Nouvelle-Zélande

Table des matières




NOUVELLE-ZÉLANDE

M. Maurice BLIN Sénateur des Ardennes

Président du Groupe d'amitié

M. François LESEIN Sénateur de l'Aisne

Vice-Président

M. Louis BOYER Sénateur du Loiret

Vice-Président

M. Michel SOUPLET Sénateur de l'Oise

Membre du Bureau

M. Lucien LANIER Sénateur du Val-de-Marne

Membre du Groupe

La délégation était accompagnée de M. Jean-Louis SCHROEDT-GIRARD, Conseiller des services du Sénat, Secrétaire exécutif du groupe d'amitié.

INTRODUCTION

La mission accomplie en Nouvelle-Zélande par le groupe interparlementaire d'amitié du Sénat au premier trimestre 1998 a été riche d'enseignements à plus d'un titre.

L'entretien que la Délégation du groupe d'amitié a eu avec Mme Jennifer SHIPLEY, Premier Ministre depuis décembre 1997, et la confirmation que celle-ci lui a faite des invitations adressées au Chef de l'État et au Chef du Gouvernement français par son prédécesseur, M. Jim BOLGER, ont confirmé le resserrement des liens franco-néo-zélandais. Ses rencontres avec les membres de la communauté française d'Auckland, de Wellington et de Christchurch lui ont permis de constater la vitalité de cette communauté et celle de la francophonie locale dont elle est, au travers des Alliances françaises, le ferment.

La Délégation a également pu mieux pénétrer les divers aspects de la vie politique néo-zélandaise à la suite de l'accueil chaleureux qu'elle a reçu au Parlement et dans les ministères. Parallèlement, l'importance de l'engagement néo-zélandais au Pôle Sud et du rôle de la plate-forme de Christchurch dans sa desserte lui a été révélé lors de la visite du centre de l'Antarctique implanté dans cette ville.

Cependant, de manière délibérée, le présent document ne s'étendra pas sur ces divers aspects du déplacement effectué. Le rapport présenté l'an dernier par la Commission des Affaires étrangères du Sénat fournit en effet des informations très complètes sur la plupart de ces sujets 1( * ) . De même, l'analyse des relations commerciales franco-néo-zélandaises ne sera pas reprise. Le travail accompli, en 1996, par le rapporteur spécial de notre Commission des Finances pour le commerce extérieur 2( * ) permet, là encore, de disposer des éléments essentiels.

Les développements qui suivent seront consacrés principalement à la politique économique néo-zélandaise . En effet, au cours des quatorze dernières années, la Nouvelle-Zélande est passée d'une des économies les plus protégées et les plus réglementées des pays membres de l'OCDE à une des économies les plus ouvertes et les plus compétitives.

La rapidité et l'ampleur de cette marche vers le libéralisme économique confère aujourd'hui un caractère assez unique à l'expérience néo-zélandaise . C'est pourquoi, après avoir rappelé son contexte géo-politique, le présent rapport s'attachera à la décrire et s'efforcera -à l'aune des informations recueillies sur place- d'en dresser un premier bilan.

CHAPITRE I
LE POIDS DE LA GÉOGRAPHIE ET DE L'HISTOIRE

On ne saurait apprécier la portée de l'engagement libéral néo-zélandais et en méditer utilement les enseignements sans une claire perception des spécificités de son contexte. Aussi, une brève présentation de la géographie tant physique qu'humaine du pays, de son économie et de son histoire apparaît-elle un préalable indispensable.

I. UN PAYS INSULAIRE DU PACIFIQUE SUD

A. DEUX GRANDES ÎLES VERTES À MI-CHEMIN DE L'ÉQUATEUR ET DU PÔLE SUD

Sur les cartes, les deux grandes îles 3( * ) composant le territoire néo-zélandais dessinent un arc de 1.500 km de haut au sud-ouest de l'Australie.

D'une superficie totale de 270.000 km² -soit l'équivalent de la Grande-Bretagne- ces deux îles séparées par le mince détroit de Cook (30 km) présentent des paysages marqués par l'activité volcanique 4( * ) où alternent chaînes de montagnes élevées (le Mont Cook, le plus haut sommet, culmine à plus de 3.700 m), hauts plateaux herbeux ou boisés, vastes plaines et côtes découpées 5( * ) .

La Nouvelle-Zélande bénéficie d'un climat tempéré. Les températures moyennes s'échelonnent de 8° en juillet -l'hiver dans l'hémisphère sud- à 17 ° en janvier. En raison de l'importance des barrières montagneuses et de l'orientation ouest-est des vents dominants, la pluviométrie varie parfois fortement de la côte ouest -la plus humide- à la côte est, tout particulièrement dans l'île du Sud, mais elle est globalement importante 6( * ) et fait de la patrie des "Kiwis" 7( * ) un pays vert aux atouts agricoles indéniables .

B. UNE POPULATION DE TAILLE LIMITÉE, MAJORITAIREMENT ISSUE DE L'IMMIGRATION

1. Un peuplement de faible densité à forte concentration urbaine

La Nouvelle-Zélande compte quelques 3,7 millions d'habitants 8( * ) (dont plus de 2,8 millions dans l'île du Nord), soit moins que Hong-Kong et un peu plus que l'Irlande. La densité moyenne de population -13 habitants au km²- y est beaucoup plus importante qu'en Australie (2 habitants au km²) mais entre 7 et 8 fois inférieure à celle de la France ; elle est équivalente à celle de la Norvège.

Cette population est à 85 % urbaine. Les quatre plus grandes villes 9( * ) abritent à elles seules plus de la moitié des Néo-zélandais.

Cependant, caractéristique assez exceptionnelle au sein de l'OCDE, la population rurale totale est restée relativement stable au cours des soixante dernières années, autour d'un demi-million de personnes. Si la proportion de personnes vivant en zone rurale est passée de 32 % à 15 % durant cette période, ce n'est pas du fait d'un dépeuplement des campagnes : c'est parce que la presque totalité de la croissance démographique nette a été le fait des zones urbaines.

2. Un peuplement d'immigration à large prédominance européenne

Peu nombreux et fortement citadins, les Néo-zélandais sont aussi, en grande majorité, un peuple d'immigrés. Seuls 14 % d'entre eux sont des descendants -parfois métissés- des Maoris, les polynésiens qui occupaient les îles au moment de l'arrivée des premiers colons. Les immigrés plus récents et, pour l'essentiel, les descendants d'immigrés constituent plus de 85 % de la population, dont 9 % sont d'origine non européenne 10( * ) et 79 % -ceux dits "les Pakehas"- d'origine européenne.

Au début de la colonisation, les Pakehas étaient presque exclusivement Anglais et Ecossais. La ruée vers l'or de la dernière partie du 19e siècle attira un grand nombre d'Irlandais et de ressortissants des pays du Nord ou du centre de l'Europe continentale (Néerlandais notamment). Après 1945, l'Europe de l'Est et du Sud (Grèce, Italie, Croatie) a alimenté les flux d'immigration. Enfin, Polynésiens et Asiatiques ont été nombreux au cours des 20 dernières années.

Il n'en demeure pas moins que l'apport démographique des premiers temps a forgé l'identité néo-zélandaise contemporaine. C'est la culture anglaise qui demeure la référence même si les traditions maories y sont de plus en plus intégrées, même si les paysages urbains -où dominent les maisons individuelles construites en bois- évoquent davantage ceux des Etats-Unis que les villes et villages du Devonshire ou du Lancashire.

3. Une politique d'immigration résolument sélective et pragmatique

Aujourd'hui, le pays du "grand nuage blanc", comme l'avaient dénommé les premiers occupants maoris 11( * ) , reste un pays d'immigration. Il a délivré 48.000 visas en 1995, 54.000 en 1996, 33.000 en 1997, ce qui représente l'acceptation en trois ans d'un nombre d'immigrés équivalent à 4 % de la population totale.

Les immigrés légaux composent l'essentiel des flux d'immigration. L'immigration clandestine y est limitée, notamment en raison du caractère insulaire du territoire qui facilite le contrôle des mouvements de population.

Surtout, caractéristique majeure, la politique suivie vise avant tout à sélectionner des immigrants de préférence jeunes, disposant de compétences ou des moyens d'investir, ayant une bonne connaissance de l'anglais et pouvant aisément pourvoir un emploi disponible. Ces dix dernières années, cette politique a connu quelques inflexions amenant à des changements de pondération entre ces critères mais son objectif primordial n'a pas changé. Pour les pouvoirs publics néo-zélandais, l'immigration est avant tout un moyen d'assurer le développement et la compétitivité de l'économie nationale.

Le pragmatisme, et non des principes idéologiques, paraît présider à l'ajustement des règles d'immigration.

Ainsi, avant 1991, étaient privilégiés les candidats disposant d'un contrat de travail ou étant à même d'apporter des compétences qui faisaient défaut sur le marché du travail. A compter de 1991, un souci de gestion à plus long terme du "capital humain" du pays a conduit à favoriser les candidats à haut niveau de qualification, tout particulièrement ceux détenant des diplômes élevés. Puis, devant le constat que même des immigrés très qualifiés se retrouvaient au chômage, en 1995 cette orientation a été corrigée en accroîssant le nombre de points accordés à la maîtrise de l'anglais dans le dépouillement des questionnaires remplis par les postulants.

Les inflexions de ces règles entraînent d'ailleurs des modifications dans les provenances migratoires. Pôles d'émigration dominants dans la première partie de la décennie 1980, l'Angleterre et l'Irlande ont été remplacées par les pays du Pacifique dans les années suivantes, l'Asie du Nord (Inde, Chine) devançant l'Asie du Sud-Est au début des années 1990, alors qu'actuellement les principaux pays d'origine de l'immigration sont par ordre d'importance : l'Angleterre, l'Afrique du Sud (depuis 1994), la Chine, l'Inde, Samoa.

II. UNE ÉCONOMIE OUVERTE SUR LE MONDE OÙ L'AGRICULTURE JOUE UN RÔLE STRATÉGIQUE

A. DES CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES

Avec une production intérieure brute de l'ordre de 57 milliards de dollars américains en 1987, l'économie néo-zélandaise est de dimension modeste à l'échelle mondiale. Le revenu par habitant, comparable à celui du Portugal, est l'un des moins élevé de l'OCDE.

D'envergure limitée par la taille, l'économie néo-zélandaise n'en est pas moins aujourd'hui largement ouverte sur le commerce international. Les exportations atteignent 22 % du PIB et les importations 21 %.

Elle bénéficie en outre d'un privilège : la quasi auto-suffisance énergétique. La Nouvelle-Zélande couvre 90 % de ses besoins en énergie à des prix peu élevés au regard de ceux des autres pays de développement comparable 12( * ) car elle dispose de réserves de gaz et de pétrole ainsi que de ressources hydro-électriques et géothermiques, ces dernières assurant près des trois-quarts de la production électrique.

