TABLE RONDE 3 -
LES BAILLEURS DE FONDS ET
LES PROJETS SUIVIS PAR L'AFD

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique


Ont participé à cette table ronde :

M. Frédéric MINARET, coordinateur régional pour le Mozambique, Agence française de Développement (AFD)
Mme Francine LEROY-DEGRAVE, chef de projet « marchés publics », Service Organisations internationales et Bailleurs de fonds, Business France

M. Frédéric MINARET. - L'AFD est active au Mozambique depuis 1981. Le Mozambique ne fait pas partie des 14 pays prioritaires définis par l'Agence et nous y intervenons principalement sous la forme de prêts. Le cadre d'intervention de l'AFD se concentre principalement sur les infrastructures, avec notamment l'énergie et l'eau. Nous agissons également en matière de biodiversité. L'Agence appuie par ailleurs le développement du secteur privé au travers de sa filiale Proparco et des garanties ARIZ.

Nos engagements représentent au total environ 1 milliard d'euros depuis 1981, principalement dans l'énergie (41 %), la santé et le secteur privé (dont 12 % à travers Proparco).

M. Arnaud FLEURY. - Est-ce beaucoup par rapport aux pays comparables ?

M. Frédéric MINARET. - Ces montants apparaissent comme très corrects par rapport aux pays comparables.

L'AFD a un portefeuille actif de 37 projets qui représentent environ 345 millions d'euros. En 2014, elle a financé sept marchés pour un montant total de 69 millions d'euros. Quatre de ces marchés, qui représentent 80 % de ce volume total, ont été remportés par des entreprises françaises. Pour les trois autres marchés, aucune offre française n'avait été remise, les marchés ayant été jugés trop petits (2,5 à 6 millions d'euros). Ils ont été remportés par des entreprises portugaises et chinoises.

Du côté mozambicain, les cinq priorités en termes de développement sont :


• l'amélioration de la production et de la productivité agricoles ;


• la promotion de la création d'emplois ;


• le développement humain et social ;


• la bonne gouvernance ;


• la stabilité macroéconomique.

Il faut noter l'arrivée massive au Mozambique, depuis peu, de bailleurs de fonds non traditionnels que sont notamment la Chine, l'Inde et le Brésil.

Nos interventions sont actuellement tournées vers quatre secteurs. Dans le domaine de l'énergie, l'AFD finance 25 millions d'euros au titre du projet EDAP, qui représente 215 millions d'euros au total. Cela fait partie des marchés pour lesquels aucune réponse française n'a été soumise lors des consultations en raison du montant du marché, jugé trop faible. Le deuxième marché concerne les centrales électriques de Mavuzi et Chicamba. Le total de ce programme se montait à 100 millions d'euros. L'AFD y intervenait pour 50 millions d'euros. Le marché a été attribué en 2012 au groupe Cegelec-Hydrokarst. Il s'agit du premier contrat de Cegelec au Mozambique. Alstom avait également soumis une offre pour ce marché.

Le deuxième secteur d'intervention est celui de l'eau. Là encore, les marchés proposés (40 millions d'euros) ont été jugés trop petits par les entreprises françaises, qui n'ont pas répondu. Les marchés à valeur ajoutée, c'est-à-dire les stations, auraient pu intéresser ces sociétés mais aucune offre n'a porté sur cette partie. En revanche, concernant la supervision de travaux, Louis Berger a remporté les différents appels d'offres consécutifs qui ont été lancés.

Le troisième secteur est celui des transports, où l'AFD a mobilisé 44 millions d'euros. Le programme complet a été remporté par le groupe RAZEL dans le cadre d'un marché de 65 millions d'euros. Deux autres contrats sont à venir dans le cadre de ce programme, concernant des prestations intellectuelles et des fournitures.

Le denier programme sur lequel nous travaillons actuellement porte sur la construction de deux hôpitaux dans la province de Sofala, pour un montant de 23 millions d'euros. L'AFD y investit 12 millions d'euros. L'intégralité des consultations (marché de travaux, marché de fournitures, marché d'équipements, supervision) sont à réaliser.

M. Arnaud FLEURY. - Le cadre a évolué et vous intervenez désormais au travers de prêts non souverains. Peut-être faut-il l'expliquer à notre auditoire.

M. Frédéric MINARET. - Effectivement. Lorsque le Mozambique a vu son statut changer, fin 2013, pour passer en « orange » du point de vue des risques d'emprunt (« risque modéré »), en raison du niveau d'endettement public, l'AFD ne pouvait plus intervenir dans le pays au travers de prêts souverains. Nous réorientons depuis lors nos concours au travers de prêts non souverains. Ils bénéficient à des entités parapubliques et au secteur privé.

À ce jour, nous avons identifié des opportunités dans le secteur ferroviaire, avec le développement de corridors ferroviaires, en lien avec la CFM (Ports et chemins de fer du Mozambique). En matière d'électricité, nous intervenons déjà et souhaitons continuer de le faire, notamment au travers de contrats d'assistance technique pour EDM (Électricité du Mozambique).

Dans l'éducation, nous avons conclu l'an dernier un accord avec le groupe privé Aga Khan pour développer une académie d'excellence au Mozambique. Ce programme doit démarrer en 2016. Enfin, nous continuons d'appuyer le groupe Proparco dans l'identification de ses projets.

