B. LES RÉSULTATS DE LA MISSION

En dépit d'un calendrier peu favorable qui avait inséré sa visite entre celles des présidents argentin et roumain, la délégation sénatoriale a pu, grâce aux multiples contacts au plus haut niveau, avoir confirmation des bonnes dispositions de la classe politique à l'égard de notre pays et constater que l'Arménie se relevait résolument de ses épreuves et que son marché recelait des possibilités intéressantes pour les entreprises françaises.

1. Le message de la délégation sur le génocide

Á l'issue de la très émouvante visite du mémorial au génocide et avant de déposer une gerbe, le président de la délégation a, au nom du groupe sénatorial, inscrit sur le livre les mots suivants :

« Des sénateurs français fidèles à l'histoire de leur pays, à son engagement constant en faveur des droits de l'Homme et à l'amitié multi-séculaire qui a toujours uni les peuples de France et d'Arménie, s'inclinent avec émotion et respect devant ce mémorial élevé à la mémoire des victimes de massacres qui constituèrent le premier génocide du XX ème siècle.

Au nom de la morale et de la conscience universelle, ils s'engagent à oeuvrer pour la reconnaissance de ce génocide par les autorités françaises et par la communauté internationale. »

La délégation a voulu par ses propos réitérer l'engagement du groupe sénatorial aux côtés de l'Arménie dans son combat pour que les actes de barbarie dont le peuple arménien a été la victime, soient reconnus comme un génocide 1 ( * ) sur le plan international.

2. L'accompagnement des négociations commerciales

Les contacts que la délégation a pu ménager aux entreprises françaises qui raccompagnaient, ont été non seulement le moyen de conforter un climat de confiance et d'intérêt réciproque mais aussi l'occasion de faire avancer des projets particuliers.

a) L `entretien d'un climat favorable

Les contacts avec les autorités arméniennes ont d'abord permis à ces dernières de manifester leur bienveillance vis-à-vis des entreprises étrangères en général et françaises en particulier. Ainsi, à propos des remous suscités par le rachat de la Yerevan Brandy Company 1 ( * ) sise au centre même d'Erevan, le président de la république a réaffirmé, devant les sénateurs que les investisseurs étrangers étaient les bienvenus et que le programme de réformes serait poursuivi. Il a souligné que la poursuite du processus de privatisation créait les conditions d'un développement accru des investissements étrangers.

L'entrevue avec le Premier ministre a permis aux membres de la délégation sénatoriale d'insister sur la nécessité d'une législation adaptée dans le domaine bancaire, notamment, comme condition d'un développement rapide de l'économie arménienne.

b) Le suivi de certains projets

En associant des entreprises à la mission, la délégation a aussi voulu donner soit une forme de coup de pouce à certains projets en cours de négociation, soit une publicité à des opérations particulièrement réussies .

C'est à ce dernier titre que la délégation a été visiter, en compagnie de son chef d'entreprise, les installations de la société Pigeon SA , près de Kapan. L'opération est tout à fait remarquable en ce qu'elle démontre que la coopération économique avec l'Arménie peut intéresser également les petites et moyennes entreprises.

Le cas de la société de M. Daniel Pigeon témoigne de la capacité d'une PME corrézienne à s'intégrer dans le tissu économique local arménien : les deux micros-centrales équipées, dont l'une a été construite en 1913 par des investisseurs français. Au prix d'achat de plus de 3 millions de F, il faut ajouter le prix des réparations, ce qui porte l'investissement global à près de 12 millions de francs, pour une capacité de production qui, à terme, devrait approcher, pour les deux sites, les 8 mégawatts.

Un autre cas de réussite est l'action d'une filiale du Crédit agricole, Crédit agricole consultant, auprès d'ACBA, la banque coopérative agricole d'Arménie 1 ( * ) .

Les trois grandes entreprises, dont des représentants accompagnaient la délégation sénatoriale, avaient en commun au-delà de leurs différences, de posséder un savoir faire dans la distribution de services de base aux particuliers, et, tout spécialement, la maîtrise des technologies industrielles et commerciales du comptage : Schlumberger, mais aussi Degrémont et Gaz de France.