La répartition de la production par grands secteurs d'activité fait apparaître une part prédominante des services (67 %), tandis que l'industrie représente 25 % et l'agriculture au sens large (y compris la forêt et la pêche) quelque 8 %.

Le poids de l'agriculture dans l'économie est cependant plus considérable que ce que laisse supposer une telle présentation. Si on ajoute aux emplois directs pourvus dans le secteur primaire tous les emplois connexes qui s'y rattachent dans les secteurs secondaires et tertiaires, le ratio atteint 18 %. De fait, en dépit de sa diversification récente, dans le tourisme notamment, l'économie néo-zélandaise repose encore largement sur l'exploitation de ses ressources naturelles. Le pays reste d'abord producteur et transformateur de produits de base.

Les performances agricoles varient selon les produits. Elles sont tout à fait remarquables pour le lait où les coûts de production sont les plus bas du monde 13( * ) , les vaches pouvant paturer en liberté dix mois sur douze 14( * ) . Mais toutes les productions agricoles ont un point commun : leur équilibre financier dépend des exportations (à 90 % pour la viande d'agneau, 75 % pour le mouton, 81 % pour le boeuf, 90 % pour la laine, 90 % pour les produits laitiers).

C'est ainsi qu'avec 58 % des exportations, l'agriculture est de loin la clef de voûte du commerce extérieur néo-zélandais.

B. DES INSTRUMENTS ORIGINAUX DE COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES : LES "BOARDS"

Dans un contexte où la contrainte extérieure pèse fortement sur les produits primaires, l'organisation efficace de leur commercialisation revêt une importance cruciale.

Aussi, la Nouvelle-Zélande a-t-elle élaboré en ce domaine un système qui mérite de retenir l'attention. La quasi-totalité de la production agricole est coordonnée et écoulée sur le marché international par -ou avec le soutien- de Boards. Ces organismes de statut souvent coopératif sont spécialisés dans la promotion et la commercialisation d'un produit donné.

Tous les Boards sont régis par un texte de loi qui leur est propre, ce qui explique la diversité tant de leurs statuts que de leurs prérogatives. On en compte neuf auxquels on assimile habituellement deux organismes de même nature.

Seuls cinq d'entre eux exercent à un certain degré un monopole de commercialisation 15( * ) . Les autres 16( * ) ont essentiellement un rôle réglementaire et de promotion et si leurs statuts les autorisent parfois à exercer une activité commerciale (c'est le cas du Meat Producers Board et du Wool Board), celle-ci n'intervient que dans des circonstances exceptionnelles et dans un contexte concurrentiel.

Ainsi, selon les cas, le rôle des Boards peut concerner la vente, la promotion et le marketing, la recherche, le contrôle de la qualité, l'analyse des marchés d'exportation, la centralisation et la diffusion aux professionnels concernés de l'information s'y rapportant, le conseil et l'assistance aux éleveurs, la représentation de la Nouvelle-Zélande au sein d'organismes internationaux. Quelques-uns exercent simultanément toutes ces fonctions. Les plus importants (Dairy Board par exemple) exercent une influence majeure dans l'orientation de la production et la fabrication des produits dérivés destinés aux marchés étrangers.

Actuellement, le monopole à l'export des Boards intervenant dans des secteurs de production majeurs (lait, kiwis, pommes et poires) se trouve contesté, en particulier par les Etats-Unis. A terme, certains d'entre eux pourraient donc perdre une partie de leurs prérogatives en ce domaine. Cela ne paraît toutefois pas de nature à remettre en cause le rôle déterminant qu'ils jouent dans le succès des produits agricoles néo-zélandais sur le marché mondial.

III. UNE NATION MARQUÉE PAR L'EMPREINTE BRITANNIQUE ET LE MODÈLE DE L'ÉTAT-PROVIDENCE

A. UN HÉRITAGE INTÉRIORISÉ

1. Le plus jeune des dominions britanniques

La Nouvelle-Zélande a été annexée à la Couronne britannique en 1840 17( * ) , dix ans après les premières arrivées d'importance de pionniers européens mais 71 ans après que le navigateur anglais James Cook l'ait cartographiée (1769) et près de deux siècles après que le hollandais Tasman l'ait découverte. Elle est le plus jeune des Dominions britanniques mais aussi, ceci expliquant sans doute cela, le plus éloigné de l'Angleterre.

Ces facteurs historiques et géographiques combinés à la nature du mouvement d'immigration initial expliquent qu'en dépit de leur accession à l'indépendance en 1947, les Néo-Zélandais restent attachés par un lien de nature sentimentale à la Couronne d'Angleterre. Alors que leurs voisins australiens, comme eux membres du Commonwealth, projètent de remplacer à la tête de l'Etat la Reine Elisabeth par un Président de la République, rien de tel n'est envisagé en Nouvelle-Zélande.

On doit voir une marque parmi d'autres de cet attachement dans la vigueur de l'engagement néo-zélandais aux côtés de la Grande-Bretagne et des alliés occidentaux au cours des deux grands conflits mondiaux du siècle. Au cours de la guerre de 1914-1918, les régiments de volontaires néo-zélandais, qui combattirent notamment sur les champs de bataille du Nord de la France, enregistrèrent des pertes considérables - plus de 18.000 hommes - compte tenu de la faible population du pays. De même, lors du déclenchement de la Seconde guerre mondiale, la Nouvelle-Zélande a déclaré la guerre à l'Allemagne une heure et demie seulement après la Grande-Bretagne.

2. Un legs important mais relativisé

L'influence britannique n'a pas imprégné seulement les coeurs et les esprits en Nouvelle-Zélande.

On la perçoit également au plan juridique -la Nouvelle-Zélande est un pays de Common law- et dans la vie quotidienne : la conduite routière s'y effectue à gauche. Le poids des collectivités locales dans la vie publique en est un autre signe. Il n'existe en effet que deux niveaux d'administration territoriale : le "local government" dans le cadre de "communes" de taille importante et le gouvernement central.

Il convient aussi de se rappeler que longtemps la Nouvelle-Zélande a pu être à juste titre qualifiée de "ferme de la Grande-Bretagne". Dans les années 1960, 90 % de ses exportations étaient d'origine agricole et 90 % d'entre elles allaient vers la Grande-Bretagne. En retour, près de la moitié de ses importations en provenaient.

Depuis l'entrée de celle-ci dans le Marché commun qui a été durement ressentie par la population, la situation a changé. En 1997, le Royaume-Uni ne représentait plus que 6,4 % des exportations et 5,4 % des importations néo-zélandaises.

De même, dans le domaine des institutions politiques, au-delà des similitudes du régime parlementaire, on relève des ruptures d'importance par rapport aux traditions britanniques. Ainsi, en 1950, le Conseil législatif conçu à l'image de la Chambre des Lords a été supprimé et, aujourd'hui, la Nouvelle-Zélande est l'une des rares démocraties à posséder un Parlement monocaméral. Plus récemment, en 1993, l'adoption, par référendum, d'un nouveau mode de scrutin incluant une dose importante de proportionnelle 18( * ) a sonné le glas du "bipartisme à l'anglaise". Et même si le parti national et le parti travailliste -les deux partis traditionnels- demeurent les plus importants, cette novation a entraîné une nette reconfiguration du paysage politique.

Aussi, le tropisme britannique de la Nouvelle-Zélande ne doit-il pas être exagéré. Son enracinement dans la zone "Pacifique", son ouverture à l'Asie, sa politique d'intégration de la minorité ethnique maorie, la diversité croissante de son immigration, voire même la vigueur quasi "théologique" de ses positions antinucléaires composent autant de signes de transformation de la "matrice culturelle" léguée par l'Empire britannique. Il n'en reste pas moins que ce legs constitue encore le socle sur lequel ces transformations s'opèrent.

B. UNE LONGUE TRADITION D'ÉTAT-PROVIDENCE

1. Une constance consensuelle

Le culte du "tout Etat" et de la réglementation de l'économie a longtemps prospéré en Nouvelle-Zélande.

L'État-providence y a été instauré par les travaillistes en 1935 au sortir de la crise de 1929. Ils créèrent un système de couverture sociale et de santé publique parmi les plus avancées de l'époque 19( * ) .

Rappelé au pouvoir en 1949, le parti national le conserva, à la seule exception des législatures 1957-1960 et 1972-1975, pendant 35 ans, jusqu'en 1984. Favorable à l'interventionnisme étatique, le parti national mena tout au long des " Trente glorieuses ", à l'instar d'autres gouvernements occidentaux, des politiques économiques d'inspiration keynésienne s'appuyant sur un contrôle des prix et des salaires.

Il maintint les lois sociales votées par les travaillistes, notamment celles adoptées en 1972-73 assurant une retraite indexée aux plus de 60 ans ainsi qu'une couverture des frais médicaux et une garantie de ressources à toute personne victime d'un accident. Il entretint également un secteur public très étendu, les entreprises d'Etat assurant 12 % du P.I.B. et intervenant dans des domaines aussi hétérogènes que la banque, les assurances, les télécommunications, la santé, l'énergie mais aussi ... l'hôtellerie, l'édition et l'exploitation forestière.

A cette époque, la Nouvelle-Zélande était habituellement considérée comme le pays développé qui avait le plus fort degré de protectionnisme tarifaire et d'intervention de l'Etat dans son économie.

2. Deux revirements successifs

A compter de la fin des années 1970 et au début des années 1980, le gouvernement "national" de Sir Robert Muldoon (1975-1984) engagea des réformes visant à libéraliser les prix, les salaires et les taux d'intérêts.

Mais, en 1982, échouant à stabiliser l'économie par ces moyens 20( * ) Muldoon, toujours Premier ministre, inversa l'orientation ainsi amorcée. Il instaura un gel total des prix et des revenus, institua un contrôle des changes extrêmement restrictif (imposant entre autres un rapatriement des gains à l'export), attribua des subventions publiques aux secteurs exportateurs et pris des mesures protectionnistes (licences quantitatives à l'importation, taxes douanières élevées, ...) ayant pour objet de réserver le marché domestique aux produits manufacturés nationaux. Il imposa même aux fonds de pension du secteur public d'investir exclusivement en bons du Trésor et en obligations d'Etat.

Selon le Fonds monétaire international, la politique économique ainsi conduite était la plus dirigiste des pays développés et s'apparentait par certains aspects à celles menées, à la même époque, dans les économies planifiées d'Europe de l'Est. D'aucuns se permirent même à l'époque de qualifier le pays " d'Albanie du Pacifique ". C'est un fait que les productions néo-zélandaises, notamment agricoles, comptaient alors parmi les plus subventionnées du monde occidental.