M. Arnaud FLEURY. - Avez-vous l'impression que les entreprises françaises étudient avec intérêt ces opportunités ?

M. Frédéric MINARET. - Oui, puisque 80 % des programmes sont remportés par des entreprises françaises. Celles-ci doivent continuer d'être vigilantes. Je les invite également à interagir avec l'AFD et à nous soumettre des propositions pour le développement du secteur non souverain afin de voir s'il est possible d'intervenir ensemble.

M. Arnaud FLEURY. - Mme Leroy-Degrave, comment les entreprises françaises qui seraient intéressées par le Mozambique doivent-elles s'y prendre ?

Mme Francine LEROY-DEGRAVE. - Je comprends que de nombreuses sociétés ici présentes sont déjà actives sur le créneau des marchés publics internationaux. Mon objectif sera de convaincre celles dont ce n'est pas le cas. Rappelons d'abord que les marchés publics internationaux représentent 9 000 milliards de dollars d'achats par an, soit 15 % du PIB mondial. Il y a là un segment auquel on ne peut rester indifférent.

Ce segment de marché vous ouvre une portée d'entrée vers de nouveaux marchés et offre l'opportunité de déployer de nouveaux partenariats commerciaux et technologiques. Ces appels d'offres constituent aussi le moyen d'obtenir des volumes d'achats importants et réguliers. Des projets vont émaner de bailleurs de fonds et un certain nombre d'appels d'offres (mis en place par des agences d'exécution) vont en découler.

En outre, les bailleurs de fonds internationaux apportent une sécurité et une garantie de paiement, à la différence des agents et distributeurs avec lesquels la situation est parfois plus compliquée, lorsqu'il s'agit de trouver un partenaire pour l'export.

Vous disposerez d'une visibilité internationale et pourrez mettre en avant des références prestigieuses.

Enfin, ce sont des contrats accessibles aux PME. On nous objecte trop souvent que les marchés publics constituent l'apanage des grands groupes, ce qui n'est pas vrai : 50 % des contrats sont destinés à des PME. Celles du secteur des biens d'équipement, particulièrement représentées ici, si j'ai bien compris, sont concernées au premier chef.

L'Union européenne constitue le premier bailleur de fonds au monde et est présente au Mozambique. Il en est de même des agences de l'ONU, parmi lesquelles la Banque mondiale et sa société financière internationale (IFC), des agences bilatérales telles que l'AFD et les agences comparables de nombreux pays. La Banque d'exportation et d'importation de Chine (China Exim Bank) est également présente au Mozambique. Les Brésiliens sont présents dans le pays à travers la Banque brésilienne de développement (BNDES), de même que les Indiens. Tous ces organismes ont des projets au Mozambique.

Pour optimiser vos chances de remporter ces marchés, il faut vous familiariser avec les spécificités des bailleurs de fonds. Une fois l'appel d'offres paru, soit votre savoir-faire technologique répond à la demande, soit il n'y répond pas. Il faut donc connaître en amont les différents projets des bailleurs. Vous pouvez également mettre en place une veille sur les appels d'offres. Business France peut vous y aider, puisque l'Agence dispose de la base de données PROAO dédiée aux projets et appels d'offres.

Il faut également connaître les codes et clés de langage de chacun de ces bailleurs. Là aussi, nous pouvons vous aider puisque nous mettons en place une formation d'une journée (Formatex) destinée aux entreprises pour la réponse aux appels d'offres.

Vous devez ensuite vous faire connaître des bailleurs de fonds sur place et des agences d'exécution, dans une logique de lobbying. Une fois le projet défini par le bailleur de fonds, l'appel d'offres sera lancé par l'agence d'exécution. Dans le cas d'un programme de construction de routes, les appels d'offres seront par exemple mis en place par le ministère des travaux publics. Le fait d'aller rencontrer votre bailleur pour lui présenter votre savoir-faire technologique et ensuite l'agence d'exécution, pour lui présenter ces mêmes capacités, augmentera les chances de voir les appels d'offres solliciter le savoir-faire dont vous disposez. Là encore, nous pouvons vous aider puisque nous disposons dans notre service d'un agenda qui prévoit des rencontres avec les bailleurs, des agences et dans certains cas avec des partenaires potentiels. De plus en plus, en effet, les bailleurs demandent, dans le cadre des réponses aux appels d'offres, un partenariat avec une entreprise locale.

Il faut connaître les filières porteuses d'opportunités. Elles ont déjà été évoquées (tourisme, développement rural, formation, télécoms, BTP, mines, etc.). Voici une carte des projets de la Banque mondiale qui concernent le Mozambique. On voit immédiatement l'abondance de ces projets, qui signifie que chacun peut trouver une opportunité correspondant à ses domaines de compétences.

Le transparent suivant décrit le cycle de vie d'un projet. Vous pouvez y lire la date de conception d'un projet, sa date d'approbation, la date de premier déboursement et la date de fin de projet. On voit qu'un projet peut durer dix ans et être jalonné par différents appels d'offres au cours de cette période. Avant même le projet, on dit que les projets sont « dans les tuyaux». Durant cette phase préliminaire, quatre étapes distinctes peuvent être mises en évidence : l'identification ; la préparation et l'évaluation ; la négociation ; l'approbation. Puis démarre le projet lui-même.

Vous trouverez parmi les documents qui vous seront envoyés une présentation « Powerpoint » décrivant en détail les caractéristiques de notre base de données PROAO « projets et appels d'offres », qui compte à ce jour un peu plus de 2,9 millions de projets et appels d'offres répertoriés. Il vous suffit de créer un profil pour pouvoir accéder à ces informations.

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