B. LE RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNANCES

1. Les ordonnances : des actes de forme réglementaire avant leur ratification

Entrant en vigueur dès leur publication au Journal officiel, les ordonnances sont des actes administratifs tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par une loi.

Selon l'expression retenue par le Conseil constitutionnel, les ordonnances sont « des actes de forme réglementaire » et le demeurent « tant que la ratification législative n'est pas intervenue » et à la condition qu'elles aient « fait l'objet du dépôt du projet de loi de ratification prévu par l'article 38 de la Constitution » 69 ( * ) .

Le défaut de dépôt d'un tel projet de loi avant la date butoir fixée par la loi d'habilitation entraîne en effet la caducité des ordonnances.

À l'expiration du délai d'habilitation , et bien qu'elles constituent des actes administratifs de forme réglementaire, les ordonnances prises pendant le délai imparti ne peuvent plus être modifiées que par la loi en ce qui concerne leurs dispositions intervenues dans les matières relevant du pouvoir législatif. Ceci résulte du dernier alinéa de l'article 38 de la Constitution.

Dans un arrêt d'assemblée du 11 décembre 2006 70 ( * ) , le Conseil d'État a récemment confirmé qu'après expiration du délai d'habilitation, seul le législateur peut modifier les dispositions d'une ordonnance non ratifiée. Il s'agissait en l'espèce de l'ordonnance n° 2005-56 du 26 janvier 2005 relative à l'extension et à l'adaptation du droit de la santé et de la sécurité sociale dans les départements d'outre-mer, qui n'est pas caduque - un projet de loi de ratification ayant été déposé -, mais n'a pas été ratifiée et a donc conservé le caractère d'acte administratif. Saisi d'un recours du Conseil national de l'ordre des médecins contre le refus implicite des ministres de la santé et de l'outre-mer d'abroger un article de cette ordonnance, le Conseil d'État a considéré que « si une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution conserve, aussi longtemps que le Parlement ne l'a pas ratifiée expressément ou de manière implicite, le caractère d'un acte administratif, celles de ses dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l'expiration du délai d'habilitation conféré au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d'une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement ; que l'expiration du délai fixé par la loi d'habilitation fait ainsi obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande d'abrogation portant sur les dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même seraient-elles entachées d'illégalité ».

En revanche, les dispositions d'une ordonnance non encore ratifiée intervenues dans le domaine réglementaire peuvent continuer à être modifiées par décret ; la seule exigence est que, comme l'ordonnance qu'il modifie, ce décret soit « pris en Conseil d'État et délibéré en conseil des ministres » 71 ( * ) .

Lorsque de telles dispositions ont été ratifiées, étant de ce fait devenues des dispositions « de forme législative », leur modification par un décret suppose une reconnaissance préalable par le Conseil constitutionnel de leur caractère réglementaire par la mise en oeuvre de la procédure résultant du second alinéa de l'article 37 de la Constitution 72 ( * ) .

* 69 Décision du Conseil constitutionnel n° 72-73L du 29 février 1972, rendue sur saisine du Premier Ministre sur le fondement du second alinéa de l'article 37 de la Constitution en vue de déterminer la nature juridique de certaines dispositions des articles 5 et 16 de l'ordonnance du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises.

* 70 Arrêt d'Assemblée du Conseil d'Etat du 11 décembre 2006, Conseil national de l'ordre des médecins.

* 71 Arrêt du Conseil d'État du 30 juin 2003, Fédération régionale ovine du Sud-Est : modification par décret des modalités d'exercice de la police de la chasse insérées à l'article L. 427-6 du code de l'environnement par l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000.

* 72 Décision du Conseil constitutionnel n° 72-73L du 29 février 1972 précitée.

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