CHAPITRE II
LA RÉVOLUTION LIBÉRALE DU 14 JUILLET ... 1984

La rupture avec le dirigisme économique fut consommée définitivement par les... travaillistes qui emportent les élections législatives de 1984, puis de 1987. Issu de la nouvelle majorité, le gouvernement de David Lange, dont Roger Douglas est ministre des Finances, prend ses fonctions le 14 juillet 1984.

Il donne le coup d'envoi d'un processus de libéralisation que la victoire du parti national en 1990 n'interrompra naturellement pas. Les réformes engagées sont confortées et complétées. Elles s'étendent aux secteurs et aux catégories sociales qui n'avaient été que peu concernés jusque là. Ces dernières représentaient en effet les soutiens électoraux traditionnels du parti travailliste.

Ainsi, la politique de libéralisation se révèle, à l'analyse, avoir été appliquée successivement par chacun des deux grands partis aux forces sociales composant les "bataillons électoraux" de son adversaire. De ce fait, l'alternance a conduit à son amplification et non pas à son interruption, comme si les acteurs sociaux, après s'être adaptés aux changements, avaient voté pour qu'y soient impliqués ceux qui y avaient été partiellement soustraits.

I. UNE LIBÉRALISATION ENGAGÉE DE MANIÈRE RADICALE PAR LES TRAVAILLISTES

A. LA PEUR DU GOUFFRE

Au cours des entretiens qu'elle a eus sur place, la Délégation a posé la même question à plusieurs des interlocuteurs de haut niveau politique ou administratif qu'elle a rencontrés : "Pourquoi la Nouvelle-Zélande a-t-elle choisi d'une manière aussi vigoureuse le libéralisme économique à compter de 1984 ?".

Toutes les réponses obtenues sont allées dans le même sens : "Nous n'avions pas le choix, nous marchions à l'abîme" ; "On distinguait le fond du précipice, ... il fallait réagir" ; "Nous avons eu peur du gouffre !".

Ce diagnostic alarmant s'explique. En 1984, l'économie nationale profondément ébranlée par les conséquences de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, plongeait dans les déficits. De ce point de vue, l'expérience néo-zélandaise et la prise de conscience dont elle procède apparaissent comme une illustration du vieil adage allemand qui affirme que "l'angoisse est la mère de la création".

1. Un ébranlement structurel : l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun

Marquant la rupture du lien ancestral avec la patrie d'origine, l'adhésion du Royaume-Uni au Marché commun en 1973 a été un choc culturel et politique pour la Nouvelle-Zélande.

Elle a constitué en effet un véritable traumatisme pour son économie. Quoique assorti de garanties d'importations dans l'espace communautaire, le choix européen opéré par la Grande-Bretagne a provoqué une contraction du débouché essentiel des productions agricoles locales. Il a, par là même, ébranlé les assises de la prospérité du pays.

Dans les années qui ont suivi, le déséquilibre né de la perte de la rente assurée par le marché britannique n'a pas été résorbé. Il s'est même trouvé aggravé par la baisse importante du prix mondial des produits agricoles survenue à la fin des années 1970.

Dans un contexte où le niveau élevé de protection accordé à de nombreux entrants agricoles et le taux de change fixe manifestement surévalué de la monnaie nationale composaient les deux principaux handicaps de compétitivité à l'export, la première réponse apportée à cette crise structurelle s'est apparentée à une fuite en avant : elle a consisté à accroître les soutiens à l'agriculture en les orientant vers des aides à la production.

De 1979 à 1983, l'aide publique est ainsi passée de 15 à 33 % de la valeur de la production ; elle atteignait 40 % en 1984, son coût budgétaire étant alors équivalent à 3,2 % du PIB.

2. L'effondrement des comptes : l'explosion de la dette et des déficits

En raison de la faiblesse de l'épargne intérieure, ces subventions massives à l'agriculture ont été financées principalement par des emprunts à l'étranger. Ainsi, non seulement elles se sont révélées inopérantes -les exportations ne se sont pas redressées- mais elles ont aussi entraîné dans leur sillage une envolée de la dette, un creusement des déficits et, d'une manière générale, une dégradation de la quasi-totalité des indicateurs.

En 1984, l'endettement extérieur représente presque l'équivalent d'une année de production (il était dix fois moindre en 1974), le déficit du budget de l'État avoisine 6,5 % et celui de la balance des paiements approche 9 % du PIB. Le taux de chômage grimpe à 4,2 % en juin 1984 -pourcentage très élevé pour l'époque- alors qu'il n'était que de 1,7 % en mars 1980. Seule l'inflation -qui était à deux chiffres de 1973 à 1983- apparaît maîtrisée mais c'est au prix d'un gel total des prix et des salaires.

En termes de niveau de vie, la Nouvelle-Zélande a reculé de la troisième à la treizième place mondiale en un tiers de siècle .

Le 30 avril 1983, elle perd la cotation AAA qui avait longtemps été la sienne sur le marché international du crédit. Elle subira d'autres rétrogradations au cours des quinze mois suivants.

Après la dissolution législative de juin 1984, la perspective d'un changement de gouvernement et d'une révision du taux de change qui était largement considéré comme surestimé suscite un mouvement de fuite des capitaux, qui assèche les réserves de la banque centrale. Au lendemain de l'élection , l'annonce par celle-ci de la suppression de la conversion du dollar néo-zélandais en monnaie étrangère provoque une crise constitutionnelle . Le gouvernement sortant accepte finalement de mettre en oeuvre les arbitrages de la nouvelle équipe dirigeante en voie de formation.

B. DES RÉFORMES DRASTIQUES MENÉES AU PAS DE CHARGE

Inspiré des théories de Friedrich Hayek et de Milton Friedman, préconisé par une poignée de hauts fonctionnaires occupant souvent des postes clefs au Trésor et à la banque centrale 21( * ) , le changement de cap économique est inspiré par Roger Douglas, ministre des Finances de 1984 à 1988. Les mesures qu'il met en oeuvre, les " Rogernomics " comme les qualifient habituellement les Néo-zélandais, s'orientent autour de trois axes principaux : la réforme des modes de régulation macro-économique ; la réforme des politiques agricoles ; la réforme des entreprises publiques et de l'administration.

En l'espace de quelques années, ces réformes vont entièrement recomposer le paysage socio-économique.

1. La réforme des modes de régulation macro-économique

En matière financière et monétaire , après une dévaluation de 20 % du dollar néo-zélandais qui met fin à la crise du marché des changes, les décisions se succèdent à un rythme rapide.

Neuf mois après l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, le contrôle des taux d'intérêt, les obligations de réserve pour les banques, les restrictions apportées à la propriété d'institutions financières disparaissent. Les contraintes pesant sur les activités des institutions financières non bancaires sont levées. La liberté d'établissement des banques est affirmée.

Dans le même laps de temps, le contrôle des prix et des salaires est aboli.

Peu après, la liberté des mouvements de capitaux et des échanges boursiers est instaurée.

En 1985, la Nouvelle-Zélande renonce aux parités fixes de change et laisse flotter sa devise. Très vite, la politique monétaire devient l'instrument exclusif de lutte contre l'inflation. En 1989, le " Reserve Bank Act " établit l'indépendance de la banque centrale, son gouverneur étant tenu par contrat à maintenir une inflation faible.

Le démantèlement des régimes protectionnistes appliqués aux échanges de marchandises accompagne, quoique plus progressivement, cette libéralisation des marchés financiers.

Le système des licences d'importation est supprimé en six ans ; les aides à l'exportation disparaissent en quatre ans.

A compter de 1986, est engagé un programme de réduction des tarifs douaniers. A la seule exception de ceux concernant les moteurs automobiles et le textile qui baissent plus lentement, ils passent en moyenne de 28 % à 10 % sur six ans. Sur la période 1992-1996, ils diminueront encore d'un tiers. Aujourd'hui, l'objectif des pouvoirs publics est de les amener à zéro à l'horizon 2004.

La fiscalité aussi se trouve profondément remaniée. Dans l'année précédant les élections de 1987, une taxe générale sur les biens et services, la GST 22( * ) , est substituée, au taux uniforme de 10 % -relevé à 12,5 % en 1989-, à l'ensemble des taxes indirectes à taux et assiettes différents qui existaient précédemment 23( * ) .

Parallèlement, est enclenché un processus de réduction et de simplification des impôts directs. En quelques années, le taux marginal de l'impôt sur le revenu est divisé par deux, de 66 % à 33 % , tandis que le nombre de tranches est ramené à deux. De même, l'impôt sur les sociétés est fixé à 33 % et ses modalités de recouvrement sont standardisées afin de limiter l'évasion fiscale et de diminuer son coût administratif de perception.

Plus tard, en 1994, le Fiscal Responsability Act imposera, afin d'assurer la transparence et la cohérence des politiques pouvant être conduites en ce domaine, l'établissement d'études prospectives avant toute présentation d'une mesure fiscale d'importance devant le Parlement.

Par ailleurs, dès 1984, la politique budgétaire se voit assigner comme principal objectif la réduction du déficit. Il faudra toutefois près d'une décennie d'efforts et le retour au pouvoir du parti national pour que ce but soit atteint.

Au total, en quelques années, le marché, la liberté d'initiative et l'incitation à la prise de risque ont été substitués à l'État, au dirigisme administratif et à la subvention comme mode de régulation de l'économie néo-zélandaise.

Ce choix de philosophie politique se retrouve dans les deux autres grandes réformes conduites par les travaillistes.

2. La réforme des politiques agricoles

Elle constitue vraisemblablement l'illustration la plus typique de la vigueur avec laquelle la nouvelle orientation économique a été appliquée.

En effet, d'un exercice budgétaire à l'autre, la plupart des subventions à l'agriculture sont supprimées . Elles représentaient de l'ordre de 40 % des recettes brutes des exploitants, c'est-à-dire l'équivalent de leur revenu net pour beaucoup d'entre eux . Leur abrogation est annoncée en novembre 1984 avec le projet de budget 1985/1986 24( * ) . En 1985, les subventions diminuent des deux-tiers 25( * ) . En 1987, leur total correspond à peine à la moitié de ce solde. Deux ans plus tard, elles ont complètement disparu. Actuellement, le secteur agricole est contributeur net au budget public.

Ces subventions avaient pris une dimension tellement excessive et produisaient de tels effets pervers 26( * ) qu'elles étaient devenues indéfendables. Nombre d'agriculteurs eux-mêmes estimaient que des réformes étaient indispensables pour mettre en place un secteur agricole rentable et viable à terme.

Mais, les effets immédiats des mesures prises furent douloureux. Le chômage qui était pratiquement nul dans les communautés rurales y atteint en moyenne 10 %. Le cheptel ovin déclina de 70 millions de têtes à une cinquantaine de millions en quelques années (47 millions en 1997).

