Rapport d'activité

de la section française

de l'Assemblée parlementaire

de la Francophonie

(1 er octobre 1999 - 1 er octobre 2000)

Présenté par M. Louis Mexandeau,

député, Président délégué de la Section française

BUREAU DE LA COMMISSION DE L'ÉDUCATION, DE LA COMMUNICATION ET DES AFFAIRES CULTURELLES

Aoste, 8-10 novembre 1999

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Le Bureau de la Commission de l'Éducation, de la Communication et des Affaires culturelles s'est réuni à Aoste, en Italie, les 8, 9 et 10 novembre 1999, sous la présidence de M. Bernard Comby, député confédéral suisse. Neuf sections étaient présentes. La section française était représentée par MM. Joël Bourdin, sénateur (RI) de l'Eure), rapporteur, et Bruno Bourg-Broc, député (RPR) de la Marne, vice-président de la sous-commission de l'Éducation.

Après un rappel, par M. Bernard Comby, président, des travaux de la commission ainsi que des recommandations et résolutions adoptées par l'assemblée générale d'Ottawa, M. Robert Louvin, président du conseil régional de la Vallée d'Aoste, hôte du Bureau, a prononcé un mot de bienvenue, rappelé l'identité francophone de la Vallée d'Aoste et évoqué les conséquences pour la région de la fermeture du tunnel du Mont Blanc.

Le Bureau a ensuite adopté son ordre du jour.

M. Dimo Dimov, député de Bulgarie, rapporteur, a présenté un projet de résolution portant sur la lutte contre l'échec scolaire. Un débat s'est engagé, au cours duquel sont intervenus MM. Jacques Chagnon, député du Québec, Joël Bourdin, Ego Perron, conseiller du Val d'Aoste, Robert Louvin, Pascal Manga, député du Sénégal, Nataniel Bah, député du Bénin, ainsi que Mmes Alphonsine N'Diore, député de Côte d'Ivoire, et Teresa Charles, président délégué de la section de la Vallée d'Aoste. Ce débat a notamment porté sur les prolongements de l'éducation par la formation continue, les inconvénients des passages de classe automatiques, l'adaptation des formations aux besoins des entreprises, les "discriminations positives", les taux d'encadrement, l'insertion des élèves lés plus démunis et l'intégration de l'Afrique et de ses particularismes dans la résolution.

M. Robert Louvin, co-rapporteur, a rappelé la nécessité de tenir compte des contraintes budgétaires et a mis en garde contre une école au seul service de la production et de l'économie qui négligerait les enjeux culturels et esthétiques. M. Dimo Dimov, rapporteur, a souligné les spécificités des pays de l'Est. En conclusion, sur proposition de M. Bernard Comby, président, le Bureau a décidé que les sections seraient invitées à formuler leurs remarques par écrit avant le 30 novembre et qu'une synthèse serait rédigée et envoyée aux sections avant la prochaine réunion de la commission, en mars 2000, en vue de l'examen et de l'adoption du projet de résolution à présenter à la prochaine assemblée générale.

M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur, a présenté un pré-rapport sur "la privatisation de la presse et le pluralisme d'opinions". Il y définissait largement la presse, en y incluant l'audiovisuel et le multimédia, et mettait en évidence les avantages, au regard du pluralisme d'opinions, d'une presse privée, par rapport à une presse publique, tout en soulignant les risques d'une application trop libérale des règles du marché. Il s'est aussi interrogé sur les moyens d'appliquer ces principes dans les pays du sud et a sollicité les témoignages de leurs représentants pour approfondir son étude. Au cours du débat, citant l'exemple du Val d'Aoste, M. Robert Louvin a évoqué la question de la survie de la presse francophone dans les pays où existe un pluralisme linguistique. M. Bernard Comby, président, a repris la proposition du rapporteur de procéder à des auditions et a souligné les risques liés aux situations dominantes et aux monopoles. Il a aussi évoqué la place de la presse francophone dans les pays où les francophones sont minoritaires. M. Dimo Dimov a rappelé que l'étatisation de la presse conduisait à centraliser tous les moyens dont dépendait la liberté d'opinion et a mis en garde contre le rachat pur et simple d'une presse étatisée par de grands groupes capitalistes. Il a également mentionné la place considérable prise aujourd'hui par la télévision, approuvant sur ce point les orientations du pré-rapport.

