accompagnera pas d'une dégradation de la situation de ceux qui ont les ressources les plus faibles. Il est également prévu de rendre compte du caractère multidimensionnel de la pauvreté, grâce à des indicateurs relatifs à l'emploi, à l'éducation, à la santé et au logement.

* 48 Le Comité de protection sociale (CPS) est un groupe de hauts fonctionnaires créé en 2000 pour former une plate-forme d'échange et de coopération entre la Commission européenne et les États membres en ce qui concerne la modernisation et l'amélioration des systèmes de protection sociale. Le travail de ce comité depuis sa création a été largement déterminé par le volet social de la stratégie de Lisbonne, dont le principal instrument est la méthode ouverte de coordination sur la protection sociale et l'inclusion sociale.

* 49 Cette annexe au projet de loi de finances est prévue par l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificatives pour 2005, complété par l'article 169 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

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