D'aucuns prétendent qu'en se prononçant pour l'annulation brutale des aides agricoles Roger Douglas aurait dit à ses collaborateurs : " Les agriculteurs ne votent pas pour nous ; on n'a pas à trop les ménager ". Vraie ou apocryphe, la formule fut en tout cas appliquée à la lettre : les agriculteurs néo-zélandais ne furent effectivement pas ménagés.

Pourtant, à en croire les témoignages recueillis sur place, les manifestations de protestation ne furent pas très importantes. Seul 1% des exploitations a disparu. Surtout, M. Malcom Bailey, le président de la Fédération néo-zélandaise d'exploitants agricoles, l'a affirmé à la Délégation, aucun agriculteur "Kiwi" ne voudrait aujourd'hui revenir à l'ancien système.

3. La réforme des entreprises publiques et de l'administration

Après la réorganisation du secteur agricole, le mouvement de libéralisation tend à se développer comme par contagion. Chaque réforme en appelle une autre.

Confrontés aux contraintes du marché, les fermiers et les industriels exigent des services publics plus efficaces et moins coûteux. Plus généralement, ils réclament une réduction des dépenses publiques. Elle leur apparaît le gage d'un allégement de la pression sur les taux d'intérêt et, par là même, d'une baisse du dollar néo-zélandais favorable à l'exportation de leurs produits.

Fort de ce soutien, les travaillistes vont, pour l'essentiel, consacrer leur seconde législature de gouvernement à faire évoluer les entreprises publiques puis, le processus une fois lancé, les structures administratives.

S'agissant des entreprises publiques d'État , le changement est orchestré en trois temps.

Tout d'abord (1984-1989), les monopoles publics dans les secteurs industriel et commercial sont progressivement ouverts à la concurrence 27( * ) .

Puis, à compter de 1987, les entreprises d'État sont une à une transformées en sociétés commerciales, selon la procédure dite de "corporatization".

Enfin, après avoir adapté leurs structures et leurs moyens à leur nouvel environnement concurrentiel 28( * ) , on privatise en totalité ou en partie ces entreprises.

Pour ce qui concerne les entreprises publiques locales (aéroports, ports, services publics locaux, ...), le mouvement est lancé plus tardivement. Au début des années 1990, il est demandé aux collectivités territoriales de leur donner un statut de société commerciale ("to corporatize local authority trading enterprises") . Par la suite, les autorités locales seront encouragées à vendre au secteur privé leurs participations au capital de ces sociétés.

Dans le domaine régalien , les missions traditionnelles de souveraineté (police, défense, justice...) demeurent organisées en départements ministériels. On enregistre toutefois une différence majeure au regard des approches classiques : les ministères sont soumis à une comptabilité proche de celle du secteur privé, avec un compte de résultat et l'obligation d'opérer des provisions pour risque.

Les tâches de régulation, de prestations de services et de gestion de fonds sont, quant à elles, confiées à des "entités d'État" 29( * ) (agency, national service, ...) administrativement indépendantes, dotées de ressources et d'une comptabilité propre mais liées par contrat à leur administration de tutelle. Ainsi, le " service national de l'immigration " est une unité organisée comme une entreprise au sein du ministère du travail.

Parfois, ces entités sont soumises à l'autorité de conseils d'administration semi-indépendants. Leurs effectifs permanents sont composés de fonctionnaires mais leurs dirigeants sont recrutés sur contrat à durée déterminée. Ces contrats leur attribuent la responsabilité de gestion des crédits alloués à leur unité. Surtout, ils leur fixent des objectifs de résultats, tout en leur laissant une assez large liberté quant aux moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre.

Ce mode de recrutement des responsables administratifs ayant rang de directeur ou de directeur-adjoint vaut également pour les départements ministériels, à l'exception de ceux de l'Intérieur et des Affaires étrangères. La compétence est le principal critère de sélection, la nationalité néo-zélandaise n'est même pas exigée, sauf au ministère de la Défense.

C'est ainsi que depuis 1988, les cadres administratifs supérieurs sont recrutés par petites annonces nationales ou internationales.

Les fonctionnaires d'expérience peuvent y répondre dans les mêmes conditions que les cadres du privé. Ils ne disposent d'aucune priorité d'embauche. S'ils sont retenus, ils souscrivent également un contrat d'objectifs d'une durée habituelle de cinq ans. Le renouvellement de ce contrat est exclu si les objectifs ne sont pas atteints. A titre d'exemple, le Directeur-adjoint du Trésor que la Délégation a rencontré est d'origine japonaise, a fait ses études aux États-Unis et s'est installé en Nouvelle-Zélande à la suite de l'obtention de son poste.

D'une manière générale, les relations tant de l'administration néo-zélandaise avec le pouvoir politique que des fonctionnaires avec leur autorité de tutelle ne sont plus guère soumises aux principes de soumission hiérarchique traditionnels. Elles ressemblent désormais davantage à des relations entre clients et fournisseurs.

Parallèlement à ces mutations organisationnelles, le périmètre de l'administration a rétréci
. Des activités n'ayant plus lieu d'être, telles la tutelle des entreprises publiques privatisées ou la délivrance de licences d'importation, ont été supprimées. D'autres, comme les tâches d'étude, ont été confiées à des cabinets d'experts indépendants 30( * ) .

Pour expliquer des changements aussi radicaux dans un pays où les traditions étatiques ont longtemps été très fortes, un des interlocuteurs rencontrés par la Délégation précisait : "Pendant toute une part de notre histoire, nous nous sommes tournés vers l'État pour résoudre nos problèmes. Longtemps l'État a su répondre aux attentes en assurant la croissance. Puis, il a commencé à rafistoler les grands équilibres à coup de dépenses publiques de plus en plus coûteuses. Nous nous sommes petit à petit aperçus que nous étouffions sous le poids des dépenses publiques. Nous avons alors compris que c'était l'État le principal problème que nous avions à résoudre. Depuis, nous nous y sommes employés".

Pourtant, en 1990, les médications travaillistes n'ont pas permis de résorber le déficit budgétaire. En outre, la dette publique a été presque multipliée par 1,5 depuis 1984. C'est pourquoi le parti national victorieux aux législatives de 1990 va procéder à des coupes sombres dans les dépenses collectives.

II. UNE LIBÉRALISATION POURSUIVIE ET APPROFONDIE PAR LE PARTI NATIONAL

Plus tardif et porté par l'élan acquis, l'apport du parti national à la mutation économique néo-zélandaise n'en est pas moins considérable. Poursuivant la transformation du secteur public, c'est lui qui rétablit les comptes, notamment par une modification en profondeur des prestations de l'État providence. C'est également lui qui mène à bien la réforme du marché du travail. Deux réformes que la raison électorale rendait difficile au parti travailliste.

A. LA RÉFORME DE LA PROTECTION SOCIALE ET DE L'ÉDUCATION

1. La maîtrise des dépenses sociales

Sous l'impact de l'abaissement à 60 ans de l'âge permettant de bénéficier d'une pension de retraite à taux favorable, décidé en 1972 par les travaillistes, les dépenses sociales supportées par le budget de l'État 31( * ) avaient quasiment doublé dans les dix ans précédant le début de la révolution libérale. D'un peu moins de 6 % du PIB en 1971/1972 elles étaient passées à près de 12 % en 1983/1984.

Les six premières années du temps des réformes avaient entraîné peu de changement en ce domaine. En 1990/1991, ces dépenses atteignaient 14 % du PIB.

Pour freiner cette "dérive", le gouvernement "national" modifie, à la fois, le régime des retraites, les règles générales de versement et le montant de la plupart des prestations, les modes de gestion du logement social, ainsi que le système de santé.

Il reporte de 60 à 65 ans l'âge à partir duquel peut être perçu une pension de retraite à taux plein , en étalant les effets de cette mesure sur dix ans (1991-2001) 32( * ) .

Simultanément, est supprimé le versement sans condition de ressources des allocations familiales aux parents d'un enfant et plus. La plupart des autres prestations sociales, en particulier celles attribuées aux chômeurs, se trouvent minorées de 10 % en moyenne, dans le double but de limiter les dépenses et d'inciter à la recherche d'un emploi.

Parallèlement, une part du coût de certaines prestations médicales financées par l'État est mis à la charge de leurs bénéficiaires, sauf s'ils disposent d'un faible niveau de revenu. Dans le même temps, on transfère au secteur privé la gestion du parc de logements sociaux détenus par l'État.

Enfin, après un débat né autour d'un "livre blanc" gouvernemental publié en 1991 et après avoir infléchi leurs projets initiaux, les pouvoirs publics remodèlent sensiblement l'organisation du système de santé.

Un modèle déconcentré, contractuel et entrepreneurial, où sont dissociés les autorités de financement, la gestion des moyens de fonctionnement et les organes prestataires est substitué à l'ancien modèle administratif centralisé. Celui-ci reposait sur des "Boards" régionaux de santé qui étaient dirigés par des représentants des professionnels élus localement et des fonctionnaires d'État.

Les hôpitaux sont transformés en "entreprises de santé". Les fonds de financement ne transitent plus par les autorités régionales mais sont gérés par des représentants de l'État. Ces derniers passent des contrats d'achat de services médicaux soit aux hôpitaux publics, soit aux prestataires du secteur privé.

Ce nouveau dispositif incite les hôpitaux publics à adopter une discipline de nature commerciale et une grande rigueur de gestion, car les organes de financement peuvent désormais choisir d'affecter leurs dotations aux cliniques privées s'ils les estiment plus compétitives.

Les contrats doivent toutefois être conformes aux accords d'achat, respectant les priorités de la politique nationale de santé, qu'établissent ensemble le gouvernement et les autorités régionales.

Une commission consultative nationale composée d'experts assiste le gouvernement dans la détermination des prestations médicales qui sont assurées sur fonds publics à tous les citoyens et de celles, considérées comme ne relevant pas du système national de santé, dont le financement est laissé à la responsabilité de chacun mais peut être couvert par des assurances privées.

2. La poursuite de la réforme de l'éducation

Traditionnellement, en Nouvelle-Zélande, le système scolaire reposait sur une administration centrale, le "Department of Education", à travers un réseau de comités éducatifs locaux qui contrôlaient les établissements d'enseignement. La carte scolaire ayant un caractère contraignant, les élèves étaient obligatoirement inscrits dans l'école de leur lieu de résidence. Les parents n'étaient d'aucune façon associés au fonctionnement des établissements.