Évoquant la situation du Bénin et du Niger, M. Nataniel Bah a rappelé que la liberté concédée aux journalistes ne suffisait pas à garantir le pluralisme d'opinions, car ceux-ci, confrontés à de graves difficultés économiques, pouvaient être tentés de se mettre aux services des plus offrants, transformant leurs articles en "publi-reportages". Pour lui, la liberté de la presse ne garantissait le pluralisme d'opinions que lorsque les moyens financiers allaient de pair. M. Bernard Comby, président, a rappelé que la formation des professionnels de la presse et la fixation d'un code de déontologie devaient être placées en tête des priorités. Le Bureau a décidé que le rapport et un projet de résolution seraient présentés par M. Bruno Bourg-Broc lors de la prochaine réunion de la commission.

Pendant ses travaux, le Bureau de la commission a reçu la visite de M. Ennio Pastoret, assesseur (ministre) à l'éducation et à la culture du gouvernement régional valdotain. Le ministre a notamment souligné l'importance que revêtait cette réunion pour la défense de la langue française au Val d'Aoste.

Le Bureau, sur la demande du Secrétaire général parlementaire, M. Jacques Legendre, a inscrit la "lutte contre le Sida" parmi ses thèmes de travail et a chargé Mme Alphonsine N'Diore ainsi que MM. Pascal Manga et Nataniel Bah de rédiger un pré-rapport pour la réunion de la commission en mars 2000.

Toujours sur la demande de M. Jacques Legendre, le Bureau a débattu de l'opportunité de rédiger une résolution en prévision des négociations de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) à Seattle. Un texte a finalement été adopté, portant sur l'exception culturelle, la défense de la liberté des États d'organiser la scolarité comme ils l'entendent, et la promotion de normes sociales et environnementales minimales. Cette résolution du Bureau sera immédiatement adressée aux instances concernées.

Le Bureau a également demandé à M. Joël Bourdin de présenter un bref rapport et un projet de résolution sur "l'Université francophone multi-sites de l'Océan indien".

Il a ensuite décidé d'étudier la proposition de M. Jacques Chagnon sur les possibilités de formation à distance en matière parlementaire qu'offraient les inforoutes, afin de s'assurer que ce thème ne relevait pas d'une autre commission.

Enfin le Bureau a fixé, sur proposition de la section gabonaise, la prochaine réunion de la commission à Libreville, au Gabon, du 6 au 10 mars 2000. Il a ajouté à l'examen des rapports et des projets de résolution déjà mentionnés la désignation d'un président provisoire, jusqu'à l'assemblée générale de juillet, en remplacement de M. Bernard Comby, démissionnaire, ainsi que l'audition des nouveaux responsables de l'Agence universitaire de la Francophonie.

SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE

Bangui (République Centrafricaine), 13-15 décembre 1999

La Commission des Affaires parlementaires a organisé à Bangui (République Centrafricaine) du 13 au 15 décembre 1999, un séminaire parlementaire consacré au parlement centrafricain de l'an 2000, décliné en trois sous-thèmes :

- le rôle et le travail du parlementaire

- le rôle de l'opposition et de la majorité

- le rôle des partis politiques

Ce séminaire répondait au souhait exprimé par les autorités centrafricaines de tenir à Bangui, un séminaire parlementaire d'information et d'échanges au profit de l'ensemble des 109 parlementaires centrafricains alors que nombre d'entre eux venaient d'être élus pour la première fois lors du scrutin législatif de novembre et décembre 1998.

M. Pierre Favre, ancien député, est intervenu comme conférencier animateur sur les deux premiers thèmes.

LE TRAVAIL ET LE RÔLE DU PARLEMENTAIRE

Communication de M. Pierre Favre

Remarque préliminaire : à la différence de la République centrafricaine, dont le Parlement est monocaméral, le pouvoir législatif en France est exercé par deux assemblées, l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, et le Sénat, élu au suffrage indirect.

Étant ancien membre de l'Assemblée nationale, j'évoquerai plus spécifiquement dans mon exposé le travail et le rôle du député.

En France, comme en Centrafrique, le député est élu au scrutin uninominal dans une circonscription ; ce faisant, il remplit une double fonction :

- il est d'abord, conformément à la théorie de la représentation nationale, l'élu de la nation, et a vocation, à ce titre, à participer à l'élaboration des lois et au contrôle du

Gouvernement ;

- mais il est aussi l'élu d'une petite portion de territoire - la circonscription -, et ses électeurs attendent d'abord de lui qu'il s'occupe de leurs problèmes.

I - LE DÉPUTÉ, ÉLU DE LA NATION

Dans tout système démocratique, le député dans son assemblée participe à l'élaboration des lois et au contrôle du gouvernement, c'est-à-dire qu'il intervient dans les débats, travaux, réunions qui se déroulent dans le cadre des différentes instances parlementaires.

