INTRODUCTION

L'Ukraine a proclamé son indépendance en décembre 1991. Ce vaste pays, proche de la France par sa superficie (603.700 km 2 ) et sa population (52 millions d'habitants) a, depuis cette date, entrepris à la fois de bâtir un véritable État démocratique et de réformer une économie totalement déstabilisée par l'effondrement de l'empire soviétique.

L'adoption d'une Constitution en juin dernier et l'introduction en septembre d'une nouvelle monnaie constituent des étapes importantes de cette évolution. Le groupe sénatorial d'amitié France-Ukraine, créé en 1994, a estimé que le moment était particulièrement propice pour témoigner à l'Ukraine l'intérêt que lui porte le Parlement français. En avril dernier, le président de la Rada suprême d'Ukraine (le Parlement), M. Oleksander MOROZ s'était rendu en France à l'invitation du Président du Sénat, M. René MONORY ; cette visite avait déjà permis de nouer des contacts parlementaires qui méritaient d'être approfondis.

Une délégation du groupe d'amitié France-Ukraine s'est donc rendue en Ukraine du 23 au 30 septembre 1996. Cette délégation était composée de :

- M. François LESEIN, sénateur (RDSE) de l'Aisne, Président du groupe d'amitié ;

- M. André EGU, sénateur (UC) d'Ille-et-Vilaine ;

- M. Hubert DURAND-CHASTEL, sénateur (NI) représentant les Français établis hors de France ;

- M. José BALARELLO, sénateur (RI) des Alpes-Maritimes ;

- M. René RÉGNAULT, sénateur (Soc.) des Côtes d'Armor.

La délégation s'est successivement rendue à Lviv et à Kiev et a pu rencontrer de nombreuses personnalités qui lui ont permis d'avoir une vision assez complète de la situation politique et économique. La délégation a également pu constater que la présence économique française demeurait limitée malgré les atouts réels de l'Ukraine.

La délégation tient à adresser ses plus vifs remerciements à S.E . M. Dominique CHASSARD, ambassadeur de France en Ukraine et à Mme Milka STAKIC, conseiller à l'ambassade de France, pour l'aide qu'ils lui ont apportée dans la préparation et la conduite de cette mission.

La délégation remercie également M. Youri BOUZDOUGANE, Président du groupe d'amitié Ukraine-France, ainsi que Mme SKOMOROCHTCHENKO, qui ont beaucoup contribué à la réussite de ce séjour.

I. UNE SITUATION POLITIQUE STABILISÉE

La délégation s'est entretenue avec de nombreuses personnalités politiques, en particulier avec le Président de la Rada (le Parlement ukrainien), M. Oleksander MOROZ ; ces entretiens lui ont notamment permis d'évoquer l'adoption récente d'une Constitution, les relations avec la Russie et la place de l'Ukraine en Europe.

A. L'ADOPTION RÉCENTE D'UNE CONSTITUTION

En juin dernier, le Parlement ukrainien a adopté une Constitution qui devrait contribuer à renforcer l'indépendance et la stabilité de l'Ukraine. Le projet de Constitution était en préparation depuis deux ans au moins et il était important qu'il aboutisse enfin, l'absence de Constitution ne pouvant que nuire à la crédibilité de l'État ukrainien. Ainsi que l'a écrit le Président Leonid KOUTCHMA dans un récent article publié par un quotidien français : « Plus personne n'envisage désormais un démembrement de l'Ukraine ou son retour à la Russie. Le 26 juin, le Parlement a, dans le calme, adopté une nouvelle Constitution démocratique qui garantit les libertés fondamentales et un véritable et juste équilibre institutionnel » ( ( * )1) . L'Ukraine a été la dernière des anciennes républiques soviétiques à se doter d'une Constitution.

Les principaux éléments de la Constitution sont les suivants :

- la Rada suprême de l'Ukraine, qui fait l'objet des articles 75 à 101 de la Constitution, est composée de 450 députés élus pour quatre ans ; le domaine de la loi est défini dans l'article 92 de la Constitution ; la Rada peut être dissoute par le Président de la République (art. 77) ; le droit d'initiative législative appartient au Président de l'Ukraine, aux députés, au Gouvernement et à la Banque nationale d'Ukraine ;

- le Président de l'Ukraine est élu pour cinq ans au suffrage universel direct ; il ne peut pas exercer plus de deux mandats consécutifs ; il peut dissoudre la Rada ; celle-ci peut entreprendre contre lui une procédure d'empêchement en cas de haute trahison ou de crime ;

- le Premier ministre est nommé par le Président de l'Ukraine ; la Rada peut censurer le Gouvernement (art. 115) ;

- la République autonome de Crimée fait l'objet du chapitre 10 de la Constitution ; celui-ci prévoit que la République de Crimée a sa propre Constitution, qui est adoptée par le Parlement de Crimée et doit être approuvée par le Parlement ukrainien. Les actes normatifs du Parlement de Crimée et les décisions du Gouvernement de Crimée ne doivent pas entrer en contradiction avec la Constitution et les lois de l'Ukraine ;

- les articles 147 à 153 de la Constitution prévoient la mise en place d'une cour constitutionnelle, composée de 18 juges, nommés par le Président de l'Ukraine, le Parlement et le Congrès des juges d'Ukraine.