La réforme du système commence à la fin des années 1980. La carte scolaire disparaît. Les dotations publiques versées à chaque école sont calculées per capita en fonction du nombre d'élèves qui les choisissent. Un conseil élu de parents d'élèves assume la gestion de l'établissement mais, en raison de l'opposition résolue des syndicats d'enseignants, n'a pas autorité sur les personnels qui continuent à dépendre de l'administration centrale.

Néanmoins, en 1990, après le changement de majorité, la loi ouvre la possibilité que de nouvelles écoles soient ouvertes par des groupes de parents. En outre, quoique les fonds d'État soient prioritairement alloués aux établissements publics, les écoles privées sont habilitées à bénéficier de soutiens publics.

Surtout, en 1992, les universités d'État voient leur autonomie renforcée -à Wellington on utilise l'expression "quasi-corporatization" 33( * ) - et elles se trouvent de facto incitées à se concurrencer. Dans le droit fil de cette orientation, les droits d'inscription et les frais de scolarité acquittés par les étudiants sont significativement relevés.

B. LA RÉFORME DU DROIT DU TRAVAIL

L' "Employment Contracts Act" voté en 1991 rompt deux principes qui avaient été respectés par les gouvernements travaillistes des années 1980. Il brise l'obligation pour les salariés d'appartenir à un syndicat pour obtenir un emploi dans certains secteurs. Il supprime l'obligation pour les employeurs de négocier les contrats de travail dans un cadre collectif (entreprise, branche, industrie).

Sous l'empire de cette législation, chaque employé peut choisir de souscrire un contrat de travail individuel ou d'être lié par une convention collective. Chaque employeur peut choisir de négocier soit un contrat de travail individuel avec chacun de ses salariés, soit une convention collective. C'est aux parties elles-mêmes de déterminer le type de contrat qui régira leurs relations. Tout contrat imposant aux deux parties le recours à un intermédiaire (syndicat, avocat...) est illégal mais chaque partie peut, si elle le souhaite, désigner un mandataire pour la représenter.

Par ailleurs, les grèves sont interdites dans un cadre plus large que celui de l'entreprise. Cette règle vaut également pour les fonctionnaires. Une infirmière peut se mettre en grève dans son hôpital pour soutenir une revendication concernant cet hôpital, mais il lui est interdit de faire grève par solidarité avec ses collègues d'un autre hôpital ou pour appuyer une demande englobant plusieurs hôpitaux ou l'ensemble du système de santé.

Dans les quatre ans suivant l'intervention du texte, le nombre de jours de grève est divisé par 10 ; celui des syndiqués chute de 50 % ; le pourcentage des salariés adhérents à un syndicat s'effondre à 22 % 34( * ) .

Mais, au cours de la même période, les créations d'emplois s'accroissent de 10 %.

Il faut toutefois noter que les syndicats néo-zélandais ont déféré la loi devant le Bureau international du travail. Selon les dires de ceux de leurs représentants rencontrés sur place, ce dernier l'estimerait contraire à ses normes.

CHAPITRE III
UN LIBÉRALISME SANS CONCESSION

Les réformes qui ont changé en dix ans le visage de la Nouvelle-Zélande ne se réduisent pas à celles qui viennent d'être exposées.

D'autres les ont accompagnées. Le droit de la propriété intellectuelle, celui de l'urbanisme, de l'environnement, de l'aménagement du territoire pour ne citer qu'eux ont été substantiellement révisés. Les juridictions ont été restructurées. Des concessionnaires privés gèrent les prisons. On a profondément remanié -nous l'avons vu- le mode de scrutin des élections nationales. Même les rythmes de la vie quotidienne n'ont pas échappé au mouvement : toutes les restrictions horaires à la liberté d'ouverture des commerces sont levées depuis 1989 35( * ) .

Mais, d'une part, toutes ces réformes ont un point commun : une fidélité sans concession au modèle libéral d'organisation sociale, source de leur inspiration et objectif de leur réalisation. Au pays du "long nuage blanc ", le principe de la régulation par le marché a emporté l'adhésion. Il a séduit indifféremment la droite et la gauche.

D'autre part, il est incontestable que ce sont les réformes économiques qui ont entraîné l'ensemble des changements. A l'heure où se construit l'Europe monétaire, il y a là une leçon à méditer.

La réputation de "laboratoire du libéralisme" acquise par la Nouvelle-Zélande n'est donc pas usurpée . Nulle autre nation développée n'a mis en oeuvre en un si bref laps de temps, une panoplie aussi étendue de mesures de libéralisation économique.

Apprécier les fruits de ces mesures présente, par voie de conséquence, un réel intérêt. Cet examen fait ressortir des résultats remarquables ; il révèle parallèlement des ombres liées en bonne part à la situation du pays. Certaines d'entre elles constitueront l'enjeu de la prochaine échéance électorale.

I. DES RÉSULTATS REMARQUABLES

A. LE REDRESSEMENT DE L'ÉCONOMIE

1. Croissance accrue et chômage réduit

Si le changement de cap économique a, selon toute évidence, arraché la Nouvelle-Zélande au tourbillon fatal dans lequel elle était aspirée, il ne l'a pas pour autant conduite sur un chemin facile. De 1987 à 1991, elle traverse cinq longues années de stagnation. Elle connaît même la récession (-1,2 %) en 1991, le chômage dépassant 10 %.

Les effets des réformes ne se perçoivent vraiment qu'à partir de cette date mais ils sont alors particulièrement démonstratifs. Les résultats du pays le classent depuis lors parmi les meilleurs de l'OCDE.

Même si elle marqué le pas en 1997 et si elle risque d'être ébranlée par la crise asiatique, la croissance annuelle moyenne du PIB, au cours des cinq dernières années, a été supérieure à 3,5 %.

Le chômage oscille autour de la barre des 6 %.
C'est le plus bas taux de chômage de l'OCDE après celui du Japon, des Etats-Unis et de l'Australie. Il est d'autant plus remarquable que la population active s'est accrue de 17 % depuis 1991.

L'inflation s'est toujours maintenue au-dessous de 4%. L'investissement industriel a progressé de 60 %. La cote de solvabilité de la Nouvelle-Zélande est désormais supérieure à celle de l'Australie (AA+). Le sommet de la croissance a été atteint au mois de juin 1994, avec un taux de 6,4 % sur douze mois.

2. Excédents budgétaires se substituant au déficit

Les déficits du budget "gouvernemental" appartiennent désormais à l'histoire ancienne. Depuis 1993, l'État dégage un surplus budgétaire qui, sur les quatre derniers exercices, a toujours été supérieur à 3 % du PIB.

La loi de responsabilité fiscale de 1994 (Fiscal Responsability Act) impose d'ailleurs le respect de ce seuil d'excédent tant que la dette publique représentera plus de 20 % du PIB 36( * ) .

Aujourd'hui, le service de cette dette ne mobilise plus que 7 % des recettes contre jusqu'à 15 % dans le passé. En outre, le gouvernement a complètement éliminé en 1997 la partie de sa dette libellée en devises. Il a ainsi réduit très fortement le risque que représenterait une nouvelle crise des changes.

3. L'élan retrouvé

Vingt-cinq ans après la perte de leur accès privilégié au marché britannique, les exportations néo-zélandaises sont à nouveau florissantes.

Elles ont connu une hausse de 30 % en volume depuis 1991. Quoiqu'elles soient encore axées pour moitié sur des produits de base, elles se sont beaucoup diversifiées dans leurs structures et dans leurs destinations. Le taux de croissance des exportations de produits transformés se maintient autour de 10 % ces dernières années ; les marchés asiatiques représentent aujourd'hui 40 % des exportations totales.

Le tourisme représente désormais la moitié des exportations de services, ce qui suscite d'ailleurs quelques inquiétudes sur place car, là encore, la clientèle asiatique (500.000 touristes par an) risque d'être affectée par la crise qui secoue la région.

La Nouvelle-Zélande n'attire d'ailleurs pas les asiatiques que dans ses hôtels et ses parcs naturels. Il y a 20.000 étudiants originaires des divers pays d'Asie dans ses universités 37( * ) , soit 20 % de la population étudiante dans une ville comme Auckland.

Cependant, la vitalité de l'économie ne se constate pas qu'au travers des indicateurs. Elle se perçoit aussi dans la transformation des esprits.

Le nombre des entreprises individuelles a explosé. Aujourd'hui, 85 % des entreprises emploient moins de 10 salariés. La mentalité de pionnier qui marque la culture nationale semble s'être réveillée. Selon un sondage, seulement 11 % des moins de 35 ans estiment normal que les chômeurs bénéficient d'une allocation.

Symbole de ce renouveau, ceux qui ont gagné -pour la première fois depuis sa création- "l'America Cup" lors de la dernière compétition investissent un milliard de francs dans l'aménagement du port d'Auckland pour accueillir la prochaine épreuve. Celle-ci se déroulera en l'an 2000, la même année que les Jeux Olympiques de Sydney.

B. LE RENOUVEAU DE L'AGRICULTURE ET DE L'ESPACE RURAL

1. La restructuration de la production

Durement secouée par la réforme -cela a été signalé précédemment- mais forte de ses grands atouts naturels, l'agriculture néo-zélandaise s'est modernisée et diversifiée. Elle est redevenue sans aucun soutien public le fer de lance de l'économie nationale sur le marché mondial. De l'avis de la quasi totalité des observateurs, elle sort régénérée de l'épreuve. A tel point que les agriculteurs eux-mêmes considèrent aujourd'hui que 1984 a constitué pour eux un choc salutaire 38( * ) .

La structure de la production agricole a évolué. On constate un net abandon des activités d'agriculture pastorale traditionnelle, à qui était destiné l'essentiel des soutiens.

Entre 1985 et 1995, la production ovine -premier bénéficiaire des aides- a diminué de près de 40 %, tandis que la production laitière et bovine progressait.

Parallèlement, l'éventail des activités d'élevage s'est élargi. Autruches, caprins et cervidés -dont la chair et les bois réduits en poudre bénéficient d'un marché porteur en Asie- côtoient maintenant, bien qu'en plus petit nombre, moutons et vaches dans les campagnes.

Ayant connu un fort développement, la production de fruits et légumes, longtemps limitée, représente désormais 14 % de la production totale en valeur et s'exporte remarquablement bien, notamment vers le Japon.

La viticulture est également en plein essor et les atouts vinicoles de la Nouvelle-Zélande commencent à y attirer les entreprises françaises. Veuve Cliquot et Deutz ont passé des accords avec Montana, la plus grande maison de négoce vinicole du pays. Notons d'ailleurs que Montana vend à l'étranger la plus grande part tant de ses productions que de ses achats de vin néo-zélandais.