Si tous les députés sont en principe élus sur une base égalitaire, ils ne jouent pas tous le même rôle au sein du Parlement : leur activité diffère selon qu'ils sont députés « de base », ou qu'ils exercent des responsabilités particulières dans leur groupe politique, dans une commission, ou à l'Assemblée (par exemple, membres du Bureau, rapporteur...) ; ils sont alors chargés à des degrés divers, d'animer les différentes structures de l'assemblée et de régler les conflits.

Le rôle du député dépend aussi - et c'est ce que nous développerons demain - de son appartenance à la majorité parlementaire ou à l'opposition.

Depuis 1995, l'augmentation du travail législatif et la tendance au renforcement du contrôle parlementaire ont conduit à remplacer les deux sessions parlementaires annuelles initialement prévues par la Constitution de 1958 par un régime de session unique d'une durée de 120 jours. Le député consacre en général trois jours par semaine aux travaux de l'Assemblée nationale (du mardi matin au jeudi soir) ou plus, s'il suit un texte ou les travaux d'une commission.

Les trois pôles d'activité principaux sont les travaux en commission, les travaux au sein du groupe politique, et la séance publique.

A) Les travaux en commission

Chaque député doit être membre d'une des six commissions permanentes, tout en ne pouvant appartenir qu'à une seule ; il choisit donc le plus souvent sa commission en fonction de son expérience personnelle et de ses centres d'intérêt, le groupe politique ayant la faculté de trancher si le nombre de candidats pour une même commission est trop élevé.

Les débats en commission, qui permettent de « défricher et d'examiner de manière approfondie les textes, se caractérisent par une assez grande liberté ; les tensions politiques ont tendance à s'apaiser pour faire place à une discussion plus ouverte.

Outre l'examen des textes, les commissions permanentes consacrent une part croissante de leurs travaux au contrôle du Gouvernement.

Cette activité est traditionnelle à l'occasion de l'examen du budget : les rapporteurs budgétaires adressent des questionnaires détaillés aux ministères et auditionnent les différents responsables. Mais elle s'exerce aussi à l'occasion des auditions auxquelles les commissions procèdent avant l'examen de chaque texte important, ou sur les sujets qu'elles ont elles-mêmes choisi d'aborder. En outre, depuis 1988, les commissions peuvent ouvrir à la presse les auditions qu'elles organisent.

Les commissions permanentes recourent de plus en plus souvent aux missions d'information, confiées à un ou à plusieurs députés appartenant à une seule ou à plusieurs commissions. Les missions d'information offrent une plus grande souplesse dans leurs règles de constitution et dans leur fonctionnement que les commissions d'enquête et de contrôle.

B) Les groupes politiques

La participation du député aux différents aspects du travail parlementaire passe très largement par le groupe politique auquel il appartient : l'affectation dans les différentes commissions (permanentes ou spéciales, d'enquête ou de contrôle) nécessite l'accord du groupe, les possibilités d'intervention et le temps de parole dans les discussions générales et débats organisés sont déterminés par lui, de même que l'inscription pour les questions au Gouvernement...

Le groupe met à la disposition des députés des moyens de documentation, ainsi que des personnels - assistants de groupe, secrétariat -, pour les aider dans leur travail parlementaire. En outre, les rencontres régulières qu'il organise avec différentes délégations, groupements syndicaux et socio-professionnels, constituent pour les députés une source d'information appréciable ; lors de la préparation d'amendements sur un texte ou de l'élaboration d'une proposition de loi, ces échanges fournissent des éclairages utiles et permettent d'opérer des choix.

Le groupe étant généralement le prolongement du parti politique à l'intérieur de l'assemblée, il offre un cadre à la constitution de structures de travail en liaison avec les groupes de travail et experts de la formation politique correspondante. Ses réunions plénières hebdomadaires permettent de discuter des grandes orientations qui s'inscrivent très largement dans la ligne de la formation politique, même si le groupe dispose d'une certaine autonomie.

Les députés membres du Bureau du groupe arrêtent avec le secrétariat les positions qui seront défendues dans les débats, animent les groupes de travail, coordonnent amendements et propositions de lois, et organisent ainsi en amont le travail en séance publique.

C) La séance publique

Elle est par excellence le lieu de l'activité parlementaire :

- elle est l'aboutissement du travail préalable considérable qui s'est effectué en commission et au sein des groupes ;

- c'est en séance publique que l'Assemblée se prononce définitivement sur les textes et où peut être mise en jeu la responsabilité du Gouvernement ;

- elle est ouverte aux citoyens et surtout à l'ensemble des médias.

Le programme de travail de l'Assemblée nationale est arrêté par la Conférence des Présidents 1 ( * ) qui se réunit une fois par semaine ; le Gouvernement dispose d'un droit de priorité dans l'ordre du jour, mais depuis 1995, une séance par mois est consacrée à l'examen de propositions de loi.

