E. ENTRETIEN AVEC LE MAIRE D'ADDIS-ABEBA, M. DIRIBA KUMA (13 OCTOBRE 2015)

La délégation a également pu s'entretenir avec le Maire d'Addis-Abeba, M. Diriba Kuma.


Statuts d'Addis-Abeba

L'article 49 de la Constitution éthiopienne de 1994 donne un statut spécial à la capitale, Addis-Abeba. Selon l'article 49, elle est pleinement autonome. Ville-État (comme Dire-Daoua) on la considère généralement comme la dixième entité du pays. Son gouverneur -le chef de l'administration- est élu par le conseil local.

L'administration d'Addis-Abeba est responsable devant le gouvernement fédéral. Elle est représentée à la Chambre des représentants.

Les intérêts de l'État fédéré d'Oromia sont pris en compte du fait de la localisation de la capitale fédérale sur son territoire.

Le Maire a souligné que sa ville était en pleine croissance et que l'accroissement de la population implique des besoins importants en infrastructures et en investissements. Il a cité à cet égard l'ouverture d'une zone industrielle de 700 hectares à l'Est d'Addis-Abeba. Face à ces défis, il s'est félicité du soutien apporté par la France au développement de la capitale (« une de nos meilleures coopérations »). Il a en particulier mentionné le soutien de l'AFD, pour la réalisation du site de gestion des déchets, qualifié par M. le maire de « très avancé pour l'Afrique », ainsi que pour la ligne de bus rapide, BRT, « révolutionnaire pour Addis ». Y ont contribué par ailleurs, le Grand Lyon qui a conçu avec ses experts le plan directeur d'Addis-Abeba, et la société Egis, sur financement de la Banque mondiale.

M. Jean-Marie Bockel, Mme Brigitte Collet (Ambassadeur de France),
MM. Louis Duvernois, Diriba Kuma (Maire d'Addis-Abeba) et Yves Collombat

Il a formulé le voeu de voir des groupes français investir dans la construction d'hôtels de luxe, les parcs industriels et évoqué la construction de lignes de tramway. Il a accepté une invitation à se rendre à Paris la semaine du 26 octobre pour participer à la « Conférence sur les mobilités urbaines » organisée par la SNCF. Il a marqué son intérêt pour des échanges avec l'AFD sur les questions de transport urbain ainsi qu'avec la Mairie de Paris pour développer des liens entre les deux villes.

Enfin, M. Louis Duvernois a soulevé l'urgence de renouveler le bail du Lycée Guebre-Mariam par anticipation afin d'engager des travaux.

F. DÉPLACEMENTS À DIRE DAOUA ET À HARAR (14-15 OCTOBRE 2015)

Les 14 et 15 octobre, la délégation s'est ensuite rendue à Dire Daoua et à Harar, afin d'approfondir sa perception du fédéralisme éthiopien (voir l'analyse spécifique en première partie du présent rapport).

À Dire Daoua, seule ville, avec Addis-Abeba, à avoir un statut de « ville-État » dans la Constitution éthiopienne, la délégation a été reçue par le Vice-président du « Conseil administratif » de la ville, M. Abdella Ahmed.


Dire Daoua : les raisons d'un statut particulier

Le statut spécifique de la seconde ville d'Éthiopie, Dire Daoua, n'a été définitivement arrêté qu'en 2008. La diversité culturelle de la ville ne lui permet pas de s'accommoder du cadre ethno-fédéral de la Constitution de 1994 qui prévoit, idéalement, que chaque nationalité, telles qu'elles sont définies à l'article 39-5 de la Constitution, constitue une communauté culturelle et linguistique homogène et dispose de sa propre autonomie territoriale.

Les conflits qui risquaient de s'exacerber du fait de l'imbroglio des identités sont également révélateurs de l'atomisation de l'ethnie oromo. Elles ont conduit après une période transitoire au cours de laquelle le maire était nommé par le gouvernement central, au statut actuel avec un régime parlementaire.