Sur les terres où l'élevage a été abandonné, parce qu'il n'y était plus rentable en l'absence de subventions, poussent aujourd'hui des forêts. Cette sylviculture qui a sensiblement modifié les paysages ruraux, présente l'originalité d'être fondée sur une seule essence, le pin radiata, à la croissance rapide puisqu'il arrive à maturité en dix ans. Utilisé pour la construction, il s'exporte également en grosses quantités vers le Japon et la Corée du Sud qui manquent de bois. Dans les ports de commerce de Wellington ou d'Auckland, les amoncellements de grumes frappent d'ailleurs le regard.

L'exportation de ces nouveaux produits tout comme celle de ceux plus traditionnels (laine, produits laitiers, viande de boeuf et de mouton) reste une priorité. Sur ce plan, l'agriculture néo-zélandaise enregistre, au travers des Boards 39( * ) , des succès impressionnants dont le Dairy Board constitue une brillante illustration.

LE DAIRY BOARD

Créé dès 1871, c'est une coopérative de 14.000 fermiers. Avant la seconde guerre mondiale, c'était un organisme d'État. Désormais, elle fonctionne sans subventions mais détient par décision parlementaire le monopole de la transformation et de l'exportation des produits laitiers.

La production néo-zélandaise de lait ne représente que 1,5 % de la production mondiale mais 25 % de la commercialisation mondiale de produits laitiers (47 % pour l'Union européenne, 10 % pour l'Australie, 8 % pour les États-Unis). Cette production se monte à 7 millions de tonnes de lait, dont 90 % est exportée dans 120 pays. Elle se répartit entre :

beurre 250.000 T,

fromage 120.000 T,

poudre de lait 430.000 T.

Le Dairy Board compte :

6.500 salariés dont 1.500 néo-zélandais,

60 antennes commerciales à l'étranger.

La croissance de ses exportations est actuellement de 15 % l'an. Elle pourrait toutefois être remise en cause par la crise asiatique.

2. La diversification des régions rurales

Les années consécutives à la réforme se caractérisent aussi par une diversification croissante des sources de revenu des ménages agricoles. Ces derniers ont beaucoup élargi leur gamme d'activités. Certaines consistent à valoriser la production agricole (transformation des denrées brutes, services à l'agriculture, tourisme rural, ...) ; d'autres n'y sont pas liées (industrie de transformation légère, art souvent d'inspiration maorie et artisanat, ...). L'évolution la plus frappante concerne l'importance croissante des activités non traditionnelles au sein des communautés rurales.

Sept ans après la réforme, 60 % des personnes vivant en zone rurale exerçaient une activité non agricole. Dans de nombreux cas, les pertes d'emplois agricoles ont été compensées par une augmentation des effectifs dans les services à la collectivité, les services sociaux, les services financiers et aux entreprises, le commerce de gros, de détail, l'hôtellerie.

Un secteur en particulier constitue un puissant levier de diversification de l'économie rurale : le tourisme vert. Près de 10 % des agriculteurs exercent une activité de tourisme rural. Répondant à une demande croissante de redécouverte de la nature, le tourisme rural tend à jouer un rôle central dans la diversification des zones rurales.

Comme le faisait remarquer à la Délégation un Français installé en Nouvelle-Zélande : " Il y a une vie après la mort des subventions ; les agriculteurs néo-zélandais l'ont démontré ".

C. LA MUE DU SECTEUR PUBLIC

1. Des établissements "démonopolisés".

Au fil des ans, 24 entreprises publiques d'État ont été privatisées en totalité ou en partie 40( * ) . Seule la Poste demeure une société détenue à 100 % par l'État. Quelques unes intervenant dans des secteurs considérés comme stratégiques sont encore à majorité publique. La plupart sont désormais passés sous contrôle privé, même si parfois l'État y conserve encore une participation minoritaire.

A quelques exceptions près, il n'existe plus de monopoles nationaux. Ceux existant peuvent être soit publics, soit privés mais n'ont le plus souvent qu'une assise régionale ou locale et un champ d'action limité. Tel est le cas dans le domaine de l'énergie. Les fonctions de production, de transport et de distribution y sont séparées et les sociétés intervenant sur ces segments ont, la plupart du temps, un monopole territorial accordé dans le cadre d'un contrat de fourniture ou de concession souscrit avec l'État ou une autorité locale.

Ces transformations ont eu un effet saisissant sur la profitabilité des entreprises d'État. En 1995, le rapport présenté par le Gouvernement sur la situation financière de seize d'entre elles souligne, d'une part, que toutes sauf trois font des profits alors qu'elles étaient généralement déficitaires en 1987 et, d'autre part, que le bénéfice dégagé par les treize excédentaires représente quelque 8 % du chiffre d'affaires de l'ensemble.

Ces résultats traduisent un changement radical dans la gestion de ces entreprises. En dix ans, les effectifs de la New-Zealand Railways -la SNCF locale- sont passés de 22.000 à 4.500 salariés.

Ceux de la Poste -dont on a retranché les services bancaires- se sont contractés de 40 % et un bureau postal sur trois a fermé pendant la même période. Cependant, avec un timbre à 1,40 F, la poste néo-zélandaise affiche des bénéfices continus depuis sa transformation en société anonyme à capital d'État (en 1997, le bénéfice d'exploitation représente 10,5 % du chiffre d'affaires). En outre, 95 % des lettres ordinaires sont distribuées le lendemain de leur dépôt à l'intérieur de la même zone urbaine.

Pour les entreprises publiques locales, le mouvement semble moins ample. La quasi totalité a désormais un statut de société commerciale mais la privatisation apparaît moins prononcée. Ainsi, seuls 20 % du capital de Lyttelton -le port de Christchurch- sont côtés à la bourse de Wellington.

En revanche, la concession des services publics locaux au secteur privé est désormais, à en croire les témoignages recueillis sur place, le mode de gestion dominant. Toutefois, les graves défaillances du réseau d'alimentation électrique d'Auckland -la capitale économique du pays- ont suscité, sur place, des interrogations sur la fiabilité de ce régime concessionnaire.

La presse a en effet mis en cause la responsabilité de la société Mercury, à laquelle est déléguée la gestion de la distribution électrique à Auckland, dans la survenance des pannes qui ont affecté la cité au mois de février dernier. De fait, ces pannes causées par la rupture de gros câbles d'approvisionnement, ont plongé une grande partie de la ville dans le noir lors du séjour qu'y a fait la Délégation et ont ensuite perturbé la vie des affaires et celles des habitants pendant plus de trois semaines.

2. Une administration allégée

La suppression des services administratifs devenus inutiles du fait de la libéralisation, l'appel au marché pour certaines prestations (études par exemple) et l'émergence de structures de gestion rigoureuse ont produit des effets sensibles. En dix ans, de 1987 à 1997, les effectifs de la fonction publique ont baissé de 45 %.

Les résultats de ces politiques présentent parfois un caractère spectaculaire. L'administration du ministère des Transports qui comptait 5.000 membres en 1986 n'en employait plus que 50 en 1995. Une réduction de 100 à 1 ! Ses anciennes fonctions de régulation, d'allocation de fonds ou de gestion de projets ont toutes été confiées à divers organismes spécialisés, sous contrat avec le ministre des Transports.

Au total, la société néo-zélandaise d'aujourd'hui ne ressemble plus guère à celle d'il y a quinze ans. Longtemps à l'abri du monde extérieur, vivant dans l'ombre d'un Etat tutélaire, elle affronte désormais le grand vent de la concurrence.

Toutefois, ses succès -croissance, emploi, performances commerciales, dynamisme créatif- ne doivent pas dissimuler certaines ombres.

II. DES OMBRES À CARACTÈRE STRUCTUREL

A. LE POIDS DU CAPITAL ÉTRANGER

En Nouvelle-Zélande, les plus importantes des entreprises publiques privatisées sont détenues par des étrangers. Peter Harris, conseiller économique de la confédération des syndicats, résume la situation d'une formule lapidaire : "Nous avons vendu les banques aux Australiens, la compagnie d'assurance aux Britanniques, les chemins de fer et les télécommunications 41( * ) aux Américains, les forêts aux Japonais, les compagnies aériennes aux Australiens et aux Britanniques".

Par ailleurs, les capitaux internationaux, notamment asiatiques, s'investissent massivement dans l'immobilier et dans certains programmes de développement d'infrastructures (extensions portuaires ou aéroportuaires par exemple).

Cette forme de dépendance ne semble pas inquiéter les autorités nationales. Interrogée à ce sujet par la Délégation, Mme Shipley, Premier ministre, a rappelé que la Nouvelle-Zélande avait toujours eu besoin du capital étranger pour s'équiper et que "l'important pour le pays n'est pas tellement d'où vient l'argent mais bien que les infrastructures, les emplois, les activités qu'il permet de financer soient domiciliés sur son sol".

Il n'en demeure pas moins que l'épargne nationale est faible et les analystes économiques expliquent mal les raisons de cette faiblesse. Pour le gouverneur de la banque d'émission, elle semble découler d'une préférence pour l'investissement immobilier dont les rendements ne sont pas nécessairement les plus attractifs. Pour le FMI, la prise en charge par l'État d'un grand nombre de prestations (retraite, chômage, éducation) inciterait peu à épargner.

Quoiqu'il en soit, la solution préconisée par l'actuelle coalition gouvernementale "Parti National/New-Zealand First" afin de développer l'épargne des ménages, à savoir l'obligation de la retraite par capitalisation , a été rejetée sans appel par la population. Au référendum qui l'a proposée, le "non" l'a emporté avec 92,7 % des voix.

B. LE DÉFICIT DE LA BALANCE DES PAIEMENTS COURANTS

Même si elle s'est très sensiblement rétablie de 1984 à 1988, la balance des paiements courants n'a pas cessé d'être déficitaire depuis vingt ans. En 1997, son déséquilibre représentait 6,5 % du PIB.

Hier, le coût du remboursement de la dette étrangère, aujourd'hui le rapatriement des dividendes des propriétaires étrangers des anciennes entreprises publiques expliquent sans doute cette détérioration.

Dans le contexte d'une politique monétaire très stricte, cette situation fait peser de lourdes contraintes sur le pays. Les taux d'intérêts domestiques sont élevés et le cours du dollar néo-zélandais surévalué. Il convient en effet de conserver la confiance de l'épargne internationale

Dès lors, en raison du niveau élevé des taux d'intérêt, les jeunes ménages s'endettent lourdement pour se loger tandis que, du fait de l'avantage de change, les retraités préfèrent souvent vendre leur patrimoine pour aller rejoindre le soleil australien avec un pouvoir d'achat amélioré.

Cette situation constitue un handicap de compétitivité pour les exportateurs. Elle amène enfin les entreprises installées sur place à envisager des délocalisations en Chine ou en Asie du Sud-Est.

Si ces phénomènes devaient s'amplifier, la Nouvelle-Zélande pourrait y épuiser ses forces.