Les députés ne peuvent assister à tous les débats ; ils suivent prioritairement les débats de politique générale ou les questions au Gouvernement, et, en fonction de leurs motivations - expérience professionnelle, intérêt pour leur circonscription, demande de leur groupe politique -, assistent à la discussion de textes plus spécialisés.

Si la durée des débats en séance publique s'est progressivement accrue jusqu'à devenir très importante, le temps consacré à chaque texte est resté limité car le nombre de projets de lois à examiner a lui aussi augmenté ; les débats sont donc très organisés, chaque groupe dispose d'un temps de parole qu'il répartit entre ses membres et seul, un petit nombre de députés a la possibilité d'intervenir, « une minute d'intervention pour un député représentant 576 minutes de silence pour les autres »...

Toutefois, en dehors du débat organisé, le député dispose de plusieurs moyens d'intervention lors de la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi, ou d'un budget : inscription sur un article, dépôt d'un amendement, intervention pour ou contre un amendement, procédure du rappel au règlement...

II - LE DÉPUTÉ DANS SA CIRCONSCRIPTION

Il ne faut pas sous-estimer le lien qui unit le député à sa circonscription, quelle que soit la diversité des situations locales, liée au découpage électoral - circonscriptions urbaines, rurales, juxtaposition d'éléments sans unité -, à la tradition politique de la circonscription, à l'ancienneté dans le mandat du député, au nombre et à la nature des autres mandats qu'il détient éventuellement.

Mais qu'il cumule ou non les mandats, le député doit jouer localement quatre rôles, à travers lesquels s'exprime toujours plus ou moins sa qualité d'élu national :

- celui de relais de l'information

- d'intercesseur entre les citoyens et le pouvoir

- animateur du développement local

- représentant de la République

A) Le député, relais de l'information

C'est le rôle le plus directement lié à son mandat, le plus politique aussi, qui consiste à faire le lien entre la circonscription, la formation politique et l'assemblée ; ce rôle varie considérablement selon que le député est dans la majorité ou dans l'opposition, mais il comporte toujours deux aspects :

1) expliquer aux habitants de sa circonscription les conséquences locales des mesures adoptées au niveau national et justifier les prises de position de son parti. Le député le fait à l'occasion de discours, rencontres, débats avec les responsables locaux ou avec les électeurs ; par l'intermédiaire de la presse locale ; il publie aussi souvent son propre journal, parfois en association avec plusieurs de ses collègues.

2) en sens inverse, se faire l'écho des préoccupations locales et faire « remonter » les aspirations des populations vers les responsables politiques nationaux. Le député exerce cette activité de médiation, d'abord de façon directe lors d'échanges avec ses collègues en réunion de groupe lorsqu'il revient le mardi de sa circonscription dans son assemblée ; ensuite par le biais des questions qu'il peut poser au Gouvernement en séance publique, deux fois par semaine, et qui sont télévisées, ou des questions écrites, qu'il adresse aux différents ministères, et dont les réponses sont publiées au Journal Officiel et parfois reprises dans la presse locale.

B) Le député, intercesseur entre les citoyens et le pouvoir

C'est la suite logique du rôle précédent, et les députés sont en général organisés pour recevoir les électeurs et répondre à leurs demandes : ils s'entourent d'une équipe de collaborateurs, tiennent des permanences, se déplacent dans les quartiers, répondent au courrier.... Les demandes sont diverses, le député étant souvent le dernier recours lorsque toutes les autres démarches ont échoué.

D'autres personnalités - le maire, le conseiller général ou régional - jouent aussi le rôle d'intercesseurs, mais l'appel au député revêt aux yeux des électeurs une valeur particulière, car c'est lui qui a le plus directement accès au pouvoir.

De fait, dans la plupart des cas, les demandes donnent lieu à des interventions, dont l'efficacité dépend notamment de l'importance du réseau de correspondants sur lesquels le député peut compter, de ses contacts avec les administrations et dans les entreprises.

C) Le député, acteur du développement local

Les affaires locales concernent au premier chef les élus locaux (maires, conseillers généraux, conseillers régionaux). Mais le député aussi, est partie prenante du développement économique, social et culturel de sa circonscription, d'autant qu'il est mieux placé pour l'inscrire dans la perspective plus vaste des enjeux économiques et politiques nationaux.