La mise en oeuvre progressive de la Constitution devrait permettre une normalisation de la vie politique ukrainienne. Depuis 1991 et la proclamation de l'indépendance, la situation des forces politiques a naturellement beaucoup évolué et l'application de la constitution ne peut que renforcer le développement d'une véritable vie démocratique.

LES FORCES POLITIQUES EN UKRAINE

« Au milieu de 1995, on comptait une cinquantaine de partis et d'associations disposant d'une organisation au niveau national qui se répartissaient entre cinq grands courants politiques et idéologiques :

1. le courant nationaliste intégral qui englobe l'Assemblée Nationale Ukrainienne (ANU), Indépendance de la Grande Ukraine (IGU), l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (ONU), le Congrès des Nationalistes ukrainiens (CNU), le Parti Républicain-Conservateur Ukrainien (PRCU), etc. ;

2. le courant national-démocratique qui regroupe le Mouvement populaire de l'Ukraine (le Roukh), le Parti démocratique d'Ukraine (PDU), le Parti Républicain Ukrainien (PRU), le Congrès des Forces Nationales Démocratiques (CFND), etc. ;

3. le courant étatique et pragmatique que l'on appelle aussi le « Parti du pouvoir » et qui rassemble des gestionnaires et des responsables politiques de tout niveau ;

4. les formations démocratiques, comme Ukraine nouvelle, le Parti du Renouveau Démocratique de l'Ukraine (PRDU), le Parti Libéral de l'Ukraine (PLU), le congrès civique, les sociaux-démocrates ;

5. le courant socialo-communiste : Parti Socialiste d'Ukraine (PSU), Parti Communiste d'Ukraine (PCU), Parti Agrarien d'Ukraine (PAU).

Le parti communiste d'Ukraine et le Roukh sont les formations les plus nombreuses et comptent des dizaines de milliers d'adhérents ; le parti démocratique d'Ukraine, Ukraine nouvelle et Indépendance de la Grande Ukraine n'arrivent pas à passer la barre des 10.000 membres ; quant au parti Républicain-Conservateur ukrainien et au parti du renouveau démocratique d'Ukraine, ils ne regroupent que deux ou trois mille membres.

Le profil politique des partis et mouvements est naturellement déterminé par leur idéologie ; le modèle d'organisation territoriale qu'ils entendent faire prévaloir (État unitaire ou État fédéral) ; les rapports avec la Russie, la C.E.I., les États-Unis et l'Europe ; l'attitude à l'égard de l'arme nucléaire (dénucléarisation de l'Ukraine) ; l'acceptation des valeurs communes à l'humanité et des normes internationales en matière de droits de l'homme et de droits des minorités nationales.

Les formations de gauche (PCU, PSU, PPU), les partis d'Ukraine orientale et de Crimée (Union civique, Parti de l'Unité slave, etc.) sont favorables à des relations plus étroites avec la Russie pouvant même aller jusqu'à des liens fédéraux ou confédéraux. En revanche, les nationaux-démocrates (Roukh, PRU, PDU), le parti libéral d'Ukraine et, naturellement, l'extrême-droite (PRCU, ANU, IGU, etc.) estiment que toute union avec la Russie est inacceptable et constitue une menace pour l'État ukrainien.

Les formations de la mouvance nationale-démocrate (à l'exception du Roukh) et de la « droite » sont favorables à un État ukrainien unitaire et toutes, Roukh compris, veulent que l'Ukraine garde son statut de puissance nucléaire. Enfin, l'Assemblée nationale ukrainienne, l'Organisation des nationalistes ukrainiens, le Parti Républicain-Conservateur et Indépendance de la Grande Ukraine défendent l'idée que la nation, l'État, sont au-dessus de tout, Indépendance pour la Grande Ukraine soutenant même que l'Ukraine ne doit appartenir qu'aux Ukrainiens de sang. »

Source : Leonid FINBERG, l'Ukraine indépendante : la difficile modernisation (1991-1995), in Ex-URSS Edition 1995, La documentation française.

* (1) Leonid KOUTCHMA. L'Ukraine est digne de l'Europe, Le Monde.

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