III. L'ENJEU DU SCRUTIN DE 1999

A. UN LARGE CONSENSUS SUR UNE SCÈNE POLITIQUE REMODELÉE

L'introduction de la proportionnelle dans le mode de scrutin des élections législatives a entraîné, en 1996, un éclatement de la bipolarisation partisane traditionnelle. Actuellement, cinq partis sont représentés au Parlement 42( * ) sans qu'aucun ne détienne la majorité à lui seul.

Occupant une position clef dans l'actuelle majorité, "New Zealand First" avait d'abord envisagé une alliance avec les travaillistes avant de choisir en définitive, après deux mois de tractations, de soutenir un gouvernement de coalition avec le parti national. En dépit du revers électoral essuyé par sa formation, M. Jim Bolger qui dirigeait le parti national a ainsi pu constituer, en décembre 1996, un gouvernement dont M. Winston Peters, leader du "New Zealand First", devenait Vice-Premier ministre et ministre de l'économie. Ce dernier, métis maori réputé pour son "populisme", est alors devenu l'arbitre inconstant de la majorité gouvernementale.

L'instabilité qui en a découlé, l'érosion rapide de la crédibilité de "New Zealand First" dans l'opinion 43( * ) et l'échec retentissant du référendum sur les fonds de pension voulu et imposé par M. Peters explique l'éviction de M. Bolger à la fin de l'an dernier, alors même qu'il se trouvait en voyage en Europe. Son remplacement par Mme Jenny Shipley donne une nouvelle "figure de proue" au parti national pour les prochaines législatives qui auront lieu l'an prochain. Il n'efface pas pour autant la relative fragilité électorale de la coalition gouvernementale.

Cependant, un éventuel retour aux affaires des travaillistes n'apparaît pas de nature à remettre en cause les acquis de la libéralisation. Celle-ci semble en effet irréversible.

Les dirigeants travaillistes rencontrés par la Délégation à Wellington n'ont pas laissé planer d'équivoque sur ce sujet. "Si nous remportons les élections, nous ne reviendrons pas à une économie plus contrôlée ; nous poursuivrons la réalisation d'un marché libre mais à un rythme moins rapide que celui suivi antérieurement".

L'essentiel des différences paraît en définitive davantage porter sur la cadence de développement des politiques économiques déjà engagées que sur leurs objectifs ou leur contenu. Par exemple, pour les travaillistes, la déréglementation des grands boards et des professions libérales peut attendre.

Le degré d'égalité de la société constitue l'autre ligne de partage. Ainsi, la santé et l'éducation se révèlent devoir occuper une place centrale dans les débats électoraux de demain.

B. ... MAIS DES POLITIQUES DE SANTÉ ET D'ÉDUCATION EN DÉBAT

Peuple profondément égalitaire, les Néo-zélandais ne voient pas sans s'émouvoir se creuser certaines inégalités. A 6 %, leur taux de chômage compte parmi les plus faibles de l'OCDE mais il atteint 20 % quand on considère la seule population maorie. Il ressort en outre des études sur le revenu disponible réel des ménages que si celui-ci s'est amélioré entre 1984 et 1994 pour les catégories sociales les plus aisées, il a diminué pour les moins favorisées.

Dans ce contexte, le transfert d'une part de plus en plus grande du coût des études universitaires sur les étudiants est mal ressentie car ces derniers doivent fréquemment emprunter pour les financer. Or, le remboursement de leurs dettes après l'obtention de leurs diplômes obère leur capacité d'emprunt au moment de leur entrée dans la vie active. Il leur interdit par exemple -ce qui apparaît une forte aspiration chez les Néo-zélandais- l'achat à crédit d'une résidence principale.

Parallèlement, la nouvelle organisation scolaire tend à favoriser les écoles des quartiers où vivent les classes sociales les mieux éduquées au détriment des autres. Les tâches de gestion étant confiées aux conseils de parents d'élèves, les compétences de ces derniers deviennent un facteur discriminant. Beaucoup font observer, à juste titre, qu'un expert comptable déploie a priori plus d'efficacité dans la préparation du budget d'un établissement qu'un conducteur de train. Ainsi, dans les quartiers populaires, les écoles de proximité souffrent d'un handicap qualitatif.

C'est pourquoi, la population apparaît aujourd'hui très peu réceptive aux idées avancées par certains de donner à chaque contribuable, sous forme de bons, des crédits budgétaires qu'ils seraient libres d'attribuer aux écoles de leur choix. Elle semblerait davantage pencher, à en croire les témoignages recueillis sur place, vers une inflexion visant à égaliser les libertés de choix géographique.

De même, les limitations apportées à la couverture sociale du risque "maladie" 44( * ) suscitent des contestations. Les frais de médicaments et de médecine ambulatoire relèvent en effet de plus en plus largement de la responsabilité individuelle. Or, les assurances privées étant chères, une part non négligeable de la population n'en souscrit pas.

Cette situation, combinée à la logique entrepreneuriale du système hospitalier, aboutit à des conséquences peu satisfaisantes au plan éthique. Ainsi, à en croire plusieurs témoignages convergents, une personne âgée dont l'état de santé dégradée nécessiterait une lourde intervention chirurgicale (cardiaque par exemple) mais qui ne dispose pas d'une bonne assurance personnelle n'est pas accueillie immédiatement dans un hôpital. Elle est inscrite sur une liste d'attente et opérée en fonction de ses disponibilités, les personnes plus jeunes dans la même situation ou celles de même âge mais bénéficiant d'une assurance étant traitées avant elle.

Signe de la mauvaise perception par l'opinion de certains effets de la politique de libéralisation, le gouvernement de Mme Shippley a annoncé, en début d'année une hausse des dépenses de santé et d'éducation dans le budget 1998/1999.

Une pause dans le libéralisme s'annonce-t-elle au pays des "All blacks" 45( * ) ? Il est trop tôt pour l'affirmer. La réponse sera connue l'an prochain à l'issue des élections législatives.

CONCLUSION

Par sa détermination, sa rapidité et sa vigueur, la libéralisation de l'économie néo-zélandaise n'est pas sans rappeler celles menées, depuis 1990, dans plusieurs pays d'Europe de l'Est (Pologne notamment), pour échapper au piège de l'économie planifiée.

Hormis le fait que la première ait précédé les secondes de plus de cinq ans, les deux démarches ne sont toutefois pas assimilables. En Europe de l'Est, les lois du marché étaient méconnues ; en Nouvelle-Zélande, elles n'étaient que faussées par un interventionnisme étatique débridé. Dans les deux îles jumelles du Pacifique, le régime de la propriété privée était clairement établi ; dans les anciennes démocraties populaires il n'était qu'embryonnaire. Dans un cas, des instances de régulation indépendantes du pouvoir politique (justice, presse, ...) fonctionnaient normalement ; dans l'autre il a fallu les fonder.

L'expérience néo-zélandaise relève en réalité du cadre de développement retenu par l'Occident au lendemain de la seconde guerre mondiale, à savoir celui d'une économie de marché orientée par un Etat keynésien. Cette expérience n'en apparaît pas pour autant aisément "exportable" dans d'autres pays occidentaux . Ses modalités, son rythme, sa conduite politique et ses indéniables succès s'expliquent en effet pour partie par des caractéristiques nationales et des circonstances particulières dont la combinaison se retrouve rarement ailleurs.

Ainsi en est-il de l'esprit pionnier qui modèle encore très fortement la culture nationale. A preuve, alors que les hivers sont rudes dans l'île du Nord et dans l'île du Sud, l'immense majorité des "Kiwis" ne font pas installer de chauffage central dans leur maison. Une cheminée dans la pièce principale leur suffit la plupart du temps. C'est, selon les observateurs avertis, cet "individualisme entreprenant et courageux" fait de résistance à l'adversité, de dureté envers soi et de proximité avec la nature qui permet, par exemple, de comprendre l'acceptation par les fermiers de la suppression brutale des subventions agricoles. A plusieurs reprises, la Délégation l'a entendu répéter : ces derniers ont avant tout ressenti cette décision comme une "calamité naturelle" à laquelle il leur appartenait de faire face en comptant sur leurs propres forces et en démontrant leur aptitude à la surmonter.

Le respect de la règle démocratique est un autre signe typique de l'esprit national. La manière dont les syndicats ont tenté de s'opposer à
l' "Employment Contracts Act" est un exemple parmi d'autres de cette attitude. Les propos tenus par l'un des dirigeants syndicaux rencontrés l'illustre parfaitement : "Nous avons, bien entendu, organisé des manifestations dans tout le pays pour protester contre le projet de loi du gouvernement soutenu par le parti national. Les gens ont été nombreux à manifester. Mais le gouvernement a maintenu son projet et la majorité parlementaire issue des élections de 1990 l'a voté. Depuis, ce texte est appliqué et nous attendons la prochaine alternance pour exiger sa remise en cause".

Au-delà de l'accord des différents partis sur la nécessité de la libéralisation et indépendamment de l'habileté politique avec laquelle cette convergence a été utilisée, le consensus national sur le caractère incontestable de la loi majoritaire a vraisemblablement constitué une des principales causes l'aboutissement des réformes.

Dans ce contexte, la brièveté du mandat parlementaire -trois ans, une des durées les plus courtes parmi les démocraties occidentales 46( * ) - a pu contribuer à la rapidité, pour ne pas dire la brutalité, avec laquelle ces mesures ont été mises en oeuvre.

Un certain nombre de facteurs conjoncturels ont également favorisé le consentement des néo-zélandais au virage libéral de 1984. La crise aigüe déclenchée par l'affaire du "Rainbow Warrior" dans la première année du gouvernement de M. David Lange a, de ce point de vue, joué un rôle non négligeable de diversion. De plus, à l'époque, l'opinion publique était bien davantage mobilisée par les débats de sociétés (défense de l'environnement, égalité Pakehas/Maori droit des femmes, lutte anti-apartheid, combat anti-nucléaire, ...) que par les questions de politique économique.

Enfin, la population était fortement consciente des dangers de l'affaissement de l'économie et de la solitude du pays qui ne pouvait plus compter que sur lui-même pour s'adapter au monde 47( * ) .

En cela, l'expérience néo-zélandaise possède une dimension exemplaire. Elle est en effet la forme nationale d'une réponse à un défi auquel sont désormais confrontés tous les pays développés : celui de la mondialisation accélérée des économies . C'est pourquoi, l'examen des solutions retenues dans cet archipel du Pacifique Sud peut nourrir la réflexion sous d'autres latitudes.

A cet égard, les décisions prises par ce pays -dont la liberté de choix est plus que d'autres limitée par la taille relativement modeste et la large ouverture sur l'extérieur de son économie- diffèrent sensiblement de celles qui sont parfois arrêtées ailleurs.