Le Vice-président s'est félicité des relations de longue date établies entre la France et son pays et notamment avec Dire Daoua, qui fut longtemps le centre névralgique du chemin de fer franco- puis djibouto-éthiopien. La coopération avec la ville de Villeurbanne redonne à ce partenariat ancien une nouvelle jeunesse avec divers projets en matière d'urbanisme et d'amélioration des services publics (la délégation a d'ailleurs croisé à l'aéroport une délégation de la municipalité de Dire Daoua qui se rendait à Villeurbanne dans le cadre de ce jumelage). Il a présenté les particularités du fédéralisme appliquées à sa ville (régie non par une Constitution régionale mais par une Charte).

Mme Collet, M. Collombat, M. le Vice-Président Abdella Ahmed,
M. Duvernois et M. Bockel

Il a notamment souligné que les pouvoirs de la ville-État couvraient les domaines législatif, exécutif et judiciaire après l'élection directe par la population tous les cinq ans. C'est le Parlement de la ville qui nomme un exécutif et un Président. Le chef de l'Exécutif est le maire. Celui-ci est choisi par le parti majoritaire mais sa nomination est approuvée par le Parlement. La ville-État dispose de son propre budget, de l'ordre d'un milliard de birrs qui provient pour plus de la moitié du budget fédéral, le reste étant couvert par les ressources propres telles que définies à l'article 97 de la Constitution.

L'organisation institutionnelle éthiopienne est un fédéralisme des Nations et nationalités. La démocratie instaurée depuis 1995 reconnaît l'égalité des Nations, de leur langue etc. Le fédéralisme rassemble les 80 nationalités éthiopiennes dans un même ensemble. Avec la Constitution nouvelle, les Nations ont regagné leur dignité. Le fédéralisme a permis l'union des Nations.

Selon le Vice-président, les relations avec le niveau fédéral se tiennent sur une base pragmatique et non obligatoire, sous la forme de réunions régulières avec les bureaux locaux des administrations fédérales pour faire le point sur l'avancement des affaires. Le maire rend compte de sa gestion sur une base trimestrielle au Parlement de la ville État.

La délégation a également pu visiter l' Alliance éthio-française de Dire Daoua , seul établissement culturel de la ville, et prendre la mesure du rôle central qu'elle joue dans la diffusion de la francophonie dans la région (notamment en soutien au programme-pilote de réintroduction du français dans l'enseignement secondaire éthiopien) mais aussi de la fragilité de sa situation financière et de ses difficultés actuelles avec les services fiscaux. Les sénateurs ont enfin pu rencontrer quelques membres de la petite communauté française de Dire Daoua à l'occasion d'un dîner.

Arrivée à Harar , la délégation a été accueillie par le Président de l'État régional de la Nation du Peuple harari, M. Murad Abdulhadi. Celui-ci a décrit la spécificité de la situation de sa région, la seule qui soit dirigée par une coalition de deux partis : l'antenne locale du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDRPE / EPRDF), d'une part, et la Ligue nationale hararie (LNH / HNL), d'autre part. Ce partage du pouvoir permet en particulier aux Hararis autochtones, pourtant minoritaires numériquement mais qui disposent de leur propre Chambre (14 élus contre 22 pour la Chambre des autres nationalités), de conserver la présidence de la région, en vertu d'un article de la Constitution favorisant les minorités. Le Président de l'État désigne ensuite un exécutif de 10 membres. M. Murad Abdullahi a rappelé combien l'État de Harar attendait de la France dans les domaines de la démocratie, de la tolérance, du tourisme, de l'éducation et de l'économie.

La délégation sénatoriale avec M. Murad Abdullahi

S'agissant des difficultés actuelles de la coopération décentralisée avec Charleville-Mézières (ville natale d'Arthur Rimbaud qui vécut les dix dernières années de sa vie à Harar), axée sur la valorisation du patrimoine culturel harari, la délégation a promis son appui à la relance de ce partenariat.

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