Ainsi qu'il l'a rappelé dans la lettre que son représentant a remis à l'occasion de la mission sénatoriale au nouveau président de la république arménienne, Gaz de France s'est engagé depuis plusieurs années dans une action internationale visant dans le cadre de partenariats spécifiques, à rechercher des projets et des participations dans des sociétés où son savoir faire et ses moyens humains et financiers pourraient présenter un intérêt conjoint avec le pays ou la société d'accueil.

En fait, depuis 1988, Gaz de France coopère avec la société nationale ARMGAZPROM et a créé en 1994, une société commune ARMFRAGAZ chargée de mener des études et actions dans le domaine du transport et de la distribution du gaz naturel.. Le secteur du comptage aux particuliers est un secteur essentiel dans la mesure où le savoir faire dans ce domaine est de première importance pour la reprise de l'alimentation des particuliers en gaz naturel. La création d'une société commune entre ARMGAZPROM et la société russe RAO GAZPROM a conduit Gaz de France à proposer de participer à ce nouvel ensemble, compte tenu des liens qui l'unissent tant avec la société russe qu'avec d'autres partenaires naturels, telle la société nationale arménienne, de ARMGAZPROM.

La société Schlumberger a finalisé, à l'occasion du passage de la mission sénatoriale, un contrat pour la fourniture de 135 000 compteurs d'électricité. La société a souligné qu'elle avait pris le risque commercial de l'opération hors de toute garantie publique.

La mise en place de compteurs est une innovation essentielle pour le redressement de l'économie arménienne. Pendant l'ère soviétique, les Arméniens ont été habitués à consommer sans compteurs donc sans compter. Les pénuries des premières années de l'indépendance ont démontré la nécessité de maîtriser les consommations Il faut apprendre à compter, apprendre à payer, c'est une véritable révolution culturelle. Ceci est vrai pour tous les services de base : électricité, gaz, eau. Et dans chacun de ces domaines, la maîtrise des technologies de comptage est la condition nécessaire du financement de la rénovation urgente des réseaux.

La France peut également apporter son concours pour la rénovation du système de distribution d'eau. Telle est la raison pour laquelle la délégation sénatoriale était particulièrement satisfaite d'être accompagnée d'un représentant de la société Degrémont du groupe de la Lyonnaise des Baux.

Un programme de 30 millions de dollars a été approuvé pour la rénovation du réseau de la ville d'Erevan mais cela n'est à l'évidence pas suffisant. L'enjeu économique mais aussi de santé publique suppose que l'Arménie trouve des financements supplémentaires. Le représentant de Degrémont a trouvé le budget actuellement prévu très insuffisant : il s'agit plus, selon lui, d'un budget d'étude pour l'établissement du diagnostic de l'état du réseau qu'un budget permettant de commencer effectivement la pose de compteurs ou les opérations de rénovation. En fait, il semble que la société Degrémont soit moins intéressée par le traitement des eaux de la ville d'Erevan, alimentée par des sources d'excellente qualité, que par la satisfaction des besoins des villes de l'intérieur, qui n'est pas encore à l'ordre du jour faute de financements. En revanche, en ce qui concerne le programme d'assistance technique et de gestion déléguée qui doit faire l'objet d'un appel d'offres international, la Lyonnaise des eaux fera une première mission de reconnaissance afin de se préparer à y répondre par l'intermédiaire de sa filiale spécialisée Lysa.

* 1 Le crime de "génocide" est codifié depuis peu, du moins sous ce terme, dans le droit international et dans le droit français. C'est après la seconde guerre mondiale que le besoin d'une Convention spécifique a été ressenti. L'ONU a préparé une telle convention du 5 avril au 10 mai 1948. Elle est entrée en vigueur en 1951 sous le nom de Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. La France (comme d'ailleurs la Turquie) est partie à la Convention.

Naturellement, le fait que les dispositions de la Convention n'aient pas, sur le plan pénal, de caractère rétroactif, n'implique pas que le terme de "génocide" ne puisse être utilisé pour qualifier des événements d'avant 1948 (à commencer par le génocide des juifs par les nazis).

La Convention de 1948 définit le terme de "génocide" de façon relativement large : il s'agit de tout "acte prémédité", tels que "meurtre, atteinte à l'intégrité physique, soumission à des conditions de vie destinées à entraîner la mort, mesures visant à entraver les naissances", commis dans l'intention de détruire un "groupe national, racial, religieux ou politique en raison de l'origine nationale ou raciale, des croyances religieuses, ou des opinions politiques de ses membres" ; les travaux préparatoires montrent qu'il s'agissait dans l'esprit des auteurs de ne pas limiter l'utilisation du terme aux projets d'extermination globale de type nazi. L'URSS, notamment, avait lutté pour une définition plus restrictive, et visant plus strictement les idéologies racistes. La volonté des Occidentaux a été d'inclure sous le concept de "génocide", les exterminations d'ennemis politiques et religieuses.