Il favorise la mise en place de structures nécessaires à ce développement (institutions de coopération intercommunales, par exemple), et s'appuie sur un certain nombre de réseaux et d'institutions dont il est, directement ou indirectement, l'animateur :

- les élus locaux sont souvent les interlocuteurs privilégiés du député, notamment en zone rurale - maires qui appartiennent à la même formation politique ou à des formations alliées, et à défaut, conseillers municipaux minoritaires de son camp -. Le député les aide à résoudre les problèmes quotidiens ou à obtenir les financements ou subventions nécessaires aux communes, auprès du conseil général, du conseil régional, ou des services de la préfecture.

- les milieux socio-professionnels : le député reçoit régulièrement les responsables de la vie économique et sociale (chambre de commerce, d'agriculture, chambres des métiers, syndicats agricoles...)

- les associations trouvent dans le député un interlocuteur capable, non seulement de les appuyer au plan local, mais de relayer leurs idées dans les débats nationaux qui concernent la vie sociale, l'enseignement, l'environnement.

- le député suit de très près l'activité des établissements de sa circonscription (entreprises, établissements scolaires et universitaires, institutions médico-sociales...)

D) Le député, représentant de la République

Le rôle de représentation tient une place très importante dans la vie du député. C'est une fonction lourde et contraignante, mais qui illustre bien la place du parlementaire dans la vie locale, à la fois représentant du Parlement, du peuple, et détenteur de la souveraineté nationale.

Sa présence dans les manifestations officielles confèrent à celles-ci une solennité notoire, mais elle est aussi très appréciée dans les réunions associatives, professionnelles, sportives, culturelles, parce qu'elle leur donne une forme de reconnaissance.

Je souhaiterais conclure par deux remarques :

Le député est au coeur de nombreux paradoxes : à une époque où l'on constate un repli sur soi et une aspiration à la gestion indolore du quotidien, le député doit aller vers les autres et affronter les problèmes ; dans une société de plus en plus complexe, où les valeurs et les idéologies deviennent incertaines, il doit définir les enjeux et proposer des choix.

Malgré la diversité des rôles qu'est appelé à jouer le député, son mandat présente une profonde unité, due à sa nature essentiellement politique, et constitue à la fois un enjeu et un engagement :

- Il est perçu comme un enjeu par tous les acteurs de la vie politique : électeurs, qui surveillent les prises de position de leur représentant, et qui, le cas échéant, lui demandent des explications ; formations politiques, qui ayant accordé l'investiture au candidat, parfois après d'âpres négociations, sont très attentives par la suite à la loyauté de l'élu.

- à l'inverse, le député est tenu à un certain engagement : engagement à l'égard des positions de son groupe politique qu'il a contribué à définir ; mais engagement aussi à l'égard de lui-même, puisqu'investi d'un mandat représentatif, il doit se prononcer selon sa conscience.

LE RÔLE DE L'OPPOSITION ET DE LA MAJORITÉ

Communication de M. Pierre Favre

Le Parlement, dont les élus représentent la nation, vote les lois et contrôle le gouvernement. Dans l'accomplissement de cette double mission, il ne fonctionne pas selon la règle de l'unanimité : il y a une majorité, et une minorité qui s'expriment.

La démocratie suppose l'alternance : une équipe accède au pouvoir, l'exerce sous le contrôle de sa majorité et de l'opposition et est jugée par les électeurs au terme de son mandat. Elle est reconduite en cas de succès, et remplacée par l'opposition en cas d'échec.

Le rappel de ces principes simples permet d'effectuer une première approche des rôles respectifs de la majorité et de l'opposition : la principale mission de la majorité au pouvoir est de soutenir le Gouvernement ; le rôle de l'opposition est d'incarner une force de remplacement (I).

En fait, le contenu de ces rôles est le fruit d'une évolution propre à chaque milieu politique, la réponse à des besoins qui varient en fonction des époques et des contextes.

En France, l'efficacité des rôles respectifs de la majorité et de l'opposition passe par un renforcement des pouvoirs du Parlement et par une clarification du débat politique (II)

I - LE RÔLE DE LA MAJORITÉ EST DE SOUTENIR LE GOUVERNEMENT : LA VOCATION DE L'OPPOSITION EST DE LE REMPLACER

A) Le paradoxe du système français

La multiplicité et l'absence de structure des partis semblant une donnée intangible de la vie politique française, les fondateurs de la V ème République ont assuré la stabilité du régime en donnant à l'Exécutif la primauté sur le Législatif.

La Constitution de 1958 a ainsi mis en place un système dans lequel l'Exécutif peut gouverner avec une faible majorité ou une majorité indisciplinée :

- Le Gouvernement est maître de l'ordre du jour parlementaire (art. 48) ; le domaine de la loi est strictement délimité (art. 34) et le rôle du Gouvernement dans son élaboration est prépondérant (procédure du vote bloqué - art. 44.3 -, restriction du droit d'initiative des parlementaires).

