2. Alors que les objectifs de sa diplomatie concourent à la stabilité dans le sud des Balkans.

La diplomatie macédonienne part du principe que les frontières issues des différents traités, crises et guerres ne doivent pas être remises en cause par la force. Elle n'a aucune prétention territoriale par rapport à ses voisins.

Ses objectifs découlent directement de sa politique intérieure, à savoir faire cohabiter des communautés différentes dans un seul État, selon un modèle qui n'est pas comparable avec celui de l'État-nation. Le succès de cette construction affaiblirait les prétentions des partisans de la Grande Albanie, comme celles des partisans de la Grande Serbie.

Dans les premiers temps de l'indépendance macédonienne, les déclarations malheureuses, émanant principalement du VMRO, ont heurté profondément l'identité nationale grecque.

Les autorités macédoniennes ont affirmé à la délégation sénatoriale que le dialogue avec la Grèce est possible s'il n'est pas porté atteinte à la dignité de l'État de Macédoine. Tout est négociable, y compris le drapeau, mais pas le nom. Demander à la République de renoncer à son nom n'est pas raisonnable (« quel serait d'ailleurs le nom de cette République ? » , comme le demandent les Macédoniens), la recommandation du conseil de Lisbonne (1992) de l'Union européenne n'a pas été appréciée par Skopje, qui a eu l'impression que les Douze (à l'époque) ne comprenaient absolument pas la situation des Balkans. Les Macédoniens avaient placé beaucoup d'espoir dans l'initiative VANCE, mais l'intransigeance grecque n'a pas permis de concrétiser cette rencontre. Pourtant, comme le président GLIGOROV l'a réaffirmé à la délégation sénatoriale, il n'y a pas d'autre issue que le dialogue.

La situation était jusqu'à début septembre 1995, en effet, complètement bloquée pour la reprise des négociations directes. La Grèce, le 23 mars 1995, acceptait l'invitation du médiateur spécial de l'ONU, Cyrus VANCE, de se rendre le 6 avril à New-York pour rencontrer les responsables macédoniens. Le 5 avril, ces négociations directes étaient reportées, car Skopje n'avait pas répondu à la proposition de M. VANCE, conditionnant cette reprise à la levée de l'embargo. Or, Athènes réclamait de la République « skopjote » le changement de drapeau, une réforme de la constitution et la cessation de sa « propagande hostile », comme l'expliquait le porte-parole du Gouvernement grec, M. Evangélos VENIZÉLOS.

Avec l'Albanie, la Macédoine a entamé une politique de rapprochement qui a porté ses fruits. Des contacts bilatéraux sont fréquents, tant au niveau de l'exécutif qu'au niveau des parlementaires eux-mêmes. Organiser des rencontres régulières entre les deux présidents BERISHA et GLIGOROV est une nécessité.

Avec le voisin du Nord (République Fédérale de Yougoslavie), qui ne l'a pas reconnue, la Macédoine a une politique prudente; elle dénonce les atrocités commises par les Serbes de Bosnie et juge dangereux le rêve « grand serbe » construit sur l'idée que la Serbie est le rempart de l'Occident. Elle redoute les tentatives conjointes de Belgrade et d'Athènes pour isoler la Macédoine. Les autorités macédoniennes soupçonnent le président MILOSEVIC de rêver d'une « confédération entre la Serbie et la Grèce, en rayant l'État macédonien de la carte » 4 ( * ) . Elle suit avec inquiétude ce qui se passe au Kosovo. Un afflux d'Albanais du Kosovo pourrait déstabiliser la Macédoine. En même temps, elle est profondément dépendante de ce grand partenaire commercial (énergie). Si jamais l'embargo onusien était levé, il s'agirait d'un handicap majeur en moins ; d'autre part, la Grèce se trouverait isolée.

La Macédoine suit avec inquiétude ce qui se passe en Bulgarie, avec la dégradation du climat politique et la montée de phénomènes mafieux. Elle est néanmoins très reconnaissante au président JELEV d'avoir été le premier chef d'État à la reconnaître, même si la Bulgarie n'a pas reconnu la « nation macédonienne ».

La Macédoine a une volonté d'ouverture par rapport à l'Union européenne et désire être reconnue à part entière dans les différentes institutions. Elle a le sentiment de ne pas maîtriser encore correctement les circuits de décision de Bruxelles. La Commission européenne a porté, le 13 avril 1994, le litige gréco-macédonien devant la Cour européenne de justice de Luxembourg, sommée de condamner l'action d'Athènes et de lui imposer de lever son embargo. La Commission a estimé clairement que l'embargo décrété contre la Macédoine était contraire au traité de l'Union européenne, qu'il constituait une mesure susceptible de fausser la concurrence au sein du marché intérieur de l'Union. Elle a reproché à la Grèce d'avoir décrété cet embargo sans consultation préalable des autres États membres de l'Union européenne. En effet, la décision unilatérale de la Grèce est parfaitement contraire aux règlements communautaires de commerce avec les pays tiers. Une première décision formelle a été prise le 29 juin 1994, lorsque la Cour européenne a refusé de se prononcer d'urgence sur l'affaire, permettant de facto à la Grèce de poursuivre son blocus. L'avocat général JACOBS proposait le jeudi 6 avril 1995 de rejeter - pour incompétence de la Cour - la plainte déposée par la Commission : « il n'appartient pas à la Cour, dans les circonstances du présent cas d'espèce, de statuer sur le fond du différend qui oppose la Grèce à l'Ancienne République yougoslave de Macédoine » . La décision de la Cour de Justice est très importante pour la petite république.