Ainsi, quittant la France au moment où l'Assemblée nationale discutait de la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail, la Délégation n'a pas manqué d'être frappée en arrivant à Wellington -où cette durée est de 40 heures- de constater qu'on examinait au Parlement un projet consistant à permettre à un salarié qui le souhaiterait de faire racheter, par son employeur, l'une de ses trois semaines de congés payés.

De telles divergences amènent à s'interroger. Qui a raison : ceux qui choisissent de travailler plus ou ceux qui préfèrent travailler moins ? A qui l'avenir donnera-t-il raison : au pays qui a déjà un taux de chômage comptant parmi les plus faibles de l'OCDE ou à celui, comme le nôtre, dont ce taux se situe parmi les plus élevés ? Qui fait fausse route : la petite Nouvelle-Zélande confrontée à la gigantesque Asie ou la France adossée à l'Europe des Quinze ?

Aujourd'hui, nul ne peut encore être sûr de la réponse. Il est en revanche certain qu'après avoir perdu son quasi monopole d'exportation agricole vers le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande a compris que ce n'était ni sur une rente de situation ni sur les dépenses de l'Etat mais sur l'effort collectif et l'initiative individuelle que pouvait se construire durablement le succès économique. La leçon mérite d'être méditée.

ANNEXE I

UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMBIGüE

1) La Nouvelle-Zélande se considère comme la plus grande des petites îles du Pacifique dont elle se veut le porte-parole.

C'est ainsi qu'elle s'efforce de jouer le rôle de médiateur dans le conflit qui oppose les rebelles de Bougainville au gouvernement de Papouasie dans lequel l'Australie est au contraire impliquée.

Cette vocation " pacifique " a expliqué longtemps sa méfiance à l'égard du " colonialisme français " en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

Toutefois, la faiblesse de ses moyens la conduit aujourd'hui - son budget militaire représente 1,2 % du P.I.B. et son armée ne compte que 10.000 professionnels - à considérer la France comme un élément de stabilité dans le Pacifique , dès lors que les conséquences du débat nucléaire et de l'affaire du " Rainbow Warrior " s'effacent.

2) La Nouvelle-Zélande reste néanmoins très attachée au principe de la " sûreté nucléaire ". Celui-ci explique :

• la violente émotion provoquée par l'affaire de Greenpeace : viol des eaux territoriales, provocation inexplicable de la part d'un pays où sont tombés en 1914-1918 et enterrés 18.000 soldats néo-zélandais dont le souvenir est pieusement entretenu ;

• le refus d'accueillir dans ses ports des navires américains, soit à propulsion nucléaire, soit porteurs d'armes nucléaires.
3) 22.000 étudiants apprennent le français, seconde langue du Pacifique. A l'occasion de la visite officielle en France de M. Jim BOLGER, Premier Ministre de Nouvelle-Zélande, les gouvernements français et néo-zélandais ont décidé la création d'un programme intitulé " Vacances-Travail/Working Holiday Scheme ", qui permettra à un contingent de cent jeunes ressortissants de chacun des deux pays d'effectuer des séjours de douze mois dans l'autre pays, au cours desquels ils pourront travailler occasionnellement.

4) Bien que l'Australie, la grande rivale, soit de très loin le premier fournisseur et le premier client de la Nouvelle-Zélande, celle-ci garde à l'égard de sa voisine un vif souci d'autonomie, renforcé par le caractère qu'elle estime exemplaire de la rénovation en cours de son économie.

Ce sentiment a été récemment renforcé par la longue grève menée par le tout-puissant syndicat des dockers australiens pour la défense de leur monopole d'embauche dans l'ensemble des ports du pays.

ANNEXE II




1 L'Australie et la Nouvelle-Zélande, tête de pont de la présence française dans la région Asie-Pacifique ? Xavier de Villepin, Jean-Luc Bécart, Didier Borotra, André Boyer, Maurice Lombard et André Rouvière ; Collection : Les rapports du Sénat (n° 290 ; 1996-1997).

2 Un "océan de fertilité" pour l'économie française ? Leçon d'une mission sur le commerce extérieur au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Maryse Berger-Lavigne ; Collection : Les rapports du Sénat (n° 27 ; 1996-1997)

3 L'île du Nord et l'île du Sud, celle-ci se trouvant prolongée à son extrémité méridionale par la petite île Stewart.

4 La Nouvelle-Zélande est l'un des maillons de la "Ceinture de feu" du Pacifique. Les petites secousses sismiques y sont fréquentes et l'importance du site géothermique de Rotorua-Tampo y témoigne de la vitalité volcanique.

5 Qui ne sont pas sans évoquer les fjords norvégiens, à la différence que ces derniers ont été creusés par les glaciers alors que les rivages néo-zélandais ont été sculptés par les volcans.

6 Du nord au sud : 1.100 mm d'eau par an à Auckland, 1.200 à Wellington, 650 à Christchurch, 800 à Dunedin.

7 Ainsi que se surnomment eux-mêmes les Néo-zélandais.

8 Source : Statistics New Zealand (30 juin 1997).

9 Auckland (plus d'un million d'habitants), Wellington (345.000), Christchurch (337.000), Hamilton (164.000).

10 Polynésiens : 5,6 % ; Chinois : 2,2 % ; Indiens : 1,2 %.

11 Le peuplement maori de la Nouvelle-Zélande s'est opéré à partir de la fin du 11e siècle.

12 3,6 cents américains le kwh fourni aux industries, contre 4,2 en Australie, 4,7 aux Etats-Unis, 9,2 en Allemagne, 17,3 au Japon.

13 18 dollars néo-zélandais pour 100 kg de lait solide contre 39 pour la France et 54 pour les Etats-Unis.

14 Du fait des atouts naturels du pays : climat tempéré, pluviométrie favorable à la pousse de l'herbe et sols fertiles.

15 Dairy Board (produits laitiers) ; Apple and Bear Marketing Board (pommes et poires) ; Kiwifruit Marketing Board (kiwis) ; Hop Marketing Board (houblon) ; Raspberry Marketing Board (frambroises).

16 Meat Producers Board (viande) ; Wool Board (laine) ; Fishing Industry Board (produits de la pêche) ; Game Industry Board (venaison) ; Horticulture Export Authority (fruits et légumes) ; Pork Industry Board (porcins).

17 Par le Traité de Waitangi signé par le représentant de la Grande-Bretagne et par la plupart des chefs maoris.

18 55 sièges sur 120 dans le cadre d'un système de double vote baptisé MMP pour "mixed member proportional".

19 Etant observé qu'un système de pension de retraite -étendu aux veuves en 1911 - avait été instauré en 1898 et que des allocations familiales étaient versées aux personnes à revenus modestes depuis 1926.

20 Le taux d'inflation était passé de 10 % en 1980 à 15 % en 1982.

21 La plupart d'entre eux avaient été formés dans des universités américaines ou dans des instances internationales, tels la Banque mondiale et l'OCDE.

22 Goods and Services Taxe.

23 Seuls quelques transactions financières et les loyers immobiliers font encore l'objet d'une taxation particulière.

24 En Nouvelle-Zélande, comme en Grande-Bretagne, l'année budgétaire ne correspond pas à l'année civile mais s'étend du mois de mars au mois de mars de l'an suivant.

25 L'effacement des bonifications d'intérêt et des allègements fiscaux ayant été étalé sur plusieurs exercices pour éviter de pénaliser les investissements récents.

26 En raison de leur montant massif, les prix des terres avaient flambé et des sols n'ayant pas de vocation agricole mais exploités en pâture se révélaient rentables du seul fait des subventions. En outre, comme elles étaient plus favorables aux ovins qu'aux bovins, elles commençaient à induire des déséquilibres préjudiciales aux intérêts du pays dans la répartition des cheptels.

27 A l'exception du courrier postal, du contrôle du trafic aérien et de la distribution de lait.

28 Et après avoir éventuellement procédé aux ajustements de périmètre destinés à conserver dans l'orbite publique, celle de leurs activités présentant le caractère d'un monopole naturel.

29 En application du "State sector Act" de 1988 qui pose le principe d'une séparation organique des trois fonctions d'orientation politique, de prestations de services et d'allocation de ressources.

30 D'ailleurs assez souvent fondés par d'anciens fonctionnaires.

31 C'est-à-dire la plus grosse part de ce qui, en France, relève des budgets sociaux.

32 La limite d'âge augmente de six mois chaque année pendant la période.

33 La "corporatisation", rappelons-le, est la transformation en société de droit privé d'une personne morale de droit public. En France, pour désigner cette opération lors de la discussion de loi faisant de France-Télécom une société anonyme, le néologisme "sociétisation" avait été utilisé.

34 Ce qui demeure néanmoins significativement supérieur au taux français.

35 Alors que sur ce plan la règlementation antérieure était sans doute l'une des plus tatillonnes du monde. Beaucoup signalent, par exemple, que fermés tous les jours fériés les pubs devaient cesser de vendre de l'alcool après... 18 heures.

36 51 % en 1991 ; 25 % en 1998.

37 dont les diplômes n'ont toutefois pas tous la réputation qui leur valait autrefois des équivalences dans les plus prestigieuses universités anglaises.

38 Notons toutefois que cette agriculture qui dispose de vastes espaces continue à ignorer ou à méconnaître les problèmes d'environnement et s'irrite des normes phytosanitaires européennes.

39 Voir présentation, chapitre I, II, B.

40 Par exemple Air New-Zealand, Bank of New-Zealand, Petroleum Corporation, Tourist Hotel Corporation, Shipping Corporation, Rural Bank, Governement Life, Forestry Corporation, Post Office Bank, Telecom Corporation...

41 A Bell Atlantic et Ameritech.

42 Le parti national (33,8 % des voix et 44 sièges sur 120) ; le parti travailliste (28,2 % et 37 sièges) ; l'Alliance (10 % et 13 sièges) ; "New Zealand First" (13,3 % et 17 sièges) ; "Act New Zealand" (6,1 % et 8 sièges)

43 D'après certains sondages du premier trimestre 1998, il ne recueillerait plus qu'1 à 2 % des intentions de vote.

44 En matière d'accidents du travail ou autres, les informations fournies à Wellington amènent à considérer que la prise en charge est intégrale.

45 La célèbre équipe nationale de rubgy.

46 Cet élément doit être apprécié en se rappelant qu'en Nouvelle-Zélande tous les pouvoirs d'Etat découlent de l'élection législative, le Parlement étant monocaméral et le chef de l'Etat désigné par la reine d'Angleterre. Tel n'est pas le cas aux Etats-Unis où les Représentants sont certes élus pour deux ans mais où les Sénateurs le sont pour six et le Président pour quatre.

47 Tout comme les pionniers fondateurs avaient d'abord dû compter sur eux-mêmes pour le construire.



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