- Les pouvoirs de contrôle des assemblées sont limités : la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause que par l'Assemblée nationale, et selon une procédure compliquée (art. 49).

En fait, très rapidement 2 a émergé un système de partis structurés, clairement séparés entre les formations de la majorité, destinées à soutenir le Gouvernement, et celles de l'opposition, destinées à le critiquer. De 1962 à 1974, ce système de partis a engendré une majorité de gouvernement que l'alternance au pouvoir a rétablie dans un contexte différent, en 1981.

Dès lors, sur le plan institutionnel et plus précisément parlementaire, la Constitution s'est souvent révélée répressive pour la majorité, car les instruments de rationalisation du parlementarisme - recours au vote bloqué (art. 44.3 de la Constitution), à l'engagement de responsabilité (art. 49.3) - ont en fait servi à rationaliser les relations entre le Gouvernement et sa propre majorité.

B) Le rôle de la majorité parlementaire : soutien et participation

a) Appui inconditionnel ou soutien critique ?

Depuis que s'est constitué un système de partis structurés, l'appui inconditionnel apporté au Gouvernement - et par-delà - au Président de 2 ( * ) la République, élu depuis 1962 au suffrage universel - représente le premier devoir et la première fonction de la majorité gouvernementale.

Cette exigence, qui ne faisait pas partie de la tradition française, est plus ou moins facilement entrée dans les moeurs d'abord du parti gaulliste, puis du parti socialiste, parti du Président Mitterrand.

C'est ainsi, par exemple, que les députés socialistes, qui avaient obtenu la majorité absolue des sièges en 1981, entendaient bien demeurer une force de proposition, et ne pas jouer un rôle de « godillots ».

Louis Mermaz, alors Président de l'Assemblée, concevait ainsi le rôle du parti majoritaire :

« le parti, c'est ce qui est essentiel. Le Président, le Gouvernement, la majorité de gauche, cela forme un bloc, le pouvoir. Pour que ce bloc ne s'endorme pas, ne se fossilise pas, il faut que le parti ait un rôle fondamental à jouer. D'abord un rôle de réflexion idéologique, ensuite le parti a pour rôle de veiller à ce que le programme soit appliqué, à être le gardien de ce programme ; par ailleurs, il doit empêcher que le pouvoir ne s'isole, et il doit exercer à travers son groupe parlementaire le contrôle de l'action gouvernementale. »

Le risque est alors que l'Exécutif se fasse déborder par sa majorité parlementaire, surtout si elle est animée par un parti dominant.

C'est pourquoi cette majorité doit être organisée et disciplinée : le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a fonctionné selon le double principe de la liberté de discussion et de la discipline de vote : les Présidents de l'assemblée et du groupe parlementaire (L. Mermaz et P. Joxe), deux proches du Président de la République, assuraient une liaison permanente entre la Présidence et le groupe. Plus qu'en réunion de commission, c'était en réunion de groupe que s'effectuait l'essentiel du travail législatif, et que s'opérait la conciliation entre le rôle actif reconnu aux députés, et la discipline de parti, indispensable au fonctionnement correct du parlementarisme majoritaire.

Le soutien inconditionnel à l'action du Gouvernement et à la personne de ses membres est évidemment plus difficile à obtenir lorsque la majorité est composée d'une coalition de partis politiques.

On l'a vu, par exemple de 1976 à 1981, avec la « fronde » des députés gaullistes à l'égard du Premier Ministre Raymond Barre et du Président Giscard d'Estaing ; on le constate encore à l'heure actuelle, avec la composition « plurielle » de la majorité (Parti Socialiste, Parti communiste, Verts).

Qu'il soit inconditionnel ou critique, le soutien de la majorité a pour contrepartie sa participation au Gouvernement.

b) Une majorité de participation

Sous la V ème République, le soutien qu'apportent les partis de la majorité ne va pas sans la participation de leurs représentants au Gouvernement, même si le principe maintes fois rappelé est que le Gouvernement procède du Chef de l'État, et non pas du Parlement.

Certes, il subsiste toujours des ministres-techniciens, sans attache avec les partis politiques, mais le système de partis en vigueur implique que tout groupe parlementaire appartenant à la majorité de gouvernement ait au moins un ministre et quelques secrétaires d'État.

C) La vocation de l'opposition : constituer une force de remplacement

a) En conséquence, sa fonction revêt trois aspects : critique raisonnée du Gouvernement, proposition d'un programme alternatif, et présentation d'équipes nouvelles

1) L'opposition joue le rôle de garde-fou, prévenant le gouvernement contre tout excès ; elle remplit en fait une mission d'intérêt général en encadrant les actions du Gouvernement. C'est pourquoi elle doit disposer des garanties nécessaires à la mise en oeuvre de sa fonction régulatrice - protection de la personne de l'opposant ; financement des partis d'opposition selon les mêmes critères que ceux appliqués aux partis de la majorité -.