En France même, le code pénal, article 211-1 donne une définition quelque peu moins large, notamment en mentionnant le concept de plan concerté.

Jusqu'à présent, la notion de "génocide" au sens de la convention de 1948 n'a été en droit international appliquée qu'aux événements du Rwanda.

* 1 Á la suite d'un appel d'offres international, le groupe Pernod-Ricard a acquis au mois de juin dernier cette société pour 30 millions de dollars. Une manifestation rassemblant 3000 personnes a eu lieu pour protester contre cette opération. Des députés arméniens ont mis en cause les modalités de cette cession estimant que les stocks avaient été sous évalués de façon suspecte

La délégation qui a été reçue par la nouvelle direction de l'usine, a pu constater qu'il s `agissait d'un bel investissement. Le « cognac » arménien correspond à une gamme d'alcools de qualité que le groupe français devrait être en mesure d'exporter dans les pays de la CEI en mettant ses capacités commerciales au service d'un bon produit.

* 1 Á la demande du Gouvernement Arménien, l'Union Européenne a décidé en 1992 de financer l'étude de faisabilité, puis la création et l'accompagnement de la Banque Coopérative Agricole d'Arménie (ACBA, Agricultural Co-operative Bank of Armenia). Suite à un appel d'offres international, Crédit Agricole Consultants, filiale de conseil de la Caisse nationale de Crédit agricole, s'est vu confier la mise en oeuvre du projet. Les phases 1 et 2 ont été réalisées avec la collaboration de RIAS des Pays-Bas et de DG d'Allemagne, la phase 4 est actuellement mise en oeuvre avec DFC S.A. (Espagne) et Groupama.

ACBA allie des avantages d'une structure décentralisée et d'un management bancaire professionnel. Son mode d'organisation et de fonctionnement résulte du choix du modèle des banques coopératives européennes, du contexte économique et social local ainsi que des conditions imposées par la Banque Centrale d'Arménie.

Au niveau local, 125 (au 31.12.97) associations villageoises, sections des Unions régionales, dont les 6.000 membres sont des agriculteurs privés, détiennent le capital social des trois Unions Régionales. Leurs conseils d'administration élus sont responsables du premier examen des demandes de prêt. Ils élisent les membres des conseils d'administration des Unions Régionales.

Le conseil d'administration d'ACBA est composé d'un Président et de deux Vice Présidents élus et deux cadres de la banque: le directeur général, nommé par l'Assemblée Générale, et un représentant du personnel. On note que le premier et actuel directeur général de la Banque a été nommé lors de l'A.G. constituante du 28 août 1995 sur proposition de l'équipe d'experts de Crédit Agricole Consultants.

Á peine un mois après l'obtention de sa licence bancaire, le 1er mai 1996, ACBA a accordé son premier prêt. Á la fin de l'année 1996, 1.584 prêts ont été accordés, fin 1997 ce chiffre atteint 4.509, certains membres ayant aujourd'hui contracté leur troisième prêt consécutif

Il s'agit de prêts de campagne à court terme (maximum un an) accordés exclusivement aux agriculteurs-membres suivant une double procédure de sélection : les candidats à un prêt présentent un dossier comportant un business plan qui est soumis pour avis aux membres élus du Conseil d'Administration de l'association villageoise, si l'avis est positif la demande est étudiée et une décision de financement est prise par les agents de crédit et le Directeur des Crédits de la Banque.

Grâce à l'implication des agriculteurs-membres, au professionnalisme et au dévouement des employés de la Banque ainsi qu'à la stricte application des principes bancaires et coopératifs, le taux de remboursement des prêts est de 100 % sans discontinuer depuis le démarrage des activités de la Banque. Seuls de courts retards ont été observés.

Á la date du 31 décembre 1997, ACBA compte 45 employés (salariés et stagiaires confondus) répartis au siège à Erevan et dans les quatre agences régionales situées à Etchmiadzin, Artachat, Giumri et Egheduadzor.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page