Á terme, la République de Macédoine vise une intégration dans l'Union européenne, avec beaucoup de lucidité quant au temps nécessaire à son entrée.

La Macédoine tente de sortir de son isolement; malheureusement pour elle, peu d'officiels occidentaux ont fait le déplacement à Skopje. M. Alain LAMASSOURE, ministre délégué aux affaires européennes, a effectué la première visite en Macédoine d'un ministre français, le 1er juillet 1994. M. Klaus KINKEL est venu à Skopje le 11 avril 1995, pour des entretiens avec les principales autorités macédoniennes, en déclarant clairement que sa visite avait pour but de « soutenir le Gouvernement macédonien dans la recherche de solutions négociées aux problèmes intérieurs et extérieurs de la Macédoine ; nous devons renforcer ce pays et montrer par notre politique qu'il n'est pas isolé » . Les 6 et 7 juin 1995, le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, M. Miguel Angel MARTINEZ, a effectué une visite officielle en Macédoine. Á cette occasion, il a réaffirmé que la Macédoine, comme l'Albanie, avaient vocation à devenir membres à part entière du Conseil de l'Europe dans un avenir proche.

Les visites du président GLIGOROV à Paris les 8 mai, dans le cadre des cérémonies commémoratives du 8 mai 1945, puis à l'occasion de la conférence de l'UEO (19-22 juin), ont été très appréciées par les autorités macédoniennes. Ce dernier déplacement a permis au président GLIGOROV de rencontrer M. Hervé de CHARETTE, nouveau ministre des Affaires étrangères, M. René MONORY, Président du Sénat, le 20 juin 1995, et M. Jacques CHIRAC, nouveau Président de la République française, le 21 juin.

L'Union Européenne a prorogé le régime commercial autonome mis en place à partir de février 1992 pour la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, après la suspension de l'accord de coopération liant la Communauté et la Yougoslavie.

Elle a accordé, en décembre 1992, lors du Conseil européen d'Edimbourg, une aide de 100 millions d'écus, à répartir à parts égales entre budget communautaire et contribution des États membres. Le différend gréco-macédonien empêche la Macédoine de bénéficier, pour l'instant, des crédits du programme communautaire PHARE, en raison de l'opposition grecque. Ce programme requiert, en effet, l'unanimité.

Les projets de coopération entre la jeune République et la France ne manquent pas.

En ce qui concerne la coopération politique, la France s'est engagée à assurer la formation d'experts (diplomates, policiers). La formation de fonctionnaires du Parlement macédonien est également en projet, depuis la visite du groupe d'amitié sénatorial.

En matière de coopération militaire, des décisions importantes ont été prises en février-mars 1995 5 ( * ) .

Dans le domaine économique, un important projet a été lancé à l'occasion de la visite de M. LAMASSOURE, à savoir l'étude de faisabilité de l'aménagement intégré de la vallée du Vardar. Cette étude a été commencée effectivement en mars 1995, après la signature d'un contrat d'études passé en novembre 1994 entre le consortium macédonien Vardarska Dolina, qui rassemble les grands acteurs économique de la Macédoine, et la Compagnie nationale du Rhône. Cette étude de faisabilité représente un montant de 2,8 millions de francs 6 ( * ) .

Au total, l'enveloppe générale relative aux projets d'équipement et de coopération technique représente 16 millions de francs.

Il est à noter, par ailleurs, qu'ALCATEL-CIT est sur les rangs d'un appel d'offres lancé par la BERD pour la modernisation des lignes téléphoniques.

En matière de coopération culturelle, celle-ci s'appuie principalement sur le Centre Culturel Français existant à Skopje depuis 1975. Ce centre est très actif, au point qu'il ait été désigné par les autorités macédoniennes, non sans humour, comme l'une des plus importantes institutions culturelles de la capitale macédonienne.

* 4 comme l'explique M. Branko CRVENKOVSKI, Premier ministre, dans un entretien accordé au Monde en avril 1995.

* 5 Cf compte-rendu de l'entretien avec M. Blagoj HANDZISKI, ministre de la défense, p. 44-45

* 6 Voir la carte fournie en annexe, p. 56.

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