2) L'opposition a vocation à contenir et aiguillonner la majorité au pouvoir, mais aussi à la remplacer. Pour exercer pleinement son rôle, elle doit promouvoir un programme alternatif crédible, proposer le correctif approprié aux travers qu'elle dénonce. En effet, en l'absence de solution de substitution, les titulaires du pouvoir ne sont pas réellement responsables.

3) L'opposition gagne donc à se fédérer et s'organiser pour permettre l'émergence de nouveaux talents, constituer un vivier de personnalités capables participer activement et de manière critique au travail parlementaire, et à terme, de remplacer l'équipe en place.

b) De fait, l'organisation et le fonctionnement des assemblées parlementaires assurent la participation de l'opposition

Tout d'abord, le bicamérisme peut faciliter la représentation de l'opposition : en France, lorsque le Gouvernement et la majorité sont orientés à gauche, le Sénat, assemblée traditionnellement de centre droit, joue le rôle de chambre de l'opposition auprès de laquelle la minorité à l'Assemblée nationale trouve éventuellement un soutien.

Par ailleurs, dans chaque assemblée du Parlement français, des représentants de la minorité siègent au Bureau, participent à la Conférence des Présidents, aux bureaux des commissions permanentes et spécialisées...

Le déroulement de la séance est organisé de manière à ce que l'opposition puisse s'exprimer ; le temps de parole entre les groupes est réparti en fonction de leur importance numérique. Les députés d'opposition disposent de l'initiative des lois, comme du droit d'amendement.

Toutefois, il n'y a pas à proprement parler de statut de l'opposition, bien que l'idée ait été évoquée, au sein de la majorité, avec l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République en 1974. Plusieurs réformes ont été néanmoins introduites dans la lettre et la pratique institutionnelles pour fournir à l'opposition des moyens d'expression supplémentaires 3 ( * ) .

II - L'EFFICACITÉ DES RÔLES RESPECTIFS DE LA MAJORITÉ ET DE L'OPPOSITION PASSE PAR UN RENFORCEMENT DES POUVOIRS DU PARLEMENT ET PAR UNE CLARIFICATION DU DÉBAT POLITIQUE

A) Le mouvement en faveur d'une revalorisation du Parlement français a enrichi les rôles de la majorité et de l'opposition

Dans les périodes de cohérence entre majorités présidentielle et législative, la légitimité principale vient du Président de la République, élu depuis 1962 au suffrage universel ; le Premier ministre et l'Assemblée nationale ont alors, du fait des règles constitutionnelles, un rôle second.

Le souci de donner plus de place à la représentation nationale dans ses différentes composantes a conduit à favoriser l'initiative parlementaire et à développer la fonction de contrôle :

la réforme constitutionnelle d'août 1995 a permis au Parlement de déterminer chaque mois l'ordre du jour d'une de ses séances, et d'y inscrire les propositions de lois, de débats... de ses membres ; cette faculté a profité à tous les groupes politiques, de la majorité ou de l'opposition.

la fonction de contrôle connaît un grand essor :

- les procédures classiques ont été renforcées, avec l'instauration des questions au Gouvernement, à raison à présent, de deux séances d'une heure par semaine ; elles sont, depuis 1981, retransmises en direct à la télévision.

- le rôle d'information des commissions permanentes s'est élargi ; depuis 1996, elles peuvent bénéficier, à leur demande et pour une durée de six mois, des prérogatives des commissions d'enquête.

- ces dernières ont accru leurs pouvoirs d'investigation ; deux réformes intervenues en 1977 et 1991 leur ont donné des moyens nouveaux ; la levée du secret des auditions, notamment, a simplifié leur fonctionnement et accru l'impact de leurs travaux auprès du public.

- le Parlement tente en outre de se doter d'instruments d'évaluation qui lui soient propres (cf. création en 1996 des Offices parlementaires d'évaluation de la législation et des politiques publiques).

Destinée à aménager le rythme de travail et le contenu des débats, l'instauration d'une session unique a entraîné un accroissement des activités de contrôle en séance publique ; la révision constitutionnelle d'août 1995 a apporté un correctif au mouvement de rationalisation du Parlement opéré en 1958.

La disproportion des moyens d'information mis à la disposition respectivement du Parlement et de l'Exécutif, a conduit à moderniser les moyens matériels mis au service des parlementaires, et à développer les effectifs d'aide et d'assistance.

D'autres réformes sont en projet :

- l'accroissement de six à dix du nombre des commissions permanentes, où s'accomplit l'essentiel du travail parlementaire, ce qui permettrait, en outre, de diversifier leurs présidences entre les différentes sensibilités de la majorité, voire de l'opposition ;

- l'extension de la fonction de contrôle à d'autres domaines de l'action publique, défense ou politique étrangère, par exemple ;

- l'approfondissement du contrôle en matière de finances publiques et de dépenses sociales.

Mais si la revalorisation du Parlement a enrichi les rôles respectifs de la majorité et de l'opposition une clarification du débat politique est nécessaire pour que ces deux forces puissent remplir pleinement leur rôle.

B) Une nécessaire clarification du débat politique

a) La question de la cohabitation

La France vit actuellement en régime de cohabitation, c'est-à-dire dans un système où la majorité parlementaire est opposée au Président de la République.

C'est la troisième fois depuis 1986 que ce phénomène se produit, avec, toutefois, quelques différences :

Les deux premières cohabitations (1986-1988, puis 1993-1995) avaient pour origine le renouvellement de l'Assemblée nationale au terme normal de son mandat ; elles ont fait coexister pendant deux ans chacune un Président de la République de gauche élu en 1981, réélu en 1988, et une majorité parlementaire de droite, issue des urnes en 1986, puis en 1993.

La troisième cohabitation a été provoquée par la dissolution de l'Assemblée nationale par le Président Chirac en 1997, et la victoire des partis de gauche aux élections qui ont suivi. Le Président ayant été élu en 1995, cette cohabitation doit donc durer cinq ans, à moins qu'une nouvelle dissolution intervienne avant 2002, date des prochaines élections législatives.

Pour certains, la cohabitation est positive : elle favorise l'approfondissement de la démocratie en permettant à chaque camp - aux deux grandes familles principales de la vie politique française - d'être représenté et de participer au processus de décision ; elle organise ce faisant un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs, le Gouvernement étant couplé avec sa majorité parlementaire, et le Président de la République étant le chef de l'opposition.

Pour d'autres, il n'y a pas de démocratie sans débat et séparation claire entre majorité et opposition.

b) Les conséquences de la cohabitation

L'actuelle cohabitation « longue et consensuelle » fausse le clivage entre majorité et opposition :

1) le Président de la République est tenu à des compromis tactiques avec le Gouvernement, faute de pouvoir mener une guerre ouverte qui conduirait à une crise institutionnelle.

En choisissant le consensus, il s'éloigne de son soutien qu'est l'opposition ; par ailleurs, s'il décide de se représenter à l'élection présidentielle, il devra défendre un programme antagoniste à celui qu'il aura accepté pendant cinq ans.

2) l'opposition qui considère peu ou prou le Président comme son leader voit son action entravée ; elle dispose d'une moindre marge de manoeuvre pour élaborer un projet alternatif et doit choisir entre s'effacer dans l'orbite du Chef de l'État, ou regagner sa pugnacité en se libérant de la tutelle présidentielle qui la neutralise.

3) Pour le gouvernement, l'absence d'une opposition forte est préjudiciable, car faute d'une critique externe, il doit trouver à l'intérieur de sa majorité la force de résister aux surenchères.

On insistera en conclusion sur les devoirs attachés aux rôles respectifs de la majorité et de l'opposition, et brièvement évoqués au cours de cet exposé :

- en ce qui concerne la majorité, respecter l'opposition dont la tâche est de proposer des solutions alternatives et de défendre des opinions différentes ; favoriser sa participation à l'activité et aux décisions législatives, en lui donnant les moyens de s'opposer efficacement.

- du côté de l'opposition, reconnaître la légitimité de la majorité régulièrement élue, assumer sa fonction de manière responsable en prenant une part effective au processus institutionnel ; se préparer à son rôle de future majorité, en ayant conscience qu'elle représente un recours.

* 1 La Conférence des Présidents comprend le président de l'assemblée, les vice-présidents, les présidents des groupes politiques, les présidents de commissions, le rapporteur général de la commission des Finances, ainsi que le ministre représentant le Gouvernement.

* 2 Dès 1962, avec la crise qui accompagna le référendum concernant l'élection du Président de la République au suffrage universel

* 3 1) la modification la plus importante résulte de la réforme constitutionnelle d'octobre 1974, qui donne à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de déférer les lois, avant leur promulgation, au Conseil Constitutionnel ; une autre réforme est l'institution, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, des questions au Gouvernement, qui s'est faite en marge de la Constitution, par un accord direct entre l'Exécutif et l'Assemblée nationale.

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